Le Transhumanisme, rêve ou cauchemar
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Le Transhumanisme, rêve ou cauchemar
Le Transhumanisme, rêve ou cauchemar ? Mai 2014 Roger GIL Directeur de l’Espace de Réflexion Ethique Régional Poitou-Charentes. L’être humain saura-t-il accepter ses limites et viser à s’accomplir ce qui veut dire faire grandir son humanité au sein même de ses limites. Faute d’accepter ses limites, l’être humain s’enferme alors dans une spirale de la toute puissance. Où peuvent mener ces spirales ? Car ils sont divers, à l’image de l’imagination humaine, ces projets de toute puissance. Il y eut le rêve du surhomme qui voulait avec Nietzsche faire grandir ensemble le bonheur et l’instinct, débarrasser l’homme de toute culpabilité, de tout ressentiment et Nietzsche écrivait dans « Par-delà le bien et le mal » que le respect d’autrui et la juste réciprocité si l’on tentait d’en faire le principe fondamental de la société ne pouvait être que des principes de négation de la vie, de dissolution et de décadences et il ajoutait : «… qu’il fallait s’interdire de toute faiblesse sentimentale… » car, pour Nietzsche, vivre c’est essentiellement dépouiller, blesser, violenter le faible et l’étranger, l’opprimer, lui imposer durement ses formes propres, l’assimiler ou tout au moins disait il : « …c’est la solution la plus douce, l’exploiter… ». Et c’est ainsi seulement que l’homme pourrait viser le surhomme. On sait les dérives qu’engendrera cette philosophie provocatrice quand elle fut prise à la lettre. Aujourd’hui, certains êtres humains, certains groupes sont pris dans une autre spirale de toute puissance qui est celle du transhumanisme. Le transhumanisme vise à faire échapper l’Homme à sa condition humaine, afin qu’il devienne un être post-humain, échappant aux caprices de l’évolution, aux maladies, au vieillissement, à la mort. Le transhumanisme vise à « augmenter » l’homme, à le projeter au-delà de ses limites, en l’associant à des ordinateurs (et à leur fabuleuse capacité de calculs) qui peuvent être hébergés dans de minuscules dispositifs relevant des nanotechnologies, implantables dans les corps humains et qui permettront de créer des interfaces homme-machine capables d’agir sur notre environnement mais aussi de nous renseigner instantanément sur nos constantes biologiques pour adapter nos comportements, comme par exemple notre comportement alimentaire. Tel se construira demain un humain connecté, un homme machine dont on voudrait aussi télécharger le contenu du cerveau dans un logiciel dont on pourrait faire des copies. L’Homme biologique deviendrait alors un Homme numérique capable de parcourir le monde de manière quasi-instantanée, sur les réseaux internet, d’entrer en contact avec n’importe qui, dans n’importe quel endroit du monde. Mais d’autres veulent conserver une identité corporelle immortalisée par des cellules souches embryonnaires que l’on pourrait utiliser pour régénérer les organes au fur et à mesure de leur vieillissement. Mais que deviendront les sujets non connectés ou les sujets pour lesquels les cellules souches ne seront pas accessibles ? Peut-on vraiment concevoir une immortalité élective numérique ou biologique qui ferait coexister transhumains et humains ? Lesquels seraient alors les instruments des autres ? Est-ce cet avenir que nous voulons pour l’humanité ? Il est temps de repenser aux limites qui font l’humanité car il y a encore tant à faire pour faire grandir l’Homme au sein-même de son humanité. © Roger GIL, le transhumanisme rêve ou cauchemar ; www.espace-ethique-poitoucharentes.org