«Le logiciel embarqué est plus que jamais un domaine stratégique

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«Le logiciel embarqué est plus que jamais un domaine stratégique
Rencontre avec Dominique Potier
« Le logiciel embarqué est plus
que jamais un domaine stratégique
pour l’industrie »
DOMINIQUE POTIER
Directeur Recherche
et Technologie du pôle
Systematic.
Le domaine des technologies
du logiciel embarqué et des objets
connectés et intelligents vient
d’être considéré comme prioritaire
par les pouvoirs publics dans
le cadre des investissements
d’avenir. Le rapport rédigé
par Dominique Potier à cette
occasion prône un renforcement
de l’investissement en R&D
à hauteur de 500 millions
d’euros et la création
de l’association Embedded
France pour fédérer
les initiatives et assurer la
promotion de ce secteur
en France et à l’étranger.
En 2010, vous avez conduit une mission
importante sur le domaine de l’embarqué
en France avec, à la clé, la publication
du rapport « Briques génériques du logiciel
embarqué ». La feuille de route élaborée
à cette occasion avait ensuite servi de base
aux appels à projets lancés en 2010, 2011
et 2012 par le Fonds national pour la société
numérique (FSN) des Investissements
d’avenir. Pourquoi vous êtes-vous lancé
dans l’écriture d’un nouveau rapport sur
le logiciel embarqué en France ?
Dominique Potier
D’abord parce qu’on me l’a demandé !
Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée
des PME, de l’innovation et de l’économie
numérique, Arnaud Montebourg, ministre
du redressement productif, et Louis
Gallois, commissaire général à l’investissement, m’ont en effet confié en
novembre 2012 la mission de faire
12 / L’EMBARQUÉ / N°1
Rencontre avec Dominique Potier
un bilan des appels à projets déjà réalisés (soit 16 projets
sélectionnés, représentant un effort de 192 M€ et bénéficiant
d’un soutien public de 82 M€), d’actualiser la feuille de route
technologique de 2010, et de formuler des propositions
pour animer l’écosystème français du logiciel embarqué.
Quel est l’état des lieux ? Comme nous l’avions anticipé
en 2010, les technologies des systèmes et logiciels
embarqués, qui transforment tous les objets du monde
physique en objets numériques, intelligents, autonomes
et communicants, ont poursuivi leur diffusion au-delà de leurs
secteurs industriels traditionnels (aéronautique, automobile,
sécurité...) vers des secteurs comme le médical, le bâtiment
intelligent, les infrastructures urbaines, etc., jusqu’au grand
public. Porteurs d’innovations en termes de produits
et d’usages, ils impactent désormais l’ensemble des activités
industrielles et de services. Une évolution encore amplifiée
par l’arrivée de l’Internet des objets. De ce fait, la maîtrise
des technologies des systèmes embarqués constitue plus
que jamais un élément-clé de la compétitivité industrielle.
Quels sont les principaux changements que vous percevez
entre 2010 et 2013 dans le paysage des logiciels et systèmes
embarqués en France et en Europe ?
Dominique Potier
pour calculateurs embarqués monocœurs ou multicœurs,
les architectures réparties, le middleware et les réseaux
embarqués, les plates-formes logicielles embarquées
de service et les IHM pour l’embarqué. Le second axe est lié
aux outils de conception et de validation, avec un focus
sur la conception orientée modèles de systèmes et de logiciels
embarqués, ainsi que sur la vérification et la certification
de la sûreté de fonctionnement et de la sécurité informatique
des systèmes embarqués. Enfin, troisième axe à explorer,
celui des algorithmes embarqués, c’est-à-dire des bibliothèques
génériques pour le traitement de signal et de l’image,
le contrôle… et la gestion de l’énergie embarquée.
Sur l’ensemble de ces axes, notre préconisation est de poursuivre l’effort déjà engagé (environ 190 millions d’euros
d’investissement de R&D ces trois dernières années à travers
les projets BGLE sélectionnés) pour atteindre le volume
critique de 500 millions d’euros de R&D qui avait été estimé
dans le rapport de 2010. Les pouvoirs publics sont conscients
de l’enjeu et ont récemment réaffirmé leur intérêt
dans ce domaine des technologies du logiciel embarqué
et des objets connectés et intelligents, notamment dans
le cadre du soutien aux technologies stratégiques du « cœur
de filière » numérique, via le PIA, le Programme d’investissements d’avenir.
Enfin, l’un des aspects importants de votre mission était d’avoir
Au-delà de ce que je viens d’évoquer, j’en vois trois. D’abord,
une réflexion sur l’animation de l’écosystème de l’embarqué
un phénomène de consolidation chez les acteurs industriels.
en France. Que préconisez-vous ?
Avec la volonté des fournisseurs d’outils de conception
et de simulation numériques d’acquérir des compétences
Dominique Potier
dans la partie non physique des objets, donc dans le logiciel
embarqué. L’acquisition de Geensys par Dassault Systèmes,
D’abord, il est important de souligner que plusieurs initiatives
celle du français Esterel Technologies par l’américain Ansys,
importantes dans les années 2005-2007 ont contribué à
ou encore celle du belge LMS par
la structuration et à l’animation
Siemens, vont dans ce sens. En
du domaine du logiciel et
revanche, comme en 2010, on ne
des systèmes embarqués en
voit pas encore émerger d’acteurs
« Avec l’association Embedded France. En particulier la montée
de taille moyenne en Europe.
en puissance des pôles de
France, nous voulons créer
Ensuite, on commence à voir
compétitivité qui ont joué et
arriver des start-up ambitieuses
jouent un rôle majeur dans
un véritable Think Tank
qui devraient jouer un rôle non
le domaine de l’embarqué,
de l’embarqué en France. »
négligeable sur ce marché dans
comme notamment les pôles
les années qui viennent. Je pense
Systematic, Minalogic, Images &
à Kalray pour les systèmes
Réseaux, Aerospace Valley et,
embarqués à multiples cœurs
pour une part, Solutions Commude calcul, à Krono-Safe dans le domaine des systèmes d’exploinicantes Sécurisées, et les actions structurantes du comité
tation à haut niveau de sécurité, ou bien encore Sigfox pour
embarqué du syndicat Syntec Numérique (qui organise
les réseaux dédiés à l’Internet des objets et au marché M2M,
les Assises de l’embarqué). Le Club des grandes entreprises
et IS2T pour les technologies Java embarquées. Enfin,
de l’embarqué (CG2E) et l’association Cap’Tronic, qui
d’une manière générale, par rapport à 2010, nous voyons
a récemment élargi son périmètre d’intervention vers l’embarl’importance grandissante prise par le phénomène open source
qué, sont autant d’organismes qui jouent aussi un rôle
dans l’économie des logiciels et systèmes embarqués.
de soutien à l’écosystème de l’embarqué en France. Il s’agit
maintenant de rassembler ces initiatives. C’est pourquoi
L’un des objectifs de ce rapport 2013 sur les logiciels
nous proposons, avec l’appui des pouvoirs publics dans cette
embarqués était de fixer une nouvelle feuille de route
démarche, de créer l’association « Embedded France ». L’idée
pour l’embarqué. Quels sont les axes de développement
est d’en faire le Think Tank de l’embarqué en France, en fédérant
que vous avez retenus ?
les structures actuelles engagées dans le développement
et la promotion du secteur, pôles de compétitivité, syndicats
Dominique Potier
professionnels, associations professionnelles et leurs membres
(entreprises, organismes de recherche, centres de formation…),
Pour les années qui viennent, nous avons dégagé trois axes
avec comme mission principale d’organiser et de porter
prioritaires, sur lesquels nous pensons qu’il faut que les acteurs
la réflexion nationale sur les enjeux présents et futurs
de l’embarqué en France se concentrent, avec le soutien
du domaine.
des appels à projets. Le premier porte sur les briques et platesformes d’exécution, avec la virtualisation et la parallélisation
Propos recueillis par François Gauthier
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