chroniques lycéennes # 13 - Les chroniques lycéennes
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chroniques lycéennes # 13 - Les chroniques lycéennes
Prix Charles Cros Lycéen de la nouvelle chanson francophone chroniques lycéennes # 13 de l’encre sur les notes rencontres, reportages, critiques Département de la Charente Maritime Site de La Rochelle www.chroniqueslyceennes.fr Des élèves du lycée Saint-Géraud à Aurillac s’affairent cet hiver sur une peinture en anamorphose du logo du collectif Fauve – ci-contre et page suivante édito Faire découvrir aux lycéens la jeune chanson francophone dans ses formes les plus diversifiées, les inciter à écouter, à analyser, à exprimer leurs opinions, leurs émotions : pour la treizième édition des Chroniques lycéennes, cette volonté anime plus que jamais le réseau CANOPÉ et l’Académie Charles Cros. Le principe du programme n’a pas changé : des lycéens, un peu partout en France et à l’étranger – mais aussi des détenus scolarisés – rédigent des chroniques, des analyses-critiques de chanson, à partir d’un CD comprenant des titres récents d’artistes francophones. La cinquantaine de chroniques sélectionnées et publiées dans ce supplément par l’hebdomadaire Les Inrockuptibles sont autant d’occasions de constater la pertinence des analyses, la créativité et la curiosité des élèves. qui ne s’y attendait pas. Au printemps, on s’est pointés à la Coopé avec un bouquin-collector de 112 pages et trois clips exaltés, cadeaux sur mesure offerts à Fauve par des lycéens dont on n’est pas peu fiers. Le blizzard est désormais un vent chaud qui souffle sur le Cantal. Fred Le Falher, Des témoignages émaillent cet ensemble, ils rendent compte de l’importance du travail engagé sur l’année scolaire et du plaisir partagé autour de cette opération avec des rencontres, des ateliers, des concerts… professeur d’arts appliqués au lycée de la communication Saint-Géraud à Aurillac pour en (sa)voir plus : facebook.com/ sgfactory Merci à tous les participants – artistes, enseignants, lycéens – et à tous ceux qui concourent aux côtés de l’Atelier CANOPÉ de La Rochelle et de l’Académie Charles Cros au succès des Chroniques lycéennes – le réseau CANOPÉ, la MGEN, Les Inrockuptibles, la Fédération des festivals de chanson francophone (FFCF), les Francofolies et tout le réseau de partenaires, de lieux de programmation, de festivals en France et à l’étranger. Académie Charles Cros, CANOPÉ Académie de Poitiers et Les Inrockuptibles Sylvie Glatz & Fred Le Falher Soulignons aussi l’engagement de la MGEN à nos côtés par des actions de sensibilisation aux risques auditifs liés à l’écoute de la musique amplifiée. à la rencontre des grands Fauve Cette année, Fauve figurait parmi les heureux élus des Chroniques lycéennes. La participation du groupe à l’opération a donné lieu à plusieurs rencontres et ateliers de travail à travers la France. Petit panorama. Plus d’infos et de chroniques sur le site chroniqueslyceennes.fr II les inrockuptibles chroniques lycéennes Anamorfauve Deux barres horizontales traversées par une diagonale : on peut y voir un signe de maths (“différent de”), un “F” stylisé ou, depuis peu, l’emblème multisupport de Fauve Corp, qui a fait de ce motif un signe de ralliement (ou de raillerie, selon qu’on se situe dans le camp des convertis ou pas). Nous, à Aurillac, on ne joue pas les hipsters blasés, ça colle pas avec le coin où on vit. Fauve, on aime bien. Au lycée Saint-Géraud, où l’on enseigne le graphisme sur fond de rock’n’roll (parce que le son et l’image, quand ça marche ensemble, ça fait des étincelles partout, et dans nos yeux d’abord), on partage nos engouements avec des élèves qui comptent sur nous pour qu’on s’en mette plein la vue, ensemble. Sous l’intitulé SG Factory (SG pour Saint-Géraud, Factory pour Warhol, le Velvet, Tony Wilson et Peter Saville), ça fait dix ans qu’on signe un paquet de bouquins illustrés, affiches sérigraphiées et clips débridés dédiés à nos héros chantants (Daniel Darc, Dominique A, Charlotte Gainsbourg, Patti Smith…), que des partenaires fidèles et précieux nous permettent de côtoyer pour de vrai (merci Hibernarock, merci la Coopérative de Mai) ! Cette année, après La Femme puis Rachid Taha, c’est à la bête Fauve qu’on s’est attaqués. Pendant tout l’hiver, le logo du groupe a subi les outrages (respectueux) de 75 élèves pas frileux, qui ont fini par peindre une fresque Fauve en anamorphose sur les murs décrépis d’une cave à fromage chroniques lycéennes les inrockuptibles III Fauve à Paris Devant le Bataclan, à quelques minutes de notre rencontre avec le collectif Fauve, le stress monte. Comment sont-ils, qu’allons-nous nous dire ? Une multitude de questions mais plus le temps d’y réfléchir, ils sont là ! Nous mettons enfin des visages sur ces voix que nous écoutons en boucle. Nous suivons de près les deux membres du collectif venus à notre rencontre et découvrons la salle mythique du Bataclan, alors que les balances de leur première partie (Grand Blanc) sont en cours. Nous avons donc la chance de partager un moment avec le chanteur et le bassiste dans le cadre intimiste d’une loge. Au fil de la discussion et des digressions, ils retracent leur parcours et nous apprécions leur état d’esprit. Le collectif, c’est avant tout une bande de potes, de gens normaux qui s’expriment, comme ils nous l’expliquent avec entrain. Modestes, ils avouent ne pas être les meilleurs musiciens ou chanteurs mais ce qui importe, c’est de travailler Sylvie Glatz & Fred Le Falher ensemble, chacun apportant son savoir-faire. Arrive le moment de nous quitter : il faut bien qu’ils mangent avant de monter sur scène – et vu l’énergie qu’ils dépensent en concert, ils ont plutôt intérêt à prendre des forces. Leurs premières notes résonnent dans la salle comble. Nous sommes transportées, envoûtées, impressionnées et submergées par l’énergie et l’émotion qu’ils dégagent. Le public autour de nous est conquis. Dans l’autocar qui nous ramène dans la Somme, c’est avec une oreille différente que nous écoutons leurs textes fortement inspirés de leur vécu comme ils nous l’avaient confié quelques heures auparavant. Des images plein la tête, nous sommes reparties avec l’espoir de recroiser leur route un jour et dans l’attente du prochain album. Les élèves de terminale Arcu (Accueil – Relation clients et usagers) du lycée Lamarck à Albert (80), qui remercient chaleureusement les membres du collectif pour leur disponibilité Fauve à Limoges Avec Mme Denis, documentaliste, et M. Chaminade de la radio Beaub’FM, nous sommes partis à l’assaut de Fauve. Direction la salle de concert. Répartition des sièges : fauteuils pour nous, chaises pliantes pour le groupe. Les membres de Fauve sont arrivés, impressionnés par les quinze paires d’yeux rivés sur eux. Côté physique, un look mi-bobo mi-hipster avec un T-shirt de Stupeflip arboré par le chanteur. Une élève se lance avec une question sur la pochette de l’album. La réponse est détaillée, ils sont habitués à l’exercice. Petite déception : pas facile de rentrer dans Fauve Corp. Mais, point positif, ils privilégient l’amitié à l’intérêt commercial et tiennent à leur indépendance. L’entretien s’est prolongé : les dix minutes prévues sont devenues une demi-heure. M. Chaminade a tenté de libérer le groupe qui a refusé malgré leur retard pour les balances. Une heure plus tard, clap de fin avec deux questions cruciales : IV les inrockuptibles chroniques lycéennes les dédicaces et l’emplacement des toilettes ! Fauve a alors demandé qui assistait au concert et nous a offert des places. Avant la rencontre, leur chauffeur nous avait proposé une visite du tourbus, à condition de faire le ménage, mais tout était rangé à notre arrivée. Il faut que le groupe soit soudé pour survivre dans un si petit espace ! Retour aux balances, nous avions la salle pour nous. Après des tests voix, le groupe a filé des chansons pour notre plus grand plaisir. A l’heure du départ, 16 h 25, surprise, le stand de vente était installé et nous avons pu acheter T-shirts et CD qu’ils nous ont dédicacés. Nous sommes rentrés ravis et certains ont ensuite pu assister au concert qui fut un vrai moment de partage avec la reprise en chœur de 4 000 îles. L’aventure ne s’arrête pas là car nous avons enregistré une émission de radio autour de la journée qui sera diffusée par Beaub’FM. Cindy, Corentin, Hugo, Léïa, Léo R., Léo V., Lucas, Maud, Maxime et Quentin, élèves de seconde atelier “Critiqu’Art” du lycée Giraudoux à Bellac (87) Fauve Corp Fauve Blizzard Fauve Corp Anaïs Noiraud et Lucie Ganne Chef-Boutonne Lycée professionnel Jean-François-Cail Tu nous entends Fauve ? Tu nous entends ? Si tu nous entends, sache que nous, on a eu le coup de foudre, le blizzard nous a foutu une claque Woh woh woh imagine-toi, tout ce que tu nous donnes. Cinq artistes pour une tempête. Tu es de ceux dont on a besoin, le remède du cœur, ton dernier album Vieux Frère nous apporte le soleil. Mieux qu’un exutoire, tu as tout emporté sur ton passage, une dizaine de titres à ton nom, avec toujours ton côté positif On a pu voir par tes yeux de fauve la force de ce monde. Si tu nous entends, Fauve, sache que nous t’avons compris… Le reste c’est des conneries ! Raphaëlle Papineau Orvault Lycée Nicolas-Appert Véritable tempête musicale, les cinq membres de Fauve ont su imposer leur style franc et percutant. Le collectif a été créé en 2010 comme un défouloir, un exutoire. Le quintette met alors dans ses chansons tout ce qu’il ne peut plus garder en tête. La chanson Blizzard est une bonne illustration de ce principe. Reproches, injures et révolte, certains s’arrêteront là. Pourtant, ce qui rend Fauve si intéressant, c’est tout ce qui va au-delà. Car derrière ces phrases lancées un peu fort, un peu vite, sous ces injures aux allures agressives, se cachent une bouffée d’air, un message d’espoir. Derrière la révolte perpétuelle du chanteur avec la vie se trouve l’idée qu’on peut s’en sortir. Chanson entraînante et agréable, Blizzard est un appel à la vie, un appel à l’espoir. On nous crie de nous dresser face au blizzard, face au tourbillon qui emporte dans chacune de ses brises une part de nos vies. La dureté du propos ne saurait nous paraître agressive tant elle est justement adoucie par la mélodie et les chœurs féminins aux voix angéliques. Blizzard est un peu l’hymne d’un espoir communicatif, la preuve que l’optimisme est encore là, que l’amour vit toujours et qu’il enterrera la haine, la honte et même la mort. Magda Meziane Lormont Lycée Elie-Faure Fauve n’a sûrement pas choisi son nom au hasard. Cette meute de cinq loups se décrit comme un collectif musical ouvert à la rage de vivre et de partager. Leur premier album de six titres n’était pas encore sorti dans les bacs que les paroles crues et sauvages de leurs chansons résonnaient déjà dans pas mal de têtes. Jeunes partisans chroniques lycéennes les inrockuptibles V du spoken world, sorte de poésie orale, les membres de Fauve laissent imaginer gestes et expressions faciales au simple son de leur voix. D’ailleurs, dans Blizzard, pas de chant : que des cris dans la nuit et des murmures dans le vent. On se laisse rapidement emporter par ce titre, ses instrus apaisantes où des accords de guitare bercent cette envie de se faire la malle qui monte en nous dès les premières secondes, et où la batterie cogne comme un pouls qui s’accélère doucement. Un souffle (pardon, une bourrasque) nomade semble glisser sur cette chanson, comme un désir de liberté et d’évasion imminent. Fauve y livre un véritable coup de gueule contre l’ennui, la tristesse, la honte… bref, contre toute la douleur du monde. C’est un appel à se tenir à nouveau debout et ensemble contre cette douleur, pour que l’on soit “des milliards de mains sur des milliards d’épaules”. Si les plus médisants pensent que Fauve n’est qu’un groupe de bourgeois parisiens gémissants indignes de faire du slam, une chose est sûre, à travers ses chansons, le collectif pointe du doigt les tourments de sa génération toutes classes confondues. Les bêtes féroces de Fauve n’ont pas fini de rôder dans la jungle de l’industrie de la musique, n’hésitant pas à montrer les crocs et leurs cœurs. le meilleur des autres “Fauve dit tout, ose tout. On rentre par les paroles, dans les confessions d’un patient couché sur le divin divan d’un psy.” Kristopher, Metz, unité locale d’enseignement du centre pénitentiaire de Metz. A-France Motown Valérian Jaillet Privas Lycée Vincent-d’Indy Mon arrivée au lycée, y a pas bien longtemps, Depuis que j’crois plus en mes cours, mais que j’crois en la musique, Maintenant j’ai 17 ans et j’t’ai écouté quelques fois cependant, Et j’repense à ta musique où nous avons été nostalgiques, On a grandi avec toi au bord de ton monde vacillant, Et moi je supporte ce monde, tant que tu me rendras amnésique, Eh l’Afrique, le Rwanda, Gaël, et tous les autres, De l’inspi j’en ai jamais eu comme ça j’vous assure, Et puis y a eu d’la réflexion, maintenant je l’appelle obsession, La rythmique, la disposition, et leur mauvaise mesure, Ici, c’est tout, rien, noir, blanc, les dispositions, Bravo a contrario, la place syntaxique et son allure, Mais j’m’habitue Gaël, j’aime me perdre dans cette incompréhension, Et comme j’veux m’exprimer, au mois d’février j’me démesure, J’suis adversaire et des fois j’en sors moqueur, J’suis pas adorateur, juste un jaugeur de tes mots innovateurs. Joseph Léger Rennes Lycée Victor-et-Hélène-Basch Déjà connu de la petite scène française au sein de son collectif de slam Chant D’Encre, Gaël Faye sort en février 2013 son premier album solo Pili-pili sur un croissant au beurre, une des révélations de l’année. Il grave ainsi son nom dans le milieu de la chanson à texte. Né au Burundi d’une mère rwandaise et d’un père français, il quitte son pays natal menacé de guerre à l’âge de treize ans, s’exilant à Paris. Tiraillé entre Afrique et France, il puise son inspiration dans cette enfance tourmentée et se réfugie dans ses textes afin d’exorciser son amertume. Son album, nourri de métissage et teinté de tristesse, est le fruit de dix années de travail. Il s’ouvre avec le titre A-France qui reflète son mal du pays. Il mélange la culture traditionnelle avec celle de la rue, lui donnant un style unique qui brise l’image stéréotypée du rap : jamais la musique n’a été aussi étroitement liée avec les mots ! Des paroles magnifiques sur des musiques aux influences africaines : un incontournable “melting pot”. Cet album autobiographique dénonce aussi la violence des guerres en Afrique et leurs répercussions, dans des chansons plus belles les unes que les autres. Cedric Brudermann Tunis ISC Carthage Et encore un travail à faire… Quelle heure est-il ? 23 h 30 ? De toute façon, je n’avais pas sommeil. A la recherche d’une bonne chanson, je tombe sur un air exotique qui me VI les inrockuptibles chroniques lycéennes ramène loin, très loin dans mon enfance. Intrigué, je continue mon écoute en jetant un coup d’œil au boîtier. Gaël Faye ? En creusant plus loin, je comprends. C’est de ce jeune auteur-compositeur franco-rwandais que sort cet air de semba venu d’un autre continent. La tête un peu légère, je continue mon écoute. Après quatre minutes, je reviens à Tunis comme un enfant revenant sur terre après un conte. L’éloquence du chanteur nous plonge dans l’histoire jusqu’à en oublier le reste (mon contrôle du lendemain). L’artiste mélange bien la puissance du rap et la sérénité du slam pour instaurer une atmosphère teintée de mélancolie. En s’appuyant sur ces rimes recherchées et son flow tranquille, Faye nous dépeint l’image de cet homme troublé, partagé entre deux nationalités, entre deux mondes. Bref, on est transporté des rues de Paris au pays des mille collines au rythme d’une instru monotone et pourtant envoûtante. Monotone ? Non ! Après maintes écoutes, je m’extasie devant le travail de la guitare. Les arpèges à l’électrique nous envoûtent alors que les interventions à la classique avec des airs de musique gitane nous transportent d’un continent à un autre. le meilleur des autres “Puisse ma tribune porter autant de passion et d’admiration que j’en ai été saisi lors de l’écoute de Pili-pili sur un croissant au beurre. Cet album m’a charmé, comme aucun album de rap ne l’avait fait depuis longtemps ! Moi qui pensais avoir perdu le goût du genre, Gaël Faye a su me prendre par la main et me montrer, morceau après morceau, tout ce qu’il avait de plus beau à offrir.” Vincent Chibon, Montpellier, lycée Joffre Lisa LeBlanc Aujourd’hui, ma vie c’est d’la marde Tôt ou Tard Ella Piganiol Aurillac Lycée Emile-Duclaux Ostie qu’c’est ben ! Bien loin des douces jeunes filles à guitare qui chantent l’amour et le beau temps, Lisa LeBlanc arrive en trombe avec son accent acadien très prononcé et son banjo. D’une voix rauque qui n’est pas loin du hurlement, la jeune Néo-Brunswickoise nous raconte amèrement une déception amoureuse. A la première écoute, un simple Français de métropole ne distingue pas grand-chose de cet acadien mâché d’anglicismes. Mais avec un peu de concentration, on perçoit le “message” : Lisa profère des insultes hautes en couleur et à tout bout de champ à l’adresse de l’homme qui a osé la laisser seule. Un chœur mixte vient la rejoindre au refrain pour clamer que “peut-être que demain ça ira mieux mais aujourd’hui (sa) vie c’est de la marde”. La hargne de la jeune fille donne beaucoup de plaisir à l’écoute, nous permettant peut-être d’évacuer nos ressentiments envers les tracas de la vie quotidienne. Avec son style qu’elle qualifie de “folk trash”, Lisa innove et nous offre un genre de musique assez inédit que l’on pourrait situer entre la country et le punk. Et l’on s’aperçoit que nous aussi on était “tanné(s) des chansons de fi-filles”. La belle Acadienne ne fait pas dans la dentelle et on aime ça. Agathe Audéon Nantes Lycée Carcouët Jeune et acadienne, Lisa LeBlanc est arrivée dans notre pays avec son premier album rempli de sincérité. Appréciée au Québec, elle nous fait découvrir son style, le folk trash. Un banjo et son accent suffisent pour nous séduire. Une chanson entraînante avec un refrain qui nous colle à la peau pour au moins une journée. Rien d’original, une déception amoureuse digne “d’une toune de Céline Dion” mais chantée à sa façon. Sa voix imposante et sa manière de clamer ses sentiments nous donnent aussi envie de s’énerver et de rouler les r. Au moindre coup de blues, Lisa LeBlanc est là pour nous soutenir comme une vieille amie. Elle nous chante sa vie sans jamais se répéter comme une source inépuisable. Lisa LeBlanc fait du bien à la chanson francophone malgré nos préjugés sur un accent qui peut paraître amusant lors d’une première écoute. Elle s’exprime avec liberté dans une société qui ne l’encourage pas et ça c’est pas d’la marde ! le meilleur des autres “Ça explose de couleurs, de nuances vocales, dans une trivialité sans complexes exprimée dans un langage ahurissant d’invention et de verdeurs toutes acadiennes. On adore !” Emily Frère et Lou Vection, Cran-Grevier, lycée Charles-Baudelaire chroniques lycéennes les inrockuptibles VII Emma Picq Piwahye Photo Gaël Faye Sophie Maurin Cortège (sans toi) Jo & Co Jeanne Jouan Nantes Lycée Carcouët Qui n’a jamais été touché par la douce folie et la joie communicative qui se dégage des poèmes de Jacques Prévert ? Qui n’a jamais éprouvé un enivrant sentiment de gaieté devant l’absurdité des phrases du génial poète ? Sophie Maurin, auteur-compositriceinterprète originaire du Var, orchestre à merveille – piano, violon et quelques percussions – les paroles de Cortège, y ajoutant sa propre dose de folie amoureuse. La chanson débute par de délicates notes au xylophone qui installent une ambiance légère et féminine, soudainement réveillée par la voix puissante de la chanteuse qui atteint des sommets mélodiques avant d’entonner avec une armée de chœurs l’entêtant refrain, ce cortège qui défile dans sa tête mais qui n’a plus de sens “sans toi”. Sophie Maurin exprime au mieux le doux délire dans lequel nous plonge la perte de l’être aimé. Cette absence qui nous fait soudainement voir des serpents à café, des moulins à lunettes, des ramasseurs de conscience et des directeurs de mégots. Décidément, un seul être vous manque et tout est mélangé. Maissiat Le Départ 3ème Bureau/Wagram Floriane Tual Valence Océane Besançon Orvault Lycée Emile-Loubet Qu’elle soit au chant ou à la composition, Sophie Maurin parvient à transporter notre esprit au rythme de sa musique tout aussi légère que sa voix. Auteur-compositeurinterprète, elle a sorti un album au cours de l’année 2013 où elle a su faire preuve d’une inventivité musicale bluffante (elle introduit, par exemple, de petits détails comme le bruit des ciseaux dans la chanson du même nom). Actuellement en tournée, elle est accompagnée de deux complices, un violoncelliste et un percussionniste clarinettiste, ainsi que de son inséparable piano. Même si elle compose ses propres chansons, il lui arrive de se référer à des œuvres littéraires, telles que le Cortège de Jacques Prévert. Reprenant ce poème, elle y mêle un refrain énergique et entêtant. Le rythme de la chanson est donné par son piano. Sophie Maurin s’approprie les jeux de mots de Prévert pour les mixer à son fond musical riche et entraînant. Une énergie débordante ! Claire Paas Toulouse Lycée des Arènes Un poème de Jacques Prévert, repris en musique avec des notes légères, une mélodie aérienne et originale, une voix emplie de liberté… Cette voix, c’est celle de Sophie Maurin, auteur-compositeurinterprète, pianiste classique de formation. Telle l’architecte qu’elle fut auparavant, la jeune femme a structuré la mélodie de Cortège (sans toi) avec inventivité, sans rendre la musique excessive ni chargée. Une architecture musicale qui est donc consciencieusement réfléchie par l’artiste. On pourrait juger ses mélodies simples, mais en tendant une oreille plus attentive, on découvre tout un monde derrière la simplicité. Ce premier album, Sophie Maurin, sorti en 2013 et déjà récompensé par de nombreux prix, comporte onze chansons aussi surprenantes et agréables les unes que les autres. Cordes, toy piano, kalimba, clarinette, vibraphone, percussions et cuivres se rencontrent dans une bouffée de liberté et de bonheur qui apaise. Une effusion de créativité qui donne envie de sortir, de prendre l’air, de tenter de nouvelles choses, ou tout simplement d’être heureux. le meilleur des autres “Le morceau est un régal pour les oreilles : son piano fou et son timbre passent comme une lettre à la poste.” Quentin Balavoine, Nantes, lycée La Colinière Junior Tshaka Libère-moi Echo Productions Marco Daloise Cran-Gevrier Lycée Charles-Baudelaire Que les dépressifs se manifestent et se joignent à cette spirale de joie et de bonne humeur qui entoure l’artiste Junior Tshaka. Notamment dans son dernier single intitulé Libère-moi, extrait de l’album Boosté par le son, qui retrace les traits d’origine du reggae. Pour ce titre au tempo allegro, Junior multiplie les percussions, congas, bongos, cajon, djembé et derbouka. Mais il faut aussi compter sur les instruments à cordes, sans lesquels cette fabuleuse création n’aurait pas atteint sa perfection sonore ! Côté texte, Junior Tshaka réussit le mélange entre cri d’appel et opinion politique sur l’état de la planète. Son charisme distille un reggae militant et rassembleur, un reggae qui marche sur les traces de Bob Marley, tout en faisant son propre chemin. Auriane Raguin Longchamp Lycée Henry-Moisand Dans ce troisième album, Boosté par le son, Junior Tshaka, auteur-compositeurinterprète nous offre un reggae totalement moderne. Conscient, positif, engagé et pacifique, son album est ouvert à tous. Junior Tshaka, Award de l’espoir reggae européen en 2009, nous transmet des valeurs universelles et rend compte de l’état de la planète, dans un reggae militant et rassembleur. Libère-moi porte un message clair : il faut favoriser la liberté d’expression et supporter les tensions, “canaliser cette rage, positiver cette douleur”. Il nous montre un monde où le peuple serait heureux grâce à la liberté : “Libère-moi de cette cage, qu’elle VIII les inrockuptibles chroniques lycéennes explose en couleurs” ! Les voix, la musicalité et le lien entre les musiciens donnent au morceau une belle harmonie. Un bémol : une certaine incompréhension des paroles et de nombreuses répétitions… Et pourtant, le rythme soutenu, entraînant, nous donne envie de danser. Junior Tshaka a réussi à introduire sa musique, comme Yaniss Odua, dans le paysage reggae français, et pourra ainsi sûrement porter encore son message, sensé et sans fausseté. Clotilde Thirel Gaillon Lycée André-Malraux Avec ses dreads et sa guitare, Junior Tshaka nous transporte dans son univers reggae. Ce Suisse, de son vrai nom Greg Frascotti, revient avec son dernier album dont est issu le single Libère-moi. Un tube reggae mais totalement moderne, avec des instruments autres que ceux du reggae classique et un thème qui n’est pas souvent abordé, comme la dénonciation de la société avec un message positif, engagé mais pacifique. Il est tout à fait conscient de ce qu’il dit, il délivre ce message tout en restant très joyeux, porté par le rythme et les chœurs. Une section de cordes festive et chaleureuse, des percussions rebondissantes, une voix hypnotique, avec en guest Naby (Peace & Peace) : on a bien tout ce qu’il faut où il faut. On éteint la lumière, on appuie sur “play” et on se libère pendant quelques minutes de ce monde. le meilleur des autres “Junior Tshaka est un artiste charismatique qui transmet un reggae militant et rassembleur. Il chante des valeurs universelles avec beaucoup de sincérité et aborde avec des mots simples ses convictions sur l’état de la planète, le tout dans une langue accessible à tous.” Célia Lopes, Roissy-en-Brie, lycée Charles-le-Chauve L’amour et ses ruptures inspirent les chanteurs depuis toujours. Mais la douceur angélique d’un cœur brisé fait toute la différence. Quelques notes de piano et un chœur digne des Choristes peuvent traduire toute la mélancolie d’un amour délaissé. Fille spirituelle de Françoise Hardy et Dominique A, Maissiat nous dévoile sa conception de la tristesse amoureuse avec Le Départ. Connue pour sa musique pop raffinée, cette compositrice-interprète expose une noirceur mélancolique dans ce titre profond et intemporel. Sensible tout en étant simple, ce morceau serait comme un baume au cœur à appliquer sans modération. Avec un piano délivrant des notes douces, pareilles à une ballade, la chanteuse nous emmène dans son monde, au plus profond de ses sentiments. Quant à sa voix angélique, elle soutient cette apesanteur céleste, comme pour alléger le poids que peut être l’abandon. On voit défiler une foule de souvenirs et une certaine nostalgie nous envahit lorsque l’on entend ce texte triste et poétique. Maissiat, pareille à un ange déchu, délivre le message de l’amour abandonné et dépose un linceul de pommade sur notre cœur meurtri. On espère, en tout cas, que n’est pas venu pour elle le temps du départ… Manon Le Meur Vaux-le-Pénil Lycée Simone-Signoret Larguez les amarres, hissez les voiles… Départ vers le monument Maissiat ! Avec une voix douce, quelques notes de piano, des claviers soufflant le froid et le chaud, notre auteur-compositriceinterprète atteint les sommets et nous captive par un texte choc, qui affronte la mort ou l’absence. Malgré son jeune âge, cette “ovni” de la chanson française a déjà une belle expérience artistique. Depuis l’enfance, cette Lyonnaise est éprise de musique. Son premier album solo, Tropiques, sort en 2013, après quelques années à polir les mots et comprendre les tumultes de nos passions (“Ô lourde peine, Ô serments décimés, Je vous hais de vous avoir tant aimé”). Maissiat choisit la pudeur et dévoile ses blessures sans les exposer. La musique, délicate, très mélodieuse (la voix féminine comme une réponse au piano classique) se rapproche d’une ritournelle innocente, avant de nous emporter dans un tourbillon d’émotions. Douleur et douceur imbriquées. Un talent solaire, telle nous apparaît Maissiat, saluée par de nombreux artistes : Dominique A, Jeanne Cherhal, Raphaël Lugassy Lycée Nicolas-Appert et JP Nataf sont déjà fans… Une nouvelle voix qui fait bien sûr penser à Françoise Hardy, conquise à son tour par les qualités d’écriture et le charisme naturel de la belle. Un parrainage royal, digne des contes de fée. Maissiat est une artiste à part entière et son voyage est loin d’être fini… Gwendolyne Gouinaud et Gwendoline Chailloux La Rochelle Lycée Pierre-Doriole Ex-chanteuse du groupe Subway, Amandine Maissiat a troqué sa guitare et des sons rock contre une voix douce et susurrée, laissant libre cours à une sensibilité et à un romantisme qui nous transportent. A la croisée des chemins entre Bashung et Françoise Hardy, déjà récompensée du prix Charles Cros et encensée par la critique, cette jeune artiste fend l’armure dans chroniques lycéennes les inrockuptibles IX Le Départ, tiré de son premier album, Tropiques, et nous emporte dans un profond désespoir, celui d’un amour perdu. Tout en délicatesse et en retenue, Maissiat nous enchante tant par sa musique lancinante que par ses textes poétiques, ciselés, un brin théâtraux, dignes d’un Corneille ou d’un Racine. Avec des mots simples, qui touchent au cœur, elle nous livre une chanson délicate, à son image. Un chant d’amour plein d’émotions pures et de sensualité. Un cri. A pleurer. le meilleur des autres “Dans cette chanson, Maissiat lève le voile sur ses sentiments, nous dévoilant son cœur, face au départ d’un être aimé. Sa voix poignante et ses mots nous transpercent et nous émeuvent à ne plus savoir quoi en dire.” Marie Gonzalez, Lormont, lycée Les Iris Strange Enquête La Vieille du jardin public Le Bijou Félix Philippe Nantes Melissmell Déserteur Discograph Lucie Chesse Orvault Lycée Nicolas-Appert Les premières notes de guitare remplissent l’air, puis la voix grave et troublante de Melissmell vient nous marquer de son fer. Artiste libre et engagée pour sa liberté, elle prend la route pour nous embarquer dans un voyage vers son enfance et son avenir. Cette ballade, c’est le tiraillement intérieur d’une femme voulant tout quitter pour s’offrir une nouvelle vie, où ses vœux se réaliseraient – enfin – et dans laquelle ses peurs d’enfance seraient balayées. Qui est cette personne à laquelle Melissmell s’adresse ? Ce départ vers l’inconnu est-il un adieu à un ami ? Hésitante, il lui manque un souffle de raison pour lui donner le courage de partir, de se trouver, de se bâtir une nouvelle vie… Qu’est-ce que le futur pour cette artiste ? Rien d’autre que le fruit de ses propres choix. Elle suit ses envies pour se tracer une route qu’elle ne connaît pas encore. “Find your own way”, murmure-t-elle à la fin… Oui, Melissmell s’est convaincue, elle déserte, et nous entraîne avec elle. Clément Payein Strasbourg Lycée Notre-Dame Si pour vous aussi, guerre rime avec incompréhension, alors rejoignez Melissmell sur la route, celle de la désertion. Melissmell, de son vrai nom Mélanie Francette Coulet, impose un style entre rock alternatif et chanson française engagée, entre Noir Désir et Damien Saez. Comme avec ces derniers, l’important reste le texte : l’histoire d’un soldat qui ne comprend plus les raisons de son combat, qui rêve d’un monde apaisé, libre. Il semblerait qu’il soit aussi question d’une histoire d’amour qui le tiraille. Face à ces incompréhensions et à ces doutes, le soldat finit par déserter. La musique se fait minimaliste, sobre, mais puissante. Deux guitares et un petit ukulélé pour accompagner la voix, doucement rauque. Avec de temps en temps quelques coups de grosse caisse. Mais Melissmell ne vise-t-elle pas un public plus large ? Cette chanson peut s’adresser à tous ceux qui acceptent sans se questionner les contraintes et les ordres. Comme un appel à une contestation plus large. Une façon de dire non aux puissances dirigeantes et de suivre sa propre voie ? Morgane Adamolle Nantes Lycée Carcouët Déserteur est un titre évocateur. Comme Boris Vian, Melissmell transmet un message dans cette chanson : s’enfuir pour ne pas être embrigadé, s’enfuir pour ne pas devoir tuer. Dans son deuxième album, Droit dans la gueule du loup, sorti en 2013, la chanteuse mélange rage, tristesse, colère et sincérité. Dans cette chanson, la voix grave et pleine d’émotion de Melissmell nous transporte dans un autre monde. Un monde rempli de mélancolie et de poésie où plane une envie d’évasion et de liberté. le meilleur des autres “Cette ode à la rébellion est une prouesse musicale que l’on a envie d’écouter encore et encore… La force des paroles de Guillaume Favray complète la mélodie et l’ensemble forme un tout magnifique !” Yann Corbeau, Le Mans, lycée Marguerite-Yourcenar X les inrockuptibles chroniques lycéennes Anne Clerc Benoît Courti Lycée Guist’hau BATpointG Juste une note Postillons et Crachouillis Manon Alix Pontivy Lycée Joseph-Loth Juste quelques lignes sur Juste une note, juste quelques lignes sur cette “chanson antichanson”. Juste une chanson à contre-courant comme si Baptiste Giuliano, dit BATpointG, nageait à contresens dans une marée de sons commerciaux. D’une simplicité originale, la musique porte des paroles entraînantes sur juste une note… ou presque. Juste une note pour qu’elle dure dans le temps et dans l’esprit, plutôt que des centaines de notes qui nous effleurent à peine, qui ressortent de nos oreilles aussi facilement qu’elles y sont entrées. Juste une note. “Répétée, matraquée. Matraquée, répétée.” Puis, une deuxième, une troisième, une quatrième note. Quelques notes justes, entraînantes, nous emmenant mélodiquement jusqu’à la fin de la chanson. L’ensemble est d’une cohérence évidente. Juste 1 min 55 s, juste assez pour se prendre un raz de marée de réalité en pleine tête. Marieta Fize Toulouse Lycée des Arènes Sortez de vos clichés et venez rejoindre la danse engagée de BATpointG, le jeune groupe qui revient en force après son premier album Homme Akkordéon (2010). Il vous transporte dans une ambiance de révolution avec le titre Juste une note, celle de l’imprégnation. Elle donne son nom au deuxième album sorti en 2013, toujours plus chargé en textes aiguisés et en rimes habiles à l’énergie rock. Juste une note est vraiment composée… d’une seule note ! Le do domine les percussions qui l’accompagnent, et quel do ! Il est répété autant de fois que possible pour que vos têtes s’imprègnent d’une critique acérée de la société. L’air tchatché, presque parlé vous ouvre les yeux sur le monde d’aujourd’hui basé sur la société de consommation et de l’idéalisation, tout en vous faisant sourire sur cette seule note do tant appréciée. Alors venez, juste une dernière fois et entrez dans la contradiction de cette danse décalée : juste une note, mais une note juste ! le meilleur des autres “L’artiste se met à nu, chantant presque a cappella et puise dans ses dernières ressources afin que nous réagissions. La simplicité de cette chanson révèle toute la complexité des tourments ressentis par le chanteur lorsqu’il dénonce cette société étriquée.” Pauline Rozec, Brest, lycée Kerichen C’est terre à terre, c’est cru, et ça fait du bien. Strange Enquête nous ramène à une authenticité tant voulue, une simplicité équilibrée. Jérôme Pinel rallie directement à sa cause, avec une voix teintée du soleil de la Garonne, un débit saccadé qui ne décide pas entre slam et rap. Il est soutenu par la contrebasse douce mais acérée de Manuel Mouret qui, de boucles efficaces et bien rodées en relances épicées, pose une harmonie percussive, entêtante mais diablement humaine. La cohésion que l’on sent dans ce duo dégage une énergie palpable, ils sont complices par un lien indicible, qui bien qu’invisible, est loin d’être inaudible. La tchatche de Jérôme nous dépeint un univers familier mais quelque peu extraordinaire auquel on s’identifie immédiatement. Ce ne sont pas des paroles qu’il débite mais une nouvelle bien ficelée dont on ne peut ignorer la morale. Ces deux-là nous font hocher la tête comme Tupac, nous transportent comme Coltrane, nous envoûtent comme Gainsbourg, nous font swinguer comme Django. On les verrait bien performer n’importe où : dans un théâtre renommé, dans une salle survoltée, dans la rue, dans un petit club privé, en aparté chez des particuliers… Et pour ceux qui n’auront pas la chance de les croiser : les flemmards, les bosseurs, ceux qui sont trop loin, il reste toujours la platine et le casque. Le salon ou la rue, à vous de choisir ! Florian Bergaud Aurillac Lycée Emile-Duclaux Jérôme Pinel, auteur et chanteur, et Manuel Mouret, à la contrebasse, nous font entrer dans leur univers à travers cette chanson : La Vieille du jardin public combine tous les éléments qui permettent de faire une bonne musique rythmée, en voici la recette : une dose d’humour ; leurs paroles provoquent le rire chez celui qui écoute cette musique. C’est un monde décalé qui nous est présenté ici, et c’est l’originalité et l’étrangeté de ce texte qui amène à sourire. Un grand bol d’originalité ; le scénario n’est pas banal et il se distingue clairement grâce à ça. Une histoire bien menée, de bout en bout, et c’est ici que l’expérience de Jérôme se fait sentir, car c’est bien tout un art d’imaginer un texte sortant de l’ordinaire et de réussir à en faire une œuvre à part entière. chroniques lycéennes les inrockuptibles XI La Vieille du jardin public, c’est le récit complètement désopilant d’une grand-mère qui se jette sur le capot des voitures pour éviter de marcher jusqu’à la maison de retraite : étonnant, non ? Elèves de seconde générale Montauban LEGTA Capou Strange Enquête est un duo composé d’un chanteur et d’un contrebassiste. Proche du rap et du slam, le chanteur Jérôme Pinel se définit comme un “tchatcheur”. Ce groupe parvient à transformer de banales histoires en d’étranges enquêtes. Le titre La Vieille du jardin public met en scène une mamie “strange” qui profite de la générosité et de l’innocence des jeunes. Cette chanson ressemble à une nouvelle. De sa voix grave, Jérôme Pinel nous raconte une histoire jusqu’à sa saisissante chute. Le refrain contient ce qui ressemble à la morale de l’histoire et il reste en tête… “la preuve” ! La contrebasse à l’arrière crée des effets de rythme comme un cœur qui bat, plein d’émotion. Vivant, ce titre joue sur les sons, sur les mots ; il mêle toutes les richesses de tous les niveaux de langue et peut ainsi plaire à tous. Strange Enquête va compter désormais parmi ces artistes qui racontent des histoires que l’on aime réécouter ! Sachez malgré tout que Jérôme Pinel maintient le mystère : “Cette chanson n’est vraie qu’à 95 %”… le meilleur des autres “Leurs paroles à l’humour froid et décalé s’entremêlent avec les boucles hypnotiques de la contrebasse pour submerger nos oreilles d’un astucieux mélange à la signature bien trempée.” Hugo Fleurance, Nantes, lycée Guist’hau Des élèves du lycée André-Malraux de Gaillon – classe de M. Guillaume Boulet – au travail sur Les Chroniques lycéennes les p’tits papiers un grand bol d’air Guillaume Boulet Cet hiver, notre journaliste Stéphane Deschamps est parti à la rencontre de lycéens de Gaillon (Eure) pour leur expliquer comment rédiger une chronique. Voici ses conseils. L a première réaction quand on écoute et choisit un morceau dans le cadre des Chroniques lycéennes, c’est de se dire “j’aime” ou “j’aime pas”. Mais le plus intéressant, c’est de se demander pourquoi on aime ou pas, d’essayer de comprendre l’univers de la chanson, du chanteur. Même si ce n’est pas votre univers, même si vous ne comprenez pas. Ce n’est pas parce que vous n’aimez pas quelque chose que ce n’est pas bon. Vous n’aimez pas certains aliments. Pourtant, la personne qui les a préparés est peut-être un excellent cuisinier. Comme on dit : chacun ses goûts. Vous choisirez donc le morceau à chroniquer en fonction de vos goûts, de l’inspiration que vous sentez poindre. L’inspiration, c’est arriver à transmettre avec des mots ce qu’on ressent en écoutant de la musique. Avant de se lancer dans l’écriture, on fait d’abord un petit travail de recherche d’informations : le parcours biographique de l’interprète, du groupe ou du chanteur. Garçon ou fille, d’où il ou elle vient, son âge, depuis quand il fait de la musique, son instrument s’il en joue… Des informations factuelles, biographiques. Grâce à internet, ces informations sont faciles à trouver, aujourd’hui tous les musiciens ont un site. Il est important de réunir et connaître ces infos, même si on ne les utilise pas à l’arrivée. Elles ne vont pas constituer le cœur de la critique mais vont permettre d’étayer, de charpenter le texte. Quand on fait une critique très subjective, le lecteur ne comprend pas forcément, il n’est pas toujours sur la même longueur d’onde que l’auteur de la critique, il n’a pas obligatoirement les mêmes références, le même imaginaire. En revanche, si on utilise des données objectives, irréfutables, tout le monde peut les comprendre. Mais ces informations ne suffisent pas pour faire une bonne chronique. S’en contenter, c’est prendre le risque d’écrire un article Wikipédia, impersonnel et trop factuel. Il faut ensuite plonger au cœur de la musique, décortiquer la chanson, se poser des questions sur le style musical, les instruments utilisés, le type de voix, le sens du texte, la pochette du disque et l’univers visuel de l’artiste : tout ce qui fait qu’une chanson est différente d’une autre. Après cette partie analytique, qui précède l’écriture, il est maintenant XII les inrockuptibles chroniques lycéennes temps de revenir à la surface. On peut chercher des comparaisons, des métaphores, des analogies. Est-ce que cette chanson irait bien avec un film, un livre, un lieu, un moment de la journée ou de la vie ? Est-ce que vous avez envie de la faire correspondre avec autre chose ? On peut dire : c’est entre Machin et Machine, ça ressemble à Untel, en plus ceci ou cela. On peut utiliser des références culturelles, mais à condition de ne pas être trop obscur. Si la chronique se transforme en texte pour initiés, ça exclut le lecteur qui ne connaît pas les références. Evidemment, c’est plus facile en ayant une culture musicale, une sensibilité à la musique. Si vous en manquez, faites travailler votre imagination. Même si l’exercice entre dans le cadre de votre scolarité, l’écriture d’une critique musicale n’est pas un exercice scolaire, pas une rédaction, mais un travail plus libre et personnel. Il faut noter ses impressions, se demander pourquoi on aime (ou pas) cette chanson ? Est-ce qu’elle nous permet de nous évader ? Est-ce qu’elle nous apprend des choses sur nous-mêmes ? Nous donne la pêche ? Nous calme ? La musique, ça fait voyager, c’est une évasion ou une destination, un refuge. Votre critique peut être comme un récit de ce voyage intérieur. Et maintenant, au (vrai) boulot : l’écriture. On écrit toujours pour un lecteur, mais on n’écrit pas de la même façon pour un lecteur du Journal de Mickey et pour un lecteur du Monde. L’objectif doit être de faire un texte plaisant, agréable à lire. Même si votre lecteur ne connaît pas le morceau chroniqué, il faut lui donner envie : d’abord de lire la critique, ensuite d’écouter le morceau et de découvrir l’artiste. Pour donner envie de lire la critique, il faut travailler sur l’écriture, libérer son imagination, faire de l’humour, raconter une histoire. On peut faire des jeux de mots, trouver des formules. La critique musicale, c’est un exercice journalistique léger. Ce n’est pas du fait divers, de la politique, de l’économie. On peut se permettre d’être drôle et subjectif. Comme dans tout texte, roman ou article, le début et la fin sont très importants. Le début, c’est l’“accroche”, qui porte bien son nom, la phrase qui va accrocher le lecteur et lui donner envie de lire la suite. La fin, qu’on appelle “chute”, est aussi importante. C’est la dernière impression laissée par le texte, et votre signature arrive juste en dessous. Bien sûr, entre le début et la fin, c’est important aussi. Une bonne critique apporte un point de vue personnel sur le disque. Est-ce qu’on doit pour autant utiliser le “je”, la première personne du singulier, dans une critique ? Il vaut mieux éviter, ça risque de fermer le texte sur un point de vue nombriliste. “Je pense que” est une formule à proscrire, souvent inutile dans une phrase. On garde le “je” pour d’autres exercices journalistiques : billet d’humeur, éditorial, reportage éventuellement. Dans une critique, on utilise plutôt le “on”. Ou alors vous utilisez le “je” si votre critique tourne autour d’une histoire très personnelle que vous allez raconter, pour parler de la musique à travers cette histoire. De même, on évitera les phrases toutes faites, les lieux communs qui s’appliquent à tout et n’importe quoi, comme “un artiste à découvrir”, “un disque à écouter et réécouter”, “sur son site internet, on apprend que” ou “il sera en tournée prochainement”. Tout ce qui précède est à apprendre par cœur, interro écrite demain. S. D. chroniques lycéennes les inrockuptibles XIII La scène de la Bouche d’Air à Nantes défend la chanson francophone depuis plus de trente-cinq ans. Nous nous sommes tout naturellement associés aux Chroniques lycéennes depuis 2006. Cette année, les lycéens de Carcouët et de La Colinière à Nantes, et de JoubertMaillard à Ancenis ont rencontré Melissmell, artiste programmée par la Bouche d’Air et sélectionnée par les Chroniques lycéennes. Un temps fort sous forme de miniconcert et d’échanges avec l’artiste a été organisé dans l’enceinte de chaque lycée, puis les élèves ont assisté à son concert public à la salle Paul-Fort. Plusieurs rendez-vous ont été proposés pour compléter ce parcours : – Visite de la salle PaulFort, avec une approche des aspects techniques et une sensibilisation aux risques auditifs. – Conférence sur les musiques actuelles avec un focus sur la chanson française1. – Atelier de réécriture d’une chanson d’un des artistes en lice1 – Atelier sur l’écriture journalistique mené par des professionnels de la région. Autant de déclinaisons pour ce projet pédagogique et culturel avec une immersion complète dans l’univers de la chanson. Magalie Denet, chargée d’action culturelle La Bouche d’Air à Nantes, www.labouchedair.com 1. animé par l’artiste Ignatus Mell Un pied dans le vide Artdisto/L’autre Distribution Sael Darrig Roissy-en-Brie Lycée Charles-le-Chauve Mélanie Frisoli, surnommée Mell, avance sur la scène “un pied dans le vide” ! Après avoir commencé par Mon pied en pleine face, la chanteuse ne s’arrête plus. Elle parcourt le monde à grandes enjambées sans s’arrêter, touchant le public avec justesse et sincérité. Dès le début, Mell déclame son texte sur un rythme endiablé. Elle tutoie sans pudeur et accuse avec froideur. Bien vite, un malaise s’installe dans les paroles. Son chant devient presque parlé. Des sons électroniques sonnent comme des alarmes et se dédoublent au fur et à mesure, mais des claquements de mains attirent l’attention, aussitôt repris par des percussions. Sa voix est suivie de quelques notes qui se bousculent vers le refrain. Les percussions se succèdent au fil de la chanson. Les guitares et pianos électriques alternent mélodies et accords de façon frénétique, tantôt fortement tantôt faiblement, tout semble hors de contrôle. Dans le rythme qui jamais ne ralentit, accourent des contretemps, et malgré tout, la musique ne s’essouffle pas. Le silence n’a pas de place dans cette course effrénée, les sonneries d’alarme retentissent du début jusqu’à la fin du morceau, comme si celui-ci ne pouvait s’arrêter. Dans cette chanson, Mell incite tantôt à ralentir, pour mieux mesurer les actions, ou au contraire à agir vite dans des situations extrêmes. Un pied dans le vide s’adresse à tous ceux qui ne savent pas sur quel pied danser et invite, par un message fort, à venir en aide aux autres. Par la critique, l’artiste revendique la puissance que chacun peut avoir sur la vie d’une personne. C’est une belle incitation à l’entraide, à la fraternité et à l’amour. Mell, meneuse née sans appel ! Benjamin Brager Besançon Lycée Claude-Nicolas-Ledoux Un pied dans le vide, extrait du cinquième album de Mell intitulé Relation Cheap et sorti en avril 2013, nous fait découvrir une nouvelle facette de la personnalité de son interprète. Dix ans après Mon pied en pleine face, son premier succès, Mell,ajoute ainsi le romantisme à son style punk-rock. L’artiste prend du plaisir à jouer de son instrument de prédilection, la guitare, sur une musique entraînante et bien rythmée qui n’est pas sans rappeler les sixties mélangées aux années 80. Toujours à prendre au second degré, le texte de ce morceau peut être perçu différemment par chacun en fonction de son vécu. Sur le thème de l’amour ou de l’amitié, il reste un hymne à la fidélité, à la solidarité. Son refrain, “Et toi t’étais où quand elle a mis un pied ?/Et toi t’étais où quand elle a mis un pied dans le vide ?”, renvoie à l’idée qu’il suffirait parfois d’un peu de réconfort de la part de l’autre, d’une écoute, pour surmonter les moments difficiles. le meilleur des autres “Tels des funambules, nous vibrons au rythme planant des paroles. La mélodie provoque de violents cyclones dans le ventre et Mell en profite pour nous souffler ses reproches glacés. Mélancolie, colère et impuissance, elle nous transmet tout un flot renversant d’émotions, et l’on n’a d’autre choix que de tomber à ses pieds.” Camille Labarussias, Nantes, lycée Guist’hau. XIV les inrockuptibles chroniques lycéennes Coloscopie d’un président Quasi Indestructible Production Sadaki Bercenay-en-Othe Lycée Saint-Bernard Pareil à un grand corps malade… Prendre quotidiennement une dose de la chanson de Laurent Montagne, Coloscopie d’un président afin d’éviter toute lividité, surtout si vous êtes politicien. Le cas échéant, prenez cette dose musicale matin, midi et soir pour parer toute déprime sociale. Symptômes : sonorités sombres rappelant Noir Désir, voix rauque et grave avec un relent de Kyo, perte de parole en public, timidité aiguë. Etat d’esprit du patient : grande envie de frapper président et ministres, immense pulsion de chanter le politiquement incorrect. Etat d’esprit de l’entourage : réflexion mais parfois incompréhension. Effets secondaires : révolte envers l’Etat, ouverture des yeux, sifflotement mélodique, grande gueule. Ce médicament ne convient pas aux politiciens qui brassent de l’air et risquent par conséquent une aérophagie sévère. Si les symptômes persistent, le patient est condamné à écouter Montagne en boucle, sans quoi il demeurera un bon pigeon à la solde de cette société pourrie. Aurore Rossius-Gagnon Cran-Gevrier Lycée Charles-Baudelaire Après quelques années à chanter pour les enfants, Laurent Montagne, ancien chanteur des Acrobates, revient en force : ils sont maintenant quatre dans une formation rock. Sous influence Dominique A, ses nouveaux partenaires lui créent une toile sonore prenante à l’intérieur de laquelle il tisse des textes intenses et poétiques. Dans Coloscopie d’un président, sa voix rauque s’élève dans un air sombre et souterrain. Elle nous attrape, nous emporte dans les pensées tortueuses et conspiratrices d’un politicien. Puis nous conduit au cœur des intestins sinueux du président : l’air devient irrespirable… Batterie, guitare et basse explosent dans une violente colère, puis s’immobilisent pour repartir avec retenue en attendant la prochaine déflagration ! A la fin de cette coloscopie, nous rejoignons la surface et reprenons notre souffle, avec toutefois comme une envie d’y retourner ! Cynthia Kerberiou Hyères LP Golf-Hotel De l’air pour l’ère du vent. “Si tout se vend, pourquoi pas l’air.” Laurent Montagne dénonce la langue de bois, les mensonges des uns, l’hypocrisie des autres. Le chanteur a une voix plutôt calme, mais, sûre d’elle au début du morceau, elle s’emporte en même temps que la batterie dès la deuxième minute et c’est le rock qui l’emporte et qui nous emmène dans une fable qui dénonce ceux qui brassent l’air. Monde des affaires, monde de la politique, même combat : gagner le cœur pour se remplir le porte-monnaie. Président de la République ou de groupe économique, il “vend du vent”. La voix apaise, met en confiance pour mieux capturer sa proie. Quand celle-ci est embobinée, on lui fait croire que, l’air de rien, l’air est un bien qui se monnaie. Et si t’en veux, il faut raquer. “Lib’airez-vous”, somme l’artiste. Il ne manque pas d’air, le proctologue ! le meilleur des autres “Loin des standards de la Star Ac et de The Voice, ce rebelle a su séduire par son audace verbale, sa musique catégorique et son parcours atypique. Il en donne une nouvelle preuve avec cette chanson Coloscopie d’un président.” Amandine Masure, Château-Thierry, lycée Jean-de-La-Fontaine Salmanski Bartosch Cahuate Milk Laurent Montagne La Fanfare en Pétard Noir comme l’or FTI Production Coline Minker Strasbourg Lycée Notre-Dame Un choc des cultures musicales. La Fanfare en Pétard manie et détourne avec soin le traditionalisme d’une fanfare pour en faire un captivant mélange qui tend vers l’electro, le hip-hop ou le reggae. Noir comme l’or est un des derniers morceaux du groupe alsacien. L’introduction au saxophone nous plonge d’emblée dans l’univers de la fanfare. Celui-ci est ensuite rejoint par le trombone, la trompette, le soubassophone, la caisse claire et la grosse caisse, qui construisent cet air entraînant. La mélodie répétitive du saxophone sert de trame à toute la chanson. S’y posent des paroles de poésie en prose. Des phrases abruptes et rudes de leur langage familier, inquiètes face au temps qui passe. Des idées juxtaposées, parfois sans lien entre elles, mais tournées vers la même direction : le temps. Un débit de paroles légèrement effacé par l’accompagnement, ce qui n’empêche pas une parfaite osmose entre le texte et le beat de la grosse caisse. Des paroles cadencées qui courent le temps qui s’écoule au rythme de la fanfare. Une fanfare pour revenir en arrière et de l’electro pour avancer. Cette chanson est comme un bouton off qui nous arrête et nous place entre deux générations. Un tiraillement entre passé et futur. Une prise de conscience face à nos modes de vie pressés. Affamé par le temps, plus de passé, plus de passe-temps. chroniques lycéennes les inrockuptibles XV Piel Benoit Bouxwiller Lycée Adrien-Zeller En manque de peps ? Marre d’écouter une MAO fade et insipide ? Noir comme l’or est la cure qu’il vous faut ! Ce titre rempli d’énergie pure fera danser vos membres de manière incontrôlée. Après une pause de quatre ans depuis leur dernier disque, le groupe strasbourgeois La Fanfare en Pétard revient avec un nouvel album, Le monde est curieux, dont le titre principal, l’énergique Noir comme l’or, ne saurait vous laisser de marbre. Dans ce titre au rythme endiablé et au tempo approchant les 158 battements par minute, Philippe Rieger dit Gaston, le chanteur, nous dévoile son art en déballant son texte à vitesse grand V sur le rythme de ses cinq compagnons et leurs instruments de fanfare, texte évoquant son avenir qu’il voit “noir comme l’or”, allusion au pétrole dont se couvrent les musiciens à la fin de leur vidéo. Il évoque aussi un présent éphémère, un temps qui s’écoule trop rapidement, ne laissant la place qu’au travail et excluant les divertissements et la joie de vivre. Ce morceau fait l’effet d’un concentré d’énergie pure, il chasse la mauvaise humeur et remplacera votre dose de caféine matinale. Un remède idéal contre la morosité et la lourdeur quotidienne. le meilleur des autres “C’est un curieux mélange de rap et de fanfare ; un groupe qui manie avec élégance les cuivres au service d’un flow hip-hop et d’un son electro. La Fanfare en Pétard n’a rien d’une fanfare ordinaire : elle est maîtresse en son domaine, unique et bien loin des sentiers déjà tracés par les multiples troupes de rue !” Tom Rousseau, Nantes, lycée La Colinière s’éloigne, se dilue dans la musique, et s’éteint dans un decrescendo final, comme une plongée dans l’infini encore inconnu. Capucine Clech Blagnac Lycée Le Farradou Laurent Lamarca a-t-il réussi A nous faire monter avec lui Dans sa fuite en taxi ? Trois Montpelliérains ; Nicolas, Germain et Colin. Chant, violoncelle, percussions et guitare électrique Nous offrent un chef-d’œuvre lyrique et musical. Magali Royer Ce jeune Lyonnais de trente-deux ans Sort son album Nouvelle fraîche Aux sons electro entraînants Qui répétés, donnent de la “pêche” Laurent Lamarca Taxi Columbia/Sony Elsa Girard Roissy en Brie Lycée Charles-le-Chauve Voici descendre un homme qu’il ne faut pas laisser passer. Il va trop vite ce passager inconnu, tantôt dans le noir de la nuit, tantôt sous la lumière des phares. Au volant du groupe XX Mariani, il aimait écouter à la radio At The Drive-In. Mais maintenant, il fait route seul, tentant parfois le covoiturage pour pimenter le trajet ! Ce chauffeur, c’est Laurent Lamarca, un musicien déroutant, démarrant sur les chapeaux de roues avec son titre Taxi. C’est en ouvrant la portière de son bolide qu’il dévoile, sous la carrosserie massive, un vent de liberté. En effet, qui n’a jamais eu la furieuse envie de quitter les embouteillages de la vie ? C’est à travers cette route hasardeuse conduite par une voix charmeuse que l’artiste transporte les auditeurs. Laurent Lamarca fait défiler son texte avec sincérité et instinct dans un monde où lui-même est perdu. Sous le capot, un rythme régulier de batterie énergique se fait entendre tel un moteur qui tourne à régime constant. Des guitares électriques glissent sur un va-et-vient de notes enfumées, tandis que des chants en écho apparaissent plus loin sur le bord du bitume. Sa voix se fond dans ce décor qui défile inexorablement, jalonné d’effets électroniques agissant comme les éclairages d’une ville. Au plus loin des chemins résonnent de faibles coups de klaxon et des sirènes sonnant leurs sourdes détresses. Embarqués avec Laurent Lamarca, un nouveau paysage sonore se dévoile, influencé par une musique underground renouvelée par la jeunesse innocente de l’artiste et l’ivresse du voyage. A écouter sans limitation de vitesse ! Juliette Buchet Aurillac Lycée Emile-Duclaux Dans son premier album, Nouvelle fraîche, l’artiste lyonnais nous livre Taxi, magnifique chanson qui nous emporte dans un tourbillon d’émotions. La chanson sonne donc comme une invitation au départ. Mais départ pour où ? Départ pourquoi ? Il s’agit peut-être d’une fuite, destinée à oublier pour vivre à nouveau “loin des rêves perdus”. Car qui n’a jamais rêvé de monter dans un taxi pour fuir une vie devenue trop pesante ? Le temps d’un couplet, le chanteur évoque de manière sibylline des souvenirs auxquels il semble vouloir échapper, peuplés d’une sorte de fantôme qui continue de le hanter, et auquel il s’adresse sans lui donner de nom : “oui toi tu sais”. Suit alors un pont musical, en rupture avec le reste de la chanson, et le temps s’arrête. La musique est plus douce, il n’y a plus de percussions et on se sent planer, emporté par les sonorités aériennes. C’est un moment de suspension, comme un adieu à ce que l’on a été, un hommage au futur que l’on va découvrir. Puis le refrain reprend, et notre taxi redémarre. Toujours les mêmes paroles, que l’on croirait scandées à l’infini : “Taxi emmenez-moi…” Toujours cette envie d’ailleurs, de fuir la ville où vivre est devenu si lourd. On ferme alors la porte au passé, aux idées noires. Il n’y a plus de place que pour l’avenir. Peu à peu, la voix du chanteur XVI les inrockuptibles chroniques lycéennes Laissez–vous voyager ; tomber à la renverse, et Savourez l’amertume des mélodies lancinantes, Le piquant de l’instrumentation tourmentée. Goûtez aux ambiances tantôt suaves et apaisées, Tantôt âpres et enragées ; toujours enivrantes. Que votre cœur déguste et cherche le sens à La sombre et succulente poésie de Iaross. L’artiste vit pour la scène, les interprétations, Où il transmet sa fougue, toute son énergie ; Dans plusieurs de ses textes, il nous parle de sa vie, Et ce premier album est une révélation On lui pardonnera ses paroles limitées Et les couplets qui sont très souvent répétés, Car son rythme et son “beat” subtilement composés, Font écho au moteur d’une voiture débridée Un soupçon de Bashung et une pincée de Radiohead dans un grand verre, c’est Un cocktail d’influences variées : une musique efficace Pratiquant avec talent la route du rock et de la chanson ; S’égarant volontiers sur les traces de l’electro ou l’expérimental. L’auditeur explore la savante musicalité du trio, Si riche que l’album Renverser en 2013 fit l’unanimité. Entre des rimes croisées et d’autres redoublées, Le tempo de Taxi est toujours bien trouvé, On se perd dans les rues, dans la ville, dans ses rêves, Attendant avec lui qu’un nouveau jour se lève La chanson s’accompagne d’un clip vidéo Où le chanteur s’enfuit d’une ville pleine d’idéaux, Et termine sa course dans une campagne perdue, Il se trouve “loin des rêves”, des rêves qui l’ont déçu A la fin de Taxi, quand les lumières s’éteignent, Que le son se dissipe, le rythme ralentit, Quand la course s’arrête, que la chanson finit, On reconnait l’artiste… est-ce le début d’un règne ? Taxi devrait tracer une belle route chez les jeunes, Ils sauront apprécier car c’est une musique “fun” ; Mais va-t-il dépasser l’enceinte des lycées Pour toucher un public aux attentes haut placées ? le meilleur des autres “Lorsque la vie quotidienne peut nous paraître maussade, triste et injuste, l’écoute de Taxi permet de prendre une nouvelle route, un nouveau chemin et de s’évader juste le temps de trois petites minutes…” Clément Coutand, Orvault, lycée Nicolas-Appert Iaross Renverser Kametsa Elliott Nattrass Pessac Lycée Pape-Clément Un violoncelle, un carreau délavé et la mort entre dans un bar : ça vous évoque quoi ? Une blague que votre ami a lancée autour d’un feu de camp ? Un sketch hilarant des Monty Python ? Une chanson des Beatles à l’ère Sgt. Pepper’s ? Non, plutôt la révélation renversante de la part de ce groupe français dirigé par le violoncelliste chanteur Nicolas Iarossi. C’est la sortie de leur troisième album (après Lazar en 2008 et Ventre en 2010). Renverser, le single du même nom, est une chanson très Dazed and Confused. On y repère un mélange de blues, de rock et une touche de psychédélique. Le mélange en question est très efficace, avec une composition complexe et des harmonies incongrues. Le remplacement de la basse par un violoncelle rend le titre encore plus singulier. La chanson se termine de manière éclatante, avec un déchaînement de tous les musiciens, puis un solo qui serait joué par l’une des Triplettes de Belleville. Iaross, dans son chant, appelle au soulèvement. Il souhaite une sorte de révolution qui ne serait pas une révolution collective, une masse de gens en colère dans la rue, formant un vacarme inhumain, mais plutôt une révolte intime, amoureuse, une révolte à deux. La poésie, dans le monde de Iaross, ce monde nouveau, remplace les promesses politiques de l’ancien monde corrompu. Sébastien Hieu Nantes Lycée Guist’hau Entendez ; la messe hallucinatoire en versets, Les psaumes torturés du prophète Iaross. Vivez la transe sur une ode noire et hypnotique, Haletant, vous finirez par vous réveiller. 2008 : l’origine du trésor en vers, c’est chroniques lycéennes les inrockuptibles XVII Des poèmes raffinés, Iaross est là pour en verser Pleins nos oreilles ; un flot de mots laissant voguer nos sens. Les rimes caressent, explosent, Questionnent l’avenir et espèrent. La bande rend même hommage à Baudelaire Offrant sa version rock du Spleen LXXVI du poète maudit. La nuit prend fin. Dans vos têtes, à l’endroit à l’envers c’est, Les stances de trois virtuoses qui sans cesse résonnent. La poésie de Iaross n’est pas prête de s’arrêter, Irrenversable. le meilleur des autres “La musique se lie intimement aux paroles, enlacement des sons et des mots. Le départ sonne doux comme un songe : notes de guitares égrenées subtilement. Puis vient la brutalité du réveil : guitares de plus en plus violentes, saturées et saxophones en sus.” Sarah De Azevedo, Nantes, lycée Guist’hau “écrire reste une activité mystérieuse” Vous avez dit que vous ne vous sentiez pas chanteur. Qu’en est-il aujourd’hui ? Alex Baupain – Ce n’est pas que je ne me sentais pas chanteur. Pour moi, c’était un métier inaccessible parce que je ne connaissais personne dans ce milieu. C’était un monde inconnu. En même temps pas si inconnu, parce j’ai une culture de la chanson. J’ai appris à jouer du piano. J’ai chanté dans une chorale. Mais je n’ai pas eu ce truc de lycéen : avoir un groupe. Je suis arrivé tard, vers 24 ou 25 ans, dans ce monde. J’ai donc mis du temps à assumer ce truc-là. Vous écrivez des chansons, vous composez pour le cinéma, le théâtre. Est-il devenu nécessaire d’écrire pour vous aujourd’hui ? C’est nécessaire, mais je fais en sorte que cela ne soit pas un travail de bureau. J’ai besoin d’avoir envie. Ecrire reste une activité mystérieuse. Les mots viennent de manière inattendue. Je n’ai jamais considéré la chanson comme un métier. Je chante, je vais dans des endroits où je me fais applaudir. C’est très agréable. Pensez-vous écrire un livre ? Non, la chanson reste la forme artistique dans laquelle je me réalise le plus. Je suis incapable d’écrire un scénario. Acteur, je suis nul. Christophe Honoré a essayé de me confier des petits rôles dans ses films. Quand je joue, je deviens une espèce de handicapé. Je ne sais même plus m’asseoir. Je suis vraiment mauvais. Mais jouer peut s’apprendre, non ? Je ne crois pas. On peut toujours aller au conservatoire. Je pense qu’il y a là quelque chose de l’ordre de la nature. Je sais, c’est très injuste. XVIII les inrockuptibles chroniques lycéennes Rüdy Waks D ans le cadre de leur enseignement “Littérature et société”, deux classes de seconde du lycée Les Bruyères à Sotteville-lès-Rouen ont participé aux Chroniques lycéennes en travaillant sur l’écriture journalistique. Sous la direction des enseignants Mme Maguet et M. Lepiller, ils ont bénéficié de l’intervention de professionnels : Maryse Bunel, journaliste et responsable du site d’informations culturelles de Haute-Normandie Relikto, et Bastien Cantillon, conférencier, musicien et journaliste, chargé de mission pour les musiques actuelles en Haute-Normandie. Après ces différents ateliers de travail, certains élèves ont rencontré Alex Beaupain à l’occasion de son concert au Trianon Transatlantique, le 7 février dernier. Voici l’interview, parue sur le site Relikto, qu’ils ont rédigée à l’issue de cette belle journée. “comme ma vie n’est pas aussi palpitante que dans les chansons, j’exagère” “je fais en sorte de ne pas être paresseux intellectuellement” Révélé par ses chansons et BO pour les films de Christophe Honoré, Alex Beaupain est désormais bien installé dans le paysage musical français. Il répond aux questions de nos reporters lycéens. Il y a des gens qui sont faits pour ça, qui sont cinégéniques. Comment envisagez-vous l’avenir dans la musique et dans votre travail ? Cela fait dix ans que je fais ce métier. J’ai eu la chance que le premier album n’ait pas marché. Les choses ont avancé petit à petit. Je suis arrivé à un point où les chiffres de ventes commencent à être acceptables. Je donne des concerts où le public est de plus en plus nombreux. J’ai même chanté à l’Olympia à Paris. Cette salle m’a toujours fait rêver. Avoir son nom en lettres rouges, c’est un truc dingue ! J’ai sorti quatre albums. C’est déjà beaucoup. Je sais que je peux en écrire un cinquième. J’ai certes une notoriété toute relative mais je suis bien à cet endroit. Cependant, j’aimerais bien écrire un tube pour juste me rendre compte de ce que cela représente. Mais ça, c’est un fantasme de chanteur. Envisagez-vous d’écrire en anglais ? Hélas, non. Si j’écris en anglais, je dois chanter en anglais et mon accent est catastrophique. En fait, écrire en français ou en anglais, je m’en fous. Le plus important est d’écrire une bonne chanson. Quel type de musique et quels artistes vous ont influencé ? Au départ, ce sont des chansons et des chanteurs qu’écoutaient mes parents. Brel, Brassens, Trenet, Barbara… Il y a aussi les disques de l’enfance : Karen Cheryl, Les Forbans… C’était nul. Après, j’ai eu mes disques à moi, surtout de la chanson française. J’avais besoin de comprendre. C’était Bashung, Daho, Murat, Souchon pour sa façon d’écrire, Gainsbourg. J’aimais les univers qu’il créait pour lui et pour les autres. Ce fut comme une révélation. chroniques lycéennes les inrockuptibles XIX Avez-vous les mêmes émotions lorsque vous écrivez et lorsque vous chantez ? Je ne sais pas. C’est vraiment très mystérieux. Quand je sens que j’ai écrit une bonne chanson, je ne sais pas l’expliquer mais cela me rend heureux. Tout part toujours d’un sentiment que j’ai éprouvé. Quand c’est fabriqué, cela ne marche pas. Je fais aussi en sorte d’avoir le bon rôle. Je gratte les choses un peu méchantes, je parle de sexe. Comme ma vie n’est pas aussi palpitante que dans les chansons, j’exagère. Les autres disciplines artistiques comme la danse, l’opéra ou la peinture vous procurent-elles autant d’émotions ? Non, c’est vraiment la chanson que je préfère. Il y a la chanson, le cinéma et la littérature. Je fais en sorte de ne pas être paresseux intellectuellement. Pourquoi l’amour est-il un thème récurrent dans vos chansons ? C’est ce qui m’intéresse le plus dans la vie. C’est un peu candide de dire cela… Celui de l’eau est aussi très présent… Je suis né à Besançon où il pleut beaucoup. Je pense que cela vient de l’endroit d’où je viens. Ça resurgit. Maéva, Ludivine et Adeline, élèves de seconde du lycée Les Bruyères à Sotteville-lès-Rouen (76) Ottilie [B] AutOmne Internexterne Lila Maugis Nantes Alexis HK Fils de La Familia Emma Lucas et Emma Peyrusson-Hofmann Pessac Lycée Pape-Clément “Qu’importe où tu vas, n’oublies jamais d’où tu viens…” C’est ce que semble nous dire Alexis HK, qui a sorti en 2012 une chanson teintée de mélancolie positive. Bercé pendant son enfance en banlieue parisienne par des chanteurs tels que Brel, Reggiani ou Brassens, auquel il est d’ailleurs comparé, il commence à écrire à l’adolescence, une période compliquée, entre rébellion et découverte de la vie. Après dix-sept ans de carrière dans la musique, Alexis HK nous livre son album Le Dernier Présent, dans lequel on trouve des collaborations avec, par exemple, Renan Luce. C’est de ce dernier cadeau qu’est extrait Fils de, une chanson au rythme lent, bien qu’entraînant, ponctuée de rimes et portée par une voix rassurante de ténor. Accompagné d’un clavier, d’une guitare, d’une basse, d’une batterie et d’instruments à cordes, il chante la fraternité et le temps qui passe, à travers l’histoire d’une bande de garçons, “une poignée de bougres à flâner”, “issus des rangs de la middle-class, du middle-west”, de la génération de Mai 68 qui vieillissent et assistent aux changements. Malgré une chanson qui a parfois des allures de fin du monde, avec par exemple l’attentat contre les tours jumelles à la fin, c’est finalement, et par-dessus tout, l’envie de vivre notre vie au jour le jour qui nous reste en tête. Un refrain dont on ne peut plus se détacher et qui pousse à aller de l’avant. Alors on est là, on avance. Hélène Devys Versailles Lycée La Bruyère Alexis HK n’a jamais fait la une des grands médias et c’est tant mieux pour tous ceux qui aiment la chanson non formatée. Traînant déjà sa voix tremblante et moqueuse dans la chanson française depuis dix-sept ans, son dernier album, Le Dernier Présent, est sorti en 2012. On dit souvent la chanson française classique et monotone mais la perle d’Alexis, Fils de, prouve le contraire. Ce titre novateur évoque la fin des temps avec un regard amusé et stimule nos papilles lexicales. Musique pop entraînante, voix chaude et apaisante, mots ciselés, histoire riche… Il aborde ainsi la vie des fils de Mai 68 en dressant le portrait de toute une génération ainsi que plus discrètement l’attentat des tours jumelles, tout ça dans un morceau engagé. Alexis HK ose des thèmes forts et profonds qu’il sait traiter avec la légèreté de la chanson. Prenant le contrepied de l’ambiance sinistre que nous évoque la fin du monde, il opte pour une philosophie d’espoir et d’optimisme. Les influences musicales et les arrangements bien soignés accompagnent la subtilité du texte. Ce poète qui prend plaisir à jouer avec la langue française invite ainsi l’auditeur à vivre chaque instant comme le dernier. On aurait tort de ne pas prêter l’oreille à son travail qu’il mène avec discrétion et délicatesse. A écouter avant que le ciel ne nous tombe vraiment sur la tête. le meilleur des autres “Une écriture poétique atypique, une voix calme et posée et des instruments de musique envoûtants modèlent un style très personnel.” Guillaume Metayer, Nantes, lycée Guist’hau XX les inrockuptibles chroniques lycéennes Justine Sarton Boulogne-Billancourt Lycée Jacques-Prévert C’est un morceau d’une grande fraîcheur que nous offre Ottilie [B]. Il est comme la brise automnale, faisant voleter les feuilles à son passage. Mais c’est avant tout une définition pleine de justesse de la saison, qui voit se succéder nombres d’émotions. Les paroles évoquent bien sûr l’aspect météorologique de cette période, qui détrempe, éclabousse, “quand o tomne (…) l’orage”. Mais plus particulièrement, la chanson nous plonge au cœur du phénomène : c’est bel et bien le renouveau qui est mis à l’honneur. Contrairement à ce que l’on peut penser, le printemps n’est pas la seule promesse d’éveil. L’automne est un tourbillon, on s’égare, on se laisse étonner, ébranler et étourdir… On ne sait plus “par quel bout commencer pour avancer”. L’automne balaie les souvenirs d’été pour ne plus laisser place qu’à l’instant présent, Gaëla Blandy L’automne, saison du temps étonnamment changeant, inspire Ottilie [B]. Pieds nus sur scène, dansant au rythme de son accordéon et de l’incontournable MAO, la chanteuse libre se rapproche de la nature et nous offre un bain d’oxygène avec l’album Histoire d’O2. Cet album, en référence évidente au livre Histoire d’O de Pauline Réage, nous fait voyager à travers les éléments. Se rapprochant à la fois de l’audace de Björk et du côté inclassable de Camille, Ottilie [B] se distingue par les tonalités insaisissables de son clavier Midi, qui la font danser de façon frivole. Et quand “O” sonne dans les montagnes de MongOlie, le chant diphOnique résonne dans l’AutOmne d’Ottilie [B]. Surprise par cette saison, la jeune artiste aux influences multiples se transforme en arbre, s’effeuillant au rythme saccadé d’AutOmne. Toujours à l’affut du mot juste, d’un humour provocant, la voix chaude d’Ottilie [B] chevauche la musique planante du vent de l’accordéon et des mélodies électroniques. En un souffle, un tourbillon de mots, l’hiver est là. Sans que l’on comprenne, la chanteuse nous emporte dans une vague de mélodies, à la fois énergique et énigmatique, qui vient s’essouffler dans une “flaque” comme le temps qui passe, le temps qui “trace”. Gasandji Le Temps Plus Loin Music Camille Stephanus Bouxwiller Lycée Adrien-Zeller Yves Riché Frank Loriou Lycée Guist’hau à la nécessité de se préparer, car “le temps passe, le temps trace et laisse son tic tac dans les flaques”. Les paroles d’AutOmne ne sont que poésie. Ottilie [B] par son chant est enchanteresse et l’on se laisse voguer, planer au son de cette ballade. C’est un morceau touchant, il suffit d’une écoute pour ressentir sa force et comprendre que l’automne ne touche pas seulement la nature mais aussi chaque être vivant, au plus profond de son âme. C’est une saison tout en harmonie, et une feuille y a tout autant sa place que son jardinier. le meilleur des autres “Le plus étonnant reste le chant diphonique qui s’échappe et nous transporte dans un paradis de phrases musicales poétiques, transformant la simple saison que nous connaissons tous en un personnage semi-vivant.” Cindelle Sonntag, Strasbourg, lycée Notre-Dame Impalpable et omniprésent, le temps rythme nos journées, nos activités et même notre fin. Gasandji, une jeune artiste francophone venue du Congo, nous en parle dans un album qui porte son nom, sorti en 2013, avec sa chanson Le Temps. Cette artiste originale, dont le nom signifie “celle qui éveille les consciences”, nous propose une chanson métissée aux influences africaines, qui parle du temps perdu et des erreurs passées. Comme elle aime le dire, elle “chante pour soigner les âmes”. Sur une mélodie entraînante, avec sa voix envoûtante, elle nous fait oublier cette notion du temps, et c’est avec de nombreuses percussions, telles que le djembé dans un superbe solo, et avec un accompagnement très simple à la guitare, qu’elle nous berce au son de ses origines, apportant une dimension spirituelle à son art. L’art de la vie. Camille Joliet et Ivana Popovic Chevigny-Saint-Sauveur Lycée Jean-Marc-Boivin Gasandji est une danseuse hip-hop rêveuse et aînée d’une grande famille qui sait profiter de son temps libre. Elle a trouvé cette voie qui lui a permis de trouver ses voix dans le doute et la tristesse d’avoir perdu une mère trop tôt. Ses mots résonnent, ils soignent nos âmes. Son texte est plein de tensions ; le temps lui est compté et son désir de le rattraper est palpable. Mais sa musique, aux influences jazz, avec des pulsations souples et une expression du rythme continue, détend, inspire un sentiment rassurant. Gasandji veut arrêter le temps, le tuer de ses paroles, mais le tempo lui donne l’immortalité. Elle a le swing, sa voix et son texte sont furieusement amoureux. Une voix gospel jazzy-soul, chroniques lycéennes les inrockuptibles XXI un souci du timbre vocal, travaillé, brouillé et expressif dans la tradition ouest-africaine. Des sons purs, des tensions émotionnelles qui élèvent ses revendications, ses douleurs au plus haut degré d’expression. Elle défend ainsi ses origines, mélange les musiques occidentales et congolaises, ce qui donne un album métis qui éveille les consciences. Corentin Chaves Vaux-le-Pénil Lycée Simone-Signoret “Celle qui éveille les consciences”, c’est le sens de son prénom, Gasandji, en lingala, langue d’Afrique centrale, remplit bien sa mission. Native de Kinshasa, en République démocratique du Congo, notre ancienne danseuse chorégraphe a su s’adapter à cette voie musicale avec une aisance hors du commun, et ainsi laisser la majorité de ses auditeurs sans voix. Dès 2010, elle apparaît de belle manière aux Francofolies. MC Solaar, IAM, Cut Killer ou Princesse Erika l’ont prise sous leur aile pour sublimer son envol. Dans Le Temps, l’artiste adopte une rythmique douce, qui tranche avec des textes engagés. Pour son premier album – autoproduit, sa carte d’identité comme elle le dit –, composé en cinq longues et riches années, elle a réussi à convaincre toutes les critiques. En mélangeant les styles – soul, reggae, rumba congolaise ou jazz –, elle a su trouver un équilibre, et ses percussions renforcent les guitares acoustiques très présentes. Rien de trop pour affronter le temps, ce terrible adversaire, avec une énergie communicative nécessaire afin de le tuer, de l’enterrer, et de l’arrêter dans son élan. Arrogant ? Non. Juste envoûtant. le meilleur des autres “La liberté, c’est de n’arriver jamais à l’heure.” Cette citation d’Alfred Jarry n’en est qu’une parmi d’autres, tant le temps est un sujet vaste. Gasandji, chanteuse compositrice congolaise s’y attaque courageusement. Sa composition tente une rébellion contre le temps par un texte qui l’assassine.” Tanguy Salmon, Versailles, lycée La Bruyère Rüdy Waks Dans ce morceau au rythme entraînant, l’utilisation de teintes mineures accentue le tragique de la situation. Nous retrouvons dans ce morceau une justesse vocale dénudée d’artifices techniques. Alex Beaupain “sort” son texte. C’est un texte à l’état brut dans lequel il se confie avec simplicité et sincérité. Ce morceau, empreint de pudeur, nous a transporté dans ce macabre sentimental. Il touche et interpelle. Sommes-nous si égoïstes de vouloir notre aimé juste pour nous ? De vouloir le déluge de la vie plus que de continuer à vivre sans son amour ? Est-ce si mal ? Serions-nous inhumains d’avoir ce désir ? Pourtant, ce désir, c’est l’amour qui en est la cause ! Et si, finalement, ce texte cherchait à souligner l’égoïsme humain ? A remettre en question nos sentiments et nos mœurs ? Alex Beaupain Après moi le déluge Charles-Baptiste Aussi cool que toi Casablanca/Universal Eva Gouedard Orvault Lycée Nicolas-Appert Dur d’être aussi cool que lui… CharlesBaptiste sera l’artiste qui vous étonnera en cette année 2014 ! Après avoir fait les premières parties de Jacques Dutronc et Jacques Higelin l’année passée, on attend prochainement dans les bacs son premier album Les Sentiments inavouables. Toutes les chansons seront des compositions, ayant pour thème commun aveux, confidences que l’on a peur de révéler, et tabous, qu’il s’agit de briser et d’expliquer. Look déjanté, coupe afro et lunettes larges, voilà le style complètement décalé de ce jeune artiste ! Sa première chanson, et son premier succès est celle-ci, Aussi cool que toi. Elle parle d’un sujet peu décrit : l’envie d’être populaire, et d’être aimé. La mélodie, guillerette, fait sourire. Le texte est simple mais étudié. Enfin une chanson pop qui n’en fait pas trop ! Cette chanson est une critique de ces jeunes gens influençables, ces adolescents prêts à “changer d’amis” pour ressembler un peu plus aux “élus”. Sans dénoncer avec méchanceté, il s’y prend avec délicatesse et humour. On se prend au rythme, et je vous mets au défi, après avoir écouté cette chanson, de ne pas fredonner l’air juste après ! Une mélodie entraînante et joyeuse, des paroles bien énergiques, voilà, la recette du bonheur ! Charles-Baptiste impose son style, et ne vous laissera pas indifférents ! AZ/Universal Anouck Bruguière Lyon Rachel Duchesne La Ferté-sous-Jouarre Kenza Sassi Lyon Un look un peu décalé avec les lunettes de Skrillex et les cheveux de Maxime Musqua, des paroles un peu naïves, et la tête du gentil garçon qui se fait voler son goûter à la récré ; pourquoi continuer de l’écouter ? Parce que sa reprise de Get Lucky de Daft Punk est connue (200 000 vues sur YouTube) ? Eh bien non ! Charles-Baptiste, c’est bien plus que ça, c’est unique. Ses maîtres de la variété française, William Sheller ou encore Jean Schultheis, n’ont qu’à bien se tenir parce que lui aussi assure. Sa musique, c’est une mélodie qui entraîne, qu’on retient, qui nous suit, qui reste dans la tête. Sa musique donne envie de danser comme lui, d’être une antistar qui lit Le Journal du séducteur. D’être le jeune Oloronais qu’il était, un peu frustré avec les filles au lycée. D’être son personnage pathétique qui suit ce “toi”, ce mec si “cool”. On s’acharne en écoutant son morceau Aussi cool que toi parce qu’il nous ressemble ; lui aussi a ses faiblesses et ses doutes. Il sait décrire ces moments sans artifices, sans un mot de trop. Alors on se contente de l’admirer pour ne rien gâcher parce qu’à 18 ans, avec son 1er prix du conservatoire, il est parti pour devenir artiste à Paris. Il a pris son piano sur le dos, a appris la guitare sur le tas, chanté dans les bars, fait des petits boulots et aujourd’hui vient juste de sortir son premier album Les Sentiments inavouables. Il a du courage et sa musique est son moteur. Ce mec “si cool” n’est-il pas en train de “nager en plein bonheur” ? Prometteur et plein de talent, CharlesBaptiste nous envoie une bouffée de chaleur tout droit venue du Sud-Ouest. Comme toujours, le piano-voix fait son effet et ce n’est pas pour nous déplaire. Son passage au Festival Le Porte-voix en 2012 à OloronSainte-Marie – sa ville d’origine, dans le Béarn –, a permis à Charles-Baptiste de se faire connaître. Depuis, on ne cesse d’entendre parler de lui. En 2012, il monte à Paris et sort son premier ep, Premiers Aveux, chez Mercury. En septembre 2013, il sort un nouvel ep, Aussi cool que toi, une chanson qui donne la pêche avec sa musique rythmée et ses paroles réconfortantes, grâce à sa gaieté et son humour qui rappelle Alex Beaupain. L’Oloronais nous donne envie de chanter sa chanson à tue-tête : dans la rue, sous la douche ou même en voiture. Son premier album, Les Sentiments inavouables, vient de sortir, toujours chez Mercury. Avec ses grosses lunettes, ses frisettes indomptables et son timbre de voix envoutant, CharlesBaptiste n’a pas fini de charmer le public. Et comme le Béarnais nous le dit si bien, “Variété is not dead”. Alex Beaupain, auteur, compositeur et interprète de la chanson Après moi le déluge, défie les clichés habituels de la chanson d’amour, dégoulinante de bons sentiments, en donnant une version très originale de celle-ci, dans laquelle la douleur et la souffrance sont reines. “Après moi je veux qu’on soit malheureux” : ce passage, comme le texte au complet, est une bouffée de poésie mélancolique remplie d’histoires semblant avoir été vécues… Bien que les paroles soient relativement tristes, la musique joyeuse et pétillante ne rend pas le morceau complètement glauque, ni déprimant. En effet, Alex Beaupain a cette capacité à mélanger deux sentiments contradictoires via une seule et même chanson. Lycée Saint-Exupéry XXII les inrockuptibles chroniques lycéennes Lycée Samuel-Beckett le meilleur des autres “Avec Aussi cool que toi, ce jeune dandy aux allures de séducteur pratique l’autodérision dans son clip et nous mène dans un univers léger et décalé. Un refrain entraînant, des rythmes enjoués, une chanson que l’on fredonne et que l’on garde en tête…” Maelys Cottard et Lucie Butreau, La Rochelle, lycée Pierre-Doriole Lycée Saint-Exupéry Cette année, six artistes de la sélection sont soutenus par le Chantier des Francos : Laurent Lamarca, Sophie Maurin, Laurent Montagne, Mell, La Fanfare en Pétard et Charles-Baptiste. Le Chantier des Francos propose depuis 1998, tout au long de l’année à La Rochelle, des ateliers et des résidences de travail accompagnés par des professionnels permettant d’optimiser et d’affiner le projet artistique d’un point de vue scénique. Romane Roncey Brest Lycée Kerichen En écoutant Après moi le déluge d’Alex Beaupain, aventurez-vous dans la noirceur du sentiment humain. Ce sentiment postromantique, tragique et attristant. Ce sentiment de peine après une rupture. Ce sentiment de ne souhaiter à son ancienne moitié que le déluge. Alex Beaupain, nominé deux fois pour le Grand Prix international du disque de l’académie Charles-Cros, est un auteurcompositeur et interprète français. Ces textes, essentiellement écrits en français, ont servi pour de nombreuses musiques de films et furent plusieurs fois récompensés (César 2008, 2010 et 2012 de la meilleure musique, meilleure musique du festival du film romantique de Cabourg en 2012). Dans Après moi le déluge, deuxième single éponyme de son troisième album sorti en 2013, Alex Beaupain parle d’une rupture et souhaite à celle qu’il aime le déluge. “Après moi je veux qu’on soit malheureux.” CHRONIQUES LYCÉENNES Le pilotage des Chroniques lycéennes – Prix Charles Cros lycéen de la nouvelle chanson francophone est assuré par le l’Atelier CANOPÉ de La Rochelle et l’Académie Charles Cros avec le concours des Inrockuptibles, de la FFCF, des Francofolies, du Rectorat de Poitiers et le précieux soutien du Réseau CANOPÉ et de la MGEN. Contacts Atelier CANOPÉ de La Rochelle, Marylène Da Silva, tél. 05 46 00 34 60, [email protected] Académie Charles Cros – Alain Fantapié – [email protected] POUR LES INROCKUPTIBLES Chef de projet Laurent Girardot Coordination éditoriale Johanna Seban Rédaction Johanna Seban, Stéphane Deschamps Directeur adjoint de la rédaction JD Beauvallet chroniques lycéennes les inrockuptibles XXIII Chloé Dupeyron Aurillac Lycée Emile-Duclaux Après dix ans de collaboration avec le cinéma pour composer des musiques de films, Alex Beaupain met en scène les mots au service de ses propres sentiments. La musique reste classique, on retrouve le piano, une guitare entêtante ainsi qu’une batterie qui marque inlassablement les temps. Mais c’est efficace. Cet accompagnement vif et entraînant met en valeur les paroles. Ce tourbillon de mots nous parle de l’amour ou plutôt des déceptions amoureuses et de la complexité des sentiments. Les mots se contredisent, s’entrelacent, s’entremêlent… comme les sentiments : on passe de la colère à la déception, de la rancune à la supplication. Et l’espoir de trouver un jour l’amour reste le fil conducteur de cette superbe chanson. le meilleur des autres “Les jeux de mots et reprises se retiennent et donnent son rythme à la chanson. Une musicalité simple mais efficace.” Arthur Bernard, La Rochelle, lycée Léonce-Vieljeux Edition Francois Rousseau, Amélie Modenese, Vincent Richard Iconographie Maria Bojikian, Aurélie Derhee, Valérie Perraudin, Caroline De Greef Directeur de création Laurent Barbarand Maquette Nathalie Coulon Fabrication Virgile Dalier, Gilles Courtois Impression, gravure, façonnage Roto Aisne SN LES INROCKUPTIBLES est édité par la société Les Editions Indépendantes, société anonyme au capital de 326 757,51 €, 24, rue Saint-Sabin, 75011 Paris, RCS Paris B 428 787 188 000 21 Directeur de la publication Frédéric Roblot © Les Inrockuptibles 2014. Tous droits de reproduction réservés. Supplément au n° 964 du 21 mai 2014. Ne peut être vendu séparément. En couverture : des élèves du lycée Lamarck à Albert (80) par Renaud Monfourny