L`argumentation dans Candide A - Le blog de Jocelyne Vilmin

Transcription

L`argumentation dans Candide A - Le blog de Jocelyne Vilmin
L’argumentation dans Candide
A - L’argumentation par le biais du genre
Un conte philosophique
Le conte philosophique comme tout apologue (court récit exposé sous forme allégorique, et qui renferme un
enseignement) a pour but de séduire en instruisant ; il comporte une courte histoire fictive et une leçon. Même
s’il évoque des questions graves, il doit toucher le plus large public possible. Candide correspond à cette
définition : à son époque, il fut si apprécié qu’il y eut plusieurs éditions et il continue à plaire aujourd’hui.
Une œuvre qui séduit et, donc, peut convaincre
a)Les raisons de son succès hier et aujourd’hui:
•
une histoire courte et drôle
•
un tour de monde rocambolesque en quelques jours
•
l’amour ( même s’il est caricaturé) qui sert de fil conducteur au récit
•
des questions universelles : la tolérance, l’existence du mal, le bonheur
•
une morale abordable par tous
➜ le genre même du conte philosophique est argumentatif puisque l’auteur essaie de convaincre et persuader
son lecteur du bien fondé de sa thèse.
b) Des références communes avec le lecteur du XVIIIe
•
la guerre de Sept Ans, commencée en 1756, trois ans avant la parution de Candide
•
le séisme de Lisbonne en 1755
•
la polémique autour des Jésuites qui aboutira à leur expulsion de France en 1764 (chap. 6)
•
l’exécution de l’amiral John Byng en 1757 ( chap. 23)
•
les débats sur le « bon sauvage » (chap. 16)
•
les débats sur l’esclavage (chap.19)
•
l’optimisme
•
la parodie de la Bible (chapitre 1, la Genèse avec le jardin d’Eden, la paradis terrestre dont sont chassés
Adam et Éve ; les lecteurs du XVIIIè siècle connaissaient parfaitement la Bible)
•
Candide parodie aussi des genres à la mode : le roman picaresque et le conte oriental
➜ tout ceci attire le lecteur du XVIIIe et lui plaît
B - L’ironie, instrument de l’argumentation
L’ironie est l’arme favorite de Voltaire contre les diverses formes d’injustice qui affligent la société de
son temps.
(http://michel.balmont.free.fr/pedago/candide/ironie.pdf)
Voltaire s’attaque à un certain nombre d’ennemis dans Candide. Mais il les attaque rarement
directement, de face, en cherchant à leur dire leur fait ou leurs quatre vérités. Le texte de Candide comprend
peu d’insultes, peu d’accusations directement et nettement formulées comme telles. En fait, comme très
souvent Voltaire utilise une des armes favorites du Siècle des Lumières, et qu’il maniait mieux que quiconque :
l’esprit, et plus particulièrement l’ironie.
On remarque, en particulier dans Candide, trois procédés utilisés pour créer cette dernière.
1—
les parodies de genres
Le conte - Candide se présente en effet comme un conte et reproduit certaines caractéristiques de ce genre (Il
y avait en Westphalie, le fait que les personnages sont indestructibles, etc.) Mais alors que dans le monde du
conte, tout est parfait, celui que parcourt Candide vire rapidement au cauchemar.
Le picaresque - Le genre picaresque est caractérisé par les aventures d’un héros pauvre
et débrouillard, dont les aventures sont des épisodes reliées entre elles par un fil directeur assez lâche. Certes
nous retrouvons ici le fil rouge (le voyage), mais le héros n’a rien de débrouillard.
Nombreuses parodies partielles
•
Bible (le paradis terrestre de TTT au chapitre I; et en pleurant il entra dans Surinam au chapitre XIX, etc.)
•
Romans galants (Candide et Cunégonde derrière le paravent, les aventures de Cunégonde)
•
Épopée (la description de la bataille dans les premières phrases du chapitre III)
2—
le double point de vue
Presque tout ce qui est raconté est vu selon une double focalisation. Le plus souvent on trouve :
•
un point de vue interne, celui de Candide, qui voit le monde à travers le filtre de l’optimisme de Pangloss.
•
un point de vue omniscient (ou focalisation zéro) qui correspond à un narrateur lucide.
Les rapports de ces deux points de vue sont réglés de manières diverses; parfois on devine
l’un à travers l’autre (chapitre I), parfois l’un succède à l’autre, souvent ils sont mêlés (ch. III)
Il existe d’autres jeux sur la focalisation (emploi du point de vue externe dans la description de
l’autodafé du chapitre VI, par exemple).
Les effets produits vont de la simple antiphrase (les « héros » abares et bulgares qui détruisent les
villages) à de subtils jeux de sens (“Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple” = l’esprit trop
simple). Il se crée une distanciation, dans laquelle est contenu l’essentiel du message que Voltaire veut faire
passer.
3—
les causalités aberrantes
Il s’agit ici de faire éclater l’absurde. Voltaire utilise pour cela trois procédés :
•
L’inversion de la cause et de l’effet Les inquisiteurs cherchent des hérétiques pour avoir un bel autodafé (en
fait la justice fonctionne dans le sens inverse).
•
Le raccourci “Pourquoi faire tuer cet amiral? Parce qu’il n’a pas fait tuer assez de monde” (ch. XXIII) Les
Portugais brûlés pour avoir arraché le lard dont était bardé le poulet. Pangloss accusé d’avoir parlé et Candide
d’avoir écouté (ch VI).
•
L’absurde total “Un des plus puissants seigneurs de la Westphalie car son château avait une porte et des
fenêtres.” (ch. I)
Qu’est-ce que l’ironie ?
L’ironie est une arme essentielle de la stratégie argumentative parce qu’elle place le récepteur (le
lecteur, le spectateur) dans une relation de complicité et qu’elle le contraint à faire la moitié du chemin dans
l’adhésion à la thèse. Celle-ci se dissimule en effet derrière une formulation strictement inverse et le lecteur
doit être sensible aux indices qui le lui signalent:
•
une logique absurde : elle consiste à allier à une cause donnée un effet qui est sans rapport avec elle.
L’absurdité patente de cette relation ne peut échapper au lecteur (les discours de Pangloss)
•
l’exagération caricaturale et cynique: le chapitre 3
•
l’euphémisme : les appartements d’une extrême fraîcheur pour le cachot
•
l’antiphrase : c’est le procédé essentiel. Il s’agit ici de juger un phénomène à l’inverse de ce qu’on
attendrait. “un bel auto-da-fé”, “le plus grand philosophe de Westphalie”, “tout est bien”