Le monde sous les yeux de Marie Jo Lafontaine

Transcription

Le monde sous les yeux de Marie Jo Lafontaine

Le monde sous les yeux de Marie Jo
Lafontaine
DOMINIQUE LEGRAND
mercredi 13 juin 2012, 12:13
L'artiste belge vient d'accomplir une année record. Elle évoque le
marché de l'art et sa philosophie des images.
Le nouveau travail de Marie Jo Lafontaine dont nous dévoilons le thème en avant-première :
les « Nus » © Marie Jo Lafontaine
S
ous les yeux d'acier de Marie Jo Lafontaine, le monde tremble : « Si on vend une
photographie de Cindy Sherman 4 millions de dollars, il y a une distorsion gênante :
on peut acquérir un Rembrandt ou un Bruegel pour 500.000 ou 600.000 euros ! Mais
qui suis-je pour dire cela ? » Tempête ou apaisement, le regard de l'artiste belge se
pose sans fard sur son parcours : « Tu n'es jamais reine dans ton pays, sourit-elle. Il
faut choisir où on expose. L'envie me guide. »
Depuis les années 80, cette artiste mène une course de fond, fascinant travail de
rigueur et d'enchantement. Photographie, film, installation se positionnent sur les
fronts de l'intransigeance. Un grand travail photographique vient d'éclore au centre
médical Villa Larix, en Allemagne : « Il fallait donner assez et pas trop. La série Alice
in Wonderland permet au patient d'entrer dans sa propre histoire. » À fleur de peau,
une heureuse mélancolie sourd des portraits féminins en regard d'une explosion
végétale tout en vénéneuse sensualité.
À Art Cologne, en avril, le galeriste belge Guy Pieters a vendu plusieurs œuvres de
Marie Jo Lafontaine. « En Allemagne, les artistes sont soutenus. Ici, on leur donne
5.000 euros pour un projet. Cela paie juste les timbres-poste. En Belgique, c'est
l'artiste qui prend des risques, s'enflamme-t-elle. Les galeries manquent de réactivité.
On peut être au fond de nulle part comme la Galleria Continua à San Gimignano, et
être proactif sur le marché. »
Intensité émotionnelle
Lauréate d'un projet public pour le Petit Séminaire de Roulers, elle va inscrire la
phrase d'Erasme « Je suis un citoyen du monde, partout chez lui, partout étranger »
sur la façade de l'école, de manière séquentielle, dans toutes les langues.
À la demande de Bozar pour l'Été de la Photographie, elle finalise un projet pour une
tour du Quartier Nord. Une exposition va voir le jour à Bruxelles. « Une partie de ce
projet renvoie à la peinture des primitifs flamands pour les nus féminins, précise-telle. Pour les nus masculins, c'est aussi un geste dédié à Bacon qui m'a rendu
hommage dans son livre, L'odeur du sang ne me quitte pas des yeux. L'exposition El
Greco m'a impressionnée : les corps androgynes, la lumière. Je commencee un
travail de sculpture lié au projet sur le Nu. »
Rolls-Royce organise en marge d'Art Basel une conférence-débat Une icône
rencontre une icône entre Marie Jo Lafontaine et l'essayiste Alexandre Castant.
Cette invitation sera suivie d'un projet artistique, une première pour cette marque de
luxe.
L'ambition d'une rétrospective s'impose. À Bozar et à Essl, en Autriche ? « Je ne suis
pas une artiste qui a une production phénoménale, remarque-t-elle. C'est un travail
du temps et de l'approfondissement. Les coûts sont très élevés : un film vidéo suivi
d'une installation sculpturale multisources peut atteindre 350.000 euros. Il n'y a pas
de spéculation sur mon travail car les collectionneurs conservent mes œuvres. Je ne
figure pas dans le business de l'art de Pinault. Je suis dans le monde par mes
expositions et projets, et, dans mon atelier, seule à créer en confrontation avec les
échos de ce monde.

Documents pareils