Diligences d`audit et impact sur les honoraires dans le cadre du

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Diligences d`audit et impact sur les honoraires dans le cadre du
Diligences d’audit et impact sur les honoraires dans le cadre du reporting IFRS des
banques tunisiennes
Abstract
Malgré l’absence d’une obligation
d’application du référentiel IFRS en
Tunisie, certaines sociétés tunisiennes
filiales de groupes étrangers restent
tenues de retraiter leurs états financiers
pour les besoins de consolidation au
niveau du groupe.
Les auditeurs de ces sociétés
tunisiennes doivent mettre en place des
nouvelles diligences pour faire face à
certains risques engendrés par certaines
complexités existantes au niveau de
référentiel international [l’estimation de
la juste valeur, les calculs actuariels, les
instruments financiers complexes…].
Cette étude a pour objectif d’expliquer
l’augmentation des honoraires d’audit
lors du reporting IFRS des banques
tunisiennes en fonction des diligences
additionnelles.
IFRS : un langage comptable universel
Le référentiel comptable international a
passé d’une simple idée d’harmonisation
comptable à travers le monde à un cadre de
normalisation
comptable
d’application
obligatoire dans plus que 100 pays dans le
monde. [1]
La communauté Européenne a bien compris
que la 4ème et la 7ème directive ne pouvaient
pas doter les sociétés d’un jeu d’états financiers
d’une envergure internationale. Pour cette
raison l’Union Européenne a obligé les sociétés
cotées des pays membres de publier les
comptes consolidés selon les normes
comptables internationales IAS/IFRS à partir du
1er Janvier 2005.
Des scandales financiers comme celui de la
société Enron et WorldCom ou récemment la
crise Subprime ne laissaient pas les États-Unis
en dehors de la sphère de normalisation
comptable internationale. En conséquence, Le
FASB américain a signé en 2002 avec l’IASB
l’accord
de
Norwalk
pour
éliminer
systématiquement les divergences entre les
deux référentiels.
D’un autre côté, plusieurs études ont montré
la supériorité du référentiel IAS/IFRS à travers
l’observation du niveau de divulgation
[Ashbaugh et Pincus (2001),
Armstrong et al. (2007)] ou bien à travers l’étude
de l’attractivité des sources de financement [Young
et al. (2002)]. Les résultats de ces études montrent
un niveau de divulgation et une traduction de la
réalité économique plus importante dans les IFRS
ainsi qu’une attractivité plus importante des
investisseurs étrangers.
Le secteur bancaire reste parmi les secteurs les
plus touchés par le référentiel IFRS dont le sens où
une bonne partie des actifs de la banque est
composée par des instruments financiers
(portefeuille crédit, titres de participations,
instruments
financiers
secondaires…).Les
instruments financiers sont considérés comme
l’aspect le plus complexe dans le référentiel IFRS
[Spector (2003)].
Nombreuses critiques ont été adressées aux
normes comptables internationales et précisément à
l’IAS 39 suite à la crise immobilière « Subprime ».
Ces critiques sont principalement liées à la volatilité
que peut engendrer la juste valeur sur les comptes.
Pour cette raison, L’IASB en coordination avec le
FASB américain ont lancé la refonte de la norme sur
les instruments financiers. La nouvelle norme IFRS 9
publiée en Juillet 2014 [2]. Cette dernière a pour
objectif de réduire la complexité de comptabilisation
des instruments financiers et des opérations
de
couverture et de présenter un modèle de
provisionnement en perte attendue plutôt qu’en perte
avérée.
Banques tunisiennes face à l’obligation de
reporting en IFRS
Nombreuses pratiques comptables et méthodes
d’évaluation
présentent
des
divergences
fondamentales entre le référentiel international et le
cadre comptable et réglementaire tunisiens.
Citons à titre d’exemple, le provisionnement du
portefeuille crédits qui est régit par des circulaires
de la banque centrale de Tunisie et axé sur des
pourcentages de provisionnement selon la classe de
risque afférente à l’antériorité des impayés. Le
modèle de l’IAS 39 provisionne le crédit en
comparant la valeur comptable selon le coût amorti
du crédit à une valeur recouvrable (flux estimés
recouvrables actualisés au taux d’intérêt effectif
initial).
Il faut préciser à ce niveau que les banques
tunisiennes, filiales de groupes étrangers obligées de
remonter des liasses de retraitements IFRS, ne sont
pas considérées par l’IASB comme des adoptants des
IFRS dans le sens où ils ne respectent pas toutes les
1
dispositions normatives exigées par ce
référentiel. De même, les banques sont parfois
obligées d’adapter certaines méthodes IFRS à
leur contexte.
matière de crédits restructurés hors conditions
de marché ;
- La validation des hypothèses de projections des
flux des crédits douteux (provision individuelle) ;
Diligences de l’auditeur et impact sur les
honoraires
- La validation de la provision collective pour les
crédits sains ;
Nombreuses études ont observé l’évolution
des honoraire dans le cadre de transition IFRS à
travers le monde. Les résultats montrent une
augmentation significative des honoraires d’audit
après adoption des IFRS [Schadewitz et Vieru
(2007), Friis et Nielsen (2010)].
- La validation des hypothèses démographiques
pour l’estimation des avantages au personnel
postérieurs à l’emploi tel que préconisé par l’IAS 19.
Ceci est expliqué par les travaux additionnels
mis en place par l’auditeur pour contourner les
risques liés aux IFRS (difficultés de certains
retraitements, recours à la juste valeur,
complexité
d’évaluation
de
certains
instruments…).
Objectif et Méthodologie de l’étude
Notre étude a pour objectif de déterminer les
diligences supplémentaires mis en place par
l’auditeur dans le cadre du reporting IFRS des
banques tunisiennes et qui expliquent
l’augmentation de ses honoraires.
La méthodologie adoptée pour atteindre cet
objectif se détaille comme suit :
– L’observation de l’ensemble des retraitements
IFRS ainsi que des adaptations effectués de trois
banques de la place.
– Préparation d’un questionnaire mettant en
relation la variable dépendante « le niveau
d’augmentation des honoraires » avec un
ensemble de variables explicatives. Ces dernières
étant liées aux :
- Différents retraitements IFRS et le recours à des
estimations et à la juste valeur (provision
individuelle et collective, portefeuille titre,
avantages
au
personnel…), diligences
additionnelles lors de la première adoption des
IFRS, le dispositif de contrôle interne en place en
liaison avec les IFRS, la taille de la banque,
l’appartenance du cabinet d’audit au réseau « Big
4 ».
– La communication d’un questionnaire à un
échantillon de 250 experts comptables membres
de l’Ordre des Experts Comptables de Tunisie.
Résultats de l’étude
– Les retraitements comptables IFRS qui
expliquent le plus l’augmentation des honoraires
sont :
- L’estimation de la décote sur les crédits
restructurés tel que préconisé par l’IAS 39 en
– Les résultats de notre étude montrent aussi que
l’augmentation est plus importante lors de la
première adoption des IFRS surtout pour la
validation du bilan d’ouverture.
– La participation active de la société mère dans la
mise en place du processus de reporting IFRS dans
sa filiale est aussi un facteur de contrôle interne
déterminant pour alléger les travaux de l’auditeur.
– Contrairement à plusieurs études, les résultats
liés à notre échantillon, montrent que la taille n’est
pas un facteur prépondérant dans l’explication de
l’augmentation des honoraires. Ceci peut être
expliqué par le fait que l’auditeur est préoccupé par
l’appréhension des méthodes comptables IFRS par la
banque au détriment du volume des opérations.
Nos résultats montrent que les personnes
interrogées appartenant à des cabinets d’audit « Big
4 » considèrent plus que les autres que les
honoraires d’audit augmentent lors du reporting
IFRS des banques tunisiennes.
Bibliographie
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Europe. Bulletin d’information. Institut des réviseurs d’entreprises,
N°2/2005.
– FRIIS O. et M. NIELSEN, (2010), Audit fees and IFRS accounting Is
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– GRIFFIN P.A., D.H., LONT et Y. SUN, (2008), Governance
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– SPECTOR S., (2009), Norme internationale d’information financière
32(IAS 32), Instruments financiers : Présentation. Certified General
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– SCHADEWITZ H. et M. VIERU, (2007), Impact of IFRS Transition
Complexity on Audit and non-audit fees: Evidence from Small and
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[1 ] http://www.ifrs.org/Use-around-the-world/Pages/Analysis-of-the-IFRSjurisdictional-profiles.aspx
[2 ] http://www.ifrs.org/Alerts/PressRelease/Pages/IASB-completes-reformof-financial-instruments-accounting-July-2014.aspx
§ Haykel Kchaou
Expert-comptable membre de l’OECT
Enseignant universitaire
[email protected]
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