Martin SCORSESE, un homme questionné par la foi

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Martin SCORSESE, un homme questionné par la foi
Martin SCORSESE, un homme questionné par la foi Cinéaste, scénariste et producteur américain, Martin Scorsese est une des grandes figures du cinéma de notre époque. Il a réalisé plus de 30 films, cependant nous ne parlerons ici que de ceux abordés sous l'angle de sa foi qui est une composante importante de vie. Martin Scorsese est né en 1942, à New-­‐York, dans une famille d'origine sicilienne de confession catholique. Croyants, ses parents lui donnent une éducation religieuse solide. Il entame sa scolarité à l'école catholique primaire de Saint-­‐Patrick. Atteint d'un asthme très grave à sa naissance, le petit Martin est un enfant fragile. Cette maladie l'empêche de pratiquer un sport ou de traîner avec ses copains dans les rues de Little Italy. Ses lieux de refuge sont les bibliothèques, les salles de cinéma et la cathédrale Saint-­‐Patrick. Animé d'une foi profonde, il entre au séminaire, mais est renvoyé au bout d'une année pour indiscipline. Il abandonne l'idée d'une vocation sacerdotale et reprend des études à la Cardinal Hayes School, puis intègre l'Université de New-­‐York où il suit les cours d'histoire du cinéma de Haig Manoogian et s'initie aux rudiments techniques du 7ème Art. Sa passion du cinéma prend alors le pas sur ses aspirations religieuses, cependant toute sa vie d'homme et de cinéaste reste profondément marquée par le questionnement de la foi. Il est impossible de comprendre son oeuvre cinématographique sans tenir compte de cela. "Une bonne partie de mon travail provient de la façon dont j'ai perçu certains aspects de la religion et de la morale". Son premier long métrage, Who's that knocking at my Door ? (1967) pose les fondations de son cinéma : fidélité à son territoire identitaire et spirituel, rapport à la violence, fluidité de la mise en scène, maîtrise du récit et importance de la musique. Viennent ensuite : Boxcar Bertha (1972) qui étonne par ses références religieuses et Mean Streets (1973) portrait, au coeur de Little Italy, d'une génération tiraillée entre la mafia et l'Eglise. Avec Ragging Bull (1980), il explore à nouveau les chemins symboliques entre grâce, damnation et éventuelle rédemption. The Last Temptation of Christ (La Dernière Tentation du Christ) film sorti en 1988, est le fruit d'une longue gestation. C'est lors du tournage du Boxcar Bertha, 18 ans auparavant, que Barbara Hershey, la future Marie-­‐Madeleine de The Last Temptation of Christ offre à Martin Scorsese le livre La Dernière Tentation de Nikos Kazantzaki. "Ce qui m'a fasciné dans l'oeuvre de Kazantzaki c'est que Jésus y est représenté d'abord comme un homme qui souffre autant que nous tous. Bien qu'il soit le Messie, il doit s'incarner en un être humain pour vivre pleinement nos épreuves. Réciproquement nous pouvons nous identifier à son combat et ainsi commencer à assumer le nôtre" Association des Amis de la Fondation Rui Nogueira/Françoise Batardon/Février 2013 Le projet de porter au cinéma le roman de Kazantzaki devient alors l'objectif principal de Scorsese. Cependant, il ne veut surtout pas imiter les peplums bibliques qui ont bercé son enfance. "Au début des années 80, j'ai compris qu'il était temps d'adopter une autre approche de Jésus en réfléchissant à ce qu'il représentait vraiment et à ce qu'il avait déclaré et de m'y confronter réellement dans le cadre de mon métier de cinéaste" Martin Scorsese choisit de présenter le Christ comme un être engagé dans une difficile quête spirituelle. L'histoire est donc conçue comme une allégorie du cheminement intérieur de l'être humain. La grande « tentation » qu'éprouve le Christ et à laquelle le titre fait référence est celle de se trahir lui-­‐même, en choisissant de mener une existence paisible et tranquille, au lieu de rester fidèle à son « appel » intérieur. Le cinéaste éprouve beaucoup de difficultés à monter son projet. En 1983, alors que le budget est pratiquement bouclé, le tournage est ajourné. Il ne redémarre finalement que le 12 octobre 1987. Pendant toutes ces années d'attente, de multiples versions du scénario sont écrites par Paul Schrader qui adapte le livre de Kazantzaki. Avec The Last Temptation of Christ, le but de Scorsese est d'impliquer les spectateurs et de les faire réagir, et non de porter atteinte à leur foi. C'est dire que les remous provoqués par son film l'ont profondément touché. § Bien avant la sortie du film, la version antidogmatique de Scorsese a été fermement dénoncée par les autorités religieuses. § Les Studios Universal Films reçoivent plus de 10'000 appels indignés par jour. § Le 22 octobre 1988, un groupe fondamentaliste catholique incendie une salle de cinéma à l'Espace Saint-­‐Michel, à Paris. § D'autres attentats et incendies de cinéma sont perpétrés en France causant la mort d'une personne et faisant de nombreux blessés. § A Genève, des manifestants protestent devant le cinéma projettant le film. "J'ai été très affecté d'entendre certaines personnes affirmer que ce film était une insulte à leur foi. Je n'ai jamais eu l'intention d'ébranler la foi de qui que ce soit. même si personnellement, je suis en lutte permanente avec moi-­‐même pour savoir si j'ai la foi ou non. J'ajoute qu'il y a une grande différence entre avoir la foi et poursuivre une quête spirituelle. La question que je me suis toujours posée et que je me pose encore d'ailleurs, est de savoir s'il est nécessaire d'adopter une religion pour mener une quête spirituelle" En 1990, la Cour de Cassation de Paris a exigé que le film La Dernière Tentation du Christ soit précédé d'un avertissement ainsi rédigé : "Ce film est tiré du roman de Nikos Kazantzaki. Il n'est pas une adaptation des Evangiles". Les déclarations personnelles de Martin Scorses (en italique) sont tirées du livre de Richard Schickel Conversations avec Martin Scorsese ,chez Sonatine. Association des Amis de la Fondation Rui Nogueira/Françoise Batardon/Février 2013