Films à la Fiche - Cracovie 2016

Transcription

Films à la Fiche - Cracovie 2016
Films à la Fiche
LA LISTE DE
SCHINDLER
VL3146
« Celui qui sauve une vie, sauve le
monde entier »
Présentation
Adapté d’un roman de Thomas Keneally, ni documentaire, ni
témoignage, La liste de Schindler raconte l’histoire vraie du
« Juste » Oskar Schindler pour dénoncer et commémorer les
atrocités de l’Holocauste.
LA LISTE DE SCHINDLER
Réalisation
Né en 1947 à Cincinnati, Steven Spielberg tourne à 12 ans son
premier essai d’amateur. En 1969, il réalise le court-métrage
Amblin qui lui permet de signer un contrat de sept ans avec
Universal. Il débute véritablement au cinéma avec Les dents de la
mer (1975). Après le succès d’E.T. en 1982, il crée deux sociétés
de production Amblin Entertainment en 1984 et Dreamworks
SKG en 1994. La Seconde Guerre mondiale est un thème récurrent dans une œuvre orientée vers le grand public.
Synopsis
Automne 1939 en Pologne, les Allemands rassemblent les
Juifs dans des ghettos pour les utiliser comme main-d’œuvre.
Oskar Schinder, industriel et membre du parti nazi, profite
de la situation et fonde une usine qui tourne à l’aide de ces
ouvriers très bon marché et grâce aux conseils avisés du Juif
Itzhak Stern. Mais Oskar va peu à peu s’attacher à « ses » Juifs
dont la survie face aux horreurs nazies deviendra sa priorité.
Thèmes
Guerre – Génocides ; crimes de guerre – Violence - Identité ; altérité ; racisme – Adaptation littéraire – Inspiration de
faits réels ou historiques.
Éducation par le cinéma
Pistes de réflexion quant au contenu
La Shoah
Le film montre plusieurs étapes d’un processus génocidaire implacable : l’expropriation, la concentration dans un ghetto, le travail
forcé, la déportation dans des camps, la séparation des familles,
l’extermination des ghettos, etc. Le film prend prétexte d’une
histoire particulière, au dénouement heureux, pour décrire le pire.
Le « juste » Oskar Schindler
Le film est basé sur le livre éponyme de l’Australien Thomas Keneally, lui-même écrit sur base des témoignages de survivants. Les
personnages et les faits sont donc réels bien que les intentions
et les caractères des protagonistes soient romancés. La Liste de
Schindler est donc une œuvre de fiction qui raconte une histoire
authentique. Le titre de « juste » est attribué par le mémorial Yad
Vashem à tout non-Juif qui a aidé, au péril de sa sécurité et avec
désintérêt, des Juifs à survivre à l’Holocauste. Oskar Schindler
obtint cet honneur en 1967. Après la guerre, il a pu compter sur le
soutien de ceux qu’il a sauvés pour surmonter sa faillite.
Pistes de réflexion quant à la narration
Le récit épouse le parcours moral du personnage d’Oskar Schindler. D’abord guidé par le gain, nazi par opportunisme et amateur
de belles femmes, il cherche à profiter de la guerre pour faire de
l’argent et joue sur son art de la séduction. À la fin de l’histoire,
Oskar Schindler a changé. Il regrette de ne pas avoir pu sauver
plus de personnes et d’avoir dépensé trop d’argent à des fins égoïstes. Il a pris de gros risques pour sauver les Juifs, délaissant jusqu’à la ruine ses intérêts commerciaux. L’évolution d’un extrême à
l’autre se fait progressivement et guide véritablement la narration.
Ce sont ces changements moraux qui permettront à plus de mille
Juifs d’échapper au pire.
L’élément qui précipite la prise de conscience de Schindler est la
petite fille au manteau rouge. Il la voit pour la première fois lors
de la liquidation du ghetto de Cracovie et il reverra son cadavre
lorsque son corps sera brûlé. En se focalisant sur cette fillette,
Schindler prend conscience de l’individualité des victimes des
nazis. Cette prise de conscience est à son apogée lorsque Oskar
(aidé d’Ithzak) doit rédiger la liste des Juifs et donc se souvenir de
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Éducation par le cinéma
chacun de leur nom. Cet exercice de dénomination leur confère
une place égale à la sienne, une réalité individuelle que nie le
processus génocidaire.
Le film se subdivise en trois parties. La première (du début à la 53e
minute) présente les personnages ainsi qu’une dégradation rapide
de la situation. La seconde (jusqu’à la 136e minute) décrit l’enfer
concentrationnaire de Plaszow hanté par le commandant Goeth.
Le reste du film s’apparente à un lent mouvement ascendant vers
la libération et la réussite de l’entreprise qui consiste à sauver
les Juifs. Indépendamment de ces passages, le film débute sur une
célébration judaïque et s’achève sur un mode documentaire avec
l’hommage des survivants sur la tombe d’Oskar Schindler.
Face au film
Le film de Spielberg atténue fortement la représentation de l’atrocité.
Les Juifs ne sont pas maigres, ils ont des vêtements en bon état. Les
femmes sont encore belles et beaucoup ont l’air en bonne santé.
Aucune image ne fait référence aux maladies comme le typhus, ni
aux nombreux suicides. Finalement, l’horreur se situe au niveau des
rapports humains. Le film esquive une mise en scène trop réaliste.
Ce choix fait débat quant à la manière dont il faut représenter
l’Holocauste. Ne risque-t-il pas de diminuer l’impact sur le public
et donc, de minimiser les évènements ? Mais, a contrario, l’impact du
film n’est-il pas d’autant plus grand que la distance est réduite entre
la représentation et le spectateur ? Le choix de Spielberg consiste
à exploiter les habitudes narratives (l’histoire se termine bien) et
esthétiques du spectateur. Si les faits étaient dépeints avec réalisme,
le spectateur pourrait-il s’identifier aux personnages ? L’empathie
n’est-elle pas préférable au dégoût ? Est-ce une manipulation.
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Contextes
Ligne du temps historique
Ligne du temps artistique
Oskar Schindler arrive à Cracovie occupée
- 1939
Destruction du ghetto de Cracovie - 1943
Libération des camps de Pologne - 1944
Le mémorial Yad Vashem reconnaît Oskar
Schindler « Juste parmi les nations »
- 1967
Décès d’Oskar Schindler - 1974
1955 - Nuit et brouillard d’Alain Resnais.
1982 - Publication de La liste de Schindler par Thomas Keneally.
1985 - Shoah de Claude Lanzmann.
1993 - La liste de Schindler de Steven
Spielberg.
Contexte politique
À sa sortie, le film suscita la controverse. Claude Lanzmann (Shoah,
1985), notamment, qualifia le film d’obscène en raison de l’édulcoration provoquée par la forme fictionnelle (voir page 3). Le débat
portait sur la légitimité de l’appropriation par le cinéma d’un sujet
aussi grave que la Shoah et opposait les partisans de la stricte mémoire documentaire à ceux qui défendaient le droit à l’art de traiter
tous les sujets. Sur la question, Stanley Kubrick fit remarquer que le
film ne traitait pas de la Shoah mais bien de l’histoire des juifs survivants. Kubrick mettait ainsi le doigt sur le dilemme du film, incarné
par la scène où les femmes s’attendent au gaz mais, contrairement
à tant d’autres victimes, reçoivent une douche d’eau. Ces crispations autour de La liste de Schindler illustrent bien les difficultés de
l’exercice de mémoire au sujet de la Shoah, qui s’est développé au
cours des années 70 et 80. Aujourd’hui, l’Holocauste est un sujet de
plus en plus difficile à aborder et qui tend à devenir plus un objet de
commémoration qu’un sujet d’étude.
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Contextes
Après la diffusion du film, Spielberg a créé la Shoah Foundation,
chargée de recueillir les témoignages de survivants de l’Holocauste
et de produire des documentaires favorisant le devoir de mémoire.
Contexte de production
Steven Spielberg a acheté les droits du livre de Thomas Keneally en
1982 mais il ne désirait pas réaliser le film lui-même. Tom Pollock,
patron d’Universal, proposa d’abord le sujet à Martin Scorsese qui
refusa en estimant qu’un réalisateur juif était plus apte à le faire.
Roman Polanski fut ensuite sollicité mais il refusa également car le
sujet était trop personnel et proche de son histoire. Finalement,
après le succès de Jurassic Park (1993), Steven Spielberg (d’origine
juive) s’attela à la tâche tout en cherchant à ne pas choquer et à
rester proche de la réalité.
Spielberg se décrit comme un cinéaste de l’imagination qui a découvert la réalité. En terme cinématographique, cela semble définir un
style proche du « cinéma vérité », principalement influencé par le
cinéma européen, réputé respectueux du réel.
Steven Spielberg s’est dit également fort influencé par le travail
de David Lean, habitué des fresques romancées inscrites dans un
contexte historique fidèlement dépeint (Le Pont de la rivière Kwaï,
1957, Lawrence d’Arabie, 1962…).
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Éducation au cinéma
L’utilisation des couleurs
Le film se caractérise par l’utilisation du noir et blanc et se distingue
par l’insertion de plusieurs éléments colorés. Au début et à la fin du
film, lors de la fête juive le jour du Shabbat, la flamme de la bougie
est en couleur. La bougie est symbole de vie et d’espoir. Cette vie
est de nouveau incarnée par les couleurs lors de la scène où les
juifs, libérés, se dirigent vers la ville ; de même que durant toute la
séquence documentaire où les survivants de l’histoire et les acteurs
viennent se recueillir sur la tombe d’Oskar Schindler. L’élément en
couleur le plus important reste la petite fille au manteau rouge qui
souligne, pour Oskar Schindler, la valeur individuelle des Juifs. Ces
rares couleurs jouent un rôle symbolique et soulignent positivement les valeurs auxquelles se réfèrent le film : l’espoir, la liberté,
l’humanité, la mémoire…
Pourquoi le noir et blanc ?
Steven Spielberg a choisi de réaliser ce film en noir et blanc pour
donner une impression de réalité, d’archive, ce qui rajoute une
note plus sombre et appuie la nature tragique des évènements. Les
contrastes sont saisissants comme lors de la scène du meurtre de
l’ouvrier manchot. Son sang, très noir, s’écoule sur la neige, très
blanche, ce qui souligne l’horreur du crime.
Souci de vérité
Thomas Keneally découvre l’histoire de la liste de Schindler en discutant avec un des survivants, Poldek Pfefferbers. Keneally, journaliste-romancier, se met en quête d’autres survivants pour rassembler
leurs témoignages et comble les éléments manquants en inventant
au plus près de la réalité afin d’écrire un « roman historique ». Le
film se base sur ce livre. Pour le réaliser, Steven Spielberg a rencontré de nombreux survivants des camps lors d’entretiens filmés en
posant des questions très précises. Cela lui permit, notamment, de
reconstituer dans les moindres détails le camp d’Auschwitz.
Analyse d’une séquence
La bande-son renforce l’identification aux personnages et l’émotion que l’on peut ressentir vis-à-vis des différentes situations.
À plusieurs moments, elle joue un rôle narratif. De nombreuses
séquences illustrent ce procédé et peuvent servir à interroger le
spectateur sur ce qu’il ressent au sujet de la combinaison entre
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Éducation au cinéma
l’image et la musique, ce qui mettrait en évidence le rôle de cette
musique dans ces scènes.
Lors de la scène dans le ghetto où la petite fille en rouge tente de
s’échapper, c’est un chant yiddish que l’on entend. C’est une sorte
de comptine sur l’alphabet. La musique est là pour atténuer la violence des coups de feu, des hurlements, de la cohue. La musique
édulcore la violence et cherche à éviter d’en saturer le spectateur.
Lorsque la rafle de nuit des SS commence, c’est une œuvre de
Bach qui est interprétée. Le rythme est plus rapide et la musique
plus forte jusqu’à la scène suivante. Elle accompagne l’hystérie
meurtrière des soldats.
Lorsque les prisonniers défilent nus pour la sélection, une
musique typiquement allemande est diffusée. Il y a ici une
contradiction entre les détenus paniqués qui courent partout et
la musique calme. La scène où les femmes sont amenées à Auschwitz et doivent se doucher est accompagnée d’un morceau
de violoncelle. Il renforce l’angoisse du moment et souligne la
panique visible sur les visages, accentuée par les ordres criés en
allemand et les hurlements lorsque les femmes sont plongées
dans le noir. Il y a ensuite un soulagement, toujours soutenu par
la bande-son, quand l’eau apparaît.
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Informations complémentaires
Fiche technique
Film américain / 1993 / Noir et blanc / 190’
Réalisation : Steven Spielberg.
Scénario : Steven Zaillian, d’après le roman de Thomas Keneally.
Production : Stven Spielberg, Gerard R. Molen, Branko Lustig. e.a.
Acteurs : Liam Neeson, Ben Kingsley, Ralph Fiennes.
Directeur photographie : Janusz Kaminski.
Musique : John WIlliams.
Titre original : Schindler’s List.
Récompenses
Cinq Oscars : Meilleur film, Meilleur réalisateur pour Steven Spielberg,
Meilleur scénario pour Steven Zaillian, Meilleure musique pour John
Williams et Meilleurs décors pour Allan Starski et Ewa Braun (1994).
Trois Golden Globes : Meilleur film, Meilleur réalisateur pour Steven
Spielberg et Meilleur scénario pour Steven Zaillian (1994).
Références
Le dossier pédagogique consacré au film sur le site des Grignoux
asbl : www.grignoux.be
Le site du mémorial Yad Vashem : www.yadvashem.org
Filmographie sélective
1971 : Duel (film tourné pour la télévision mais distribué au cinéma) ; 1975 : Les dents de la mer ; 1977 : Rencontres du troisième
type ; 1982 : E.T. ; 1984 : Indiana Jones et le temple maudit ; 1987 :
L’Empire du soleil ; 1991 : Hook ; 1993 : Jurassic Park ; 1993 : La liste
de Schindler ; 1998 : Il faut sauver le soldat Ryan ; 2002 : Minority
report ; 2005 : Munich.
Signalétique
Adolescents.
www.lamediatheque.be
La Médiathèque, mai 2007
Éditeur responsable : Jean-Marie Beauloye
Place de l’Amitié, 6 - 1160 Bruxelles