Conseil de Coopération du Golfe (CCG)

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Conseil de Coopération du Golfe (CCG)
Conseil de Coopération du Golfe
Janvier 2015
Conseil de Coopération du Golfe (CCG)
Incertitudes sur l’évolution du crédit bancaire
Depuis cinq ans, la progression du crédit a été modérée dans le Golfe. Même si son évolution semble moins liée à la
conjoncture pétrolière qu’auparavant, la chute actuelle des cours du pétrole affectera la liquidité bancaire disponible. Cela
pourrait conduire au ralentissement de la progression du crédit, et donc affaiblir la croissance du secteur non pétrolier.
Dans le Golfe, les outils de politique monétaire ont une efficacité limitée en termes de soutien au crédit. Les banques
disposent d’un certain excédent de liquidité mobilisable, notamment aux Emirats Arabes Unis (EAU) et en Arabie Saoudite.
Au-delà, la capacité financière des gouvernements à soutenir l’activité restera décisive.
■
Reprise modérée du crédit bancaire depuis 2011
1- Revenus pétroliers et crédit dans le CCG
La crise économique et financière de 2009 a marqué une
rupture dans la croissance du crédit bancaire dans les pays
du CCG. Bien que les économies du Golfe aient été
relativement peu affectées par les turbulences financières, la
hausse du crédit au secteur privé a été faible en 2009 et 2010
(respectivement 2% et 4,8% en moyenne, contre 15% pour
l’ensemble des pays émergents hors Chine). Depuis, le
rythme de progression est resté modéré, à 10% en moyenne
entre 2011 et 2013 (9% en moyenne pour les émergents hors
Chine) et 14% à fin septembre 2014. Etant donné une inflation
modérée, la croissance du crédit en termes réels reste en
adéquation avec l’activité économique. En ne considérant que
l’activité du secteur non-pétrolier (le secteur pétrolier a
relativement moins recours au crédit domestique), l’écart
entre la croissance réelle du crédit et celle de l’économie nonpétrolière augmente progressivement mais reste à un niveau
modéré, signalant l’absence de surchauffe de l’activité
bancaire. Cet écart, négatif en 2009 et 2010 (respectivement
-3,8% et -3,0%), est estimé à 5,8% fin septembre 2014. On
reste loin des écarts supérieurs à 10% de 2007-2008. Au-delà
du rythme de progression du crédit, il est notable de souligner
la déconnexion qui s’est opérée depuis 2009 entre l’évolution
des recettes d’exportations pétrolières et celle du crédit au
secteur privé. Ce lien est naturel dans une économie rentière
en raison de la réinjection d’une partie des pétrodollars dans
l’économie par l’intermédiaire de la dépense publique. Depuis
2009 la hausse du crédit au secteur privé (+9% en moyenne)
a été beaucoup plus faible que celle des recettes pétrolières
(+22% en moyenne).
Variation annuelle, %
▬ Revenus d’exportations d’hydrocarbures CCG (é.d.) ▬ Crédit au secteur
privé CCG
- - - Crédit au secteur privé pays émergents hors Chine
40
60
50
35
40
30
30
20
25
10
20
0
15
-10
-20
10
-30
5
-40
0
-50
2002
2004
2006
2008
2010
2012 sept.-14
Sources : Banques Centrales, FMI, BNP Paribas.
■
Chute des prix du pétrole
■
Possibles tensions sur les taux d’intérêt
Pour le moment, la chute des prix du pétrole depuis
septembre 2014 n’a pas eu d’effet sur la liquidité bancaire.
Pour l’ensemble des pays du Golfe, les taux interbancaires
sont restés stables ou ont continué de se réduire malgré la
baisse de plus de 30% des prix du pétrole. Ainsi le taux
interbancaire saoudien a baissé d’environ 7bps sur les trois
derniers mois. Les ressources bancaires proviennent
essentiellement des dépôts locaux et assez marginalement du
marché des capitaux. Par ailleurs, les dépôts du secteur
public sont assez importants (plus de 15% des dépôts totaux
en moyenne) et constituent une source de soutien
gouvernemental au secteur bancaire. Il est vraisemblable que
le rythme de progression des dépôts ralentira avec la baisse
des revenus pétroliers. Mécaniquement, une moindre hausse
des avoirs extérieurs des banques centrales affecte l’évolution
de la masse monétaire. Par ailleurs, le ralentissement attendu
de la progression des dépenses publiques (baisse de certains
postes budgétaires, report de projets d’investissement) aura
un effet négatif sur la progression du crédit bancaire.
Plusieurs raisons peuvent expliquer cette progression
modérée du crédit en regard de celle des revenus pétroliers.
L’assainissement des bilans bancaires, notamment depuis la
crise de la dette immobilière à Dubaï, a pesé sur l’activité
bancaire dans les EAU. De même, les difficultés des
investment houses au Koweït ont pu y contraindre l’activité de
crédit. En lien avec ces évènements, des réglementations
plus contraignantes destinées à lutter contre la spéculation
immobilière ont été mises en place. Cependant, même s’il
peut y avoir une autonomisation progressive de l’activité des
secteurs non-pétroliers par rapport aux variations de la rente
pétrolière, nous estimons que la conjoncture pétrolière
continuera d’être prépondérante pour l’activité économique
dans les pays du CCG.
Etant donné l’ancrage des monnaies du Golfe sur l’USD et la
liberté des mouvements de capitaux, les taux d’intérêts locaux
sont étroitement liés à ceux de la Réserve Fédérale
américaine. Depuis 2009, on peut distinguer deux catégories
de pays quant à l’écart entre le taux interbancaire local et
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celui des Fed Funds. L’écart est très faible en Arabie Saoudite,
à Bahreïn et en Oman. Il est positif (un écart maximum de 200
bps depuis fin 2009) aux EAU, au Qatar et au Koweït. Pour ce
dernier groupe de pays, l’écart de taux est lié à une tension
plus forte sur la liquidité en raison de l’évolution plus rapide
des crédits. Le Qatar est engagé dans un plan de
diversification économique de grande envergure qui se traduit
une progression du crédit au secteur privé de 15% en
moyenne durant les trois premiers trimestres de 2014. Aux
EAU, la croissance du crédit est redevenue soutenue,
supérieure à 20% en rythme annuel. Au-delà d’éventuelles
tensions sur la liquidité, une partie de l’écart de taux par
rapport au premier groupe de pays peut être liée au risque de
contrepartie. Au Koweït, même si la crise liée aux investment
houses a été résolue, il subsiste des éléments de fragilité du
secteur bancaire.
augmentation importante de la population active (Arabie
Saoudite, Oman notamment) ou pour pallier à l’insuffisance
des ressources en hydrocarbures (Dubaï, Bahreïn).
Du point de vue de la politique monétaire, l’action sur les taux
d’intérêt est à la fois contrainte et d’un effet limité. Les
opérations d’open market sont relativement peu importantes.
La banque centrale saoudienne (SAMA) émet des TBills afin
de réguler la liquidité. Le stock de titres émis s’est réduit de
8% depuis le début de l’année pour atteindre 28% de M2
(34% fin 2013). Avec la progression soutenue du crédit (+13%
a/a en septembre 2014) et le ralentissement de la hausse des
avoirs extérieurs de la SAMA, cette dernière devrait continuer
sa politique accommodante dans les trimestres à venir.
Les banques disposent d’excédents de liquidités auprès de la
SAMA qui pourront compenser le moindre afflux de
pétrodollars dans l’économie. Ces réserves disponibles, qui
représentaient 2% des actifs totaux des banques fin octobre
2014 (contre 3,5% à fin 2012), sont en baisse régulière (en %
des actifs), réduisant les marges de manœuvre des banques
dans un environnement macroéconomique plus contraignant.
Aux EAU, les certificats de dépôts détenus par les banques
(supports des surplus de liquidité) représentaient 5,6% des
actifs bancaires totaux à fin juin 2014 (contre 5.3% fin 2012)
et 6% des actifs en Oman à fin septembre 2014 (contre 4,4%
fin 2012). Ces surplus de liquidité permettront de faire face à
la demande de crédit pendant une durée relativement limitée.
L’annonce de la fin de la politique monétaire accommodante
de la Réserve Fédérale américaine pourrait se traduire par
une hausse des taux des Fed Funds en 2015. Cette hausse
devrait être minime (environ 50bps) étant donné les
incertitudes qui pèsent sur la reprise de l’activité. Néanmoins,
la hausse des taux dans le Golfe pourrait affecter l’activité de
crédit et donc la croissance du secteur non-pétrolier. D’après
les estimations du FMI, une hausse de 100bps du taux des
Fed Funds réduit l’activité non pétrolière d’environ 0,1%. Cette
faible transmission des conséquences d’une hausse des taux
est notamment due à l’étroitesse des marchés monétaires
dans les pays du CCG. Il semble donc que la hausse
attendue des taux directeurs américains aura un impact
négligeable sur l’activité bancaire. Par ailleurs, des facteurs
tels que l’importance de l’autofinancement (notamment pour
les PME) et le règlement en liquide de certaines transactions
(une partie de l’immobilier à Dubaï) impliquent une moindre
sensibilité du crédit aux mouvements faibles de taux d’intérêts.
■
Janvier 2015
Au total, la conjoncture pétrolière déprimée aura des
conséquences négatives sur le crédit même si les
transformations des économies du Golfe atténuent le lien. La
capacité des gouvernements à continuer d’injecter de la
liquidité sous forme de dépenses publiques restera l’élément
moteur de soutien au crédit bancaire et à la croissance du
secteur non pétrolier.
Des instruments de relance monétaire limités
Pascal Devaux
[email protected]
Le maintien d’une croissance soutenue du secteur non
pétrolier est une priorité pour l’ensemble des pays du CCG,
surtout quand il est nécessaire de faire face à une
Prévisions
2- Taux interbancaires
Ecart au taux cible de la Réserve Fédérale US
2013 2014f 2015f 2016f
▬ Qatar ▬ Arabie Saoudite ▬ Bahreïn ▬ Oman ▬ EAU - - - Koweit
6
Arabie Saoudite
PIB réel, v ariation annuelle, %
5
4
3,9
4,0
3,2
3,5
Balance courante, % du PIB
17,7
15,0
4,9
4,7
Solde budgétaire, % du PIB
8,3
2,5
-5,4
-5,3
EAU
3
PIB réel, v ariation annuelle, %
5,2
4,3
4,0
4,4
2
Balance courante, % du PIB
16,0
-0,8
-4,4
-3,4
Solde budgétaire, % du PIB
11,0
11,5
5,6
5,6
1
Qatar
PIB réel, v ariation annuelle, %
0
-1
2006 2007 2008 2009
Sources : DataInsight, Bloomberg.
2010
2011
2012
2013
2014
6,5
6,3
6,0
6,5
Balance courante, % du PIB
31,0
21,0
9,0
6,0
Solde budgétaire, % du PIB
15,4
9,5
4,5
2,5
f: prévisions BNP Paribas
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