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© Lina Avendaño Anguita in Le Français par les textes narratifs I, ed. Comares, 2006. SÉRIE B 1 Ils marchaient sans bruit dans le sable, lentement, sans regarder où ils allaient. Le vent soufflait continûment 1, le vent du désert, chaud le jour, froid la nuit. Le sable fuyait 2 autour d’eux, entre les pattes des chameaux, fouettait 3 le visage des femmes qui rabattaient la toile bleue sur leurs 4 yeux. Les jeunes enfants couraient, les bébés 5 pleuraient, enroulés dans la toile bleue sur le dos de leur mère. Les chameaux grommelaient 6, éternuaient. Personne ne savait où on allait. Le soleil était encore haut dans le ciel nu, le vent emportait les bruits et les odeurs. La sueur coulait lentement sur le visage des voyageurs, et leur peau sombre avait pris le reflet 7 de l’indigo, sur leurs joues, sur leurs bras, le long de leurs jambes. Les tatouages bleus sur le front des femmes brillaient comme des scarabées. Les yeux noirs, pareils à des gouttes de métal, regardaient à peine l’étendue de sable, cherchaient la trace de la piste entre les vagues 8 des dunes. Il n’y avait rien d’autre sur la terre, rien, ni personne. Ils étaient nés du désert, aucun autre chemin ne pouvait les conduire. Ils ne disaient rien. Ils ne voulaient rien. Le vent passait sur eux, à travers eux, comme s’il n’y avait 9 personne sur les dunes. Ils marchaient depuis la première aube, sans s’arrêter, la fatigue et la soif les enveloppaient comme une gangue 10. La sécheresse avait durci leurs lèvres et leur langue. La faim les rongeait. Ils n’auraient pas pu parler. Ils étaient devenus, depuis si longtemps, muets comme le désert, pleins de lumière quand le soleil brûle au centre du ciel vide, et glacés de la nuit aux étoiles figées. JEAN-MARIE G. LE CLÉZIO Désert, 7-8, 1980 © Lina Avendaño Anguita in Le Français par les textes narratifs I, ed. Comares, 2006. 74 1 NIVEAU SUPÉRIEUR I Traduction proposée Caminaban sin ruido por la arena, lentamente, sin mirar adónde iban. El viento soplaba continuamente, el viento del desierto, caliente de día, frío de noche. La arena se escurría a su alrededor, entre las patas de los camellos, azotaba la cara de las mujeres que se cubrían los ojos con la tela azul. Los niños corrían, los más pequeños lloraban envueltos en la tela azul a las espaldas de sus madres. Los camellos gruñían, estornudaban. Nadie sabía dónde iba. El sol aún estaba alto en el cielo raso, el viento se llevaba los ruidos y los olores. A los viajeros el sudor se les caía lentamente por la cara, y su piel oscura había tomado el color del añil, en las mejillas, en los brazos, en las piernas. Los tatuajes azules en la frente de las mujeres brillaban como escarabajos. Los ojos negros, semejantes a gotas de metal, apenas miraban la amplitud de la arena, buscando el rastro de la pista entre las olas de las dunas. No había nada más sobre la faz de la tierra, nada, ni nadie. Eran hijos del desierto. Sólo ese camino podía guiarlos. No decían nada. No deseaban nada. El viento pasaba sobre ellos, a través de ellos, como si no hubiera nadie en las dunas. Caminaban desde las primeras luces, sin detenerse, el cansancio y la sed los envolvía como una ganga. La sequía había endurecido sus labios y su lengua. Desfallecían de hambre. Llevaban tanto tiempo mudos como el desierto, llenos de luz cuando quema el sol en medio del cielo vacío, y helados en la noche llena de estrellas permanentes. Notes sur la traduction 1 1. «Mais il est anormal de ne pas mettre de l’ordre dans le chaos des adverbes formés sur des adjectifs terminés par i ou par u. L’académie écrit gaiement, d’autres dictionnaires donnent gaiement ou gaîment. Pourquoi ne pas écrire gaiment comme vraiment? L’académie écrit résolument, absolument mais conserve l’accent dans assidûment, congrûment, continûment, crûment, dûment, goulûment, incongrûment, indûment, nûment. […] Cela dit dans l’usage actuel, il convient d’écrire: gaiement et de se conformer aux décisions de l’Académie pour l’accent circonflexe.» (DD). 2. Puisque d’après le PR fuir signifie «s’éloigner par un mouvement rapide», nous proposons «se escurría» et non pas «huía» où, en espagnol, on perd l’idée de mouvement essentielle dans le texte. «Se escurría» garde à la fois l’idée de fuite et de mouvement. MM propose «escurrirse: escaparse una cosa resbalándose (de, entre, de entre)». © Lina Avendaño Anguita in Le Français par les textes narratifs I, ed. Comares, 2006. SÉRIE B 75 3. Cf. MM. «El viento me azotaba [en] la cara». 4. Afin d’éviter l’équivoque, l’adjectif s’avère nécessaire. «Il faut appliquer avec souplesse le principe selon lequel on remplace l’adjectif possessif par l’article défini quand le rapport de possession ressort du contexte; c’est le cas devant un nom désignant une partie du corps (ou une faculté de l’esprit): il perd la tête, la mémoire. […] Même avec avoir on trouve cependant: Elle avait de grosses larmes sur ses joues […] On notera surtout l’emploi du possessif […] Quand le nom de la partie du corps est qualifié par une épithète, mais non avec avoir, même sous-entendu: Elle leva ses bras chargés de bracelets (Mais: Elle avait les bras chargés de bracelets) […] Le marquis releva ses prunelles blanchâtres […].» (DD). 5. «Bebé» en espagnol, selon MM, est un gallicisme qui n’est pas relevé dans le D.R.A.E. Pourtant, MM ainsi que MS accepte «Bebé: niño muy pequeño, que todavía no anda». L’espagnol préfère toutefois «nene». Nous avons donc éviter, ici, le terme espagnol «bebé». 6. D’après le PR «Grommeler: murmurer, se plaindre entre les dents. Spécialt. Grogner, en parlant du sanglier. Nous préférons gruñir que refunfuñar, terme qui convient mieux aux personnes qu’aux animaux. MM définit «Gruñir: proferir las personas y ciertos animales, como los perros, gruñidos de enfado o disgusto». 7. Reflet peut également être traduit dans ce cas par un tono, unos reflejos. 8. Nous aurions pu traduire par onda puisque, chez MM «formar ondas movibles en una superficie, el agua o una bandera movida por el viento». Mais vu que Le Clézio établit un parallélisme entre la mer, espace infini, et le désert, nous préférons garder l’image qui renvoie à la mer. 9. «L’hypothèse (ou l’éventualité) est réalisable dans l’avenir, mais n’est que potentielle, problématique, soumise à une réserve que l’on souligne en la faisant glisser vers l’irréalité (sans l’y inclure) par l’emploi de l’indicatif imparfait après si et du présent dans la principale» (DD). L’espagnol utilise le subjonctif présent là où le français utilise l’indicatif imparfait, pour ce genre de structure. 10. Attention à ne pas appliquer ici le premier sens de «ganga» en espagnol «cualquier cosa muy conveniente o que se consigue con poco esfuerzo. V. Ocasión, bicoca». (MM) ». «Ganga», provenant du français, acquiert le sens accordé par Gangue: «1º Substance qui entoure un minerai, une pierre précieuse à l’état naturel. Gangue terreuse, métallique. Débarasser un minerai de sa gangue par lavage, broyage, fusion […] 2º Fig. V. Envelopper. Dégager des idées de leur gangue» (PR). Pour un emploi usuel © Lina Avendaño Anguita in Le Français par les textes narratifs I, ed. Comares, 2006. 76 NIVEAU SUPÉRIEUR I en espagnol Manuel Seco propose également Ganga «(Min.) Materia inservible que acompaña a los minerales al extraerlos de la mina. También fig. […] Separar […] la opinión pública de la ganga de las ideologías (en Benet)» (MS). Puisque Le Clézio emploie le mot métal pour la couleur des yeux, la poussière qui enveloppe les hommes est à envisager dans le sens propre de ganga. 2 L’élève pâle contourna le groupe et se fraya une route à travers les projectiles. Il cherchait Dargelos. Il l’aimait. Cet amour le ravageait 1 d’autant plus qu’il précédait la connaissance de l’amour. C’était un mal vague, intense, contre lequel il n’existe aucun remède, un désir chaste sans sexe et sans but. Dargelos était le coq du collège. Il goûtait 2 ceux 3 qui le bravaient ou le secondaient. Or, chaque fois que l’élève pâle se trouvait en face des cheveux tordus 4, des genoux 5 blessés, de la veste aux poches intrigantes, il perdait la tête. La bataille lui donnait du courage. Il courrait, il rejoindrait Dargelos, il se battrait, le défendrait, lui prouverait de quoi il était capable. La neige volait, s’écrasait sur les pèlerines, étoilait les murs. De place en place, entre deux nuits, on voyait le détail d’une figure rouge à la bouche ouverte, une main qui désigne un but. Une main désigne 6 l’élève pâle qui titube et qui va encore appeler. Il vient de reconnaître, debout sur 7 un perron, un des acolytes de son idole. C’est cet acolyte qui le condamne. Il ouvre la bouche, «Darg…», aussitôt la boule de neige lui 8 frappe la bouche, y pénètre, paralyse les dents. Il a juste le temps d’apercevoir un rire, au milieu de son état-major, Dargelos qui se dresse, les joues en feu, la chevelure en désordre, avec un geste immense. Un coup le 9 frappe en pleine poitrine. Un coup sombre. Un coup de poing de marbre. Un coup de poing de statue. Sa tête se vide. Il devine Dargelos sur une espèce d’estrade, le bras retombé, stupide, dans un éclairage surnaturel. Il gisait 10 par terre. Un flot de sang échappé de la bouche barbouillait son menton et son cou, imbibait la neige. Des sifflets retentirent 11. En une minute la cité se vida. Seuls quelques curieux se pressaient autour du corps et, sans porter