souris verte

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souris verte
UNE SOURIS VERTE BIEN CURIEUSE
Une souris verte
qui courait dans lʼherbe
je l'attrape par la queue
je la montre à ces messieurs
ces messieurs me disent
trempez-la dans lʼhuile
trempez-la dans lʼeau
elle fera une escargot tout chaud.
Je la mets dans mon tiroir
elle me dit quʼil fait trop noir
je le mets dans mon chapeau
elle me dit quʼil fait trop chaud
je le mets dans ma culotte
elle me fait trois petites crottes.
Qui ne connaît pas cette comptine qui a bercé nos douces oreilles enfantines. Derrière
cette apparente histoire sans queue ni tête, se cache pourtant une oeuvre alchimique.
Comme quoi avec un peu dʼimagination, les anciens transmettaient leur savoir derrière la
banalité. Cʼest pourquoi nous devons être attentifs à la banalité car elle renferme souvent,
pour ne pas dire tout le temps, des trésors. Nʼen est-il pas de même dans les rapports
humains ? Celui qui parle beaucoup a souvent peu de choses intéressantes à dire. Mais
que dire de celui qui ne parle que lorsquʼon lʼinterroge ? La connaissance nʼa pas besoin
de se draper dʼatours enjôleurs. Elle est et cʼest tout. Alors revenons à nos souris.
Une souris verte voilà de quoi éveiller notre curiosité. Une souris est avant tout, grise. Et
cʼest là toute la clé de lʼénigme qui se présente à nous. Gris comme le minéral, mais cʼest
aussi une souris digne représentante de lʼespèce animale et enfin elle est verte comme le
règne végétal. Nous voici donc en présence des trois règnes sur lesquels nous pouvons
travailler. Mais là ne sʼarrête pas ce petit trésor dʼingéniosité. La couleur verte est celle de
lʼémeraude, lʼespérance. Verte cʼest aussi la langue verte, celle de la vérité. Nous sommes
invités à percevoir (percer et voir) au travers dʼun transparent ( trans parent) qui implique
de se libérer de notre éducation pour voyager vers des continents nouveaux et très
accueillants.
Notre souris grise qui a du vert est donc du vert-de-gris! Cʼest une moisissure qui se
dépose sur les objets en bronze (étain + cuivre) ou en cuivre. Et le cuivre nous vient du
latin Cyprium qui nous a donné aussi cyprès ! et les cyprès sont “si près” ! Nʼest-ce pas
merveilleux que de se perdre dans les méandres de lʼintangible?
Qui courait dans lʼherbe nous situe le lieu. Il nʼest pas facile de trouver sur quelle matière
travailler si la couleur de cette matière est la même que son environnement. Nous devons
commencer le début de lʼoeuvre en baissant la tête, car cʼest au niveau de la terre que
cela se passe. Il nous faut alors découvrir en nous la plus grande humilité. Baisser la tête
en signe dʼallégeance aussi. Le chemin que nous allons prendre demande sacrifice et
engagement.
Je l'attrape par la queue. La queue est au cul. Ce cul est lʼinverse de la lumière car
celle-ci est lux (Luc). Et Luc à lʼenvers nous donne le cul. Ainsi lʼoeuvre commence dʼabord
par les ténèbres, lieu où la lumière est absente ou du moins invisible. Car la lumière est
partout, seulement dans certains endroits, elle est non-manifestée. Mais jeune initié nous
avons perçu cette lumière même dans les ténèbres. Cʼest pourquoi nous la saisissons par
la queue car nous ne sommes pas encore prêts pour la saisir autrement. La queue en latin
se dit coda, qui nous a donné caudal. Mais coda est comme un code que nous devons
déchiffrer. Coda cʼest aussi lʼanagramme de cadeau (cado). Et nous savons que le cadeau
est un présent, cʼest-à-dire un instant immédiat dan lequel nous devons nous plonger et
ne plus en sortir.
Je la montre à ces messieurs peut paraître de prime abord obscur. Pourtant nous avons
encore deux pistes. La première fait référence à lʼapocalypse de Jean. Il décrit un vieillard
très sage entouré de vingt-quatre autres grands sages. L'apocalypse signifie “révélation”.
Cʼest bien ce que nous sommes venus chercher. Nous allons tenter dans notre démarche
de découvrir qui nous sommes.
Deuxième piste qui est soumise à notre sagacité, celle de la langue des oiseaux. Je la
montre à ces messieurs sʼentend: je la montre à sème cieux. Que sèment les cieux? La
pluie oui, mais surtout la rosée!. Notre pierre animale, végétale ou minérale doit passer
par lʼablution céleste. De plus la souris prise par la queue se retrouve la tête en bas et
Hermès Trismégiste nous le rappelle incessamment: tout ce qui est en haut est comme ce
qui est en bas.
Ces messieurs me disent trempez-là dans lʼhuile, trempez-là dans lʼeau indique un
procédé des plus anciens. Lʼonction et lʼablution. Cʼest-à-dire se laver des péchés, des
scories qui nous empêchent dʼavancer sur le chemin de la renaissance. Mais lʼhuile est
aussi une technique alchimique qui permet grâce à la rosée céleste dʼobtenir un sel
résout, cʼest-à-dire un produit qui ouvrira le règne avec lequel je suis en train de travailler.
Il en est de même pour nous, êtres humains. Nous ne pouvons évoluer si nous ne
cassons pas nos schémas éducatifs et nos préjugés. Il faut sʼouvrir à lʼautre est une clé
des plus importantes.
Elle fera un escargot tout chaud. Lʼescargot est un animal des plus singuliers et surtout
fortement symbolique. Il est dʼabord hermaphrodite. Incroyable créature capable de choisir
son sexe lors de lʼaccouplement. La tradition enseigne que lʼêtre en devenir dans lʼutérus
est porteur des deux sexes. Il est lʼenfançon des sages car il représente lʼunion, le
mariage chymique de ma partie sacrée et interne avec mon ego externe.
Lʼescargot est une bête à cornes qui représente la connaissance. Connaissance de la
dualité car sinon lʼunité nous mettrait en présence de la licorne (la corne qui lie).
Lʼescargot est appelé un limaçon ou colimaçon qui nous signifie une certaine lenteur pour
le premier et un cercle ou spirale pour le deuxième. Et cʼest bien ce qui se passe dans
notre évolution. Nous avançons lentement et notre élévation se fait en spirale car tout se
qui sʼélève le fait en spirale. Il suffit dʼobserver la nature pour le comprendre. Regardez un
arbre, un liseron, une bryone.
Lʼescargot nous vient du latin scarabeus. Le scarabée des Egyptiens était la
représentation de la lumière ! Magnifique allusion à notre petite transformation. De matière
nous commençons à devenir lumière. Mais celle-ci est encore bien terrestre car elle
chauffe (tout chaud). Il sʼagit de la lumière du feu contenu en nous. Ce nʼest pas encore la
lumière Amour, notre quête, notre but.
Enfin l'escargot est homonyme d'escarboucle qui indique une pierre dʼun rouge vif.
Lʼescarboucle est issue du mot charbon, ce dernier qui en brûlant devient vif et rouge.
Dans les travaux de coulée dans le règne minéral, lorsque lʼalchimiste voit lʼescarboucle, il
sait alors que son travail est en voie de réalisation. Cette escarboucle est une sorte de
“boucle” autour du creuset dʼun rouge orange très particulier.
Je la mets dans mon tiroir, elle me dit quʼil fait trop noir. Il faut maintenant du repos.
Toute oeuvre créée, quʼelle soit céleste ou terrestre demande du repos. Il doit toujours y
avoir un moment où le travail est laissé par lui-même pour se placer, se positionner. Dans
le bâtiment cʼest un fait avéré et de plus nécessaire à toute bonne construction. Vous
faites une dalle de béton, vous la laissez sécher tranquillement. Vous faites une toiture,
vous la laissez se mettre en place tranquillement. Il y a un moment ou lʼhomme nʼintervient
plus car cʼest la nature, le grand tout, qui fait le reste. Plantez une fleur, arrosez et....
attendez.
Cʼest pourquoi ici je la mets dans un tiroir dont la proximité avec terroir est évidente. Le
terroir, cʼest la terre. Ainsi jʼenferme mon travail dans la terre jusquʼà ce que la chose qui
doit sʼaccomplir, sʼaccomplisse. Et, à ce moment il fera trop noir. Ce qui était nécessaire à
un moment ne lʼest plus lʼinstant dʼaprès. Lʼanalogie avec la chambre à coucher permet de
bien le comprendre. Quand vous allez vous coucher, la chambre est noire, et les odeurs
que nous dégageons la nuit sont supportables. Mais le matin, une fois levé, vous ne
pouvez supporter ces odeurs et vous aérez. Il y a un temps pour tout. Notre travail sur
nous nous conduit à un moment à laisser les choses se parfaire par elles-mêmes. Puis
arrive un temps où nous devons nous remettre en chemin.
Je la mets dans mon chapeau, elle me dit quʼil fait trop chaud. Le chapeau, caput, la
tête. Maintenant que nous avons eu notre temps en terre, nous exposons notre travail au
ciel. Cʼest le temps de la pénétration des mânes célestes. La bonté céleste transforme
lʼoeuvre. Elle modifie ce que nous sommes car nous sommes prêts à transmuter le feu en
nous en feu amour. Mais il y a un mais. Il faut beaucoup dʼattention et de vigilance car
sinon, comme Icare, nous nous détruirons. Cʼest pourquoi il surveille attentivement la
chaleur qui se dégage. Pas assez chaud il ne se passe rien. Trop chaud, tout le travail est
corrompu (corps rompu)
Je la mets dans ma culotte, elle me fait trois petites crottes. Entre le ciel (chapeau) et
la terre (tiroir) il y a le juste milieu, la culotte. Mais dans le métier de la fonte alchimique,
culotter signifie aussi luter (fermer). Ainsi nous devons trouver un endroit bien fermé, à
bonne température et avec un éclairage léger, par exemple la lune, afin quʼil ne fasse pas
trop noir, pour que notre transformation soit complète. Et quʼobtient-on? Trois petites
crottes ( krota, krotz: résidus) qui sont certainement les trois parties purifiées de toute
manifestation sur terre. Je veux dire par là, le soufre, le sel et le mercure ! Notons que
Platon, loin dʼêtre un adepte des sciences alchimiques parlait du Bon du Bien et du Beau.
Nous sommes composés de ces trois parties, recouvertes de culture, dʼéducation bref de
matière incertaine et inutile qui nous empêche dʼabsorber la lumière. Nous faisons
obstruction à celle-ci et cela nous conduit à devenir de plus en plus lourds et denses. Cʼest
pourquoi nous passons notre temps à tomber. Nous tombons malades, nous tombons
enceintes, nous tombons du ciel, nous tombons bien ou mal. Plus nous tombons plus
nous sommes chargés. Il est temps alors, pour ceux qui le souhaitent, de prendre le
chemin de la souris verte.
Jihem

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