cancer paranéoplasie..

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cancer paranéoplasie..
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CANCÉROLOGIE DU CHIEN ET DU CHAT
Affections organiques
paranéoplasiques
Les syndromes paranéoplasiques peuvent concerner la plupart des appareils
de l’organisme. Leur pathogénie est souvent mal connue et l’exérèse
de la tumeur causale constitue généralement le traitement de choix.
Résumé
u
Hormis les anomalies
biochimiques et hématologiques, les syndromes
paranéoplasiques peuvent
concerner de nombreux appareils. L’ostéopathie hypertrophique (proliférations périostées), plus fréquentes chez le
chien, est souvent associée
à des tumeurs pulmonaires.
Les anomalies neurologiques
paranéoplasiques sont rares :
la myasthenia gravis (en général consécutive à des thymomes) et des neuropathies
(démyélinisation, dégénérescence axonale) peuvent être
observées. Des lésions dermatologiques sont parfois
rapportées : alopécies, érythème nécrolytique migrant,
dermatofibrose nodulaire et
érythème cutané intermittent.
Les désordres rénaux sont
nombreux : le dépôt de substances diverses dans le rein
provoque des lésions glomérulaires. Des désordres cardiovasculaires (hypertensions)
et gastro-intestinaux (anorexie/cachexie) peuvent également survenir. L’élimination
de la cause sous-jacente est
le plus souvent le traitement
de choix de ces syndromes.
L
es deux articles déjà parus dans Le point
Vétérinaire(1) ont montré que les syndromes paranéoplasiques (SPN) permettent parfois de suspecter un processus
tumoral encore infraclinique par la
mise en évidence d’anomalies biochimiques
(hypercalcémie, hypoglycémie) et hématologiques (thrombopénie, polycythémie).
Cependant, d’autres désordres, localisés à un
appareil particulier, peuvent aussi être retrouvés
lors de néoplasies chez le chien et chez le chat.
Dans ce troisième et dernier article sont présentés les syndromes paranéoplasiques qui entraînent des désordres osseux, nerveux, dermatologiques, rénaux, cardiovasculaires ou digestifs.
Affections osseuses :
ostéopathie hypertrophique
L’ostéopathie hypertrophique est le syndrome
paranéoplasique le plus anciennement décrit dans
l’espèce humaine : des écrits attribués à
Hippocrate qui datent du cinquième siècle avant
JC font état de descriptions d’hypertrophie des
pieds et des mains chez des humains [2]. Décrit
la première fois en 1908 chez le chien par les
professeurs Alamartine et Ball de l’École nationale
vétérinaire de Lyon, l’ostéopathie hypertrophique,
appelée également syndrome d’Alamartine-BallCadiot (ou syndrome de Cadiot-Ball) [6], est un
syndrome paranéoplasique caractérisé par une
prolifération osseuse périostée qui touche les os
longs des extrémités (métatarsiens/carpiens et
phalanges) [1, 8, a, b, c].
considérée comme paranéoplasique : la dirofilariose cardiopulmonaire, des corps étrangers
intrathoracique, des pneumonies, des atélectasies focales et des gestations ont été décrites
comme des causes de cette affection chez le chat
et chez le chien [1, 9, 10, b].
• Bien que la pathogénie de l’ostéopathie
hypertrophique soit encore imparfaitement
élucidée, plusieurs mécanismes ont été
proposés pour expliquer l’apparition de ce
syndrome. Le plus communément admis repose
sur une stimulation neurologique afférente
exagérée qui entraîne une modification du flux
sanguin dans les extrémités des membres. Cette
augmentation sanguine a pour conséquence
une prolifération des tissus conjonctifs et
vasculaires et une métaplasie fibrochondroïde
responsables de la formation de tissu osseux
périosté et de l’hypertrophie constatée [1, 2, 8,
b, c]. Ces hypothèses ont été confirmées par la
résolution chez quelques individus des signes
cliniques et radiographiques d’ostéopathie
hypertrophique, suite à la réalisation d’une
vagotomie. Cependant, cette technique n’est pas
utilisée en routine en médecine vétérinaire dans
le traitement de ce syndrome [2, a].
2. Expression clinique
Sur le plan clinique, l’ostéopathie hypertrophique se caractérise par des boiteries intermittentes qui affectent les extrémités distales des
quatre membres. À l’examen clinique, les
membres atteints sont chauds et œdémateux
au touché et douloureux à la palpation.
Occasionnellement, les côtes et le bassin
peuvent aussi être affectés [2, 5, 10].
1. Étiopathogénie
par Thomas Chuzel
La Caravelle
34, avenue de l’hippodrome
69890 La Tour de Salvigny
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• Ce syndrome, plus fréquemment décrit chez le
chien que dans l’espèce féline où son incidence est
rare [9, b], est souvent associé à des tumeurs
primitives ou métastatiques du poumon (PHOTO 1).
Toutefois, d’autres affections cancéreuses extrapulmonaires peuvent aussi être responsables de
cette prolifération osseuse, notamment des
rhabdomyosarcomes vésicaux, des néphroblastomes et des sarcomes œsophagiens d’origine
parasitaire, secondaires à l’action pathogène de
Spirocerca lupi, chez le chien et des adénomes
papillaires rénaux chez le chat [2, 5, 9, a]. Des
affections non cancéreuses ont aussi été
associées à l’ostéopathie hypertrophique, bien
que, dans ce cas, cette manifestation ne soit pas
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3. Diagnostic
Le diagnostic d’ostéopathie hypertrophique
nécessite la réalisation de clichés radiographiques des zones atteintes. Son aspect radiographique est caractéristique : en début d’évolution, la réaction périostée apparaît irrégulière,
dite “en palissade”, et irradie avec un angle de
90° à partir de la corticale de l’os (PHOTO 2).
Ensuite, elle peut devenir plus lisse et régulière.
Un gonflement des tissus mous en regard des
lésions est fréquemment observé [1, 8, b].
Bien que la biopsie permette un diagnostic
spécifique, l’anamnèse, l’examen clinique et les
clichés radiographiques sont suffisants pour
établir le diagnostic.
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Lors de la reconnaissance d’un syndrome
d’Alamartine-Ball-Cadiot chez un chien, il
convient de réaliser des radiographies
pulmonaires en première intention pour identifier la cause sous-jacente. Si la recherche d’une
lésion thoracique responsable de cette ostéopathie hypertrophique se révèle négative, des
examens complémentaires, permettant l’exploration de la cavité abdominale, sont nécessaires afin d’identifier le processus tumoral.
Le traitement de l’ostéopathie hypertrophique
paranéoplasique passe par le retrait de la
tumeur responsable. La résolution des signes
cliniques est alors immédiate ; la régression des
lésions radiographiques est plus longue et peut
prendre plusieurs mois.
L’utilisation de corticoïdes (prednisolone à la
dose de 1 à 2 mg/kg/j par voie orale) peut
permettre une amélioration temporaire des
signes cliniques et peut aider à réduire l’œdème
des membres [2, 5, 9, b].
D’autres traitements, comme la vagotomie
unilatérale du côté de la lésion pulmonaire, la
résection des nerfs intercostaux ou la vagotomie
cervicale bilatérale ont été proposés [8, 10, a].
• La réapparition de ce syndrome doit faire
craindre la récurrence de la tumeur ou l’apparition de métastases pulmonaires : l’ostéopathie hypertrophique est dans ce cas une
sentinelle qui permet la surveillance de l’efficacité du traitement entrepris [5, c].
Affections neurologiques
1. Radiographie du thorax d’un chien croisé âgé de onze ans, qui présente
des boiteries intermittentes affectant plusieurs membres, associées
à une augmentation de volume des carpes et des tarses. Une masse pulmonaire,
compatible avec une tumeur, est visible dans le lobe pulmonaire moyen gauche.
L’examen histologie révèle un carcinome bronchique.
PHOTO
• Les véritables syndromes paranéoplasiques
neurologiques sont beaucoup plus rares. En
médecine humaine, ils surviendraient dans
environ 1 % des cancers et bien qu’ils soient
peu fréquemment décrits chez le chien et le
chat, il est possible qu’ils soient sous-diagnostiqués. Par exemple, la faiblesse musculaire est
un symptôme souvent décrit par les propriétaires d’animaux atteints de cancer et la recherche d’anomalies électromyographiques
neuromusculaires sous-jacentes est rarement
entreprise et le diagnostic est difficile à établir
donc rarement confirmé. Une étude rapporte
ainsi des anomalies microscopiques, sans
répercussion clinique, chez plus de 50 % des
chiens atteints de carcinome bronchique [5].
(1) Chuzel T. Syndromes
paranéoplasiques.
Désordres endocriniens
et métaboliques. Point Vét.
2004;35(242):32-36.
Chuzel T. Syndromes
paranéoplasiques. Désordres
hématologiques. Point Vét.
2004;35(243).
1. Myasthenia gravis
• La myasthenia gravis ou myasthénie grave est
une affection acquise ou héréditaire qui résulte
de l’incapacité de l’influx nerveux à être
transmis au niveau de la jonction neuromusculaire. Les mécanismes pathogéniques
invoqués reposent sur l’existence d’anticorps
antirécepteurs nicotiniques à l’acétylcholine
chez les animaux atteints [4, 12].
Cliché : Imagerie médicale ENV Lyon
Cliché : Imagerie médicale ENV Lyon
• La grande majorité des signes neurologiques
lors de néoplasies, que ce soit chez l’homme
ou chez les animaux est due aux actions
directes de la tumeur ou à ses métastases. Ils
ne peuvent donc pas être définis comme de
véritables syndromes paranéoplasiques. Des
anomalies endocriniennes, hydriques,
hydroélectriques ou hématologiques secondaires aux tumeurs peuvent être responsables des
signes neurologiques observés. L’hypercalcémie, l’hypoglycémie, les états d’hyperviscosité
sanguine ou les troubles de l’hémostase
peuvent être la cause d’une grande variété de
troubles nerveux [3, 4].
Cliché : Imagerie médicale ENV Lyon
4. Traitement
2A ET 2B. Radiographies de la région carpo-métacarpienne chez le chien de la PHOTO 1. Ostéopathie hypertrophiante.
Une réaction périostée irrégulière, dite “en palissade”, qui irradie avec un angle de 90° à partir de la corticale de l’os, est visible
sur les métacarpiens. Un gonflement des tissus mous en regard des lésions est aussi observé.
PHOTOS
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qui renforce l’hypothèse d’un dysfonctionnement immunitaire à l’origine de ce syndrome
[8]. La pyridostigmine(1) (Mestinon®), inhibiteur de la recapture de l’acétylcholine peut aussi
être utilisée pour améliorer les signes cliniques
(1 à 3 mg/kg, deux fois par jour).
Cliché : Imagerie médicale ENV Lyon
2. Neuropathies
3. Radiographie du thorax : méga-œsophage chez une chienne berger
allemand âgée de sept ans présentée pour des régurgitations chroniques
associées à une polyuro-polydipsie. Cette chienne présentait un adénocarcinome
des sacs anaux à l’origine du méga-œsophage ainsi qu’une hypercalcémie
paranéoplasique responsable de la polyuro-polydipsie.
PHOTO
Points forts
! La réapparition des
symptômes d’ostéopathie
hypertrophique après
élimination de la tumeur
causale peut être le témoin
d’une récidive
ou du développement
de métastases.
! Des lésions microscopiques
des nerfs périphériques sont
fréquemment décrites chez
des animaux atteints de
tumeurs variées. Toutefois,
elles n’ont le plus souvent pas
de répercussions cliniques.
! La dermatofibrose
nodulaire, liée à des tumeurs
rénales, serait une affection
héréditaire chez le berger
allemand. Il convient
de la suspecter lorsque des
tumeurs cutanées multiples
apparaissent chez un chien
de cette race.
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Chez le chien, la cause la plus fréquente de
myasthénie grave paranéoplasique est le
thymome [4, 7], bien que ce syndrome ait déjà
été décrit en relation avec d’autres tumeurs :
ostéosarcome, carcinome des voies biliaires,
adénocarcinome des sacs anaux et tumeurs
primitives du poumon [8, 12].
• Les signes cliniques compatibles avec une
myasthenia gravis sont une faiblesse musculaire
sévère, une incapacité à se déplacer, une intolérance à l’effort et une dysphagie secondaire à
un méga-œsophage ( PHOTO 3). Des signes
pulmonaires de pneumonie par aspiration (toux
faible, hyperthermie fluctuante, amaigrissement) peuvent en outre compliquer le tableau
clinique.
• Le diagnostic de myasthenia gravis paranéoplasique repose sur :
- l’élimination des autres causes non cancéreuses par la réalisation d’un bilan hémato-biochimique, d’une analyse d’urine, d’explorations
endocriniennes des surrénales et de la thyroïde,
d’examens d’imagerie du cerveau et de la moelle
épinière (scanner ou imagerie par résonance
magnétique) ;
- la réalisation de tests d’électrodiagnostic
(électromyogramme) ;
- le dosage des anticorps anti-récepteurs à
l’acétylcholine (Comparative Neuromuscular
Laboratory, Université de Davis, Californie).
Le diagnostic peut également être établi grâce
à un test thérapeutique à l’aide d’édrophonium(1)
(Tensilon® : l’administration de 0,1 à 0,2 mg/kg
par voie intraveineuse entraîne une amélioration temporaire des signes cliniques. Le test à
la néostigmine(1) (Prostigmine® 0,04 mg/kg par
voie intramusculaire) peut aussi être envisagé.
• Le traitement repose sur le retrait de la tumeur
causale. Lors de thymome, une résolution
rapide des signes cliniques ainsi que la diminution des taux sériques d’anticorps suivent le
retrait chirurgical de la tumeur [3, 4].
L’utilisation de substances immunosuppressives comme les corticoïdes à forte dose a aussi
été suggérée afin de réduire la production
d’anticorps anti-récepteurs à l’acétylcholine, ce
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• Des neuropathies de mécanisme inconnu ont
en outre été décrites, associées à la présence de
tumeurs chez le chien et le chat. Divers sites du
système nerveux central et périphérique
peuvent être le siège d’anomalies et, en raison
de leur large répartition, ils peuvent engendrer
des symptômes cliniques variés.
À l’examen anatomopathologique, la présence de
lésions des nerfs périphériques est fréquemment
décrite chez des animaux atteints de tumeurs
variées, qui ne présentent par ailleurs aucun signe
nerveux. Les anomalies les plus communément
décrites sont des dégénérescences axonales et des
démyélinisations segmentaires [4, 5] : une étude
chez vingt et un chiens cancéreux rapporte 76 %
d’anomalies microscopiques de démyélinisation/dégénérescence axonale [5].
Comme la majorité de ces lésions microscopiques
n’induit pas de troubles neurologiques décelables
à l’examen clinique, les affections nerveuses
paranéoplasiques ne sont pas communément
rencontrés en médecine vétérinaire.
• Lorsque ces lésions sont étendues, elles peuvent
toutefois induire des syndromes nerveux
paranéoplasiques : des neuropathies caractérisées par des réflexes médullaires ou crâniens
diminués, une paralysie flasque et un tonus
musculaire diminué ont été décrites. Des cas de
paralysie du nerf trijumeau et de compressions
sur son trajet ont également été rapportés, ainsi
que des syndromes de Claude Bernard Horner
(troubles de la motricité pupillaire engendrés par
une paralysie du nerf sympathique oculaire et
caractérisés par un myosis, une énophtalmie,
une procidence de la membrane nictitante
associée à une ptose palpébrale) [3, 5, 12].
• Les tumeurs les plus fréquemment associées
à ces syndromes nerveux sont les leucémies
myéloïdes, les lymphomes et les insulinomes
[2, 4, 12]. Des mécanismes pathologiques ont
été suggérés et font intervenir la production de
substances neurotoxiques par la tumeur ou la
présence d’anticorps dirigés contre les cellules
nerveuses. Cela suppose des mécanismes à
médiation immune comme lors de myasthénie
grave [9].
• Le traitement de ces neuropathies consiste à
retirer la tumeur.
Affections
dermatologiques
En médecine humaine, une grande variété de
syndromes cutanés associés à des tumeurs a
été décrite. Chez le chien et le chat en revanche,
relativement peu de lésions dermatologiques
ont été rapportées lors de cancer. Les plus
fréquentes sont les alopécies, les érythèmes ou
“flush” (de l’anglais “rougeur”) cutanés et la
dermatofibrose nodulaire [2, b].
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1. Alopécie
• Une alopécie progressive, non prurigineuse,
symétrique qui intéresse principalement les
flancs est décrite lors de sécrétion tumorale
ectopique d’ACTH ou de substances ACTH-like
[5, 11].
En médecine humaine, une hypercortisolémie
a été retrouvée lors de divers cancers : carcinomes bronchiques, tumeurs pancréatiques
endocrines des îlots β de Langerhans, phéochromocytomes et tumeurs de la moelle osseuse.
Cette sécrétion ectopique d’ACTH est décrite
chez le chien atteint de tumeurs primitives du
poumon [10]. Les signes dermatologiques chez
ces animaux sont comparables à l’alopécie
endocrinienne secondaire à un état d’hypercorticisme d’origine eutopique (hypophysaire ou
surrénalien) [5, 11].
Comme lors de tout syndrome paranéoplasique,
l’élimination de la tumeur primitive est le traitement de choix.
• Chez le chat, des alopécies de causes encore
inconnues, non prurigineuses associées à des
carcinomes pancréatiques métastasés au foie
ont été rapportées. Ces syndromes sont caractérisés macroscopiquement par une alopécie
“suintante” et microscopiquement par une
atrophie folliculaire et annexielle [2, 7, 8]. La
pathogénie de cette manifestation cutanée est
inconnue, mais le pronostic est sombre.
de la présence de métastases au moment du
diagnostic [2, 10, b].
3. Dermatofibrose nodulaire
• La dermatofibrose nodulaire est une affection
dermatologique paranéoplasique retrouvé chez
le chien lors de tumeur rénale bilatérale. Elle est
caractérisée par l’apparition de multiples nodules
cutanés (de quelques millimètres de diamètre
jusqu’à un centimètre) fermes, bien circonscrits,
composés de collagène. Ces nodules à croissance
lente sont situés majoritairement sur les membres
de l’animal, mais peuvent envahir la tête et le tronc
lors de cas évolués.
• Cette affection semble héréditaire dans la race
berger allemand, portée par un gène autosomal
dominant et associée à la présence de cystoadénocarcinomes rénaux bilatéraux ou de kystes
rénaux bilatéraux, d’adénomes rénaux, etc. [2, 5,
7, 11, b]. Lorsque des nodules cutanés multiples
apparaissent chez cette race, il convient donc de
réaliser une échographie abdominale afin de
rechercher la tumeur rénale causale. Les signes
dermatologiques peuvent être présents longtemps
(jusqu’à un an) avant l’installation d’une insuffisance rénale ou d’une néphromégalie.
• La pathogénie de cette affection reste inconnue
et aucun traitement n’a montré de résultat
satisfaisant. Un traitement palliatif qui repose
sur l’exérèse chirurgicale des nodules a toutefois
été évoqué [2, 11].
2. Érythème nécrolytique migrant
• L’érythème nécrolytique migrant (autrement
appelé syndrome du glucagonome ou syndrome
hépatocutané) est une affection rare en médecine
vétérinaire, caractérisé par l’existence d’une
dermatite érythémateuse, érosive et ulcérocroûteuse des jonctions cutanéo-muqueuses et
des points de pression. Des ulcérations et une
hyperkératose des coussinets sont aussi fréquemment retrouvées. Face à ce syndrome, les
hypothèses principales à privilégier sont l’existence d’une tumeur glucagono-sécrétante des
cellules α du pancréas endocrine ou une hépatopathie chronique (hépatite chronique active ou
médicamenteuse, cirrhose, etc.) [2, 7, 11, b].
• Le diagnostic histologique de l’érythème
nécrolytique migrant repose sur l’examen histologique cutané : une parakératose superficielle
laminaire peut être observée, associée à une
vacuolisation des kératinocytes sous-jacents et à
une hyperplasie des couches profondes de
l’épiderme (présence de lésions, caractéristiques
de cette affection, dite en cocardes “bleu, blanc,
rouge”, qui reflètent la trilogie hyperplasieœdème-parakératose). Lors de suspicion clinique,
il convient de réaliser une échographie hépatopancréatique associée à des biopsies échoguidées
afin de rechercher la présence d’une tumeur
pancréatique ou d’une hépatopathie chronique.
Le diagnostic de certitude nécessite l’examen
histologique des prélèvements (de peau et de
du foie/pancréas) car les anomalies du bilan
biochimique hépatique sont peu spécifiques et
l’hyperglucagonémie peu fréquente [6].
• Le retrait de la tumeur causale entraîne une
résolution des signes dermatologiques, mais le
pronostic à long terme est mauvais en raison
des multiples complications postopératoires et
4. Érythème cutané
Un érythème cutané intermittent ou paroxystique qui intéresse une partie ou tout le corps
de l’animal, appelé “cutaneous flushing” peut
être un signe dermatologique paranéoplasique
[2, 7, 8, 11].
Cet érythème est connu lors de phéochromocytome, tumeur des cellules chromaffines des
glandes surrénales responsables de la production de catécholamines (adrénaline entre
autres). La rougeur cutanée généralisée est alors
due à l’action vasodilatatrice de ces molécules
sur les vaisseaux cutanés.
Ce flush cutané peut aussi être observé, dans
une moindre mesure, chez des animaux atteints
de mastocytome cutané. Cette manifestation
transitoire est accentuée lors de la manipulation de la tumeur (signe de Darier). Elle est due
aux actions vasodilatatrices des substances
contenues dans les lysosomes mastocytaires
lors de leur dégranulation [5, 6, 7]. Le traitement de l’érythème cutané paranéoplasique
repose sur l’éviction de la tumeur causale.
Affections rénales
• Les affections paranéoplasiques rénales sont
dominées par le dépôt de substances diverses
dans les reins responsables de l’apparition de
lésions glomérulaires qui entraînent une protéinurie et, à terme, l’installation d’un syndrome
néphrotique [2, 5]. Celui-ci est caractérisé par
une protéinurie permanente et massive, une
hypercholestérolémie et une hypoalbuminémie,
à l’origine le plus souvent d’œdèmes périphériques ou d’épanchements.
© Le Point Vétérinaire - Reproduction interdite
Bibliographie
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/ N° 244 / Avril 2004 / Le Point Vétérinaire
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Remerciements au Dr Juliette
Sonet du service d’imagerie
de l’ENV Lyon et au Dr Pablo
Rivier pour leurs conseils
éclairés.
En savoir plus
- Derré G, Gerard C, Jacquemin G
et coll. Cancérologie du chat.
Tumeur de l’œsophage et
syndrome de CBH. Point Vét.
2003;34(239):66-70.
- Weber-Danino I. Le thymome et
le lymphome thymique. Point Vét.
2002;33(231):20-25.
À lire également
a - Chuzel T, Rivier P, Chabanne L.
À propos d’un cas de syndrome
néphrotique chez le chien.
L’Action Vétérinaire.
2003;1638:2-6.
b - Hebert F. Syndromes
paranéoplasiques. 2e partie.
L’Action Vétérinaire.
2001;1575:16-21.
c - Lanore D. Les syndromes
paranéoplasiques ou comment
diagnostiquer une tumeur de
façon précoce. L’Action
Vétérinaire. 1991;1178:10-12.
Congrès
- Vail DM. Lumps, oumps
and Other neoplastic nasties.
Proceedings of the post graduate
foundation in veterinary sciences
university of Sydney, Australie.
2001:23-30.
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Rubrique formation
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Les origines de cette fuite protéique peuvent
être l’accumulation de complexes-immuns, la
présence d’une hypercalcémie prolongée qui
entraîne des lésions de néphrocalcinose et la
présence de paraprotéines en grande quantité
dans le torrent circulatoire qui engendre les
lésions glomérulaires.
• Ces affections rénales paranéoplasiques sont
fréquentes en médecine humaine et vétérinaire.
En médecine humaine, 6 à 10 % des patients
atteints de cancer développent des complications
rénales. Chez le chien et chez le chat, la
prévalence des glomérulonéphrites n’est pas
établie avec précision. Cependant, le dépôt de
complexes-immuns a été décrit lors de polycythemia vera, de myélome multiple, de plasmocytome et de leucémie lymphoïde [5, a]. Une
étude rapporte une prévalence des glomérulonéphrites proche de 40 % chez des chiens atteints
de mastocytome ou mastocytose systémique [5].
• Les signes cliniques associés à ces glomérulonéphrites sont non spécifiques : léthargie et
amaigrissement. Toutefois, lorsque la perte
protéique est marquée (présence d’une hypoalbuminémie < 1,5 g/dl), des œdèmes ou de
l’ascite sont souvent observés.
• Le diagnostic de ces complications rénales
paranéoplasiques repose sur la mise en évidence
d’une protéinurie élevée lors de l’examen des
urines d’un animal atteint ou suspect d’un processus tumoral [9, a]. Lors de suspicion clinique, la
réalisation de tests simples permet de confirmer
rapidement la présence d’une protéinurie, par
l’utilisation de bandelettes réactives et/ou par la
réalisation d’un test de Heller (la plage protéines
des bandelettes urinaires ne vire pas lors de la
présence de paraprotéines dans les urines). Le
rapport protéines sur créatinine urinaire (RPCU)
est réalisé dans un second temps pour quantifier
ces fuites urinaires, après avoir réalisé un culot
de centrifugation qui permet de confirmer
microscopiquement l’absence de contexte inflammatoire du tractus urinaire. Après le traitement
du processus tumoral sous-jacent, la résolution
de la protéinurie et des signes cliniques est
fréquente [2].
• L’insuffisance rénale pourrait également être
induite par une déshydratation liée au cancer.
sécrétion par les cellules tumorales de substances hypertensives (adrénaline).
La résolution des signes suit le retrait de la
tumeur primitive [5].
Affections
gastro-intestinales
Affections
cardiovasculaires
• Le syndrome paranéoplasique le plus fréquent
qui affecte le système gastro-intestinal est
l’anorexie/cachexie tumorale. En médecine
humaine, une hypo-albuminémie d’origine
inconnue est retrouvée de manière presque
systématique chez les patients atteints de cancer
[2, 5]. L’incidence de telles anomalies chez le
chien et le chat est encore inconnue, mais
semble néanmoins rare.
• Cette hypo-albuminémie paranéoplasique
peut être due à un défaut de synthèse hépatique
et/ou à une fuite digestive ou rénale des protéines alimentaires.
Chez des patients humains qui présentent une
hypo-albuminémie, des hépatomégalies ont été
retrouvées, ainsi que des perturbations sévères
des bilans biochimiques hépatiques qui peuvent
être mises en rapport avec une diminution de
synthèse protéique hépatique responsable de
l’hypoalbuminémie. Ces altérations biochimiques disparaissent après le retrait de la
tumeur causale, tumeur non hépatique et sans
signe de métastases hépatiques, notamment
lors de carcinome rénal [9].
Les mécanismes de ces dysfonctionnements
hépatiques sont encore inconnus. Il semble que
les cellules tumorales de ce type de tumeur
produisent in vitro une cytokine hépatotoxique
(IL-6) [2, 10]. Chez le chien, des élévations
inexpliquées des phosphatases alcaline (PAL)
et des alanines amino-transférases (ALAT) ont
été décrites lors de carcinomes rénaux et
transitionnels de la vessie, ce qui peut suggérer
l’existence de tels mécanismes [5].
L’hypo-albuminémie peut aussi être la
conséquence d’une fuite digestive marquée. Des
études histologiques de la paroi de l’intestin
grêle de patients humains atteints de tumeurs
diverses (prostate, poumon, pancréas, côlon)
ont montré des abrasions des villosités sans
présence de cellules tumorales dans la
muqueuse dans 50 % des cas [10].
• Le traitement de ces fuites digestives consiste
à retirer la tumeur causale sous-jacente.
Les troubles cardiovasculaires liés à la présence
d’une tumeur sont nombreux dans l’espèce
humaine comme chez le chien et chez le chat.
Dans l’espèce humaine, des troubles cardiaques
secondaires au dépôt de substance amyloïde
dans le myocarde, aux déséquilibres électrohydriques (hypercalcémie) et à l’hyperviscosité
sanguine sont fréquemment rencontrés chez
des patients atteints de cancer [5].
Chez le chien et chez le chat, les principaux
troubles cardiocirculatoires rencontrés sont la
conséquence de la sécrétion anormale
d’hormone par une tumeur. Lors de carcinome
thyroïdien, de phéochromocytome ou de
chémodectome, une hypertension systémique
est fréquemment associée, en raison de la
L’étude des syndromes paranéoplasiques met en
évidence leur caractère protéiforme. Ils peuvent
se manifester par des signes cliniques non
spécifiques, fréquemment retrouvés en médecine
vétérinaire (anémie ou polyurie-polydipsie) ou
bien être, à l’inverse, univoques et permettre
l’hypothèse diagnostique de tumeur par leur
simple mise en évidence (ostéopathie hypertrophiante, érythème nécrolytique migrant). Leur
reconnaissance par le praticien améliore souvent
le pronostic d’une affection tumorale car elle
permet l’établissement rapide du diagnostic, de
contrôler l’absence de rechute et d’améliorer la
qualité de vie des animaux cancéreux en
prévenant leur apparition.
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Le Point Vétérinaire / N° 244 / Avril 2004 /
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