Les thromboses veineuses superficielles
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Les thromboses veineuses superficielles
Les thromboses veineuses superficielles DOSSIER MISE AU POINT F. Minvielle Service des explorations fonctionnelles, Hôpital Avicenne, Hôpitaux universitaires de Paris Seine-Saint-Denis [email protected] L es thromboses veineuses superficielles ont longtemps fait figure de parent pauvre de la maladie thromboembolique. Réputées bénignes, elles relevaient d’un traitement par contention et éventuellement d’un traitement antiinflammatoire. Il existe un regain d’intérêt pour les thromboses veineuses superficielles [1-5]. Des études assez récentes ont montré en effet que ces thromboses n’étaient Plus fréquentes que pas si bénignes. Les traiteles thromboses veineuses ments ont évolué durant ces profondes, les thromboses dernières années, notamveineuses superficielles ment sous l’influence d’une leurs sont associées étude multicentrique coordans 25 % des cas. donnée à Saint-Etienne : l’étude CALISTO (tableau 1) [3]. Risque évolutif = 8 %. Tableau 1. Résultats de l’étude CALISTO Patients (n) Fondaparinux Placebo RR = p 1 502 1 500 A J47 Critère composite (*) Décès EP TVP Extension TVS 13 (0,9 %) 2 0 3 3 88 (5,9 %) 1 5 18 20 0,15 – 0,17 0,15 <0,001 1 0,03 < 0,001 < 0,001 A J77 Critère composite (*) Décès EP TVP Extension TVS 18 (1,2 %) 2 0 4 5 94 (6,3 %) 1 6 19 54 0,19 1,99 0,2 0,09 < 0,001 1 0,02 0,001 < 0,001 * Critère composite : voir texte. EP : embolie pulmonaire. TVP : thrombose veineuse profonde. TVS : thrombose veineuse superficielle. AMC pratique n°231 octobre 2014 Définition Une thrombose veineuse superficielle est une thrombose intéressant une veine du réseau veineux superficiel. Le terme de thrombo phlébite superficielle peut être employé en cas de réaction inflammatoire de la paroi de la veine thrombosée. Le terme de paraphlébite ne doit plus être utilisé. Incidence – Prévalence La thrombose veineuse superficielle est une pathologie rencontrée et prise en charge dans les cabinets libéraux beaucoup plus que dans les structures hospitalières. Il est difficile d’avoir une estimation précise de l’incidence et de la prévalence des thromboses veineuses superficielles. Les données de la littérature montrent que les thromboses veineuses superficielles sont plus fréquentes que les thromboses veineuses profondes. Leur incidence augmente avec l’âge. Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. Des études assez récentes ont montré que les thromboses veineuses superficielles sont fréquemment associées à des thromboses veineuses profondes. L’étude POST [4], réalisée essentiellement chez des médecins vasculaires libéraux, a porté sur l’étude de 844 patients vus consécutivement présentant une thrombose veineuse superficielle d’un membre inférieur. Sur ces 844 patients présentant une thrombose veineuse superficielle, 210 (24,9 %) avaient également à l’inclusion une throm© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés 21 DOSSIER MISE AU POINT Les thromboses veineuses superficielles bose veineuse profonde associée sur le membre homolatéral ou controlatéral et 4 % des patients présentaient une embolie pulmonaire symptomatique associée. Dans l’étude POST, sur les 586 patients dénués de thrombose veineuse profonde ou d’embolie pulmonaire éligibles pour un suivi de 3 mois, 46 (8 %) ont développé une complication thromboembolique à trois mois : 3 ont développé une embolie pulmonaire, 15 ont développé une thrombose veineuse profonde, 18 une extension de la thrombose veineuse superficielle et 10 une récidive de thrombose veineuse superficielle. Les facteurs de risque associés à ces complications sont : sexe masculin, antécédent de thrombose veineuse profonde, absence de veine variqueuse et antécédent de cancer. L’immense majorité de ces patients (90 %) avait reçu un traitement anticoagulant selon des modalités très variées pour la dose et la durée (durée moyenne de 11 jours). L’étude OPTIMEV [5] avait retrouvé une proportion comparable de patients présentant une thrombose veineuse superficielle et une thrombose veineuse profonde associée à l’inclusion dans l’étude. 227 patients (soit 29 %) avaient une thrombose veineuse profonde associée sur 788 patients porteurs d’une thrombose veineuse superficielle. Un âge supérieur à 75 ans, un cancer en évolution, la survenue d’une thrombose veineuse superficielle sur une veine non variqueuse et le fait d’être hospitalisé augmentent le risque de présenter une thrombose veineuse profonde associée. Physiopathologie La physiopathologie de la thrombose veineuse s’appuie sur la classique triade de Virchow : stase, lésion pariétale, hypercoagulabilité. La très grande majorité des thromboses veineuses superficielles est expliquée par la stase sanguine engendrée par le reflux dans les veines saphènes incontinentes et leurs branches tributaires. Un patient se présentant dans nos cabinets avec une thrombose veineuse superficielle survenant sur une varicose évoluée, parfois 22 déjà décompensée (antécédent d’hypodermite, d’eczéma variqueux) ne va pas nous interpeller sur le plan physiopathologique. Il existe une stase importante dans des varices très dilatées et cette stase explique la survenue de la thrombose veineuse superficielle. Chez d’autres patients, les varices sont moins dilatées. Il existe un reflux franc dans les veines saphènes internes et/ou externes. A l’occasion d’un voyage prolongé en voiture ou en avion, la stase veineuse a augmenté du fait de la mise au repos de la pompe valvulo-musculaire du mollet et notre patient a présenté une thrombose veineuse superficielle. Dans d’autres cas, la thrombose veineuse superficielle apparaît sur des saphènes continentes. Ce sont ces patients qui méritent une réflexion physiopathologique. Il faut s’interroger sur l’existence possible d’une hypercoagulabilité, interroger le patient sur des antécédents familiaux de thromboses veineuses profondes ou superficielles. En premier lieu, il faut savoir penser à une thrombophillie. Le bilan de thrombophillie sera réalisé avant l’instauration du traitement anticoagulant ou à distance de son arrêt. Il existe enfin un dernier cas : les thromboses veineuses de la paroi antéro latérale du thorax appelées également phlébite de Mondor. Dans ce cas, il n’existe pas de stase veineuse puisque la thrombose survient à hauteur de la pompe cardiaque. Le mécanisme physiopathologie est donc forcément une altération pariétale ou une hypercoagulabilité. Ces phlébites de Mondor peuvent être révélatrices d’un cancer du sein. Il est encore plus fréquent de retrouver un antécédent de radiothérapie pour cancer du sein chez une femme présentant une thrombose veineuse de Mondor : l’altération pariétale a été le mécanisme physiopathologique. Diagnostic Le diagnostic de thrombose veineuse superficielle est classiquement évident. Il repose sur la triade : douleur, rougeur, induration. Il existe une mauvaise corrélation entre l’étendue de la thrombose veineuse superAMC pratique n°231 octobre 2014 ficielle et le siège de la rougeur. Le thrombus s’étend très souvent bien au delà de la rougeur perçue cliniquement. La patiente dont le cas illustre cette mise au point présente un cordon induré de la face interne de la jambe (figures 1 et 2). Elle ne présente aucun symptôme ni signe clinique à la face latérale ou à la face postérieure du mollet (figure 3). L’écho Doppler retrouvera une thrombose de la saphène interne s’étendant jusqu’au tiers supérieur de la jambe (figures 4 et 5), une extension du thrombus à plusieurs communicantes reliant la saphène interne MISE AU POINT DOSSIER F. Minvielle Figure 1. Thrombose saphène interne droite. Figure 3. Face postérieure du mollet droit : pas de signe clinique. Figure 2. Thrombose saphène interne droite. AMC pratique n°231 octobre 2014 Figure 4. Thrombose de la saphène interne droite. 23 DOSSIER MISE AU POINT Les thromboses veineuses superficielles à la saphène externe, une thrombose de la saphène externe (figure 6). La saphène externe se jette dans le tronc des veines gastrocnémiennes médiales (figures 7 et 8). Le thrombus s’était étendu au tronc des veines gastrocnémiennes et des veines gastrocnémiennes médiales à la veine poplitée : le thrombus bombait dans la lumière de la veine poplitée (figure 9). Les figures 10 et 11 résument le cas clinique. Figure 5. Thrombose partielle de la saphène interne droite. Figure 6. Thrombose de la saphène externe droite. 24 L’examen clinique ne peut donc pas apprécier l’extension d’une thrombose veineuse superficielle. Il ne peut diagnostiquer les fréquentes thromboses veineuses profondes homolatérales ou controlatérales ne correspondant pas à des extensions de proche en proche des thromboses veineuses superficielles aux troncs veineux profonds. Un écho Doppler complet superficiel et profond, bilatéral est donc indispensable chez un patient présentant une thrombose veineuse superficielle. Il s’agit d’une règle absolue, incontournable. L’écho Doppler des membres inférieurs s’est imposé par sa fiabilité et son caractère non invasif comme l’examen de première intention devant toute suspicion de thrombose veineuse. L’exploration des troncs veineux superficiels sera réalisée sur un patient debout. L’examen des troncs collecteurs (poplité, fémoraux, iliaques) sera réalisé sur un patient en décubitus dorsal. L’exploration des loges surales est réalisée sur un sujet assis, jambes pendantes. Les veines sont suivies sur toute leur longueur, une à une, en coupe transversale. En échographie, une veine normale est vide d’écho, bordée par une paroi fine et souple qui se laisse comprimer facilement. • L’écho Doppler est toujours réalisable au niveau des troncs veineux superficiels. Il permet donc toujours de confirmer le diagnostic en recherchant à l’inspection une dilatation de la veine thrombosée et des échos dans sa lumière correspondant à la visualisation du thrombus. On effectue des manœuvres de compression tout le long de la veine superficielle à la recherche d’une incompressibilité secondaire à la présence du thrombus. • Il permet toujours de préciser l’extension du thrombus dans le réseau veineux superficiel. La survenue d’une thrombose veineuse superficielle expose à des complications emboliques redoutables en cas d’extension du thrombus aux jonctions saphénofémorale ou poplitée. Lorsque le thrombus s’étend par ces jonctions, aux veines fémorale commune et iliaque externe ou à la veine poplitée, les thrombi sont pratiquement toujours peu adhérents aux parois de ces veines profondes. Le risque de survenue AMC pratique n°231 octobre 2014 d’une embolie pulmonaire est donc élevé. Le siège de la tête du thrombus ayant une incidence sur la posologie du traitement, Il est donc fondamental de le préciser. • L’écho Doppler étant un examen non invasif, doit être répété. Le traitement étant délivré à dose préventive le plus souvent, il peut exister des extensions du thrombus, heureusement rares. L’incidence des complications thromboemboliques sous traitement étaient de 0,9 % dans l’étude CALISTO. Un écho Doppler de contrôle à 7 jours paraît une sage précaution. En cas d’extension du thrombus sous traitement, il ne faut pas oublier de redoser les plaquettes à la recherche d’une thrombopénie à l’héparine. • L’écho Doppler permet de rechercher une thrombose veineuse profonde associée, ne correspondant pas à l’extension de proche en proche de la thrombose veineuse superficielle. Il doit donc toujours être bilatéral. Pour les zones profondes difficiles à explorer, on peut utiliser le Doppler couleur. En Doppler couleur, ces manœuvres de compression (ou des chasses veineuses d’amont réalisées par la main controlatérale) entraînent un remplissage en couleur de l’ensemble de la veine. Un remplissage partiel ou l’absence de remplissage oriente vers une thrombose veineuse profonde partielle ou obstructive. Les limites sont liées : – au patient : l’obésité, une cicatrice de laparotomie, des gaz intestinaux peuvent gêner la diffusion des ultra-sons à l’étage abdominal. L’œdème des membres inférieurs et les calcifications sous cutanées gênent la diffusion des ultra-sons au niveau des membres inférieurs ; – à l’examinateur : il s’agit d’un examen opérateur dépendant ; – à l’appareillage. Evolution des signes cliniques A la phase de constitution du thrombus, les patients insistent sur les douleurs ressenties sur le trajet veineux. Ces douleurs sont d’autant plus importantes que la veine est dilatée par le thrombus et qu’il existe une réaction inflammatoire de la paroi. AMC pratique n°231 octobre 2014 MISE AU POINT DOSSIER F. Minvielle Figure 7. Thrombose gastrocnémienne médiale droite. Figure 8. Thrombose gastrocnémienne médiale droite. Attention : la disparition des douleurs n’est pas nécessairement synonyme d’absence d’extension du thrombus. Elle peut signifier simplement que la réaction inflammatoire de la paroi a disparu. La veine peut rester totalement thrombosée et le thrombus peut continuer de s’étendre. La disparition de la douleur et des signes inflammatoires n’exonèrent donc pas d’une surveillance par écho Doppler de l’évolution. 25 DOSSIER MISE AU POINT Les thromboses veineuses superficielles demandent s’ils ne sont pas liés à une récidive de thrombose veineuse superficielle. Il faut leur expliquer qu’au contraire, la réapparition de signes d’insuffisance veineuse est rassurante, puisqu’elle témoigne de la reperméabilisation partielle de la varice... et donc de la réapparition d’un reflux dans les veines anciennement thrombosées. La très grande majorité des thromboses veineuses superficielles survient sur des veines variqueuses. Diagnostic différentiel Figure 9. Thrombose poplitée droite. Lorsque la veine commence à se reperméabiliser, elle n’est plus dilatée et les douleurs diminuent de façon constante. A la phase de reperméabilisation, il n’est pas rare que les patients signalent la réapparition de signes d’insuffisance veineuse (crampes, lourdeurs). La réapparition de ces symptômes inquiète les patients qui se Figure 10. Thrombose saphène interne droite (en rouge). 26 • Hypodermite : il existe un placard induré, rouge, douloureux mais ce placard inflammatoire est large. Il siège toujours dans les parties les plus déclives de la jambe (typiquement la face interne du tiers inférieur de la jambe). Il peut exister une botte scléro-rétractile. • Lymphangite : la douleur et la rougeur sont retrouvées mais pas l’induration. Il existe de la fièvre. Des adénopathies sont retrouvées. • Erysipèle : il existe une rougeur et une douleur, entourée parfois d’un bourrelet. Là encore, la rougeur est étendue. Il ne s’agit pas d’un cordon. Il n’existe pas d’indura- Figure 11. Thrombose communicantes SED-SID avec extension du thrombus à la SED, la veine gastrocnémienne médiale et la veine poplitée (en rouge). AMC pratique n°231 octobre 2014 tion. Le patient est fébrile. Une porte d’entrée à l’infection est souvent retrouvée. • L’érythème noueux est marqué par l’apparition de nouures après une phase prodromique (fièvre, douleurs articulaires). Les nouures sont bilatérales et grossièrement symétriques, ce qui les différencie d’une thrombose veineuse superficielle. • Dans le syndrome de Sweet, il existe une éruption de papulonodules (élevures arrondies, rougeâtres, douloureuses et de consistance ferme). Les nodules siègent typiquement au niveau du visage, du cou et des membres supérieurs. Même si on en retrouve au niveau des membres inférieurs, il ne siège pas sur un trajet veineux. L’étiologie principale est la Leucémie myéloïde aiguë. Le diagnostic différentiel pose en réalité peu de problèmes. La thrombose superficielle est le premier diagnostic évoqué devant une induration rouge et douloureuse, localisée d’un membre inférieur. Le praticien dispose d’un examen non invasif qui va toujours permettre de faire le diagnostic. Ce sont donc les autres diagnostics qui sont évoqués en cas de normalité de l’écho Doppler. Etiologies Le bilan étiologique ne doit pas être systématique. • Il est nécessaire devant une thrombose veineuse superficielle survenant sur une veine saine. • Il est nécessaire en cas de thrombose veineuse profonde associée ne correspondant pas à une extension de la thrombose veineuse superficielle, a fortiori si la thrombose veineuse profonde est controlatérale. • Il sera réalisé devant des thromboses veineuses superficielles récidivantes, migratrices ou atypiques par leur siège. Un bilan complet de thrombophilie est nécessaire chez ces patients surtout s’ils sont jeunes et qu’ils possèdent des antécédents familiaux d’événements thrombo emboliques chez une personne apparentée au premier degré survenus avant 60 ans. Les thromboses veineuses superficielles peuvent permettre de découvrir un cancer AMC pratique n°231 octobre 2014 (poumon, prostate, pancréas, colon ...) ou une hémopathie. Certaines thromboses veineuses superficielles permettent également de découvrir une maladie de Buerger ou une maladie de Behçet. Dans le cas de la maladie de Behçet, les thromboses veineuses superficielles sont très inflammatoires. La recherche exhaustive d’une étiologie est un sujet qui fait l’objet d’un débat non tranché dans les thromboses veineuses profondes. • Dans le cas des thromboses veineuses superficielles, le bilan étiologique ne s’adresse qu’à des patients très sélectionnés. • Chez ces patients, l’interrogatoire et l’examen clinique doivent toujours rechercher des signes orientant vers une étiologie. • La prescription d’examens complémentaires à visée étiologique doit être bien pesée pour ne pas augmenter inutilement le coût de la prise en charge de ces patients. MISE AU POINT DOSSIER F. Minvielle Complications • Thrombose veineuse profonde soit d’emblée soit par extension du thrombus. • Embolie pulmonaire. • Récidive de thrombose veineuse superficielle ou profonde. Les études POST [4] et OPTIMEV [5] ont évalué la fréquence de ces complications qui doivent être traitées conformément aux recommandations se rapportant à ces pathologies. Traitement Le traitement des thromboses veineuses superficielles a évolué durant ces 5 dernières années. Les recommandations AFSSAPS 2009 [1] indiquaient que les anti-inflammatoires non stéroïdiens, les anticoagulants à dose curative et la chirurgie n’étaient pas indiquées en première intention dans le traitement des thromboses veineuses superficielles. La prescription d’une compression était recommandée à la phase aiguë d’une throm27 DOSSIER MISE AU POINT Les thromboses veineuses superficielles bose veineuse superficielle en l’absence de contre-indication. Les contre-indications à la compression classe 3 sont les artériopathies avec indice de pression systolique à la cheville inférieur à 0,8 ou supérieur à 1,3. Les thromboses veineuses étendues à la jonction saphéno-fémorale pouvaient relever d’un traitement anticoagulant à dose curative ou d’un traitement chirurgical (accord professionnel). Les HBPM à dose prophylactique (et par extrapolation le fondaparinux à dose prophylactique) étaient suggérés dans le traitement des thromboses veineuses superficielles pour prévenir le risque de complications thromboemboliques. Les durées validées par les essais retenus pour élaborer ces recommandations étaient de 7 jours et 30 jours. L’étude CALISTO [3] a comparé en 2010 le fondaparinux à dose prophylactique (2,5 mg) administré pendant 45 jours au placebo chez des patients présentant une thrombose veineuse superficielle d’au moins 5 centimètres de longueur. Les patients présentant une thrombose veineuse superficielle s’étendant à moins de 3 cm de la jonction saphénofémorale, une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire symptomatique documentée n’était pas inclus dans l’étude. 1500 patients ont été traités par placebo. 1 502 patients ont bénéficié d’un traitement par fondaparinux 2,5 mg. Le critère de jugement principal était un critère composite : survenue d’une embolie pulmonaire, d’une thrombose veineuse profonde, extension de la thrombose veineuse superficielle avec une tête du thrombus située à moins de 3 cm de la jonction saphéno-fémorale, récidive de thrombose veineuse superficielle ou toute autre cause de mort jusqu’au 47e jour. • 13 patients dans le groupe fondaparinux ont présenté le critère de jugement principal contre 88 dans le groupe placebo. • Aucun patient du groupe fondaparinux n’a présenté d’embolie pulmonaire contre 5 dans le groupe placebo. • 3 patients du groupe fondaparinux ont présenté une TVP contre 18 dans le groupe placebo. 28 • 4 patients du groupe fondaparinux ont présenté une extension de leur thrombose veineuse superficielle contre 51 dans le groupe placebo. • 5 patients du groupe fondaparinux ont présenté une récidive de thrombose veineuse superficielle contre 24 dans le groupe placebo. • 2 décès sont survenus dans le groupe fondaparinux (des suites d’un cancer) et 1 est survenu dans le groupe placebo (insuffisance cardiaque). • La somme est supérieure à 13 dans le groupe fondaparinux et elle est supérieure à 88 dans le groupe placebo parce que certains patients avaient plus d’un critère. • 11 patients dans le groupe fondaparinux ont bénéficié d’une intervention chirurgicale en raison d’une extension du thrombus à la jonction saphéno-fémorale contre 57 dans le groupe placebo. • Un patient dans chaque groupe a présenté une hémorragie majeure. Ainsi, l’étude montre : – que le taux d’embolie pulmonaire et de thrombose veineuse profonde est réduit de 85 % dans le groupe fondaparinux par rapport au placebo ; – que les extensions des thrombi vers les jonctions saphéno-fémorales sont une complication fréquente des thromboses veineuses superficielles (51 patients sur 1500). Elles nécessitent de recourir au traitement anticoagulant à dose curative et à la chirurgie. L’utilisation du fondaparinux à dose prophylactique permet de diminuer considérablement le recours aux traitements anticoagulants curatifs et à la chirurgie ; – ce résultat est acquis pour un traitement de fondaparinux délivré à la posologie de 2,5 mg pendant 45 jours. Il se maintient un mois après l’arrêt des anticoagulants ; – l’utilisation du fondaparinux n’augmente pas le risque d’hémorragie majeure. Les recommandations CHEST 2012 [2] s’appuient, entre autres, sur les résultats de l’étude CALISTO. Ces recommandations suggèrent de traiter une thrombose veineuse superficielle s’étendant sur 5 cm ou plus par fondaparinux (plutôt que HBPM) pendant 45 jours à dose préventive (Grade 2B). AMC pratique n°231 octobre 2014 Le traitement anticoagulant à dose préventive est tout particulièrement indiqué en cas de : – thrombose veineuse superficielle extensive, thrombose veineuse superficielle située au dessus du genou, thrombose veineuse superficielle s’étendant à proximité de la jonction saphéno-fémorale, thrombose veineuse superficielle impliquant la grande saphène ; – thrombose veineuse superficielle très symptomatique ; – cancer en évolution ; – antécédents de maladie thromboembolique, antécédents de thrombose veineuse superficielle ; – chirurgie récente. En l’absence de traitement anticoagulant, des anti-inflammatoires non stéroïdiens per os ou locaux peuvent être utilisés à titre antalgique. La ligature de crosse est moins efficace que le traitement anticoagulant (taux plus élevé de thrombose veineuse profonde et d’embolie pulmonaire en cas de ligature de crosse). Recommandations CHEST 2012 [2] 8.1.1. In patients with superficial vein thrombosis of the lower limb of at least 5 cm in length, we suggest the use of a prophylactic dose of fondaparinux or LMWH for 45 days over non anticoagulation (Grade 2 B) 8.1.2. In patients with superficial vein thrombosis who are treated with anticoagulation, we suggest fondaparinux 2,5 mg daily over a prophylactic dose of LMWH. La contention classe 3 doit toujours être utilisée en l’absence d’artériopathie des membres inférieurs la contre indiquant (IPS < 0,8 ou > 1,3). En cas d’artériopathie, il est toujours possible d’utiliser des bandes de contention non élastiques type Somos Standard® 10 cm x 4 m. Un patient présentant une thrombose veineuse superficielle avec tête du thrombus située à plus de 3 cm de la jonction saphénofémorale relève d’un traitement par fondaparinux à dose prophylactique de 2,5 mg pendant 45 jours. Ce traitement est contre indiqué si la clairance de la créatinine est inférieure à 20 ml/mn. Si la clairance de la créaAMC pratique n°231 octobre 2014 tinine est comprise entre 20 et 50 ml/mn, il faut réduire la posologie de fondaparinux à 1,5 mg par jour. En cas d’atteinte de la crosse de la saphène (interne ou externe), un traitement anticoagulant par HBPM ou fondaparinux à dose curative est nécessaire en l’absence de contre indication pendant 1 mois et demi. Si le traitement anticoagulant est contre indiqué, il faut effectuer une ligature de la crosse. Il n’est pas recommandé d’effectuer de relais par AVK. Une cure chirurgicale des varices sera réalisée secondairement pour éviter les récidives. Une thrombose veineuse profonde ou une embolie pulmonaire associée doivent être traitées conformément aux recommandations se rapportant à ces pathologies. Certaines questions restent non résolues : que faire, par exemple, en cas de persistance à 45 jours d’une thrombose complète de la crosse de la saphène interne ou de la crosse de la saphène externe? MISE AU POINT DOSSIER F. Minvielle Conclusion Les thromboses veineuses superficielles ne posent pas de problème diagnostique à condition d’avoir recours à l’écho Doppler : l’exploration des veines superficielles est toujours réalisable. Cet écho Doppler doit toujours préciser le niveau d’extension du thrombus dans les veines superficielles et rechercher une thrombose veineuse profonde correspondant à une extension du thrombus superficiel ou survenant de façon concomitante (homo latérale ou controlatérale). Les résultats de l’écho Doppler conditionnent la posologie du traitement anticoagulant et sa durée. L’étude CALISTO [3] montre la grande efficacité de ce traitement. Une réduction très importante des événements thromboemboliques est donc à attendre de l’application des traitements préconisés dans cette étude. Il est donc important que les résultats de l’étude CALISTO soient connus de tous les médecins. Conflits d’intérêt : l’auteur déclare ne pas avoir de conflits d’intérêt en relation avec cet article. 29 DOSSIER MISE AU POINT Les thromboses veineuses superficielles En pratique : Diagnostic par l’écho Doppler. Traitement par le fondaparinux à dose préventive. Références [1] Recommandations AFSSAPS 2009 : Prévention et traitement de la maladie thromboembolique veineuse en médecine sur le site de l’ANSM. [2] Recommandations CHEST 2012 sur le site de l’American College of Chest Physicians : www.chestnet.org. [3] Decousus H, Prandoni P, Mismetti P, et al for the CALISTO Study Group. fondaparinux for the treatment of superficialvein thrombosis in the legs. N Engl J Med 2010;363:1222-32. 30 [4] Decousus H, Quéré I, Presles E, et al for the POST (Prospective Observational Superficial Thrombophlebitis) study group. Superficial venous thrombosis and venous thromboembolism: a large, prospective epidemiologic study. Ann Int Med 2010;152:218-24. [5] Galanaud JP, Genty C, Sevestre MA, et al for OPTIMEV SFMV investigators. Predictive factors for concurrent deep-vein thrombosis and symptomatic venous thromboembolic recurrence in case of superficial venous thrombosis. Thromb Haemost 2011;105:31-9. AMC pratique n°231 octobre 2014