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Beaux-Arts S. 18 Chroniques parisiennes Bill Viola et ses images incontournables Il est des expositions à la mode, à grand battage médiatique, avant même qu’on les ait vues. Ce sont des événements à part entière, et on en fait trop, juste un peu trop, et la machinerie inverserait presque ses effets, atténuerait les perceptions devant les œuvres, parfois géniales. Oui, trop c’est trop. Et le dispositif mis en place autour de l’exposition consacrée à Bill Viola en est la preuve. Les journalistes ont été conviés de façon presque péremptoire à la conférence de presse qui précédait la visite, avec cette mention sur le carton d’invitation: „fermeture des portes à 10h“. Message ambigu qui laissait supposer que, de toute façon, on n’avait pas le choix, il fallait commencer par la conférence de presse. De la philosophie en produit dérivé Nous étions donc otages d’une manière de procéder qui somme toute pouvait être agréable. En général, j‘évite que l’on me donne à porter la bonne parole, je pense avoir assez de sens critique pour ne pas m’aveugler au mirage d’un discours formaté que les journalistes pourraient répandre, contribuant en cela à une unanimité de la critique. Dans le cas de Bill Viola, on sait que son œuvre, surtout dans ses débuts, est prodigieuse. Alors pourquoi insister? Devrions-nous également idolâtrer l’artiste? Car c’est à peu près ainsi que cela s’est passé. Bill Viola est apparu, accompagné de son épouse, Kira Perov, et du commissaire d’exposition, Jérôme Neutres. Bill Viola n’est pas un grand bavard, ainsi sa femme se fait l’interprète de son œuvre, et le commissaire d’insister sur le génie de Bill Viola, sur la façon dont il écrit et réfléchit tous les jours, au point d’avoir quarante tomes de pensées en réserve. Pitié! Les propos de Bill Viola sont d’une banalité affligeante, mâtinés de principes zen, de vague philosophie, ce qui nous permettra ensuite de trouver toute la pensée zen en librairie, à la sortie de l’exposition, comme finalement un vulgaire produit dérivé. Nous n’avons pratiquement rien appris, sauf que la vie est une roue, et qu’il y a les pas encore nés, et les déjà morts (lumineux, non?). Et comme Bill Viola est devenu un messager, et qu’il lui faut tenir ce rôle, et que nous sommes tous confondus l’épouse de Bill Viola, Kira Perov, de rétorquer: les pièces de Bill Viola peuvent être saisies dans leur entièreté, ou pour quelques images seulement. Mais de toute façon on le dit assez: Bill Viola, c’est génial! Effectivement, ça l’est. Avec quelques réserves parfois, notamment vers la fin, lorsque Bill Viola travaille en résonance avec la peinture. Ce côté „déjà Bill Viola, Ascension, 2000, installation vidéo sonore, 10 minutes, vu“ puisqu’il revisite performeur : Josh Coxx, Bill Viola Studio, Long Beach, Etats-Unis, l’histoire de la peinture, inspiré entre autres par Giotto, d’admiration, lorsqu’un bébé s’agite et crie, ne fait pas le poids, et l’on se prend à rêver il remercie la mère de l’avoir amené – eh de la source, de l’image fondatrice, d’une oui, la vie, la source, enfin tout ça. Les ques- œuvre de Giotto, au lieu d’une vision tions dans la salle sont parfois très françai- convenue, qui s’étire, contaminant le ses – comme dirait Lacan, un éminent psy- temps. La torpeur nous ramène alors à nochanalyste très connu ici… – redondance à tre statut de consommateurs d’images et de laquelle répond par quelques phrases cour- vidéos assez faciles. Mais il s’agit ici de rétes Bill Viola. Au point d’entendre un jour- serves mineures. Car ces images d’apparinaliste dire, fort à propos: entre le gourou tions et de disparitions, ces mirages qui réaméricain et la pédanterie française, que vèlent à eux seuls une quête métaphysique, choisir? Et d’entendre répondre: je préfère ces êtres qui marchent sans discontinuer, le gourou américain. Oui, car la pédanterie ces rêves qui viennent ponctuer la nuit de est sûrement plus insupportable. Enfin li- leurs mystères, ces êtres à demi ensommeilbres, des banalités plein la tête, nous voici lés, comme en extase, sous l’eau, sont aulâchés dans les salles, empêchés dans un tant de morceaux d’infini. Ils participent premier temps de voir véritablement les d’une interrogation et d’une émotion fonimages de Bill Viola, tant notre pensée a été datrices du travail de Bill Viola, à la suite massacrée par ce qu’on appelle communi- d’un accident qui a failli lui coûter la vie cation. J’oubliais: un journaliste lui a de- dans l’enfance, une noyade dont il a été mandé s’il comptait faire des films, comme sauvé in extremis. C’est dans ce flottement le célèbre vidéaste Steve Mc Queen, qui a entre deux mondes, à la lisière du réel et de remporté dernièrement un beau succès l’impalpable que nous nous situons. Alors, américain pour son film, 12 Years a Slave, cette image, devenue si évidente vers la fin un film esthétisant et pauvre, qui ne donne de l’exposition, reprend ici tous ses droits, en rien l’ampleur de son travail d’autrefois. son aura, son pouvoir de fascination, et Heureusement, Bill Viola a répondu par la nous mène au monde, dans ce qu’il a de négative. plus énigmatique. Photo Kira Perov Clotilde Escalle A la lisière du monde Mais enfin qu’en est-il de ses images, si les journalistes ont peu de temps pour les voir vraiment, ceci en partie à cause d’une conférence de presse, mais aussi parce que les durées des vidéos sont assez longues? Et Bill Viola Jusqu’au 21 juillet 2014 au Grand Palais (entrée Champs-Elysées) Renseignements et réservations sur: www.grandpalais.fr
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projection vidéo couleurs haute définition, quatre enceintes 11 minutes 12 secondes performeur : Robin Bonaccorsi Collection Pinault Photo Kira Perov
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