Entrez dans l`Espérance (1994)
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Entrez dans l`Espérance (1994)
CHAPITRE VII Entrez dans l’Espérance (1994) 17. Isabelle Roure Entrez dans l’Espérance : Présentation du livre Pour connaître le message que Sa Sainteté le pape Jean-Paul II veut donner au monde d’aujourd’hui, il n’est que de méditer le titre de son ouvrage qui, jugé naïf par certains, n’en demeure pas moins lourd de sens : Entrez dans l’Espérance . Le verbe choisi, « entrer », évoque sans conteste la parole de Notre Seigneur au bon et fidèle serviteur de la parabole des talents : « Entre dans la joie de ton maître » (Mt 25, 21). Et l’« Espérance » – avec en arrière-fond l’exhortation de son arrivée sur le siège de saint Pierre : « N’ayez pas peur ! » – est bien cette vertu théologale qui creuse en nous l’appétit des choses d’en haut, le désir de Dieu. C’est donc le Ciel que le pape annonce à ceux que les ténèbres d’ici-bas enlisent dans le désespoir. Ses propos ont une portée eschatologique, et il ne pouvait en être autrement à partir du moment où le but du livre était « de pouvoir proclamer de manière nouvelle le kérygme, ce message condensé et presque brutal sur lequel se fonde la foi chrétienne : 104 E NTREZ DANS L’ESPÉRANCE “Jésus est Seigneur; Lui seul sauve l’humanité, aujourd’hui comme hier et toujours” » (Introduction par Vittorio Messori, p. 17). Cette « manière nouvelle », c’est le procédé : après avoir envisagé un entretien télévisé, le Saint-Père a préféré répondre par écrit à des questions; sans faire de l’ouvrage une encyclique, une lettre apostolique ou quoi que ce soit d’officiel. Une nouvelle façon donc de surprendre et de se placer au rang d’un écrivain de best-seller, comme pour tendre la main à ceux que l’Eglise officielle rebute par sa « clérocratie » et son humanisme tronqué. Le ton est limpide et sûr, laissant transparaître la lumière de l’Evangile. Dans les dernières pages de son ouvrage, le SaintPère nous donne à méditer cette citation d’un poète polonais, Cyprian Norwid : « Nous ne marchons pas à la suite du Sauveur en portant sa croix, mais nous suivons le Christ qui porte la nôtre » (p. 323), rappelant ainsi que le message chrétien est celui de l’Espérance dans la Croix. Le pape nous montre le chemin de la vie éternelle, de la vraie béatitude. Il veut dire au monde d’aujourd’hui : ne confondez pas jouissance et bonheur; osez faire « la vérité sur vous-mêmes » (p. 28) et soyez responsables de vos actes. Et cela passe par toutes ces questions auxquelles il répond : Dieu existe-t-il ? Jésus est-il vraiment Dieu ? Pourquoi tout ce mal ? Qui sera sauvé ? Pourquoi tant de religions ? L’au-delà existe-t-il ? A quoi sert de croire ? La dévotion à Marie, etc. La ligne directrice est volontairement religieuse. Et certaines réponses sonnent clair : « Le Christ est l’unique Médiateur entre Dieu et les hommes. Il est le Médiateur parce qu’il est Dieu-fait-Homme. Il porte en Lui tout l’univers intime de la divinité, tout le mystère trinitaire, en même temps que le mystère de la vie à la fois dans le temps et dans l’immortalité » (p. 81). « Le Fils de l’homme n’est pas venu dans le monde “pour juger le monde, mais pour ENTREZ DANS L’E SPÉRANCE 105 que, par Lui, le monde soit sauvé”. Le monde que le Fils de Dieu a trouvé quand Il s’est fait homme méritait la condamnation, à cause du péché qui avait dominé l’histoire à partir de la chute des premiers êtres humains » (p. 100). « Dans le Christ, l’Eglise est catholique, c’est-à-dire universelle. Et elle ne peut être autre » (p. 211). « Sauver veut dire délivrer du mal radical et irréversible. Même la mort n’est plus un mal irrémédiable, puisqu’elle est suivie par la Résurrection. La Résurrection est l’œuvre du Christ » (p. 119). Le Saint-Père parle également de sa façon de prier (avec beaucoup de pudeur et d’humilité), de l’islam, du judaïsme, de la nouvelle évangélisation, des jeunes, du communisme, du concile Vatican II, de la libéralisation des mœurs, des droits de l’homme (ces fameux droits de l’homme dans lesquels il voit un élément indispensable pour protéger la dignité humaine, alors que la plupart des Etats en ont fait un outil économique et politique), de l’avortement, etc. Il rétablit en outre l’autorité de saint Thomas d’Aquin, en écrivant que « la Somme théologique a été mise un peu de côté » (p. 58), qu’« il est injuste de voir dans l’approche de saint Thomas une démarche purement rationaliste » et qu’« il est regrettable que sa pensée ait été négligée après le concile, car, de fait, il ne cesse d’être le maître de l’universalisme philosophique et théologique » (pp. 60-61). Comme l’on aimerait voir la pensée du Docteur Angélique enseignée avec rigueur et fidélité, dans les écoles, les séminaires, les couvents, les universités qui ont été gagnés par le rationalisme moderne et son cortège d’idéalisme, de scepticisme et d’existentialisme ! Rationalisme moderne hérité de Descartes et de la philosophie des « Lumières », et que dénonce le pape. Jean-Paul II nous parle de la Miséricorde : « Dans la prière, Dieu se révèle avant tout comme Miséricorde, c’est-à-dire comme Amour qui vient à la rencontre de 106 E NTREZ DANS L’ESPÉRANCE l’homme souffrant » (p. 54). Nous retrouvons là le fort et doux message de sœur Faustine Kowalska, béatifiée sous son pontificat, qui a fait peindre en 1934 l’icône du Christ miséricordieux. La vision des choses est volontairement positive. Face à la montée en puissance d’autres « religions », le pape rejette tout pessimisme : « Le défaitisme n’est vraiment pas justifié. Si le monde n’est pas catholique du point de vue confessionnel, il est certainement imprégné en profondeur par l’Evangile. On peut même être assuré qu’invisiblement, le mystère de l’Eglise, Corps du Christ, y est plus que jamais présent et actif » (p. 178). Si l’on garde bien en tête que l’esprit de l’Evangile est celui de la Croix (car, l’Amour est lié à la souffrance), alors certes, on peut dire que le monde d’aujourd’hui est rempli de Dieu. Le Saint-Père a sciemment un regard universel. Pour nous autres, Français et Européens, la société ne cesse de jeter à bas les valeurs essentielles du christianisme. Où se trouve l’esprit évangélique dans nos lois, nos cités, quelquefois même nos églises ? L’Eglise qui, comme l’écrit le pape, « reprend chaque jour son combat contre l’esprit de ce monde » (p. 178), l’Eglise qui est « l’instrument du salut » (p. 209), sait-Elle toujours transmettre la Vérité ? Enfin, après s’être appuyé tout au long de son livre sur les textes conciliaires, le Saint-Père évoque l’œcuménisme en disant qu’« il faut également définir où commence la division réelle sur la foi, la frontière au-delà de laquelle la foi est compromise. Il semble, à cet égard, que les divergences entre les Eglises catholique et orthodoxe ne soient pas très profondes. En revanche, en ce qui concerne les Eglises et les communautés issues de la Réforme, il faut reconnaître qu’elles sont plus marquées, parce que certaines bases fondamentales établies par le Christ semblent bien avoir été abandonnées » (p. 222).