RMV 12:Revue 08-09.qxd - Revue de Médecine Vétérinaire

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RMV 12:Revue 08-09.qxd - Revue de Médecine Vétérinaire
Fréquence de l’Herpès virus équin de type 2
dans les troubles respiratoires chroniques
chez les équidés en Tunisie
A. CHABCHOUB1*, S. PRONOST2, N. ABIDI1, L. LEGRAND2, G. FORTIER2
Service de Pathologie Médicale Equine, Ecole Nationale de Médecine Vétérinaire, 2020 Sidi-Thabet, TUNISIE.
Laboratoire Frank Duncombe, 1 route de Rosel, Saint-Contest 14 053 Caen cedex 4, FRANCE.
1
2
* Auteur chargé de la correspondance : [email protected]
RÉSUMÉ
L’objectif de cette étude a été de déterminer la fréquence de l’herpès virus
équin de type 2 (HVE-2) dans les atteintes respiratoires chroniques chez les
équidés. Pour cela, un lavage broncho-alvéolaire a été réalisé sous endoscopie
puis le liquide de lavage a été analysé par PCR sur 30 équidés (27 chevaux,
2 ânes et 1 mulet) présentant des signes respiratoires. Le virus HVE-2 a été
ainsi isolé sur 10 chevaux (prévalence : 33,3 %) conjointement avec le HVE-4
dans 2 cas. La fréquence d’isolement de ce virus a été plus élevée chez les
mâles (47,4 %) que chez les femelles (9,1 %) et chez les sujets de moins de
5 ans (43,8 %) que chez les sujets plus âgés (21,4 %). Ces résultats confirment l’implication du HVE-2 dans l’installation de pathologies respiratoires
chroniques au moins chez les sujets jeunes.
Mots-clés : Herpès-virus équin de type 2, Lavage bronchoalvéolaire, Endoscopie, Equidés, PCR, Maladie respiratoire
chronique.
SUMMARY
Frequency of the equine herpes virus type 2 in equines with chronic
respiratory diseases in Tunisia
The aim of this study is to determine the frequency of the equine herpes
virus 2 (EHV-2) in chronic respiratory diseases. A broncho-alveolar lavage
was performed under endoscopy in 30 animals (27 horses, 2 donkeys and 1
mule) with respiratory signs and then the respiratory fluid was analyzed by
PCR. The EHV-2 was isolated in 10 horses (prevalence: 33.3%) in association with the EHV-4 in 2 cases. The EHV-2 frequency was higher in males
(47.4%) than in females (9.1%) and in young horses (< 5 year old) (43.8%)
than in older ones (21.4%). These results confirm the EHV-2 involvement in
chronic respiratory diseases especially in the young population.
Keywords: Equine herpes-virus type 2, Bronchoalveolar
lavage, Endoscopy, Equine, PCR, Chronic respiratory
disease.
Introduction
Matériel et Méthodes
En pathologie équine, deux α-herpès virus équins (HVE1
et HVE4) sont principalement impliqués dans les pathologies
respiratoires, les avortements [35], les maladies néonatales et
même dans certaines formes nerveuses parfois mortelles [2].
Par contre, le γ-herpès virus HVE-2 n’est pas encore reconnu
comme agent pathogène majeur [39]. Ce virus présente un
tropisme principalement respiratoire et induit rarement seul
des manifestations graves chez le cheval [14, 37]. A notre
connaissance, aucune étude ne lui a été consacrée au
Maghreb. Ces dernières années, l’approche sémiologique,
clinique et épidémiologique des maladies herpétiques a
beaucoup évolué notamment grâce à la mise au point de
méthodes spécifiques de diagnostic telle que l’amplification
génique (PCR) [29].
ANIMAUX
L’objectif de cette étude est de rechercher la présence du
HVE-2 par PCR chez des chevaux atteints d’affections respiratoires et d’évaluer son implication dans le développement
de ce type de pathologie.
Au total, 30 équidés (27 chevaux âgés de 1 à 10 ans, 2 ânes
de 6 et 10 ans et un mulet de 17 ans) ont été inclus dans cette
étude entre septembre 2008 et décembre 2009. La majorité
des chevaux malades atteints d’affections respiratoires chroniques provenaient de l’hippodrome et des écuries attenantes
de Ksar Saïd. Ces animaux étaient de race pure soit Pur Sang
Anglais soit Pur Sang Arabe en majorité, vivaient en box d’écurie et recevaient une alimentation classique (paille, foin,
céréales en grains). Ces équidés avaient présenté une intolérance à l’effort et une toux récidivante associées parfois à
une tachypnée (dans 13 cas sur 30).
A la consultation du service de pathologie médicale des
équidés et carnivores de l’Ecole Nationale de Médecine
Vétérinaire (ENMV) de Sidi Thabet, tous les animaux de l’étude
ont subi un examen clinique complet (recueil de l’anamnèse,
inspection, appréciation de la fréquence respiratoire et cardiaque, palpation, percussion, auscultation thoracique et examen
de l’appareil cardiovasculaire) au repos et après un effort
standard (galop de 10 minutes). Dans un deuxième temps,
afin de pouvoir établir un diagnostic différentiel précis, une
Revue Méd. Vét., 2010, 161, 12, 564-569
HVE-2 ET TROUBLES RESPIRATOIRES CHRONIQUES CHEZ LES ÉQUIDÉS
endoscopie a été systématiquement effectuée et a permis
l’examen de l’appareil respiratoire profond et la réalisation
d’un lavage broncho-alvéolaire dont le liquide (LLBA) a été
analysée par PCR. L’endoscope utilisé était un endoscope
souple de 2 m de longueur et de 11 mm de diamètre, composé
d’une caméra miniature munie d’un éclairage placé à l’extrémité d’une fibre optique. Après tranquillisation à la
Détomédine (DOMOSEDAN* 15 µg/Kg), nettoyage et désinfection des naseaux, l’endoscope souple a été introduit
dans le méat ventral de la cavité nasale puis poussé progressivement jusqu’à l’oropharynx. Un temps d’arrêt a été nécessaire
pour l’irrigation des voies aériennes par un anesthésique
local (LIDOJECT* 2 %) afin de prévenir le reflexe de la toux
puis l’endoscope a été introduit dans la glotte et a progressé
ainsi dans le larynx, dans la trachée et jusqu’aux bronches.
Dans un second temps, l’endoscope a été maintenu dans une
bronche souche et un volume de 60 à 120 mL de chlorure de
sodium a été injecté. Le liquide de lavage broncho-alvéolaire
a été ensuite récupéré par aspiration (aspirateur de 60 mm Hg
de puissance raccordé à l’endoscope) dans un piège stérile
afin d’éviter toute contamination par les voies respiratoires
supérieures (notamment par des cellules et bactéries pharyngées).
Les fluides recueillis ont ensuite été placés dans des tubes
secs et acheminés sous couvert du froid (-20°C) au laboratoire de virologie Frank Duncombe (Caen Calvados, France).
565
ANALYSE STATISTIQUE
La fréquence d’identification des herpès virus équins a été
analysée en fonction de différents paramètres épidémiologiques (espèce, race, sexe et âge) à l’aide du test du chi2. Les
différences ont été considérées comme significatives au
risque d’erreur de 5 %.
Résultats
La collecte des LLBAs sur 30 équidés n’a pas engendré de
complications majeures à l’exception du réflexe de toux observé
lors du passage de l’endoscope le long de la trachée en dépit
de l’anesthésie locale et d’un seul cas de saignement dû à des
lésions du méat moyen ou de la grande volute ethmoïdale
sans gravité pour l’animal. D’autre part, une hémiplégie
laryngée a pu être identifiée chez sept chevaux.
TECHNIQUE DE PCR
Sur les 30 équidés examinés, 10 soit 33,3 % ont donné un
résultat positif par PCR (Tableau I). Alors que le HEV-1 n’a
été isolé sur aucun animal, le HEV-4 a été identifié sur 2 prélèvements (prévalence de 6,7 %) par ailleurs positifs pour le
HEV-2 et le HEV-2 a été mis en évidence sur 10 animaux soit
une prévalence élevée de 33,3 % chez les équidés atteints de
signes respiratoires. Plus exactement, d’après le tableau II,
les 2 herpès virus (HEV-2 et HEV-4) n’ont été identifiés que
sur les chevaux malades et aucun individu de l’espèce asine
(ânes et mulet) n’ont donné de résultat positif par PCR.
Après centrifugation (2 000 g, 15 minutes, 4°C) des LLBAs,
les culots ont été homogénéisés avec 500 µL de surnageant
résiduel puis l’ADN a été extrait, à partir de 140 µL de
chaque échantillon, par le kit ADN QIAamp Mini Kit
(Qiagen, France) conformément aux instructions du fabricant, et conservé à -80°C jusqu'à utilisation. Chaque analyse
PCR a été réalisée dans un volume total de 25 µL contenant
la solution de travail (TaqMan Universal PCR Master Mix,
Applied Biosystems, France) et les amorces requises (soit
des amorces communes aux différents herpès virus dans le
cas d’une PCR consensuelle, soit des amorces spécifiques de
chacun des herpès virus équins (HVE-1, HVE-2, HVE-4 et
HVE-5, selon le protocole décrit par FORTIER et al. [14]) à
des concentrations variant de 100 à 400 nM. Les cycles
d’amplification de même qu’une amplification en temps réel
(RT-PCR) ont été réalisés selon les instructions du fabricant
(Applied Biosystems, France). Les produits de PCR ont été
séquencés (Biofidal, France) par assemblage et édition
manuelle (Codon Code Aligner). Dans le cas des PCR
consensuelles, les similitudes entre séquences ont été analysées par le Centre National de Biotechnology Information
(NCBI) [14].
A l’exception d’une femelle positive pour le HEV-2, tous
les LLBAs dans lesquels les HEV-2 et -4 ont été mis en évidence provenaient de chevaux mâles. La prévalence globale
pour les 2 virus et celle spécifique du HEV-2 ont donc été de
47,4 % chez les mâles et seulement de 9,1 % chez les femelles
(P < 0.05). La prévalence spécifique de HEV-4 a été de 10,5 %
chez les mâles (Tableau III). Lorsque les animaux ont été
répartis en fonction de leur âge en 2 classes distinctes, de
moins de 5 ans strictement (n = 16) et de plus de 5 ans (n = 14),
la prévalence totale des herpès virus et la prévalence spécifique du HEV-2 ont été significativement plus élevées chez
les jeunes équidés (43,8 %) que chez les plus de 5 ans (21,4 %)
(P < 0.05) (Tableau IV). Les 2 cas de HEV-4 n’ont, de plus,
été identifiés que chez de jeunes équidés. Les fréquences des
herpès virus identifiés par PCR chez les 27 chevaux en fonction de la race sont reportées dans le tableau V. Sur les 18
pur-sang arabes, 6 ont été positifs pour HEV-2 (prévalence
de 33,3 %) dont 2 aussi pour le HEV-4 (prévalence de 11,1 %).
Pour les autres types de chevaux, pur-sang anglais (n = 4) et
croisements (n = 5) arabe-barbe (n = 4) et anglo-arabe (n = 1),
les proportions de chevaux infectés ont été similaires (50 %
et 40 % pour la prévalence du HEV-2). Cependant, les
Echantillons positifs
Echantillons négatifs
Prévalence (%)
HEV totaux
10
20
33.3
HEV-1
0
30
0.0
HEV-2
10
20
33.3
HEV-4
2
28
6.7
TABLEAU I : Prévalence des herpès virus équins déterminée par PCR chez des équidés atteints de pathologies respiratoires (n = 30).
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CHABCHOUB (A.) ET COLLABORATEURS
Espèce asine
(n = 3)
Positifs
Négatifs
Prévalence (%)
Espèce équine
Positifs
(n = 27)
Négatifs
Prévalence (%)
Prévalence totale (%)
HEV totaux
0
3
0.0
10
17
37.0
33.3
HEV-2
0
3
0.0
10
17
37.0
33.3
HEV-4
0
3
0.0
2
25
7.4
6.7
TABLEAU II : Prévalence des herpès virus équins déterminée par PCR en fonction de l’espèce chez des équidés atteints de pathologies
respiratoires (n = 30).
Mâles
(n = 19)
Positifs
Négatifs
Prévalence (%)
Femelles
Positifs
(n = 11)
Négatifs
Prévalence (%)
Prévalence totale (%)
HEV totaux
9
10
47.4
1
10
9.1
33.3
HEV-2
9
10
47.4
1
10
10.0
33.3
HEV-4
2
17
10.5
0
11
0.0
6.7
TABLEAU III : Prévalence des herpès virus équins déterminée par PCR en fonction du sexe chez des équidés atteints de pathologies
respiratoires (n = 30).
Moins de 5 ans
(n = 16)
Positifs
Négatifs
Prévalence (%)
Plus de 5 ans
Positifs
(n = 14)
Négatifs
Prévalence (%)
Prévalence totale (%)
HEV totaux
7
9
43.8
3
11
21.4
33.3
HEV-2
7
9
43.8
3
11
21.4
33.3
HEV-4
2
14
12.5
0
14
0.0
6.7
TABLEAU IV : Prévalence des herpès virus équins déterminée par PCR en fonction de l’âge chez des équidés atteints de pathologies
respiratoires (n = 30).
Pur sang arabe
(n = 18)
Positifs
Négatifs
Prévalence (%)
Pur sang anglais
Positifs
(n = 4)
Négatifs
Prévalence (%)
1
Croisements
Positifs
(n = 5)
Négatifs
Prévalence (%)
Prévalence totale (%)
1
HEV totaux
6
12
33.3
2
2
50.0
2
3
40.0
37.0
HEV-2
6
12
33.3
2
4
50.0
2
3
40.0
37.0
HEV-4
2
16
11.1
0
4
0.0
0
5
0.0
7.4
croisements : 4 Arabe-Barbe et 1 anglo-barbe.
TABLEAU V : Prévalence des herpès virus équins déterminée par PCR en fonction de la race chez des chevaux atteints de pathologies
respiratoires (n = 27).
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HVE-2 ET TROUBLES RESPIRATOIRES CHRONIQUES CHEZ LES ÉQUIDÉS
fréquences d’infection par l’un ou l’autre des 2 virus ou spécifiquement par HEV-2 n’ont pas différé de façon significative en fonction de la race.
Discussion
Les études rétrospectives effectuées en Tunisie ont prouvé
que les atteintes respiratoires représentent 30 % à 50 % des
pathologies équines en clinique médicale [8]. Une situation
semblable a été rapportée au Maroc, en France, aux EtatsUnis, au Canada et en Grande-Bretagne [9]. Les virus, particulièrement les herpès virus, ceux de la grippe équine et de
l'artérite virale, sont souvent incriminés dans les maladies
respiratoires [8], mais leur mise en évidence demeure difficile
en l’absence de prélèvement des liquides respiratoires. Ces
maladies engendrent généralement une perte économique
élevée, et peuvent être à l'origine de séquelles graves [8, 44].
Plusieurs herpès virus sont capables de provoquer chez le
cheval des maladies respiratoires plus ou moins graves, souvent sub-cliniques à l’origine de contre-performances chez
les adultes [11, 36]. Deux virus distincts (HVE-1 et HVE-4),
sont à eux seuls responsables, chez les équidés, d’une majorité des troubles cliniques et contagieux ayant de graves
répercutions économiques [13, 23, 44] tels que des avortements et pathologies néonatales, des maladies respiratoires
sub-cliniques à aiguës, des complications nerveuses parfois
mortelles de rhinopneumonie [2]. Bien que le virus HVE-2
ne soit pas encore reconnu comme un agent pathogène
majeur, il interviendrait néanmoins dans le déclenchement
de phénomènes inflammatoires pulmonaires [14].
Le lavage broncho-alvéolaire sous endoscopie permet d’observer aussi bien l’appareil respiratoire supérieur que profond,
de découvrir d’éventuelles anomalies et l’instillation dans la
trachée ou les petites bronches de substances pharmacologiques est également possible. Cette technique présente donc
un intérêt non seulement pour le diagnostic mais aussi pour
le traitement [9]. L’analyse des LLBAs par PCR a récemment
permis la détection d' HVE-2 chez des chevaux contre-performants [11, 36]. De plus, une forte proportion de neutrophiles
dans le liquide trachéal a été positivement associée à une
identification positive des herpès virus [14]. De nombreux
progrès dans les méthodes diagnostiques, notamment moléculaires, restent à accomplir afin de mieux comprendre les
variations de souches sur le terrain, l’apparition des formes
nerveuses des herpes-viroses ainsi que les mécanismes de
réactivation virale et leurs conséquences sur les avortements
et les maladies inflammatoires de l’appareil respiratoire [13].
Néanmoins, plusieurs études ont montré l'intérêt de la PCR
dans la détection de différent virus chez des chevaux naturellement ou expérimentalement infectés [3, 5, 28]. Il
convient toutefois d'être prudent lors du diagnostic moléculaire par les techniques actuelles de PCR qui ne permettent
que de mettre en évidence l’ADN viral dans les LLBAs [24]
mais pas de déterminer le stade biologique du virus [28]. Le
développement de nouvelles méthodes de détection par PCR
tels que la quantification du génome devrait conduire à une
identification plus précise de l'état biologique (latence, réactivation, primo-infection) des virus à un moment donné [29].
Revue Méd. Vét., 2010, 161, 12, 564-569
567
Dans cette étude, chez les équidés atteints de troubles
respiratoires chroniques, la prévalence globale des herpès
virus et celle spécifique de HEV-2 ont été de 33,3 %. Sur les
10 cas positifs de ce travail, deux d’entre eux l’étaient à la
fois pour HEV-2 et HEV-4. Aucun cas de HEV-1 n’a été
détecté. Ces résultats sont conformes à ceux précédemment
réalisés en France [13]. La plupart des données de la littérature
utilisant la PCR sur des leucocytes rapportent une prévalence
de l’ordre de 30 % [5, 6]. Cependant, ces valeurs sont établies
par haras et non à l’échelle individuelle [5]. Une étude chez
des chevaux adultes, montre que la prévalence d'HVE-2 dans
les LBA a atteint 68 % en Suède et 71 % au Royaume-Uni
[11]. L’ADN du virus HVE-2 a été détecté dans les LLBAs
de tous les poulains testés, et la plupart (93 %) des prélèvements nasaux étaient également positifs [25]. L'importance
potentielle de l'infection par le virus HVE-2 dans la maladie
pulmonaire chronique a d'abord été évoquée par
SCHLOCKER et al. [32]. De même, MC GUIRE et al. [21]
ont identifié le virus HEV-2 par immunofluorescence et culture sur 8 chevaux qui présentaient une maladie pulmonaire
chronique.
Les 30 équidés de l’étude présente (27 chevaux, 2 ânes et
1 mulet) ont été prélevés à différentes périodes de l'année et
ne constituait pas un groupe homogène. Bien que plusieurs
études n’aient pas montré d’influence significative des paramètres épidémiologiques sur la prévalence des herpès virus
[14, 16], les mâles et les jeunes animaux de moins de 5 ans
sont apparus ici plus souvent infectés par les herpès virus
(47,4 % et 43,8 % respectivement), et en particulier par le
HEV-2, de façon significative, que les femelles ou les animaux plus âgés (9.1% et 21,4 % respectivement). En outre,
le virus HVE-2 contribue à diverses formes de maladie clinique chez les jeunes chevaux et chez des animaux immunodéprimés. Il a ainsi été isolé chez les poulains et les chevaux
adultes présentant une kérato-conjonctivite [10, 19, 30] ou
une maladie respiratoire [31]. Les flambées de maladies
respiratoires graves associées à l'infection par le HVE-2 ont
été signalées dans de nombreux pays [12, 38, 43] sur des
poulains âgés de 6 à 10 semaines qui ont développé les
signes cliniques les plus sévères [26]. De plus, le virus HVE2 a également été isolé à partir de tissus de chevaux apparemment en bonne santé et la plupart des chevaux adultes
seraient séropositifs [21]. Sa répartition endémique dans la
population équine [1] ainsi que sa détection chez des animaux cliniquement sains [31] conduisent à s’interroger sur
sa virulence. Cependant, le HVE-2 favoriserait l’installation
d’un état d’immuno-suppression [18] et des contre-performances [11, 36]. L'implication du HVE-2 dans les affections
respiratoires bénignes a été suspectée après son isolement à
partir d'écouvillons nasaux [15] et le virus a été également
isolé avec succès à partir des échantillons de lavage bronchoalvéolaire [42] et à partir du tractus respiratoire inférieur de
poulains infectés cliniquement [22]. Toutefois, une étude
plus récente en Australie a rapporté une corrélation entre la
détection du HVE-2 et des maladies respiratoires [42]. Bien
que HEV-2 soit reconnu comme peu pathogène,
BLAKESLEE et al. [4] ont induit expérimentalement une
pharyngite chez les poulains par inoculation intra-nasale
d'une souche HVE-2. Ces lésions, ainsi que des conjonctivites,
de la toux et des écoulements nasaux, n'ont été induits expérimentalement que chez de jeunes chevaux immunodéprimés
568
[6]. L'examen post mortem a révélé une pneumonie et une
lympho-adénopathie ce qui confirme le rôle de ce virus à initier
une maladie respiratoire mortelle chez les jeunes chevaux [15].
Bien que, dans notre étude, la fréquence d’identification de
HEV-2 ait été faible chez les femelles (9,1 %), la première
souche historique (LK), utilisée désormais comme souche de
référence pour le virus HVE-2, a été isolée et partiellement
caractérisée en Australie par PLUMMER et WATERSON [27]
et elle a été mise en évidence chez le foal d’une jument (nommée
Lady Kell) au Royaume-Uni [3]. La transmission horizontale
du HVE-2 semble être une voie commune de transmission
qui se produit dans des conditions réelles [7]. D'autres études
prouvent que le profil épidémiologique de l'infection par
l'HVE-2 est endémique et que le virus a été isolé partout dans
le monde [13]. La variabilité observée des souches isolées
aux Etats-Unis a récemment été corroborée par l'analyse systématique et globale des 35 souches isolées en Australie,
Hongrie, Allemagne, Angleterre et en Suède [33]. Ce travail
indique une fréquence élevée de recombinaison entre les
souches sauvages, même dans des régions précédemment
caractérisées comme étant stables. Ceci conforte des hypothèses soulevées par BELL et al. [3] lors d’une étude systématique dans des haras entre des foals et leurs mères.
L'isolement fréquent du HVE-2 à partir des follicules lymphoïdes pharyngés suggère que le pharynx pourrait être un
premier site de la réplication du virus résultant d’une inflammation et d’une activation lymphoïde locale [36]. Le virus
est ensuite transmis à d'autres organes par le biais des lymphocytes B [17]. En revanche, le virus HEV-2 n’a pas été mis
en évidence dans le sérum [22]. Chez le cheval, le virus a été
identifié dans la conjonctive, la moelle osseuse, les ganglions
bronchiques, le vagin, la glande mammaire, les reins, l'œsophage et la peau [41]. Bien que l'inoculation expérimentale
de fœtus équin n'ait pas entraîné d’infection du fœtus ou d'avortement [35], des cas d'avortement ont été associés à l'infection par le HVE-2 [20] et SLEDGE et al. [34] suggèrent
l’association de la dermatite granulomateuse avec une infection par le HEV-2.
En résumé, les tests PCR spécifiques ont révélé des données
exploitables sur la présence et la distribution du virus HVE-2
dans d’importantes populations de chevaux. Les résultats ont
montré que cette infection se produisait essentiellement chez
les jeunes, ce qui est confirmé dans l’étude présente. La
réalisation d’une endoscopie supplémentaire au cours d’un
exercice sur tapis roulant ou sur piste peut permettre d’évaluer
le fonctionnement du larynx et de préciser le diagnostic [40].
Enfin, la réalisation d’un lavage broncho-alvéolaire et l’analyse
par PCR du liquide respiratoire assure la mise en évidence
directe du virus HEV-2 dans l’appareil respiratoire profond
et corrobore son implication dans l’installation et l’entretien
de différentes maladies respiratoires.
Remerciements Nous tenons à remercier tout le personnel du Laboratoire
Frank Duncombe CAEN, du Service de Pathologie Médicale
Equine de l’E.N. M. V. Sidi-Thabet et les propriétaires et
entraîneurs des chevaux explorés à Kassar said.
CHABCHOUB (A.) ET COLLABORATEURS
Bibliographie
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Equid herpesvirus type 5 (EHV5) : In infectious diseases of livestock,
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