Payot-Septembre-2011-1

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Payot-Septembre-2011-1
9/1/2015
Privé. Laure Mi Hyun Croset. L’élégance avant tout.
Privé. Laure Mi Hyun Croset. L’élégance avant tout.
Julien Burri
« J e s u i s b o b o , j ’ a i m e l e b i o et l e c h a m p a g n e ! » Laure Mi Hyun
Croset Avec un chic fou, très «rive gauche» parisienne, Laure Mi Hyun Croset
nous ouvre la porte de son modeste appartement de Plainpalais. Chez
elle, aucun objet décoratif, sauf un lapin argenté. Sur la table de la cuisine,
qui est aussi son bureau, elle a empilé livres, DVD et disques. Flaubert,
Truffaut, Purcell... Et les films coréens de Kim Ki­duk. Non, elle n’aborde
pas la culture avec légèreté, et l’écriture est la grande affaire de sa vie. Sobre et élégante, Laure
Mi Hyun Croset dans la
cuisine de son
appartement du quartier
de Plainpalais, à Genève.
La jeune femme de 38 ans publie son deuxième livre: Polaroïds, récit
intimiste qui revient sur les grandes hontes de sa vie, depuis une leçon de
rythmique qui a mal tourné, quand elle avait 4 ans, jusqu’au soir de ses 30
ans, lorsqu’elle a décidé qu’il fallait absolument qu’elle écrive pour ne pas
«rater» sa vie.
Que fait­elle de sa vie, d’ailleurs, à part écrire? «J’ai été rédactrice pour
Le Petit Futé. Aujourd’hui, j’ai une rubrique sur les lieux tendance en
Suisse romande dans Profil. Et des magazines m’envoient déguster du
champagne ou du whisky... En Ecosse, j’ai appris à pêcher à la mouche et à tirer à l’arc tout en visitant
des distilleries. » Sur ce, elle nous offre un sirop bio à la sauge et des macarons artisanaux. Elle a
surtout été prof remplaçante pendant quinze ans, notamment dans des classes d’ados difficiles où elle
enseignait Proust. «Mais j’avais l’impression d’être un mauvais pasteur. Je ne voulais pas me
consacrer à un métier. J’avais besoin d’être dans l’urgence matérielle pour écrire.»
Dans Polaroïds, elle revient sur le regard jugeant des autres. Sur ses seins, qu’elle trouvait trop petits.
Sur la mortification causée par un maillot rose, aux Bains de Saillon. Des détails apparemment triviaux,
racontés avec un sérieux pince­sans­rire. «L’important, c’est l’élégance du style. Et j’aimerais que le
lecteur retrouve ses propres hontes en lisant les miennes.» Elle parle souvent de sa mère adoptive. Le
livre lui est même dédié. «Elle n’a pas été choquée, ni blessée, d’être parfois décrite de manière peu
avenante.» La jeune femme parle de choses douloureuses en les abordant par les détails. Pendant la
conversation, elle glisse tout de même: «Je reviens de Corée. C’est la sixième fois que j’y vais. J’ai vu
mon père biologique. Il ne m’avait jamais oubliée, il est pétri de culpabilité. C’était important pour moi,
de savoir que je n’ai pas été oubliée, quand on m’a abandonnée.» Le livre est discret sur sa famille.
Sur son frère biologique, né en Corée et adopté par la même famille qu’elle. Sur sa sœur et son
deuxième frère, venus d’Inde.
Laure Mi Hyun Croset a commencé à écrire Polaroïds à 25 ans, puis l’a momentanément écarté pour
se consacrer aux Velléitaires, paru en 2010. Les Velléitaires, ce sont vingt­deux nouvelles sur autant
de personnages aux rêves avortés, «par paresse, par peur ou par lâcheté. J’avais envie d’écrire sur
d’autres losers que moi précise­t­elle. Je cherche le bon point de vue sur le réel le plus banal. C’est ce
que j’aime dans Confessions d’une radine de Catherine Cusset, un autoportrait composé du point de
vue d’un défaut. Un livre que j’ai lu pendant que j’écrivais le mien.»
On se reconnaît dans son envie de plaire, exacerbée et touchante. Elle la contrebalance par une
pointe de snobisme lorsqu’elle parle de sa misanthropie, de son goût pour les galeries underground.
http://www.payot.ch/fr/selections/payot-l'hebdo-/septembre-2011-le-meilleur-de-la-rentr-eacute-e-litt-eacute-raire-/priv%C3%A9-laure-mi-hyun-croset-l-%C3%…
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Privé. Laure Mi Hyun Croset. L’élégance avant tout.
«Je suis bobo, j’aime le bio et le champagne! Mais aussi les lieux mal famés comme le restaurant
genevois l’Aiglon, avec son mélange de putes et de banquiers.»
Son prochain livre sera aussi un portrait. «La biographie d’un peintre suisse allemand, grand­oncle
d’un ami. Un emmerdeur doué qui avait plusieurs vies.» Elle n’a pas vu ses tableaux et ne se souvient
plus de son nom. Mais elle se voit déjà enquêter sur ses traces, au Brésil, où il a vécu.
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