Pretty Woman: 25 ans de mensonges au sujet de la

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Pretty Woman: 25 ans de mensonges au sujet de la
University of Rhode Island
From the SelectedWorks of Donna M. Hughes
April 3, 2015
Pretty Woman: 25 ans de mensonges au sujet de la
prostitution
Donna M. Hughes, Dr., University of Rhode Island
Available at: http://works.bepress.com/donna_hughes/45/
« Pretty Woman » : 25 ans de mensonges au sujet de la prostitution
Par Donna M. Hughes
Publié le 3 avril 2015 dans The PROVIDENCE JOURNAL,
http://www.providencejournal.com/article/20150403/OPINION/150409782/2011
La prostitution se développe sur des mensonges. Pour les 25 dernières années, l'un des
principaux promoteurs de désinformation à ce sujet a été le film « Pretty Woman », une
comédie romantique à propos d’une prostituée simple et pauvre et un riche et bel acheteur de
sexe qui tombent en amour. La représentation de la prostitution dans ce film est très éloignée
de la réalité.
Je peux déjà entendre des gens crier : « Mais c’est un film! Vous vous attendez à ce
qu’Hollywood vous dépeigne la réalité? Qui va prendre au sérieux une histoire hollywoodienne
de Cendrillon trouvant amour et richesse dans la prostitution? »
Eh bien, des milliers de femmes d’Europe de l'Est l’ont fait.
Environ dix ans après la sortie de « Pretty Woman », je menais une étude sur la traite des
femmes en provenance de Russie et d'Ukraine. Des dizaines de milliers de femmes ont été
amenées par la traite à la prostitution depuis la chute du régime communiste en Europe
centrale et orientale. « Pretty Woman » était un des films préférés des femmes de toute cette
région.
Les femmes qui s’étaient jusqu’alors vu refuser le droit de voyager et avaient peu d'informations
exactes sur le monde souhaitaient ardemment croire en un fantasme. Et les trafiquants leur
promirent la possibilité d’échapper à la sombre pauvreté de leurs pays d’origine pour entrer
dans le monde glamour de « Pretty Woman »; elles n’avaient qu’à suivre ces personnes en
Europe de l’Ouest, aux États-Unis et dans d'autres pays.
Beaucoup de ces femmes ne sont jamais revenues dans leur pays. Certaines des victimes de la
traite l’ont fait. Beaucoup d’entre elles ont échoué dans des établissements psychiatriques,
tellement traumatisées qu’elles n’arrivaient plus à fonctionner ou même parler. Une militante
russe anti-traite de pointe avec qui j’ai travaillé m’a confirmé ces situations. Un weekend, lors
d'une retraite, on lui a subrepticement administré un cocktail de drogues qui a entraîné chez
elle une réaction psychotique. Elle a été envoyée dans un établissement psychiatrique à
Moscou. Heureusement, elle a retrouvé la santé. Quand elle a été libérée, elle nous a dit que les
salles de cet asile étaient pleines de victimes de la prostitution et de la traite. Leur histoire était
loin de s’être terminée comme le film « Pretty Woman ».
D’ailleurs, nous n’avons pas besoin d'aller aussi loin pour comparer les fantasmes avec la réalité
de la prostitution. Ici même au Rhode Island, les mensonges figurent dans les publicités en ligne
de prostitution qui offrent « un bon moment » aux hommes. Et grâce aux excellents comptes
rendu d’Amanda Milkovits dans The Providence Journal, nous lisons presque chaque semaine les
détails de cas de traite à des fins sexuelles.
Dans le premier cas de traite criminalisé au Rhode Island, les trafiquants ont promis à leurs
victimes l'amour… pour plutôt les forcer à se prostituer. Une annonce proclamait qu’une femme
de 19 ans était « disponible toute la journée pour messieurs haut de gamme souhaitant passer
du temps avec elle ». La réalité était qu’elle et trois autres femmes avaient été droguées et
assujetties à deux proxénètes. Dans une récente interview, la jeune femme de 19 ans a déclaré
avoir été « forcée à absorber tellement de drogue qu'elle en bavait constamment » (« Fighting
for her soul: A sex-trafficking victim’s story », le 15 nov. 2014 - http://bit.ly/1q6fkf4) . Pourtant,
des acheteurs ont payé pour l’utiliser à des fins sexuelles.
Une annonce promettait aux prostitueurs des « nuits de folie ». En réalité, la victime était une
adolescente en fugue d’un foyer de groupe à Newport.
Souvent, la prostitution constitue en fait de la molestation et du viol d’enfants, comme l'a révélé
une affaire de 2013, où une fillette de 14 ans de la ville de Pawtucket a été vendue à de 40 à 50
hommes sur une période de 30 à 45 jours.
Les acheteurs de sexe ne sont pas des types sympas. Ce sont souvent des hommes cruels qui ne
se soucient pas de savoir si les femmes et les filles qu'ils utilisent sont droguées, soumises à un
mac ou réduites en esclavage. En fait, la plupart des violences auxquelles sont soumises les
victimes est perpétrée par les acheteurs de sexe.
La bonne nouvelle est que la police et les procureurs ne sont pas dupes des mensonges et des
fantasmes de la prostitution et qu’ils arrêtent les proxénètes et des trafiquants. Au Rhode
Island, les acheteurs de sexe seront tenus responsables de leurs actes. L'automne dernier, lors
d’une conférence intitulée «Children, Trauma and the Integration of Care » (Les enfants, les
traumatismes et l'intégration des soins», organisée par le Tribunal de la famille de l’État du
Rhode Island, le procureur fédéral Peter Neronha a fait l’annonce que les acheteurs de sexe
seront arrêtés dans le cadre des causes de traite à des fins sexuelles. Il y a quelques semaines,
quand la police a perquisitionné un bordel tenu dans une résidence où étaient exploitées des
femmes en provenance du Mexique, deux acheteurs de sexe ont été arrêtés.
J’espère que nous verrons beaucoup plus de ces arrestations, parce que les acheteurs de sexe
n’ont rien en commun avec le personnage incarné par Richard Gere dans « Pretty Woman ». La
prostitution n’est pas plus une comédie romantique que la violence conjugale ou le viol par une
connaissance ne sont des histoires d'amour comiques.
Le film "Pretty Woman" n’est d’ailleurs qu'un exemple de la façon dont sont véhiculés les
mensonges concernant la prostitution. Je suis heureuse de constater que beaucoup de gens du
Rhode Island sont maintenant capables de débusquer ces mensonges.
Donna M. Hughes est professeure en études sur le genre et les femmes à l'Université du Rhode
Island.
Original : http://www.providencejournal.com/article/20150403/OPINION/150409782/2011
Copyright Donna M. Hughes, 2015.