La Résistance à Clichy : chronique des années
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La Résistance à Clichy : chronique des années
Notre histoire La Résistance à Clichy : chronique des années sombres Dans la nuit du 13 au 14 juin 1940, un témoin raconte : « Ma mère me réveille : écoute ! On n’entend plus rien. Qu’est-ce que ça veut dire ? Le grondement des canons, comme une basse contenue, a cessé. En effet, Paris est déclaré Ville ouverte, nous pleurons ensemble. » La Résistance débute à Clichy… L Photothèque ville de Clichy e matin du 14 juin 1940, la Wehrmacht fait son entrée à Clichy, sans un coup de feu. Venus de Saint-Denis, par le boulevard Victor Hugo, les soldats d’Hitler traversent Clichy. « Ils sont astiqués, chemise ouverte, manches retroussées, bronzés comme des gens en vacances. Certains vont à pied, la majorité est confortablement installée dans les camions découverts, assis face à face, l’arme à la bretelle. Ils chantent. Oui ils chantent !» L’hôpital Beaujon est réquisitionné par l’armée d’occupation et devient le Lazaret (hôpital militaire allemand) de Paris. Pour loger son personnel médical, l’Oberleutnant Heindel de la Kommandantur d’Asnières réquisitionne aussi le Paris Hôtel et le Christiane Hôtel, ainsi que le bateau de l’Armée du Salut, le pavillon Roseau dans la villa Simone Bigot, les garages Gabeur et Raoul ❘ ❘ 54 ClichyMag mai 2012 rue du Général Roguet et le terrain de sport attenant à l’hôpital. Plusieurs entreprises de la ville sont également investies : aux usines Citroën, où un poste de guet est installé avec une tourelle blindée, à la société Fulmen, aux Entrepôts frigorifiques de L’Union, à la Société L’Alsacienne, au journal Le Petit Parisien, à la Société Française des Carburants, près de Saint-Ouen, aux sociétés Mors et Aviorex, et à la Blanchisserie du Printemps. Sur l’île des Ravageurs, les Allemands ont aussi positionné une défense antiaérienne. Premier fait de résistance le 11 juillet 1940 Le paysage clichois se s’assombrit de gris-souris, de noir-corbeau, de vertde-gris. Mais dès le 11 juillet 1940, un rapport de police annonce : « la journée du 10 juillet a été calme, mais dans la soirée du 11 juillet survient un Décédé le 10 avril à l’âge de 97 ans, le grand résistant Raymond Aubrac était venu à Clichy le 12 février 1994, à l’occasion de l’inauguration de la stèle en hommage à Jean Moulin au 84, rue Martre : un signe s’il en était de l’importance pris par ce mouvement dans notre ville lors de la Seconde guerre mondiale. « La ville de Clichy rend hommage à tous les Clichois qui, nombreux, dans l’ombre, ont rejoint les rangs de l’Armée secrète, l’armée de ceux qui ne voulaient pas rester sur la défaite de la France, ni admettre la politique de collaboration avec l’ennemi. » déclare t-il alors. Sur notre photo, il figure aux côtés de Jacques Debord, président de la Fédération nationale des déportés, internés, résistants et patriotes (FNDIRP) et Bernard Emschwiller, alors conseiller municipal aux Anciens combattants. incident : vers 20h30, un fil du téléphone de campagne installé sur le quai de Clichy, face au numéro 80, a été sectionné par un inconnu… » André Duval, la Légion d’honneur au revers de sa veste (décernée en 1917) est responsable du courrier en Mairie. Il arrêtera à lui seul 176 lettres de dénonciation. Les délateurs s’adressaient à l’Hôtel de Ville, au commissariat, et plus dangereusement, à la Kommandantur. Jeanne Duval et une partie de ses enfants se sont réfugiés à Boulogne-sur-Mer. Elle est arrêtée, en janvier 1942, avec deux de ses filles, pour avoir caché deux aviateurs anglais... Jugée le 18 août 1942, elle est condamnée à la peine capitale : elle ne reviendra pas de Ravensbrück. Ses filles, elles aussi jugées, sont relâchées après dix-huit mois de captivité pour l’une et deux ans pour l’autre. Leur jeune fils a pu fuir, après 15 km à pied sous la neige, et prendre le train pour rejoindre son père à Clichy. Autres faits de résistance plus anodins mais qui sont une provocation pour les officiels : au 76, boulevard Jean Jaurès quelqu’un lance une pierre qui brise la devanture de la permanence NordAfrique du R.N.P. (Rassemblement National Populaire, parti collaborationniste) ; on retrouve sur les trottoirs de la ville deux journaux de la Résistance : Le Trait d’Union et L’Avant-Garde, de même que rue d’Alsace La Vie ouvrière, organe du Parti communiste. Pendant toute la durée de l’Occupation, la police saisira 4 764 tracts clandestins dont 550 sur un seul homme ! Au Bac d’Asnières, on en jette à l’intérieur même de l’usine à gaz. Monsieur le curé de Clichy, le Père Pluyette, demande à la Mairie des C. Bartringer C'est au café Le Muguet qui n'a guère changé de nos jours que les résistants se transmettaient leurs messages pendant l'Occupation. brassards de la Défense Passive pour lui et ses cinq vicaires, afin de secourir leurs ouailles. L’abbé Louis, que tous les Clichois connaissent, a participé à la résistance locale. Après dénonciations, la Gestapo viendra l’interpeller par la « grande porte» de la paroisse Saint-Vincent de Paul tandis qu’il leur échappera par la « petite porte ». Le Père Guérin, fondateur de la J.O.C., subira, lui aussi, la répression nazie. Il sera incarcéré à Fresnes en 1943. La montée en puissance Le 26 août 1942, au cinéma L’Olympia, une représentation de propagande organisée par le R.N.P. Tout d’un coup, un engin explose ! Une spectatrice tuée, deux grièvement, une vingtaine de blessés légers. Plus tard, deux hommes sont surpris par une patrouille, dans un chantier à demi abandonné au 12, rue des Bournaires (aujourd’hui rue Gaston Paymal, à l’emplacement de l’école élémentaire Senghor). Ils sont en train de déballer une caisse d’explosifs, tirent un coup de pistolet, puis s’enfuient en laissant sur place un sac en toile contenant 54 cartouches d’explosifs et un pistolet. Le chantier sert probablement de dépôt à l’O.S (organisation de résistance liée au Parti communiste). Le 2 juillet 1943, il est 12h30, un bus bondé sort du Lazaret Beaujon. Il est occupé exclusivement de soldats et d’officiers allemands de toutes les armes. Le long des jardins ouvriers, trois partisans armés de grenades et de pistolets surgissent on ne sait d’où, et se ruent au-devant de l’autobus SS/34. Deux de ces partisans seront tués par les soldats. Au 2, rue de l’Abreuvoir, une plaque rappelle aussi le souvenir de Joseph Clisci (dont le patronyme se prononce « Clichy » !) : après une poursuite dans notre ville avec les SS, il s’y suicide dans la cave après avoir tenté une ruse pour pouvoir leur échapper. Membre du Groupe Manouchian du M.O.I., ce Roumain a donné sa vie pour la France. L’organisation politique Dès janvier 1944, l’ensemble des résistants de Clichy se retrouve dans l’arrière-salle du café-restaurant d’Edmond Degouis, Chez Papa, situé au coin de la rue Martre et de la rue Palloy. Tous les partis politiques sont représentés et se réunissent sous le calicot virtuel du Comité de Résistance de Clichy. Ces résistants adhèrent alors au premier Comité de Libération de la Banlieue Nord-Ouest de la Seine : une plaque commémore cet évènement dont Georges Levillain, plus tard maire de la ville, fut le digne représentant. Le groupe s’agrandit de jour en jour et le Comité se déplace, cette fois dans les sous-sols des Grands Bains de Clichy, dirigés par François Collaire au 3, place des Fêtes (actuelle place des Martyrs). Les renseignements convergent à cet endroit, les déplacements sont discrets. Pas un papier n’en fait référence. Tout est oral... Cela va durer jusqu’à la Libération de Clichy du 19 au 24 août 1944, quand le Comité de Résistance devient Comité de Libération. Au 21, rue de Paris, l’insignifiant bar Le Muguet - qui existe encore aujourd’hui - servait de son côté de boîte aux lettres pour la Résistance. Le fonds de commerce appartenait à Monsieur Barataud. Les gens entraient « pour boire un coup » et ressortaient sans attirer attention. C’était aussi un lieu de passage pour beaucoup de réfractaires au nazisme, avant de partir pour Londres. On y rencontrait Marcel Bacquet, Gerlus son gendre, Maurice Boudet, Georges Levillain et Gaston Rollé... Les Clichois achètaient sous le zinc le journal interdit La France au Combat , imprimé dans les ateliers voisins, au 21bis, chez Monsieur Longueville. Le journal continuera à paraître après la guerre, rebaptisé France Hebdo en 1948. Christian Capdet Quelques personnalités de la Résistance actives dans notre ville * Gabriel Péri (1902-1941), clandestin à Clichy, donne des ordres à la Résistance. * Georges Boisseau (1892-1945), adjoint au maireen Résistance dans le groupe Temple Protestant de Clichy. Par dénonciation il est arrêté le 17 février 1944, déporté à Buchenwald et ensuite à Dora où il décède le 15 mars 1945. * Marlyse Guthmann a « hébergé» une imprimerie clandestine dans le jardin d’enfants protestant de la rue Klock où elle travaillait. Elle comprenait un atelier typographique et clichage d’environ une tonne de matériel. On y imprime Défense de la France et des faux papiers. Elle sera arrêtée par la Gestapo. * François Barillet (1901-2004), ancien pilote d’un dirigeable, puis ingénieur chimiste chez Kuhlmann. Il entre dans la Résistance au sein du réseau Défense de la France et exerce ses talents de faussaire de papiers administratifs et familiaux, et crée des tampons. Il devient, en 1944, membre du comité de Libération de Clichy. ❘ ❘ ClichyMag mai 2012 55