JazzMag637 CD Review -GREY

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JazzMag637 CD Review -GREY
FLY
YEAR OF THE SNAKE
1 CD ECM / UNIVERSAL
NOUVEAUTÉ. Nombreux étaient ceux qui
attendaient ce nouvel opus (après
“Sky & Country” 2009) du trio Fly,
qui avait suscité l’émoi dans nos
colonnes (Jazzmag n° 603) mais aussi
– et c’est tant mieux – le débat.
L’épure qui règne dans cette musique
est éloignée du minimalisme un peu
(trop) joli, décliné sous tant de formes
au fil du catalogue ECM. Le plaisir
qu’on y trouve presque immédiatement, la fascination pour la matière
sonore relèvent de ce genre d’exigence que musiciens et auditeurs
savent partager. La précision, voire
la concentration palpable avec lesquelles les compositions sont mises en
œuvre ne se mue jamais en froideur, laissant toujours percer une énergie
contenue, jamais exubérante mais souvent généreuse (Festival Tune). Les
équilibres sont savamment dosés entre écriture et improvisation, entre la
tentation libertaire d’une autonomie complète des instruments et le maintien d’une direction commune, ainsi dans la composition éponyme dont la
construction découvre un scénario imprévisible. Les délicats contrepoints
aux mouvements parallèles ou contraires entre saxophone et basse (Kingstone) sont reliés par Jeff Ballard, agissant en véritable hypoténuse du triangle. Une suite de cinq pièces brèves (The Western Lands) se dissémine
irrégulièrement au fil du programme en faisant la part belle au silence.
Souvent, comme dans le 4e mouvement, c’est comme si le souffle et l’archet se rejoignaient et se confondaient par le timbre, ici mis en valeur par
l’incroyable bruitage produit sur une peau. Ecoutons encore Brothersister, étrange et obsédante boucle mélodique, puis Diorite, dentelle rythmique tissée par le jeu de très brefs motifs en question/réponse. La maîtrise
de l’aigu chez Turner, dont la sonorité, fragile parfois jusqu’à la transparence, est parfaitement balancée par l’ancrage que lui offre la basse de
Grenadier. A déguster lentement, mais sans modération. k VINCENT COTRO
Mark Turner (ts), Larry Grenadier (b), Jeff Ballard (dm). New York, Avatar Studio, 13-15 janvier 2011.
DEVIN GRAY
DIRIGO RATAPLAN
FRIEDRICH GULDA
LIVE AT BIRDLAND
NOUVEAUTÉ. Devin Gray est un jeune batteur
compositeur, parfaitement inconnu en
France. À vingt-huit ans, il est passé sur le
label Skirl Records du saxophoniste clarinettiste libertaire Chris Speed, pour enregistrer ce second album très excitant. Il s’est
choisi pour cette séance trois partenaires
de grand niveau. Quoi de mieux que de faire
appel à des vraies pointures pour réaliser
ses rêves musicaux ? Michael Formanek, le
solide bassiste fondateur, fut l’un des enseignants de Gray au Peabody Conservatory
de Baltimore. Les souffleurs sont aussi de
très sûrs équipiers baroudeurs : Ellery Eskelin et son magique saxophone ténor à l’âpre
sonorité et le lyrique et mélodique Dave Ballou à la trompette. Les compositions du leader sont chantantes et son drumming
bondissant propulse avec pertinence les
improvisations des cuivres. Le climat de
cette session évolue entre mainstream
moderne et jazz énergique et libre. Devin
Gray n’oublie pas son mentor, le batteur
musicien, Gérald Cleaver, à qui il dédie le
poétique Thickets. Un CD séduisant et plein
d’énergique fraîcheur ! k PAUL JAILLET
RÉÉDITION. Avec André Prévin – né comme lui
en Europe centrale au tournant des années
30 – l’Autrichien Friedrich Gulda fait partie
des rares musiciens à avoir fait carrière à la
fois dans le jazz et le classique. Cet enregistrement historique nous le présente à un
moment crucial où, interprète déjà réputé de
Mozart, Beethoven et Schubert, il se risque à
un baptême du feu sur la scène du « jazz corner of the world », le Birdland de New York. À
l’écoute, on est frappé de constater à quel
point le jeune concertiste nourri au lait de
l’école viennoise a su assimiler les spécificités
de l’idiome jazzistique, dans sa tradition
comme dans ses prolongements alors les plus
actuels. Outre un jeu de piano incisif et volontiers funky, qui fait mouche sur sa reprise en
trio de A Night in Tunisia, « Fred’ric’ Goolda »
(comme il est présenté en début de set) déploie
un remarquable travail de composition et d’arrangement, signant l’essentiel d’un répertoire
personnel aux influences éclectiques. Ici, des
saveurs subtilement ellingtoniennes, là, des
thèmes hard bop qui auraient pu être joués
par Clifford Brown, ailleurs encore, une écriture évoquant l’univers de la West Coast…
Sachant que tout ça est interprété par un septette américain comprenant des pointures du
calibre de James Cleveland, Phil Woods ou
Aaron Bell, vous ne serez pas étonné d’appren-
1 CD SKIRL RECORDS / SKIRLRECORDS.COM
1 CD MEMBRAN / INTÉGRAL
Devin Gray (dm), Ellery Eskelin (ts), Dave Ballou
(tp), Michael Formanek (b). Brooklyn, le 10 avril
2011.
M A I 2 0 1 2 k N U M É R O 6 3 7 k JAZ Z M AG AZ I N E JAZ Z M A N
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