Observatoire du Management Alternatif Alternative

Transcription

Observatoire du Management Alternatif Alternative
Observatoire du Management Alternatif
Alternative Management Observatory
__
Article
Art, entreprenariat :
Les chemins de la création
Olivia Conil Lacoste – Novembre 2006
Mastère Spécialisé Management du Développement Durable – HEC Paris
2006-2007
Genèse de l’article
Cet article a été écrit dans le cadre du cours « Logique Entrepreneuriale » donné par Etienne
Krieger dans le cadre Majeure Alternative Management spécialité de troisième année du
programme Grande Ecole d’HEC Paris.
Origin of this article
This article was written in the “Logique Entrepreneuriale” course of Etienne Krieger. This course is
part of the “Alternative Management” specialization of the third-year HEC Paris business school
program.
Charte Ethique de l'Observatoire du Management Alternatif
Les documents de l'Observatoire du Management Alternatif sont publiés sous licence Creative Commons
http://creativecommons.org/licenses/by/2.0/fr/ pour promouvoir l'égalité de partage des ressources intellectuelles et le
libre accès aux connaissances.
L'exactitude, la fiabilité et la validité des renseignements ou opinions diffusés par l'Observatoire du Management
Alternatif relèvent de la responsabilité exclusive de leurs auteurs.
4
Conil Lacoste O. – Article : «Art, entrepreneuriat, les chemins de la création» - Novembre 2006
1
Art, entreprenariat : les chemins de la création
Résumé : Cet article tente de dresser un parallèle entre la démarche de l’artiste et celle de
l’entrepreneur, explorant la relation qu’ils entretiennent avec leur « création ». Il opère ainsi un
rapprochement entre les moteurs de l’action artistique et entreprenariale et montre en quoi l’œuvre
d’Art comme l’entreprise sont marquées par les caractéristiques de leurs auteurs. Il s’interroge
ensuite sur le pouvoir d’émancipation et d’autonomie de ces deux créations.
Mots clés: Entreprenariat, initiatives et innovation, création artistique, oeuvre d’art
Art, entreprenariat: the creation's path
Abstract: This article aims to draw up a parallel between the artist's approach and the entrepreneur's
one, exploring the relation they maintain with their creations. In this way it makes a bridge between
the drivers of the artistic and the entrepreneurial action and shows how the work of art like the
company are impacted by their authors' characteristics. Then it reflects on the power of
emancipation and autonomy of those two creations.
Key words : Entrepreneurship, initiatives and innovations, artistic creation, artwork
L’entreprise et l’oeuvre d’art sont-elles nées d’un même processus ? Si ce rapprochement
peut être étonnant, s’interroger sur l’entrepreneur revient cependant à questionner, au même titre
que pour un artiste, les moteurs de la création, le devenir de l’œuvre ou de l’entreprise, et la relation
qu’entretient son « auteur » avec celle-ci.
Quels sont les ressorts de la créativité de l’entrepreneur, de l’artiste ? En quoi les natures
même de l’œuvre ou de l’entreprise sont-elles affectées par les caractéristiques de leur « créateur » ?
Dans quelles mesures s’en émancipent-t elles ?
Les figures de l’artiste et de l’entrepreneur semblent à première vue très distinctes. Perçu
dans l’imaginaire comme un être émotionnel jetant son ressenti sur la toile, le premier semble en
tous points éloigné du second. En effet, alors que l’inspiration et l’irrationnel conditionne
indéniablement la création artistique ; certaines entreprises, structurées par des procédures et des
4
Conil Lacoste O. – Article : «Art, entrepreneuriat, les chemins de la création» - Novembre 2006
2
standards, semblent nées avant tout d’une démarche pragmatique. Cependant, dresser un parallèle
entre l’œuvre d’art et l’entreprise revient à reconnaître que l’acte de créer - quelque soit le fruit de la
création - peut procéder d’une même recherche. Comme l’artiste, certains entrepreneurs semblent
animés par la passion. L’exemple de Magda Danysz le démontre.
Au même titre que le tableau, qui reflète l’intériorité et la vision engagée de son « auteur » ;
la gallerie Magda Danysz n’est-elle pas la concrétisation d’une passion, d’une émotion personnelle
et porteuse ? À l’image des artistes engagés qu’elle expose, ne reflète-t’elle pas un projet de vie et
un engagement au sein de la société ?
De même, si l’innovation qui fonde le projet de l’entreprise peut être le simple résultat de
travaux et de recherches poussés, elle peut également être le fruit d’une « idée de Génie »1.
Les artistes « géniaux » dérangent en leur temps en opérant une rupture des codes et une mise en
forme de l’inédit. De même, l’entreprise missionnaire qui réussit à naître et à durer procède parfois
d’une innovation difficilement accréditée en ses débuts, mais à laquelle les sceptiques de la
première heure ont fini par se rallier. Les projets entrepreneuriaux sélectionnés par Ashoka
s’appuient ainsi sur des innovations souvent peu reconnues comme viables à première vue et
pourtant susceptibles de faire école. L’évocation de la Grameen Bank et du micro crédit vont
également dans ce sens.
Par ailleurs, l’entrepreneur entretient-il les mêmes relations avec son entreprise que l’artiste
avec son œuvre ? Comme on l’a vu, l’identification entre « le créateur » et son objet peut être très
forte. Au même titre que le tableau reflète une intériorité, les valeurs de l’entreprise et la culture qui
s’y développe peuvent êtres très marquées par les caractéristiques de son fondateur. Si certaines
organisations reposent avant tout sur les procédures, d’autres semblent en effet se structurer autour
de « l’idéologie » diffusée par l’entrepreneur. Le cas du Club Méditerranée, animé par une culture
clanique et structuré selon les valeurs de partage de Gilbert Trigano est un exemple parlant.
Concrétisés dans les rituels et les codes de l’organisation, les idéaux de l’entrepreneur sont intégrés
par tous2.
Ainsi, la création reflète l’intériorité de son « auteur ». Elle s’en émancipe cependant.
Juridiquement, l’entreprise est une personne morale à part entière dotée d’une identité propre et
autonome qui évolue et s’éloigne parfois des objectifs propres à son créateur. Si l’œuvre d’art est un
objet fermé et accompli, une organisation à but lucratif doit en effet se renouveler avec son temps
1
Drucker Peter, Les entrepreneurs, Editions Pluriel, Paris, 1986.
Friedberg Erhard, L’analyse sociologique des organisations, Revue POUR n°28, GREP, Paris, 1988
4
Conil Lacoste O. – Article : «Art, entrepreneuriat, les chemins de la création» - Novembre 2006
2
3
pour survivre. Une fois Gilbert Trigano démis de ses fonctions, le Club Méditerranée s’est par
exemple éloigné des idéaux fondateurs de convivialité et de partage pour répondre à la nouvelle
demande de confort de sa clientèle. De même, IBM ne fabrique plus d’ordinateurs ! Au même titre
qu’une œuvre d’art peut être exposée ou assimilée à des problématiques lointaines aux
préoccupations de l’artistes ; l’entreprise semble ainsi devoir s’émanciper du « joug idéologique »
de son fondateur pour survivre et se développer en rationalisant son activité. Le pouvoir du créateur
semble destiné à passer à la technostructure3, sauf si l’entrepreneur freine le développement de son
activité pour en garder le contrôle.
Il semble ainsi qu’une fois créés, le tableau comme l’entreprise s’inscrivent dans des
temporalités nouvelles, distinctes de celles de l’artiste et de l’entrepreneur. Permettent-elles aux
créateurs de laisser leurs traces ? Si l’artiste peut prétendre à l’immortalité, qu’en est-il de
l’entrepreneur ? Sanctionnées par la conjoncture, le marché et le temps qui passe ; ces créations
suivent leurs cours et leurs chemins…
***
Suggestion de lecture pour approfondir : Howard Becker, Les Mondes de l’art, (Flammarion, Paris,
1982) avec notamment la thèse qu'au-delà du créateur, il y a une création collective, qui est celle du
réseau de l’artiste, thèse qui permet de prolonger la réflexion et la comparaison entre création
artistique et création entrepreneuriale.
3
« The entrepreneur and the technostructure ».
4
Conil Lacoste O. – Article : «Art, entrepreneuriat, les chemins de la création» - Novembre 2006
4