Mohamed+al+Jaber - Swiss Compliance
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Mohamed+al+Jaber - Swiss Compliance
Révélations Les incroyables entourloupes du cheikh sans provisions Cet ancien chauffeur de camion en Arabie saoudite s’est bâti un empire dans l’hôtellerie et le BTP, notamment en France, qui repose sur du sable. de Paris de placer cette dernière sous le régime de la sauvegarde. A la grande fureur de Wolf Schumacher, qui préside la banque créancière, établissement centenaire coté à la Bourse de Francfort et dont le siège est à Wiesbaden. Bienvenue au club ! Patrick Balkany, qui n’est pourtant pas né de la dernière pluie, s’est lui aussi fait rouler dans la farine par celui qu’il avait pris pour un prince des «Mille et Une Nuits». En juin 2008, les yeux plein d’étoiles, le maire de Levallois avait convié la ministre de l’Economie d’alors, Christine Lagarde, à assister à la signature en grande pompe d’un fabuleux contrat : le cheikh Al-Jaber s’engageait solennellement à régler 243 millions d’euros pour acquérir les droits à construire de deux tours jumelles de 164 mètres de haut, avec bureaux somptueux et hôtel de luxe. Las… après avoir versé un maigre acompte, le providentiel milliardaire s’est fait porter pâle. Trois ans plus tard, à bout de patience, Balkany a dû se résoudre à saisir le tribunal de commerce pour faire casser le contrat pharaonique. «Entre les frais d’études engagés et l’immobilisation du terrain qu’elle avait racheté à Fiat, la ville la plus endettée de France a perdu plus de 100 millions d’euros dans cette affaire», fulmine Arnaud de Courson, conseiller général de Levallois et tombeur d’Isabelle Balkany aux dernières élections cantonales. Rebelote début 2009 : via sa holding hôtelière britannique JJW Limited, l’homme d’affaires signe cette fois une promesse d’achat «exclusive et irrévocable» des principaux palaces parisiens de la Société du Louvre (le Crillon et le Lutetia, entre autres), pour 1,5 milliard d’euros. Résultat ? Faute d’avoir reçu l’acompte de 10%, le vendeur – le fonds américain Starwood Capital – a dû lui aussi saisir la justice. Condamné en décembre 2010 à régler 150 millions d’euros au titre du préjudice, notre cheikh a fait appel et s’en est tiré avec un dédommagement trois fois moindre. Que Maurice Lantourne espère bien pouvoir faire rembourser en cassation… Mais comment donc notre cheikh sans provisions s’y prend-il pour embobiner ainsi banquiers et élus locaux ? Et comment peut-il encore Suite page 98 씰 A 53 ans, Mohamed al-Jaber mène ses affaires entre ses bureaux de Londres, Paris et Vienne. Un vrai talent pour envoûter les crédules Des pratiques plus que contestables •• •• •• Ao û Ca t 20 pit 12 9 al 6 CLASSÉ 133e FORTUNE MONDIALE, IL EST EN RÉALITÉ SANS LE SOU PHOTOS : BERTRAND/NECO/SIPA taire implantée surtout en Egypte, serait en réalité au bord de la faillite. Habile à envoûter ses interlocuteurs avec des paroles de miel et d’or, le cheikh, qui n’aa pas souhaité répondre à Capital, est en fait n sou un récidiviste des promesses flamboyantes réci mais presque jamais tenues. La dernière en p date ? Il a «oublié» de rembourser un prêt de 97 millions m qu’une banque allemande lui avait consenti c il y a cinq ans afin de financer l’acquisition l’a en France de trois hôtels de luxe lux proches des Champs-Elysées : l’hôEmprunts non remboursés tel de la Trémoille, le Balzac (qui abrite le restaurant du célèbre chef étoilé Pierre resta Contrats non respectés Gagnaire) et l’hôtel de Vigny. Deux jours Gag on bid ns do de Promesses avant l’ultimatum d’Aareal Bank AG, qui avan s yé Intérimaires non pa expirait le 19 avril dernier, le redoutable exp s avocat d’affaires Maurice Lantourne avo Présentation de faux bilan (dont l’un des fidèles clients est Bernard (do s ur Manipulation de co Tapie) est parvenu à geler toutes les Ta dettes de la société du cheikh, JJW de Fr France, qui exploite ces trois établissements ainsi qu’une tren trentaine d’autres en France. Comment ? En convainquant le tribunal de commerce 2 01 t 2 ital û Ao Cap 97 Révélations Il a créé à Londres une "fondation philanthropique" %% $%%% %"% " % %$"" % %% $ %$ $ "%%$ % $%$ " " %#!%%# ! %% % "" %%% $ %% !%%%# % " % %$""%%%% %%% "" 0>0I I2EI50>0II =-=)H.I6I 6/I:200 64D'I200 ;#<<<<#? <I =B!'#I !?I '#I BBG' BDI #GB '!I BAA#DDI !I G?I I02(IB?AI'!I@B?I " B9#I '#I !?!I B<I6DD#$<I#D!<'G!? 4B?'DIDB?'I'!I#?#( B?IG4'DI!IG ?D 0I B?AI !<'G! ! 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Ao û Ca t 20 pit 12 9 al 8 Mal entretenus et presque tous en perte, ses 35 hôtels français font fuir les clients D es chambres «sentant la moisissure», des peintures qui «cloquent, s’effritent et se noircissent», des moquettes «auréolées de noir et gardant les odeurs»… A force de subir la colère des clients, le personnel du Stars Hotel de Beaune, en Bourgogne, a adressé ce constat à leur patron, Mohamed al-Jaber, propriétaire de la maison mère JJW France. Le sinistre gîte a fini par fermer ses portes, mais, comme l’attestent des dizaines de lettres de plainte, la clientèle des autres établissements du groupe continue à râler. Selon nos informations, près de la moitié des hôtels (une trentaine au total) sont en mauvais état, principalement des hôtels de la marque Stars (0 à 2 étoiles), mais aussi Median (3 étoiles) et Amarante (4 étoiles). «Cela fait des années que le cheikh promet des travaux qu’il ne réalise jamais», confie un ancien cadre. Pas étonnant que les comptes se dégradent ! Selon les documents confidentiels que Capital a pu se procurer, le taux d’occupation n’atteignait pas 50% au premier semestre 2011, et le groupe a perdu 2,6 millions JJW FRANCE 9 Droit d’alerte 200 Note de synthè se JJW France / DROIT PHOTOS : RÉA, DR. % % %%% %$"" %% " "" " %% % 씰 Suite de la page 96 mener grand train, avec château dans les Yvelines (où il ne se rend jamais) et Boeing 727 privé flanqué du logo MBI, assurant la navette entre ses bureaux de Londres, Paris et Vienne ? Eh bien, il a commencé par se construire une légende de nabab, comme l’avait fait dans les années 1980 le flamboyant empereur britannique des médias Robert Maxwell. Né il y a cinquante-trois ans à Jeddah, Mohamed al-Jaber se définit sur son site Internet comme «penseur, phisu la lanthrope, entrepreneur autodidacte et catalyseur». Rien de moins… Plus prosaïqueta ment, il aurait commencé sa carrière comme m chauffeur de camions sur les routes ensablées d’Arabie saoudite, avant de créer en 1984 sa propre entreprise de bâtiment, baptisée Jadawel International. Créneau visé : les luxueuses villas résidentielles de style occidental destinées aux expatriés anglosaxons de Riyad, la capitale saoudienne. Pour approcher ses futurs clients, cadres de Boeing, Raytheon ou British Aerospace, notre homme s’est autoproclamé «cheikh», titre en principe réservé aux sages musulmans ou aux chefs de tribus bédouines. Sur une carte de visite, ça en impose… Deuxième astuce : proposer des devis ultracompétitifs grâce à des ouvriers intérimaires népalais ou indiens ne coûtant presque rien. Il oublie en effet souvent de les payer. Comme ces malheureux sont expulsés du pays au bout de quelques mois, après l’expiration de leur visa temporaire, ils n’ont pas le temps de lancer des recours. Les documents des Nations unies que Capital a pu consulter confirment d’ailleurs les pratiques esclavagistes de la société du cheikh. En comparaison, les autres manipulations de notre manager passeraient presque pour des pécadilles. Comme ce bilan maquillé pour faire grimper artificiellement à la Bourse du Caire le cours de sa société égyptienne Ajwa for Food Industries. Mauvaise pioche. En mai 2011, la justice égyptienne a condamné cette société de négoce de riz et d’huile de palme à une amende de 2,6 millions d’euros. Encore un coup de Moubarak, sans doute… Fort heureusement pour lui, l’intrépide cheikh utilise en général des méthodes un peu plus subtiles. Ainsi, pour se lancer à la fin des années 1990 à la conquête des pays occidentaux, où il a acquis, à coups d’emprunts bancaires, des dizaines d’hôtels en Autriche, en France et au Portugal, il a commencé par créer à Londres sa propre association philanthropique. Mission officielle ? «Renforcer le dialogue euro-arabe», à travers des projets «éducatifs et culturels». Objectif réel : doper la propre notoriété du Saoudien, noircir son carnet d’adresses et bénéficier de afin de pouvoir enjoliver son carnet d’adresses 1 Confidentiel / page D’ALERTE 2009 / Mohamed al-Jaber n’a pas hésité à monnayer la complaisance des représentants du personnel de son groupe d’hôtels (ici, le Balzac, à Paris) en grande difficulté financière. solides recommandations. Au conseil d’administration de sa MBI Al-Jaber Foundation, le cheikh a bombardé un vieux baron désœuvré, lord Young of Graffham, ancien ministre du Travail sous l’ère Thatcher, ainsi que plusieurs universitaires britanniques un peu crédules, tous nommés bien entendu à titre bénévole. Multipliant les promesses de dons et les projets d’associations, l’ancien camionneur a pu fréquenter assidûment les soirées mondaines, se faire attribuer par la City University de Londres un titre de docteur honoris causa et rendre ses hommages à la reine Elisabeth devant un photographe, à l’occasion d’une réception. Bien entendu, le cliché figure en bonne place sur la plaquette de présentation que le cheikh Al-Jaber ne manque jamais de faire miroiter devant ses futures victimes. Naturellement, notre milliardaire autodidacte ne néglige pas pour autant les entourloupes plus classiques. Comme bien d’autres, il a régulièrement recours aux sociétés-écrans, aux hommes de paille et aux paradis fiscaux. Sa holding hôtelière JJW Ltd, qui coiffe le groupe JJW Hotels & Resorts et sa filiale JJW France, est ainsi enregistrée à St Peter Port, la capitale de Guernesey. Quant aux prête-noms… Le 22 mars 2012, trois semaines avant de demander la mise sous sauvegarde de sa filiale hôtelière française, le cheikh a pris soin de démissionner de ses fonctions de président. A sa place, il a bombardé la Britannique Andrea Sebesteny-King, directrice de la communication du groupe MBI International. Et il a fait désigner deux nouveaux administrateurs. Le premier, Nihad Ibrahim Pacha, qui siège également au conseil de la fondation MBI, est un ancien ministre syrien devenu conseiller de la république… des Comores, au sein de la délégation permanente à l’Unesco, à Paris. Le deuxième, lui aussi proche du cheikh Al-Jaber mais au profil encore plus obscur, s’appelle Mohamed Bandi. Ça ne s’invente pas ! Olivier Drouin • d’euros sur la même période, après plusieurs années dans le rouge. Du coup, JJW accumule les dettes envers ses fournisseurs, le fisc et l’Urssaf : il leur devait 12 millions d’euros en 2011. Et cette année-là, ses chambres n’étaient plus proposées sur le site Booking.com en raison d’une facture de 58 600 euros non réglée… Les salariés ne sont pas mieux traités. «J’étais souvent payé avec plus de dix jours de retard», témoigne un employé qui a rendu son tablier. Il n’est pas le seul : le turnover annuel du groupe dépasse les 50%, avec 122 démissions déposées depuis trois ans. Les représentants syndicaux sont en revanche choyés. Et pour cause : en 2007, la direction a accordé une rallonge de 20 000 euros au budget du CE, en échange de son renoncement à exiger un audit comptable externe. Début 2011, le cheikh a aussi offert 30% d’augmentation à deux délégués pour qu’ils soutiennent son projet de cession de l’enseigne Stars au groupe B & B Hotels. Peine perdue : le Saoudien se montrant trop gourmand, l’opération a finalement capoté. Emmanuelle Andreani • 2 01 t 2 ital û Ao Cap 99