L`Argentière-La Bessée à travers l`histoire.
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L`Argentière-La Bessée à travers l`histoire.
L’Argentière-La Bessée à travers l’histoire. Nathalie Pogneaux, historienne : Office du Tourisme municipal Vers -10 000 av. J.C., l’Argentière repose sous une épaisse couche de glace, de plus de 500m d’épaisseur. Le site est de ce fait l’un des plus spectaculaires confluents glaciaires des Alpes, à la croisée du glacier de la Durance et de celui, encore plus puissant, du Pelvoux. Cette époque modèlera à jamais le paysage, laissant derrière elle ce que les géologues nomment la « fenêtre » de l’Argentière. De par sa situation à proximité du col de Montgenèvre, au confluent de la vallée de la Durance et de celle de la Gyronde, L’Argentière-La Bessée a été favorisée par les grandes voies de communication comme la Via Cottia per Alpem à l’époque gallo-romaine, la route du pèlerinage de Saint-Jacques de Compostelle au Moyen Âge, et les routes royales et impériales. De ce fait L’Argentière a bénéficié des échanges commerciaux, culturels, artistiques et de savoir-faire. La présence de filons de plomb argentifère dans la montagne à l’ouest du village a induit le développement d’une exploitation minière à partir du Xème siècle (datations C14), qui donne son nom au village. Ces exploitations, démarrées par l’Archévêque d’Embrun, tombe sous le contrôle du Dauphin au XIIème siècle ; exploitées par l’attaque au feu, elles sont protégées par la construction d’un château fort à l’entrée des gorges du Fournel (Château d’Urgon) et alimentent les ateliers de monnaie delphinaux à Cesana, dans l’outremonts briançonnais. Les autres ressources naturelles du vallon du Fournel sont également exploitées ; la forêt alimente les bûchers de l’attaque au feu des mines, et au Moyen Âge et à l’époque moderne, ce sont 15 000 à 20 000 têtes de bétail (ovins) provençal qui gagnent les alpages argentiérois. Dès le XIIIème siècle, les Vaudois disciples du Lyonnais Pierre Valdo, déclarés hérétiques en 1183, trouvèrent refuge à L’Argentière et dans les vallées voisines. Mais la proximité de la Papauté à Avignon joua en leur défaveur. En 1488, les troupes inquisitoriales pénétrèrent les vallées argentiéroises et lancèrent une véritable croisade contre les familles vaudoises. Suite à cette action militaire, certains vaudois se réfugièrent en Piémont et en Provence. Il faut préciser que dès cette époque et jusqu’au début du XXème siècle, les échanges avec les vallées piémontaises étaient chose courante. De nombreux Piémontais ont rejoint L’Argentière pour travailler dans les mines d’argent ; les églises qui ont été construites entre le XIVème et le XVème siècles sont l’œuvre de maçons et d’artistes Italiens. L’Argentière étant située à la frontière entre les Escartons du Briançonnais et l’Archevêché d’Embrun - rattaché au Royaume de France - a joué un rôle stratégique important. La frontière était matériellement indiquée sur le terrain par un ensemble de fortifications : le château de la Bâtie-des Vigneaux, la muraille du Barry et le Pertuis Rostan. En aval et hors de ce système défensif, les hameaux de La Bessée Haute et du Milieu dépendaient quand même des Escartons du Briançonnais. Cette situation d’enclave très particulière donnait à ces hameaux des rôles stratégique, politique et économique primordiaux. La frontière juridique était en fait le torrent du Riou Sec à l’entrée sud de La Bessée du Milieu. L’absence de démarcation nette sur le territoire permettait aux personnes vivant du côté Embrunais de se rendre librement à la Bessée en Briançonnais, et ceci afin de se ravitailler, et d’y faire des affaires. Le Briançonnais était exempt de Gabelle, alors que le sel – condiment indispensable à la conservation des viandes – était très fortement taxé dans le royaume de France. Devant cette situation, des réseaux de contrebande se sont implantés et ce jusqu’au XVIIIème siècle. Le « chemin des contrebandiers » est encore connu de nos jours sous cette appellation. La Bessée fut également un lieu de campement des troupes militaires ; y compris de Sa Majesté, et de l’Empereur et ce jusqu’au XIXème siècle. Des milliers d’hommes en armes et de chevaux ont stationné en ce lieu en vivant des ravitaillements procurés par la population locale. Une chapelle dédiée à Sainte-Anne a été édifiée à La Bessée Haute suite à une épidémie de choléra qui décima plusieurs militaires inhumés en ce lieu. En 1585, les troupes protestantes du Duc de Lesdiguières ont résidé un certain temps à La Bessée, détruisant au passage le château d’Urgon sentinelle des mines d’argent. A cette époque, les mines 1 n’étaient plus en exploitation et les habitants avaient commencé à coloniser le bas des vallées en créant de nouveaux hameaux ruraux. Un nouveau château fut donc construit aux abords de ces hameaux. Il s’agit davantage d’une grande bâtisse bourgeoise avec ses dépendances. Cet ensemble abrite aujourd’hui le Service culturel municipal, la Bibliothèque et le Musée de la mine. En contrebas se situe la chapelle Saint-Jean Baptiste, édifiée au XIIème siècle par l’Ordre religieux des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. Cet édifice est un bijou de l’art roman, il dépendait d’une commanderie de cet Ordre appelée : « Hôpital aux marches de Saint-Charles », et ce jusqu’au XVIIIème siècle. De 1999 à 2005, la chapelle et ses abords furent l’objet de fouilles archéologiques d’ampleur dont les résultats attestent l’importance des activités des Hospitaliers à l’Argentière : domaines fonciers considérables, rôles d’accueil et de soins apportés aux malades et aux nécessiteux, rôle cultuel (sanctuaire de répit). Plusieurs sépultures anthropomorphes taillées dans le roc furent mises à jour avec du mobilier funéraire (datation au C14 = XIème siècle). La présence d’un sanctuaire plus ancien est également attesté sous les fondations de la chapelle. Pendant toute la période médiévale, L’Argentière disposa de deux hôpitaux, celui dont nous venons de parler, et un autre appelé dans les textes : « Hôpital Sainte-Marie de Boscodon de la Pierre Sainte » .dépendant des moines bénédictins de Boscodon. Deux lieux d’hospitalité pour une communauté de 500 âmes ! Cela ne s’explique que par la fréquentation importante des voies de communication desservant L’Argentière. La chapelle Saint-Jean et ses alentours font l’objet aujourd’hui d’une mise en valeur muséographique et architecturale par les Monuments Historiques. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, L’Argentière est une commune exclusivement rurale, en dehors des périodes d’exploitation de la mine où certains Argentiérois travaillaient de manière saisonnière. La mine, remise en exploitation à l’époque révolutionnaire, fleurit au milieu du XIXème siècle, sous l’influence de l’ingénieur Suquet ; près de 500 personnes y travaillent, en souterrain à l’extraction ou en surface, au traitement du minerai. Le minerai obtenu partait pour Marseille par charroi à partir de La Bessée. En 1908 la mine fut achetée par la Compagnie des Bormettes, mais le filon était épuisé et elle ferma ; les mineurs passaient au service de Gilbert Planche, ingénieur en hydroélectricité, qui les fit creuser une conduite forcée dans la montagne. Depuis 1991, le site minier fait l’objet de fouilles archéologiques, et les travaux de conservation et de reconstitution menés par la municipalité avec l’aide des pouvoirs publics peuvent se visiter hors période hivernale. Le Fournel, aujourd’hui « vallée sauvage », constituait la principale richesse des familles argentiéroises qui y implantèrent d’importants hameaux saisonniers destinés aux labours, aux céréales, aux légumineuses, à l’entretien des forêts et des canaux, et bien sûr aux troupeaux. Ces derniers à la fin du printemps étaient amenés plus haut dans les estives (au-dessus de 2000 m d’altitude) et ne redescendaient qu’à l’automne. L’Argentière possède un passé agricole très riche mais quelque peu effacé par l’ère industrielle qui débuta dès la fin du XIXème siècle pour perdurer jusqu’à nos jours. Pour un temps, les paysans ont cumulé les deux activités en étant « paysans-ouvriers », puis les salaires et le travail réguliers de l’usine ont fait que les paysans sont devenus exclusivement des ouvriers. Aujourd’hui L’Argentière ne compte plus que trois éleveurs et offre une histoire industrielle brève – sur un siècle – mais très riche. Le programme Natura 2000 (seul en France mené directement par une municipalité sur son propre territoire) doit trouver des moyens d’entretenir les paysages légués par les générations de paysans qui ont aujourd’hui disparu. La société PLM construira à la fin des années 1870 la ligne de chemin de fer qui reliera Livron à Veynes et à Briançon. Elle passe dans le fond de vallée constituant ainsi une digue contre les crues de la Durance. L’arrivée du chemin de fer permettra l’approvisionnement en matières premières, venues de Provence Le développement des industries métallurgiques est lié à celui des sources de l’énergie électrique, notamment d’origine hydraulique. Le site de l’Argentière se prête à la construction d’une centrale à grosse production. On peut utiliser à la fois les eaux glaciaires de la vallée de Vallouise, et celles, pluviales, de la Durance. La construction de la Centrale est réalisée dès 1906 par l'ingénieur lyonnais Gilbert Planche (dont le buste est aujourd’hui au parc du Château St. Jean) avec deux prises d’eau à Prelles et aux Claux de Pelvoux. L’ensemble, par la longueur des tunnels d’amenée, et le tracée des conduites enjambant la Durance par le « Siphon » (labellisé « patrimoine du XXème siècle » par l’Etat), constitue une réalisation remarquable pour l’époque. La Société Alais-Froges-Camargue, puis 2 Péchiney, utilise la production à fabriquer de l’aluminium : l'usine est démarrée dès 1910 par l'ingénieur d'AFC, Paul Toussaint. Dès le début, elle est sous le regard de la Tour des Hermes à l'Ouest dont l’imposante horloge a une présence hautement symbolique : marquant la domination industrielle sur la cité, elle transforme une société agricole sans horaire précis en une société soumise à la domination du temps minuté. L’usine s’emploie à mettre en place des véritables services urbains dans une ville où cohabiteront jusqu’à 2 200 habitants après la guerre. De nombreux équipements voient alors le jour : mairie, cinéma, kiosque à musique, foyer culturel, dispensaire, églises, pharmacie, bibliothèque... et viennent s’insérer dans la trame des habitations de type « cité ouvrière » bâties dans l’ancien lit majeur de la Durance. Le tournant économique des années 70 n’a pas épargné l’Argentière, comme l’ensemble des sites Péchiney dans les Alpes. De par sa position géographique l’usine est victime de la « nationalisation ». En effet, l’éloignement des sources d’approvisionnement et la longueur des transports en gros pour les produits finis rendent l’usine superflue aux yeux de la direction centrale. Si au début du siècle l’industrie se fixait à proximité des sources d’énergie, dans l’après-guerre c’est la durée des transports que l’on cherche à réduire. Même la construction d’une nouvelle unité de production (la ‘Série E’) et sa mise en route en 1971, n’a pas empêché le déclin, et, en 1985, la fermeture. L’année 1988 est un grand tournant de l’histoire locale car elle marque la cessation de toute production sur le site. En 1989, la municipalité, réunie autour d’un projet de reconversion, met en oeuvre une politique générale de restructuration de l’ensemble de la ville. La « mono-activité » industrielle cède la place à une économie où se mêlent industrie, sport et tourisme. Une étude de développement a permis de définir un ensemble d’actions à entreprendre. Le cinéma fermé dans les années 70 est rénové pour fêter le centenaire du cinéma en ré-ouvrant ses portes à la fin de l’année 1995. D’autres actions tendent à rendre le site industriel attractif par la location-vente ou la rénovation d’ateliers. La population de la commune atteint les 2 400 personnes au recensement de 1998 : le parc de logements est devenu très attractif. Des professionnels de la montagne et du tourisme sportif se sont installés, d’où le développement des nombreuses activités de loisirs liées à l’eau comme l’eau-vive dont le stade est de dimension internationale, le « canyonning » ou l’escalade de cascade de glace en hiver. La commune voit une partie de son territoire inclus dans la zone centrale du Parc National des Ecrins ; pour encourager la randonnée, l’escalade sur roche, la pratique du VTT, la commune se nomme « Porte de la Haute Montagne » .... Atypique dans le département, la commune poursuit sa démarche de valorisation du patrimoine et n'est pas peu fière de montrer ce qui fit son histoire et sa vocation industrielle aux 19ème et 20ème siècles. Après la fermeture de Péchiney et la reconversion de son économie, qui doit beaucoup au développement sportif et culturel, après la réhabilitation du site minier du Fournel à des fins scientifique et touristique, elle continue d'affirmer son identité. Un travail de mémoire qui passe par la sauvegarde des derniers témoins d'une activité industrielle diversifiée dont la plupart des hauts alpins ignorent la richesse. En effet, si l'on associe facilement l'Argentière à l'histoire de la "houille blanche" (l'hydro-électricité) et des usines d'aluminium, sans doute parce qu'elles étaient bien visibles dans le paysage, on sait beaucoup moins que s'y trouvaient également une industrie du verre (le quartz fondu) et des activités d'extraction d'ardoises et de distillerie de génépi et de lavande. Montrer la spécificité de la commune, en l'intégrant dans le paysage, à ceux qui l'ont vécu dans un passé pas si lointain ou à ceux qui la découvrent … . C'est pour répondre à ces objectifs culturel, paysager et touristique que les « sentiers de découverte du patrimoine argentiérois » ont été conçus LES SENTIERS DE DÉCOUVERTE DU PATRIMOINE DE L’ARGENTIÈRE Le sentier du patrimoine et des traditions agricoles vous permettra de découvrir les hameaux ruraux de L’Argentière, les pratiques et les croyances populaires. Une brochure accompagnera votre parcours, ainsi que des pupitres implantés sur les lieux. 3 Brochure disponible à l’Office de tourisme et au Musée des mines de L’Argentière-La Bessée. Le sentier du patrimoine industriel vous permettra de découvrir les richesses de la seule ville des Hautes-Alpes au passé industriel, à travers des photos anciennes, des témoignages, le patrimoine bâti et des objets mobiliers. Une brochure accompagnera votre parcours, ainsi que des pupitres implantés sur les lieux. Brochure disponible à l’Office de tourisme et au Musée des mines de L’Argentière-La Bessée. Rejoignez nous sur Facebook Office du Tourisme et du Patrimoine de l’Argentière les Ecrins INFO TOURISME L’ARGENTIÈRE‐LES ÉCRINS Tél. 04.92.23.03.11 [email protected] [email protected] 4