Oser travailler heureux

Transcription

Oser travailler heureux
Compte rendu du livre
de
Compte rendu de l’ouvrage
Oser travailler heureux
Entreprendre et donner
Jacques Salomé et
Christian Potié, Oser
travailler heureux,
Éditions Albin
Michel S.A., 2000,
Paris. ISBN : 2-22611504-8
Recension d’ouvrage réalisée par :
Dominique Ribière, étudiante à la maîtrise en carriérologie, UQÀM
Sous la direction de :
Louis Cournoyer, Ph.D., c.o.
Professeur (counseling de carrière)
Université du Québec à Montréal
Parce qu’un travailleur est toujours et avant tout un humain en
bonnes... ou mauvaises relations aux autres et à lui-même !
Si l’humain pouvait se scinder en deux personnalités, et si celle des deux qui travaille pouvait être
mise sur « off » au plan de ses besoins fondamentaux, alors, il n’y aurait aucun intérêt à
s’occuper de l’impact des relations interpersonnelles au travail sur les humains et sur l’entreprise
au plan de l’économie. Et pour paraphraser Louis Cournoyer (compte rendu sur La thérapie
cognitive et les troubles émotionnels d’Aaron Beck, 2010) le travail du CO serait plus technique
et sans doute aussi plus ennuyeux. Mais la réalité est que le CO rencontrera bien des clients qui
souffrent au travail et que pour les aider à ce niveau, il doit saisir les enjeux de vie liés au
contexte relationnel de travail, déterminer la part de cet aspect dans sa souffrance, ce qui leur
convient, ou non ce qui les blesse, les freine, les rend malheureux. La souffrance du client peut se
manifester de plusieurs façons et avoir plusieurs origines qu’il importe de bien préciser pour lui
donner les bons outils pour travailler ce qui bloque.
Pour les auteurs, la crise relationnelle au travail provient en premier lieu du fait que nous n’avons
pas appris à communiquer. De ce fait les analphabètes de la relation inter et intra personnelle sont
nombreux en entreprise. Le remède réside dans la prise de conscience de ce fait et dans
l’apprentissage des bases de la communication. Mais apprendre à communiquer ne va pas de soi,
car les émotions qui sont à la base de la communication font si peur qu’elles deviennent taboues
au travail, qu’on les nie, qu’on les rejette. Ce rejet naît de la peur, et la peur est alimentée par le
fait que la plupart des gens ne savent pas comment entrer à la fois en relation à la fois avec les
émotions et avec l’autre, dans le respect des besoins et des différences de chacun. Ignorer les
émotions et les besoins ne les fait pas disparaître, et empêche de surcroît faire le lien essentiel
entre communication et relations inadéquates et de multiples conséquences qui affectent les
entreprises. Rejet et déni de l’importance de la communication nourrissent les conditions d’une
crise relationnelle au travail : difficultés, mal être menant à des communications défensives,
comportements réactionnels et anti relationnels (autoritarisme, opposition, soumission, sabotages
plus ou moins conscients, désinvestissements, etc) qui aggravent les difficultés au point de mettre
en jeu la motivation et le bien-être, voire la santé mentale des personnes ainsi que le rendement
2
et la vitalité de l’entreprise. Mais la communication s’apprend, et chaque personne au travail
peut bénéficier de l’apprentissage que propose ce livre, même si, malgré l’invitation des auteurs,
son entreprise ne choisit pas d’en faire une priorité. Ce texte parle du livre Osez travailler
heureux, de Jacques Salomé et Christian Potié, paru en 2000.
Qui sont Christian Potié et Jacques Salomé ?
Christian Potié, diplômé de la prestigieuse École Nationale Supérieure des Mines de Paris, est
détenteur d’un doctorat en science de la gestion. Il est spécialiste en expertise comptable,
déploiement de stratégie, management par les processus, Lean 6 Sigma, management des
hommes, qualité et conduite du changement. Il est aussi gérant d’une entreprise nommée « Planet
Ethic », spécialisée dans le commerce équitable et œuvrant en développement international. De
plus, il agit comme consultant dans les domaines cités plus haut et comme auteur dans des
domaines qui rejoignent ses intérêts principaux : Osez travailler Heureux (Albin Michel 99), La
Maîtrise Statistique des Procédés (Afnor 930, Diagnostic Qualité (Afnor 91). Parcourir son blog
permet de prendre contact avec la diversité et l’originalité d’une réflexion qui rayonne depuis un
centre principal (l’entreprise dans toutes ses dimensions) pour s’arrimer à des problématiques
extérieures plus larges et diversifiées : par exemple les liens entre management et spiritualité, ou
des propositions, sous forme de poème, pour construire un « capitalisme équitable ».
Conférencier, il est en démarche active pour rejoindre les managers et les conscientiser sur la
nécessité de manager autrement.
Jacques Salomé est un psychosociologue diplômé de l’école des hautes études en sciences
sociales, il est d’abord directeur d’un centre de délinquants. Son travail, dont témoignent 64
livres, aborde les multiples facettes de la relation (à soi, à l’autre, relations familiales ou à
l’école, professionnelles ou amoureuses) sous l’angle de la communication. Il travaille
passionnément à développer des outils et des modèles de communication généraux ou plus
spécifiques. Le plus connu est le modèle pédagogique ESPERE (Energie Spécifique Pour une
Ecologie Relationnelle Essentielle). Auteur et conférencier international très charismatique,
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Jacques Salomé est un humaniste non seulement par le choix des auteurs qui influencent son
approche mais, plus globalement, par la multiplicité des ses intérêts et de ses engagements à faire
progresser chacun vers la pleine réalisation de son potentiel. Chacun de ces deux auteurs non
conventionnels est ouvert à enrichir son propre champ par l’expérience venue d’un autre champ,
ce qui rend leur collaboration dans ce livre fructueuse.
Compte rendu commenté de l’ouvrage de Chrisitian Potié et Jacques
Salomé (2000)
D’une longueur de 222 pages, ce livre comporte un court avant-propos, suivi d’une introduction
plus longue et 5 chapitres. Il faut signaler une annexe importante comportant des exemples
d’outils très utiles à la compréhension du propos et qui se conclue par un projet de formation. Le
court avant-propos pose une première question : en terme de caractéristiques relationnelles, coûts
et bénéfices Comment je vends mon temps de travail? Lui fait échos celle que devrait se poser
tout manager : comment puis-je contribuer à développer la richesse humaine de mon entreprise ?
Une introduction situe ensuite le contexte général et le propos central de nos deux auteurs par
rapport à la notion de crise économique versus crise relationnelle, et donne les principes de base
du management relationnel, à substituer au management traditionnel. Le 1er et le 2ème chapitre
définissent la notion de crise économique, en mettant l’accent sur les facteurs qui accroissent où
diminuent la capacité d’action des entreprises et en insistant plus spécifiquement sur une
dimension négligée : le coût humain et financier de la crise relationnelle. Le chapitre deux en
définit les caractéristiques, notamment les difficultés à communiquer au sein de l’entreprise et les
pathologies relationnelles qui s’ensuivent. Il met en évidence leurs impacts sur la capacité
d’adaptation et la vitalité de l’entreprise.
Les chapitres 3, 4, 5 ont en commun d’aborder la
relation créative, ou « vivante » dans l’entreprise, c’est à dire une relation qui respecte les
individualités et les potentialités. Pour cela, l’entreprise devient un lieu de mise en relation. Ce
qui induit un regard différent sur soi, sur l’autre, sur son travail, sa responsabilité et sur le
déroulement de la relation. Le chapitre 3 pose les bases du développement des relations créatives
en entreprise, en décrit les fondements, les caractéristiques, définit les règles d’une hygiène
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relationnelle et les bases de la communication interpersonnelle. Le chapitre 4
décrit plus
spécifiquement le cadre à mettre en place pour favoriser des relations vivantes dans l’entreprise,
et sur quelles structures l’appuyer, mettant notamment de l’avant le projet mobilisateur, la
transformation du rôle du manager, révisant les modes de collaboration et de négociation pour les
adapter aux règles établies dans le chapitre précédent. Le chapitre 5 est constitué d’outils
théoriques et pratiques nécessaires au développement de relations créatives, conçus pour aider
l’entreprise à poser les bases, minimales et intransgressibles, des règles qui auront cours en son
sein. Ces outils comprennent une Charte de vie relationnelle, établie sur la base d’un consensus, à
partir de la théorie, des besoins de Maslov, des règles de base concernant la communication
créative. Il est plus particulièrement centré autour du rôle du manager, perçu comme le cœur du
processus de changement et dont le rôle est clarifié les 7 points d’appui de « La charte du
Manager pour des relations créatives dans l’entreprise ».
Dans l’introduction, les auteurs arguent du fait que focaliser sur les mécanismes économiques
empêche de voir que la crise de l’entreprise est fondamentalement « relationnelle avant d’être
économique ». Les entreprises qui survivent et se développent sont celles qui promeuvent et
respectent la qualité des relations interpersonnelles. Il faut miser sur leur exemple pour évoluer.
Ce livre étudie donc les quatre points suivants : la distinction entre crise relationnelle et crise
économique, les caractéristiques et éléments de genèse de la crise relationnelle, les pistes de
solution et les outils du management relationnel. Selon Salomé et Potié, le management
traditionnel avec ses solutions techniques, mécaniques et inadéquates doit faire place à un
management relationnel qui valorise le développement, le mieux-être et mieux vivre au travail
de la personne sous les trois angles suivants : la relation de la personne avec l’entreprise, la
relation entre les personnes à l’interne et à la relation intrapersonnelle (de l’employé à ses
propres besoins, désirs, inhibitions, attentes). À la base de ce nouveau mode de relation, quatre
principes qui mettent l’humain au cœur du projet d’entreprise et le manager au cœur du processus
de changement : 1) désir de partage d’un projet commun mettant la richesse et les potentialités
des individus en avant comme facteur de création et de richesse économique ; 2) l’aptitude à être
à l’écoute et dans le respect de ses ressentis et à le communiquer aux autres afin de développer
l’écoute et le respect de l’autre ; 3) la promotion de la différence comme source de créativité
collective : la volonté collective de progresser et de rechercher des solutions originales et
5
alternatives aux difficultés (p. 20). Cette proposition se fonde sur les convictions suivantes : la
crise résulte de la sous-utilisation de la richesse humaine et des pertes liées aux « attitudes
réactionnelles » par lesquelles les employés insatisfaits se protègent, se défendent et/ou se
valorisent au détriment de collègues ou de services. Ces comportements sont la conséquence
d’objectifs centrés sur la seule réalité financière et économique des entreprises : les rancœurs
s’accumulent parce que les relations d’autorité sont confuses et basées sur le pouvoir plutôt que
sur la coopération, le partage et la création. Ce type de contexte propose un projet collectif qui ne
satisfait pas les aspirations, crée de la résistance au changement, empêche de mobiliser les gens,
ce qui amplifie la crise.
Le chapitre I, intitulé De la crise économique à la crise relationnelle est une tentative pour
distinguer la crise économique externe à l’entreprise et la crise relationnelle interne liée à son
fonctionnement. Il propose une approche pragmatique pour examiner « le contenu de la crise
économique (p.27) l’impact de la confusion entre causes et effets au plan de la capacité d’action
de l’entreprise, et enfin les causes profondes de la crise relationnelle. Non pas des citations, des
titres de chapitre un peu remaniés, sauf le premier. Une analyse de la crise qui se base seulement
sur l’état du marché empêche de voir toutes ses autres dimensions : équilibres bouleversés,
accélération des évolutions techniques et sociologiques. Les attitudes de replis des managers qui
en résultent se répercutent sur leurs investissements, sur le moral et sur l’investissement
personnel des collaborateurs de l’entreprise. D’où la confusion entre effets et causes qui affecte la
façon de répondre au problème. Agir sur les facteurs externes ou internes ? Plutôt que de rester
pris dans ce choix les auteurs proposent de développer des aptitudes plus conscientisées sachant
que « L’aptitude d’une entreprise à faire face à la crise résulte de sa réactivité et de sa capacité à
s’adapter aux évolutions ou mieux encore à anticiper les déséquilibres.» (p.31). Savoir être à
l’écoute de son marché, de son personnel et de son ouverture aux évolutions de l’environnement
permet de faire face aux coups durs, de préserver la vitalité des entreprises en s’appuyant sur les
ressources des personnes qui la composent. La réussite impliquant la capacité à développer des
relations harmonieuses avec les collaborateurs et les clients, le relationnel, doit être un but
prioritaire. Les auteurs voient trois causes profondes à la crise relationnelle : 1) la
focalisation des comportements sur une logique des stratégies de guerre (tout ou rien, défense ou
attaque) ; 2) la difficulté à développer des relations constructives créatives dans le respect des
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individualités et des potentialités à tous les niveaux de la hiérarchie ; 3) l’absence d’un projet
commun (canalisant et mobilisant les énergies de chacun). Pour répondre au premier point,
Salomé et Potié proposent de construire une idée de « paix économique » où chacun trouve sa
place en explorant de nouveaux territoires plutôt qu’en luttant pour ceux qui sont déjà occupés ou
balisés. Ce qui passe par des règles et une éthique à créer pour modifier le comportement des
managers qui entrainera la modification de celui de leurs collaborateurs. Deuxièmement, la
difficulté à communiquer empêche de développer des relations vivantes et créatives. Aucun
apprentissage n’est associé à ces compétences. Pour les auteurs, "Nous sommes à l’âge de pierre
dans le domaine des relations humaines » (p.35) et malheureusement, nombreux sont les
« analphabètes » des relations interpersonnelles dans les entreprises. Troisièmement, l’absence
de projet mobilisateur, c’est à dire d’un projet « rassembleur et fédérateur allant au-delà des
individualités » et portant les personnes au dépassement de soi. On sait que la réussite d’un
projet tient plus à la qualité et à l’intensité des relations entre collaborateurs qu’à leurs
connaissances ou leur intelligence. Le manager doit donc apprendre à communiquer à trois
niveaux interdépendants : fonctionnels, inter et intra personnels. Il doit mettre les personnes en
relation avec un objectif commun partagé, communiquer de façon créative avec son équipe plutôt
que par des ordres, des injonctions ou en abusant de son autorité pour transmettre des
instructions. Résoudre une crise relationnelle implique de donner la même importance au niveau
relationnel qu’aux niveaux économique et financier.
Le chapitre 2, intitulé
Caractéristiques de la crise relationnelle traite des problèmes qui
conduisent à une crise relationnelle et les décrit. Il aborde les caractéristiques de la relation en
entreprise ainsi que les pathologies relationnelles et les comportements anti relationnels qui se
développent en situation de crise relationnelle, c’est dire lorsque la communication est absente
ou dénaturée par des comportements défensifs et du sabotage. Les auteurs définissent les
principaux éléments composant la relation à l’autre, avec
une terminologie typiquement
« salomienne » mais qui recouvrent une vision et des concepts humanistes familiers aux CO :
accepter de créer un lien de réciprocité avec l’autre, de se dévoiler, d’écouter l’autre dans le
respect de sa différence. S’exprimer impliquant à la fois de s’affirmer et de se positionner, la
personne doit aussi être en relation avec elle-même. Ils rappellent
que toute relation
d’échange véritable implique de pouvoir demander, donner, recevoir refuser, favorisant un
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échange d’implication et de réciprocité équilibré, et qu’un échange créatif est l’inverse d’un
affrontement infantilisant et contraignant entre dominateur et dominé : on n’y use pas de
l’injonction ou de la culpabilisation induite par le tu...tu... ( ou le vous) qui parle pour l’autre et
que Salomé appelle la relation « klaxon » qui aboutit au « terrorisme relationnel » du manager
qui fait les demandes et les réponses, agresse, juge, dévalorise, force l’autre à se justifier
Parlant des caractéristiques de la relation en entreprise les auteurs pointent le tabou de
l’expression émotionnelle. Or la difficulté à se reconnaître et à s’accepter soi-même dans ses
émotions conduit à la non écoute de soi et de l’autre, empêchant toute évolution émotionnelle.
Les auteurs dressent ensuite le portrait de l’entreprise en crise relationnelle. Ils identifient
plusieurs causes ou manifestations possibles de conflits et de tensions :
1- la confusion entre les trois niveaux de la relation de l’entreprise : hiérarchique,
fonctionnel, personnel (ie, inter et intra personnels). Par exemple, un niveau personnel implicite
et non reconnu se traduit par une fermeture (par peur de devenir trop proche et de ne plus gérer).
2- le manager utilise le pouvoir plutôt que l’autorité : le pouvoir étant la capacité à contraindre
alors que l’autorité influence tout en laissant l’autre être lui-même.
3- la communication indirecte prédomine : ce qui accroît les rumeurs, les fausses informations
qui mobilisent des énergies et des sentiments négatifs.
4- les pathologies relationnelles s’accroissent : maladies psychosomatiques, haut taux
d’absence, engagements non tenus, délation, isolement, absence de lien avec l’autre, difficulté à
exprimer des opinions personnelles.
5- présence de rapports d’opposition et de soumission au lieu de comportements
d’apposition défini par les auteurs comme mise côte à côte des avis et des opinions pour en
dégager les points communs et les divergences puis créer un consensus.
6- décisions imposées sans être expliquées, créant des frustrations qui entretiennent la crise
relationnelle.
7- manager ayant de la difficulté à se positionner face aux contraintes qui l’entourent :
désaccord avec les directives reçues, mal être personnel lié à des raisons privées, impossibilité à
assumer la mission confiée.
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8- présence d’attitudes de sabotage stérilisant les ressources, entravant le rendement, « non
adhésions, refus larvés, oppositions de personnes » (idéologiques ou affectives), comportements
de fuite ou d’oubli.
9- prolifération des règlements : comportement indicateur d’une entreprise qui n’a plus d’autres
solutions pour garder un minimum de contrôle.
10- manifestation de sept comportements anti-relationnels conscients ou inconscients :
absentéisme répété, silence, absence de participation, refus de prendre position, colères et autres
comportements « caractériels » fréquents,
conduites de sabotage , retard (de préparation de
présentation) dégradations et bagarres verbales, exclusions, mise à l’index.
11- Mode de communication usant « d’expressions antirelationelles » : injonctions, ordres,
généralisation, globalisation et étiquetage (toujours pareil avec vous !), jugements de valeurs,
opinions, interdits et anticipations « négativantes », interrogations intrusives (mise en cause de
la personne et non de la situation), jugement de valeur sur la personne dévalorisant (vous n’êtes
pas capable de suivre une consigne) supputations et suppositions induisant chez l’autre un
malaise et des prémisses de culpabilisation.
Le chapitre 3 est intitulé Développer des relations créatives dans l’entreprise et selon Potié et
Salomé, l’une des principales causes de crise relationnelle en entreprise est précisément la
difficulté à développer des relations créatives respectueuses des individualités et des potentialités.
Pour y parvenir, ils présentent les principes de bases d’une communication saine, avec ses règles
d’hygiène et montrent comment installer le relationnel « au cœur de la politique sociale de son
projet d’entreprise». Les auteurs définissent les caractéristiques de la relation dans le cadre
professionnel et interpersonnel, et les cinq règles de base de la communication interpersonnelle :
un lieu et un temps qui respectent le rythme des deux un positionnement clair (un je de
témoignage, d’implication), la distinction entre moi, l’autre et la relation, un droit à la parole, un
devoir d’écoute : se donner le droit de parler, se positionner, le faire jusqu’au bout de sa pensée
sans interruption demander à l’autre de me reformuler pour vérifier si j’ai bien été entendu.
Accorder la même chose à l’autre. Utiliser la visualisation et la symbolisation pour concrétiser
le contenu de la communication (ex : la pierre qui symbolise ce que j’ai ressenti quand tu n’as pas
dit que l’idée venait de moi) pour bien discriminer entre la personne et l’objet de sa demande, ou
de son acte. Distinguer les faits du ressenti permet à l’autre de mieux comprendre et percevoir ce
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qui est ressenti et exprimé. La partie consacrées aux règles de l‘hygiène relationnelle est
présentée comme s’appliquant à tous les types de relations. Ces règles reprennent en les
synthétisant la plupart des principes et règles et significations figurant en début de chapitre et
une partie des précédents. Faire la différence entre exprimer (passer de l’impression à
l’expression d’un ressenti) et échanger (qui implique de recevoir, amplifier et transformer ce qui
vient de l’autre en le clarifiant, tout en étant attentif au ressenti éprouvé, à l’impact sur soi, ce qui
en fait une écoute dynamique soi et de l’autre). Prendre l’habitude de représenter la relation
par une écharpe pour en distinguer les deux bouts. Chacun prend la responsabilité de son
propre vécu sans accuser ni se laisser accuser par l’autre en faisant la distinction entre la relation
et les deux protagonistes. Veiller à l’équilibre des 5 possibles dans une relation : possibilité de
demander, possibilité d’inviter à, de proposer, possibilité de donner et de recevoir sans
contrepartie nécessaire, possibilité de refuser. Veiller à développer le maximum de
réciprocité : l’alternance dans les positions d’influence caractérise la relation saine. La capacité
« d’agir sur » fait partie de l’équilibre humain. Si elle est refusée, bloquée paralysée par la
rigidité du système, elle s’exercera défensivement. Veiller à proposer une relation de type
créatif et non infantilisante : une relation ouverte plutôt que fermée : inviter, suggérer plutôt
qu’exiger. Créer les conditions pour favoriser l’évolution des personnes concernées passer
du désir sur l’autre (qui méconnaît l’autre et son propre désir qu’on veut rendre comme soi) au
désir vers l’autre qui invite, stimule, reconnaît l’autre dans son apport. Utiliser de façon
appropriée le je au lieu du tu (à base d’injonctions remplacé dans les entreprises par un vous
qui a la même fonction klaxon) ou des on (impersonnels) ou des nous (trop fusionnels). Éviter la
généralisation, les on et nous : ils restent dans les lieux communs empêchant d’aller plus loin.
Je implique et engage la personne, recentre l’échange quand elle utilise le tu, confirme,
repositionne tout en demandant à l’autre de se positionner. Confirmer, reconfirmer, toujours
confirmer : reformuler pour assurer l’autre que son message a été reçu, pour se positionner et
recadrer les deux bouts de la relation. Permet de respecter le ressenti de l’autre sans forcément
l’approuver, mais accepter de lui en laisser la responsabilité. Identifier clairement le niveau de
relation dans lequel se situe l’action : hiérarchique, fonctionnel ou personnel. Le manager doit
se positionner alternativement et adéquatement sur ces trois niveaux pour n’être pas réduit au seul
niveau hiérarchique. Distinguer les faits du ressenti et du retentissement,
jugements de valeur, relativiser les certitudes et les évidences ;
Éviter les
Être à l’écoute du
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retentissement : accepter les émotions qui naissent en soi selon les situations, reconnaître ce qui
a été touché en soi (telle phrase a ravivé une vieille blessure) ; Nourrir les relations, les
entretenir, les dynamiser. L’application de ces règles d’hygiène demande un travail de remise
en cause et un certain nombre de mesure sont nécessaires pour accompagner ce changement.
Le chapitre 4, intitulé Comment favoriser des relations vivantes dans l’entreprise examine
justement comment mettre le relationnel au centre de la politique sociale du projet d’entreprise,
vue comme projet commun, il s’attache à définir la responsabilité des managers dans la
transformation de leur rôle et quels nouveaux types de collaborations et de négociations mettre en
place. Pour être mobilisateur le contenu du projet d’entreprendre doit être développé autour
des 5 niveaux suivants : la raison d’être de l’entreprise, son ambition, ses valeurs, son cadre
éthique, le positionnement des personnes dans l’entreprise le marché, la clientèle visée, les
positions, produits, services recherchés. La structure (principes de fonctionnement, ensemble
des activités de base). Les auteurs donnent aussi des pistes pour développer un ensemble de
principes et de valeurs communes qui favoriseront des relations créatives : travailler sur
« mieux vivre avec soi » : fonder la relation à soi sur la confiance, le
respect, favoriser
l’expression des ressentis. Travailler le « mieux vivre ensemble » passe entre autres par la
reconnaissance des contributions individuelles à la réussite commune, le respect des droits des
salariés, la connaissance des bases de la communication interpersonnelle, le respect des principes
d’hygiène relationnelle, l’octroi de temps pour créer, nourrir dynamiser la relation. Puisque selon
le proverbe chinois cité par les auteurs (p.116) « le poisson pourrit par la tête », ces derniers
prêtent une attention particulière au manager : son développement personnel est primordial car il
est le porteur des forces de transformation de l’entreprise, et qu’il a la responsabilité, pour
commencer, de transformer son propre rôle. Pour l’y aider, les auteurs proposent une sorte de
credo de base fondé sur 4 idées essentielles : le manager est au service de ses collaborateurs, il
exerce une fonction de référence qui doit se refléter dans ses actes et ses décisions, il assume les
devoirs énoncés dans la charte du manager (définissant ses droits et devoirs dans une perspective
de mangement relationnel) il met en pratique des principes simples mais innovants pour stimuler
sa réflexion. Ses fonctions de base sont elles aussi redéfinies dans une perspective relationnelle
dans le but de lui fournir un cadre à la fois clair et souple qui fait ressortir l’interrelation entre le
manager et ses collaborateurs : son rôle clé est d’augmenter son autorité (capacité d’influencer
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autrui) qui sera reconnue s’il démontre sa compétence au niveau des savoirs, savoir-faire, savoir
être, et savoir devenir (anticipation, engagement sécurisation à court terme) et du savoir créer par
sa capacité à se renouveler, à innover). Il doit donner une vision, décider, planifier et assurer la
gestion, veiller à favoriser la mise en relation des personnes, participer à l’action, évaluer les
résultats. Stimulateur, focalisateur et régénérateur d’énergie, il doit susciter l’engagement, les
projets, remotiver les employés. Ce qui implique ouverture d’esprit et aptitude à communiquer de
façon relationnelle, proposer les bases d’un nouveau mode de collaboration et de négociation
dans l’entreprise mettre en place des comportements d’apposition (pour remplacer ceux
d’opposition et de soumission) favorisant l’initiative, la créativité, le changement. Les auteurs
proposent aussi un tableau permettant d’avoir une idée claire des modes et niveaux de
collaboration (active, passive) ce qui donne les moyens de réajuster les choses et évite la
prolifération des non-dits, du sabotage larvé, la dilution des engagements, le laisser faire.
Le chapitre cinq est intitulé Quelques outils pour développer des relations créatives. Ce type de
relation implique de sortir d’une culture dualiste d’opposition (de l’individuel au collectif, par
exemple) pour entrer dans une culture de la différence, de la complémentarité, du respect des
individualités. Ce chapitre présente des outils d’application générale destinés à tous dans
l’entreprise et des outils d’application spécifiques destinés aux managers, qui peuvent, nous
disent les auteurs, s’en servir et avoir de l’impact, même s’ils sont encore seuls dans leur
entreprise à vouloir effectuer ce changement. Le premier outil est la charte de vie relationnelle
dans le travail qui détermine les principes clé de la communication relationnelle, de la
reconnaissance, des devoirs que l’on veut voir reconnus, respectés, promus. Pour définir les
points de cette charte, les auteurs déterminent six types de besoins fondamentaux, tirés de
Maslow, qu’ils adaptent au milieu de travail : besoin d’action (être utile se sentir investi d’une
responsabilité), besoin d’appartenance, besoin de relation avec les membres du groupe, besoin de
réalisation, besoin de progression, et au cœur de la mobilisation de toutes les ressources, le besoin
de reconnaissance, puisque, disent les auteurs, la motivation repose sur celle qui est obtenue
dans l’environnement de travail. Le second outil, pour une communication créative est une
liste des règles de bases qui reprennent les principes de communication déjà vus. Le troisième
outil est constitué par la liste des points d’accord minima (PAM) intransgressibles sur laquelle
devrait veiller un comité d’éthique. Les PAM concernent l’adhésion au projet d’entreprise et aux
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valeurs qu’il porte, la mise en œuvre des principes écrits dans le système d’assurance qualité,
couvrant activités, métiers et tâches, procédures, en rapport aux consultants, aux employés
permanents, la participation à la vie de l’entreprise. Le quatrième outil est la carte d’identité
relationnelle invitant les collaborateurs à se définir sur plusieurs points (compétences, limites et
insuffisances, zones d’intolérance ou de vulnérabilité mes valeurs, centres d’intérêt pour mieux
communiquer et éviter malentendus et frictions diverses, conflits). Le cinquième outil est
simplement une incitation à pratiquer le « positionner juste », à développer le « parler vrai et
l’agir responsable ». Le sixième outil est la création d’un lieu d’échange neutre pour se dire et
entendre l’autre. Le septième outil consiste à donner du temps à la communication et à la
relation. Le huitième outil est une liste de propositions pour aider à différencier l’espace
familial et professionnel, à gérer ce dernier afin d’éviter de faire rejaillir le stress professionnel
sur la famille. Le neuvième outil est spécifique au manager. Conscients du rôle central
particulier du manager, des pressions qu’il affronte, les auteurs détaillent longuement sept points,
dont les titres parlent d’eux-mêmes, sur lesquels le managers peut s’appuyer pour développer des
relations créatives : rassembler autour du projet d’entreprendre, donner un objectif à chacun et
pratiquer l’évaluation rationnelle, mettre en place des structures favorisant la relation directe et
l’autonomie individuelle (structures transverses, processus et projet) établir sa matrice de
positions relationnelles et de styles de management, accepter de se faire entrainer (pratiquer le
co-conseil et les groupes d’échange relationnel) accepter de se remettre en cause à partir d’un
travail de développement personnel, fonder sa légitimité sur l’évaluation par ses collaborateurs.
Le livre se termine par une très courte conclusion dans laquelle les auteurs se montrent
conscients de ne faire qu’un survol de la problématique des relations humaines au travail et
précisent que leur but était d’abord de proposer des pistes de réflexion, des balises, des outils
pratiques ainsi que les bases d’une méthodologie pour les créer. Ils terminent en rappelant que
leur objectif principal était avant tout de recentrer le propos sur l’importance de réconcilier la
dimension fonctionnelle, et les dimensions inter et intra personnelles dans le cadre du travail.
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Pertinence pratique
Travail à deux voix dont chacune légitime l’autre, le livre de Salomé et Potié expose les
caractéristiques du management relationnel qu’ils jugent essentiel de développer dans notre
contexte de crise économique dont l’origine est d’abord relationnelle. Ce livre est en partie
théorique, au sens où il implique une courte analyse des pratiques courantes du management
traditionnel et de leurs fondements ainsi que de nouvelles propositions, basées sur de nouveaux
fondements pour placer les relations humaines au cœur du projet d’entreprise. Il est aussi en
partie pratique, c’est un peu un abécédaire de la communication interpersonnelle qui propose des
réflexions et des outils de base, à approfondir et à raffiner selon les contextes, certains généraux
et applicables à tous les niveaux de l’entreprise, d’autres plus spécifiquement destinés aux
managers.
La partie théorique est utile pour le CO, tout simplement parce qu’elle suscite et alimente la
réflexion sur la relation au travail, amène à mettre certains faits en perspective, par exemple, la
logique de guerre qui, selon les auteurs, prévaut dans les entreprises et conduit à des attitudes
défensives ou carrément à l’attaques des positions des autres plutôt qu’à l’exploration de
nouvelles potentialités qui seraient plus productives et permettrait de substituer une logique de
collaboration à une logique du conflit dans les relations. Ce qui épuise l’entreprise épuise aussi
les personnes. Identifier ce fonctionnement peut aider à donner des outils à ceux qui les incarnent.
La partie pratique propose des outils généraux très utiles pour aider le CO a évaluer les diverses
dimensions en jeu autour d’un client, par exemple, le mélange des niveaux relationnels toujours
présents au travail (hiérarchiques, fonctionnels et personnels) mais pas toujours bien identifiées
ou acceptés, et les indicateurs de crise relationnelle dans l’entreprise (prédominance de la
communication indirecte : les rapports, notes de services, mémos, dominent et on parle « sur »
l’autre, absent de préférence plutôt qu’à l’autre et ; les décisions sont imposées et non pas
expliquées ; les règlements prolifèrent ;
il y a beaucoup de délations et de rumeurs,
d’expressions et de comportements anti-relationnels, voire de sabotage)
permettent de mieux
saisir dans quel espace relationnel il se trouve au sein de la sienne. Ce qui permet d’aider la
personne plus adéquatement, en ciblant plus précisément les interventions possibles. Par
exemple, si on identifie un milieu en crise, avec une communication indirecte on peut aider la
personne à identifier ce problème et à se sécuriser à ce niveau en l’aidant à opter pour une
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communication directe. On peut aussi évaluer en fonction des besoins de la personne jusqu’à
quel point le milieu en question est adapté à ses besoins en terme d’environnement de travail.
En proposant une façon de caractériser les relations entre collaborateurs et managers et en fixant
des limites au rôle de chacun, les auteurs nous donnent des repères très intéressants pour évaluer
où se situe notre client dans son usage des niveaux hiérarchique, professionnel et personnel : se
ferme-t-il de peur de ne pas savoir gérer les échanges s’il s’ouvre un peu personnellement ?
Essaie-t-il d’interagir au niveau personnel alors que la communication devrait s’effectuer au
niveau professionnel ? En pointant le tabou de l’expression émotionnelle qui pèse dans la vie
professionnelle ce livre nous rappelle également que l’expression de la vie émotionnelle de nos
clients est un point important à considérer lorsqu’un client nous dit se sentir mal dans son travail :
jusqu’à quel point son malaise peut-il être lié à ce tabou de l’expression de l’émotion ? Jusqu’à
quel point ce tabou est-il personnel (la personne a du mal à laisser exister ses émotions) ou
professionnel (le contexte interdit l’expression des émotions) ? Comment l’aider à exister au
travail avec ses émotions tout en lui permettant de rester professionnel ?
Les éléments apportés par ce livre sont utiles pour clarifier à la fois la nature de l’environnement
de travail de nos clients et leurs attitudes. Ils permettent d’objectiver les descriptions que nos
clients peuvent dresser de leur contexte de travail en donnant des critères clairs pour évaluer
l’ambiance générale, le style du manager, et aussi identifier les attitudes réactionnelles qui
peuvent être à des degrés divers celles de nos clients et qui traduisent leur mal être. Les points
mis de l’avant par les auteurs pour illustrer les caractéristiques de la communication respectueuse
et de l’échange, nous donnent des outils pour aider nos clients à mettre des mots sur leur vécu
professionnel et identifier leurs besoins, particulièrement, le besoin de reconnaissance, moteur de
la motivation selon les auteurs. Regroupés dans la partie consacrée aux règles de l‘hygiène
relationnelle, ils constituent un aide-mémoire pour le CO, lui donnant des points de réflexions
systématiques et utiles pour nourrir de façon globale son questionnement sur le mode de relation
de son client à lui-même, à ses collègues, à ses supérieurs, à son travail, lui permettre d’en
prendre conscience et lui donner des outils pour mieux communiquer et ... Oser être heureux au
travail. Même si par rapport à la réalité, l’horizon évoqué par ce livre pour y parvenir est encore
lointain, « tout commence par un rêve ».
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