HISTOIRE-GÉOGRAPHIE TleS

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HISTOIRE-GÉOGRAPHIE TleS
le
HISTOIRE-GÉOGRAPHIE T S
LIVRE -DU
PROFESSEUR TleS
HISTOIRE
GÉOGRAPHIE
LIVRE DU PROFESSEUR
PA RT I E H I S T O I R E
SOUS LA DIRECTION DE
Vincent ADOUMIÉ Lycée Dumont-d’Urville, Toulon (83)
Dominique FOUCHARD Lycée Hélène-Boucher, Paris (75)
AUTEURS
Géraldine ANCEL-GERY Lycée Charles-Baudelaire,
Annecy (74)
Christian BARDOT Lycée Lakanal, Sceaux (92)
Catherine BARICHNIKOFF Lycée Carnot,
Paris (75)
Fabien BÉNÉZECH Lycée Rouvière, Toulon (83)
Gilles DARIER Lycée Gabriel-Fauré, Annecy (74)
Stéphane GENÊT Lycée Choiseul, Tours (37)
Pascale JOUSSELIN-MISERY
Lycée Charles-Baudelaire, Cran-Gevrier (74)
Corentin SELLIN Lycée Gerville-Réache,
Basse-Terre (Guadeloupe)
Alain VIGNAL Lycée Dumont-d’Urville, Toulon (83)
Pascal ZACHARY Lycée Henri-Poincaré,
Nancy (54)
PA RT I E G É O G R A P H I E
SOUS LA DIRECTION DE
Dominique HUSKEN-ULBRICH Lycée français de Singapour
C O O R D I N AT E U R S D ’ O U V R A G E
Anne GASNIER Lycée Marguerite-Yourcenar, Le Mans (72)
Fanny MAILLO-VIEL Lycée Christophe-Colomb, Sucy-en-Brie (94)
AUTEURS
Alban BERVAS professeur de chaire supérieure
en géographie
Valérie BODINEAU Prag à l’université de Nantes,
ESPÉ de l’académie de Nantes (44)
Pascal BONIFACE directeur de l’Institut de relations
internationales et stratégiques (IRIS) et enseignant
à l’université Paris 8
Nouhedy CZUBOWSKI Lycée Jean-Monnet,
Joué-lès-Tours (37)
Sylvia DELANNOY Lycée français de Singapour
Nicolas DEMONFORT Lycée Pierre-Corneille,
Rouen (76)
Bénédicte FLORIN maître de conférences en
géographie à l’université François-Rabelais
de Tours (37)
Thomas GANGNEUX Lycée Descartes, Tours (37)
Frédérique HANNEQUIN IA-IPR d’histoire-
géographie, académie de Lyon
Aude LESAGE Lycée Pierre-Corneille, Rouen (76)
Julien PICOLLIER Collège Champollion, Grenoble
(38), attaché de cours, université de Savoie,
Chambéry (73)
Philippe REKACEWICZ journaliste, géographe et
cartographe
Catherine REYNAUD professeur d’histoiregéographie
Emmanuelle RUIZ Cité scolaire de Mauboussin,
Mamers (72)
Estelle UGINET Collège Maria-Casares,
Rillieux-la-pape (69)
Couverture : Frédéric Jély
Maquette et mise en page : Nicolas Balbo et Catherine Vielcanet
Cartographie : AFDEC
Schémas : Domino
© HACHETTE LIVRE 2014, 43, quai de Grenelle, 75905 Paris Cedex 15
ISBN 978-2-01-135622-2
© Hachette Livre 2014
www.hachette-education.com
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays.
Le Code de la propriété intellectuelle n’autorisant, aux termes de l’article L. 122-4 et L. 122-5, d’une part, que les « copies ou reproductions
strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective », et, d’autre part, que « les analyses et courtes
citations » dans un but d’exemple et d’illustration, « toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement
de l’auteur ou de ses ayants cause, est illicite ».
Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, sans autorisation de l’éditeur ou du centre français de l’exploitation
du droit de copie (20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris), constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et
suivants du Code pénal.
S o m m a i r e H isto i r e
Le rapport des sociétés à leur passé
CHAPITRE 1
L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
CHAPITRE 2
L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
THÈME 2 Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945
CHAPITRE 3
Les États-Unis et le monde depuis 1945. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37
CHAPITRE 4
La Chine et le monde depuis 1949. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
CHAPITRE 5
Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 63
THÈME 3 Les échelles de gouvernement dans le monde
CHAPITRE 6
Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement,
administration et opinion publique. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 78
CHAPITRE 7
Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 90
CHAPITRE 8
Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975. . . . . . . . . 101
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THÈME 1 3
S o m m a i r e G É O G RA PH IE
Clés de lecture d’un monde complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
CHAPITRE 1
Des cartes pour comprendre le monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
THÈME 2 Les dynamiques de la mondialisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
CHAPITRE 2
Mondialisation, fonctionnement et territoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
THÈME 3 Dynamiques géographiques des grandes aires continentales. . . . . 146
CHAPITRE 3
L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
CHAPITRE 4
L’Afrique : les défis du développement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
CHAPITRE 5
L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
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THÈME 1 4
PROGRAMME
Histoire-géographie - classe terminale - série S
Préambule
La classe de première S a permis d’approfondir l’approche synthétique et problématisée propre à l’enseignement de l’histoire et de la
géographie au lycée et de répondre, grâce à la recherche du sens et à l’exercice du raisonnement et de l’esprit critique, aux finalités
culturelles, civiques et intellectuelles de cet enseignement.
Les programmes de terminale donnent des clés pour une lecture historique et géographique du monde actuel. Les modalités de leur mise
en œuvre s’inscrivent dans la continuité de celles des programmes des classes de seconde et de première :
– parité horaire entre les deux disciplines ;
– place importante des études de cas en géographie et des études délimitées et mises en perspective en histoire ;
– utilisation des technologies de l’information et de la communication ;
– liberté et responsabilité pédagogiques du professeur qui peut construire son itinéraire, non seulement au sein de chacun des programmes d’histoire et de géographie, mais encore en les articulant, autant qu’il le jugera nécessaire, autour de points de convergence.
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Cette mise en œuvre doit également préparer les élèves à la poursuite d’études supérieures grâce à l’acquisition de connaissances et
à l’approfondissement des capacités et des méthodes figurant dans le tableau qui suit et qui ont été progressivement maîtrisées de la
seconde à la première. Dans cette perspective, une attention soutenue sera particulièrement accordée au développement du sens critique et à l’organisation d’un travail autonome.
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Capacités et méthodes
I - Maîtriser des repères chronologiques et spatiaux
1) Identifier et localiser
– nommer et périodiser les continuités et ruptures chronologiques – nommer et localiser les grands repères géographiques terrestres
– situer et caractériser une date dans un contexte chronologique – nommer et localiser un lieu dans un espace géographique
2) Changer les échelles et mettre
en relation
– situer un événement dans le temps court ou le temps long
– r epérer un lieu ou un espace sur des cartes à échelles ou systèmes de projection
différents
–m
ettre en relation des faits ou événements de natures, de périodes, de localisations
spatiales différentes (approches diachroniques et synchroniques)
– confronter des situations historiques ou/et géographiques
II - Maîtriser des outils et méthodes spécifiques
1) Exploiter et confronter
des informations
– identifier des documents (nature, auteur, date, conditions de production)
– prélever, hiérarchiser et confronter des informations selon des approches spécifiques
en fonction du document ou du corpus documentaire
– cerner le sens général d’un document ou d’un corpus documentaire, et le mettre
en relation avec la situation historique ou géographique étudiée
– critiquer des documents de types différents (textes, images, cartes, graphes, etc.)
2) Organiser et synthétiser
des informations
– décrire et mettre en récit une situation historique ou géographique
– r éaliser des cartes, croquis et schémas cartographiques, des organigrammes,
des diagrammes et schémas fléchés, des graphes de différents types (évolution,
répartition)
– r édiger un texte ou présenter à l’oral un exposé construit et argumenté en utilisant le
vocabulaire historique et géographique spécifique
– lire un document (un texte ou une carte) et en exprimer oralement ou par écrit les idées
clés, les parties ou composantes essentielles ; passer de la carte au croquis, de l’observation à la description
3) Utiliser les Tic
–o
rdinateurs, logiciels, tableaux numériques ou tablettes graphiques pour rédiger des
textes, confectionner des cartes, croquis et graphes, des montages documentaires
III - Maîtriser des méthodes de travail personnel
1) Développer son expression
personnelle et son sens critique
–u
tiliser de manière critique les moteurs de recherche et les ressources en ligne (internet,
intranet de l’établissement, blogs)
–d
évelopper un discours oral ou écrit construit et argumenté, le confronter à d’autres
points de vue
–p
articiper à la progression du cours en intervenant à la demande du professeur ou en
sollicitant des éclairages ou explications si nécessaire
2) Préparer et organiser son travail
de manière autonome
– prendre des notes, faire des fiches de révision, mémoriser les cours (plans, notions et
idées clés, faits essentiels, repères chronologiques et spatiaux, documents patrimoniaux)
– mener à bien une recherche individuelle ou au sein d’un groupe ; prendre part à une
production collective
– utiliser le manuel comme outil de lecture complémentaire du cours, pour préparer le
cours ou en approfondir des aspects
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PROGRAMME
HISTOIRE
Regards historiques sur le monde actuel
Introduction
Le programme de terminale S se situe dans la continuité de ceux de seconde et de première. Il en reprend l’organisation thématique
déclinée en questions, elles-mêmes abordées à partir d’études précises. Il permet d’acquérir des connaissances et d’approfondir des
capacités et des méthodes acquises lors des deux années précédentes, en accordant une grande place à l’organisation du travail autonome et au travail critique sur les sources. Parmi ces dernières, les productions artistiques doivent faire l’objet d’une attention particulière, conformément aux objectifs de l’enseignement de l’histoire des arts.
Ce programme est de nature à préparer les élèves aux exigences de l’enseignement supérieur en leur permettant d’approfondir leur
réflexion historique.
Le fil conducteur du programme
Le programme propose un éclairage des enjeux majeurs du monde actuel à partir du regard spécifique de l’historien. Afin de faire comprendre d’emblée ce qui caractérise ce regard, le premier thème permet d’éclairer le rapport entre l’histoire et la mémoire.
Les deux thèmes suivants ont été choisis de façon à ce que soient abordés des sujets essentiels à la compréhension du monde actuel.
Pour traiter le programme
Les trois thèmes sont déclinés en cinq questions dont la mise en œuvre se fait à partir d’études. Loin de constituer une juxtaposition
d’objets singuliers, ces études, choisies en fonction de leur pertinence pour faire comprendre une période et/ou un phénomène historique, doivent être sous-tendues par une problématique et impliquent une mise en perspective par rapport à la question traitée.
Le professeur exerce pleinement sa liberté et sa responsabilité pédagogiques. Il a la possibilité de construire son propre itinéraire en
traitant les thèmes dans un ordre différent de celui de leur présentation, à l’exclusion du thème 1 qui doit ouvrir obligatoirement la mise
en œuvre du programme.
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À l’intérieur de chaque thème, les questions peuvent être traitées dans un ordre différent.
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Regards historiques sur le monde actuel
Le professeur peut traiter les thèmes et les questions dans un ordre différent de celui de leur présentation, à l’exclusion du thème 1 qui ouvre
obligatoirement la mise en œuvre du programme.
Thème 1 introductif – Le rapport des sociétés à leur passé (4-5 heures)
Mise en œuvre
Questions
Les mémoires :
lecture historique
Une étude au choix parmi les deux suivantes :
– l’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France ;
– l’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie.
Thème 2 introductif – Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 (14-15 heures)
Mise en œuvre
Questions
Les chemins de la puissance
Les États-Unis et le monde depuis 1945.
La Chine et le monde depuis 1949.
Un foyer de conflits
Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale.
Thème 3 – Les échelles de gouvernement dans le monde (11-12 heures)
Questions
Mise en œuvre
L’échelle de l’État-nation
Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique.
L’échelle continentale
Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht.
L’échelle mondiale
Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975.
En histoire comme en géographie, le programme est conçu pour être traité dans un horaire annuel de 29 à 32 heures.
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PROGRAMME
GÉOGRAPHIE
arrêté du 7-1-2013 - J.O. du 23-1-2013
Mondialisation et dynamiques géographiques des territoires
Introduction
Ce programme se situe dans le prolongement de celui des classes de seconde et de première S, tant du point de vue des connaissances
que des capacités et des méthodes à acquérir par les élèves. La classe de terminale doit permettre une préparation à l’enseignement
supérieur. Une attention soutenue sera ainsi accordée à l’acquisition d’une plus grande autonomie par les élèves et à l’exercice du sens
critique qui fait l’objet d’un point de programme spécifique dédié à une réflexion sur les enjeux de la représentation cartographique.
Le fil conducteur du programme
En classe de première, en histoire et en géographie, une approche du processus de mondialisation a déjà été entreprise. Le programme
de terminale approfondit cette thématique et l’articule avec d’autres grilles de lecture du monde ; le phénomène de mondialisation est
ainsi mis en regard avec des logiques plurielles d’organisation de l’espace mondial (géo-économiques, géopolitiques, géo-environnementales et géoculturelles). Le programme propose des approches territoriales à différentes échelles, de la ville aux grandes aires continentales, pour prendre en compte la complexité et les évolutions d’une planète mondialisée.
Pour traiter le programme
Le programme comporte six questions organisées en trois thèmes.
Le premier thème vise à présenter et à discuter quelques grandes notions et grilles permettant une lecture des territoires mondiaux. Ces
grilles de lecture du thème 1 seront ensuite reprises tout au long du programme. Ce thème est donc obligatoirement étudié en début
d’année.
Le thème 2 aborde les dynamiques de la mondialisation. Le thème 3 porte sur trois grandes aires continentales, appréhendées chacune
selon une problématique spécifique. Pour chaque aire continentale, le programme prévoit deux entrées.
Le professeur détermine l’ordre dans lequel les thèmes 2 et 3 sont traités en fonction de son projet pédagogique. De même, au sein de
ces thèmes 2 et 3, les différentes questions peuvent être abordées dans un ordre librement choisi.
Comme en classes de seconde et de première, le programme accorde une place substantielle aux études de cas ; celles-ci ont une portée
générale par les problématiques qu’elles soulèvent, les méthodes qu’elles mettent en œuvre, les enjeux et les choix qu’elles illustrent.
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On accordera une place essentielle à la construction de représentations cartographiques par les élèves (croquis et schémas) afin de
rendre compte des multiples dimensions territoriales du programme.
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Mondialisation et dynamiques géographiques des territoires
Thème 1 introductif – Clés de lectures d’un monde complexe (4-5 heures)
Mise en œuvre
Questions
Des cartes pour comprendre
le monde
L’étude consiste à approcher la complexité du monde par l’interrogation et la confrontation de
grilles de lectures géopolitiques, géo-économiques, géoculturelles et géo-environnementales.
Cette étude, menée principalement à partir de cartes, est l’occasion d’une réflexion critique sur
les modes de représentations cartographiques.
Thème 2 – Les dynamiques de la mondialisation (8-9 heures)
Mise en œuvre
Questions
Un produit mondialisé (étude de cas).
Mondialisation, fonctionnement et
territoires
Acteurs, flux, débats.
Des territoires inégalement intégrés à la mondialisation.
Les espaces maritimes : approche géostratégique.
Thème 3 – Dynamiques géographiques de grandes aires continentales (17-18 heures)
Questions
Mise en œuvre
L’Amérique : puissance du Nord,
affirmation du Sud
Le continent américain : entre tensions et intégrations régionales.
L’Afrique : les défis du
développement
Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas).
L’Asie du Sud et de l’Est :
les enjeux de la croissance
L’Asie du Sud et de l’Est : les défis de la population et de la croissance.
États-Unis - Brésil : rôle mondial, dynamiques territoriales.
Le continent africain face au développement et à la mondialisation.
Japon - Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales.
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En géographie, comme en histoire, le programme est conçu pour être traité dans un horaire annuel de 29 à 32 heures.
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chapitre 1
L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre
mondiale en France
p. 22-45
Programme : Thème 1 – Le rapport des sociétés à leur passé (4-5 heures)
Question
Mise en œuvre
Les mémoires : lecture historique
Une étude au choix parmi les deux suivantes :
– l’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France ;
– l’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie.
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
Le thème des lectures historiques des mémoires reprend le programme de Terminale ES/L et doit être traité dans le même temps
horaire, soit 4-5 heures. Le chapitre a été conçu en tenant compte
de cet impératif et propose 3 études qui ciblent les thématiques
majeures et sont complétées par les pages Acteur et Histoire
des Arts qui permettent d’enrichir la question. L’objectif pédagogique est de permettre aux élèves de comprendre la différence de
nature entre histoire et mémoire, sans chercher à les mettre en
concurrence, mais en percevant la dialectique qui les unit, et en
se plaçant dans la position de l’historien face aux documents et
aux enjeux mémoriels.
Mener un travail d’historicisation des mémoires et les analyser en
tant qu’objet historique à part entière, c’est rappeler que la crise
majeure qu’a représentée la Seconde Guerre mondiale a rompu
l’unité de la nation et divisé en profondeur les forces politiques et
sociales. Ces divisions ont conduit à la construction de mémoires
plurielles qui se sont ensuite déployées, tant à l’échelle nationale
qu’internationale, dans des contextes politiques et moraux qui
ont pesé sur leur affirmation dans l’espace public. Contextualisation, mise à distance et confrontation des sources, au cœur du
travail de l’historien, permettent de dégager les différents temps
mémoriels et d’y repérer les jeux de pouvoir, la puissance variable
des groupes d’intérêt selon les époques, la force des vulgates que
contribuent à diffuser le discours médiatique et le discours officiel. C’est en ce sens que doit être entendue la notion de « lecture
historique des mémoires » à laquelle invite le programme et qui
permet alors de mesurer la nécessaire posture critique de l’historien face à cet objet d’étude.
◗◗ Débats historiographiques et quelques notions clés
du chapitre
Si, depuis les travaux fondateurs d’Henry Rousso, la question des
mémoires de la Seconde Guerre mondiale appartient de plus en
plus à l’histoire, elle n’en demeure pas moins chargée d’enjeux
politiques et éthiques majeurs. Certaines questions, comme celle
de la collaboration active de l’État français, ne font plus débat.
L’historiographie se caractérise aujourd’hui par la diversification
des études menées, à différentes échelles, sur des groupes dont
l’histoire continue de s’écrire, comme celle des Tziganes, des
homosexuels ou des prisonniers de guerre, témoignant du fait que
l’histoire des mémoires ne peut se limiter à celles qui occupèrent
prioritairement la scène publique. Les points de discussion portent
surtout sur l’attitude et l’opinion de la population française dans
son rapport à Vichy, à la Résistance et face à la persécution des
juifs. Pierre Laborie a ainsi forgé la notion de « non-consente-
ment » pour contester la vulgate qui s’est imposée à partir des
années 1970 et qui, selon lui, ne traduit pas la réalité de la période
et porte en elle une culture de l’acceptation lourde d’enjeux pour
le présent. Sa réflexion, comme celle de François Marcot, invite à
envisager la Résistance dans ses multiples facettes. La question
de l’interprétation du taux de survie des juifs de France (près de
¾), soulignée par Serge Klarsfeld mais pas véritablement tranchée
à ce jour, s’inscrit dans cette problématique.
• Groupe porteur de mémoire. Expression utilisée par Benja-
min Stora qui renvoie à des regroupements d’individus plus ou
moins formels (anciens combattants, anciens résistants, anciens
déportés, etc.). Par le biais de manifestations publiques, ils portent
des revendications et présentent leur perception du passé. Ils
servent les intérêts matériels ou symboliques, qui peuvent être
absolument légitimes, de leur groupe, et sont sous-tendus par les
enjeux politiques et idéologiques du temps présent.
• Franchissement de seuil mémoriel. Cette expression désigne
le moment où certaines mémoires s’affirment dans le champ
public, devenant ainsi visibles pour le plus grand nombre, alors
qu’elles avaient été précédemment peu audibles.
• Relais de transmission mémorielle. Notion qui désigne surtout
les médias, les manifestations des groupes porteurs de mémoire
et les travaux universitaires qui infléchissent les représentations du
passé. On veillera à distinguer le travail des historiens de celui des
acteurs des mémoires qui n’obéissent pas aux mêmes objectifs.
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages universitaires
É. Conan, H. Rousso, Vichy, un passé qui ne passe pas, Fayard, 1994.
D. Cordier, De l’Histoire à l’histoire, Éditions Gallimard, coll.
« Témoins », 2013.
L. Douzou, La Résistance, une morale en action, Éditions Gallimard,
coll. « Découverte », 2010.
S. Fishman, L. Lee Downs (dir.), La France sous Vichy : Autour de
Robert O. Paxton, Éditions Complexe, 2004.
P. Laborie, Le Chagrin et le venin, La France sous l’Occupation,
mémoire et idées reçues, Bayard, 2011.
J.-L. Leleu (dir.), La France pendant la Seconde Guerre mondiale.
Atlas historique, Fayard, 2010.
F. Marcot (dir.), Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006.
H. Rousso, Le Syndrome de Vichy, Éditions du Seuil, 1987.
A. Wieviorka, Déportation et génocide. Entre la mémoire et l’oubli,
Hachette, 2003.
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
• 11
© Hachette Livre 2014
HISTOIRE
thème 1Le rapport des sociétés à leur passé
• Articles et documentation pédagogique
→Document 1 : Le Mémorial de la Shoah à Paris
J.-P. Azéma, L’Occupation expliquée à mon petit-fils, Éditions du
Seuil, 2012.
Le Mémorial de la Shoah a ouvert en 2005 à Paris, sur le site du
Mémorial du martyr juif inconnu (1956). Il s’inscrit dans la continuité du Centre de documentation juive contemporaine (CDJC),
créé en 1943 dans la clandestinité à Grenoble par Isaac Schneersohn, dans le but de rassembler le plus de documents possibles
sur l’extermination en cours des juifs d’Europe. Le Mémorial est
à la fois un espace de recherche, de rencontres et un musée. Son
exposition permanente se termine par un espace réservé aux
enfants juifs déportés de France. L’installation photographique de
Natacha Nisic présente 3 000 photographies d’enfants, rassemblées surtout par l’Association des Fils et Filles de déportés juifs
de France. Cela permet de souligner la place des associations et
des artistes dans le travail à la fois de la mémoire et de l’histoire.
F. Bedarida, « Fallait-il condamner Maurice Papon ? », L’Histoire,
n° 222, p. 76-77, juin 1998.
TDC, n° 877, juin 2004, La mémoire des guerres.
« Été 1943, La Résistance sera unie », L’Histoire, n° 388, juin 2013.
• Sites Internet
http://www.ina.fr/fresques/jalons/accueil
Le site propose de nombreux dossiers pédagogiques et des vidéos
(par exemple sur La Bataille du rail, sur le transfert des cendres de
Jean Moulin au Panthéon).
http://www.holocaustremembrance.com
Site du Groupe de travail pour la coopération internationale en
matière d’éducation à l’histoire et à la mémoire de l’Holocauste.
Site en anglais, quelques pages en français.
www.memorialdelashoah.org
Le site du Mémorial de la Shoah de Paris propose de nombreuses
ressources pédagogiques.
Introduction au chapitre p. 22-23
© Hachette Livre 2014
Ce chapitre étudie les relations entre l’historien et les différentes
mémoires produites par la Seconde Guerre mondiale. La problématique principale invite à envisager les mémoires comme étant
à la fois source et objet d’histoire. Il s’agit en effet d’interroger, grâce aux outils de l’historien, les contextes et les groupes
sociaux qui ont favorisé l’émergence de telle ou telle mémoire,
afin de porter sur les événements, comme sur les mémoires qu’ils
ont générées, un regard distancié et critique permettant une
approche scientifique du passé. Cette problématique permet de
mesurer la différence de nature entre les mémoires et les travaux
historiques, l’historien étant, pour reprendre l’expression de Pierre
Laborie, un « trouble-mémoire ». Il ne s’agit pas de hiérarchiser
ou de considérer que mémoires et histoire seraient en concurrence mais plutôt de mettre en évidence la dialectique qui unit
ces deux perceptions du passé, dans leur tension comme dans leur
complémentarité. La problématique suggère que, depuis les travaux d’Henry Rousso, les mémoires sont devenues un objet historique à part entière. L’enjeu pour le professeur est « de se dégager
du jeu des pouvoirs, des groupes d’intérêt et des tendances qui
agissent sur la construction des mémoires » (fiche Eduscol), tout
en en montrant les ressorts explicatifs. Le chapitre propose différentes études qui autorisent ce va-et-vient entre mémoires et
histoire afin que les élèves puissent comprendre les processus à
l’œuvre dans l’élaboration des différentes mémoires et le rôle qu’y
jouent les historiens.
Les deux photographies présentées en ouverture de chapitre
permettent une utilisation pédagogique à plusieurs niveaux.
Elles mettent tout d’abord en évidence différents acteurs de la
construction mémorielle de cette période troublée : associations
(Les Fils et Filles de déportés juifs de France), artistes (l’installation de la photographe Natacha Nisic), politiques (les présidents
français et allemand), historiens (travail scientifique effectué au
sein du Mémorial de la Shoah). Elles témoignent du fait que cette
période a généré des mémoires plurielles et parfois conflictuelles
et qu’elle demeure un objet d’étude vivant, dont l’histoire continue de s’écrire. Elles permettent d’interroger la mission particulière des différents acteurs dans l’émergence des mémoires et
dans l’écriture de l’histoire.
→Document 2 : Le 4 septembre 2013, les présidents français
et allemand, François Hollande et Joachim Gauck, rendent
hommage aux victimes d’Oradour-sur-Glane
Cette visite des deux chefs d’État à Oradour a une portée symbolique très forte, car c’est la première fois qu’un chef d’État allemand se rend à Oradour où, le 10 juin 1944, 642 personnes furent
exterminées par la division SS Das Reich. Après la rencontre
d’Adenauer et de Gaulle à Colombey-les-Deux-Églises en 1958 et
celle de Kohl et Mitterrand à Verdun en 1984, cette visite s’inscrit
dans le processus de réconciliation franco-allemande. Les deux
chefs d’État sont accompagnés de Robert Hébras, l’un des trois
survivants du massacre encore en vie. Le massacre d’Oradour
relève aussi de l’histoire franco-française du fait de la présence
de « Malgré-Nous » dans l’unité SS qui extermina les habitants.
En 1953, le tribunal de Bordeaux juge 21 accusés dont 14 Alsaciens
et prononce de lourdes peines. Quelques jours plus tard, le Parlement vote une loi d’amnistie. Les débats divisent le pays. La visite
du président Hollande s’inscrit donc dans un double processus :
réconciliation franco-allemande et apaisement des mémoires
franco-françaises. Elle témoigne de la place du politique dans
la construction mémorielle de la période de la Seconde Guerre
mondiale.
◗◗ Frise
Cette frise a pour objet de donner aux élèves quelques repères
essentiels pour appréhender la période, en faciliter l’apprentissage et en repérer les ruptures signifiantes. Découpée en trois
périodes, elle présente des ouvrages particulièrement fondamentaux d’historiens, insiste sur l’importance des relais de transmission mémorielle (les médias, la justice, les groupes porteurs de
mémoire) dans la construction tant des mémoires que de l’écriture de l’histoire, et montre la place du politique dans l’élaboration d’une mémoire officielle. Elle permet de mettre en relation
les différents acteurs de la construction mémorielle et du récit
historique en insistant sur les contextes qui conditionnent leur
expression.
La première période, qui démarre avec le discours du général de
Gaulle à l’Hôtel de Ville de Paris, est marquée par le résistancialisme. Elle culmine avec le transfert des cendres de Jean Moulin au
Panthéon et le discours de Malraux. Le contexte fait de la commémoration de la guerre un enjeu politique et les deux principaux
partis issus de la Résistance, le PCF et les gaullistes, cherchent à
en définir la teneur, se rejoignant, en dépit de leurs oppositions
politiques, dans la célébration de la Résistance, par-delà ses divisions. Différents travaux d’historiens sont menés durant cette
période et en 1951 naît le Comité d’histoire de la Seconde Guerre
mondiale. Mais l’ouvrage qui s’impose est celui de Robert Aron,
qui contribue à fonder le mythe dit du « bouclier et de l’épée »,
jusqu’à l’ouvrage de Robert Paxton.
12 • Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
Repères p. 24-25
La Seconde Guerre mondiale, porteuse de mémoires
Ces pages proposent des repères de différentes natures pour permettre aux élèves d’entrer dans le sujet. Le choix des notions clés
est articulé autour du couple histoire/mémoire qui est au cœur
de la problématique générale. L’apprentissage de ces définitions
facilite l’analyse des sujets de composition et permet de garder à
l’esprit la tension entre histoire et mémoires.
Le document 1, présenté sous forme de tableau, permet, en
partant de quelques événements majeurs de la Seconde Guerre
mondiale, de comprendre que celle-ci, en divisant profondément
la société française, est productrice de mémoires plurielles selon
la façon dont elle a été vécue. C’est par le retour à l’événement
que l’on peut faire comprendre la multiplicité des mémoires qui se
développent après le conflit, en ayant à l’esprit que celles-ci sont
surdéterminées par le traumatisme considérable qu’a représenté
la période de guerre. L’expression « groupe porteur de mémoire »,
utilisée par Benjamin Stora pour la guerre d’Algérie, est aussi
efficiente pour la Seconde Guerre mondiale ; elle renvoie à des
regroupements d’individus plus ou moins formels et influents
selon les périodes qui, par le biais de manifestations publiques,
de revendications, de travaux historiques, cherchent à se faire
entendre, tant dans la politique mémorielle nationale que dans
l’écriture de l’histoire.
La carte, document 2, inspirée de la notion de « lieu de mémoire »
de Pierre Nora, présente l’inscription géographique des différentes mémoires de la guerre. Mettant en lien des lieux et des
faits qui s’y sont déroulés, elle permet de comprendre comment
ces mémoires prennent place dans l’espace public et s’enracinent
dans le paysage et dans l’histoire. Les mémoires résistantes s’enracinent dans des lieux d’action et/ou de répression comme les
maquis ou le mont Valérien ; les mémoires juive et tzigane sont
en partie liées aux camps d’internement et de transit, étapes de la
déportation ; les lieux de souffrances « civiles », comme Oradoursur-Glane, contribuent à témoigner de l’immense violence de la
guerre et de la période de l’Occupation. Sur ces lieux de mémoire,
des monuments, des mémoriaux, des musées ont été édifiés,
cadres de commémorations, de pèlerinages pour les acteurstémoins et de visites pour un public varié.
Le tableau des commémorations nationales (document 3) permet
d’aborder la notion de mémoire officielle, de réfléchir au sens à
donner aux commémorations et de montrer que cette mémoire
est évolutive. La période résistancialiste d’après-guerre peut être
évoquée avec le vote, à l’unanimité du Parlement, de la loi du 14
avril 1954 qui instaure une journée de commémoration, mettant
ainsi l’accent sur l’héroïsme des déportés, dont la figure tutélaire
est le déporté-résistant. Le tableau permet de mettre en évidence
une nouvelle étape de la mémoire et de l’histoire de la période,
qu’Henry Rousso a appelé la « mondialisation de la mémoire »,
dont témoigne la commémoration internationale de l’Holocauste
du 27 janvier.
Acteur p. 26-27
Daniel Cordier, un acteur-témoin devenu historien
Le choix de Daniel Cordier s’explique par son statut particulier de témoin devenu historien qu’illustre la citation présentée
en accroche. Son parcours permet d’incarner la tension entre
mémoire et histoire et de faire comprendre le rapport nécessaire
et conflictuel qui s’y joue. Acteur et témoin de la Résistance, son
travail constitue un tournant historiographique majeur. En effet,
c’est en tant que témoin lui-même qu’il a mis en cause la place
des témoignages dans l’écriture de la Résistance, qu’il en a souligné les fragilités, permettant dès lors leur confrontation avec des
documents d’archive. Jusqu’aux années 1970, le point de vue qui
prévaut est celui selon lequel l’histoire singulière de la Résistance
ne peut être écrite que par ceux et celles qui en ont partagé l’expérience, car seuls ceux-là pouvaient être en mesure de retracer l’épopée résistante. C’est d’abord la parole et les souvenirs
des acteurs qui furent privilégiés. La difficulté pour l’historien,
comme l’a montré Laurent Douzou, est de parvenir à concilier
analyse rigoureuse et dimension mythique de cette histoire particulière. C’est tout l’apport du travail de Daniel Cordier : appliquer les méthodes historiques avec une extrême rigueur sans
pour autant renoncer à sa condition d’acteur de l’histoire.
→Document 1 : L’acteur devient historien
En 2013, dans À voix nue, France Culture a consacré plusieurs
émissions radiophoniques à Daniel Cordier, dont le document
présenté est une retranscription. Daniel Cordier y évoque les raisons de son entrée dans la Résistance et celles qui l’ont poussé à
devenir historien. L’extrait proposé a pour objectif de faire le lien
entre son statut d’acteur et son statut d’historien. Il permet également d’expliquer l’élément déclencheur (les accusations contre
Jean Moulin) qui a conduit Daniel Cordier à devenir historien. Cet
extrait illustre la démarche scientifique de l’histoire comme quête
la plus objective possible de la vérité.
→Document 2 : Les témoignages et l’arrestation
de Jean Moulin à Caluire
Cet extrait d’entretien permet de comprendre la fragilité des
témoignages, la vigilance dont les historiens doivent faire preuve
dans l’utilisation qu’ils en font et leur nécessaire croisement avec
d’autres documents pour permettre le récit historique. Le premier
intérêt du document est d’entendre Daniel Cordier expliquer que
sa propre mémoire a parfois été contredite par son travail scientifique, ce qui permet de faire réfléchir les élèves sur la construction
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
• 13
© Hachette Livre 2014
La deuxième période, à partir des années 1970, est une période
charnière qui voit la remise en cause du résistancialisme. On
insistera sur le fait que cette dénonciation émane de différents
acteurs : historiens, cinéastes, associations de groupes porteurs
de mémoire ; qu’elle entraîne un véritable retour de balancier
en imposant une vision du comportement des Français durant la
période noire à l’opposé de la vision résistancialiste ; enfin, qu’elle
ouvre la voie à un nouveau paradigme dans lequel la figure des
victimes prend le pas sur celle des héros, période que les historiens qualifient d’ « ère du témoin », que les retentissements du
procès Eichmann avaient commencé à faire entendre. Le contexte
joue un rôle important puisque les deux forces politiques qui ont
construit la mémoire de l’immédiat après-guerre, le PCF et les
gaullistes, voient leur influence décliner, permettant dès lors
l’expression d’autres mémoires et la réflexion sur le rôle tenu par
l’État français dans la déportation des juifs.
La troisième période, depuis les années 1990, témoigne d’une intégration des travaux historiques dans la construction de la mémoire
nationale, comme l’illustrent le discours de Jacques Chirac reconnaissant la responsabilité de l’État français dans la déportation
des juifs et le procès de Maurice Papon, au cours duquel des historiens comme Robert Paxton sont appelés à la barre pour éclairer
la période historique. On insistera sur le contexte de progression
de l’extrême droite et du négationnisme, qui oblige à intensifier le
travail de recherche et l’arsenal juridique pour faire reconnaître la
spécificité du génocide juif. La frise permet enfin de montrer, avec
l’exemple des « Malgré-Nous », que l’histoire demeure un chantier permanent et que les historiens travaillent sur des champs
d’étude en constant renouvellement.
des mémoires et de souligner la différence fondamentale de point
de vue de l’historien. Le second est de faire réfléchir à l’utilisation des témoignages dans les tribunaux puisque René Hardy fut
déclaré innocent sur la base de témoignages. On notera la prudence de Daniel Cordier qui s’appuie sur des archives pour considérer René Hardy comme étant le responsable de l’arrestation de
Jean Moulin, mais qui insiste par ailleurs sur le fait que le travail
des historiens doit se poursuivre pour mettre à jour tout document susceptible d’apporter plus d’éléments.
→Document 3 : Le rapport Flora, 19 juillet 1943
Ce document d’archive a été rédigé par la Gestapo de Marseille le
19 juillet 1943 et retrouvé en 1944. Il fait le bilan de l’une des plus
importantes opérations de répression de la Résistance en zone
sud et donne des informations capitales sur l’arrestation de Jean
Moulin le 21 juin 1943 (et non le 26 comme l’indique le rapport).
Y est évoqué le « résistant retourné » Multon qui a entraîné l’arrestation de René Hardy (nom de code Didot). Ce dernier serait
devenu un contre-agent et serait à l’origine de l’arrestation de
Jean Moulin (nom de code Max) à Caluire, près de Lyon, lors d’une
réunion des MUR (Mouvements unis de la Résistance).
→Document 4 : Entendre la voix d’une époque
Cet extrait de la préface de la biographie de Jean Moulin permet,
par la métaphore musicale employée par Daniel Cordier, de rappeler que l’histoire, comme l’écrit Pierre Nora, est la reconstruction
toujours problématique d’un passé qui n’est plus, et de souligner
la distance inévitable entre ce que ressentent les témoins de leur
histoire passée et l’écriture du récit historique. Il permet d’expliquer la fonction que Daniel Cordier attribue aux témoignages, qui
est celle de « sonoriser » le passé afin d’approcher cette expérience
humaine autant que faire se peut. Il témoigne aussi de la passion
qui a animé ces hommes et ces femmes qui ont fait, parfois au prix
de leur vie, le choix de la Résistance.
◗◗ Réponses aux questions
1.Daniel Cordier a voulu répondre aux accusations dont Jean
Moulin était la cible dans le livre d’Henri Frenay. Ce dernier accusait Jean Moulin d’avoir été un agent aux ordres de Moscou. C’est
pour pouvoir de façon solide et scientifique contrecarrer ces
accusations contre Jean Moulin, pour honorer son combat et sa
mémoire, que Daniel Cordier décide de devenir historien.
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2.Daniel Cordier a été le secrétaire de Jean Moulin d’août 1942
à juin 1943 et a participé à la création du Conseil national de la
Résistance. Il est donc un acteur de l’histoire et a côtoyé de près
celui qui devait trouver la mort à la suite de son arrestation à
Caluire. En tant que secrétaire de Jean Moulin, il a non seulement
participé à l’histoire de la Résistance mais il a aussi en sa possession des documents d’archives.
3.Les difficultés auxquelles sont confrontés les historiens et
les témoins pour faire le récit de la Résistance sont de plusieurs
ordres. Clandestine, la Résistance n’a pas toujours laissé des traces
aisément accessibles pour les historiens et, longtemps, ce sont les
témoignages qui ont fait autorité pour en faire le récit. Or, les
témoignages doivent être utilisés avec prudence car ils sont partiels, parfois contradictoires et reconstruits ; ils doivent donc être
croisés avec d’autres sources. De plus, la Résistance n’est pas un
phénomène homogène et les désaccords politiques qui s’y sont
manifestés peuvent entraîner des interprétations divergentes de
la part des témoins.
4.La mémoire et l’histoire ont des visées différentes, ce qui
explique la tension entre ces deux perceptions du passé. La
mémoire des témoins est par définition partielle et s’attache à
une période vécue, à des souvenirs forts, elle permet d’entendre la
« voix d’une époque ». L’histoire, quant à elle, cherche à dresser le
tableau le plus objectif possible du passé, en confrontant la chronologie, les faits, les sources et les témoignages, quitte parfois à
contredire ces derniers.
◗◗ Vers la composition du Bac
L’écriture de l’histoire de la Résistance témoigne de la relation
complexe du couple témoin/historien. Daniel Cordier, qui fut
secrétaire de Jean Moulin et qui est devenu son biographe, illustre
parfaitement la tension entre ces deux pôles, qui sont nécessaires
l’un à l’autre mais qui répondent à des objectifs différents. Pour
laver Jean Moulin des accusations portées contre lui, Daniel Cordier s’est attaché tout d’abord à lire un grand nombre de témoignages de résistants puis à faire appel à ses propres souvenirs.
Il mesure alors, en dépit de la sincérité des témoins, la part inéluctable d’erreurs, d’approximations, de lacunes, que comporte
la mémoire, y compris la sienne. Si les témoins sont une source
majeure pour approcher la période, pour entendre sa « voix », pour
comprendre ce qui a motivé l’entrée en résistance, les historiens
doivent confronter ces témoignages aux archives, pour ne pas leur
faire dire plus qu’ils ne peuvent, pour combler les manques qu’ils
recèlent et rectifier, si besoin, les erreurs qu’entraîne la mémoire.
Ce « tiraillement » que vit Daniel Cordier entre le témoin qu’il fut
et l’historien qu’il est devenu témoigne de la difficulté à rendre
compte du passé, dans sa dimension émotionnelle et scientifique
à la fois.
Étude 1 p. 28-29
L’historien et les mémoires de la Résistance
Les mémoires de la Résistance sont fondamentales dans l’analyse des lectures historiques des mémoires de la Seconde Guerre
mondiale. Elles permettent de mettre en évidence le poids du
contexte dans leur affirmation, le rôle des groupes porteurs de
mémoire et des relais de transmission mémorielle, les enjeux politiques des usages du passé, ainsi que l’importance d’un travail historique toujours vivant pour approcher la période de la guerre et
les représentations que s’en sont faites les générations suivantes.
Ces mémoires se sont affirmées dans l’espace public dès l’immédiat après-guerre et ont obéi à différentes temporalités que les
travaux des historiens permettent de mettre à jour. On peut distinguer trois périodes essentielles qui témoignent des différentes
représentations de ces mémoires de la Résistance et, plus largement, du comportement des Français durant les années noires.
Jusqu’aux années 1970, la cristallisation du souvenir résistant
s’organise autour des deux pôles dominants que sont les gaullistes et les communistes. Bien que les mémoires résistantes ne
puissent se limiter à ces deux sphères, ces deux mémoires sont
les plus audibles car les plus diffusées dans l’espace public : pour
les communistes parce qu’ils sont, après la guerre, la première
force politique ; pour les gaullistes par la présence au pouvoir du
général de Gaulle qui fait, après 1958, de la mémoire gaullienne la
mémoire officielle. L’écriture de l’histoire de la Résistance durant
cette période est surtout le fait des acteurs qui y ont participé et
revêt une dimension hagiographique qui porte en elle-même le
renversement des années 1970.
Véritable tournant, ces années voient la remise en cause du résistancialisme avec le film de Marcel Ophüls Le Chagrin et la Pitié.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un travail d’historien et que Marcel
Ophüls ne le présente pas comme tel, ce documentaire impose
une nouvelle vulgate, sans doute bien plus profonde que la précédente parce qu’elle a la force de ce qui s’impose comme une vérité
après le mensonge.
14 • Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
→Document 1 : La mémoire gaullienne de la Résistance
Ce discours est prononcé par Charles de Gaulle, chef du Gouvernement provisoire, le 25 août 1944, alors que la capitale est
en passe d’être libérée mais que le territoire national demeure le
théâtre de combats violents. C’est le premier jalon de la mémoire
gaulliste de la Résistance qui inaugure le mythe dit « résistancialiste » et va imprégner discours et commémorations officiels,
particulièrement à partir du retour du général de Gaulle au pouvoir en 1958. L’analyse sémantique de ce discours s’impose pour
montrer sur quels ressorts se construit cette mémoire gaullienne
et le sens que l’on peut lui donner. Plus qu’une France entièrement résistante, de Gaulle déploie dans son discours l’idée d’un
esprit de résistance qui aurait irrigué le pays et qui témoigne de
l’identité de la France éternelle. Ceci explique que le rôle de Vichy
soit évoqué très allusivement, n’étant dès lors qu’une parenthèse
malheureuse de l’histoire française, et qu’il ne soit pas fait cas des
armées de libération alliées. Il est essentiel, pour ne pas réduire
ce discours à une simple falsification de l’histoire, d’en préciser
le contexte. Il s’agissait pour de Gaulle tout à la fois de s’imposer
comme chef d’État incontestable à la Libération, de répondre à la
crise profonde d’unité nationale mise à mal par les divisions de la
période de guerre et de redonner une grandeur à la France dans
les relations internationales. Ce discours s’inscrit dans un mode
classique de sortie de crise.
→Document 2 : La mémoire communiste de la Résistance
Dès la Libération, les communistes s’efforcent de ne pas laisser
aux gaullistes le monopole politique du souvenir de la Résistance,
comme en témoigne cette affiche électorale de 1945 qui utilise
l’image d’un parti martyr comme argument électoral et caution
morale. S’appuyant sur un contexte très favorable, avec l’URSS au
sommet de son prestige et le communisme qui apparaît comme
une idéologie porteuse d’espoir en Europe, les dirigeants communistes forgent une mémoire héroïque de leur parti, fondée sur le
mythe des 75 000 fusillés. Que les communistes aient été réellement touchés par les exécutions ne fait aucun doute, mais le
chiffre est volontairement surestimé pour insister sur le tribut
payé par le parti. Les historiens estiment que le nombre total de
fusillés (pas seulement communistes) est d’environ 4 000 personnes. En donnant cette image d’un parti résistant, le PCF sélectionne certains aspects de la guerre, comme le pacte germanosoviétique de 1939, et laisse penser qu’il est entré en résistance
dès le début du conflit alors qu’il n’est entré dans la Résistance en
tant que parti qu’à partir de juin 1941 (certains communistes sont
entrés individuellement en résistance dès 1940). Les actions résistantes des mouvements armés des FTP-MOI ou les actions de
cheminots communistes sont à l’origine de l’appellation du « parti
des fusillés » dont se pare le PCF. On insistera sur le sens idéologique fondamentalement différent que gaullistes et communistes
donnent à la Résistance : tandis que les gaullistes mettent en
avant une dimension identitaire et nationale, les communistes la
présentent comme un soulèvement populaire, inscrit dans la lutte
des classes, ce que laisse entrevoir l’expression des « lendemains
qui chantent » mentionnée sur l’affiche.
→Document 3 : La remise en cause du résistancialisme :
le choc du Chagrin et la Pitié
L’analyse de l’historien Jean-Pierre Azéma du choc qu’a représenté le film de Marcel Ophüls permet d’appréhender la deuxième grande période de l’histoire des mémoires de la Résistance.
Tourné en 1969, le film sort en salles en 1971 mais est refusé
par la télévision. À partir du montage d’images d’archives et de
témoignages filmés, le réalisateur construit un documentaire de
4 heures où alternent les témoignages d’anciens résistants, d’habitants ordinaires et d’anciens collaborateurs d’une petite ville
de province (région de Clermont-Ferrand) sous l’Occupation. Il
dénonce le mythe d’une France résistante et donne l’image d’une
population majoritairement attentiste. Malgré les critiques formulées par certaines personnalités, comme Germaine Tillion qui
estime que « de cet ensemble se dégage le profil d’un pays hideux.
Ce profil n’est pas ressemblant », le film provoque un véritable
basculement et impose un regard radicalement différent sur le
passé en dessinant l’image d’une France ternaire constituée d’un
petit nombre de résistants et de collaborateurs, et d’une masse
amorphe. Il s’impose avec la force d’une vérité que l’on aurait
voulu cacher et son audience doit beaucoup à ce qui est apparu
comme une fonction démystificatrice. Pour comprendre le choc
qu’a représenté ce film, il faut en rappeler le contexte : remise en
cause, dans le climat politique et intellectuel de 1968, de la parole
des générations précédentes, nouveaux questionnements sur le
passé de la part d’une génération née après la guerre, redistribution des forces politiques avec le déclin du gaullisme et du PCF
qui portaient la mémoire résistancialiste.
→Document 4 : Un lieu de mémoire de la Résistance :
le mont Valérien
La mémoire gaullienne s’incarne dans des discours, des actions
et des lieux, qui dessinent une véritable géographie du souvenir,
comme le mont Valérien à Suresnes. Dès 1945, cet ancien fort, où
plus d’un millier de personnes (résistants et otages) ont été fusillées par les Allemands pendant la guerre, est retenu pour accueillir
un monument aux morts de la guerre de 1939-1945. Quinze corps
de combattants, symbolisant les différentes formes des combats
pour la Libération, sont déposés dans une crypte. En 1954, une urne
contenant des cendres de déportés est déposée dans la crypte.
Devenu président de la République, le général de Gaulle décide
la création d’un mémorial, conçu par Félix Brunau, inauguré le 18
juin 1960, où a lieu une commémoration annuelle en hommage
aux morts de la Résistance. Symbole de la résistance gaullienne,
puis de toutes les résistances unifiées sous l’égide du général de
Gaulle, la croix de Lorraine massive et centrale se détache du mur
et est encadrée de bas-reliefs ; c’est l’élément architectural central du dispositif. On insistera sur la force symbolique de la date
d’inauguration qui fait écho au 18 juin 1940. On précisera que le
mont Valérien est aussi un lieu de mémoire communiste : les communistes organisent leur commémoration au mois de novembre
autour d’une dalle installée par les associations communistes dans
la clairière. Cette double célébration témoigne de la dualité commémorative, de l’éclatement des mémoires de la Résistance ainsi
que des enjeux politiques liés aux commémorations.
→Document 5 : L’historien face aux mémoires et au risque
d’instrumentalisation de l’Histoire
Cette interview de l’historien Pierre Laborie permet de revenir sur
la vulgate qu’a imposée Le Chagrin et la Pitié et de faire réfléchir
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
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Depuis les années 1990, les historiens nuancent fortement la
représentation véhiculée par le film pour au moins trois raisons.
Tout d’abord parce que c’est faire peu de cas du contexte dans
lequel la population a dû vivre cette période et de la difficulté à
entrer dans la résistance armée. Ensuite, parce que la Résistance
doit être envisagée dans ses multiples facettes et qu’elle ne pouvait tenir sans l’aide silencieuse d’une partie de la population :
c’est la notion de non-consentement forgée par Pierre Laborie,
sans aucun doute essentielle pour évoquer, à l’inverse, le comportement de ceux qui ont collaboré. Enfin, si les mémoires résistancialistes forgées après la guerre ont dominé l’espace public et
écrasé d’autres mémoires, dessinant une image mythique du pays
qui ne correspondait pas à la réalité, cela ne signifie pas que la
Résistance elle-même fut un mythe.
les élèves sur l’écriture de l’histoire et sur la difficulté d’appréhender le phénomène de la Résistance. Elle s’inscrit dans une nouvelle période historiographique qui se démarque de l’hagiographie
de la première période et de la condamnation quasi générale de
la seconde. Selon lui, le nouveau «  prêt à penser » qui s’impose
avec le film de Marcel Ophüls donne une lecture simple d’une
période extrêmement complexe et porte atteinte à la réalité de
la Résistance elle-même car, comme l’écrit l’historien britannique
Julian Jackson, s’il « existait bel et bien un mythe de la Résistance
qu’il fallait dégonfler, cela ne signifie pas que la Résistance ellemême fut un mythe ». Ainsi, Pierre Laborie conteste le fait de ne
compter dans l’acte résistant que la résistance armée et montre
que si celle-ci a pu tenir, c’est avec le soutien discret d’aides matérielles, de gestes de désobéissance, voire de silences, par définition non comptabilisables. C’est ce qu’il appelle une société du
« non-consentement ». L’absence de révolte n’est pas synonyme
de soumission ou d’acceptation, pas plus que le silence, comme
en témoigne l’exemple du poète René Char qui a eu la vie sauve
grâce au silence justement.
◗◗ Réponses aux questions
1. Dans ces documents, c’est l’image de Français majoritairement
résistants durant le conflit qui est mise en avant et qui s’incarne
dans des discours, des affiches et des mémoriaux destinés à célébrer la Résistance. Cette mémoire, portée tant par les gaullistes
que par les communistes jusqu’aux années 1970, a été qualifiée de
« résistancialiste » par l’historien Henry Rousso.
2.Le film de Marcel Ophüls, Le Chagrin et la Pitié, sorti en salles
en 1971, véhicule une représentation du passé sous l’Occupation
radicalement différente. Il impose l’image de Français majoritairement attentistes et fait de la Résistance un phénomène très
minoritaire. L’historien Jean-Pierre Azéma montre que le film est
une date charnière dans l’histoire des mémoires de la Résistance,
car, en allant à l’encontre des mémoires gaulliste et communiste
qui occupaient le devant de la scène médiatique et politique, il
impose une nouvelle vulgate d’autant plus puissante qu’elle se
présente comme la vérité enfin révélée face à la « mythologie
gaullienne ».
3. L’historien Pierre Laborie considère que le film, par un effet de
retour de balancier, a imposé une vision des comportements des
Français sous l’Occupation qui ne correspond pas à la réalité, et
qu’on est alors passé de la « démystification à la dénaturation ».
Considérer que la grande majorité des Français ont été lâches et
attentistes est une façon de dédouaner de leurs actes ceux qui
ont véritablement collaboré. De plus, si le phénomène résistant a
été gonflé jusqu’aux années 1970, la Résistance a été bien réelle et
n’est pas un mythe.
4.Pierre Laborie estime qu’en ne considérant que la résistance
armée, on oublie tous les actes de soutien, de non soumission, de
silence, qui ont permis à la Résistance de tenir. Pour lui, la Résistance ne passe pas seulement par les armes. Cela permet de montrer que le fait de résister peut prendre différentes formes, pas
forcément visibles mais bien réelles.
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◗◗ Vers l’analyse de document du Bac
De la Libération aux années 1970, les mémoires des gaullistes
et des communistes occupent le devant de la scène politique et
médiatique. En dépit de leurs divergences, elles mettent en avant
la Résistance dans le souvenir à garder de la Seconde Guerre
mondiale.
En 1971, le film de Marcel Ophüls Le Chagrin et la Pitié sort en
salles, provoquant un véritable basculement dans la représentation du comportement des Français durant l’Occupation. Pour
l’historien Jean-Pierre Azéma, ce film « fait date » dans l’histoire
des mémoires de la période car, en présentant la Résistance
comme un phénomène minoritaire, il va « à l’encontre » des
mémoires dominantes. Le documentaire fait alterner des témoignages d’anciens résistants, d’habitants ordinaires et d’anciens
collaborateurs d’une petite ville de province sous l’Occupation. Il
dénonce le mythe d’une France entièrement résistante et donne
l’image d’une population majoritairement attentiste, de Français
« mous, veules ». Pour l’historien, ce qui fait la force de ce film,
c’est sa fonction de démystification après des années de « résistancialisme », selon l’expression de l’historien Henry Rousso.
Comme l’évoque Jean-Pierre Azéma, le contexte explique en
grande partie ce basculement des représentations de la période
de guerre qu’incarne le film de Marcel Ophüls. Avec le déclin du
gaullisme et du communisme qui avaient porté la mémoire résistancialiste, dans le contexte de 1968 et de remise en cause de la
parole des générations précédentes, le film répond aux attentes
d’une génération née après la guerre qui s’affranchit du regard des
acteurs qui avait jusque-là dominé l’espace mémoriel.
En dépit des critiques qui s’expriment à la sortie du film, celui-ci
représente un tournant majeur dans l’histoire des mémoires de la
Seconde Guerre mondiale. Il impose durablement dans l’opinion
publique l’image d’une France constituée d’une minorité de résistants et de collaborateurs et d’une masse amorphe. Cette vision
est, depuis les années 1990, fortement nuancée par les historiens
qui s’attachent à interroger le phénomène de la Résistance dans
toutes ses dimensions et pas seulement dans sa dimension armée.
Étude 2 p. 30-31
L’historien et les mémoires de l’État français
L’évolution de la mémoire officielle de la Seconde Guerre mondiale témoigne du difficile et long cheminement de la mémoire
à l’histoire. S’il faut se garder d’imaginer que cette mémoire est
exclusive et qu’elle efface les autres mémoires, il n’en demeure pas
moins qu’elle pèse fortement dans la représentation que la nation
se fait de son passé, ne serait-ce que parce qu’elle occupe une
place dominante dans l’espace public et qu’elle diffuse un discours
qui participe à l’élaboration du récit national sur le passé. Analyser
son évolution permet de repérer le poids considérable du contexte
de sa naissance et les éléments qui ont autorisé une approche plus
distanciée du passé, donc plus historique. Si le travail de l’historien Robert Paxton, paru en France en 1973, bouleverse fondamentalement les représentations qui s’étaient imposées depuis la fin
de la guerre quant au rôle de l’État français et révèle le rôle actif
de Vichy dans la déportation des juifs et dans la collaboration
avec les nazis, il faut pourtant attendre le discours de Jacques
Chirac (premier président issu d’une génération n’ayant pas pris
part au conflit) en 1995 pour que la communauté nationale, par la
voix de son représentant, infléchisse sa vision officielle du passé
en intégrant les apports de la recherche historique et mette
ainsi fin à la longue occultation d’un passé pour le moins encombrant. La reconnaissance de la responsabilité de la France dans
la déportation des juifs et son choix de la collaboration ne font
plus débat, signe de l’apaisement mémoriel sur ces questions.
Les enjeux politiques, éthiques et historiques, se sont déplacés
sur d’autres sujets comme celui du « devoir de mémoire », qui a
accompagné le nouveau positionnement de l’État. Ce « devoir de
mémoire », invoqué tant par les associations que par une représentation nationale qui a voté plusieurs lois destinées à apaiser
des mémoires qui avaient souffert de leur occultation, entraîne
des réticences chez les historiens. Ces derniers s’inquiètent des
risques d’une injonction mémorielle qui entraverait leur liberté
de travail et imposerait une lecture officielle de l’histoire ; ils rappellent qu’au-delà du « devoir de mémoire », il y a un « devoir de
16 • Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
→Document 1 : Le mythe du bouclier et de l’épée
L’ouvrage de l’historien Robert Aron, publié en 1954, a dominé
durant 20 ans l’historiographie consacrée à Vichy et contribué à
fonder le mythe du « bouclier et de l’épée ». Selon ce mythe, il y
aurait eu une connivence entre Pétain et de Gaulle et un double
jeu de Vichy, Pétain devant préserver les Français occupés tandis que de Gaulle préparait l’offensive militaire depuis l’extérieur.
On ne peut suspecter Robert Aron de sympathies pour l’idéologie
nazie ou vichyssoise, mais son livre tend de fait à minorer le rôle
de Vichy dans la collaboration avec l’Allemagne nazie. L’explication, comme l’a montré Henry Rousso, tient en grande partie au
fait que la logique judiciaire pèse sur les premiers récits historiques sur Vichy, logique qui cherchait à évaluer le degré d’ « intelligence » avec l’ennemi et non la nature politique de Vichy. La plus
grande partie de la documentation sur laquelle s’appuie Robert
Aron provient des sténographies des procès de la Haute Cour. La
nature des documents consultés a donc induit une lecture faussée
du régime. Ce document permet ainsi de faire réfléchir les élèves
sur l’importance de repérer la nature des documents en histoire.
→Document 2 : Une responsabilité d’État occultée
Ce document met en vis-à-vis deux images du film d’Alain Resnais
réalisé en 1955, Nuit et Brouillard. Ce film mêle des images filmées
à Auschwitz en 1955, des images filmées par les Alliés lors de l’ouverture des camps, des photos extraites des archives nazies. Le
scénario du film est de Jean Cayrol, rescapé de Buchenwald, et le
conseiller scientifique principal est l’historien Henri Michel, secrétaire général du Comité d’histoire de la Seconde Guerre mondiale.
Cet organisme gouvernemental, fondé en 1951, est le commanditaire d’un film conforme à la vision que l’on a à l’époque de la
déportation : le génocide juif n’est pas abordé dans sa spécificité
(le mot « juif » n’est prononcé qu’une seule fois dans le film) ; on
évoque plutôt la déportation dite « politique » et aucune distinction n’est faite entre camps de concentration et d’extermination.
La photo d’un gendarme français surveillant le camp de Pithiviers
dans le Loiret, l’un des principaux camps d’internement et de
transit des juifs arrêtés, suscita la réaction de la commission de
contrôle cinématographique qui demanda son retrait. Alain Resnais se résigna à placer un bandeau noir pour masquer le gendarme. Ces deux images traduisent l’ambivalence des autorités
de l’après-guerre qui veulent informer sur la déportation et les
crimes nazis mais qui refusent d’assumer la réalité de la collaboration active de Vichy dans la déportation, incarnée par la figure du
gendarme surveillant le camp. Cette image censurée témoigne du
refoulement du passé qu’évoque Henry Rousso.
→Document 3 : Pétain et le statut des juifs : la preuve par
les archives
Ce document est le premier des six feuillets du Projet de loi sur le
statut des juifs débattu lors du conseil des ministres du 1er octobre
1940, adopté le 3 octobre et promulgué au Journal officiel le 18
octobre. Il a été remis au Mémorial de la Shoah par un donateur
anonyme par l’intermédiaire de Serge Klarsfeld et révélé par la
presse au grand public le 3 octobre 2010. Annoté de la main de
Pétain, il témoigne de son implication dans la rédaction de ce
statut et donc dans la politique d’exclusion des juifs. Les annotations de Pétain étendent le champ d’exclusion des juifs et le
nombre de personnes concernées : «  aux assemblées issues de
l’élection », « à tous les membres du corps enseignant ». Jusqu’à
la découverte de cette archive, l’antisémitisme de Pétain et son
rôle dans les mesures antisémites prises par Vichy étaient connus
par le témoignage de Paul Baudouin, ministre des Affaires étran-
gères de Vichy, qui écrivait en 1946 que lors de ce conseil des
ministres « c’est le maréchal qui se montre le plus sévère ». Le
document n’est donc pas en soi une véritable révélation. Mais il
apporte une preuve supplémentaire de la volonté du gouvernement de Vichy de s’aligner, de façon autonome, sur la politique
antisémite menée par les nazis en Europe et de l’antisémitisme
ouvert de Pétain lui-même.
→Document 4 : L’historien Robert Paxton révèle la nature
de Vichy
Le document est extrait de la préface de la deuxième édition
(1999) de La France de Vichy, paru en France en 1973. Robert Paxton y démontre, grâce entre autres à l’utilisation d’archives allemandes, que le choix de la collaboration revient au régime de
Vichy, que la thèse du « bouclier et de l’épée » ne peut être soutenue scientifiquement et que les mesures antijuives ont relevé
d’une initiative de Vichy. Son ouvrage est d’une telle importance
que Jean-Pierre Azéma parle de «  révolution paxtonienne ». De
fait, alors que, depuis la guerre, l’historiographie interrogeait les
responsabilités allemandes ou l’histoire de la Résistance, Paxton
opère une véritable révolution épistémologique en choisissant de
s’intéresser à l’État français lui-même plutôt qu’à l’occupant. En
déplaçant le regard et en mettant l’État français au cœur de sa
recherche, il montre que le gouvernement de Vichy a mené sa
politique propre, qu’il a fait le choix volontaire de la collaboration
d’État et d’une rupture avec le régime républicain. À une époque
de dénonciation croissante du résistancialisme et d’affirmation
dans la sphère publique de la mémoire juive de la Shoah, l’ouvrage
de Paxton permet de revenir sur le rôle occulté de l’État français.
À ce titre, il est d’une importance capitale, l’historien étant ici un
acteur des mémoires.
→Document 5 : Un tournant dans la mémoire officielle
Dans ce discours, prononcé par Jacques Chirac le 16 juillet 1995
pour commémorer la rafle du Vel’ d’Hiv, le chef de l’État rompt le
silence officiel qui prévalait jusque-là sur la question de la collaboration active de l’État avec les nazis dans la déportation de 76 000
juifs. En reconnaissant les fautes de l’État français, Jacques Chirac
prend acte à la fois des revendications mémorielles de la communauté juive et des investigations historiques menées depuis la
« révolution paxtonienne ». Ce discours représente un tournant
dans la mémoire officielle mais ne rompt pas totalement avec
le registre résistancialiste de la mémoire d’État. En effet, après
avoir reconnu la responsabilité de la France, le président rappelle l’héroïsme des résistants et joint à la commémoration des
victimes celle des « Justes parmi les nations ». On retrouve cette
dualité dans la loi de 2000 qui institue une journée nationale « à la
mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l’État
français et d’hommage aux « Justes » de France ». Au 1er janvier
2013, le titre de « Justes parmi les nations » avait été décerné à
3 654 personnes en France (24 811 dans le monde).
◗◗ Réponses aux questions
1. Ces deux documents véhiculent une image positive de Pétain
et de l’État français. L’extrait de Histoire de Vichy de Robert
Aron (1954) présente la théorie du « bouclier et de l’épée » selon
laquelle Pétain aurait cherché à protéger les Français des conditions de l’Occupation, en connivence avec de Gaulle qui, de son
côté, aurait préparé le combat contre les nazis depuis l’extérieur.
La photographie du film d’Alain Resnais, Nuit et Brouillard, dans
laquelle le gendarme français surveillant le camp de Pithiviers a
été dissimulé, témoigne quant à elle de la volonté des autorités
de cacher le rôle tenu par la France dans la déportation.
2.L’historien Robert Aron a utilisé des documents judiciaires pour
valider le mythe du bouclier. Or, ces documents sont non seulement
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
• 17
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connaissance », soulignant la spécificité de ces deux perceptions
du passé que sont la mémoire et l’histoire.
partiels mais surtout traduisent l’argumentation de la défense des
dignitaires de Vichy. Ils ne sont donc pas fiables.
3.L’historien Robert Paxton a démontré, grâce à son travail
sur archives dont des archives allemandes, que la collaboration
comme les mesures antisémites du gouvernement de Vichy
avaient été décidées par Vichy et non imposées par les Allemands,
et que la théorie du « bouclier et de l’épée » était un « stratagème » utilisé par la défense de Pétain lors de son procès et ne
reposait sur aucune base scientifique.
4. Dans son discours du 16 juillet 1995 qui commémore la rafle du
Vel’ d’Hiv, le président de la République Jacques Chirac prend acte
des révélations faites par les historiens sur le rôle actif tenu par
l’État français dans la déportation des juifs. Parallèlement, il rend
hommage aux « Justes » de France qui ont sauvé des juifs pendant
la guerre, intégrant ainsi les recherches historiques récentes.
◗◗ Vers l’analyse de document du Bac
Le 16 juillet 1995, le président de la République Jacques Chirac prononce un discours qui fait date dans l’histoire de la mémoire officielle de la Seconde Guerre mondiale. Ce discours est prononcé
à l’occasion de la commémoration de la rafle du Vel’ d’Hiv qui a
constitué la plus grande rafle de juifs sur le sol français, les 16 et
17 juillet 1942, lorsque 13 000 personnes furent arrêtées à Paris et
en région parisienne par les forces de l’ordre françaises, puis internées dans les camps de Drancy et du Loiret, avant d’être envoyées
dans les camps d’extermination.
Dans ce discours, le chef de l’État reconnaît officiellement la
responsabilité de l’État français dans la déportation des juifs
pendant la guerre : « Oui, la folie criminelle de l’occupant a été
secondée par des Français, par l’État français. » En reconnaissant
les fautes de la France, « la France, ce jour-là, commettait l’irréparable », le président rompt avec le silence des autorités françaises à ce sujet. En effet, depuis la guerre, elles avaient minoré,
voire occulté, le rôle de Vichy dans la déportation de 76 000 juifs
(comme en témoigne l’image censurée du gendarme français
dans le film Nuit et Brouillard d’Alain Resnais en 1956), et avaient
considéré que Vichy était une parenthèse tragique de l’histoire
de France. De cette manière, Jacques Chirac prend acte au nom
de l’État des revendications mémorielles de la communauté juive
et intègre les travaux d’historiens qui, depuis l’ouvrage majeur de
Robert Paxton La France de Vichy en 1973, ont démontré le rôle
actif du gouvernement du maréchal Pétain dans la déportation
et sa collaboration volontaire avec les nazis. Si le président de la
République reconnaît cette collaboration d’État, il intègre dans
son discours les recherches historiques récentes en soulignant
aussi le rôle des « Justes » (3 654 personnes en France) qui ont,
« au péril de leur vie », sauvé des juifs pendant l’Occupation.
Ce discours est un tournant dans l’histoire de la mémoire officielle de la Seconde Guerre mondiale et témoigne d’une nouvelle
période, sans doute plus apaisée et plus historique, des mémoires
de guerre.
Étude 3 p. 32-33
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L’historien et les mémoires de la Shoah
L’étude de l’évolution des mémoires de la Shoah dans l’espace
public donne à voir les différents rythmes mémoriels de la
Seconde Guerre mondiale, la place qu’y occupent les historiens et
les groupes porteurs de mémoire, et le poids du contexte national et international dans leur expression. Alors que, dès la guerre,
des résistants juifs œuvrent à la conservation des traces du génocide (création en 1943 du CDJC), après 1945, la parole des témoins
peine à trouver un espace public d’expression : la spécificité du
génocide juif se manifeste difficilement dans la mémoire officielle.
Différents éléments, qui tiennent à la fois au contexte international et national, vont peu à peu permettre son expression.
Au niveau international, le procès Eichmann est déterminant dans
la libération de la parole des témoins, tandis que les guerres au
Moyen-Orient (guerre des Six Jours et guerre de Kippour) réactivent le sentiment d’appartenir à une communauté menacée et
rappellent l’impérieuse nécessité de témoigner de la Shoah.
À l’échelle nationale, c’est tout d’abord la mise en cause de la
mémoire résistancialiste et le retour sur le rôle de l’État français
dans la déportation qui rendent possible la plus grande visibilité
de la mémoire spécifique du génocide ; le lien doit être fait entre
l’affaiblissement de la mémoire dominante et l’expression de
mémoires qu’elle avait occultées, que vient de surcroît interroger
la génération des petits-enfants de déportés. C’est aussi la montée
de l’extrême droite et le développement des thèses négationnistes
qui entraînent l’obligation d’une réaction et l’affirmation de cette
mémoire.
Plus qu’à un « réveil » de la mémoire juive du génocide, qui laisserait supposer que celle-ci était endormie, c’est bien à l’ouverture d’un espace d’expression qu’on assiste à partir des années
1970. L’expression et l’écriture de cette mémoire historique sont
alors le fait de plusieurs acteurs : historiens de profession qui s’attachent à travailler sur le processus d’extermination et sur le rôle
qu’y a joué la France ; associations juives qui mènent un travail
de mémoire et d’histoire en collectant tous les types de documents ayant trait au génocide, en cherchant à retracer l’itinéraire
de tous ceux qui en ont été les victimes et en les donnant à voir
dans l’espace public (comme par le biais de plaques commémoratives installées dans les lieux publics), en traquant les criminels qui
ont participé à la déportation et à l’extermination ; artistes qui,
comme le cinéaste Claude Lanzmann, font s’exprimer les différents témoins de la période ; instances judiciaires qui, par le biais
de procès relayés par les médias, jouent un rôle capital de vecteur
mémoriel et font intervenir à la barre des historiens afin d’éclairer
la période ; autorités politiques nationales et internationales qui,
par le vote de lois condamnant le négationnisme (loi Gayssot) et
par l’instauration de journées commémoratives (celle du 27 janvier
adoptée par l’ONU en 2005), donnent à la spécificité du génocide
une place centrale dans les mémoires du conflit.
→Document 1 : La difficulté de témoigner de la Shoah
Le 1er novembre 2005, l’ONU décide de consacrer une journée
« internationale de commémoration en mémoire des victimes de
l’Holocauste », le 27 janvier, jour de la libération du camp d’Auschwitz-Birkenau. C’est dans ce cadre que Simone Veil prononce,
le 26 janvier 2006, un discours lors d’une conférence à Amsterdam. L’extrait qui en est proposé ici permet en premier lieu de
souligner la sélectivité de la mémoire de la déportation : c’est
en effet la déportation dite « politique » qui s’est affirmée dès
1945 dans l’espace public, dans le contexte de construction d’une
mémoire collective marquée par la volonté de rédemption nationale. Cet extrait témoigne ainsi de la pluralité des mémoires et de
leur éventuelle concurrence quant à leur expression dans l’espace
public. Il permet également d’expliquer que, comme l’ont montré
les travaux d’Annette Wieviorka, les rescapés juifs des camps de
la mort ont, dès l’après-guerre, voulu témoigner mais qu’aucun
espace du dicible n’existait pour les entendre. Bien plus que le
silence des victimes, c’est la difficulté de l’écoute qu’il faut mettre
en évidence.
→Document 2 : Plaque apposée dans une gare parisienne
à la mémoire des juifs de France déportés
Cette plaque commémorative a été apposée dans la cour des arrivées de la gare d’Austerlitz, à Paris, à l’initiative de l’association
18 • Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
→Document 3 : L’histoire de la mémoire de la Shoah, sujet de
débat entre historiens
Cet échange entre deux historiens spécialistes de l’histoire de la
Shoah a pour objectif de montrer que l’histoire est une science
vivante et que la question de la mémoire est en elle-même un
objet d’histoire. L’échange suit la parution de l’ouvrage de François Azouvi, Le Mythe du grand silence, qui conteste la thèse selon
laquelle la Shoah a fait l’objet d’une occultation totale après la
guerre. Selon lui, la conscience de la spécificité du génocide juif
est présente dans l’opinion. Elle s’exprime au-delà des sphères
intellectuelles grâce, par exemple, aux activités de la commission du souvenir du Conseil représentatif des institutions juives
de France qui organise, dès 1946, une commémoration annuelle
devant le Vélodrome d’Hiver en hommage aux victimes de la rafle
de 1942. Henry Rousso considère quant à lui qu’il y a une réelle
rupture dans cette mémoire de la Shoah et que c’est seulement
dans les années 1980 que la question de la Shoah devient véritablement centrale. La lecture de cet échange montre combien, en
France, la question de la spécificité de la Shoah est liée à celle de
Vichy et à celle de la reconnaissance de la responsabilité de l’État
français dans la déportation.
→Document 4 : Papon condamné pour complicité de crime
contre l’humanité
Cette une de Libération témoigne de l’intérêt médiatique suscité
par les procès des criminels des années noires et de l’importance
de la justice comme vecteur mémoriel. Maurice Papon était secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous l’Occupation. À
ce poste, il avait ordonné l’arrestation, l’internement au camp de
Mérignac, puis le transfert vers Drancy de 1 690 juifs entre 1942 et
1944. Son procès débute en 1997 à la cour d’assises de Bordeaux
qui le condamne à 10 ans de prison ferme pour complicité de crime
contre l’humanité. Maurice Papon, à qui le général de Gaulle avait
accordé sa confiance lorsqu’il était préfet de police de Paris et qui
fut ministre du Budget dans le gouvernement de Raymond Barre,
symbolisait la collaboration active de l’administration française
dans la déportation des juifs qui ne fut pas ou peu inquiétée à la
fin de la guerre. Pour l’historien Henry Rousso, ce procès représente une « seconde épuration », plus centrée sur la question du
génocide que ne le fut celle de l’après-guerre. Ce procès nourrit
également le débat sur la responsabilité des fonctionnaires et alimente la réflexion sur la notion de « crime de bureau », qu’Hannah Arendt avait initiée lors du procès Eichmann. Au cours du
procès, des historiens ont été appelés à la barre pour éclairer le
contexte de ces années noires. Jean-Pierre Azéma et Robert Paxton acceptèrent de venir déposer à titre d’experts mais leur participation a divisé la communauté des historiens.
◗◗ Réponses aux questions
1. Différents éléments expliquent la difficile prise en compte de la
parole des victimes de la Shoah au sortir de la guerre : la volonté
de « tourner la page » des années sombres, le sentiment de culpabilité face à l’horreur de la découverte des camps, la nécessité de
panser les blessures de la période et de retrouver l’unité nationale,
la « concurrence » entre la mémoire des déportés juifs et celle des
déportés politiques dont les survivants furent bien plus nombreux, et
la suspicion vis-à-vis des témoignages.
2.La mémoire de la Shoah est portée par des associations qui
mènent un long travail de mémoire, comme l’association des Fils et
Filles de déportés juifs de France, fondée par les Klarsfeld en 1979.
Ces associations œuvrent à l’installation de plaques commémoratives dans des lieux publics, contribuant ainsi à rendre cette mémoire
plus visible. La justice est aussi un vecteur essentiel de la mémoire
de la Shoah car les procès, comme celui de Maurice Papon dont le
verdict est rendu en 1998, sont l’occasion d’une confrontation avec
le passé collaborateur de Vichy et témoignent des crimes contre
l’humanité dont les juifs ont été les victimes.
3. Les deux historiens, François Azouvi et Henry Rousso, ne partagent pas la même analyse sur la façon dont la Shoah a été prise
en compte dans l’espace public au sortir de la guerre. Pour Henry
Rousso, le silence l’a emporté jusqu’aux années 1980 et la Shoah n’a
pas représenté un « problème public majeur ». De son côté, François Azouvi considère que la Shoah n’a pas fait l’objet de silence et
que son histoire n’a pas été occultée.
4. Pour écrire l’histoire de la Shoah, les historiens s’appuient sur les
témoignages des rescapés, sur les documents administratifs rédigés par les autorités de la période, sur la presse et sur les éléments
révélés lors des procès.
◗◗ Vers la composition du Bac
Durant la période de l’Occupation, plus de 76 000 juifs de France
ont été déportés vers les camps de la mort et seulement 2 500
d’entre eux, soit 3 %, en sont revenus.
Jusqu’aux années 1980, la mémoire du génocide peine à se faire
entendre dans l’espace public et à acquérir une place dans la
mémoire officielle. À leur retour, comme l’explique Simone Veil,
les rescapés sont confrontés à l’immense difficulté de témoigner
de leur expérience. Non qu’ils ne veuillent parler, mais bien plutôt
parce que l’époque ne veut pas les entendre. Leur mémoire entre
en concurrence avec celle, plus glorieuse et moins culpabilisante,
des déportés politiques. De plus, l’occultation de la responsabilité
de l’État français dans la déportation et le désir de rédemption
nationale après les épreuves laissent peu de place à l’expression
de la mémoire du génocide, que l’on préfère oublier.
À partir des années 1980, la Shoah, comme l’explique l’historien
Henry Rousso, devient « une question publique structurelle de
la conscience collective internationale » et la parole des témoins
se libère. Grâce à l’action d’associations, comme celle des Fils et
Filles de déportés juifs de France fondée par les époux Klarsfeld
en 1979, et aux procès médiatisés de criminels français ayant participé au génocide et traduits devant la justice (procès Papon en
1998), la communauté juive obtient une reconnaissance qui se
matérialise notamment par l’installation dans l’espace public de
plaques commémoratives à la mémoire des victimes, par le vote
d’une loi mémorielle condamnant le négationnisme (loi Gayssot
en 1990) ou par la création de mémoriaux (Mémorial de la Shoah
en 2005) faisant œuvre à la fois de mémoire et d’histoire.
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
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des Fils et Filles de déportés juifs de France. Fondée en 1979, cette
association s’est donné pour but de rechercher les responsables
de la Shoah encore en vie pour les traduire en justice et de regrouper, archiver et diffuser toutes les informations sur le génocide
en France. Son action témoigne de l’importance du travail des
groupes porteurs de mémoire pour redonner existence et visibilité aux victimes de la Shoah. Le dépôt d’une plaque dans une gare
parisienne est lourd de sens puisque c’est de là que les 76 000 juifs
de France ont été déportés. Le président de la SNCF, Guillaume
Pepy, a reconnu en 2011 les responsabilités de l’entreprise qui fut
« un rouage de la machine nazie d’extermination ». L’installation
de plaques dans l’espace public, bien connue des élèves puisque
des centaines de plaques ont été apposées dans différents lieux
publics dont des écoles, témoigne d’un autre temps de la mémoire
du génocide. Plus qu’un « réveil de la mémoire juive » de la Shoah,
c’est bien sa visibilité et son audibilité qui changent alors.
Histoire des Arts p. 34-35
Cinéma et mémoires de la Seconde Guerre mondiale
Le cinéma est une source précieuse pour identifier et parcourir l’itinéraire des mémoires de la Seconde Guerre mondiale. Le nombre
d’heures dont nous disposons en Terminale S pour traiter le programme d’histoire rend difficile le visionnage de films dans leur
intégralité. C’est la raison pour laquelle nous avons fait le choix
de proposer l’analyse comparative des affiches de deux films, La
Bataille du rail et Shoah qui incarnent deux périodes mémorielles
différentes et qui permettent d’en souligner les enjeux. Les affiches
jouent un rôle essentiel dans le matériel promotionnel d’un film,
car elles doivent susciter l’intérêt et la curiosité des spectateurs et
être porteuses d’un message immédiatement compréhensible qui
peut passer par le choix d’une image symbolique, par celui de la
typographie et des couleurs, ou par la composition d’ensemble. Le
message visuel qu’elles adressent au public, et dans un deuxième
temps à l’historien, est riche d’enseignement. En effet, miroir de
l’époque qui les a vues naître, les affiches participent à la construction de la mémoire collective tout en concourant à son évolution,
à son infléchissement. L’étude peut être menée soit en début de
chapitre afin de provoquer d’emblée la réflexion des élèves sur
le message porté par les affiches et la prolonger ensuite par les
études thématiques, soit en fin d’étude, sous forme de bilan, pour
leur faire repérer les périodes mémorielles dont témoignent les
choix artistiques opérés par les cinéastes et les concepteurs des
affiches.
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→Document 1 : 1946, La Bataille du rail, des héros ordinaires
La Bataille du rail de René Clément est le premier film qui traite
de la résistance ferroviaire et son objectif est de mettre en valeur
l’action héroïque et résistante des cheminots pendant l’Occupation. Le film se veut un document plus qu’une fiction et, à sa
sortie, la promotion insiste sur son caractère réaliste : les acteurs
sont des cheminots, les scènes ont été tournées dans les ateliers de la SNCF et non en studio, la rédaction du scénario s’est
appuyée sur la collecte de nombreux témoignages.
Dans sa forme, le film combine fiction et documentaire : la première partie montre des actes de sabotage ou de résistance
que décrit une voix off, la deuxième partie suit un convoi blindé
allemand que les cheminots vont faire dérailler. L’objectif est de
donner à voir l’image d’une France résistante (aucune allusion
n’est faite à la collaboration), sûre de ses valeurs. En ce sens, le
film est une parfaite traduction de l’état d’esprit résistancialiste
d’après-guerre, en même temps qu’il participe à son enracinement, comme en témoigne la clausule de présentation adressée
par la production aux journalistes : « Dans La Bataille du rail, la
France aura à son tour un aspect de son épopée à présenter au
monde. » L’affiche traduit la dimension mythologique et héroïque
de ce message en attirant notre attention sur le visage du cheminot résistant qui occupe presque la moitié de l’affiche et dont
le regard grave et embué de larmes est dirigé vers l’avant, vers le
déraillement du train qui va se produire. Le rouge sur son visage
et sur le bandeau du bas de l’affiche évoque le danger, le sang
et la mort vers laquelle le cheminot se dirige, par sacrifice à la
cause commune. Il est représenté en héros, contrairement aux
Allemands sur le côté, en noir et blanc et beaucoup plus petits.
L’image et son message sont renforcés par les slogans et par
l’hommage collectif aux « cheminots de France » qui englobe
l’ensemble de la corporation du rail dans l’action.
→Document 2 : 1985, Shoah, l’ère du témoin
L’œuvre de Claude Lanzmann occupe une place singulière et essentielle dans l’histoire des mémoires de la guerre : « Shoah témoigne
de et concourt à l’arrivée sur la scène publique de la mémoire de la
persécution des juifs et du génocide » (fiche Eduscol). C’est d’une
nouvelle période mémorielle, celle de l’ère des témoins, dont le
film témoigne. Mais il est aussi l’un des vecteurs majeurs de la
diffusion de cette mémoire. Sorti en 1985, il a regroupé depuis
près de 100 millions de spectateurs dans le monde. La forme et le
fond expliquent la singularité de cette œuvre cinématographique
et poétique. À partir de 350 heures de prises de vues, le cinéaste
a réalisé un film de près de 10 heures où s’entrelacent les témoignages, où les récits des différents « acteurs » se répondent,
créant ainsi un phénomène d’écho qui permet de comprendre
comment s’est déroulée la Shoah et qui, comme une réponse
implacable aux négationnistes, conduit le spectateur pas à pas
dans le mode de production de la mort. Si la forme du film se
rapproche du documentaire, Claude Lanzmann préfère parler de
« non-fiction » pour évoquer ce combat contre l’oubli qui semble
gommer la distance entre passé et présent par le retour sur les
lieux du génocide, par la priorité donnée à la parole des témoins,
par les gros plans sur les visages et le temps donné aux silences,
par les images de convois, de voies ferrées qui mènent à la mort.
Tout dans l’affiche fait sens et saisit : la sobriété ; la géométrie de
sa construction qui enchâsse la figure du témoin dans un carré
central déposé au devant d’une noire locomotive qui semble la
pousser sur les rails ; le visage de cet homme où le passé paraît
se rejouer ; son regard qui nous conduit, nous les vivants, vers les
morts ; la répétition du nom de « Treblinka » qui suffit à l’évocation ; Shoah en majuscules rouge sang. Dans cette affiche illustrant la période mémorielle marquée par la figure du témoin, c’est
avant tout dans le regard de l’homme au centre de l’affiche que le
nôtre vient plonger.
◗◗ Réponses aux questions
1. Au premier plan, le visage d’un cheminot occupe presque la
moitié de l’affiche de La Bataille du rail. Sur le côté, en plus petit,
un groupe de soldats allemands en noir et blanc surveille les alentours. En arrière plan, fuyant vers le lointain, la voie ferrée se perd
dans la brume. Le titre en capitales blanches se trouve dans un
bandeau rouge en bas de l’affiche, accompagné d’une formule
accrocheuse, « Une œuvre puissante et gigantesque », écrite en
lettres cursives et, en dessous, la référence aux commanditaires
du film. En haut de l’affiche, on trouve le nom du cinéaste René
Clément et, dans le coin à gauche, en capitales blanches sur fond
noir, une dédicace aux « cheminots de France ».
L’affiche de Shoah de Claude Lanzmann est composée de façon
géométrique, enchâssant différents carrés et rectangles. Les couleurs
utilisées sont le noir, le blanc et le rouge. Au centre de l’affiche, un
carré isole le visage d’un homme qui sort la tête d’un train et on peut
lire en bas à gauche du carré : « Treblinka ». Derrière ce carré, un
rectangle dessine le cadre d’une gare («  Treblinka » à nouveau) où
l’on voit l’avant d’une locomotive noire. Deux bandeaux blancs
enserrent ces images : en bas apparaît en lettres capitales noires
et rouges le nom du réalisateur, et en haut, en grosses capitales
rouges : Shoah.
2.Dans l’affiche de La Bataille du rail, le rouge colore tout le
visage du cheminot et est utilisé en fond du bandeau au bas de
l’affiche. Il évoque le danger, le sang et la mort qui attend le cheminot. Dans l’affiche de Shoah, le rouge encadre en haut et en bas
les images centrales et est utilisé surtout pour le titre du film. Il
évoque la mort, la violence, le massacre.
3.Dans l’affiche de La Bataille du rail, le cheminot est dessiné
de façon réaliste : son visage porte des traces de charbon, c’est
l’homme au travail qui est représenté. Déterminé, il regarde au
loin vers l’action qu’il va commettre et symbolise l’héroïsme des
résistants. Dans l’affiche de Shoah, la photographie de l’homme
au centre est celle d’un témoin qui revient sur les lieux du génocide, son visage est marqué, c’est celui d’une victime de la Shoah.
20 • Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
5. La Bataille du rail est une œuvre de fiction même si le réalisateur cherche à lui donner un statut de document. Shoah s’apparente à un documentaire.
6.L’affiche de La Bataille du rail témoigne de la période du résistancialisme tandis que celle de Shoah témoigne de l’ère du témoin.
◗◗ Vers l’analyse de documents du Bac
Dès la fin du conflit, le cinéma s’est emparé de la Seconde Guerre
mondiale pour en faire le sujet d’œuvres de fiction ou de documentaire. Les affiches qui présentent les films au public, par les
choix esthétiques et symboliques qu’elles opèrent, témoignent
des mémoires de la Seconde Guerre mondiale et permettent d’en
retracer l’itinéraire.
Dans l’affiche de La Bataille du rail, film de René Clément sorti
en 1946 qui évoque la résistance ferroviaire, le dessin du visage
d’un cheminot sortant du hublot de la locomotive occupe presque
la moitié de l’espace, tandis que les soldats allemands, en beaucoup plus petit, sont relégués sur le côté gauche. Coloré de rouge,
le cheminot attire notre attention et son regard, déterminé et
embué de larmes, porte au loin, vers l’action de sabotage qu’il va
commettre, au risque de sacrifier sa vie pour la cause de la Résistance. L’affiche de Shoah de Claude Lanzmann, sorti en 1985, est
très sobre et construite de façon géométrique. Différents carrés
et rectangles sont emboîtés, à l’image de la construction narrative du film qui enlace les témoignages des différents « acteurs »
du génocide. Au centre, dans un carré, la photographie du visage
marqué d’un homme qui se penche à la fenêtre d’un train, le regard
angoissé, et l’inscription : « Treblinka ». Derrière cette photo, une
autre photographie rectangulaire où apparaissent une locomotive
et la gare de Treblinka. Le titre du film, Shoah, est inscrit en capitales rouge sang en haut de l’affiche.
Ces deux affiches témoignent de deux temps mémoriels différents
de la Seconde Guerre mondiale. L’affiche de La Bataille du rail s’inscrit dans la période résistancialiste, mettant en avant l’héroïsme
de la Résistance et rendant hommage à l’ensemble de la corporation du rail. Il s’en dégage une impression d’épopée ; la figure
du cheminot symbolise la France unanime en résistance. L’affiche
de Shoah s’inscrit dans la période que les historiens ont qualifiée
d’ère du témoin qui, à partir de la fin des années 1970, donne une
place centrale dans la mémoire de la guerre aux victimes du génocide, dont la mémoire avait été occultée par le résistancialisme.
Les héros cèdent alors la place aux victimes, comme en témoigne
la représentation des personnages sur les affiches.
Le cinéma reflète les mémoires dominantes de son époque mais il
participe aussi à la construction de ces mémoires en diffusant, par
sa puissance visuelle et narrative, une représentation du passé.
Cours 1 p. 36-37
L’historien et la construction des mémoires de 1945
aux années 1970
•Présentation
Ce premier cours, qui a pour objet la construction des mémoires de
la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux années 1970, est construit
de façon chronologique afin que les élèves puissent, dans l’optique
de la composition du Bac, repérer à la fois le poids du contexte
dans l’élaboration des mémoires et les évolutions que la distance
vis-à-vis de l’événement va permettre. Il induit, comme l’exige le
programme, une lecture historique de ces mémoires en donnant
une place centrale au travail des historiens et en montrant que les
mémoires sont, en elles-mêmes, objet d’histoire. Il montre enfin
que s’il existe une mémoire dominante, elle est pourtant plurielle
et ne signifie pas l’absence, à d’autres échelles, de mémoires plus
discrètes sur la scène publique mais vivaces pour certains groupes.
• Choix des documents « appuis » du cours
Les documents indiqués dans les marges doivent permettre aux
élèves d’étayer leur raisonnement avec des exemples précis,
documents qui peuvent par ailleurs faire l’objet d’une étude au
Baccalauréat. Ils ont donc pour objet non seulement d’illustrer le
cours mais aussi de provoquer une analyse spécifique. Ces renvois
documentaires permettent enfin de repérer les documents clés
dans les études, à partir desquels une thématique spécifique des
mémoires peut être abordée. Les biographies de personnages ont
été sélectionnées pour faire apparaître différents types d’acteurs
du thème : historiens, hommes politiques, fondateurs d’associations impliqués dans le travail mémoriel.
Cours 2 p. 38-39
L’historien et le renouvellement des mémoires
des années 1970 à nos jours
•Présentation
Ce deuxième cours, qui a pour objet le renouvellement des
mémoires depuis les années 1970, suit lui aussi un déroulement chronologique, jusqu’aux travaux historiques actuels qui
témoignent de la vivacité de la discipline historique et de son
nécessaire questionnement permanent. Il met en valeur le rôle
des différents groupes porteurs de mémoire ainsi que l’importance des vecteurs divers de la diffusion des mémoires, vecteurs
qui ne se limitent pas aux historiens, comme l’illustre la place
essentielle du cinéma et des instances judiciaires dans la représentation du passé. Il insiste enfin sur les rapports à la fois complémentaires et conflictuels de ces deux perceptions du passé que
sont la mémoire et l’histoire et en souligne les enjeux.
• Choix des documents « appuis » du cours
Comme pour le cours précédent, les documents indiqués dans les
marges doivent permettre aux élèves d’étayer leur raisonnement
avec des exemples précis, documents qui peuvent par ailleurs
faire l’objet d’une étude au Baccalauréat. Ils ont donc pour objet
non seulement d’illustrer le cours mais aussi de provoquer une
analyse spécifique. Ces renvois documentaires permettent enfin
de repérer les documents clés dans les études, à partir desquels
une thématique spécifique des mémoires peut être abordée. Les
biographies de Robert Paxton et de Jacques Chirac, personnages
clés de l’évolution des mémoires, doivent être connues des élèves,
c’est pourquoi elles sont ici mises en évidence.
Prépa Bac p. 40-41
◗◗ Composition
Sujet guidé : L’historien et le renouvellement
des mémoires de la Seconde Guerre mondiale
en France depuis les années 1970.
1. Analyser le sujet
Pour l’historien, les mémoires sont des ressources qu’il étudie,
confronte afin d’expliquer l’histoire. Le terme « renouvellement »
indique un changement important. Les « Mémoires » sont plurielles : de la résistance, de l’État français, de la Shoah, etc. Les
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
• 21
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4.La composition des deux affiches illustre les messages portés
par les deux films et provoque chez celui qui les regarde des sentiments différents. La Bataille du rail se veut une épopée où l’action
prédomine, tandis que Shoah nous amène à faire route auprès des
victimes du génocide.
années 1970 correspondent à une évolution des mémoires car les
sources deviennent plus nombreuses pour les historiens.
2. Présenter le sujet
La phrase qui correspond le mieux au sujet est la première car elle
aborde à la fois le rôle des historiens (ce n’est pas le cas de la troisième) et les conséquences sur le renouvellement des mémoires
(ce n’est pas le cas de la deuxième).
7. Comment présenter votre devoir ?
Une composition entièrement rédigée est proposée ci-dessous.
Les passages rédigés des paragraphes 2 et 3 qui ne figurent pas dans
le manuel de l’élève sont en italique. Les réponses demandées aux
élèves sont en italique gras.
Les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France sont
variées et portées par des acteurs multiples. Les historiens, pour
qui elles constituent une ressource et un objet d’études, ont
contribué à les faire connaître et à en faire une lecture historique notamment depuis les années 1970, période où les sources
deviennent plus nombreuses. Quel est donc le rôle des historiens
dans le renouvellement des mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France depuis les années 1970 ? On rappellera d’abord
le contexte favorable à ce renouvellement. Puis, on analysera le
travail de l’historien face à la mémoire officielle et enfin son rôle
face à l’émergence de mémoires plurielles.
Depuis les années 1970, le contexte est favorable au renouvellement des mémoires.
À la fin des années 1960, un réexamen critique de l’histoire officielle est possible. Avec le départ de du général de Gaulle du
pouvoir et le déclin du parti communiste, la critique des deux
mémoires dominantes se développe. Ainsi, le culte d’une France
massivement résistante, le résistancialisme, est-il remis en cause.
Par ailleurs, une nouvelle génération d’historiens apparaît. Nés
après la guerre ou étrangers, ils portent un regard nouveau sur le
conflit. C’est le cas en 1973 de l’historien américain Robert Paxton qui publie La France de Vichy. Il y révèle le rôle de complice
actif de l’État français du maréchal Pétain auprès des nazis dans
la déportation des juifs.
L’accès à de nouvelles sources permet aussi cette évolution. Les
historiens se penchent sur les archives, à l’image de Paxton qui
dépouille les télégrammes et notes envoyés par Vichy à Berlin.
La recherche de témoins participe également à la connaissance.
Des associations de déportés juifs s’attachent à rechercher les
responsables survivants de la Shoah pour les traduire devant la
justice et dresser le bilan le plus précis possible du génocide.
Une nouvelle vision de la Seconde Guerre mondiale devient alors
possible en France.
© Hachette Livre 2014
La mémoire officielle se retrouve ainsi soumise au regard et à la
critique de l’historien.
La mémoire officielle a longtemps présenté une vision sélective
de la guerre. Il s’agissait alors de reconstituer l’unité nationale mise
à mal par la période de Vichy et menacée par l’épuration. Gaullistes et communistes imposent leurs mémoires à l’opinion publique.
Toutes deux mettent en avant le rôle essentiel de la Résistance en
France et célèbrent de grandes figures comme celle de Jean Moulin.
Le travail des historiens, notamment leur participation à des
procès en tant qu’experts, a favorisé l’évolution de cette mémoire
vers une reconnaissance de la pluralité des acteurs et des vécus,
masquée jusqu’aux années 1970 par le résistancialisme. Les procès
médiatisés de Klaus Barbie en 1987 et de Maurice Papon en
1997 permettent aux historiens d’expliquer le fonctionnement et les
conséquences de l’occupation et de la collaboration.
Cependant, la tentation des politiques d’établir des vérités historiques officielles soulève le débat entre histoire et mémoire. Les
lois mémorielles votées par le Parlement au début des années 1990
provoquent l’inquiétude de certains historiens qui les considèrent
comme une intrusion du politique dans l’écriture de l’histoire.
Au-delà des polémiques, les travaux des historiens permettent
une meilleure connaissance de la période de guerre.
Ils rendent aussi compte de la complexité de cette période.
De nouvelles mémoires émergent qui sont autant de sujets
d’étude pour les historiens. Outre la mémoire juive, celles des prisonniers de guerre ou des «  Malgré-Nous », longtemps occultées, font l’objet de recherches et d’expositions.
Face à ces mémoires plurielles, le travail des historiens consiste à
questionner tous les acteurs de la guerre. Ils confrontent les différentes mémoires avec les témoignages et les archives. Cela leur permet de proposer une lecture de l’histoire comme le fait Henri Rousso
sur la mémoire de la Shoah.
Mais, l’historien doit aussi faire face à la concurrence des
mémoires tout en se dégageant de la pression exercée par les
groupes dominants notamment sur le monde politique.
Le rôle de l’historien est donc de présenter de la façon la plus
objective cette période tourmentée.
Les historiens ont permis par leurs travaux d’éclairer d’un jour
nouveau l’histoire de la Seconde Guerre mondiale et d’en renouveler les mémoires. Cependant, face au devoir de mémoire que
réclame la société actuelle, les historiens sont sans cesse obligés
de rappeler que leur rôle est d’expliquer et non de commémorer
ou de soutenir des vérités « officielles ».
Sujet en autonomie : L’historien et les mémoires de la
Résistance et de la collaboration en France depuis la
fin de la Seconde Guerre mondiale.
Dès 1945, des mémoires émergent, portées par différents acteurs
ayant vécu la guerre. Les historiens vont progressivement s’y
intéresser pour mieux connaître cette période tant du côté de la
Résistance que de celui du régime de Vichy. On peut s’interroger
sur le rôle de l’historien dans l’évolution des mémoires de la Résistance et de la collaboration depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale. Les années d’après-guerre sont marquées par le poids
du résistancialisme mais le travail des historiens remet peu à peu
en cause cette mémoire officielle et permet une nouvelle lecture
historique de la Résistance et de la collaboration.
1. Le poids du résistancialisme
A. Une mémoire portée par les gaullistes et les communistes.
B. La nécessité de refaire l’unité nationale.
2. Le travail des historiens remet en cause la mémoire officielle
A. Le travail des historiens : recherches, confrontations.
B. Les historiens par leurs publications remettent en cause le
résistancialisme.
C. Le rôle d’expertise des historiens : procès, interviews, etc.
3. Une nouvelle lecture historique de la Résistance et de la
collaboration
A. Des résistances portées par des groupes divers et parfois
concurrents.
B. L’affirmation des responsabilités du régime de Vichy.
L’historien, par son travail, a permis une meilleure connaissance
de la Résistance et de la collaboration en France et ce, malgré les
pressions exercées. Il a aussi contribué à l’émergence de nouvelles
mémoires portées par des groupes plus ou moins influents.
22 • Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
Prépa Bac p. 42-44
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet guidé : L’historien et les mémoires officielles de
la Seconde Guerre mondiale en France.
1. Analyser la consigne
1. L’État français en 1942-1943 correspond au gouvernement et
l’administration de Vichy.
2. Le mot « responsabilités » renvoie aux choix politiques et aux
mesures prises par l’État français.
3. Les historiens interviennent lors de procès, font des recherches
car ils participent à la connaissance de cette période de l’histoire
en tant qu’experts.
4. Mais beaucoup se refusent à porter un jugement sur les faits
qu’ils éclairent car c’est le rôle de la justice et non le leur.
2. Prélever des informations
Le texte surligné en bleu correspond à la première partie de la
consigne ; le texte surligné en vert correspond à la deuxième
partie.
7. Comment présenter votre devoir ?
Une analyse de document entièrement rédigée est proposée
ci-dessous.
Les passages rédigés du paragraphe 2 qui ne figurent pas dans le
manuel de l’élève sont en italique. Les réponses demandées aux
élèves sont en italique gras.
Dans sa déclaration en 1997, Robert Paxton évoque les responsabilités de l’État français pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ses propos illustrent le travail des historiens afin de mieux
connaître cette période controversée.
Durant la période 1940-1944, l’État français dirigé par Pétain
depuis Vichy définit une politique relayée par de hauts fonctionnaires tel Maurice Papon alors secrétaire général de la préfecture
de Gironde. Cette politique fait le choix de la collaboration avec
l’Allemagne nazie, ce qui permet aux Allemands de « se féliciter
du comportement de l’administration et de la police française ».
Un des aspects de cette collaboration est la politique anti-juive
mise en œuvre par Vichy avec les lois « dirigées contre tous les
Juifs y compris les citoyens » français ainsi que le marquage
« des cartes de rationnement et des cartes d’identité tamponnées
en rouge “Juif” ».
Ainsi, grâce à « la coopération brutale de la police française »
lors des rafles comme celle du Vel’ d’Hiv’ en juillet 1942, l’État
français participe à la déportation de 76 000 Juifs. Cependant,
en évoquant la prise de distance et les réticences du gouvernement de Vichy vis-à-vis de ces opérations à partir de 1943, Paxton cherche à établir la réalité historique.
Malgré des contestations concernant leur rôle, le travail des historiens a permis une meilleure connaissance de cette période de
la Seconde Guerre mondiale.
Sujet en autonomie : Les mémoires de la Seconde
Guerre mondiale en France.
Le film de Marcel Ophüls Le Chagrin et la Pitié, diffusé au cinéma
en 1971, analyse, pour la première fois en France, l’attitude des
Français pendant la période de l’occupation allemande.
Ce film documentaire souligne les différentes formes de la collaboration de l’État français et d’une partie de la population et
l’antisémitisme qui se développe à cette époque.
Cette réalité était occultée depuis 1945 par ce que l’historien
Henri Rousseau appelle le « résistancialisme ».
1. Un tournant dans la mémoire de la période de l’occupation
allemande en France
A. Un film qui remet en cause le résistancialiste qui domine alors
les mémoires de la Seconde Guerre mondiale.
B. Un film qui n’a cependant qu’une diffusion limitée jusqu’aux
années 1980.
2. Un film qui ouvre un débat sur cette période
A. Il va dans le sens des nouvelles recherches historiques des
années 1970-1980, symbolisées par les travaux de Robert Paxton.
B. Il contribue ainsi à modifier la perception que les jeunes générations des années ont des années 1940-1945.
Ce film est donc un tournant dans la mémoire de la période de
l’Occupation. Malgré sa diffusion au départ limitée, il a aidé à la
remise en cause de résistancialisme qui dominait jusque dans les
années 1970. Il a ainsi contribué à l’émergence des mémoires plurielles de la Seconde Guerre mondiale en France.
© Hachette Livre 2014
Les historiens participent à des procès en tant qu’experts dans les
années 1990. En effet, ils sont appelés à s’exprimer devant des
cours d’assises lors des procès de Klaus Barbie en 1987 puis de
Maurice Papon en 1997. Robert Paxton y est reconnu comme
expert : on lui de mande d’éclairer le contexte de l’époque
par une analyse de documents d’archives tels que « la correspondance des autorités allemandes avec Berlin », « des rapports » et des statistiques permettant d’établir la réalité de la
déportation de « 42 000 Juifs » depuis la France.
Ainsi, les historiens ont fait évoluer les mémoires de la guerre
par leurs travaux sur de nouvelles sources et la mise en relation
des faits. L’ouverture progressive des archives permettent l’accès à des documents tels le projet de loi sur le statut des Juifs
annoté par Pétain ou encore « le fichier des Juifs de France »
sur lesquels les historiens comme Robert Paxton se sont appuyés.
Cependant, cette approche pose la question de la relation entre
histoire et mémoire. Les historiens participent à l’élaboration de
mémoires plurielles en analysant les documents, en recueillant
des témoignages et en les confrontant, en y apportant parfois des
nuances. Ainsi, Paxton souligne « la coopération brutale de la police
française » mais aussi le « refus du port de l’étoile en zone Sud » par
Pétain. Mais, cette participation à des procès divise les historiens, certains considérant que leur rôle dans la société n’est
pas de juger.
Histoire - Chapitre 1 - L’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France
• 23
HISTOIRE
chapitre 2
L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
Programme : Thème 1 – Le rapport des sociétés à leur passé (4-5 heures)
Question
Mise en œuvre
Les mémoires : lecture historique
Une étude au choix parmi les deux suivantes :
– l’historien et les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France ;
– l’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie.
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
Par « mémoires » on doit entendre l’ensemble des souvenirs
(collectifs et individuels), sous formes de différentes traces, se
rapportant aux événements majeurs de la guerre d’Algérie. Ces
souvenirs font l’objet de commémorations mais sont aussi parfois à l’origine de revendications de ceux qui en sont porteurs,
souvent liées à des enjeux du temps présent : idéologiques, politiques ou culturels. Les mémoires officielles ou mémoires d’État
sont particulièrement marquées à cet égard.
Le travail de l’historien consiste à évacuer au maximum les dimensions affective et/ou idéologique qui s’attachent immanquablement aux mémoires, pour chercher à établir avec le plus d’objectivité et de rationalité possibles la vérité et la réalité des faits du
passé. Le travail sur les mémoires est rendu d’autant plus complexe pour l’historien qu’elles contiennent des amnésies et de la
sélectivité (volontaires ou non), voire des mythes et des légendes.
« Lecture historique des mémoires » peut donc s’entendre dans
un premier temps comme l’analyse des mémoires et des discours
qu’elles produisent, en tant qu’objet d’étude en soi. La « lecture
historique des mémoires » renvoie enfin à l’utilisation que font
les historiens des mémoires des acteurs-témoins, comme source
historique, en les confrontant à d’autres sources.
En ce qui concerne la guerre d’Algérie, les travaux d’historiens,
plus récents, analysent des thèmes longtemps occultés du champ
public : le recours à la torture, le rôle de l’armée française et de
l’État dans l’usage de la violence contre les musulmans en Algérie ou en France (événements du 17 octobre 1961), mais aussi
les mythes véhiculés par l’État algérien (le mythe du « million
de morts »). Les ouvrages de Guy Pervillé, Jean-Luc Einaudi,
Raphaëlle Branche, Benjamin Stora ou encore Gilles Manceron
ont paru alors que les groupes porteurs de mémoires, qui ont en
commun d’avoir des mémoires blessées et en conflit les unes avec
les autres, sont toujours actifs. Les polémiques sont loin d’être
toutes éteintes : le cheminement de la mémoire vers l’histoire
demeure malaisé, comme l’a démontré la polémique cannoise de
2011 quand le film de Rachid Bouchareb Hors-la-loi a été conspué
lors des manifestations regroupant pieds-noirs, harkis et anciens
combattants ou à l’occasion de la mort de Henri Alleg et de Paul
Aussaresses.
◗◗ Débats historiographiques et quelques notions clefs
du chapitre
© Hachette Livre 2014
p. 46-69
La guerre d’Algérie est une des crises majeures de l’histoire de
France au xxe siècle. Elle a donné lieu depuis 1962 à bien des
affrontements, des polémiques, des controverses parfois violentes ; le cheminement de la mémoire à l’histoire a été difficile
jusqu’à nos jours.
L’État, mais aussi les « acteurs-témoins » réunis sous différentes
formes, sont allés jusqu’à entraver le travail des historiens en voulant imposer une lecture univoque, déformée, voire mensongère,
des faits suscitant des protestations récurrentes de la communauté historienne, notamment contre les lois mémorielles.
Les lectures idéologiques ont influé tant sur les oublis volontaires que sur l’affirmation des différentes mémoires produites par
cette période. En ce qui concerne la guerre d’Algérie, nous nous
sommes référés en particulier à Benjamin Stora qui est, à l’heure
actuelle, le meilleur spécialiste des questions touchant à l’histoire
et aux mémoires « blessées », (pieds-noirs, Algériens d’Algérie et
de France, anciens combattants, harkis) générées par un conflit
demeuré longtemps « sans nom », comme le montre l’étude
consacrée à la mémoire française officielle d’État.
Les typologies des principales mémoires énoncées ici pourraient
être complétées par d’autres mémoires plus discrètes ou moins
représentatives comme le sont, par exemple, les mémoires « blessées et repliées » des porteurs de valises français du FLN ou celles
des victimes du métro Charonne de 1962 qui ont été commémorées récemment, en lien avec la campagne électorale présidentielle de 2012. En revanche, nous avons montré quelles étaient les
grandes lignes de la mémoire algérienne du conflit, éloignée de la
perception officielle française et connectée aux aléas des relations
diplomatiques franco-algériennes, tendues et complexes depuis
1962.
•
Groupe porteur de mémoire : expression très utilisée par Benjamin Stora qui renvoie à des regroupements d’individus plus ou
moins formels et plus ou moins visibles (anciens combattants,
anciens résistants, anciens déportés ou anciens colonisés, voire
l’État). Par le biais de manifestations publiques, ils présentent leur
version de l’histoire en fonction d’un certain nombre de revendications. Elles sont souvent motivées par la recherche de compensations matérielles, morales ou symboliques, et sous-tendues
par les enjeux politiques et idéologiques du temps présent. Ces
revendications peuvent aller parfois jusqu’à réclamer une présentation officielle des faits, comme ce fut le cas au moment de la
loi très décriée de 2005 sur les rapatriés d’Algérie dont l’article
4, demandant aux enseignants d’évoquer le « rôle positif » de la
colonisation, fut finalement abrogé par Jacques Chirac.
• Franchissement de seuil mémoriel : l’expression désigne le
moment où certaines mémoires s’affirment dans le champ public.
Pour le cas de l’Algérie, le franchissement de seuil mémoriel intervient avec la dénomination officielle de « guerre d’Algérie » à
partir de 1999, sous la pression des organisations d’anciens combattants. Il a rendu possible l’édification de lieux commémoratifs
visibles, comme le Mémorial du quai Branly à Paris. Rappelons que
le premier colloque qui fut consacré à la guerre d’Algérie n’eut lieu
qu’en 1988.
• Relais de transmission mémorielle : notion indissociable de
celle de franchissement de seuil mémoriel, elle désigne principalement les médias (cinéma, télévision), les manifestations (défilés)
des groupes porteurs de mémoire et bien sûr les travaux universitaires qui infléchissent les discours officiels longtemps porteurs de
mythes et de contre-vérités historiques.
◗◗ Bibliographie
P. Blanchard, N. Bancel, Culture post-coloniale 1961-2006, Traces et
mémoires coloniales en France, Autrement, 2006.
C. Bonafoux, L. de Cock-Pierrepont, B. Falaize, Mémoire et histoire
à l’école de la République, quels enjeux ? Armand Colin, 2007.
24 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
• Sur la question des lois mémorielles
« Non à la loi scélérate ! », L’Histoire n° 302, p. 52-53, octobre 2005.
C. Liauzu, Retour à l’Histoire n° 318, p. 54, mars 2007.
« Sans mythes ni tabous, la guerre d’Algérie », Les Collections de
L’Histoire, n° 15, mars 2002.
B. Stora avec T. Quemeneur, Algérie 1954-1962, Lettres, carnets
et récits des Français et des Algériens dans la guerre, Les arènes,
2010.
• Articles et documentation pédagogique
Sites Internet
http://www.ina.fr/fresques/jalons/accueil
Le site Jalons, né d’un partenariat entre l’INA et le ministère de l’Éducation nationale, propose de nombreux dossiers
pédagogiques.
http://www.elwatan.com/independance-algerie-webdoc
Le journal algérien El Watan et Le Monde ont conjointement réalisé ce site.
http://www.univ-paris13.fr/benjaminstora/la-memoire
Le site régulièrement enrichi d’un spécialiste de la question.
http://www.canal-u.tv/producteurs/ecole_normale_
superieure_de_lyon/colloques_seminaires_et_workshop/
pour_une_histoire_critique_et_citoyenne_le_cas_de_l_
histoire_franco_algerienne
Introduction au chapitre p. 46-47
Ce chapitre étudie les relations entre l’historien et les différentes
mémoires produites par la guerre d’Algérie. La problématique
principale invite à envisager les mémoires comme étant à la fois
source et objet d’histoire. Il s’agit en effet d’interroger, grâce aux
outils de l’histoire, les contextes et les groupes sociaux qui ont
favorisé l’émergence de telle ou telle mémoire, afin de porter sur
les événements comme sur les mémoires qu’ils ont générées, un
regard distancié et critique permettant une approche scientifique
du passé. Cette problématique permet de mesurer la différence
de nature entre les mémoires et les travaux historiques, l’historien
étant, pour reprendre l’expression de Pierre Laborie, un « troublemémoire ». Il ne s’agit pas de hiérarchiser ou de considérer que
mémoires et histoire seraient en concurrence mais plutôt de
mettre en évidence la dialectique qui unit ces deux perceptions
du passé, dans leur tension comme dans leur complémentarité.
La problématique suggère que les mémoires sont devenues en
tant que telles, depuis les travaux d’Henry Rousso, un objet historique à part entière. L’enjeu pour le professeur est « de se dégager
du jeu des pouvoirs, des groupes d’intérêt et des tendances qui
agissent sur la construction des mémoires » (fiche Eduscol), tout
en en montrant les ressorts explicatifs. Le chapitre propose différentes études qui autorisent ce va et vient entre mémoires et
histoire afin que les élèves puissent comprendre les processus à
l’œuvre dans l’élaboration des différentes mémoires et le rôle qu’y
jouent les historiens.
Les deux photographies présentées en ouverture de chapitre
permettent une utilisation pédagogique à plusieurs niveaux.
Elles mettent tout d’abord en évidence différents acteurs de la
construction mémorielle de cette période troublée : deux États,
la France et l’Algérie ; les mémoires combattantes des soldats
algériens et supplétifs de l’armée française. Elles témoignent du
fait que cette période a généré des mémoires plurielles et parfois
conflictuelles et qu’elle demeure un objet d’étude vivant, dont
l’histoire continue de s’écrire. Elles permettent d’interroger la
mission particulière des différents acteurs dans l’émergence des
mémoires et dans l’écriture de l’histoire.
→Document 1 : Le Mémorial du martyr à Alger
Les premiers monuments commémoratifs de la « guerre de libération nationale » sont apparus dans les années 1958-1960 sur les
bases de l’ALN au Maroc et en Tunisie. Puis après 1962, les anciens
édifices coloniaux du territoire algérien ont été recyclés pour célébrer les « chouhada », les martyrs de la guerre d’indépendance.
L’historien Emmanuel Alcaraz parle à ce propos d’une « tradition
laïque et républicaine acclimatée à l’islam ». À Alger, le Maqam Al
Chahid surplombe la ville ; son inauguration date de 1982, sous la
présidence de Chadli Bendjedid. Sur le plan architectural, l’édifice
n’a pas de cachet particulier, sinon qu’il témoigne d’un style combinant une monumentalité de type soviétique des années 19601970 (élévation verticale, usage massif du béton) et une architecture plus islamique ou locale par le choix de trois palmes stylisées.
Le soldat ici photographié est l’un des trois qui ornent le monument, symbole du peuple en lutte et victorieux : il porte les armes
et brandit la flamme de la liberté gagnée par la victoire.
→Document 2 : Manifestation à Valence le 14 mars 2009
contre les commémorations du 19 mars 1962
http://memoires-algeriennes.com
http://www.ldh-toulon.net/spip.php?rubrique50
Site de la Ligue des droits de l’homme qui fait une large place à la
réflexion sur les mémoires de la guerre d’Algérie.
Le cliché, pris à Valence en 2009, montre une manifestation à
l’appel de plusieurs associations pour protester contre le choix de
la date du 19 mars comme date de commémoration de la guerre
d’Algérie. Le Cercle algérianiste (inscription sur la banderole
du premier plan), créé en 1973 par des Pieds-Noirs, se présente
comme « désireux de faire survivre une province française dispa-
Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
• 25
© Hachette Livre 2014
A. Bouchène, J. P Peyroulou, O. Siari Tengour, S. Thénault (Sous
la direction de), Histoire de l’Algérie à la période coloniale, 18301962, La Découverte, 2012.
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F. Dosse, Les Héritiers du silence. Enfants d’appelés en Algérie,
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J.-C. Jauffret, Des hommes et des femmes en guerre d’Algérie, Éditions Autrement, 2003.
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S. Thénault, Algérie : des « événements » à la guerre. Idées reçus sur
la guerre d’indépendance algérienne, Le Cavalier Bleu, 2012.
rue géographiquement, mais toujours vivante dans la mémoire
d’un peuple d’un million d’âmes, une culture originale née au carrefour des différentes civilisations qui firent l’Algérie, une histoire,
une langue en gestation, une façon d’être » (site Internet). Les
banderoles évoquent les éléments qui constituent les groupes de
mémoires : harkis, anciens combattants, rapatriés. L’argument du
refus du 19 mars repose sur le fait que des massacres de plusieurs
centaines, voire de plusieurs milliers, d’Européens ont eu lieu à
Oran le 5 juillet 1962 par des membres du FLN et de l’ALN, dans la
foulée de l’indépendance algérienne. Ces événements ont traumatisé une communauté éprouvée, qui s’est sentie abandonnée par
le général de Gaulle pourtant acclamé en héros lors de sa venue
en Algérie lors des premiers jours de juin 1958. Sur ces disparitions se focalise une mémoire blessée très présente dans le sud
de la France, dans des villes comme Perpignan, Montpellier, Marseille et Nice, où se sont établis une grande partie des pieds-noirs.
Les pieds-noirs n’ont jamais pu accepter les consignes, venues
de Paris, de non-intervention de l’armée française et d’abandon
des harkis. Il existe donc aussi une mémoire, certes minoritaire,
des « ultras » de l’Algérie française dont d’anciens membres ou
sympathisants de l’Organisation Armée Secrète. L’OAS commit
des attentats sanglants dans les derniers temps de l’Algérie française et comptait en son sein des militaires et des pieds-noirs
refusant violemment la politique gaullienne et l’émancipation
algérienne. Depuis 1962, ils ne cessent de réclamer les excuses
officielles de l’État français dans un discours qui s’apparenterait
à celui de Jacques Chirac en 1995 pour la rafle du Vél’ d’Hiv’, mais
aucun chef d’État ne l’a fait jusqu’à présent. Pourtant, certaines
revendications ont été entendues, comme l’a montré la loi si
controversée du 25 février 2005. Localement, les pieds-noirs ont
une influence importante : à Perpignan, un « Mur des disparus »
où sont inscrits les noms de ceux qui ont été assassinés ou ont
disparu lors des massacres d’Oran, a été inauguré en 2007.
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◗◗ Frise
Cette frise a pour objet de donner quelques repères essentiels
pour permettre l’appréhension de la période, en faciliter l’apprentissage et en repérer les ruptures signifiantes. Elle distingue la
France de l’Algérie car les évolutions sont différentes dans les
deux pays. Découpée en trois périodes, pour la France, en deux
pour l’Algérie, elle présente des ouvrages d’historiens particulièrement importants, et montre la place du politique dans l’élaboration d’une mémoire officielle. Elle permet de mettre en relation
les différents acteurs de la construction mémorielle et du récit
historique en insistant sur les contextes qui conditionnent leur
expression.
La première période qui démarre avec la signature des Accords
d’Évian est marquée, en France, par l’occultation de la guerre
d’Algérie. Le vote de plusieurs lois d’amnistie fait entrer la guerre
et ses acteurs dans un véritable oubli officiel. À partir de 1962,
tout ce qui peut rappeler les divisions du passé, tant de l’époque
de Vichy que de l’époque de la guerre d’Algérie, est refoulé. Différents travaux d’historiens sont menés mais ne rencontrent pas
d’échos dans la société française. À partir des années 1980-1990,
s’ouvre une période charnière qui voit l’émergence de la guerre
d’Algérie dans l’espace public. On insistera sur le fait que ce changement est le fait de différents acteurs : historiens, associations
de groupes porteurs de mémoire. La troisième période, depuis les
années 1990, témoigne d’une intégration des travaux historiques
dans la construction de la mémoire nationale. La reconnaissance
officielle à l’Assemblée Nationale, en 1999, du terme « guerre »
pour désigner ce qui jusque-là étaient appelés « événements »
d’Algérie a semblé ouvrir une nouvelle époque dans les relations
de la France avec son passé et avec l’Algérie. L’inauguration par le
président Jacques Chirac le 5 décembre 2002, du Mémorial natio-
nal de la guerre d’Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie marque une nouvelle étape en faisant entrer les soldats de
cette guerre dans la mémoire nationale des guerres du xxe siècle.
La question de la torture revient en force dans les années 2000.
La thèse de Raphaëlle Branche, La Torture et l’armée pendant
la guerre d’Algérie, 1954-1962, fait suite aux travaux de l’historien Pierre Vidal-Naquet (1972). La chercheuse inscrit la torture
dans le champ des « violences de guerre » dans le cadre dressé
par l’historien américain George Mosse. La presse joue un rôle
important dans l’émergence de cette question qui rencontre les
préoccupations de la société française. La frise permet enfin de
montrer, à travers les titres et les dates des ouvrages B. Stora, La
Gangrène et l’oubli (1991) et de M. Harbi et B. Stora, La Guerre d’Algérie, la fin de l’amnésie (2004) comment les travaux des historiens
témoignent de cette évolution. En Algérie, la guerre est utilisée
par le FLN au pouvoir, dès la sortie du conflit, comme ciment de
la jeune nation. Les martyrs sont honorés, les divisions au sein du
mouvement d’indépendance sont occultées, les exactions contre
les harkis ignorées. Le pouvoir prend le contrôle des mémoires
et de l’histoire. L’unanimisme tient lieu de mémoire historique,
le FLN se présente comme « le peuple tout entier » ayant combattu contre le colonisateur français et vainqueur de la « guerre
révolutionnaire ». La prévention du régime face à la contestation
de la version officielle est visible à travers l’interdiction qui vise les
ouvrages de Mohammed Harbi. La production de livres, d’articles,
de discours commémoratifs officiels est particulièrement abondante mais la très grande majorité de cette production appartient
au genre mémoriel. Les conditions de travail des historiens en
Algérie restent sous le contrôle du pouvoir même si ces dernières
années les rencontres et les colloques où sont invités des chercheurs étrangers se sont multipliés.
On pourra noter que cette évolution est d’abord liée au statut de
l’histoire dans les deux pays. En Algérie, l’histoire reste subordonnée au politique, car elle est le fondement nécessaire de l’État et
de la nation ; l’État ne reconnaît pas l’autonomie de l’histoire. En
France, les fondements de l’État républicain sont plus anciens ;
l’État reconnaît la compétence particulière des historiens et
leur laisse une grande liberté de recherche et d’enseignement.
Lorsqu’elles ont lieu, les tentatives pour brider cette liberté soulèvent toujours de vives protestations.
Repères p. 48-49
Ces pages proposent des repères de différentes natures pour permettre aux élèves d’entrer dans le sujet. Le choix des notions clés
est articulé autour du couple histoire/mémoire qui est au cœur
de la problématique générale. L’apprentissage de ces définitions
facilite l’analyse des sujets de composition et permet de garder à
l’esprit la tension entre histoire et mémoires.
Le document 1, présenté sous forme de tableau, permet, en partant de quelques événements majeurs de la guerre d’Algérie, de
comprendre que celle-ci, en divisant profondément la société
française, est productrice de mémoires plurielles, en fonction de
la façon dont elle a été vécue. C’est par le retour à l’événement
que l’on peut faire comprendre la multiplicité des mémoires qui se
développent après le conflit, en ayant à l’esprit que celles-ci sont
surdéterminées par le traumatisme qu’a représenté la période de
guerre. L’expression « groupe porteur de mémoire » utilisée par
Benjamin Stora pour la guerre d’Algérie renvoie à des regroupements d’individus plus ou moins formels et influents selon les
périodes qui, par le biais de manifestations publiques, de revendications, de travaux historiques, cherchent à se faire entendre,
tant dans la politique mémorielle nationale que dans l’écriture de
l’histoire.
26 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
Le tableau des commémorations nationales, document 3, permet d’attirer l’attention sur les décalages chronologiques entre la
France et l’Algérie quant à la mise en avant de la guerre d’Algérie ;
il permet également d’aborder la notion de mémoire officielle, de
réfléchir au sens à donner aux commémorations et de montrer
que cette mémoire évolue. En Algérie, dès le lendemain de la
guerre, le FLN au pouvoir organise officiellement des commémorations alors qu’en France il faut attendre le réveil des mémoires
des années 1990-2000 pour que la guerre entre dans le champ
officiel. Pour autant, en France la question reste encore vive, les
contestations autour des dates de commémoration en attestent.
Acteur p. 50-51
Mohammed Harbi, un acteur-historien des deux rives
de la Méditerranée
Le choix de Mohammed Harbi s’explique par son statut particulier de témoin devenu historien qu’illustre la citation présentée
en accroche. Son parcours incarne la tension entre mémoire et
histoire et permet de faire comprendre le rapport nécessaire et
conflictuel qui s’y joue. Mohammed Harbi est algérien, né en 1933,
il est à la fois acteur et témoin de la colonisation et de la guerre
d’Algérie. Alors qu’il était l’un de ceux impliqués dans les négociations des accords d’Évian, il s’est trouvé confronté à d’autres
factions du FLN qui visèrent à l’écarter. En 1965, il est emprisonné
après le coup d’État de Houari Boumediene. Assigné en résidence
surveillée en 1971, il s’évade en 1973 et vient s’installer en France
où il devient historien. Professeur à l’université de Paris VIII, il est
l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire de l’Algérie. Son histoire est très intéressante pour traiter la question mémoire/histoire avec les élèves. D’abord acteur de l’indépendance, il devient
petit à petit historien. Son travail constitue un tournant historiographique car c’est en tant que témoin lui-même et historien qu’il
publie des sources collectées du temps de la guerre pour mettre
en cause la vision univoque du FLN. On pourra faire le lien à
l’échelle française avec des figures majeures de la Seconde Guerre
mondiale, comme Daniel Cordier, qui sont devenus les historiens
de la Résistance après avoir été eux-mêmes des résistants.
→Document 1 : L’acteur devient historien
Le parcours de Mohammed Harbi n’est pas sans rappeler le parcours de ceux qui, après avoir été eux-mêmes des résistants, sont
devenus les historiens de la Résistance. Mohammed Harbi, dans
ses différentes fonctions à des niveaux stratégiques (responsable
du cabinet civil du ministère de la Défense ou secrétaire général
au ministère des Affaires étrangères) a pu suivre de manière très
précise le jeu des acteurs pendant les années 1950-1960 en Algérie. Pendant la guerre, les débats qui animent les mouvements
d’indépendance tournent autour des questions liées aux fondements de la nationalité algérienne. Ces questions ont servi de
point de départ au travail historique de M. Harbi. Il s’interroge
sur l’Algérie coloniale, les transformations qu’a connues le pays,
l’avenir qu’il pouvait avoir au sortir de la guerre.
En écrivant l’histoire de son propre pays, M. Harbi cherche à
rendre la complexité d’une histoire marquée par la colonisation et
la guerre. Or, cela est mal accepté dans les débuts de la période
d’indépendance où au contraire, les slogans et les classifications
cherchent à créer l’illusion d’une unité, par ailleurs nécessaire à
la construction de la jeune nation. Pour l’historien, il faut remonter à la colonisation pour comprendre qu’en rejetant les Algériens
dans un statut communautaire, elle a poussé l’élite, qui était la
plus proche d’elle, à s’occidentaliser, phénomène qui n’était pas
toujours perçu d’une manière positive par le reste de la société.
La colonisation a fait éclater le tissu social, ce qui explique que
le mouvement national algérien a été un mouvement beaucoup
plus déchiré qu’en Tunisie ou au Maroc. Les divisions du pays,
entre l’urbain et le rural entre autres, ont été minimisées par les
dirigeants, pour servir une unité fabriquée que l’histoire tourmentée de l’Algérie depuis 1962 a fait éclater au grand jour sans pour
autant que le pouvoir ne desserre l’étau sur l’histoire officielle.
→Document 2 : Les racines de l’engagement dans
le mouvement nationaliste
Mohammed Harbi passe une enfance privilégiée dans un milieu
soudé par des liens de solidarité traditionnelle. Les années au
lycée se déroule à Skikda, une ville « fascinée par le modèle européen », où il fait son entrée dans l’action militante en adhérant
à quinze ans au MTLD, une organisation « sans doctrine mais
avec des buts politiques » qui allaient devenir, avec le FLN, « des
objectifs de guerre ». On notera donc son engagement précoce
dès l’adolescence. L’apprentissage, entamé en Algérie, se poursuit, à partir d’octobre 1952, à Paris. Deux mois après son arrivée en France, M’hamed Yazid, chef de la délégation permanente
de la Fédération de France du parti, propose sa candidature au
bureau de l’Association des étudiants musulmans nord-africains.
Mohammed Harbi entre alors dans l’activisme au sein d’une section universitaire du parti. De sa formation, Mohammed Harbi
dit : « Nous sommes des métis, des métis culturels. »
→Document 3 : De l’archive à l’histoire
a. L’acteur-témoin réunit des archives…
Dès 1975, Mohammed Harbi joint à son livre sur la scission du
MTLD, des documents inédits provenant de ses archives personnelles de militant nationaliste. Il poursuit cette démarche dans
toutes ses publications, livres ou articles, appuyant ses démonstrations sur des documents d’archives. « Peut-on éclairer une
scène où règne la confusion sans finir avec le culte du secret et
la censure, forcée ou volontaire, que chacun s’impose ? » écrit-il,
pour poursuivre « Évidemment non. La publication de ces archives
se veut donc une réponse à cette question ». La publication des
archives est considérée comme une mise à disposition des pièces
d’un dossier que l’historien décrypte.
b. … l’historien les publie
Mohammed Harbi publie une somme d’archives, réunies par ses
soins, commentée et replacée dans leur contexte. Ce témoin-historien met à disposition de tous des documents provenant directement des principaux acteurs de la guerre d’Algérie. Ils éclairent
les nombreuses discussions, analyses ou oppositions qui ont
accompagné la lutte des combattants algériens. Véritable leçon
d’histoire, ce premier volume a été suivi par la publication, avec
l’historien français Gilbert Meynier, en 2004, de l’ouvrage Le FLN :
documents et histoire, 1954-1962 (Fayard).
→Document 4 : Concilier histoire et mémoire ?
Pour Mohammed Harbi, les publications en Algérie, notamment
les nombreux témoignages, n’ont pas été conduits selon les
méthodes scientifiques de l’historien contrairement à ce qui a pu
se passer en France. Il ne met pas les historiens algériens et français en compétition mais considère que leurs travaux devraient
Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
• 27
© Hachette Livre 2014
La carte, document 2, inspirée de la notion de « lieu de mémoire »
de Pierre Nora, présente l’inscription géographique des différentes
mémoires de la guerre en Algérie. Mettant en lien des lieux et des
faits qui s’y sont déroulés, elle permet de comprendre comment
ces mémoires prennent place dans l’espace public et s’enracinent
dans le paysage et dans l’histoire. Les mémoires s’enracinent sur
le territoire algérien, lieu de combat des soldats de l’armée, lieu de
vie des Européens exilés en 1962.
donner lieu à des échanges pour croiser les regards. M. Harbi
accepte de soumettre son travail à la critique de ses lecteurs et de
ses pairs. Il dit : « J’ai mes rapports personnels avec les hommes,
j’ai des côtés subjectifs, mais je pense que ce côté subjectif n’a pas
réussi à prendre le dessus dans mon travail. En tous les cas, les
lecteurs aviseront. »
◗◗ Réponses aux questions
1. Mohammed Harbi s’est fixé pour mission, dès sa jeunesse d’activiste, de retracer son propre itinéraire et de rendre compte de
son combat en archivant de la documentation. Puis, il a abordé
la question en historien : il s’est appuyé sur les méthodes scientifiques de l’histoire pour éclairer de manière plus objective l’histoire de son pays.
2. Sa famille, le lycée où il a fait ses études, ses professeurs sont
à la base de sa formation. Son engagement politique au sein du
Parti du Peuple Algérien et ses responsabilités lui ont fait côtoyer
les événements au plus près.
3. Acteur politique, il s’est constitué une banque de données et
d’archives de première main. Il publie régulièrement ces documents, éclairant ainsi d’un jour nouveau l’histoire du FLN et de
l’Algérie. En tant qu’historien, il analyse ces archives et prend le
risque de contrer l’histoire officielle qui cherche à occulter certains faits.
4.Il ne se contente pas, comme pourrait le faire un témoin, de
raconter « son » histoire de la guerre d’Indépendance car ce ne
serait pas conforme à la méthode historique. Il croise les témoignages, soumet son travail aux autres historiens spécialistes de
la question et affirme : « j’ai au moins un minimum de distance à
l’égard de mon expérience propre ». L’acteur soumet sa mémoire
aux exigences scientifiques du métier d’historien.
◗◗ Vers la composition du BAC
© Hachette Livre 2014
Mohammed Harbi est un algérien né en 1933 formé à la fois au
lycée dans son pays natal et à Paris. Engagé dès l’adolescence
dans le mouvement nationaliste pour l’indépendance de son pays,
il est un acteur de la guerre d’Algérie. Dès le début de son combat, il archive de la documentation, ce qui dans la lutte clandestine présente un risque certain. Impliqué dans la politique algérienne, il participe aux négociations des accords d’Évian ; il est
aussi un acteur de l’Algérie indépendante après 1962. Mais il est
écarté du pouvoir par le coup d’État de 1965 ; emprisonné, assigné
à résidence, il s’enfuit et gagne la France. Il suit alors des études
d’histoire et devient enseignant et chercheur. Reconnu comme
un éminent spécialiste de l’Algérie contemporaine, il publie ses
archives pour mettre à la disposition des chercheurs des documents inédits qui éclairent l’histoire du mouvement d’indépendance. De fait, il donne un éclairage nouveau à l’histoire du FLN.
Pour faire face à l’apparente contradiction qu’il y a à travailler sur
une histoire dont on a été un acteur, Mohammed Harbi se plie à la
méthode historique. Il croise les témoignages, soumet son travail
aux autres historiens spécialistes de la question. Il ne se satisfait
pas seulement de rendre compte de sa propre expérience comme
le ferait un témoin mais prend de la distance face à l’expérience
vécue. L’acteur soumet sa mémoire aux exigences scientifiques
du métier d’historien. De fait, il est reconnu comme l’un des meilleurs historiens de la période.
Étude 1 p. 52-53
La mémoire officielle de la guerre en France
et en Algérie
L’État français a longtemps nié la réalité d’une guerre en Algérie
en usant de plusieurs expressions officielles pour désigner les faits
(comme « les événements d’Algérie »), finalement abandonnées
en 1999 quand le pouvoir reconnut qu’il y avait bien eu une guerre
de décolonisation dans ce pays.
De l’autre côté de la Méditerranée, l’État algérien et la société
algérienne ont forgé une mémoire du conflit divergente de la
mémoire officielle française et des mémoires des différents
groupes porteurs de mémoire. Des monuments commémoratifs ont été édifiés et l’école, via les manuels scolaires, transmet
aux jeunes générations une certaine vision de la guerre et de la
colonisation.
→Document 1 : L’historien et les mémoires de la guerre
d’Algérie
Guy Pervillé est un historien et enseignant français, spécialiste
de l’Algérie coloniale et de la guerre d’Algérie. Ses nombreuses
publications et le site qu’il anime sont des sources précieuses
pour la réflexion sur mémoire et histoire. Dans cet extrait, il rappelle pourquoi les mémoires de la guerre d’Algérie sont éclatées.
Alors que la France commémore les deux guerres mondiales, la
guerre d’Algérie, événement majeur de l’histoire contemporaine
qui a profondément déchiré la communauté nationale, ne permet
pas la constitution d’une mémoire nationale consensuelle. Ce
n’est qu’en 1999 que la loi donne officiellement un nom à cette
guerre. Reste que le sens même de cette guerre pose question.
Paul ­Thibaud affirme dans la revue Esprit en 1990 : « La guerre
d’Algérie n’est tout simplement pas « commémorable », elle ne
figure pas, après l’affaire Dreyfus et la Résistance, parmi les épopées du sens, les émergences de la justice à quoi les Français
aiment à se référer. »
→Document 2 : Le président Jacques Chirac inaugure
le mémorial national de la guerre d’Algérie, des combats
du Maroc et de la Tunisie, 5 décembre 2002
Le 5 décembre 2002, le président Jacques Chirac, ancien souslieutenant en 1956 puis en 1959-1960, prononce un discours pour
l’inauguration du Mémorial national de commémoration de la
guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie, installé
le long du quai Branly, non loin des Invalides et de la tour Eiffel,
à Paris. L’année 2002 correspond au 40e anniversaire de la fin de
la guerre d’Algérie. La date du 5 décembre ne correspond, quant
à elle, à aucun fait marquant de la guerre. C’est pourtant cette
date qui sera retenue en 2003 pour instituer la Journée nationale
d’hommage aux « morts pour la France » de la guerre d’Algérie et
des combats du Maroc et de la Tunisie.
Le Mémorial est constitué de trois cubes fins sur lesquels défilent
des bandes lumineuses affichant le prénom et le nom des militaires morts (23 000 soldats) en Afrique du Nord, supplétifs compris (3 000 harkis). Le discours participe du réveil des mémoires
des années 2000, faisant entrer dans une certaine normalité la
guerre d’Algérie par l’intermédiaire d’un dispositif de commémoration commun aux conflits précédents : discours officiel, monument, date de commémoration. Mais ce qui pouvait apparaître
comme un point de départ consensuel, devient un sujet de discorde : la FNACA reste fidèle à la date du 19 mars ; d’autres considèrent que cette date ne permet pas de rendre hommage à ceux
qui sont morts après le 19 mars. La FNACA s’appuie également sur
le Rapport Kaspi, rédigé au sujet des commémorations en France
qui conclut que « rien ne justifie cette date [5 décembre] sur le
28 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
→Document 3 : Dans les classes, en Algérie, une histoire sous
surveillance
Le texte montre un élément majeur de la formation des jeunes
algériens à travers l’enseignement de l’histoire. En Algérie, les
manuels scolaires en arabe dépendent exclusivement du ministère de l’éducation nationale. Comme l’explique la chercheuse de
l’INALCO, la mémoire scolaire officielle livre une vision partiale
de l’histoire de l’Algérie. Jusque dans les années 1990, la « guerre
de libération nationale » magnifie « un seul héros, le peuple » et
légitime le FLN au pouvoir. Les martyrs sont honorés mais les
témoins encore vivants sont ignorés. Les manuels relayent ce qui
tient lieu d’histoire officielle et magnifient la dimension militaire
des événements au détriment de leur aspect politique. L’accent
est mis sur le nationalisme islamique alors que les oulémas n’ont
rejoint le FLN que tardivement. Les manuels traitent longuement
de la violence de la colonisation mais n’évoquent pas le départ
des Européens en 1962, considérant que cela ne concerne pas
l’histoire algérienne. Les choses évoluent depuis 1991, année qui
marque l’ouverture au multipartisme en Algérie. La réhabilitation
de la lutte politique s’affirme à partir des années 2000, à travers
la figure de Ferhat Abbas, qui devint, après la guerre, président de
l’Assemblée constituante. Le MNA est cité mais dans les pages
consacrées aux traîtres. Rien n’est dit sur les exactions subies par
les harkis. L’historien algérien Abdelmajid Merdaci observe « une
absence de désir d’histoire » dans la société algérienne, en particulier chez les jeunes pour qui sont écrits les manuels.
→Document 4 : « Un seul héros, le peuple », slogan du FLN sur
un mur d’Alger, en juin 1962
Le Front de libération nationale est issu du Comité révolutionnaire pour l’unité et l’action (CRUA). Il a été créé en mars-avril
1954 par les partisans de la lutte armée qui se séparent du MTLD.
La question de sa légitimité se posa car l’expression politique des
Algériens fut largement entravée par la France. L’Étoile nordafricaine fut dissoute en 1937 et le Parti du peuple algérien (PPA)
qui prit sa suite entra dans la clandestinité. Le FLN, créé pour
lancer l’insurrection par un groupe d’activistes, n’était pas un parti
de masse. Sans assise sociale, il ne favorisa pas, en général, la
mobilisation populaire. Le cessez-le-feu est pour le FLN le point
de départ d’une lutte sanglante pour le pouvoir. Le FLN a fini
par fédérer, dominer, voire éliminer, les différentes tendances et
prendre le pouvoir après l’indépendance. Il construit à partir de
cette date une histoire officielle et se présente comme le représentant d’une volonté populaire unanime. C’est le sens que l’on
peut donner au slogan inscrit sur les murs de la Casbah : il s’agit
de valoriser la lutte, sans héros particuliers, le seul héros étant
le peuple. Le FLN a construit sa légitimité sur le caractère fondateur du conflit de libération nationale. L’instrumentalisation de
la mémoire débouche sur l’héroïsation de la lutte, l’héroïsation
d’acteurs sélectionnés. Des pans entiers de l’histoire sont occultés, comme l’élimination des messalistes, les violences contre les
Français et contre les harkis. Il s’agit de donner une assise au nouvel État né de la décolonisation. Au lendemain de la guerre, le FLN
au pouvoir réécrit l’histoire.
→Document 5 : Algérie-France, des mémoires sous tension
Le texte rappelle un certain nombre d’événements qui, dans les
relations franco-algériennes récentes, font, explicitement ou
non, références à la période coloniale ou à la guerre d’Algérie
et montrent que la mémoire et l’écriture de l’histoire de cette
période restent des sujets sensibles. La loi mémorielle très controversée du 23 février 2005, votée sous la présidence de Jacques
Chirac et élaborée à l’initiative de députés de l’UMP du sud de
la France en lien avec des associations de pieds-noirs (l’article 1
reconnaît leur souffrance et l’article 4 le « rôle positif de la présence française outre-mer ») déclencha un tollé dans les milieux
universitaires et enseignants en France mais aussi en Algérie,
où le gouvernement du président Bouteflika cria au scandale.
Finalement, Jacques Chirac abrogera cet article mais la loi sera
quand même votée, preuve que la guerre d’Algérie demeure un
enjeu mémoriel fondamental et que l’histoire de la colonisation
peut être un événement clivant dans l’opinion. Comme en miroir,
de l’autre côté de la mer, les déclarations et prises de position
se multiplient. Le projet de traité d’amitié de 2006 n’a pu être
signé. L’affrontement mémoriel franco-algérien s’étend à d’autres
séquences d’histoire, touchant à l’esclavage, à la colonisation.
Pour autant, certains rapprochements sont possibles : la France
a restitué en 2006 le plan des mines posées pendant la guerre
aux frontières du pays. En 2007, l’INA a signé un accord sur la
restitution des images conservées retraçant l’histoire de l’Algérie
depuis la Seconde Guerre mondiale jusqu’en 1962. En 2012, lors
de sa visite officielle, le président François Hollande déclarait
reconnaître « les souffrances que la colonisation a infligées au
peuple algérien ». Parmi ces souffrances, il a cité « les massacres
de Sétif, de Guelma et de Kherrata » qui « demeurent ancrés dans
la mémoire et dans la conscience des Algériens ». Il a également
dénoncé un système colonial « profondément injuste et brutal ».
◗◗ Réponses aux questions
1.La guerre d’Algérie, de 1954 à 1962, a profondément divisé
la société française. Devant l’impossibilité de construire une
mémoire commune, consensuelle, permettant de satisfaire toutes
les communautés engagées (anciens combattants, rapatriés européens, harkis, immigrés et leurs enfants) le pouvoir en France a
choisi d’ignorer la guerre. La guerre n’est pas nommée, c’est la
« guerre sans nom ». Entre 1962 et 1982, une série de lois et de
décrets amnistient les faits qui s’y rapportent.
2. La loi du 18 octobre 1999 officialise l’expression « guerre d’Algérie » pour désigner ce qui jusque-là étaient appelés « événements
d’Algérie ». Le 5 décembre 2002, le président de la République,
Jacques Chirac, inaugure le Mémorial national de la guerre d’Algérie, des combats du Maroc et de la Tunisie à Paris et prononce un
discours qui fait date. Pour autant cette mémoire reste vive, car
aucune date de commémoration ne fait l’unanimité, le sens même
de cette guerre est contesté.
3.La guerre d’Algérie a été menée par plusieurs mouvements
politiques qui se sont violemment opposés au cours du conflit.
Le FLN est sorti gagnant de cette lutte et a pris le pouvoir au
lendemain de l’indépendance. Il s’est arrogé le droit d’écrire une
mémoire officielle dans laquelle il affirme que le peuple tout
entier, derrière le FLN, aurait unanimement participé à la lutte
contre le colonisateur, occultant ainsi les divisions et les réalités
historiques. Ce discours passe entre autres par l’enseignement et
les manuels scolaires.
4. En Algérie, les historiens sont soumis au contrôle de l’État, ils
ne sont pas libres d’écrire ce qu’ils veulent. Les associations d’anciens combattants, ou leurs descendants, comme la Coordination
nationale des enfants des moudjahidine, l’État, mettent l’histoire
sous surveillance, censurent les publications.
5. La mémoire et l’histoire de la guerre d’Algérie sont porteuses
d’enjeux sensibles dans les relations entre les deux pays. En France,
les nostalgiques de l’Algérie française sont parvenus, en 2005, à
Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
• 29
© Hachette Livre 2014
plan historique » et sur des sondages à l’issue desquels la majorité de la population considère que la date anniversaire du cessez-le-feu est celle qui convient le mieux. Depuis 2012, le 19 mars
est célébrée comme journée de souvenir et de recueillement à la
mémoire des victimes civiles et militaires de la guerre d’Algérie et
des combats en Tunisie et au Maroc.
faire voter une loi sur les « bienfaits d’une colonisation positive ».
Les vives contestations ont abouti à son abrogation. En Algérie,
la période de la colonisation est l’objet de fréquentes accusations
contre la France. La période coloniale et la guerre elle-même sont
instrumentalisées dans les relations entre les deux pays.
◗◗ Vers l’analyse de document du BAC
Il s’agit d’un extrait d’un article rédigé par l’historien Guy Pervillé
dans la revue Historiens-Géographes. Cet enseignant français, spécialiste de la colonisation, a publié de nombreux travaux sur l’Algérie coloniale et la guerre d’Algérie qui se révèlent très utiles pour
faire avancer la réflexion sur mémoire et histoire. Le document
nous montre que si, pendant longtemps, l’État a organisé « l’amnésie », il a décidé, dans les années 1990, d’inscrire tous les acteurs
de la guerre dans la mémoire nationale. Depuis 1999, les « événements d’Algérie » sont officiellement nommés « guerre d’Algérie », puisque c’est cette année que la loi a officialisé l’expression
pour désigner ce qui jusque-là était « la guerre sans nom ». Si les
groupes porteurs de mémoire défendent souvent une vision partiale des événements, l’État essaie maintenant, depuis les années
2000, de dépasser ces divisions. On peut ainsi rapprocher ce texte
du document 2 : le 5 décembre 2002, le président de la République, Jacques Chirac, inaugure à Paris le premier monument
national dédié à la guerre d’Algérie et aux combats du Maroc et de
la Tunisie. Les différents types de soldats morts durant les combats sont alors intégrés dans la mémoire des guerres du xxe siècle.
Ils disposent donc d’un monument national au même titre que
les combattants des deux guerres mondiales. De cette manière,
l’État prend acte des revendications mémorielles notamment des
associations d’anciens combattants et de harkis.
Étude 2 p. 54-55
En France, les conflits de mémoire
de la guerre d’Algérie
© Hachette Livre 2014
Les lectures historiques des mémoires de la guerre d’Algérie permettent de mettre en évidence le poids du contexte dans leur
affirmation, le rôle des groupes porteurs de mémoire et des relais
de transmission mémorielle, les enjeux politiques des usages
du passé, ainsi que l’importance d’un travail historique toujours
vivant pour approcher la période de la guerre et les représentations que s’en sont faites les générations suivantes. Ces mémoires
se sont affirmées dans l’espace public après une longue période
d’amnésie et ont obéi à différentes temporalités que les travaux
des historiens permettent de mettre à jour. Cette étude porte
sur les différents groupes porteurs de mémoire générés par le
conflit, notamment en France où les historiens, en particulier
Benjamin Stora, en distinguent quatre principaux qui ont pour
point commun de tenir un discours plutôt victimaire et de porter
également certaines revendications. L’étude apparaissait comme
indispensable puisque ces mémoires se sont affirmées clairement
et médiatiquement dans la décennie qui vient de s’écouler. Elles
sont portées par des groupes et des associations de gens désormais âgés mais toujours, pour certains d’entre eux, en attente de
compensations symboliques et matérielles.
→Document 1a : Une mémoire qui resurgit lentement
→Document 1b : Fusillade pendant la manifestation de
travailleurs Nord-Africains du 17 octobre 1961, boulevard
Bonne-Nouvelle, Paris
Lors de la nuit du 17 octobre 1961, la police parisienne réprima très
violemment une manifestation du FLN de France. Le pouvoir parle
le lendemain de 2 morts mais d’après les journalistes et historiens
qui ont enquêté sur ce fait tragique, il y eut sans doute plusieurs
dizaines de morts dont de nombreuses personnes noyées dans la
Seine en raison des consignes de dureté et de fermeté données
aux policiers par le préfet de police, Maurice Papon. Les réactions
fragmentaires à cet événement ne permirent pas de l’inscrire
dans la mémoire collective nationale. La mémoire de Charonne
efface en effet les rares souvenirs du 17 octobre. Jusqu’au début
des années 1980, la « mémoire souterraine » de l’événement
est entretenue par certains Algériens eux-mêmes dans le cadre
d’activités militantes liées à la lutte pour l’indépendance (et non le
cercle familial) puis transmis aux mouvements politiques de l’immigration comme le Mouvement des travailleurs arabes (MTA).
Au début des années 1980, le mouvement antiraciste s’empare du
sujet. Du début des années 1980 jusqu’en 1997, année du procès
de Maurice Papon, l’événement resurgit progressivement, avant
de faire l’objet, à la faveur de sa redécouverte lors de ce procès,
d’une véritable politique de réparation symbolique avec la pose
d’une plaque au pont Saint-Michel à Paris en 2001. Le 17 octobre
2012, le président François Hollande déclare : « Le 17 octobre 1961,
des Algériens qui manifestaient pour le droit à l’indépendance ont
été tués lors d’une sanglante répression. La République reconnaît
avec lucidité ces faits. Cinquante et un ans après cette tragédie,
je rends hommage à la mémoire des victimes. » Une proposition
de loi allant dans ce sens a été adoptée le 24 octobre 2012 par
l’Assemblée nationale.
→Document 2 : La mémoire des anciens combattants
Jean Laurans est le président de l’Espace Parisien Histoire
Mémoire Guerre d’Algérie qui regroupe 5 associations dont l’objectif est de conserver et transmettre l’héritage des mémoires des
anciens combattants. L’association organise conférences et colloques, publie un bulletin, anime un site Internet très riche, le tout
en collaboration avec des historiens spécialistes de la période. Les
anciens combattants de la guerre d’Algérie sont en général des
hommes nés entre 1932 et 1942 et sont environ 1,5 million dans
la société française, harkis compris. C’est en partie grâce à leur
combat pour obtenir des compensations symboliques et culturelles que le gouvernement et les parlementaires français ont
enfin reconnu en 1999 qu’avait bien eu lieu une véritable « guerre
d’Algérie », ce qui mit fin à plusieurs décennies de déni de la part
des autorités officielles de droite comme de gauche. Comme
celle des pieds-noirs, il s’agit d’une mémoire blessée longtemps
discrète tant ce conflit dur et sanglant éprouva des hommes, qui
en grande majorité n’étaient pas des soldats professionnels mais
des appelés du contingent, notamment à partir de 1956-1957. À la
sortie du conflit, ces hommes éprouvèrent des difficultés à évoquer un conflit finalement oublié et occulté par la communauté
nationale dans sa quasi-totalité en raison d’une guerre jugée lointaine, d’un autre âge car coloniale et qui avait pris parfois l’allure
d’un affrontement fratricide (attentats de l’OAS en Algérie et en
France, rapprochement d’une partie de l’armée avec les piedsnoirs contre le gouvernement de la République). Le discours de
Jean Laurans se veut clairement rassembleur, refusant le communautarisme mémoriel.
→Document 3 : Manifestation de harkis et de leurs familles
à Paris, le 12 mai 2013, pour l’instauration d’une « journée de
l’abandon »
Près de 150 harkis manifestent pour réclamer la reconnaissance
par la France de l’abandon des supplétifs par son armée à la fin
de la guerre d’Algérie, en 1962. Livrés à eux-mêmes, ces derniers
seront massacrés par leurs compatriotes qui les considéraient
comme des traîtres en raison de leur engagement auprès des
militaires français. Les protestataires, des femmes accompagnées
d’enfants, des jeunes, des vieux harkis portant leurs décorations,
30 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
→Document 4 : Le témoignage d’une fille de harki
Depuis 1983, les Journées de Lazaret (village de 600 habitants) permettent chaque année à des témoins ou acteurs et des chercheurs
de se rencontrer en public autour d’un sujet d’histoire, de culture ou
d’actualité. C’est un de ces lieux qui cherche à favoriser la confrontation entre mémoire et histoire pour dépasser la stérile guerre des
mémoires. La mémoire des harkis est une autre mémoire blessée
du conflit, celle de ces hommes des troupes supplétives de l’armée
française durant le conflit qui furent abandonnés par les autorités
françaises aux représailles du FLN et de l’ALN en 1962. Le général
de Gaulle craignait un front anti-gaulliste OAS-Harkis en métropole,
ordre fut donc donné aux autorités militaires de ne pas rapatrier les
harkis qui furent alors massacrés en masse au moment de l’Indépendance. Cependant, certains militaires français outrepassèrent les
ordres et quelques milliers de harkis purent arriver en France avec
leur famille. Quelque 60 000 harkis avaient été admis en France et
logés dans des camps de fortune. Ils furent toutefois relégués dans
des camps de bâtiments préfabriqués dans des départements du sud
de la France, en général dans des lieux isolés des villes et des villages.
En outre, leur coexistence dans les quartiers de grands ensembles
urbains avec des immigrés d’origine algérienne aux yeux desquels ils
étaient des traîtres était problématique. D’où un sentiment d’aban-
don et une très forte amertume exprimés en des termes parfois très
forts par leurs enfants. Les autorités étatiques ont longtemps hésité
à reconnaître officiellement les souffrances de cette communauté ;
déçue par les promesses non tenues, elle porte une mémoire douloureuse et exprime un fort besoin de reconnaissance. Le témoignage
de Djamila Berritane montre ici qu’une démarche conciliant mémoire
et histoire est possible : elle affirme témoigner pour apaiser les souffrances du passé et garder en mémoire l’histoire des harkis. François
Hollande, le 25 septembre 2012, a reconnu la responsabilité et la
« faute » de la France dans « l’abandon » des harkis. Cette déclaration est jugée insuffisante par nombre d’associations qui attendent
l’inscription de cette reconnaissance dans un texte de loi.
→Document 5 : Les pieds-noirs, de la mémoire à l’histoire
Ce document renvoie à la mémoire des pieds-noirs, portée par
un million de personnes de nos jours selon les études de Benjamin Stora. L’interview de l’historien Jean-Jacques Jordi, publié
dans un grand quotidien en 2012, fait le point sur la complexité
que recouvre le terme pied-noir. Il rappelle que les situations
sociales d’origine des personnes déplacées en France après
1962 sont très diverses, loin de l’image souvent caricaturale du
« colon ». Le terme est polysémique, le statut juridique d’Européens et donc de nationalité française regroupe des personnes
aux origines diverses. Cette communauté se sentait légitime en
Algérie, il lui fut donc difficile de partir et de reconstruire une
vie ailleurs. Cette population s’est considérée comme l’une des
principales victimes de la guerre. Pourtant, l’aide de l’État français
aux rapatriés est mise en place dès le printemps 1962. Ce groupe,
soudé par l’expérience de l’exil, a forgé une représentation spécifique de l’Algérie coloniale, marquée par une forme de nostalgie
et une tendance à l’idéalisation rétrospective de leurs relations
avec les populations autochtones. L’histoire s’est confondue avec
la mémoire, de multiples livres témoignages sont parus, décrivant
le ressenti, la violence de la rupture, la difficulté de partir, de s’installer. L’histoire des rapatriés est relativement récente. Les travaux, notamment de Yann Scioldo-Zürcher, ont montré que l’État
français a joué son rôle protecteur pour intégrer ces populations,
qu’il a su mettre en place une politique pour protéger et intégrer
cette population migrante. La mémoire de ce groupe n’avait pas
retenu ces aides, elle n’avait gardé mémoire que des difficultés.
L’histoire des pieds-noirs est en grande partie une histoire apaisée. La majorité des pieds-noirs est particulièrement discrète et
n’exprime pas de revendications particulières.
◗◗ Réponses aux questions
1. En France, les soldats (anciens combattants de la guerre), les
harkis (anciens combattants algériens de l’armée française), les
Européens d’Algérie (appelés pieds-noirs), des groupes opposés à
l’indépendance de l’Algérie (comme d’anciens membres de l’OAS),
les enfants d’immigrés algériens, sont autant de groupes mémoriels qui s’opposent au sujet de la guerre et de sa mémoire.
2. Les différents groupes ne portent pas la même mémoire de la
période de la colonisation et de la guerre car leur expérience de la
période est différente. Chaque parti a tendance à considérer qu’il
est dans son bon droit.
3. Les descendants des acteurs de la guerre d’Algérie ont souvent
à cœur de faire évoluer les mémoires pour préserver une histoire
familiale singulière mais dénuée de passion et de rancœurs. Il leur
faut dépasser le récit familial et s’inscrire dans des perspectives
plus historiques. Certains s’y refusent et rejoignent les formations
politiques d’extrême droite.
4.Les historiens jouent un rôle majeur dans l’évolution des
mémoires des différents acteurs, principalement chez les jeunes
générations. En effet, par leurs recherches, ils apportent, sous
Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
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rassemblés devant le Palais de justice sur l’Île de la cité à Paris,
ont répondu à l’appel d’une quarantaine d’organisations issues de
différentes régions de l’Hexagone. Certains manifestants, venus
du sud de la France, avaient une grande banderole où l’on pouvait lire : « Les manifestants veulent que le chef de l’État honore
ses engagements et reconnaisse la responsabilité de l’État dans le
mauvais accueil dans les camps, et le massacre de plus de 100 000
harkis », abandonnés au moment du retrait français d’Algérie.
Ces propos renvoient à une mémoire blessée du conflit, celle de
ces hommes des troupes supplétives de l’armée française durant
le conflit qui furent abandonnés par les autorités françaises aux
représailles du FLN et de l’ALN en 1962. Le général de Gaulle
craignait un front antigaulliste OAS-Harkis en métropole, ordre
fut donc donné aux autorités militaires de ne pas rapatrier les
harkis qui furent alors massacrés en masse au moment de l’Indépendance. Cependant, certains militaires français outrepassèrent
les ordres et quelques milliers de harkis purent arriver en France
avec leur famille. La date du 12 mai renvoie au 12 mai 1962, date
à laquelle Louis Joxe, ministre en charge des Affaires algériennes,
adresse à Christian Fouchet, haut commissaire de la République
en Algérie, une note qui va jusqu’à préconiser le renvoi en Algérie
de « supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général
de rapatriement ». Selon les historiens, 55 000 à 75 000 supplétifs
de l’armée française ont été abandonnés. En général, les harkis
se sont souvent joints aux associations d’anciens combattants et
au milieu des pieds-noirs pour exprimer leurs « revendications
mémorielles ». De leur côté, les autorités étatiques ont longtemps
hésité à reconnaître officiellement ces souffrances. En 2001,
Jacques Chirac a rendu un hommage national à la communauté
harki, en inaugurant une plaque gravée aux Invalides. Le décret du
31 mars 2003 a institué une « Journée nationale d’hommage aux
harkis et autres membres des formations supplétives » qui donne
lieu chaque année, à Paris, le 25 septembre, à une cérémonie officielle. Elle témoigne de la reconnaissance de la France « envers les
rapatriés anciens membres des formations supplétives et assimilés ou victimes de la captivité en Algérie pour les sacrifices qu’ils
ont consentis ». En février 2005, la France a exprimé sa « reconnaissance » envers les harkis à travers une loi qui prévoit des réparations financières et morales. On attirera l’attention des élèves
sur le sens des mots « reconnaissance » et « responsabilité » qui
sont employés ou pas par l’État français et les associations de
harkis et qui sont l’objet du contentieux mémoriel.
forme de sources croisées (archives, témoignages), un éclairage
nouveau aux récits familiaux, aux histoires individuelles. Quant ils
sont écoutés, en mettant les événements en perspective, ils permettent la prise de distance et la réflexion nécessaire à l’histoire
et à l’apaisement des mémoires conflictuelles.
◗◗ Vers l’analyse de documents du BAC
La guerre d’Algérie a officiellement pris fin le lundi 19 mars
1962, date de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu. Les harkis et
les pieds-noirs sont deux groupes qui, pour partie d’entre eux,
quittent le pays à cette date. Les travaux des historiens montrent
les ressorts sur lesquels se fondent les mémoires plurielles et parfois concurrentes de ces deux groupes. Jean-Jacques Jordi, historien, publie une interview dans le journal La Croix en mars 2012,
anniversaire de la signature des accords d’Évian, dans laquellle il
fait état de la diversité de la communauté pieds-noirs en Algérie,
contestant même l’existence d’une véritable collectivité du temps
de la colonisation. Pour le chercheur, c’est l’exil qui a donné naissance à un groupe constitué d’individus qui se sont reconnus dans
une expérience commune, celle de la vie en Algérie et de l’exil
en 1962. Les harkis, supplétifs de l’armée française, ont en majorité été abandonnés par l’armée français tandis qu’une minorité
d’entre eux gagnait la France en 1962. C’est ce qu’évoque Djamila
Berritane, fille de harkis, qui témoigne aux journées de Larrazet
en 2006. Sa vie durant elle a voulu faire connaître l’itinéraire des
harkis et jouer un rôle dans la transmission de la mémoire. Une
mémoire qu’elle veut réconciliatrice.
Pieds-noirs et harkis sont les acteurs témoins de la colonisation
et de la décolonisation française. Ils en gardent une mémoire
différente tant leur vie en France depuis 1962 n’a pas revêtu les
mêmes aspects. Les historiens montrent que les nouvelles générations, en privilégiant la compréhension et non le ressentiment,
acceptent pour la plupart d’aborder l’histoire de leurs ainés de
manière plus apaisée.
Étude 3 p. 56-57
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L’armée française et la torture : une mémoire
et une histoire difficiles
Les exactions, les violences contre la population algérienne furent
nombreuses pendant la guerre d’Algérie. Elles ont été favorisées
par le laxisme des chefs et le racisme ambiant. Interdites par la
Convention de Genève, la torture et les exécutions extra-judiciaires sont ordonnées ; elles visent les combattants du FLN et
de simples suspects raflés dans la population. La guerre honteuse se termine sans gloire et les tentatives de témoignage des
anciens combattants se heurtent dans le domaine de l’édition
aux publications de personnalités médiatiques comme Massu
ou Bigeard qui présentent la guerre sous des traits glorieux. Au
lendemain du conflit, le silence s’installe, l’inversion des valeurs
pendant la guerre n’est pas transmissible en temps de paix. D’autant qu’aucune directive n’a jamais été donnée pour sanctionner
ceux qui pratiquaient la torture. Les historiens qui travaillent sur
la question ont montré que la torture faisait partie du système ;
dès lors qu’on en était un rouage on était susceptible d’y être
confronté. Pourtant, certains défendent la thèse selon laquelle la
torture n’était pratiquée que par les militaires de carrière et par
les équipes de renseignement.
→Document 1 : Le témoignage d’un général français
Extrait d’une interview donnée par le général retraité Paul Aussaresses au quotidien Le Monde en 2000. Dans les années 20002001, ses propos concernant l’usage de la torture font grand bruit
dans la sphère médiatique et politique. Évidemment, on connaissait depuis longtemps le recours à la torture par l’armée française
en Algérie ; un général français qui en avait parlé publiquement
avait eu des ennuis avec la justice militaire (Jacques Pâris de Bollardière). L’unité du général Aussaresses a arrêté, selon ses propres
dires, 24 000 personnes pendant les six mois de la « bataille
d’Alger », dont 3 000 ont disparu. À l’occasion de la parution de
son livre de mémoires, Services Spéciaux, Algérie 1955-1957 (Perrin,
2001), l’ancien responsable des services de renseignement à Alger
a admis, entre autres crimes, avoir assassiné le chef du FLN Ben
M’Hidi, en 1957. Selon la version officielle, il s’était suicidé dans sa
cellule. Poursuivi par différentes associations, Aussaresses a été
condamné en première instance en 2003 à 7 500 euros d’amende
(15 000,00 euros pour l’éditeur Perrin) pour « apologies de crime
de guerre », par la 17e chambre correctionnelle du TGI de Paris. Il a
été condamné en appel. À ce jour, aucune commission d’enquête
parlementaire sur la torture en Algérie n’a été instituée par les
gouvernants français en vertu des lois d’amnistie de 1962 et de
1968.
→Document 2 : Un prisonnier algérien
Cette photographie, datant de 1957, représentant une scène de
supplices infligés à un prisonnier algérien a été prise à la dérobée par un appelé. Il l’a ensuite fait parvenir à la commission de
sauvegarde des droits et libertés individuels. Les appelés qui ont
conservé leurs repères et qui refusent, discutent ou dévoilent
la violence illégale sont sanctionnés sévèrement. Aux punitions
s’ajoutent des « jours de rab’ » à accomplir en plus des 28 mois
de service. Le plus souvent les soldats préfèrent se taire. Un soldat en Algérie a une marge très réduite pour dire non. Très tôt,
la presse puis l’édition dénoncent l’emploi de la torture en Algérie. Le pouvoir décida de saisir les journaux, notamment ceux qui
évoquaient les actes de torture, sous le prétexte d’« atteinte au
moral de l’armée ». La presse n’est d’ailleurs pas la seule visée : La
Question, d’Henri Alleg et La Gangrène, de Bachir Boumaza, parus
en 1958, qui dénoncent la torture en Algérie, sont immédiatement
censurés. Les Français ne se mobilisent pas pour autant.
→Document 3 : La torture « arme-clé de cette guerre »
Raphaëlle Branche est spécialiste de la guerre d’Algérie, elle
fait partie de la génération des chercheurs qui ont renouvelé la
réflexion sur cette période de l’histoire française et algérienne.
Elle a consacré plusieurs ouvrages aux forces militaires engagées
durant ce conflit. La chercheuse explique que dans son travail sur
la torture il s’agissait de savoir comment des militaires français
avaient pu commettre ce que tout désignait alors comme des
crimes. Elle a démontré que ces violences avaient été accomplies
sur ordre. Sa thèse vise à montrer comment cela a pu être possible
dans la République des années 1950-1960 et d’évaluer les effets
délétères de ces violences sur la relation entre l’armée et la nation.
→Document 4 : « la France face à ses crimes en Algérie »,
une du Monde du 3 mai 2001
Après avoir révélé, dans Le Monde du 23 novembre 2000, qu’il
avait ordonné des tortures et procédé lui-même à des exécutions
sommaires en Algérie, le général Paul Aussaresses va plus loin,
dans un ouvrage qui paraît le 3 mai, Services spéciaux, Algérie 19551957. Ses premières déclarations avaient poussé le PCF à réclamer la création d’une commission d’enquête parlementaire. Lionel Jospin s’y était opposé. Tout en soutenant l’appel des douze
intellectuels demandant, dans L’Humanité, la reconnaissance et
la condamnation de la torture durant la guerre d’Algérie, le premier ministre avait estimé que cette période ne relevait « pas d’un
acte de repentance collective », mais d’un « travail de vérité »
mené par les historiens. C’est dans ce contexte que le dessinateur
32 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
Plantu publie ce dessin à la une du Monde. L’affaire a débuté par
la publication, le 20 juin 2000, dans ce même journal, du témoignage de Louisette Ighilahriz, une militante algérienne indépendantiste, torturée par les parachutistes du général Massu. Ce dernier exprime quelque temps après ses « regrets » (Le Monde, 22
juin 2000), tandis que la plupart des anciens officiers concernés,
dont le général Bigeard, dénoncent une campagne contre l’armée.
→Document 5 : Des violences dans les deux camps
La thèse de R. Branche a été l’objet de multiples controverses.
D’un côté son travail a été reconnu par ses pairs ou des historiens
de renom comme Pierre Vidal-Naquet qui lui même avait publié
un ouvrage fondamental sur la torture en 1972 (La Torture dans
la République : essai d’histoire et de politique contemporaine (19541962), Éditions de Minuit). Mais son travail a été attaqué comme
étant « la caution de l’Université » dans le Livre blanc de l’armée
française en Algérie, publié à l’initiative d’un groupe d’officiers de
réserve, contresigné par plus de 500 officiers généraux. Elle avait
précisé dans sa préface « on ne traitera pas ici […] des violences
des nationalistes algériens, notamment en métropole […]. L’objet
de ce livre est plus restreint : l’utilisation de la torture par l’armée française dans la répression des nationalistes algériens entre
novembre 1954 et mars 1962 ». Guy Pervillé regrette malgré tout
que son sujet de thèse ait ainsi évacué le fait capital de l’interdépendance entre les violences deux camps.
de tortionnaires qui pour certains, à la fin de leur vie, avouent ce
qu’ils avaient nié jusqu’alors (doc. 1 et 4). La question de la torture rencontre l’opinion qui montre un véritable intérêt pour ce
retour de mémoire.
Histoire des arts p. 58-59
Bande dessinée et mémoires de la guerre d’Algérie
Jacques Ferrandez, né en 1955 en Algérie, et qui l’a donc quittée
enfant, est devenu un nom incontournable de la BD française
actuelle. Ses deux cycles consacrés à l’histoire de la colonisation
de l’Algérie et à la guerre d’Algérie possèdent une très grande
valeur graphique, fictionnelle et documentaire et sont remarquables par le souci d’impartialité et d’objectivité de l’auteur, qui,
quoique pied-noir, n’a investi dans ses récits aucun sentiment
d’amertume ou de haine ; il n’a pas voulu non plus prendre parti
dans les controverses sur l’impact de la colonisation française en
Afrique du Nord ou sur les difficultés actuelles de l’Algérie. Il a
mis en scène une série de personnages portant chacun une partie
de la réalité des faits sans en juger aucun, combattants du FLN,
militaires, colons, etc. Il est intéressant de voir avec les élèves que
son œuvre se situe entre mémoire et histoire.
◗◗ Réponses aux questions
1. Pendant la guerre d’Algérie, l’armée française a pratiqué la torture contre les combattants du FLN et les Algériens suspectés de
détenir des informations.
2.Pour l’historienne, l’utilisation de la torture s’explique par les
conditions particulières de la guerre d’Algérie qui oppose une
armée régulière à des combattants indépendantistes au sein
d’une population civile soupçonnée de complicité. Son utilisation
ne visait pas tant à « faire parler » qu’à terroriser la population.
3.Dans la presse au début des années 2000, des journalistes
mènent des enquêtes, Le Monde ouvre ses colonnes aux témoins
et victimes de la guerre d’Algérie. La question de la torture fait
la une. De par son audience, la presse fait entrer la question des
violences dans l’espace public et pousse certains, restés jusque-là
dans le silence, à prendre position. Paul Aussaresses, après avoir
nié l’usage de la torture, reconnaît en 2000 l’avoir pratiquée et fait
pratiquer.
4.Certains anciens combattants ont réagi avec véhémence
contre la thèse de Raphaëlle Branche. Ils lui reprochent de ne pas
avoir traité en regard les violences des combattants algériens.
Pourtant, dans son introduction elle précise que ce n’est pas son
sujet. Le travail des historiens par les méthodes scientifiques qu’ils
adoptent vient parfois heurter la mémoire des témoins et des
acteurs.
◗◗ Vers la composition du BAC
Au lendemain de la guerre d’Algérie, les militaires impliqués ou
témoins de l’usage de la torture maintiennent le silence qui leur
a été imposé au cours du conflit. De retour dans leur foyer, ils
taisent à leur entourage la réalité de leur vécu de la guerre. Si
certains ont fait acte de courage en dénonçant ces pratiques,
comme le fait de photographier les supplices auxquels ils assistaient (doc. 2), la majorité a occulté ces douloureux souvenirs.
Dans les années 2000, la torture émerge dans la société grâce au
travail d’une nouvelle génération d’historiens comme Raphaëlle
Branche qui publie sa thèse : La torture et l’armée pendant la guerre
d’Algérie (doc. 3) et par la publication par le journal Le Monde du
témoignage de victimes (Louisette Ighilahriz torturée en 1957) et
1.Cette planche renvoie à la bataille d’Alger qui atteint son
paroxysme en 1956-1957 et voit notamment les militaires français investir quotidiennement la vieille ville d’Alger, la Casbah,
qui abrite agents et informateurs du FLN, y compris des femmes
qui portent parfois sous leurs vêtements, armes à feu et bombes.
L’auteur utilise, en haut à gauche, une partie de la une du quotidien La Dépêche d’Alger qui fait référence à l’assassinat par le
FLN d’Amédée Froger, maire de Boufarik dans la périphérie d’Alger, le 28 décembre 1956. Son enterrement donne lieu à une violente « ratonnade » qui voit des Européens massacrer des Arabes,
des hommes mais aussi des femmes sans que la police algéroise,
composée de pieds-noirs, n’intervienne réellement.
2. Militaires français en uniformes ; membres musulmans du FLN
mais aussi pieds-noirs (vêtus à l’européenne) et membres de l’OAS
(évoqués par des inscriptions) ainsi que des habitants musulmans
(en habits traditionnels) sont mis ici en scène dans le quartier de
la Casbah d’Alger.
3. L’auteur fait se côtoyer la bande dessinée sous sa forme classique, c’est-à-dire des planches quadrillées en vignettes, avec
des documents d’époque comme des coupures de presse. Les
planches sont chargées de détails, le dessin est serré, aucun
espace libre ne subsiste. Les personnages sont comme enfermés
dans des cases aux formes irrégulières et exiguës.
4. Terre Fatale renvoie à la terre natale des héros, pieds-noirs et
algériens, nés sur le sol de la colonie. Les personnages de la fiction
sont pris dans les mailles de la grande histoire, celle de la fin de
la guerre d’Algérie qui aboutit aux ultimes déchirements, au sein
même des communautés.
5. Il est intéressant de remarquer que le second cycle des Carnets
d’Orient consacré à la guerre d’Algérie a paru entre 2002 et 2009,
période d’incursion dans la sphère publique et médiatique de la
guerre d’Algérie mais aussi de débats et de faits liés à la question
de l’immigration maghrébine et des relations franco-algériennes
(années 2000 : retour du thème controversé de la torture ; 2002 :
inauguration du mémorial national du quai  ; 2005: manifestation
à Paris d’immigrés Algériens et d’origine algérienne commémorant le 50e anniversaire des massacres de Sétif…).
Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
• 33
© Hachette Livre 2014
◗◗ Réponses aux questions
◗◗ Vers la composition du BAC
L’œuvre de fiction est souvent un support efficace pour traiter de
questions historiques. La bande dessinée de Jacques Ferrandez,
Carnet d’Orient, en est un témoignage réussi. L’auteur fait ici
œuvre d’historien en intégrant un extrait de journal qui permet
de situer chronologiquement l’épisode de son récit. On note son
goût pour la reconstitution graphique des ruelles de la Casbah, ses
hautes maisons serrées les unes contre les autres, ses boutiques,
ses escaliers et ses pavés. La bande dessinée permet, à travers
le récit fictionnel, de faire émerger les différents groupes porteurs de mémoire de la guerre d’Algérie : militaires français en
uniformes ; membres musulmans du FLN mais aussi pieds-noirs
(vêtus à l’européenne) et membres de l’OAS (évoqués par des inscriptions) ainsi que des habitants musulmans (en habits traditionnels) sont mis en scène dans le quartier de la Casbah d’Alger.
Cours p. 60-63
I. L’historien et les mémoires de la guerre en France
•Présentation
Cette première leçon, qui a pour objet la construction des
mémoires de la guerre d’Algérie en France, est construite de façon
chronologique afin que les élèves puissent, dans l’optique de la
composition du Bac, repérer à la fois le poids du contexte dans
l’élaboration des mémoires et les évolutions que la distance visà-vis de l’événement vont permettre. Elle induit, comme l’exige le
programme, une lecture historique de ces mémoires en donnant
une place centrale au travail des historiens et en montrant que les
mémoires sont, en elles-mêmes, objet d’histoire. Elle montre enfin
que s’il existe une mémoire dominante, elle est pourtant plurielle
et ne signifie pas l’absence, à d’autres échelles, de mémoires plus
discrètes sur la scène publique mais vivace pour certains groupes.
• Choix des documents « appuis » du cours
Les documents indiqués dans les marges doivent permettre aux
élèves d’étayer leur raisonnement avec des exemples précis,
documents qui peuvent par ailleurs faire l’objet d’une étude au
Baccalauréat. Ils ont donc pour objet non seulement d’illustrer le
cours mais aussi de provoquer une analyse spécifique. Ces renvois
documentaires permettent enfin de repérer les documents clés
dans les études, à partir desquels une thématique spécifique des
mémoires peut être abordée. Personnage clé de l’évolution des
mémoires, la biographie de Benjamin Stora doit être connue des
élèves, c’est pourquoi elle est mise en évidence.
II. L’historien et les mémoires de la guerre en Algérie
© Hachette Livre 2014
•Présentation
Cette deuxième partie du cours qui a pour objet l’historien et les
mémoires de la guerre d’Algérie suit elle aussi un déroulement
chronologique, jusqu’aux relations qu’entretiennent les deux pays
aujourd’hui. Elle met en valeur le rôle des différents groupes porteurs de mémoire ainsi que l’importance des vecteurs divers de la
diffusion des mémoires, vecteurs qui ne se limitent pas aux historiens. Elle insiste enfin sur les rapports à la fois complémentaires et conflictuels de ces deux perceptions du passé que sont la
mémoire et l’histoire et en souligne les forts enjeux politiques en
Algérie. Personnage clé de l’évolution des mémoires, la biographie
de Mohammed Harbi doit elle aussi être connue des élèves.
• Choix des documents « appuis » du cours
Comme pour la partie précédente, les documents indiqués dans les
marges doivent permettre aux élèves d’étayer leur raisonnement
avec des exemples précis, documents qui peuvent par ailleurs
faire l’objet d’une étude au Baccalauréat. Ils ont donc pour objet
non seulement d’illustrer le cours mais aussi de provoquer une
analyse spécifique. Ces renvois documentaires permettent enfin
de repérer les documents clés dans les études, à partir desquels
une thématique spécifique des mémoires peut être abordée.
Prépa Bac p. 64-65
◗◗ Composition
Sujet guidé : L’historien et le renouvellement
des mémoires de la guerre d’Algérie
1. Analyser le sujet
Pour l’historien, les mémoires sont des ressources qu’il étudie
et confronte afin d’expliquer l’histoire. Le terme « renouvellement » indique un changement important. Les « mémoires » sont
plurielles : des anciens combattants, des pieds-noirs, des harkis,
etc. Le cadre spatial de cette étude est aussi bien la France que
l’Algérie.
2. Présenter le sujet
La phrase qui correspond le mieux au sujet est la première car
elle aborde à la fois le rôle des historiens (ce n’est pas le cas de la
troisième) français et algériens (ce n’est pas le cas de la deuxième).
7. Comment présenter votre devoir ?
Une composition entièrement rédigée est proposée ci-dessous.
Les passages rédigés des paragraphes 2 et 3 qui ne figurent pas dans
le manuel de l’élève sont en italique. Les réponses demandées aux
élèves sont en italique gras.
Les mémoires de la guerre d’Algérie en France sont variées et
portées par des acteurs multiples. Les historiens, pour qui elles
constituent une ressource et un objet d’études, ont contribué à
les faire connaître et à en faire une lecture historique, notamment depuis les années 1980, période où les sources deviennent
plus nombreuses. Quel est donc le rôle des historiens dans le
renouvellement de ces mémoires ? On rappellera d’abord le
contexte favorable à ce renouvellement. Puis, on analysera le
rôle de l’historien face à la mémoire officielle et enfin son rôle
face à l’émergence de mémoires plurielles.
Depuis les années 1980, le contexte est favorable au renouvellement des mémoires.
En France, cette décennie voit la percée électorale du Front national et la montée de certaines formes de racisme qui déclenchent
une prise de conscience chez les harkis ou les descendants d’immigrants algériens. La « volonté de savoir » prend des formes
multiples comme la manifestation des Beurs lors de la marche
contre le racisme et l’égalité des droits de 1983.
En Algérie, les émeutes en Kabylie et l’arrivée à l’âge adulte
de nouvelles générations nées après la guerre entraînent une
remise en cause du discours du FLN.
L’accès à de nouvelles sources est possible : ouvertures des
archives publiques en France en 1992 ; témoignages d’acteurs
jusque-là passés sous silence.
Une nouvelle vision de la guerre d’Algérie devient alors possible.
La mémoire officielle se retrouve ainsi soumise au regard et à la
critique de l’historien.
Cette mémoire officielle a longtemps présenté une vision sélective de la guerre en France comme en Algérie. En France, les
pieds-noirs, les soldats, les harkis sont les témoins d’une
guerre perdue politiquement et qui ne dit pas son nom. Ce
sont des mémoires de vaincus que l’on cherche à occulter. En
34 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
Ils rendent aussi compte de la complexité de cette période.
L’historien doit d’abord faire face à la concurrence des mémoires.
Ainsi, les Français d’Algérie et leurs descendants parlent
du traumatisme de leur rapatriement en France. Les harkis
évoquent eux leur rejet par l’Algérie et l’occultation de leur
statut de combattants par la France.
Il doit ensuite s’intéresser à l’émergence de nouvelles mémoires
qui sont autant de sujets d’étude pour lui. Les travaux de recherche
menés permettent de rompre avec les représentations dominantes et
de connaître par exemple la mémoire des réfractaires, soldats
insoumis ou déserteurs de la guerre d’Algérie, ou encore des
appelés du contingent et de leurs familles.
Face à ces mémoires plurielles, le travail des historiens consiste
donc à questionner tous les acteurs de la guerre d’Algérie afin de
présenter de la façon la plus objective cette période tourmentée.
Les historiens ont permis, par leurs travaux, d’éclairer d’un jour
nouveau l’histoire de la guerre d’Algérie et d’en renouveler les
mémoires. Cependant, face au devoir de mémoire que réclame
la société actuelle, les historiens sont sans cesse obligés de rappeler que leur rôle est d’expliquer et non de commémorer ou de
soutenir des vérités « officielles ».
Sujet en autonomie : L’historien et les mémoires
officielles de la guerre d’Algérie
Dès 1962, fin de la guerre et indépendance de l’Algérie, des
mémoires officielles émergent, imposées par le pouvoir politique
en place aussi bien en France qu’en Algérie. Les historiens vont
progressivement mener des recherches pour connaître l’histoire
de cette période, loin de visions officielles, amenant celles-ci à
évoluer. On peut ainsi s’interroger sur le rôle de l’historien dans
l’évolution de ces mémoires officielles. Dans une première partie,
nous verrons que les mémoires officielles sont éloignées des faits
historiques, puis, dans une deuxième partie, nous aborderons leur
remise en cause par les historiens. Enfin, une troisième partie
permettra d’évoquer l’évolution de ces mémoires officielles.
1. Des mémoires officielles éloignées des faits historiques
A. En France, une « guerre sans nom ».
B. En Algérie, la « guerre d’un peuple uni en armes ».
2. La remise en cause des mémoires officielles par les
historiens à partir des années 1980
A. Le travail de recherche et de confrontation des témoignages
par les historiens.
B. L’émergence de mémoires plurielles en rupture avec les
mémoires officielles.
3. L’évolution des mémoires officielles grâce aux historiens
A. La reconnaissance de la guerre et de mémoires plurielles par
l’État en France.
B. Les débats entre mémoires officielles et histoire en France et
en Algérie.
À partir des années 1980, les historiens par leurs travaux vont
progressivement faire évoluer les mémoires officielles, en France
particulièrement. Mais ils doivent sans cesse rappeler que leur
rôle est d’expliquer les faits historiques et non de commémorer,
notamment en Algérie.
Prépa Bac p. 66-68
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet guidé : L’historien et les mémoires
de la guerre d’Algérie
1. Analyser la consigne
1. Un groupe porteur de mémoire rassemble des personnes ayant
une même vision de l’histoire et des intérêts communs.
2. Les actions désignent les moyens utilisés par ces groupes porteurs de mémoire pour faire connaître leur cause et les objectifs
renvoient à leurs intérêts, leurs revendications.
3. Les historiens font des recherches, confrontent les différentes
mémoires et participent à la connaissance de l’histoire de la
guerre d’Algérie.
2. Prélever des informations
4. Les passages surlignés en bleu correspondent à la 1re partie de
la consigne, ceux surlignés en vert à la 2e partie et ceux surlignés
en orangé correspondent à la 3e partie.
7. Comment présenter votre devoir ?
Une analyse de document entièrement rédigée est proposée cidessous. Les passages rédigés du paragraphe 2 qui ne figurent pas
dans le manuel de l’élève sont en italique. Les réponses demandées
aux élèves sont en italique gras.
Cette table-ronde permet la confrontation entre un historien,
Henry Rousso, et Mehdi Lallaoui, représentant un des groupes
porteurs de mémoire de la guerre d’Algérie.
Il existe, en effet, plusieurs mémoires portées par différents
groupes qui se distinguent par leur vécu de la guerre ou les représentations qu’ils en ont. Les populations civiles musulmanes et
pieds noirs qui ont connu la guerre ont souvent été victimes
de massacres, de déplacements forcés. C’est notamment le cas
des victimes de Sétif. Elles témoignent des souffrances vécues.
Elles sont aujourd’hui relayées par les descendants des immigrés algériens, les beurs issus de l’immigration ou les enfants de
pieds-noirs.
Au contraire, d’autres groupes portent la mémoire des combats.
Défendant l’Algérie française, ce sont les soldats de l’armée
française, militaires de carrière, appelés du contingent, mais
aussi supplétifs de cette armée, les harkis. Leurs récits des évènements diffèrent en fonction des responsabilités qu’ils avaient.
Par exemple, le général Aussaresses reconnaît la torture tout en
défendant sa nécessité en temps de guerre. Les combattants du
Front de libération nationale (FLN) portent la mémoire de la
lutte en faveur de l’indépendance de l’Algérie.
Ces groupes se différencient par leurs actions et leurs objectifs
en faveur de la reconnaissance de leur cause, notamment en
France.
Pour faire connaitre leur cause, ils utilisent différents modes
d’actions qui sont relayés par les médias. Constitués en associations telles que la FNACA (Fédération nationale des anciens combattants en Algérie) ou l’association « Au nom de la mémoire »,
ils organisent des manifestations ou participent à des évènements tels que la « marche des beurs » en 1983. Ils inter-
Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
• 35
© Hachette Livre 2014
Algérie, le FLN a fait de la guerre d’indépendance « le socle
de la nation ».
Mais le travail des historiens a favorisé l’évolution de cette
mémoire. Ainsi, l’algérien Mohammed Harbi, ancien membre
du FLN, devenu historien, participe à la connaissance des faits
de même que le français Benjamin Stora. Tous deux œuvrent
par leurs travaux au rapprochement des deux États.
Cependant, la tentation des politiques d’établir des vérités historiques officielles soulève le débat entre histoire et mémoire, l’histoire officielle des deux États évoluant peu pendant cette période.
Au-delà des polémiques, les travaux des historiens permettent
une meilleure connaissance de la période de guerre.
viennent auprès des représentants politiques pour faire valoir
leurs revendications.
Leurs objectifs varient en fonction de leurs intérêts. Ainsi, l’association « Au nom de la mémoire » représentée par Mehdi Lallaoui, cherche, depuis 1983, à faire émerger « cette histoire douloureuse et occultée » notamment la vérité sur les évènements du
17 octobre 1961. D’autres groupes réclament un statut et des
compensations financières ; c’est le cas des rapatriés et des
harkis. Les revendications des appelés du contingent portent
sur l’obtention d’un statut d’anciens combattants jusqu’à la
reconnaissance par l’État d’une « guerre » en Algérie en 1999.
plus influents. Les historiens sont réticents au « devoir de
mémoire » et lui préfèrent le devoir d’histoire. Ils revendiquent
de travailler à distance du pouvoir et des enjeux de mémoire, en
France comme en Algérie.
Face à ces groupes, les historiens confrontent ces mémoires
et cherchent à dépasser les lectures partisanes dans un souci
d’objectivité.
Pour accéder à cette connaissance de l’histoire de la guerre d’Algérie et la transmettre, ils s’appuient sur différents moyens. Ainsi,
ils exploitent et interprètent des documents d’archives devenus
accessibles depuis les années 1990. Des colloques sont organisés tels que celui de l’université d’été consacrée à « apprendre et
enseigner la guerre d’Algérie et le Maghreb contemporain » en
août 2001.
Ainsi, ce travail permet de faire évoluer les mémoires, mais soulève aussi de nombreux débats et critiques. Depuis les années
1990, la mémoire officielle en France porte un nouveau regard sur
la guerre en Algérie. Un Mémorial national du quai Branly est inauguré en 2002. En 2012, le président François Hollande reconnait la
réalité des événements qui se sont déroulés le 17 octobre 1961. Mais
les historiens dénoncent l’utilisation qui peut être faite de leurs travaux comme la tentation de l’État d’écrire l’histoire à travers des lois
mémorielles ou de valoriser certains groupes porteurs de mémoire
La confrontation de l’affiche et du texte évoquant le film La
Bataille d’Alger de Gillo Pontecorvo permet de bien saisir les différents temps de la mémoire de la guerre d’Algérie dans la société
française.
L’affiche du film indique les différentes étapes de la carrière cinématographique de ce film longtemps interdit en salle et l’article
de Laurence Debril dans L’Express en éclaire les enjeux.
Malgré des contestations concernant leur rôle, le travail des historiens a permis une meilleure connaissance de la guerre d’Algérie et de mémoires qui en découlent.
Sujet en autonomie : Le cinéma et la difficile mémoire
de la guerre d’Algérie
1. Le temps de la mémoire occultée
A. Mémoire officielle niant la guerre.
B. Censure d’État et déni de la part des Français.
2. L’évolution des mémoires
A. Travail des historiens et émergence de nouvelles mémoires.
B. Reconnaissance progressive des faits par l’État.
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Pensé comme un documentaire, le film de Gillo Pontecorvo symbolise parfaitement l’évolution, en France, des mémoires en voie
d’apaisement de la guerre d’Algérie. Censuré à sa sortie en 1965,
il reçoit les honneurs de la crique lors de sa sélection au festival
de Cannes 2004.
36 • Histoire - Chapitre 2 - L’historien et les mémoires de la guerre d’Algérie
chapitre 3
Les États-Unis et le monde depuis 1945
p. 72-99
Programme : Thème 2 – Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 (14 à 15 heures)
Question
Mise en œuvre
Les chemins de la puissance
Les États-Unis et le monde depuis 1945
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
Ce chapitre, s’il ne porte que sur la période la plus récente de
la puissance américaine dans le monde, amène en premier lieu à
s’interroger sur les valeurs fondatrices de l’hégémonie assumée
par les États-Unis, tout d’abord sur le monde libre jusqu’en 1991
puis sur la planète entière depuis lors. Ces valeurs s’identifient
au libéralisme politique introduit par les rédacteurs de la Déclaration d’Indépendance des États-Unis en 1776 et à la foi missionnaire d’une nation fondée par des individus persécutés pour leurs
convictions religieuses (les Pères Pèlerins ou Pilgrim Fathers qui
quittèrent l’Angleterre à bord d’embarcations de fortune après
1620). Pourtant le réalisme stratégique imposé par l’affrontement
de guerre froide entre les États-Unis et l’URSS contredit ces
valeurs proclamées par les Américains envers le monde avec la
création d’une Organisation des Nations unies (ONU) démocratique à San Francisco en 1945. Les atrocités de la guerre du Vietnam (1964-1973), les compromissions avec les dictatures d’Amérique latine sur la même période et plus tard les sévices infligés
aux prisonniers irakiens d’Abu Ghraïb n’ont-elles pas abîmé la prétention universaliste des États-Unis envers le monde extérieur ?
Et n’imposent-elles pas d’analyser les intentions américaines selon
les normes plus classiques de la puissance internationale léguées
par Raymond Aron et Hans Morgenthau ?
Dans ce contexte, un autre débat majeur traverse les sciences
sociales depuis les attentats du 11 septembre 2001 pour savoir si
les États-Unis demeurent l’hyperpuissance décrite en 1999 par
Hubert Védrine, à la fois régulatrice et organisatrice de l’ordre
mondial. Ou bien les États-Unis sont-ils en déclin dans leur
influence internationale, concurrencés par l’émergence de puissances nouvelles comme la Chine, s’appuyant sur leur démographie et une économie plus dynamique ? L’historien américain Paul
Kennedy a été le premier à évoquer le déclin relatif des États-Unis
dans le temps long historique (Naissance et déclin des grandes puissances, 1989) avant d’apparaître contredit dans la décennie suivant
la fin de la guerre froide (1991-2001). Cette thèse a été renouvelée
après l’attaque terroriste du 11 septembre avec l’enlisement guerrier des États-Unis en Irak après 2004. L’historien et démographe
français Emmanuel Todd a ainsi prédit en 2002 dans Après l’empire : essai sur la décomposition des États-Unis la fin prochaine de la
superpuissance américaine.
Une dernière problématique concerne la nature des conflits
engagés par les États-Unis. Ils se caractérisent par la recherche,
depuis la guerre du Vietnam (1964-1973), d’une durée restreinte
et d’une mortalité limitée afin de conserver le soutien primordial de l’opinion publique. Les oppositions majeures nées dans
la population américaine face à la guerre du Vietnam puis à la
guerre en Irak interrogent la capacité des États-Unis à mener de
longues opérations terrestres. Dès 1977, dans leur livre Power and
Interdependence : world politics in transition, les auteurs Joseph
Nye et David Keohane annonçaient une déconnexion croissante
entre puissance militaire et gains politiques ou diplomatiques. Les
États-Unis peuvent-ils donc conserver une puissance identique
sur le monde en recourant moins aux interventions militaires
directes qu’à des stratégies d’influence économique et culturelle ?
◗◗ Débat historiographique et quelques notions clefs
du chapitre
•Hyperpuissance : en avril 1999, dans le cadre de l’OTAN, les
États-Unis bombardent Belgrade afin de faire cesser les exactions
du régime serbe de Milosevic contre les populations musulmanes
albanophones du Kosovo. Cette démonstration de puissance des
États-Unis au cœur de l’Europe est conjuguée à l’époque à une
croissance économique insolente. Elle amène le ministre français
des Affaires Étrangères Hubert Védrine à forger alors le concept
d’hyperpuissance pour qualifier les États-Unis. Selon lui, les ÉtatsUnis étaient une puissance inédite dans l’histoire du monde, conjuguant pour la première fois supériorité militaire et économique
écrasante, dynamisme démographique et technologique ainsi
qu’attractivité culturelle. Cette appellation n’était pas un concept
scientifique mais marqua les esprits et devint d’usage courant. Elle
reprenait en fait la théorie américaine du « moment unipolaire »
défendue dès 1990 par le journaliste américain Charles Krauthammer dans un article fameux de Foreign Affairs. Pendant au moins
une génération (25 ans), la puissance internationale des États-Unis
serait telle qu’il n’y aurait aucun rival possible. Elle est pourtant
démentie durant la décennie 2000 par les échecs militaires des
États-Unis en Irak et en Afghanistan alors même que le budget
américain de la Défense, dépassant les 600 milliards de dollars
depuis 2008, est encore quatre fois supérieur en 2013 à celui de la
Chine, second au monde. La crise économique et financière – la
Grande Récession – connue par les États-Unis après 2008 pose la
question de la capacité des États-Unis à supporter durablement
une dette publique creusée par les dépenses militaires colossales
engagées depuis un demi-siècle. C’est pourquoi cette notion d’hyperpuissance est déjà relativisée par Hubert Védrine lui-même ;
fin 2013, il déclare à la revue Géoéconomie : « Ce terme n’est évidemment plus d’actualité. » Elle est aujourd’hui remplacée par le
concept d’une puissance américaine « relative », en particulier par
l’historien écossais Niall Ferguson qui évoque un empire imparfait des États-Unis (Colossus, the Rise and Fall of American Empire).
Selon lui, les États-Unis n’assumeraient pas assez leur domination
sur le monde et n’y consacrent pas assez d’argent et de moyens
humains pour apporter un ordre incontestable.
• Soft power / hard power : à la fin de la guerre froide, afin de
réfuter la théorie de Paul Kennedy sur le déclin de la superpuissance américaine, le politiste américain Joseph Nye (Bound to lead.
Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
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HISTOIRE
thème 2Grandes puissances et conflits dans le monde
depuis 1945
The changing nature of American power) propose en 1990 le concept de soft power. Pour Nye, le coût croissant de la force armée et
la prolifération nucléaire changent fondamentalement les formes
de la puissance. La capacité d’un État à imposer « brutalement »
ses intérêts aux autres – Nye évoque un hard power – devenant
presque impossible, Nye définit la possibilité d’un soft power –
« c’est-à-dire faire désirer aux autres les résultats que vous
souhaitez – associe les individus plutôt que de les contraindre.
Le soft power repose sur la faculté de former les préférences des
autres. » (Joseph Nye, Soft Power : the means to success in world
politics, 2004). Nye attribue le soft power d’un pays à trois facteurs :
l’attractivité de sa culture, ses valeurs politiques et leur cohérence
avec son action internationale et ses politiques extérieures si elles
sont légitimes et moralement fondées. Nye illustre la validité du
soft power américain lors de la guerre du Golfe en 1991. En effet,
à leur suprématie militaire classique, les États-Unis mènent, face
à l’invasion du Koweït, une diplomatie de restauration du droit
et de la démocratie dans le cadre onusien. Les États-Unis constituent une large alliance contre la dictature irakienne de Saddam
Hussein, y compris dans les pays arabes, en la plaçant sous l’autorité des Nations Unies. Les opérations militaires de cette alliance
entre janvier et avril 1991 sont retransmises par la chaîne satellitaire d’information continue CNN qui, sans être dépendante du
gouvernement américain, diffuse la notion de guerre « propre »
défendue par l’état-major américain sans dommages collatéraux
sur les populations civiles. Au contraire, la guerre américaine en
Irak entre 2003 et 2011 est menée avec l’usage exclusif du hard
power, c’est à dire par une puissance militaire non concertée avec
le reste du monde. Cette guerre entraîne par conséquent une
rupture des alliances traditionnelles du gouvernement américain
(opposition française et allemande aux Nations Unies), une impopularité forte des États-Unis dans le monde arabe favorisant le
recrutement de l’organisation terroriste Al Qa’ida et une perte de
maîtrise de la couverture médiatique du conflit. En effet, la chaîne
qatarie d’information continue Al Jazeera dénonça en 2004 par
l’image des exactions commises par les troupes américaines lors
du siège de Falloujah, ce qui renforça l’hostilité des populations
arabes envers les États-Unis.
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages universitaires
L. Balthazar, C. P David, J. Vaïsse, La Politique étrangère des ÉtatsUnis : fondements, acteurs et formulations, Presses de Sciences
Po, 2008.
G. Dorel, Atlas de l’empire américain. États-Unis : géostratégie de
l’hyperpuissance, Autrement, 2006.
P. Hassner, J. Vaïsse, Washington et le monde. Dilemmes d’une
superpuissance, Autrement, 2003.
D. Lacorne, J. Vaïsse (dir.), La Présidence impériale de Franklin Roosevelt à G. W Bush, Odile Jacob, 2007.
Y. Nouailhat, Les États-Unis et le monde depuis 1898, Armand Colin,
Collection U, 2003.
I. Vagnoux, Obama et le monde : quel leadership pour les États-Unis,
Éditions de l’Aube, 2013.
D. Van Eeuwen, I. Vagnoux (dir.), Les États-Unis et le monde
aujourd’hui, Éditions de l’Aube, 2008.
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• Ouvrages plus spécifiques sur les États-Unis et certaines
régions du monde
P. Droz-vincent, Vertiges de la puissance : « le moment américain »
au Moyen Orient, La Découverte, 2007.
J. Portes, Les États-Unis et la guerre du Vietnam, Complexe, 2008.
• Articles et documentation pédagogique
D. Cumin, « Retour sur la guerre de Corée », Hérodote, n° 141,
2011, p. 47-56.
38 • Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
Hérodote, « Les États-Unis et le reste du monde », n° 109, janvier 2003, 192 pages.
La Documentation photographique, « Les États-Unis : société
contrastée, puissance contestée », n° 8056, 2007.
• Sites Internet
http://www.ifri.org/?page=detail-centre-recherche&id=24
La page du programme États-Unis de l’Institut Français des Relations Internationales (IFRI) propose de nombreuses études historiques et géopolitiques.
http://www.ehess.fr/cena/index.html
Le site du Centre d’Études Nord-Américaines (CENA) qui fait des
points réguliers sur les débats historiographiques en cours sur les
États-Unis.
http://ceriscope.sciences-po.fr/node/551
Le dossier du Centre d’Études et de Recherches Internationales
de Sciences Po Paris consacré à la puissance internationale – dont
celle des États-Unis dans le monde et ses difficultés actuelles,
avec des illustrations riches et accessibles.
Introduction au chapitre p. 72-73
Ce chapitre étudie les manifestations de la puissance des ÉtatsUnis, les processus par lesquels elle s’est affirmée dans la deuxième partie du xxe siècle et ce qu’il en est de nos jours.
La question essentielle est la mutation d’un pays qui refusa longtemps les contraintes de la puissance pour finalement les accepter dans la décennie 1940. Il importe donc d’identifier les acteurs
qui ont contribué à cette métamorphose, leurs mobiles et leurs
moyens.
Logiquement, la problématique choisie interroge les formes
diverses – militaire, diplomatique, culturelle – revêtues par une
domination inédite dans l’histoire récente de l’humanité.
La confrontation entre les deux images de l’introduction résume
l’évolution de la puissance américaine. En 1945, le document 1
illustre son ascendant irrésistible sur l’aire pacifique, symbolisée par sa victoire sur le Japon, l’ennemi de toujours. En 2013, le
document 2 souligne la fragilisation de l’hégémonie américaine
en Asie, et fait ressurgir, par sa thématique similaire, les fantômes
de l’épisode iranien de 1979.
→Document 1 : le drapeau américain planté sur l’île japonaise
d’Iwo Jima en février 1945
Cette photographie prise le 23 février 1945 par Joe Rosenthal pour
l’Associated Press valut une renommée immédiate à son auteur
qui reçut le prix Pulitzer pour son cliché dès 1945. Elle est en
partie trompeuse car un drapeau américain avait déjà été hissé
auparavant et Rosenthal ne saisit que la réinstallation d’un plus
grand étendard. Cette photo est devenue le symbole de la reconquête des îles du Pacifique par l’armée américaine contre le Japon
impérial.
→Document 2 : le drapeau américain brûlé par des Pakistanais
en 2013
Cette autre photographie de l’Associated Press souligne l’évolution de l’image des États-Unis dans le monde depuis 1945. La destruction du drapeau américain est devenue, depuis la révolution
islamique iranienne de 1979, un moyen visuel et médiatique de
signaler l’opposition aux interventions militaires extérieures des
États-Unis. Dans le cas pakistanais, les manifestants protestent
contre l’utilisation par les États-Unis depuis 2004 de frappes
militaires par des drones téléguidés dans leur guerre contre le
terrorisme.
La frise chronologique souligne l’évolution du rapport des ÉtatsUnis avec le monde depuis 1945. On fera remarquer aux élèves
la continuité entre la victoire dans la Seconde Guerre mondiale
contre le Japon et l’Allemagne et l’émergence d’une superpuissance pendant la guerre froide face à l’URSS après 1947.
La séquence 1945-1962 transforme les États-Unis en puissance
impériale : leur rôle militaire, stratégique et diplomatique durant
la Seconde Guerre mondiale puis la Guerre froide les conduit à
accepter des responsabilités de niveau planétaire.
De 1962 à 1991, cette puissance s’exerce dans le cadre d’un monde
bipolaire : les États-Unis organisent un modus vivendi avec le bloc
soviétique mais restent une « nation sous les armes ».
L’implosion du bloc soviétique en 1989-1991 inaugure une séquence
incertaine : les États-Unis demeurent l’unique grande puissance
mais présentent des signes de déclin relatif et doivent faire face
à de nouvelles menaces (cf. attentats du 11 septembre 2001) ainsi
qu’au réaménagement des équilibres géopolitiques qu’entraîne
l’apparition des pays émergents au sein d’un monde globalisé.
Repères p. 74-77
Ces pages reviennent sur la construction de la relation des ÉtatsUnis avec le monde depuis la naissance de cette jeune nation en
1776.
Le document 1 de la p. 74, par une sélection de documents fondamentaux, rappelle la volonté des Pères fondateurs des ÉtatsUnis, comme le premier président George Washington, de garder
ce nouveau pays à l’écart des relations internationales européennes porteuses de guerre. Au xixe siècle, cet isolationnisme
est confirmé par la doctrine du président Monroe en 1823, qui
protège l’indépendance des jeunes républiques d’Amérique latine
contre les appétits des puissances européennes. Il est justifié par
une « destinée manifeste » à dominer le continent américain qui
est affirmée à l’occasion de la conquête de l’Ouest au détriment
des Indiens et des Mexicains. Les extraits proposés des 14 points
de Wilson en janvier 1918 et de la charte de l’Atlantique signée
par le président Roosevelt en août 1941 rappellent le basculement
des États-Unis vers l’hégémonie lors des deux guerres mondiales.
Le document 2 de la p. 75 permet de visualiser l’expansion des
États-Unis durant la guerre froide (1947-1991) par leur système
d’alliances qui autorise leur déploiement militaire sur tous les
continents vers 1960 : l’Organisation du Traité de l’Atlantique
Nord (OTAN) en Europe et Amérique du Nord, l’Organisation des
États Américains (OEA) en Amérique du Sud, le pacte de Bagdad
au Moyen-Orient.
Le document 1 de la p. 76, une carte de synthèse de la superpuissance étatsunienne actuelle, démontre combien les ÉtatsUnis organisent le monde d’aujourd’hui par leur puissance militaire (déploiement de leurs flottes à proximité de tous les grands
détroits maritimes), diplomatique (siège de l’ONU à New York) ou
économique (ALENA avec Mexique et Canada, embargo commercial sur des pays ennemis comme Cuba ou Iran).
Le document 2 de la p. 77, qui récapitule les effectifs militaires
déployés dans le monde depuis 1945, démontre le recours privilégié aux mandats juridiques du conseil de sécurité de l’ONU (Corée
en 1950-1953, Koweït en 1991, Somalie en 1993). Ils légitiment les
opérations extérieures des États-Unis au nom de la démocratie et
de la défense de la souveraineté des peuples.
Acteurs p. 78-79
R. Reagan, le président de la puissance militaire
retrouvée
Bill Gates, le grand patron devenu philanthrope
Cette double page veut mettre en évidence pour les élèves les
aspects complémentaires de la puissance américaine dans le
monde en présentant deux de ses acteurs emblématiques.
Le président Ronald Reagan (1981-1989) incarne la puissance militaire et économique (doc. 1 et 3) – ce que le politologue Joseph Nye
a dénommé hard power. Elle lui sert à forcer l’URSS communiste
(doc. 2) à entreprendre des négociations de désarmement après 1985.
L’informaticien et homme d’affaires Bill Gates (doc. 4), fondateur
de Microsoft en 1976, représente, par l’usage philanthropique de
sa fortune, la capacité d’influence des États-Unis dans le monde –
le soft power dans la classification de Nye (doc. 5 et 6).
Ces deux concepts essentiels de hard power et de soft power sont
largement explicités au tout début de ce chapitre dans la rubrique
« Débat historiographique et quelques notions clefs du chapitre ».
◗◗ Réponses aux questions
1. Ronald Reagan affirme fonder son action de président sur la
liberté et la foi religieuse comme valeurs originelles de la nation
américaine qu’elle doit porter dans le monde.
2.Bill Gates évoque le pouvoir de l’innovation pour expliquer le
succès de Microsoft. Il fait allusion au rôle moteur de l’innovation
dans le développement des États-Unis.
3.Dans les documents 2 et 3, Ronald Reagan s’adresse en
novembre 1983 aux soldats américains stationnés en Corée du
Sud depuis la fin de la guerre de Corée en 1953. Ce discours intervient dans un contexte international extrêmement tendu après
la destruction accidentelle d’un avion de ligne de la compagnie
sud-coréenne Korean Airlines par un avion de chasse soviétique en
septembre 1983. C’est pourquoi il salue le déploiement militaire
américain en Corée du Sud comme un rempart indispensable pour
la défense de la liberté et, paradoxalement, de la paix.
4.Bill Gates a d’abord représenté la puissance économique des
États-Unis, Microsoft équipant avec ses systèmes d’exploitation
Dos puis Windows environ 90 % des ordinateurs personnels dans le
monde. Mais en créant sa fondation philanthropique, dont il s’occupe
à part entière depuis 2007, il améliore l’image des États-Unis dans le
monde en finançant des opérations de santé publique dans les pays
en développement (vaccination contre la polio, doc. 4).
◗◗ Vers la composition du BAC
La puissance américaine dans le monde est d’abord militaire avec
des déploiements permanents et des interventions ponctuelles
pour sécuriser les territoires alliés contre la menace communiste.
Ronald Reagan a utilisé ce hard power lors de crises internationales, comme en 1983 en Corée du Sud, afin d’affirmer les valeurs
américaines de liberté et de démocratie face à l’Union soviétique.
Cette puissance militaire a été aussi un des principaux atouts de
Reagan pour amener l’URSS vers sa dislocation.
Après la fin de la guerre froide en 1991, les États-Unis utilisent
davantage une influence économique et culturelle, incarnée par Bill
Gates. Ce soft power véhicule les valeurs américaines (libéralisme,
démocratie, esprit missionnaire). La fondation philanthropique
de Bill Gates mène des actions de santé publique et d’éducation
dans les pays en développement, incarnant l’attention portée par
un milliardaire américain au reste du monde. Cependant, cette
action n’est pas complètement désintéressée, pouvant offrir aux
firmes multinationales (FMN) des États-Unis de nouveaux marchés dans ces pays émergents de l’économie mondiale.
Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
• 39
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◗◗ Frise
Étude 1 p. 80-81
L’année 1947, la doctrine Truman et le plan Marshall
Cette étude insiste sur le caractère central et décisif de l’année
1947. Les États-Unis y abandonnent la méfiance instaurée depuis
George Washington envers des alliances contraignantes avec les
Européens pour contrecarrer l’expansion soviétique vers l’Ouest.
Une caractéristique essentielle de la puissance des États-Unis
depuis la Grande Guerre est le recours à l’arme économique et
financière pour atteindre leurs objectifs. Ce fut le cas dans les
années 1920, plus encore durant la Seconde Guerre mondiale : à
travers les prêts accordés au Royaume-Uni puis plus largement le
prêt-bail mettant gratuitement à disposition des « nations unies »
les ressources qu’exige une guerre totale, l’Amérique de Roosevelt
contribua à épuiser l’Axe. On retrouve cette approche durant la
Guerre froide. Elle débouche sur le plan Marshall en Europe, plus
tard sur l’aide aux pays chargés d’endiguer le communisme chinois
(le Japon à partir de 1950, la Corée du Sud, Taiwan, etc.). L’aide
Marshall est à la fois reflet des capacités économiques des ÉtatsUnis et levier d’une stratégie globale, géopolitique.
Les documents choisis permettent de saisir les motivations de
l’administration Truman pour opérer cette rupture mais aussi de
présenter les réactions de méfiance d’une partie des Européens
face à un plan Marshall perçu comme une colonisation.
→Document 1 : La doctrine Truman (12 mars 1947)
Ce document est l’extrait classique d’un discours prononcé par
le président Truman devant les deux chambres du Congrès des
États-Unis (chambre des Représentants et Sénat) le 12 mars 1947.
Le président américain a appris fin février 1947 la fin de l’aide britannique aux gouvernements démocratiques de Grèce et de Turquie. Il sait que ces deux pays sont à la merci d’une insurrection
communiste en Grèce et de la pression exercée par l’URSS sur la
Turquie pour les détroits de mer Noire. L’administration Truman a
été de surcroît informée de la nature réelle du régime soviétique
par son ancien second d’ambassade en URSS, George Kennan.
Dans son télégramme diplomatique du 22 février 1946 (surnommé
Long Telegram), Kennan soulignait le recours systématique à la
force et à la dissimulation d’un pouvoir dictatorial et violent. Ces
arguments sont repris dans le discours de Truman qui souligne les
différences entre la démocratie étatsunienne et le totalitarisme
soviétique. Truman justifie ainsi une nouvelle doctrine diplomatique d’aide aux pays menacés par le communisme et le vote
d’une aide financière ponctuelle de 400 millions de dollars à la
Grèce et à la Turquie.
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→Document 2 : L’annonce du plan Marshall
Ce document est l’extrait du discours du secrétaire d’État – l’équivalent du ministre des Affaires étrangères – George C. Marshall
devant les étudiants de la prestigieuse université d’Harvard à Boston le 5 juin 1947. Le général Marshall était devenu le secrétaire
d’État de Truman après avoir été le conseiller stratégique de Roosevelt durant la guerre puis le coordonnateur de l’aide américaine
à la Chine nationaliste. L’orateur s’exprime après que le président
ait livré devant le Congrès, le 12 mars précédent, sa vision d’un
monde coupé en deux par une « menace totalitaire ». Les Américains ont tiré de la double expérience des années Trente et de
l’administration qu’exerce leur armée depuis 1945 en Allemagne
et au Japon la conviction que la misère ouvre la voie au communisme. Tout un chacun constate les difficultés qu’éprouvent alors
les Européens à reconstruire leur continent dévasté. La situation
reste tendue : le rationnement n’a pas disparu, le manque de dollars (dollar gap) leur interdit de financer les importations dont ils
ont besoin, les finances publiques sont aux abois malgré les prêts
bilatéraux consentis par Washington. Sur le plan politique, l’Eu-
40 • Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
rope orientale et centrale est déjà transformée en un ensemble de
démocraties populaires satellites de l’URSS tandis que les partis
communistes sont au zénith en France et en Italie. L’aide proposée
entend donc contribuer à hâter la reconstruction de l’Europe mais
l’orateur rappelle aussi la volonté de son pays de s’opposer aux
forces qui chercheraient à « perpétuer la misère humaine pour en
profiter politiquement » : le communisme n’est pas plus nommé
que dans le « discours Truman », mais tout un chacun comprend
qu’il est l’adversaire désigné. L’aide fut proposée à tous les pays
d’Europe, y compris l’URSS et ses satellites. Mais on savait que
Moscou la refuserait en raison de la dépendance de fait qu’elle
impliquait par rapport aux États-Unis ; la Pologne et la Tchécoslovaquie qui se dirent intéressées furent d’ailleurs « priées » par
Staline de ne pas donner suite.
→Document 3 : L’aide américaine à l’Europe de l’ouest de 1948
à 1951
Le plan Marshall est voté par le Congrès sous la forme d’une loi,
l’European Recovery Act, signée en avril 1948 par le président Truman. Entre 1948 et 1952, les États-Unis distribuent sous forme de
prêts et de dons financiers près de 13 milliards de dollars. Le diagramme présente la répartition de ces fonds et indique les priorités géopolitiques américaines. La France et le Royaume-Uni sont
les deux principaux bénéficiaires car leurs économies, partenaires
majeures des États-Unis avant 1939, devaient être rétablies au
plus vite.
→Document 4 : Le plan Marshall dans la presse américaine,
dessin de Herblock paru dans le Washington Post,
26 janvier 1949
Le dessin satirique de Herblock, qui est le caricaturiste officiel du
Washington Post de 1945 à 2001, exprime un point de vue américain sur le rapide redressement économique en Europe de l’Ouest
grâce aux fonds Marshall. Il souligne le contraste avec les difficultés connues par l’économie communiste soviétique qui s’est
construite depuis la fin des années 1920 sur l’expropriation et le
travail forcé des paysans (symbolisés ici par le joug de la faucille
et du marteau).
→Document 5 : Le plan Marshall dans la propagande du Parti
communiste français
Le parti communiste français (PCF) s’est aligné sur les positions
de l’URSS dès 1947, envoyant des délégués lors de la conférence fondatrice du Kominform à Szlarzska Poreba qui organise
la « résistance » des partis communistes européens face au plan
Marshall. Le journal des communistes français, l’Humanité, et des
campagnes d’affichage public sont les relais de la dénonciation
du plan Marshall par le PCF. Comme dans la une de l’Humanité
du 6 novembre 1949 titrant « Serons-nous coca-colonisés ? »,
l’affiche ici présentée assimile le plan Marshall à une colonisation
déguisée. Elle mobilise les thèmes classiques de l’anti-américanisme à la fois communiste et très français : l’image d’un pays
impérialiste ; la vision d’une société étatsunienne toute entière
vouée au culte de l’argent, dépourvue de culture – thème cher
également aux ultranationalistes français (inscrits dans cette
mouvance, Robert Aron et Arnaud Dandieu l’avaient orchestré
dans Le cancer américain paru en 1931). Elle manifeste une fidélité sans faille à l’URSS qui est constitutive du mouvement communiste né avec la IIIe Internationale en 1919. La dépendance a
été actualisée par la création du Kominform en septembre 1947.
Ce bureau de liaison des partis communistes européens fixe les
priorités stratégiques en lien avec le PCUS. L’urgence est que les
partis communistes locaux combattent dans leur pays tout ce qui
peut affaiblir l’URSS – le plan Marshall mais aussi l’Alliance atlantique, la CECA, le projet de CED, etc. Le refus de la colonisation
→Document 6 : Le plan Marshall, un « grand danger
l’acquisition de la bombe atomique pendant la Seconde Guerre
mondiale. Mais cette force militaire est contrainte de s’adapter
aux nouvelles stratégies de ses adversaires : guérilla au Vietnam
(1964-1973), attentats terroristes du 11 septembre 2001.
de guerre »
→Document 1 : Le complexe militaro-industriel
Cet extrait du numéro spécial de la revue de la gauche chrétienne
française, Esprit, consacré au plan Marshall en avril 1948, montre
qu’il suscite une opposition au-delà des communistes. Même si
nous sommes quelques mois après la fin du tripartisme et le début
du « recentrage » des députés MRP qui aboutira à la « troisième
force », il reste une forte méfiance par rapport à la politique européenne unilatérale des Américains. Dans ce texte, le plan Marshall y est implicitement décrit comme un facteur de guerre par la
séparation des blocs opposés qu’il induit.
Ancien commandant en chef des forces armées alliées durant la
reconquête de l’Europe face aux nazis en 1944-1945, le général
Dwight Eisenhower, après avoir quitté le cadre militaire, est élu
président des États-Unis en novembre 1952 (cas de figure exceptionnel dans une démocratie qui se méfie des généraux tentés par
la politique). Durant ses deux mandats de 1953 à 1961, il procède
à un renforcement massif des capacités militaires américaines
avec, par exemple, la mise en service des premiers sous-marins
nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Ce document est un extrait
de son allocution d’adieu au peuple américain le 17 janvier 1961,
alors que le nouvel élu, J.F.Kennedy va entrer à la Maison Blanche.
Il y rappelle par le terme de « complexe militaro-industriel » que
les États-Unis ont converti toute leur puissance économique et
industrielle en organisation de guerre contre l’URSS. En 1961
l’Amérique est bien en paix mais elle s’est dotée depuis l’entrée en
guerre froide d’un arsenal sans précédent dans son histoire par ses
dimensions et son caractère pérenne.
◗◗ Réponses aux questions
1. La doctrine Truman fait cesser l’isolationnisme traditionnel des
États-Unis en leur donnant un rôle d’assistance aux pays libres
afin de préserver leur souveraineté. Le président Truman justifie
ce changement par l’existence du mode de vie soviétique qui s’impose par la violence et la subversion à des États autrefois libres.
2.Le plan Marshall est une application directe de la doctrine
Truman puisque cette dernière faisait de l’aide économique et
financière la principale forme du soutien des États-Unis envers le
monde libre.
3. Le plan Marshall consiste en des prêts et dons financiers, qui
totalisent près de 13 milliards de dollars de 1948 à 1951, envers les
pays européens de l’Ouest. Ces sommes servent à reconstruire
des pays ravagés lors de la Seconde Guerre mondiale comme la
France et le Royaume-Uni. Elles permettent aussi de relancer le
commerce de ces pays avec les États-Unis et d’acheter des produits américains.
4.La presse américaine diffuse une image positive du plan Marshall qui autorise un redressement économique rapide en Europe
de l’ouest, symbolisé dans la caricature du document 4 par un
tracteur moderne. Les communistes européens refusent le plan
Marshall comme un outil impérialiste des États-Unis sur l’Europe.
Une autre critique plus répandue du plan Marshall est de créer un
risque de guerre à l’intérieur des États européens entre communistes et non communistes et d’avoir installé une division durable
entre Europe de l’ouest et Europe de l’Est.
◗◗ Vers l’analyse de documents du BAC
Le document 1 est un extrait du discours du président américain Truman devant le Congrès des États-Unis le 12 mars 1947.
Le document 2 est un extrait du discours du secrétaire d’État
George Marshall devant les étudiants de l’université de Harvard.
Ces deux discours visent à définir les nouveaux axes de la politique
extérieure des États-Unis envers l’Europe. Contrairement à l’isolationnisme traditionnel des États-Unis depuis la fin du xviiie siècle,
le président Truman veut porter assistance aux pays menacés de
perdre leur liberté face à l’expansion de l’idéologie communiste.
Le discours de Marshall applique cette nouvelle orientation en
proposant une aide économique et financière des États-Unis à
tous les pays d’Europe ruinés par la Seconde Guerre mondiale.
Étude 2 p. 82-83
Les mutations de la puissance militaire des États-Unis
L’émergence d’une superpuissance américaine depuis 1945 a
d’abord été indissociable d’une force militaire sans égale, s’appuyant sur une capacité de déploiement massif de troupes et sur
→Document 2 : L’évolution du nombre d’armes nucléaires
détenues par les cinq grandes puissances
Malgré les efforts des États-Unis pour conserver le monopole de
l’arme atomique (loi McMahon de 1946), les quatre autres grandes
puissances membres permanents du conseil de sécurité de
l’ONU deviennent rapidement des puissances nucléaires : l’URSS
en 1949, le Royaume-Uni en 1957, la France en 1960 et la Chine
populaire en 1964. Le document est un tableau comparatif des
armes nucléaires détenues qui démontre une très nette supériorité des États-Unis jusqu’au milieu de la guerre froide. Après les
grands traités de limitation des armements Strategic Arms Limitation Talks (SALT) I (1972) et SALT II (1979) que l’URSS n’applique
qu’en partie contrairement aux États-Unis, ces derniers perdent
leur avantage absolu par rapport aux Soviétiques puis aux Russes
après la fin de la guerre froide.
→Document 3 : Débarquement des Marines américains
au Liban, janvier 1982
Cette photographie illustre la puissance navale des États-Unis qui
leur permet de débarquer des troupes d’infanterie de marine (les
Marines) dans n’importe quelle partie du globe. La priorité donnée
à l’US Navy est telle que Ronald Reagan (voir p. 78 du manuel) fait
campagne en 1980 sur la promesse d’une marine à 600 navires.
L’intervention des Marines au Liban en 1982 fait suite au siège mis
devant Beyrouth par les forces israéliennes et à l’installation d’une
force onusienne de maintien de la paix.
→Document 4 : Repenser la puissance militaire américaine
Les deux documents choisis montrent les conséquences des
attentats du 11 septembre 2001 sur la puissance militaire des
États-Unis. Le politologue français Pierre Hassner (doc. 4a)
décrit, au lendemain des attentats, la difficulté pour les ÉtatsUnis de réagir face à des attentats perpétrés par une organisation
terroriste transnationale, Al Qa’ida. Habitué aux schémas classiques issus de la guerre froide, le pays a du mal à organiser une
réponse structurée face à un ennemi multiforme, la plupart du
temps installé dans les « zones grises » de la planète. Obligés de
trouver à tout prix un ennemi correspondant à leur vision géostratégique du monde, les États-Unis s’en prennent donc, non pas
directement à Al Qa’ida, mais aux États dont certains territoires
peuvent lui servir de lieu d’asile. Dans l’extrait (doc. 4b) d’un livre
Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
• 41
© Hachette Livre 2014
exprimé ici est à relier au contexte : la décolonisation est à l’ordre
du jour et le PCF condamne la guerre menée par la France contre
le Vietminh en Indochine (1946-1954).
postérieur (2006), l’ancien ministre des Affaires Étrangères français Hubert Védrine souligne la disproportion entre les moyens
militaires des États-Unis et leur vulnérabilité face à des attentatssuicides terroristes. L’auteur reprend le terme qu’il a popularisé
(« l’hyperpuissance ») pour le relier à cette nouvelle idée de vulnérabilité du territoire américain.
→Document 5 : Le 11 septembre 2001
Le 11 septembre en début de matinée, 4 avions de ligne commerciale des compagnies American Airlines et United Airlines sont
détournés par 19 terroristes dont 15 sont de nationalité saoudienne. Entre 8 h 45 et 9 h 05, deux de ces avions viennent percuter à New York les deux tours du World Trade Center qui s’effondrent après une heure d’incendie. Ces attentats sans précédent
au cœur de Manhattan sont saisis en direct par les photographes
et les cameramen de la télévision comme l’atteste ce document
montrant le second impact sur la tour sud. Le détournement des
avions, revendiqué ultérieurement par l’organisation terroriste Al
Qa’ida, et l’effondrement des deux avions ont fait 2 973 victimes.
Les attentats constituent le premier acte de guerre sur le territoire continental des États-Unis depuis la seconde guerre angloaméricaine de 1812-1815.
→Document 6 : « L’Amérique à elle seule ne peut assurer
la paix »
Ce document est un extrait du discours de réception du Prix
Nobel de la paix par le président des États-Unis Barack Obama
en décembre 2009. Barack Obama devenait ainsi le premier président distingué dans l’exercice de ses fonctions depuis Woodrow
Wilson en 1919. Cette récompense était surprenante puisque
Obama n’avait commencé son premier mandat que le 20 janvier
2009. Le prix Nobel de la paix saluait l’engagement d’Obama à
retirer les troupes américaines d’Irak et Afghanistan, les deux
guerres menées contre le terrorisme à la suite des attentats du
11 septembre 2001. Dans son discours, en rappelant l’engagement
des États-Unis pour la paix et la liberté démocratique dans le
monde depuis 1945, Obama contredit les actions unilatérales de
son prédécesseur Bush en Irak et Afghanistan et évoque la nécessité d’une collaboration des États-Unis avec les autres pays du
monde.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les fondements de la suprématie militaire des États-Unis sur
le monde depuis 1945 sont le développement d’un puissant secteur industriel de défense, un arsenal nucléaire très dissuasif et
une marine, l’US Navy, permettant de débarquer des troupes dans
n’importe quel pays du monde.
2.Le président Eisenhower justifie la puissance militaire inter-
© Hachette Livre 2014
nationale des États-Unis par le besoin de se défendre face à un
agresseur potentiel qu’il ne nomme pas mais que l’on devine être
l’Union soviétique durant la guerre froide. Le président Obama
fait de la puissance militaire de son pays le principal facteur depuis
un siècle d’un ordre international pacifique fondé sur le droit et la
liberté.
3. Les attentats du 11 septembre 2001 ébranlent la puissance militaire américaine parce qu’ils démontrent l’inefficacité de la dissuasion nucléaire face à des attentats terroristes fomentés par
des organisations terroristes transnationales qui ne sont plus des
États.
4. Le président Obama constate la fin de l’affrontement de guerre
froide entre deux blocs et note l’apparition de nouvelles menaces
comme le terrorisme et la prolifération des armes nucléaires
auprès de nouveaux États.
42 • Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
◗◗ Vers la composition du BAC
La puissance militaire américaine dispose depuis 1945 de forces
évolutives et sans comparaison. D’une part, les États-Unis ont
été les premiers à disposer d’un arsenal nucléaire qui leur procure
une forte dissuasion. D’autre part, ils possèdent une marine puissante et nombreuse autorisant des débarquements de troupes de
marine (Marines) dans toutes les parties du globe. Enfin, les ÉtatsUnis, forts de la première économie du monde, ont développé la
plus importante industrie d’armement de la planète.
Cette puissance n’est cependant pas sans limites. Elle s’est révélée
incapable d’éviter les attentats terroristes du 11 septembre 2001,
fomentés par une organisation terroriste, Al Qa’ida et non par un
État. Elle doit affronter de nouveaux types de conflits comme les
guerres civiles où les capacités militaires conventionnelles ne sont
pas suffisantes. C’est pourquoi la présidence Obama (2009-2017)
est une période de recomposition des capacités et des alliances
militaires des États-Unis.
Étude 3 p. 84-85
La domination culturelle des États-Unis
La spécificité de la puissance des États-Unis est d’avoir acquis
une suprématie sur les valeurs et signes culturels diffusés dans le
monde depuis 1945. Cette influence d’abord limitée au camp occidental de guerre froide s’est étendue après 1991 avec la mondialisation du commerce. Car il n’est pas de puissance durable sans
capacité à diffuser hors des frontières sa culture au sens large du
terme - langue, valeurs dominantes, productions symboliques les
plus diverses. Sur ce plan, les États-Unis jouissent incontestablement d’avantages éminents : depuis le milieu du xxe siècle, leur
culture de masse rencontre un large succès à l’extérieur. L’étude
de Frédéric Martel, De la culture en Amérique (Gallimard, 2006) a
mis en évidence l’importance de ce secteur dans l’économie et
la société étatsuniennes. C’est donc un incontestable levier de la
puissance dans la mesure où les films, les émissions télévisées,
mais aussi d’autres biens ou services culturels tels les réseaux
sociaux, contribuent à la notoriété des États-Unis, à leur prestige
(cf. le nombre de leurs prix Nobel, la renommée de leurs universités, de leurs grands musées, etc.) ainsi qu’à la diffusion de l’American way of life. Tous éléments qui, peut-on penser, prédisposent
ensuite les peuples et leurs dirigeants à accueillir favorablement
les initiatives de la première puissance mondiale
Les documents montrent la diversité des aspects concernés. Ils
soulignent comment l’influence culturelle sert les intérêts stratégiques de la puissance américaine tout en entraînant de profondes réactions identitaires de rejet.
→Document 1 : Hollywood et l’Italie
Ce document est l’extrait d’un télégramme diplomatique de
l’ambassadeur des États-Unis Dunn au secrétaire d’État Marshall en avril 1948. Il a été édité dans la collection des documents
diplomatiques publiée par le département d’État depuis 1861, les
Foreign Relations of the United States (FRUS). L’Italie avait connu
en septembre 1947 de grandes grèves ouvrières et cette agitation profitait au parti communiste, faisant courir le risque d’un
coup d’État pro-soviétique. Les premières élections générales ont
lieu le 18 avril 1948 et l’union des communistes et des socialistes
italiens dans un Front Populaire Démocratique leur promet une
nette majorité. C’est pourquoi le nouveau conseil de sécurité
nationale (NSC) du président Truman signa, le 10 février 1948, la
directive NSC 1-2 selon laquelle tous les moyens économiques,
économiques voire militaires doivent être utilisés en Italie contre
les communistes. Dans ce cadre, une émission de radio figurant
les grandes stars d’Hollywood est organisée sur les antennes ita-
→Document 2 : le rôle du cinéma américain dans le monde
Le document 2a est l’extrait d’une déclaration du sénateur du
Connecticut William Benton qui avait été l’un des principaux
adjoints du général Marshall au département d’État entre 1945
et 1947. Il y évoque la nécessité d’un plan Marshall « culturel »
diffusant le cinéma américain. Cette recommandation est largement suivie puisque les accords Blum-Byrnes de décembre 1946
avec la France et l’accord cinématographique anglo-américain de
mars 1948 lèvent tout contingentement sur les importations de
films hollywoodiens.
Le document 2b est un extrait de l’arrêt Burstyn, Inc contre
Wilson du 26 mai 1952 qui reconnaît aux films de cinéma le statut d’oeuvres artistiques protégées par le 1er amendement de la
Constitution pour la liberté d’expression.
Ces deux documents soulignent à quel point le cinéma américain est bien reçu à l’étranger car il appartient à une industrie
de l’entertainment depuis longtemps mondialisée. Cela étant, il
existe d’autres facteurs non évoqués dans ces pages. Les logiques
de marché ont leur importance : largement rentabilisées sur
l’immense marché intérieur les productions audiovisuelles, films
ou émissions télévisées, peuvent être exportées à bas prix vers
les diffuseurs étrangers. Les autorités étatsuniennes soutiennent
leur industrie cinématographique, exigeant l’ouverture des écrans
étrangers à ses réalisations : accord Blum/Byrnes en 1946, dénonciation par Washington à l’OMC de « l’exception culturelle » française. Il faut intégrer les conditions propres à chaque pays pour
expliquer les différences : la France a par exemple une politique de
soutien à la création cinématographique qui reste une exception
en Europe.
→Document 3 : L’exportation de la culture américaine,
un fondement du soft power
Ce document est l’extrait d’un article scientifique écrit en 1997 par
le politiste contemporain Alfredo Valladao, professeur à Sciences
Po Paris, spécialiste des États-Unis et de l’Amérique latine. Il a
défendu à la fin des années 1990, contre la théorie du déclin des
États-Unis portée par l’historien Paul Kennedy, l’idée d’une puissance américaine adaptée à la mondialisation et au métissage
des cultures (en particulier dans son best-seller Le xxie siècle sera
américain).
→Document 4 : Les super-héros des comics américains
en Chine
Les comics désignent depuis la fin du xixe siècle les bandes dessinées populaires, à l’origine humoristiques – d’où leur nom –
publiées dans les journaux des États-Unis. Avec la création du
personnage Superman en 1938 par les auteurs Shuster et Siegel,
les comics mettent en scène systématiquement des super-héros
défenseurs des valeurs américaines : droit, liberté, démocratie. La
firme DC Comics est la première à faire fortune avec ses héros
Superman et Batman dans les années 1940 mais elle est supplantée durant la guerre froide par les super-héros de Marvel Comics
plus tourmentés et ambivalents comme Spiderman, Iron-Man ou
les Quatre Fantastiques. Le document photographique montre
combien les adaptations cinématographiques des comics Marvel
(36 films entre 1944 et 2013) ont popularisé leurs super-héros dans
des pays rivaux des États-Unis comme la Chine.
vités. Par son système de franchises commerciales, elle est présente dans 118 pays mondiaux en 2013 en vendant son produit
phare, le hamburger Big Mac. Cette entreprise est donc devenue
le symbole de la mondialisation « américaine » du commerce et
de l’économie à tel point que le prix du Big Mac est devenu un
indice de comparaison des pouvoirs d’achat dans le monde pour
le magazine The Economist depuis 1986. Cette omniprésence de
McDonald’s et son identification aux États-Unis entraînent de
violentes réactions de rejet comme on peut le voir sur ce document photographique où des pacifistes sud-coréens protestent
contre l’entrée en guerre américaine en Irak en 2003. Ils jouent
d’une inversion graphique entre le M de McDonald’s et le W du
président George W. Bush.
◗◗ Réponses aux questions
1. Le rayonnement culturel américain peut rendre sympathiques
les buts diplomatiques des États-Unis. Dans le doc. 1, les messages radiophoniques des stars hollywoodiennes rendent les
États-Unis plus proches des auditeurs italiens et peuvent influencer leur vote en faveur des partis démocratiques.
2. La capacité d’exportation du cinéma américain reste liée à son
universalité. Il touche ainsi directement le public américain et
aussi étranger. Progressivement, il s’est adressé à un marché qui
rassemblait toutes les cultures et toutes les sensibilités du globe.
Il peut donc, de nombreuses manières, l’influencer.
3.Cette forte capacité d’exportation s’explique d’abord par la
diversité démographique des États-Unis où la présence de nombreuses communautés issues de l’immigration amène les industries à proposer des produits issus de toutes les cultures. Elle est
aussi due à la capacité de brassage des cultures de tous les pays
du monde par les États-Unis.
4.Le soft power culturel des États-Unis a pour première limite
de ne pas être proprement américain mais de diffuser une culture
mondialisée partagée par tous (la World Culture, cf. doc. 3). La
seconde limite du soft power est qu’il est souvent rejeté comme
outil de la domination américaine dans le monde et que ses symboles peuvent être détournés, voire maltraités.
◗◗ Vers la composition du BAC
Depuis 1945, la culture des États-Unis a été un atout majeur de
leur puissance internationale.
Le rayonnement culturel des États-Unis leur sert d’abord durant
la guerre froide à influencer positivement les populations du reste
du monde en leur faveur. Ainsi, en 1948, une émission de radio met
en scène des stars d’Hollywood au moment d’élections devant
décider du sort futur de l’Italie (doc. 1) Le cinéma hollywoodien,
par le pouvoir des images et le star system est particulièrement
sollicité (doc. 2).
Après 1991, la culture américaine est un des éléments de leur soft
power, indissociable de la mondialisation économique. La culture
mondiale devient largement étatsunienne (doc. 3 et doc. 4).
Cependant, cette banalisation multiplie les réactions de rejet
(doc. 5), les symboles de la culture et du mode de vie américains
comme par exemple McDonald’s (doc. 5) étant assimilés à la politique du gouvernement des États-Unis.
Étude 4 p. 86-87
McDonald’s pour dénoncer la guerre américaine en Irak
La puissance des multinationales des États-Unis
en Amérique latine
La firme de restauration rapide McDonald’s, fondée aux ÉtatsUnis en 1940, est devenue le leader mondial de son secteur d’acti-
Toute puissance influence d’abord ses voisins. Depuis la doctrine
Monroe de 1823 (cf. pages Repères), les États-Unis considèrent
→Document 5 : Des manifestants sud-coréens utilisent
Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
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liennes le 7 avril pour convaincre les électeurs de l’amitié américaine et du bien-fondé de leurs valeurs démocratiques.
l’Amérique latine comme une région sur laquelle ils assurent
« naturellement » une hégémonie. Cette relation s’est encore
renforcée avec la lutte anticommuniste de guerre froide. Mais les
relations entre la grande puissance du Nord et le monde latinoaméricain n’ont cessé d’évoluer et son hégémonie est contestée.
Depuis 1991, les États démocratiques d’Amérique du Sud affirment
leur indépendance face à leur grand voisin.
Dans chacune de ces périodes, les FMN des États-Unis jouent un
rôle économique et politique majeur.
→Document 1 : La puissance de la multinationale américaine
United Fruit
Vers 1900, des firmes agro-alimentaires des États-Unis investissent massivement dans de fragiles républiques d’Amérique
centrale pour y développer de vastes cultures de plantation
(sucre, bananes, ananas). La Cuyamel Fruit s’installe au Honduras, l’United Fruit Company de Boston au Guatemala. Dans ces
pays, ces firmes corrompent massivement les autorités politiques
qu’elles n’hésitent pas à renverser le cas échéant, d’où le nom de
« républiques bananières » forgé par l’écrivain O. Henry dans son
roman Cabbages and Kings de 1904. En 1930, l’United Fruit rachète
la Cuyamel et établit un véritable monopole sur les cultures au
Honduras, au Guatemala, au Costa Rica, à Panama et en Colombie. En 1950, le poète chilien Pablo Neruda dénonce cette mainmise, et les méthodes douteuses de l’United Fruit dans un long
poème, La United Fruit Company.
→Document 2 : Les multinationales américaines et la lutte
anticommuniste au Chili
En 1964, l’élection présidentielle chilienne donne la majorité au
candidat chrétien-démocrate, Eduardo Frei, secrètement soutenu
par la CIA qui lui fait transférer des fonds par des FMN américaines implantées sur place comme ITT. En 1970, face à la menace
portée par la candidature unique de la gauche de Salvador Allende,
soutenu par les communistes, la CIA renouvelle la même opération au profit de l’ancien président conservateur, Jorge Alessandri.
Mais le maintien d’un candidat chrétien-démocrate, Tomic, donne
la victoire à Allende. Ces manœuvres de la CIA sont révélées au
grand public après le coup d’État de l’armée chilienne qui renverse
Allende en septembre 1973 avec le soutien de l’administration
Nixon. La démission de Nixon à la suite du scandale du Watergate
entraîne la mise en place en 1975 d’une commission d’enquête du
Sénat sur les activités clandestines du gouvernement américain,
dirigée par le sénateur de l’Idaho, Frank Church. Le document 2
est un extrait de son rapport d’enquête.
→Document 3 : Une manifestation populaire de soutien
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à la nationalisation du pétrole vénézuélien en 2008
En 1998, l’ancien lieutenant-colonel putschiste Hugo Chavez est
élu démocratiquement président du Venezuela à la tête d’une
coalition des forces de gauche. Réélu en 2000 et 2006, il oriente
progressivement sa politique étrangère vers une lutte farouche
contre l’influence économique et politique des États-Unis en
Amérique latine. S’appuyant sur la richesse pétrolière du Venezuela, il fonde l’Alliance Bolivarienne pour les Amériques (ALBA)
dès 2004, dans laquelle il fait rentrer l’ennemi juré des États-Unis,
l’île communiste de Cuba. En 2007, Chavez décide de nationaliser les champs pétroliers du delta de l’Orénoque dont une partie
avait déjà été concédée à la FMN étatsunienne Exxon Mobil. Le
refus initial de cette firme de céder ses avoirs au gouvernement
vénézuélien entraîne en janvier et février 2008 de grandes manifestations populaires de soutien à Chavez et d’hostilité à Exxon
considérée comme un « cheval de Troie » des États-Unis.
44 • Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
→Document 4 : Wal-Mart en Amérique latine : l’importation
de l’American way of life
La firme Wal-Mart, première firme étatsunienne et mondiale
de grande distribution en 2014, s’est internationalisée par une
expansion massive au Mexique à partir de 1993 avec l’ouverture
d’un premier magasin à Mexico dans le cadre de l’ALENA. Cette
implantation en Amérique latine, poursuivie désormais au Brésil,
en Argentine et au Chili, diffuse le modèle de consommation de
masse étatsunien avec de grandes surfaces commerciales conçues
pour les déplacements automobiles, comme le montre la photographie d’un client mexicain de Wal-Mart.
→Document 5 : Les dix premières entreprises en Amérique
latine par le chiffre d’affaires, 2012
Ce classement des 10 plus importantes FMN en Amérique latine
met en évidence le recul de l’influence économique des ÉtatsUnis depuis 1991 par rapport aux grandes entreprises locales
principalement spécialisées dans l’exploitation des matières premières abondantes du continent (pétrole au Venezuela, au Brésil
ou Mexique).
◗◗ Réponses aux questions
1. Durant la guerre froide, les FMN étatsuniennes sont très présentes en Amérique latine dans les secteurs de l’exploitation des
matières premières (cuivre), des infrastructures (ITT au Chili) et
de l’agroalimentaire. Ce sont des secteurs stratégiques pour un
État car ils offrent des ressources indispensables à la population.
2.Les interventions des FMN étatsuniennes dans la vie politique servent leurs intérêts car elles obtiennent ainsi des régimes
favorables à leur développement (« républiques bananières »,
cf. doc. 1). Mais elles servent aussi les intérêts du gouvernement
américain qui y gagne des pays alliés.
3.Après la fin de la guerre froide en 1991, beaucoup de pays
d’Amérique latine, redevenus démocratiques, réaffirment leur
indépendance par rapport aux États-Unis. En 2007, avec le soutien de sa population, le gouvernement vénézuélien nationalise
la totalité de son exploitation pétrolière. Les FMN étatsuniennes
ont donc perdu en influence puisqu’une seule (Wal-Mart) figure
parmi les dix plus importantes du sous-continent en 2012.
4. Le succès de Wal-Mart, firme de grande distribution, en Amérique latine depuis la fin de la guerre froide illustre le passage
des FMN américaines d’une exploitation des matières premières
locales à une diffusion du mode de vie des États-Unis.
◗◗ Vers l’analyse de document du BAC
Le document 2 est un extrait du rapport de la commission sénatoriale d’enquête sur les activités clandestines de renseignement
du gouvernement américain (ou commission Church). Il révèle que
les FMN des États-Unis ont permis aux États-Unis d’influencer la
vie politique d’un État comme le Chili par la distribution de fonds
secrets durant les campagnes électorales. Entre 1970 et 1973, les
FMN étatsuniennes comme ITT ont contribué à la déstabilisation
de la présidence d’Allende en utilisant leur position dominante
dans des secteurs économiques essentiels (télécommunications,
matières premières). Ces actions poursuivaient la tradition d’influence politique des FMN des États-Unis en Amérique latine
depuis les « républiques bananières » contrôlées par l’United Fruit
en Amérique centrale (doc. 1).
p. 88-89
Le cinéma américain et la guerre du Vietnam
(1964-1973)
La guerre du Vietnam (1964-1975) est le plus grand engagement
militaire des États-Unis depuis la Seconde Guerre mondiale (environ 536 000 soldats déployés en 1968). Les Américains se sont
en effet massivement investis depuis 1965. Cette guerre n’a ni
front ni batailles. Le Vietcong contrôle de vastes espaces ruraux
s’étendant largement sur les hauts plateaux et dans le delta du
Mékong. Il se dissimule parmi la population civile majoritairement
paysanne, tend des embuscades, mine le terrain, ce qui provoque
de lourdes pertes dans l’armée américaine. Cette difficulté à progresser et à lutter contre un ennemi que l’on ne voit pas pousse les
Américains à recourir à des méthodes violentes tels l’utilisation
de bombes incendiaires au napalm ou l’usage de défoliant (l’agent
Orange) pour déloger les combattants en brûlant les villages et en
détruisant le couvert végétal qui masque les bases militaires de
l’ennemi. Les milliers de morts et de personnes contaminées renforcent l’opposition au gouvernement du Sud-Vietnam et encouragent de nombreux paysans à rejoindre les rangs du Vietcong.
En parallèle l’opinion publique américaine se détourne progressivement d’un conflit dont elle comprend de moins en moins les
enjeux.
Les deux documents illustrent deux conceptions, à dix ans d’écart,
du cinéma américain à un moment où le septième art étatsunien a acquis une position dominante dans tous les pays non
communistes.
Le document 1 est consacré au film Les Bérets Vert. Il a été produit
par l’acteur John Wayne avec l’appui de la multinationale cinématographique Warner et de l’armée de terre américaine. Paru en
1968, au moment de l’élection de Richard Nixon, il va dans le sens
de la poursuite d’une guerre devenue de plus en plus complexe
et coûteuse en argent, en hommes et en armement. Ses visées
patriotiques sont évidentes. Le film raconte l’engagement d’un
journaliste américain, au départ opposé à cette guerre, et qui,
envoyé sur le terrain pour suivre les troupes d’élites (les fameux
Bérets verts qui donnent le titre à l’œuvre) en découvre progressivement les « bienfaits ». Son indéniable succès en salle permet de
nuancer en partie le rejet que la guerre du Vietnam aurait suscité
dans l’Amérique profonde.
Le document 2 évoque le film Apocalypse Now, réalisé par Francis Ford Coppola en 1975, soit juste au moment où la guerre se
termine. L’œuvre se veut réaliste et n’hésite pas à présenter une
armée étatsunienne ayant perdu ses repères moraux particulièrement dans les scènes d’attaques aéroportées. Elle s’appuie sur une
réalité très prégnante qui donne toute sa force au film (rehaussée
par une musique qui popularise, pour des millions de spectateurs,
le thème de La Chevauchée des Walkyries du compositeur allemand Richard Wagner) : tout au long du conflit, les Américains
se livrent à un bombardement massif du territoire nord-vietnamien. Ils détiennent la maîtrise des airs grâce à leurs B52 et à leurs
chasseurs-bombardiers et déversent des millions de bombes.
L’hélicoptère est aussi beaucoup utilisé. Il permet le déplacement
rapide des soldats, leur ravitaillement ou leur évacuation et sert
d’appui aux combats au sol. Récompensé par une palme d’or au
festival de Cannes, le film de Coppola illustre aussi, paradoxalement la fonction cathartique du cinéma américain. Apocalypse
Now a permis aux États-Unis, très peu de temps après le conflit,
de crever en partie « l’abcès mémoriel » qu’il représentait. On
peut s’en servir pour l’opposer aux réticences qui ont accompagné
la représentation de réalités de la Seconde Guerre mondiale ou de
la Guerre d’Algérie en France.
◗◗ Réponses aux questions
1. La photographie montre un civil américain tenant dans ses bras
une jeune fille vietnamienne. Cette image du film, où les soldats
ne sont qu’en second plan, est une propagande pour les ÉtatsUnis car elle fait apparaître les États-Unis comme une puissance
venue en amie. La présence en arrière-plan d’un soldat américain
d’origine asiatique veut également montrer que les États-Unis
sont un pays accueillant et ouvert à toutes les « races ».
2.La mission principale des États-Unis apparaît d’abord comme
humanitaire, devant apporter soins et réconfort aux populations
civiles du Vietnam.
3.Contrairement aux Bérets Verts, la scène du film Apocalypse
Now insiste sur l’aspect guerrier et violent de l’intervention étatsunienne. Les soldats américains y apparaissent lointains, en
arrière plan ou dans un hélicoptère. Ils sont lourdement armés et
évoluent dans un décor de ruines.
4.Cette photographie d’Apocalypse Now donne une perception
très négative de la guerre américaine au Vietnam. Elle montre les
soldats américains visant avec leurs armes, depuis un hélicoptère,
des populations civiles fuyant apeurées au sol.
◗◗ Vers la composition du BAC
Cet ensemble documentaire propose deux représentations, à dix
ans de distance, diamétralement opposées de l’intervention militaire des États-Unis au Vietnam (1964-1975).
Le film les Bérets Verts produit en 1968 par la star des westerns
John Wayne a un but de propagande patriotique. Il montre un
héros civil, un journaliste, concerné par la sauvegarde et le bienêtre des populations civiles vietnamiennes comme la petite fille
du document 1. Les soldats américains paraissent bienveillants et
non violents.
Au contraire, le film Apocalypse Now, réalisé par Francis Ford Coppola, montre une armée américaine violente et cruelle envers les
civils vietnamiens qui sont pris pour cibles d’attaques aéroportées.
Les décors naturels sont ceux d’un pays en ruines. On peut noter
que cette seconde représentation, plus soucieuse de réalisme, a
été saluée par la critique internationale avec une palme d’or au
festival de Cannes.
Cours 1 p. 90-91
Les États-Unis à la tête du monde libre pendant
la guerre froide (1945-1991)
•Présentation
Ce premier cours est articulé autour de la période fondamentale
de la guerre froide car celle-ci fait émerger les États-Unis comme
superpuissance mondiale pour la première fois dans leur histoire.
On s’intéresse d’abord à la création d’un bloc occidental « du
monde libre » autour des États-Unis par la création d’alliances
militaires à l’échelle mondiale.
Cela correspond à une première période de la guerre froide entre
1947 et les années 1960. La seconde partie de ce cours détaille les
aspects de la domination des États-Unis sur ce bloc du monde
« libre » réuni par les valeurs démocratiques et libérales. La
guerre froide est aussi une période de diffusion du capitalisme
étatsunien en Europe, Amérique du Sud et en Asie ainsi que des
normes culturelles américaines. La dernière partie du cours propose une analyse chronologique détaillée de la fin de la guerre
froide entre 1970 et 1991 afin d’analyser dans quelle mesure les
États-Unis sont responsables de la chute finale du bloc soviétique.
Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
• 45
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Histoire des arts • Choix des documents « appuis » du cours
La doctrine Truman (p. 80) définit en mars 1947 les motivations
des États-Unis pour engager un rapport de force mondial avec
l’URSS, comme la défense de la liberté politique et économique
fondatrice de la civilisation nord-américaine.
Le diagramme (p. 80) de l’aide des États-Unis à l’Europe de l’Ouest
permet de visualiser facilement l’étendue de l’effort financier du
plan Marshall en application de la doctrine Truman.
La définition du complexe militaro-industriel par le président
Eisenhower (p. 82) en 1961 resitue la portée de l’effort économique
des États-Unis pendant la guerre froide pour conserver l’équilibre
stratégique avec l’URSS.
Le texte sur les FMN étatsuniennes et la lutte anticommuniste au
Chili (p. 86) illustre le poids pris par l’économie américaine dans le
monde « libre » mais aussi les arrangements qu’il faut parfois faire
pour défendre les pays alliés contre le communisme.
Les textes (p. 84) sur le rôle du cinéma américain dans le monde
et sur l’exportation de la culture américaine insistent sur la notion
de soft power culturel. La capacité des États-Unis à diffuser leurs
valeurs par la culture en général et le cinéma en particulier l’emporte sur leur stricte puissance militaire.
Le document 1 d’accompagnement de la leçon p. 91 est une
photographie qui montre l’incendie d’un drapeau américain par
des étudiants miliciens islamistes qui avaient pris en otages 53
employés de l’ambassade des États-Unis. C’est le symbole du recul
de l’influence mondiale des États-Unis à la fin des années 1970.
Les documents relatifs à Ronald Reagan (p. 78 et 82) montrent sur
quelles valeurs (liberté, foi religieuse missionnaire) il fonde une présidence de combat et de redressement – après le déclin des années
1970 – contre l’Union soviétique assimilé à un « empire du mal ».
Cours 2 p. 92-93
Les États-Unis depuis 1991 : hyperpuissance
ou déclin ?
© Hachette Livre 2014
•Présentation
Ce second cours dresse un bilan de vingt ans de superpuissance
américaine devenue sans rival après la disparition de l’URSS en
1991. Les attentats du 11 septembre 2001 constituent une césure
logique entre une première partie consacrée à l’ère de « l’hyperpuissance » durant laquelle les États-Unis, par des interventions militaires majeures (Irak 1991, Somalie 1993, Kosovo 1999),
deviennent les régulateurs de l’ordre mondial, comblant les défaillances de leurs alliés traditionnels comme l’Union européenne
dans les conflits d’ex-Yougoslavie et celle qui traite des doutes
assaillant le pays après 2001. En effet, en contradiction avec ce
sentiment de « toute puissance » étatsunienne, conforté par une
mondialisation économique portée par les FMN américaines, les
attentats du 11 septembre 2001 révèlent une réelle fragilité face
aux nouvelles menaces du xxie siècle comme le terrorisme ou la
prolifération des armes de destruction massive. La deuxième partie du cours revient donc logiquement sur une décennie d’échecs
militaires (Irak) et moraux (Guantanamo) qui abîment sévèrement
l’image des États-Unis dans le monde, alimentant l’antiaméricanisme. La présidence de Barack Obama (2009-2017) apparaît en
46 • Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
fin de période comme une tentative de restauration de cette
réputation internationale.
• Choix des documents « appuis » du cours
Le tableau récapitulatif des armes nucléaires détenues par les
cinq grandes puissances mondiales (p. 82) donne à voir la supériorité massive des États-Unis dans ce domaine, même si après
1991 la Russie héritière de l’URSS parvient à entretenir l’illusion
d’une parité.
La carte (p. 77-78) sur la superpuissance militaire et stratégique
des États-Unis illustre leurs atouts uniques : une flotte déployée
sur les trois grands océans du globe, un réseau mondial de bases
navales qui servent de points d’appui pour des débarquements et
interventions militaires en cas de crises internationales.
La photographie des super-héros américains Marvel célébrés en
Chine en 2011 (p. 85) démontre la force de persuasion et de séduction de la culture populaire américaine qui parvient à s’imposer
même auprès de la population du principal rival stratégique, la
Chine communiste.
La photographie des attentats du 11 septembre 2001 (p. 83) est un
instantané de l’histoire en train de se faire, cet événement étant
le plus important pour la géopolitique mondiale depuis la fin de
la guerre froide.
La photographie d’une manifestation populaire de soutien à la
nationalisation du pétrole vénézuélien montre que les symboles
de l’implantation économique des FMN des États-Unis peuvent
être détournés comme signes de rejet et de revendication d’indépendance nationale.
Le discours d’acceptation du prix Nobel par Barack Obama en
décembre 2009 (p. 83) indique une inflexion de la politique étrangère des États-Unis vers plus de coopération avec leurs alliés après
une décennie de guerres « ratées » en Irak et en Afghanistan.
Le document d’accompagnement du cours (p. 93), qui est la reproduction d’un tract distribué par l’armée américaine en Somalie en
1993, montre la volonté des États-Unis d’apparaître comme un
pays libérateur venu en ami, soucieux des populations civiles.
Prépa Bac p. 94-95
◗◗ Composition
Sujet guidé : La puissance des États-Unis
dans le monde depuis 1945.
1. Analyser le sujet
La puissance des États-Unis s’exprime dans différents domaines :
économique, politique, militaire, culturel, etc.
1945 correspond à la fin de la Seconde Guerre mondiale et les
États-Unis apparaissent déjà comme une superpuissance.
2. Présenter le sujet
La première proposition ne dresse qu’un tableau de la situation
actuelle et est trop géographique ; la deuxième se limite à la
période de la guerre froide. La phrase qui correspond le mieux au
sujet est la troisième car elle met en évidence les évolutions de la
puissance au cours de la période étudiée.
3. Construire un plan
Plan chronologique 1945-1991 : une puissance
engagée dans la guerre froide
1991-2001 : l’hyperpuissance
américaine
Depuis 2001 : une puissance
remise en cause ?
Soft power : puissance économique et
culturelle
– Puissance industrielle
acquise par l’effort de guerre
– Plan Marshall
– Firmes multinationales
– American way of life
– ALENA
– OMC
– Extension du modèle
libéral américain
– Concurrence économique
des pays émergents
– Dette des États-Unis
– Crise économique, 2008
Hard power : puissance politique et
militaire
– Arme atomique
– Conseil de sécurité de
l’ONU
– OTAN, OTASE, etc.
– Conflits de guerre froide
– Guerre du Golfe
– Accords de Dayton
– Gendarmes du monde
– Extension de l’OTAN
– 11 septembre 2001
– Unilatéralisme
– Guerre en Irak
– Guerre en Afghanistan
– Contestation en Amérique
latine : Hugo Chavez
Sujet en autonomie : Les États-Unis et le monde
depuis 1945.
Le plan le plus logique s’appuie sur la date rupture de 1991, scellant la disparition du bloc communiste.
1. 1945-1991 : les États-Unis leaders du bloc occidental
pendant la guerre froide
A. Constitution d’alliances militaires
B. Soutien économique et diffusion culturelle
C. Triomphe des valeurs américaines sur le communisme
2. Depuis 1991, de la domination unilatérale à la contestation
des États-Unis ?
A. 1991-2001 : gendarmes de monde et champions du capitalisme
Parties de la consigne
B. Depuis 2001, des contestations et un retour au multilatéralisme
La conclusion peut ouvrir sur la notion, controversée, de déclin
des États-Unis et la lier à celle de l’émergence de la Chine, abordée au chapitre suivant.
Prépa Bac p. 96-98
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet guidé : Les États-Unis et le monde depuis 1991.
2. Prélever des informations
3. Apporter des connaissances
Informations fournies par les documents
Connaissances
Les États-Unis doivent
s’adapter à une
nouvelle situation
internationale.
– Avec la fin de la guerre froide ; […] de la
Pologne à l’Érythrée, du Guatemala à la Corée du
Sud, il y a un désir ardent parmi les peuples qui
souhaitent être maîtres de leurs propres destinées
économiques et politiques.
– Une nouvelle période de périls et
d’opportunités ; […] la prolifération des armes
les plus destructrices ; […] les conflits parmi et à
l’intérieur des nations.
– Effondrement du bloc communiste.
– Fin de la course aux armements mais circulation
incontrôlée des armes de l’ex-URSS.
– Montée de l’islamisme radical.
– Montée des nationalismes en Europe orientale
(ex-Yougoslavie).
– Accélération de la mondialisation sur le modèle
libéral.
– Concurrence économique croissante de pays d’Asie
orientale et d’Amérique.
Les moyens dont ils
disposent ainsi que
leurs objectifs.
– « Demeurés engagés et leaders » ; « nous
tiendrons un rôle central pour le changement et la
paix » ; « partenariat avec les autres et à travers les
institutions multilatérales comme les Nations unies » ;
« agir unilatéralement lorsque nos intérêts sont
menacés ou ceux de nos alliés ».
– « Étendre et renforcer la communauté mondiale
des démocraties de marché […] grâce au GATT,
à l’ALENA » ; « élargir le cercle des nations qui
vivent avec ces institutions libres » ; « stopper la
prolifération des armes destructrices ».
– Diffuser le modèle américain et conforter le
leadership des États-Unis : hyperpuissance.
– Affirmation de la puissance militaire :
interventions au Koweït (1991), en Somalie (1993),
en Bosnie (1995), élargissement de l’OTAN.
– Extension du modèle libéral à travers l’ALENA et
l’OMC.
– Soft power : diffusion de la culture américaine par
le cinéma, les FTN, etc.
Sujet en autonomie : Les États-Unis et le monde.
Il faut présenter le président Ronald Reagan en introduction ainsi
que sa célèbre formule « America is back » (voir p. 78) puisque la
consigne évoque la « réaffirmation de la puissance américaine ».
1. Une réaffirmation de la puissance des États-Unis dans les
années 1980
A. Une puissance affaiblie au cours des années 1970.
B. Une restauration de la puissance militaire.
2. La capacité des États-Unis à influencer l’ordre mondial
A. La promotion d’un modèle démocratique et libéral.
B. Les États-Unis obligent l’URSS à négocier sur le désarmement.
Ce document permet de comprendre le rapport des États-Unis au
monde dans les années 1980 et son chemin vers l’hyperpuissance
dans un contexte qui reste encore celui de la guerre froide.
Histoire - Chapitre 3 - Les États-Unis et le monde depuis 1945
• 47
© Hachette Livre 2014
Plan thématique
HISTOIRE
chapitre 4
La Chine et le monde depuis 1949
Programme : Thème 2 – Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 (14 à 15 heures)
Question
Mise en œuvre
Les chemins de la puissance
La Chine et le monde depuis 1949
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
© Hachette Livre 2014
p. 100-127
À travers ce chapitre, qui suit celui consacré aux États-Unis, les
élèves pourront prendre conscience du bouleversement considérable que représente l’émergence de la Chine dans l’organisation
du monde issu du xxe siècle.
La problématique centrale peut s’énoncer ainsi : peut-on dire que
la Chine, à l’issue d’un parcours très différent de celui des ÉtatsUnis, incarne désormais elle aussi la notion de puissance ?
La Chine communiste s’inscrit dans une évolution originale qui la
mène, à travers la volonté de retrouver son ancienne puissance,
d’une situation de sous-développement économique et de tutelle
politique à une position économique, et de plus en plus politique,
de premier plan à l’échelle planétaire.
On ne peut guère s’attendre à ce que les élèves disposent d’acquis
aisément mobilisables : cela doit inciter à consacrer davantage de
temps à la construction de la périodisation sans viser l’exhaustivité dans le cadre de l’horaire restreint de la série S. D’où le choix
d’organiser les deux leçons autour de la rupture que constitue
l’arrivée de Deng Xiaoping au pouvoir.
La victoire des communistes en 1949 constitue un tournant
majeur dans l’histoire de la Chine. La séquence qu’elle inaugure
est marquée par la construction d’un État fort et une quête de
puissance à travers la reconquête de sa souveraineté.
La Chine populaire adopte dans un premier temps le modèle de
l’URSS stalinienne dans l’espoir d’atteindre rapidement le stade
socialiste de développement. Puis elle prend ses distances et
rompt avec elle au début des années 1960 dans la volonté affichée d’incarner une voie différente vers le communisme, une
voie adaptée à un pays du tiers monde. Durant cette période,
en dépit de ses difficultés économiques, aggravées par les choix
d’un volontarisme extrême dictés par Mao Zedong et de violents
à-coups politiques, sa quête de puissance se poursuit. Bien que
son influence dans le monde demeure limitée, elle joue cependant
de sa situation géopolitique particulière pour sortir de l’isolement
en se rapprochant de Washington à partir de 1971.
La mort de Mao, en 1976, ouvre une étape nouvelle. En une trentaine d’années, la Chine acquiert un statut de puissance économique et financière de premier plan qui lui permet de jouer un
rôle sur la scène internationale. Tout en étant étroitement liée
aux États-Unis, ne serait-ce que sur le plan commercial et financier, elle se heurte de plus en plus à eux dans les domaines économique et diplomatique. La Chine s’impose aujourd’hui comme un
nouveau pôle géopolitique en Asie orientale mais sa conception
de la puissance, longtemps confinée à cet espace, tend de plus
en plus à se manifester sur les autres continents. Toutefois, elle
reste une puissance incomplète, en devenir. Elle doit faire face
à de nombreux défis internes et ne dispose pas (pas encore ?) de
tous les attributs de la puissance.
◗◗ Débat historiographique et quelques notions clefs
du chapitre
La Chine a les dimensions de l’Europe, avec une grande diversité
de milieux. On n’a donc pas un mais des rapports au monde, différenciés à la fois selon les espaces et en fonction des héritages
d’une histoire bimillénaire. La géopolitique interne de la Chine
48 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
a de l’importance. Les travaux de Marie-Claire Bergère, notamment son livre Capitalismes et capitalistes en Chine. Des origines à
nos jours (Perrin, 2007), soulèvent sous cet angle la question des
racines de l’internationalisation de l’économie. Cette historienne
rappelle qu’avant la longue phase de repli sur soi imposée par
l’invasion japonaise puis accentuée par le pouvoir communiste, la
bourgeoisie du littoral, celle de Shanghai notamment, avait connu
un « âge d’or » de 1911 à 1937. Stimulée par l’essor des échanges
avec l’Europe, l’Amérique du Nord mais aussi l’Asie, cette « Chine
bleue » tournée vers la mer a, malgré les concessions étrangères
et l’instabilité politique, enregistré une croissance soutenue.
Ce moment fut occulté sous Mao Zedong qui stigmatisait dans la
bourgeoisie « compradore » une classe parasite bradant la Chine
aux intérêts étrangers. Parvenu au pouvoir, il privilégia la « Chine
jaune », celle des multitudes paysannes peuplant les provinces
intérieures. C’était renouer avec le tropisme continental de la
bureaucratie impériale, méfiante elle aussi face à la « civilisation
marchande et cosmopolite des côtes ». De ce fait, l’expansion
actuelle tirée par les exportations et l’appel aux capitaux étrangers dans le cadre de ZES avant tout littorales, n’est pas réductible à une mondialisation vue comme simple greffe occidentale
sur une Chine « authentique » qui serait essentiellement rurale.
Elle ranime un esprit marchand aussi profondément enraciné que
longtemps tenu en suspicion par le pouvoir central, celui de Pékin.
Ce fait éclaire la capacité d’adaptation de la société aux réformes
mises en œuvre depuis Deng Xiaoping. Mais la « Chine bleue »
a-t-elle définitivement gagné la partie ? La bourgeoisie qui s’y
affirme peut-elle développer des valeurs propres, tant sur le plan
intérieur qu’à l’égard du monde extérieur ?
• Un regard décentré. Évoquer la Chine, c’est sensibiliser les
élèves à la nécessité et à l’intérêt d’un regard décentré sur notre
monde : s’il a été pour l’essentiel organisé autour de l’Occident
depuis les Grandes Découvertes, la montée en puissance des pays
émergents et l’intensification des relations Sud-Sud, tant économiques que diplomatiques, modifient la donne. La difficulté n’est
pas mince et les lycéens manqueront assurément de repères sur
ce pays-monde que résume la formule du géographe Pierre Gentelle : « le paradigme de la Chine, c’est beaucoup d’espace, beaucoup de gens, beaucoup de temps ».
• « Que veut la Chine ? » Ses dirigeants évoquent avec insis-
tance « l’émergence pacifique de la Chine », ils insistent sur leur
volonté de ne pas bousculer l’ordre international existant, que
ce soit en Asie ou partout ailleurs dans le monde, en Afrique, au
Proche-Orient, etc. Leur conservatisme les conduit du reste à
jouer le statu quo, s’accommodant de tous les régimes, y compris
les plus répressifs (Birmanie, Syrie, etc.). Le pays ne nourrit pas de
projet messianique : il ne fait guère de sa réussite économique ou
de son système sociopolitique un article d’exportation. Pourtant,
entre succès économique et ambitions géopolitiques, quelle hiérarchie le parti communiste établit-il ? Des études sur les cercles
intellectuels qui gravitent autour du pouvoir apportent des éléments de réponse (Leonard M. et Israël F., Que pense la Chine ?,
Plon, 2008).
• « Que
peut la Chine ? » Quel est, par delà « l’écume » de
l’actualité médiatique féconde en pronostics hasardeux, l’exact
• « Émergence pacifique ». Concept qui revient régulièrement
dans les discours des dirigeants chinois depuis 2004. Il est présenté comme le socle d’une nouvelle diplomatie qui proclame
l’ambition de puissance de la Chine et se veut en même temps
rassurante pour les pays voisins comme pour les alliés ou adversaires potentiels. Pékin garantit à tous sa non-ingérence dans
leurs affaires intérieures et son refus d’user de la force pour régler
les différends internationaux. C’est traduire de façon pragmatique le rapport des forces à l’orée du xxie siècle et se démarquer
de la volonté américaine, celle qui animait l’Administration Bush
en tout cas, d’imposer au besoin par les armes un « nouvel ordre
international ».
• Le retour de la Chine à la puissance est permis par la mon-
dialisation. Ce processus d’intégration des économies dans un
cadre planétaire est porté, à partir des années 1980, par l’essor
des réseaux informatiques entraînant la circulation croissante des
capitaux, l’accentuation du libre-échange, la dislocation du bloc
soviétique conjuguée à l’abandon par de grands pays en développement de leurs stratégies de développement autocentré (Mexique,
Inde, etc.). Il est animé par de grandes firmes transnationales qui
conçoivent leur stratégie à l’échelle d’un monde économiquement
réunifié, opérant une nouvelle division internationale du travail
dans laquelle les pays disposant d’une réserve de main d’œuvre à
bas coût sont destinataires des opérations exigeant un « travail
routinier » (Robert Reich). La Chine, « pays du milliard », devient
une plaque tournante de cette nouvelle configuration dès lors que
ses dirigeants décident d’accueillir les capitaux étrangers.
•
Tiers monde. Telle qu’elle est forgée par A. Sauvy dans l’article
« Trois mondes, une planète » (L’Observateur du 14 août 1952),
l’expression a un contenu socio-économique : elle attire l’attention sur le fait que les populations déshéritées vivant dans des
pays non-industrialisés forment l’essentiel de l’humanité et que
leur misère constitue une bombe à retardement pour l’ordre mondial quand tous les observateurs ont les yeux braqués sur le conflit
Est-Ouest. Elle se charge cependant d’une dimension géopolitique dès lors que plusieurs pays en développement refusent l’alignement sur l’un ou l’autre des deux blocs. Le sens en est brouillé,
du coup : nombre de pays pauvres adhèrent à une alliance militaire et ceux qui se veulent neutralistes penchent souvent de facto
pour l’URSS – l’Inde de Nehru, l’Égypte de Nasser… Après sa rupture avec Moscou, la Chine de Mao se pose en champion naturel
du tiers monde, arguant à la fois de sa pauvreté et de son refus
des « deux hégémonismes », l’américain et le soviétique.
Précision : la transcription du chinois
Le système pinyin a été mis au point en Chine populaire dans les
années 1950 pour rapprocher l’écriture alphabétique de la prononciation. Il est accepté aujourd’hui comme norme internationale mais la transcription usuelle de certains noms propres a été
conservée dans ce manuel afin de faciliter la lecture : Pékin (au
lieu de Beijing), Chiang Kai-sheck (au lieu de Jiang Jieshi), Sun Yatsen (au lieu de Sun Wen)…
Par ailleurs, l’usage veut que le patronyme figure en premier :
« Mao » est le nom de famille, « Zedong » le prénom.
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages universitaires
M.-C. Bergère, La République populaire de Chine de 1949 à nos
jours, coll. U, A. Colin, réédition 2000.
J.-P. Cabestan, La Politique internationale de la Chine, entre intégration et volonté de puissance, Presses de Sciences Po, 2010.
J.-L. Domenach, Comprendre la Chine d’aujourd’hui, Perrin, 2007.
M. Nazet, La Chine et le monde au xxe siècle. Les chemins de la puissance, Ellipses, 2012.
A. Roux, La Chine contemporaine, collection Cursus, 5 e édition,
A. Colin, 2010.
• Articles et documentation pédagogique
M.-C. Bergère, « Le poids de la Chine dans le monde », Géopolitique, n° 111, novembre 2010.
Courrier international, hors série « La Chine des Chinois », juinjuillet-août 2005.
« La Chine dans la mondialisation », La Documentation française,
n° 32, juillet-août 2008.
T. Sanjuan, Le Défi chinois, La Documentation photographique,
n° 8064, La Documentation française, juillet-août 2008.
Historiens et Géographes n° 340, mai-juin 1993, sur l’histoire de la
Chine. N° 425, février 2014, article de Paul Stouder, « La Chine
et le monde, du 4 mai 1919 à nos jours » (mise au point, documents, bibliographie).
« 1912-2012 : la Chine, d’un empire à l’autre », Collections de l’Histoire n° 57, novembre 2012.
• Sites Internet
http://www.centreasia.eu/
Un site très riche qui met en perspective les enjeux mondiaux de
l’Asie contemporaine.
http://cecmc.ehess.fr/
Un site spécialisé sur la Chine contemporaine, dépendant de
l’EHESS.
http://perspectiveschinoises.revues.org
Le site du Centre d’études françaises sur la Chine (CFCE), unité
mixte de recherche du ministère des Affaires étrangères et du
CNRS. Il édite la revue trimestrielle Perspectives chinoises.
Introduction au chapitre p. 100-101
Les pages d’introduction insistent sur le fossé qui sépare la Chine
actuelle du pays pauvre dont les communistes prennent les commandes en octobre 1949. Elles montrent l’extraordinaire mutation
d’un pays en « quête de la modernité » (Alain Roux).
Les deux images renvoient au contraste entre sous-développement et dépendance au début de la décennie 1950 et puissance
d’une économie dorénavant en état d’influencer le reste du monde,
et singulièrement le monde pauvre, au début du xxie siècle.
→Document 1 : « Étudier l’économie avancée de l’Union
soviétique pour développer notre pays ».
L’affiche officielle de 1953 donne l’image d’une relation idyllique
avec le « grand frère » soviétique, « patrie du socialisme » dont
les autorités chinoises vont répétant à leur peuple qu’il a tout à
apprendre : « l’URSS d’aujourd’hui, c’est la Chine de demain »
assène Mao. L’image est de trois ans postérieure au traité « d’amitié, d’alliance et d’assistance mutuelle » signé par Mao avec Staline, pour trente ans, le 14 février 1950. Ce traité laisse à l’URSS
pour quelques années encore la jouissance de Port-Arthur (Lüshun) et de Daïren (Dalian), accorde à Pékin un prêt (modeste) de
300 millions de dollars et organise la venue en Chine de coopérants soviétiques. En intégrant le système soviétique, la Chine
communiste évite un isolement total, mais au prix d’une certaine
dépendance par rapport à Moscou. Par ailleurs, aux yeux des dirigeants chinois à cette date, leur pays ne saurait s’acheminer vers
le socialisme sans imiter le parcours de l’URSS depuis l’arrivée au
pouvoir des bolcheviks en 1917 : la priorité est de créer une base
Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
• 49
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rapport de forces entre la Chine et la puissance américaine qui
constitue pour Pékin l’unique rival crédible ? La réponse n’est pas
assurée tant restent incertains toute une série d’éléments : capacité d’innovation de l’économie, état exact de l’opinion par rapport au régime, niveau des dépenses militaires, etc.
industrielle. Elle seule peut assurer l’indépendance nationale et
engendrer la classe ouvrière dont le PCC, fidèle à l’œuvre de Marx,
se réclame : les équipements industriels occupent tout l’arrièreplan de cette affiche – ils ont ici une connotation positive qu’il
faudra peut-être souligner auprès d’élèves actuels enclins à voir
dans les fumées s’échappant de cheminées d’usines ou de hauts
fourneaux une intolérable atteinte à l’environnement. Or la Chine
souffre d’une pénurie massive de techniciens et d’ingénieurs
quand l’URSS en produit en nombre. Elle les lui envoie pour former la main d’œuvre chinoise.
L’affiche illustre la dépendance dans laquelle celle-ci se trouve
par rapport aux coopérants soviétiques : la taille, le vêtement des
personnages, leurs postures l’indiquent ; l’URSS commande et
instruit, la Chine apprend dans l’humilité de l’ouvrier face à l’ingénieur détenteur du savoir.
L’image s’inscrit dans un moment de grande proximité entre les
deux pays qui participent tous deux, chacun à leur manière, à
la guerre de Corée (doc. 1, p. 114). Le conflit ne s’achève qu’en
juillet 1953, année qui voit aussi la mort de Staline qui donna
lieu, côté chinois, à des démonstrations de sympathie pour « le
peuple soviétique durement éprouvé ». Le document rappelle
que la Chine communiste à ses débuts, loin de vouloir inventer un
modèle communiste spécifique, se faisait fort de reproduire celui
mis au point dans l’URSS stalinienne. Au reste, une des causes du
schisme sino-soviétique fut la critique de ce même Staline par N.
Khrouchtchev en 1956. Le PCC ne cessera d’opposer au « révisionnisme » soviétique un marxisme-léninisme orthodoxe placé sous
le quintuple patronage de Marx, Engels, Lénine, Staline et Mao.
→Document 2 : Un ingénieur chinois travaillant avec des
ouvriers africains sur le chantier du futur siège de l’Union
africaine à Addis-Abeba, 2010.
Cette photographie illustre le « basculement du monde » intervenu depuis le début des années 1950. Celui qui dirige les travaux,
en effectuant des mesures, c’est désormais un ingénieur chinois ;
les ouvriers qu’il commande ou forme, on ne sait, sont, eux, africains. L’image renvoie à une double évolution :
– la Chine a échappé à la dépendance technologique qui la caractérisait au milieu du xxe siècle : ses actifs les plus qualifiés maîtrisent désormais un ensemble de processus complexes, qui leur
permettent par exemple de résoudre la masse de difficultés techniques que suppose l’édification d’un immeuble de très grande
hauteur : le Centre mondial de finances de Shanghai s’élève à 492
mètres, ce qui en fait le sixième édifice le plus élevé du monde,
loin, certes, du premier, la Burj Khalifa de Dubaï, qui culmine à
828 mètres, mais de gigantesques gratte-ciel sont en cours de
construction en Chine, telle la Sky City Tower de Changsha qui
devrait atteindre 838 mètres de haut en 2015.
– dans ses stratégies d’expansion, la Chine accorde un intérêt privilégié aux continents en développement. Ses entreprises y sont
fort actives, notamment en Afrique dans le secteur du bâtiment
et des travaux publics comme on le voit ici, dans la capitale éthiopienne qui est en même temps le siège de l’Union africaine, la plus
vaste structure de concertation politique à l’échelle du continent.
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◗◗ Frise
Il est exclu de transformer la question en une étude de l’évolution
intérieure de la Chine. Mais on ne peut comprendre son rapport
au monde en ignorant les traits essentiels de cette évolution :
l’accession du Parti communiste au pouvoir en 1949, les revirements à la fois diplomatiques et socio-économiques des années
1956-1960, les paradoxes des années 1989-1992 marquées tout à la
fois par le refus d’une libéralisation politique à la Gorbatchev et la
confirmation de l’ouverture économique.
50 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
Cette ligne du temps insiste sur l’opposition de deux séquences
depuis 1949. L’une et l’autre sont définies par une cohérence entre
contexte politique interne et nature du rapport au monde.
De 1949 à 1979, le pouvoir communiste entend redonner au pays
non seulement l’indépendance mais aussi un rôle international en
privilégiant l’idéal révolutionnaire. Il met celui-ci en avant dans
sa manière de gouverner, qui fait appel aux « masses » au prix de
soubresauts parfois tragiques.
Depuis 1979, Deng Xiaoping et ses successeurs optent résolument
pour l’inscription de la Chine dans la dynamique de la mondialisation. L’économie est un levier au service de visées politiques
indissolublement interne et internationales. La priorité est
à la croissance : la vie politique est dorénavant fondée sur des
rythmes réguliers, dont le point d’orgue est le choix du président
de la République populaire par les instances dirigeantes du Parti
communiste.
Repères A. De la dépendance au communisme,
1842-1949
p. 102-105
p. 102
La page 102 évoque la Chine d’avant 1949 : un pays dominé et
divisé mais animé d’un éveil national.
Le document 1 retrace les épisodes les plus marquants de l’asservissement du puissant empire chinois du début du xixe siècle à
la tutelle étrangère à partir de 1842 (durant la guerre de l’opium
le Royaume-Uni exige et obtient de l’empereur l’ouverture des
ports chinois aux marchands européens) jusqu’aux années 1930
qui voient le Japon des militaires enlever dès 1931 la riche province de Mandchourie à la Chine avant d’envahir le pays en juillet 1937. L’armée impériale japonaise occupe en quelques mois la
« Chine utile », les provinces littorales qui sont à la fois les plus
peuplées et les plus riches, massacrant au passage les populations
civiles, comme à Nankin en décembre 1937 (on avance le chiffre de
300 000 morts durant ces « massacres de Nankin »).
Le document 2 évoque le break up of China (le dépeçage de la
Chine). Il atteint sa plus grande intensité en 1898-1900. La caricature parue dans un journal français montre les grandes puissances européennes et le Japon en train de se partager « le gâteau
chinois ». On reconnaît de gauche à droite : la reine d’Angleterre,
Victoria (elle a alors 75 ans) ; l’empereur d’Allemagne Guillaume II ;
le tsar de Russie Nicolas II (il a 30 ans et ne règne que depuis 1894) ;
Marianne, l’allégorie de la République française ; le Mikado, l’empereur du Japon (c’est alors Mutsuhito qui régna de 1867 à 1912 ;
connu sous son nom posthume de Meiji Tenno, « gouvernement
éclairé », il fit entrer son pays dans la modernité) ; derrière les
convives le mandarin, identifiable à sa natte, symbolise le vieil
empire chinois. On peut noter la différence de traitement entre
les « invités » : la Russie et plus encore la France (elle reste en
arrière, comme désintéressée) sont avenants par opposition aux
souverains anglais et allemand, agressivement caricaturés, menaçants et querelleurs. Le dessinateur travaille dans un contexte
précis : hostilité française à l’Allemagne, depuis la guerre de 18701871 ; vive tension entre la France et l’Angleterre, notamment au
sujet du haut Nil, convoité par les deux pays, ce qui mène à la crise
de Fachoda en juillet 1898 ; célébration de l’amitié franco-russe
depuis l’alliance militaire conclue en 1892 ; en revanche animosité
croissante entre Londres et Berlin : les Anglais s’inquiètent de la
volonté de Guillaume II de faire de son pays une puissance navale
moderne, outil de la Weltpolitik (politique mondiale) qu’il souhaite
mener. On notera l’absence des États-Unis qui militent alors pour
le principe de la porte ouverte en Chine : que le territoire soit
ouvert à tous les négociants étrangers sans privilège pour tel ou
Le document 3 est une affiche officielle qui commémore les quarante ans du Mouvement du Quatre Mai 1919. Ce jour là, à Pékin et
dans d’autres grandes villes, de nombreux manifestants, dont surtout des lycéens et des étudiants, protestèrent contre la décision
prise peu avant par la Conférence de la Paix réunie à Paris (plus
spécialement par le Conseil des Quatre réunissant les dirigeants
des principaux pays vainqueurs de la Grande Guerre : Clemenceau
pour la France, Lloyd George pour le Royaume-Uni, Orlando pour
l’Italie et Wilson pour les États-Unis) d’attribuer au Japon, alors
allié de l’Angleterre, les droits que possédait l’Allemagne dans
la région du Shandong, ce alors même que le gouvernement de
Pékin avait jugé utile de se déclarer en guerre contre l’Allemagne
pour récupérer les droits en question. Le mouvement du 4 mai
1919 exprime une conscience nationale moderne : à la différence
des jacqueries à caractère xénophobe du passé, du type révolte
des Boxers en 1900, il est porté par les fractions de la population
les plus sensibles aux idées nouvelles. La dépendance par rapport
à l’étranger est de moins en moins acceptée dans la Chine des
années 1910. La vieille dynastie mandchoue a été renversée en
1911 parce qu’elle s’avérait incapable de moderniser le pays et par
là même de restaurer son indépendance.
Le traité de Versailles néglige la protestation de mai 1919 mais la
Chine obtient finalement satisfaction en 1922 : lors de la conférence de Washington, les États-Unis, non liés par le traité de
Versailles et désireux de contenir les ambitions nippones, font
pression sur le Japon pour qu’il rétrocède le Shandong à Pékin.
Par ailleurs, ce mouvement favorise l’essor de deux forces décidées l’une et l’autre à rénover la Chine : le Guomindang et le Parti
communiste chinois. Pour ces raisons, il reste emblématique du
réveil national dans la mémoire chinoise et le Parti communiste
s’en proclame volontiers l’héritier, assumant pleinement, ce faisant, son rôle de champion de la cause nationale. Commémorer
cet événement lui permet également de se présenter comme
le parti de la jeunesse, thème que Mao a abondamment mis en
avant : les jeunes générations sont une force politique de premier
ordre dans une Chine alors en pleine « inflation démographique »
(P. Bairoch).
Le document 4 est une carte qui juxtapose les deux guerres que
subit la Chine des années 1930 : les armées de la République et
celles du PCC combattent les forces japonaises qui ont déclenché en juillet 1937 une attaque générale contre la Chine et rapidement occupé ses provinces littorales ; les forces nationalistes et
communistes se livrent depuis 1926 une guerre civile marquée, de
1934 à 1936, par la Longue Marche vers le Nord des militants communistes qui avaient créé au Sud des « républiques soviétiques
paysannes » et la fragilité de la trêve conclue entre elles après
l’agression japonaise. C’est durant cet épisode que Mao devient
le principal dirigeant du PCC : dès ce moment, il n’a de cesse
de transformer ce qui fut une désastreuse retraite (on estime
qu’environ 90 000 militants communistes périrent) en glorieuse
épopée, liant courage des militants et clairvoyance du chef. Après
1949 la célébration de la Longue Marche devient une composante
récurrente du culte de la personnalité de Mao. La ville de Yanan
où Mao établit sa précaire « capitale », au cœur de la Chine rurale,
devient un haut lieu de son culte.
B. La Chine communiste en quête de puissance,
à partir de 1949
p. 103
La page 103 est consacrée aux cinq figures marquantes qui ont
guidé la Chine communiste depuis 1949. Le pouvoir y a en vérité
un caractère collégial : il est détenu par le noyau dirigeant du
PCC, parti-État qui a pris en mains tous les rouages du pays. Les
hommes qui apparaissent sur le devant de la scène sont ceux qui
ont su s’imposer dans les luttes de faction et faire, à tel ou tel
moment, la synthèse des courants dominants.
De par sa trajectoire personnelle, Mao est le plus en vue de 1949
au début des années 1970, non sans éclipses : après l’échec dramatique du Grand Bond en avant, il doit céder la présidence de la
République au leader des « réalistes », Liu Shaoqi, tout en gardant
le contrôle du PCC. Il utilise la « Révolution culturelle prolétarienne » pour évincer ses rivaux, mais, reconnaissant la nécessité
d’un apaisement et affaibli par la maladie, il se retire de l’administration courante du pays en 1972 : il en confie les rênes à Zhou
Enlai, inamovible Premier ministre de 1949 à sa mort en 1976
en même temps que principal artisan de la politique étrangère
chinoise.
Après plusieurs années de lutte entre modérés et radicaux, c’est
finalement Deng Xiaoping, un des « réalistes » disgraciés lors de
la Révolution culturelle, qui s’impose et entame un long « règne »
durant lequel il parvient à défendre contre vents et marées la
priorité à l’efficacité économique, en répudiant le collectivisme et
l’autarcie : sa ligne consiste à procéder par réformes progressives,
entrecoupées de pauses, pour aller vers « l’économie socialiste de
marché » tout en donnant des gages aux conservateurs par la préservation du monopole du pouvoir pour le PCC (d’où l’écrasement
du printemps de Pékin en 1989 : doc. 2 p. 121).
L’arrivée au sommet de l’État de Jiang Zemin marque une relève
de générations : Mao était né en 1893, Deng en 1904 ; tous deux
appartenaient à la vieille garde du PCC. Cette génération des fondateurs garde les leviers de commande du pays jusqu’aux années
1990. Leurs successeurs font carrière dans un PCC qui est aux
portes du pouvoir (Jiang Zemin, né en 1926, y adhère en 1946) ou
s’y trouve solidement installé : Hu Jintao, né en 1942, y adhère en
1964 ; quant à Xi Jinping, c’est un « prince rouge » né en 1953 dans
une famille liée aux cercles dirigeants – son père, Xi Zhongxun,
vice Premier ministre fut limogé par Mao en 1962 puis réhabilité par Deng : il devient à ses côtés un artisan des réformes des
années 1980.
Jiang Zemin fait des études d’électricité à l’université de Shanghai
quand il adhère au PCC. En 1955-1956, il est ingénieur stagiaire à
Moscou ; il devient ensuite directeur d’usine et entre au Comité
central du PCC. Devenu maire de Shanghai, il doit à Deng d’être
promu secrétaire général du PCC dès 1989 (il a réussi à préserver
le calme dans sa ville lors de la contestation de 1989), puis président de la Commission des affaires militaires du Parti, fonction
stratégique entre toutes. Dauphin de Deng, il co-dirige le pays
avec lui puis lui succède avec le titre de président de la République
qu’il détient en vérité depuis 1993. Il inaugure une pratique nouvelle du pouvoir en régulant les mandats des titulaires de l’exécutif : lui-même remet en 2003 ses fonctions de secrétaire général du PCC et de chef de l’État à son adjoint, Hu Jintao, « élu »
(adoubé, plutôt) par l’Assemblée nationale populaire qui fait office
de Parlement. Hu Jintao cumule à son tour ces deux fonctions
avant de céder le pouvoir à Xi Jinping, lequel cumule à son tour les
postes de président de la République et de secrétaire général et
président de la commission militaire centrale du PCC.
Le pouvoir chinois semble donc entré dans une ère de normalisation, autour de mandats de cinq ans renouvelables une fois pour
les plus hauts dirigeants, sur fond de confusion maintenue entre
le Parti et l’État. Depuis les années 1990, la succession est orgaHistoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
• 51
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tel. La Chine est un enjeu trop conséquent pour envisager une
colonisation mais elle devient un pays semi-dépendant, partagé
en zones d’influence économique, sous forme de concessions
minières, ferroviaires, mais aussi commerciales dans les principaux ports du pays – les concessions française et internationale à
Shanghai sont, par exemple, des enclaves extraterritoriales dans
lesquelles les ressortissants étrangers échappent aux autorités
chinoises.
nisée de son vivant par le maître en titre du pays, qui promeut le
plus apte à prolonger la ligne inaugurée par Deng. La légitimité
politique de ces successeurs est fonctionnelle et non plus de type
charismatique.
C. Aspects de la puissance chinoise
au début du xxe siècle
p. 104-105
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Le document 1 des p. 104-105 est une carte qui entend rappeler le poids du legs maoïste dans l’insertion actuel de la Chine
dans le système-monde. Toute une série de configurations se sont
mises en place durant les années 1960-1970, quand Pékin voyait
dans l’Union soviétique « révisionniste » un ennemi aussi dangereux que les États-Unis capitalistes. D’où les liens étroits avec
le Pakistan, ennemi juré de l’Inde philo soviétique de Nehru puis
d’Indira Gandhi, et des relations longtemps tendues avec le grand
voisin au sud de l’Himalaya. La dislocation du bloc soviétique et
la montée en puissance de l’économie chinoise reconfigurent les
relations avec le monde extérieur, mais sans effacer d’un coup les
solidarités ou les inimitiés anciennes. La carte illustre ce mélange
d’héritages et de réalités nouvelles dans la relation de la Chine au
monde.
Le document 2 p. 105 est un tableau qui utilise des statistiques
produites par l’économiste Angus Maddison, qui s’est fait une
spécialité de reconstituer des séries de longue durée en matière
d’économie et de démographie. On ne peut donc aller au-delà de
2001 sans trahir la cohérence de ce travail publié en 2003. Tel qu’il
est, le tableau permet de réinscrire l’évolution récente de la Chine
dans une perspective de longue durée. À partir d’une comparaison
avec l’Europe de l’Ouest qui fut le berceau de l’industrialisation, il
illustre la réalité et les limites d’un basculement de la puissance.
Sur le plan démographique, le rapport entre l’Europe occidentale et la Chine passe de 1,8 en faveur de celle-ci en 1950 à 3,2 en
2001 : c’est conforme à la tendance planétaire qui voit se réduire
à grande vitesse la part des pays anciennement industrialisés dans
la population mondiale au profit du tiers monde entré en transition démographique au milieu du xxe siècle alors que le monde
riche s’inscrit depuis plusieurs décennies dans le nouveau régime
démographique (mortalité et natalité faibles).
Sur le plan économique, en termes de PIB global, l’avance de
l’Europe occidentale s’est amenuisée : le rapport passe de 5,8 en
1950 à 1,6 en 2001. La dynamique joue nettement en faveur de la
Chine, dont le taux de croissance récent est infiniment supérieur
à tout ce que l’Europe a pu connaître. Il y a là rattrapage d’une
économie mûre par une économie en décollage, une phase qui
s’accompagne de taux de croissance élevés. Si on affine la périodisation, on constate que c’est surtout durant ces deux dernières
décennies que la Chine a comblé l’essentiel de son retard initial :
à l’évidence, la stratégie de développement initiée par Deng est
efficace. L’impression de rattrapage est nécessairement moindre
quand on s’intéresse au PIB par habitant : le rapport était de 10,4
en faveur de l’Europe en 1950, il reste de 5,3 en 2001. Sur ce terrain, l’effet du surplus de croissance est évidemment réduit par
l’accroissement démographique accéléré des années 1950-1980.
Il n’en demeure pas moins que le tableau traduit bien la redistribution des hommes et des richesses qui s’opère à l’échelle du
monde depuis plusieurs décennies. Les anciens pôles de puissance
reculent relativement au profit de pôles émergents dont la Chine
est la locomotive.
Le document 3 p. 105 évoque la diaspora. Elle est ancienne et
implantée avant tout en Asie du Sud-Est, de Singapour à la Corée.
Originaire pour l’essentiel de quelques provinces de Chine continentale, elle s’organise dans le cadre de systèmes migratoires qui
ménagent des interactions entre pays de départ et pays de destination. Ces liens préservés constituent un atout précieux pour
52 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
une Chine soucieuse, depuis 1979, de s’insérer dans l’échange
international. Les expatriés, de plus ou moins longue date,
figurent notamment parmi les principaux investisseurs étrangers
qui contribuent puissamment à industrialiser la Chine et à stimuler ses exportations. Ils peuvent aussi constituer à l’occasion un
atout géopolitique, mais c’est plus incertain : ils peuvent en effet
être perçus comme un élément étranger dans le pays d’accueil et
sont parfois victimes de l’hostilité des populations locales.
Acteurs p. 106-107
Mao Zedong, « l’Empereur rouge »
Deng Xiaoping, le réformateur pragmatique
Cette double page permet d’illustrer la continuité et les différences entre les deux principaux dirigeants chinois de la deuxième
partie du xxe siècle.
→Document 1 : Durant la Révolution culturelle, des enfants
honorent Mao Zedong en récitant son Petit Livre rouge (1968)
La photographie date de 1968, en pleine effervescence de la Révolution culturelle lancée par Mao pour éradiquer toute trace « d’esprit bourgeois » dans la société socialiste. Tel est du moins le but
affiché, alors qu’il s’agit en vérité d’un stratagème du « grand
Timonier » pour reprendre la main après sa mise à l’écart consécutive au dramatique échec du Grand Bond en avant. Mao s’appuie
sur l’armée, dirigée par son fidèle Lin Biao, et les jeunes fanatisés
embrigadés dans les Gardes Rouges pour mobiliser « les masses »
contre les hommes et les institutions du passé – autorité parentale, Université, responsables administratifs… L’entreprise s’accompagne d’un intense culte de la personnalité de Mao : le Petit
Livre rouge, recueil de ses articles, discours et formules les plus
frappants, est diffusé à des millions d’exemplaires dans le pays
et traduit en de nombreuses langues. La scène montre que les
enfants sont également mobilisés : uniforme, portrait géant du
« Grand Timonier » et récitation en chœur de son « catéchisme »,
insignes et drapeaux rouges. Elle illustre le caractère totalitaire du
régime maoïste.
→Document 2 : Mao, la paix, le socialisme et le tiers monde
→Document 3 : L’avenir de la Chine selon Mao
Les deux extraits s’inscrivent dans le contexte d’une année 1956
qui voit la Chine prendre ses distances avec le « parti frère » :
en février 1956, Khrouchtchev dénonce « les crimes de Staline »
devant le XXe Congrès du PCUS. L’initiative déplaît fortement à
la direction du PCC qui y voit le signe d’une trahison de l’idéal
communiste. Du coup, les dirigeants chinois insistent désormais
sur le potentiel révolutionnaire du tiers monde, dans le sillage du
discours de Zhou Enlai à la conférence afro-asiatique de Bandung
en avril 1955. Le document 2 insiste sur la défense de la paix mais
il s’agit à cette date, dans le mouvement communiste international, de stigmatiser le monde capitaliste présenté comme belliciste
sous la houlette de Washington. L’allocution à la mémoire de Sun
Yat-sen vise à réinscrire l’action du PCC dans le mouvement de
modernisation et d’émancipation initié en 1911 par celui qui fut
le premier président de la République de Chine, après le renversement de l’empire. Mao donne ainsi un visage national à son
régime tout en répudiant les excès du nationalisme : sans doute
renvoie-t-il ici au sentiment de supériorité qui portait l’ancienne
Chine à considérer que le monde extérieur à « l’empire du Milieu »
était peuplé de « barbares ». Il s’efforce en vérité de conjuguer
l’internationalisme qui doit inspirer les révolutionnaires (« les prolétaires n’ont pas de patrie » écrivait Marx) au sentiment national
affirmé du peuple chinois. La conjonction entre idéal révolution-
→Document 4 : Deng Xiaoping et les ZES
Deng Xiaoping s’exprime ici devant ses pairs, les membres du
Comité central, instance dirigeante d’un PCC dont il est en 1992
le secrétaire général en même temps qu’il dirige l’État. Il lui faut
convaincre cette assemblée d’hommes d’appareil a priori persuadés des méfaits du capitalisme de la nécessité d’ouvrir largement la Chine aux investisseurs étrangers ainsi qu’il le préconise
à ce moment là, durant une phase de relance de sa politique de
réformes. Il le fait, selon son habitude, en mettant les principes
à distance (le refus de « classer ») pour privilégier l’efficacité : le
critère doit être « le développement des forces productives de
la société socialiste ». Son pragmatisme se manifeste aussi dans
l’habileté qui consiste à user de « la langue de bois » communiste
pour faire accepter l’introduction de logiques de marché dans une
économie collectivisée. Il y eut d’abord en 1980 cinq zones économiques spéciales. La principale est fixée en Chine méridionale,
à Shenzhen, vis-à-vis de Hong-Kong. La Chine tourne le dos à la
volonté d’autarcie cultivée par le maoïsme, elle s’inscrit dans le
processus de mondialisation des économies pour attirer des usines
sur son sol et par ce biais importer des technologies avancées et
créer des emplois. Cette volte-face suscite critiques et craintes
au sein du PCC : les dirigeants « orthodoxes » craignent une corruption de l’idéal révolutionnaire. Dans l’entre-deux-guerres, Mao
n’avait-il pas vitupéré la « bourgeoisie compradore » accusée de
livrer la Chine au capitalisme parvenu au stade de l’impérialisme
selon Lénine ? Deng doit donc s’employer à rassurer. Parlant plus
de dix ans après le lancement des premières ZES, il peut s’appuyer
sur leur bilan : Shenzhen et les autres ont attiré les investisseurs
occidentaux ; l’industrie y connaît un essor fulgurant – la richesse
créée y progresse de 25 % par an en moyenne depuis 1980.
Deux facteurs incitent de facto les investisseurs à venir en Chine :
– les avantages qu’apporte l’implantation dans les ZES : fiscalité
allégée, exemption des droits de douane ;
– l’existence d’une main d’œuvre nombreuse, relativement qualifiée, et dont le coût pour l’employeur est sans commune mesure
avec les standards des anciens pays industriels.
À titre d’exemple, les 230 000 ouvrières et ouvriers de l’usine du
sous-traitant taiwanais Foxconn à Shenzhen travaillent 12 heures
par jour, six jours sur sept, pour un salaire minimum de 300 euros
début 2012, pour assembler notamment les iPhones pour le
compte de Apple, ce qui fait que sur les 629 euros que coûte cet
appareil en France 6 euros seulement vont au salaire (Le Monde,
« Big Apple, le monstre du business », 1er mars 2012).
→Document 5 : Portrait géant de Deng Xiaoping à Shenzhen
(1990)
Shenzhen est la vitrine de la Chine nouvelle née des réformes
impulsées par Deng Xiaoping. Attirée par les emplois créés dans
sa ZES, une nombreuse main d’œuvre a quitté les campagnes pour
s’y rendre : cet espace encore rural en 1979 (s’y juxtaposaient des
villages de pêcheurs) rassemble aujourd’hui autour de 10 millions
d’habitants. Il n’est donc pas étonnant que les autorités y rendent
volontiers hommage au « petit Timonier », lui-même originaire de
Chine du Sud – son père était propriétaire foncier dans le Sichuan.
Cette partie du pays, proche de Hong-Kong et de Taiwan, est
aussi plus réceptive que la Chine du Nord ou de l’intérieur aux
leçons des NPI (Hong-Kong, Taiwan, ici) qui ont fondé leur développement sur la promotion des exportations par insertion dans la
division internationale du travail.
→Document 6 : La politique de Deng Xiaoping
Le texte est une interview du journaliste Eric Israelewicz, un temps
directeur du Monde et bon connaisseur de la Chine à laquelle il a
consacré un ouvrage qui a fait date. Il donne là son interprétation
des objectifs de Deng Xiaoping. Il souligne la dimension géopolitique sous-jacente : Deng ne souhaite pas seulement la prospérité
du pays, il entend lui redonner la place mondiale qui fut longtemps la sienne, celle de grande puissance.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les deux dirigeants pensent l’avenir de la Chine en l’inscrivant
dans une histoire multiséculaire. Une même obsession les habite :
tourner la page des décennies d’humiliation engendrée par la mise
en tutelle du pays, prendre une revanche sur ce passé pour refaire
de la Chine une puissance qui compte.
2. Mao et Deng organisent une forme de culte de la personnalité.
Ils se présentent l’un et l’autre en « timoniers » chargés de guider
le peuple via une relation d’autorité.
3. Mao invoque systématiquement l’idéal révolutionnaire, même
s’il le décline sur des tons variés.
4. Deng Xiaoping est un pragmatique qui donne priorité à l’efficacité par rapport aux dogmes : il a expérimenté des réformes progressives avant de les généraliser (cf. les ZES).
◗◗ Vers la composition du BAC
Aux yeux de Deng Xiaoping, la restauration de la grandeur
chinoise ne passe pas par les voies politiques privilégiées par Mao
mais par celles du développement. Tandis que Mao reste partagé
entre sentiment national et idéologie communiste, Deng n’hésite
pas à répudier les dogmes dès lors qu’ils lui paraissent contrarier
la recherche de l’efficacité en termes de développement. L’opposition entre ces deux approches n’est pas nouvelle puisque dès
le Grand Bond en avant, Deng faisait partie des « réalistes » qui
jugeaient dangereux le volontarisme idéologique qui poussait
Mao à hâter la marche au communisme en diffusant l’industrie
dans les campagnes, quitte à désorganiser le travail de la terre et
à engendrer une terrible famine.
Étude 1 p. 108-109
La Chine et le tiers monde : le cas de l’Afrique
Les documents portent sur un point de grande importance dans le
rapport de la Chine au monde : pays en développement en 1949,
comment conçoit-elle ses relations avec les espaces de condition
analogue ? L’enjeu est d’autant plus sensible qu’il a une dimension
politique : le régime communiste chinois est une idéocratie, il se
veut au service de la révolution anticapitaliste mondiale. Quel
traitement réserve-t-il au tiers monde dans cette perspective ?
→Document 1 : La théorie des deux mondes
Lin Biao est alors le dauphin désigné de Mao. Chef de l’Armée
populaire de libération, il est son fidèle soutien : il l’aide à conduire
la Révolution culturelle, à organiser son culte de la personnalité. Ce
texte est rédigé dans un contexte particulier : guerre du Vietnam,
guérillas paysannes en Amérique latine, etc. Lin Biao prolonge ici
la réflexion que développait le Mao de l’entre-deux-guerres sur
le rapport ville / campagnes : contre la vulgate marxiste propagée par l’Internationale communiste (le Komintern), Mao estimait
alors que le potentiel révolutionnaire de la paysannerie l’emportait sur celui des citadins, peu nombreux alors. Lin Biao étend la
comparaison à l’échelle du monde : le tiers monde, rural, paysan, représente un potentiel révolutionnaire de même force que
Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
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naire et sentiment national a fait la force du communisme chinois
durant les années 1937-1949 : cultiver la mémoire de Sun Yat-sen
permet de la perpétuer. En Chine comme ailleurs, le communisme
n’a été influent que dans la mesure où il a su incarner les aspirations nationales.
la paysannerie misérable de la Chine des années 1920-1940 ; en
revanche, il n’y aurait rien à attendre de cet équivalent urbain que
seraient les pays déjà industrialisés. C’est inverser la prophétie de
Marx : l’auteur du Capital attendait la révolution mondiale dans
les centres capitalistes les plus avancés du xixe siècle (Angleterre ou Allemagne) alors qu’à ses yeux la paysannerie constituait
presque par nature une force réactionnaire.
→Document 2 : Affiche chinoise de propagande, 1968
Cette affiche est en cohérence avec le document 1. Elle renvoie
aux efforts faits alors par Pékin pour se lier aux mouvements ou
aux États révolutionnaires en Afrique – ANC en lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud, groupes combattant la tutelle coloniale
portugaise en Angola et au Mozambique, Tanzanie de Nyerere, etc.
→Document 3 : L’essor du commerce entre la Chine
et l’Afrique
Les statistiques et le graphique soulignent l’essor rapide du commerce entre la Chine et l’Afrique à partir de la décennie 1990. Il
connaît une accélération remarquable à partir de 2000.
→Document 4 : Un professeur de l’institut Confucius
de Pretoria (Afrique du Sud) enseigne le chinois dans une école
secondaire, 2013
Les instituts Confucius sont le principal levier de la diplomatie
culturelle chinoise ; une forme de soft power qui cible particulièrement les continents en développement. Depuis les années 1990,
Pékin a multiplié ces établissements en Afrique du Nord comme
en Afrique subsaharienne.
→Document 5 : « Une stratégie active vis-à-vis de l’Afrique »
Soucieux d’éclairer le monde qui vient, les chercheurs du CEPII ont
accumulé une solide expertise sur les économies émergentes et
leurs interactions. Cette analyse très récente insiste sur les diverses
facettes du déploiement chinois en Afrique et plus particulièrement sur certaines conséquences encore mal appréciées comme la
« cannibalisation » de l’industrie textile locale. L’essor des relations
avec la Chine a des effets ambivalents pour les pays africains. En
positif, il leur permet de : diversifier leurs partenaires commerciaux
en sortant du tête-à-tête qui les liait souvent à un petit nombre
de pays occidentaux, souvent leurs anciennes métropoles ; tirer
un meilleur parti de leurs ressources : la demande chinoise pousse
à la hausse les cours des produits bruts ; nouer des partenariats
qui leur permettent d’améliorer leurs infrastructures et d’accéder
à des technologies plus efficientes. En négatif : les produits manufacturés vendus bon marché par la Chine, en inondant les marchés
africains, concurrencent l’artisanat local ; la demande chinoise en
produits bruts accentue la spécialisation des économies africaines
dans un créneau qui n’est pas le plus apte à assurer un développement durable ; l’indifférence de Pékin en matière de droits de
l’homme peut contribuer à perpétuer une « mal gouvernance »
aux effets délétères tant sur le plan politique qu’économique.
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◗◗ Réponses aux questions
1.Lin Biao tire les leçons des expériences communistes du
xxe siècle : elles sont nées de sociétés rurales – Russie de 1917,
Chine, Vietnam, Cuba, etc.
2. L’affiche indique que Pékin entend favoriser la révolution en
Afrique et, au-delà, dans le monde, par la propagande (le livre
véhiculant la « pensée de Mao ») et par les armes. La vision des
Africains est pour le moins stéréotypée : joyeux, fiers de leurs
armes, ils sont présentés ici comme des sortes de grands enfants
– ce qui renvoie bizarrement à une certaine vision coloniale qu’on
pourrait croire propre à l’Europe…
54 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
3.Les relations économiques entre la Chine et l’Afrique enregistrent un bond spectaculaire à partir de la décennie 1990. Pékin
se procure sur le continent noir toute une série de produits bruts
qu’exige son appareil industriel en rapide essor : matières premières minérales et agricoles, sources d’énergie (pétrole surtout).
4. La présence chinoise prend désormais des formes nouvelles.
Elle se relie à l’ambition de diffuser en Afrique la connaissance de
la langue et de la culture chinoises, forme de soft power susceptible de soutenir la pénétration des produits mais aussi l’influence
diplomatique. Par ailleurs, la Chine expédie de plus en plus vers
l’Afrique une partie des biens de consommation bon marché
qu’elle fabrique en grande série (articles textiles, ustensiles ménagers, etc.) mais aussi des biens intermédiaires (camions, engins
de chantier et autres véhicules utilitaires). Par ailleurs, ses entreprises s’y montrent actives dans des secteurs comme les travaux
publics et le bâtiment.
◗◗ Vers la composition du BAC
Les documents mettent en évidence un changement de nature et
d’intensité en matière de relations sino-africaines.
Durant l’ère maoïste, ces relations sont de nature idéologique et
politique avant tout (doc. 1 et 2). Pékin entend trouver en Afrique
des points d’appui pour une stratégie révolutionnaire conçue à
l’échelle du monde : c’est un élément de ce tiers monde dont on
escompte la révolte contre les « impérialismes » capitaliste ou
soviétique.
À partir de la décennie 1980 et plus encore 1990, la dimension
économique de ces relations passe au premier plan. La Chine se
procure en Afrique les minerais, le pétrole, les produits agricoles
dont son industrie et sa population ont besoin. Mais elle y exporte
en retour une partie de sa production manufacturée. Elle y est
également de plus en plus présente, par ses entreprises, en particulier dans le secteur du BTP et par ses instituts culturels.
Cette mutation est à l’image de celle qui marque le rapport de
la Chine au monde après l’entrée dans l’ère des réformes. Quand
d’aucuns dénoncent là une forme de néo-colonialisme, d’autres
estiment que cette dynamique Sud-Sud est favorable aux mondes
pauvres.
Étude 2 p. 110-111
Les relations entre la Chine et les États-Unis depuis
les années 1950
La Chine entretient avec les États-Unis une relation forte depuis
1949. Elle fut d’abord placée sous le signe d’une opposition totale :
les États-Unis constituaient pour la Chine maoïste des années
1950-1960 l’adversaire absolu. Pays leader du monde capitaliste,
ils avaient, faiblement il est vrai, aidé les nationalistes durant la
guerre civile. Puis ils ont assuré la protection de Taiwan, soutenu la
Corée du sud quand Pékin soutenait la partie nord durant la guerre
de Corée (1950-1953) et combattu le Nord Vietnam de 1965 à 1973.
L’Amérique est à tous égards le contraire de ce dont rêve Mao
pour la Chine. La relation change à partir de 1971 pour des raisons
géopolitiques d’abord : la Chine et les États-Unis se défient tous
deux de l’URSS, cet ennemi commun crée un lien. Puis, quand la
Chine opte pour la mondialisation, elle s’insère dans un systèmemonde polarisé par l’économie états-unienne. Les échanges se
multiplient entre les deux États. Ils créent une forte interdépendance : les États-Unis ont besoin des capitaux chinois, la Chine
ne peut se passer du marché états-unien. D’aucuns évoquent une
Chinamerica qui dominerait le monde au xxie siècle. C’est minorer les tensions de toutes sortes qui opposent la grande puissance
installée et la nouvelle puissance émergente.
Les forces nationalistes vaincues se réfugient sur l’île de Taiwan
après 1940. Leur chef, Chiang Kai-shek, y perpétue la République
nationaliste. L’existence de cette autre Chine est jugée intolérable
par les autorités de Pékin. Leur attitude est extrêmement agressive
dans les années 1950. Malgré, semble-t-il, les conseils de prudence
venus de Moscou, elles multiplient les démonstrations de force
destinées à dissuader les États-Unis de continuer à protéger la
Chine nationaliste : c’est ainsi qu’en août 1958 l’artillerie chinoise
bombarde les îles côtières nationalistes de Quemoy et Matsu.
Mais la marine chinoise reste alors très modeste et Wa­shington a
intégré Taiwan dans sa stratégie du containment qui, courant de
la Méditerranée à la Corée, vise à encercler la terre par la mer, en
enfermant en Eurasie le bloc communiste – vu de Washington, il
forme un ensemble unifié, de Budapest à Pyongyang. De ce fait,
l’Amérique apporte à la République nationaliste tout ce dont elle a
besoin pour subsister et se défendre. La crise s’apaise, mais Pékin
persiste, jusqu’à nos jours, à ne voir dans Taiwan qu’une « province perdue » qui doit nécessairement revenir dans le giron de la
mère patrie, quel que soit le sentiment des Taiwanais à cet égard.
→Document 2 : Mao Zedong refuse la coexistence pacifique
Cet article signé de Mao paraît dans l’organe officiel du PCC
quelques semaines après la crise de Cuba : c’est le 28 octobre 1962
que, devant la pression américaine, Khrouchtchev donne l’ordre
de démonter les bases susceptibles d’accueillir dans l’île des missiles nucléaires soviétiques. Sans doute le texte a-t-il été rédigé
bien avant sa date de publication. L’essentiel est qu’il vient, à ce
moment, deux ans après l’officialisation du schisme sino-soviétique (en juillet 1960 l’URSS rappelle ses 1 300 experts présents
en Chine), confirmer l’ampleur du différend entre les deux géants
du communisme : le PCC condamne la « coexistence pacifique »
avec le monde capitaliste souhaitée par « Monsieur K » ; il juge
inévitable un conflit ouvert entre capitalisme et socialisme. Dans
ce texte, Mao prend même aisément son parti des millions de
morts qu’il engendrerait, alors que règne « l’équilibre de la terreur », l’URSS comme les États-Unis détenant désormais les têtes
nucléaires et les vecteurs susceptibles de s’infliger mutuellement
des dommages incommensurables.
→Document 3 : Un tournant : le président américain Nixon
à Pékin, en février 1971
Le voyage officiel du président Nixon à Pékin, sa rencontre avec
Mao, ont surpris le monde en février 1972. Cet acte tranche en
effet avec les anathèmes que se lançaient jusqu’alors les deux parties. Aux yeux de la Chine, les États-Unis sont l’incarnation de
« la réaction » qui s’oppose à la marche en avant du socialisme,
une puissance impérialiste, guerrière, dont Pékin dénonce à ce
moment même l’action au Vietnam. De leur côté, les États-Unis
refusaient depuis 1949 de reconnaître la République populaire de
Chine et voyaient dans le régime de Pékin un vassal de l’URSS,
considérant le bloc communiste comme un tout, même après la
rupture sino-soviétique.
En vérité, un rapprochement s’est esquissé depuis quelque temps.
Il est initié, côté chinois, par Zhou Enlai qui souhaite sortir son
pays de l’isolement où l’a plongé la Révolution culturelle et, côté
américain par Kissinger : le conseiller de Nixon en politique étrangère est adepte d’une Realpolitik plus attentive aux rapports de
force qu’aux idéologies ; il veut alléger le fardeau militaire qui
obère le dynamisme de son pays (le conflit vietnamien a un coût
élevé) et affaiblir la position de l’URSS : la détente n’est jamais
qu’une paix armée et Washington s’avise que la tension entre
les deux géants du communisme, palpable depuis les incidents
frontaliers qui ont opposé les armées chinoise et soviétique en
1969, offre une possibilité de faire peser une menace sur l’URSS.
Ce rapprochement passe par la « diplomatie du ping-pong » puis
par l’entrée de la Chine populaire à l’ONU en 1971 en lieu et place
de la Chine nationaliste. Il se conclut en 1972 par la venue du
président des États-Unis en Chine. La visite est spectaculaire et
médiatisée, le deux pays l’ont voulu ainsi, même si, par souci de
cohérence idéologique, les autorités chinoises n’incitent pas leur
peuple à venir applaudir « l’ennemi américain ». Cette normalisation en entraîne d’autres. Les pays occidentaux qui ne l’avaient
pas déjà fait, s’empressent de nouer des relations diplomatiques
avec Pékin. La diplomatie prélude à la reprise des contacts commerciaux : celle-ci se fera très vite entre la Chine et le Japon,
notamment.
→Document 4 : Le cinéma : un nouveau champ de bataille
pour la Chine
Cet article du journal Les Echos braque le projecteur sur un
autre exemple de cette diplomatie du soft power qu’illustrent le
document 4 de la p. 109 et l’étude 3. Dans leur effort pour propulser la Chine au cœur de cette « industrie du divertissement »
qu’est le cinéma, les autorités chinoises disposent d’atouts. Souvent confondu à l’étranger avec celui de Hong-Kong et celui de
Taiwan, le cinéma de Chine continentale a sa dynamique propre.
Le cinéma apparaît au début du xxe siècle dans le monde chinois.
Sa capitale est alors Shanghai : la ville concentre la quasi-totalité de la production. La Seconde Guerre mondiale puis la guerre
civile entraînent le départ de nombreux artistes vers Hong-Kong
et Taiwan. Le cinéma de la Chine maoïste est marqué par le
modèle soviétique avec une production et des thématiques étroitement contrôlées par l’État. La Révolution culturelle entraîne un
quasi arrêt de la production. Parallèlement, Hong-Kong devient
le cœur du cinéma chinois sous l’impulsion des artistes venus du
continent. Il produit principalement des films d’arts martiaux qui
conquièrent la diaspora chinoise puis même le public occidental,
grâce à Bruce Lee. À partir des années 1980, les trois cinémas
chinois connaissent d’importants succès. Celui de Hong-Kong est
illustré par des réalisateurs tels que John Woo puis Wong Kar-wai
(In the mood for love) ; on assiste au renouveau en Chine continentale (Zhang Yimou, Chen Kaige, etc.) comme à Taiwan. Cette
percée est concrétisée en 1992-1993 par une pluie de distinctions
internationales : la palme d’or à Cannes pour Chen Kaige (Adieu
ma concubine), le lion d’or à Venise pour Zhang Yimou (Qiu Ju,
une femme chinoise), l’ours d’or à Berlin pour les Taiwanais Ang
Lee et Xie Fei (Garçon d’honneur). Depuis la rétrocession de Hong
Kong à la Chine en 1997, les liens entre ces trois univers se sont
développés, via notamment les grosses productions rassemblant
des stars de tout le monde chinois (Gong Li, Zhang Ziyi, Zhang
Yimou). Ainsi Tigre et Dragon réalisé par Ang Lee a des acteurs
taïwanais mais également hongkongais et chinois. Dans la même
veine, on peut citer Le Secret des poignards volants et Hero réalisés
tous deux par Zhang Yimou.
→Document 5 : La Chine et les États-Unis aujourd’hui :
deux puissances encore inégales
Le tableau inventorie les principaux critères et facteurs qui situent
un pays dans le système géopolitique mondial et lui permettent
d’y jouer un rôle. S’agissant notamment de la Chine, où la qualité
des statistiques laisse à désirer (la collecte n’est pas sans failles et
la transparence est loin de régner), un certain nombre de données
sont des ordres de grandeur plus que des chiffres indiscutables.
Néanmoins, la comparaison fait bien ressortir les atouts et les faiblesses des deux géants du xxie siècle naissant. Les chiffres proviennent du livre Images économiques du monde 2014 (A. Colin) et
de L’Annuaire stratégique dirigé par P. Boniface chez A. Colin.
Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
• 55
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→Document 1 : Navires américains apportant du matériel à la
Chine nationaliste (Taiwan) en août 1958
◗◗ Réponses aux questions
1. « Les impérialistes », « les réactionnaires » sont les termes
utilisés par Mao pour désigner les États-Unis. Dans le contexte
de dramatique tension entre Washington et Moscou, durant
la crise des fusées, il les qualifie de « tigre de papier », c’est-àdire qu’il les juge incapables de soutenir leurs intérêts jusqu’au
terme extrême que serait la guerre, et éventuellement, la guerre
nucléaire puisqu’à cette date l’URSS a les moyens d’envoyer des
têtes nucléaires jusqu’au territoire états-unien.
2. En 1972, le voyage de Nixon en Chine, sa rencontre avec Mao,
tranchent radicalement avec le climat d’animosité totale qui
régnait dix ans avant entre les deux pays. Ce revirement s’inscrit
dans un contexte international caractérisé par des aspects contradictoires : il y a détente Est / Ouest (son point culminant est
atteint avec la signature des accords d’Helsinki en 1975), mais sur
fond de tensions persistantes (la guerre du Vietnam est en cours,
la course aux armements nucléaires à laquelle se livrent Soviétiques et Américains est freinée mais non stoppée par les accords
SALT) ; sur ce fond de défiance, les États-Unis dirigés depuis 1969
par l’Administration Nixon cherchent à renforcer leurs positions
face à l’URSS en jouant des failles qui s’ouvrent depuis les années
1960 au sein du bloc communiste. Du côté chinois, on sort d’une
Révolution culturelle qui a désorganisé le pays et aggravé son isolement sur la scène internationale : Pékin veut alléger la pression
sur sa frontière du Pacifique en se rapprochant de « l’ennemi américain » qui y joue les premiers rôles.
3.Depuis les années 1980, les relations économiques entre la
Chine et les États-Unis n’ont cessé de croître : elles sont commerciales et financières. Leur densité est devenue telle que certains observateurs évoquent une « Chinamerica » qui exercerait
un duopole sur le monde du xxie siècle. En vérité, les sujets de
discorde ne manquent pas : la Chine voit les États-Unis comme un
pays dominateur dont il faut entamer la puissance, en le concurrençant en tous domaines, y compris en matière de soft-power
représenté notamment par Hollywood, mais aussi de recherchedéveloppement, de capacités militaires, etc. Les États-Unis
gardent une avance en bien des domaines, mais les dynamiques
jouent en faveur de Pékin sur le plan économique (croissance soutenue, excédent commercial).
4.La Chine présente encore un niveau de vie par habitant sensiblement inférieur à celui des États-Unis et des Occidentaux en
général (PIB par habitant, IDH). Sa population est nombreuse
mais vieillit vite. Son effort de recherche-développement progresse rapidement mais reste très inférieur à celui des Etats-Unis
en valeur absolue, de même que ses capacités militaires, notamment les moyens de projection des forces (aviation, marine de
guerre) et les armes nucléaires.
© Hachette Livre 2014
◗◗ Vers la composition du BAC
Les relations entre la Chine et les États-Unis ont profondément
changé. Elles se réduisaient à une méfiance réciproque durant les
années 1960. Pékin voyait dans l’Amérique un ennemi à la fois
radical (le champion de « l’impérialisme » capitaliste) et faible
(« un tigre de papier », doc. 1). La tension entre les deux pays
était aggravée par le soutien apporté par les États-Unis à Taiwan
(doc. 2). Dans les années 1970, pour diverses raisons, les deux pays
entament un rapprochement qui s’opère dans un premier temps
sur le terrain diplomatique (doc. 3). Les échanges économiques
entre eux progressent rapidement à partir des années 1980, dès
lors que la Chine fait le choix d’insérer son économie dans le système-monde. En utilisant ce levier, la Chine redevient une grande
puissance qui aspire à la parité avec les États-Unis. Elle rivalise
avantageusement avec eux en plusieurs domaines (doc. 4) même
si elle accuse encore un net retard sur bien des points (doc. 5).
56 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
Étude 3 p. 112-113
Le régime communiste, les étudiants et la science
Cette étude attire l’attention sur l’enjeu que représentent la
science et les techniques dans la perspective de la place de la
Chine dans le monde. Elle confirme au passage le contraste profond qui oppose l’ère maoïste à celle ouverte par Deng Xiaoping.
L’approche idéologique privilégiée de 1949 aux années 1970 considérait avec défiance les savants et les étudiants : ne cherchaientils pas à s’éloigner des « prolétaires » ? Le regard change ensuite :
le savoir, ceux qui le font progresser et ceux qui y accèdent, sont
dorénavant perçus comme des atouts pour un pays acharné à
retrouver une place dans le monde. La science et l’étude sont
valorisées, elles sont mises au service du projet national.
→Document 1 : La persécution des « jeunes instruits » durant
la Révolution culturelle
Cet article paru dans une revue de sciences sociales évoque le
mouvement d’envoi des « jeunes instruits » (zhiqing) à la campagne, politique voulue par Mao à l’issue de la révolution culturelle. De 1968 jusqu’à la fin des années 1970, près de 17 millions de
jeunes citadins (élèves des collèges, lycées, et parfois étudiants)
sont envoyés autoritairement à la campagne pour y travailler
et compléter leur formation politique auprès des paysans. Ces
jeunes viennent de tous les milieux, aussi bien des « Cinq Espèces
rouges » (fils d’ouvriers, de paysans pauvres, de martyrs, de cadres
et de soldats révolutionnaires) que des « Noirs » (enfants des
ennemis du régime, de toute nature). Environ la moitié de la génération de jeunes urbains durant cette période fut concernée. Le
caractère massif de ce départ forcé et la nature de l’expérience
qu’ils ont vécue ont fait naître entre eux une conscience de génération, « génération perdue » dit-on. Outre l’amertume d’avoir
été envoyés à la campagne pendant plusieurs années dans des
conditions généralement pénibles, loin de leur famille, les zhiqing
ont peiné à se réinsérer dans la société. Leur désillusion totale
sur la nature du régime a fait d’eux les partisans les plus résolus
du mouvement démocratique qui s’affirme en Chine à la fin des
années 1970. La « littérature des cicatrices » a évoqué cet épisode
Voir par exemple Balzac et la Petite Tailleuse chinoise, roman de
l’écrivain franco-chinois Dai Sijie, paru en 2000.
→Document 2 : « Apprendre pour la mère patrie »,
affiche officielle, 1986
Cette affiche officielle s’inscrit dans la campagne de revalorisation de l’instruction engagée par Deng Xiaoping. Elle combine
une double orientation : accent mis sur la culture scientifique et
technique (cf. les objets à l’arrière-plan) et sur la promotion des
filles – combattre les mentalités qui n’attachaient d’importance
qu’à l’instruction des garçons est d’autant plus nécessaire que
la campagne pour l’enfant unique a été lancée : les parents ne
sont pas censés empêcher la naissance de filles. La couleur rouge
(accessoires de la fillette et drapeau de la RPC à l’arrière-plan)
peut s’interpréter comme une concession à l’héritage moïste et
à ses partisans qui s’inquiètent de la rupture introduite par les
réformes de Deng.
→Document 3 : La Chine dans l’effort mondial de recherche et
développement
Le tableau souligne que la Chine entend devenir aussi « le laboratoire du monde ». Son effort en matière de recherche et développement est devenu très conséquent, en termes de moyens
engagés : capitaux et personnels. Sur le plan des résultats, évalués
en nombre de brevets déposés, elle reste cependant en 2010 à
distance des pays les plus performants en la matière. Le pays vit
→Document 4 : Le 15 décembre 2013, des scientifiques du
Centre spatial de Pékin se félicitent de leur réussite : l’engin
baptisé « Lapin de Jade » a foulé le sol lunaire.
Le programme spatial de la République populaire de Chine a
accompagné l’essor économique du pays durant les deux dernières décennies. La Chine dispose désormais d’une famille complète de lanceurs, baptisés « Longue marche », et conduit des
programmes couvrant l’ensemble de l’activité spatiale : satellites
de télécommunications, d’observation de la Terre, météorologiques, de navigation, de reconnaissance militaire. Elle a réussi en
2003 son premier vol habité (par un taïkonaute) et mis sur orbite
en 2011 un embryon de station spatiale, Tiangong 1. L’agence
spatiale chinoise a un plan de développement ambitieux. Le programme d’exploration de la Lune a débouché en décembre 2013
sur un succès. La sonde spatiale Chang’e-3 a déposé sur la surface
lunaire un véhicule d’exploration téléguidé, le « Lapin de jade ».
Cette sonde avait été lancée le 1er décembre depuis la base de
lancement des satellites de Xichang, dans la province du Sichuan.
Cet exploit technologique, inédit depuis 1976 et que sont uniquement parvenus à réaliser les États-Unis et l’URSS, marque une
étape importante pour une Chine qui rêve d’être le premier pays
asiatique à envoyer un homme sur la Lune. De nombreux Chinois
ont suivi jour après jour le déroulement de cette mission, source
de fierté nationale. Ils avaient été des millions à voter en ligne
pour baptiser le « rover » lunaire : le nom retenu fait référence à
la mythologie chinoise (le lapin lunaire, ou « lièvre de la Lune », vit
sur le satellite de la terre, où il pile l’élixir d’immortalité dans son
mortier ; il a pour compagne Chang’e, la déesse de la Lune). Le
« Lapin de jade », un engin tout-terrain à six roues, bourré d’électronique, doit effectuer des analyses scientifiques, notamment
géologiques, et envoyer vers la Terre des images de la Lune en
trois dimensions. Cependant, comme pour son premier vol spatial
habité, la Chine reste en phase de rattrapage technologique : elle
reproduit des expériences réalisées il y a des décennies par les
Américains et les Soviétiques – au demeurant, l’engin devait être
opérationnel pendant trois mois, mais en février 2014 la poursuite
de la mission semble compromise. Selon Isabelle Sourbès-Verger,
spécialiste du programme spatial chinois au Centre national de la
recherche scientifique, la Chine a un « souci prioritaire : montrer
qu’elle rattrape progressivement les premières puissances spatiales et s’assurer ainsi une place de partenaire de premier plan
dans les coopérations internationales futures » (déclaration à
l’AFP, décembre 2013).
→Document 5 : Un retour accru des étudiants chinois partis
à l’étranger ?
L’article reflète le point de vue officiel, non sans ambivalence.
D’un côté, l’auteur, s’appuyant sur les déclarations d’un haut
fonctionnaire du ministère de l’Éducation, se félicite à la fois du
nombre élevé d’étudiants chinois partis étudier à l’étranger (le
pays occupe le premier rang mondial en la matière) et de l’accroissement récent du taux de retour : ce mouvement s’inscrit
dans la volonté des autorités de favoriser le transfert en Chine
de compétences et de connaissances disponibles dans les pays
les plus avancés sur le plan scientifique et technique. Les jeunes
Chinois séjournent surtout dans les pays les plus engagés dans
« l’économie de la connaissance » : les États-Unis, l’Australie, le
Japon, le Royaume-Uni, la Corée du Sud, le Canada, Singapour,
la France, l’Allemagne. De l’autre, on note que sur les 2,6 millions
de jeunes chinois partis étudier hors du pays depuis 1978 (la chose
était impossible auparavant), deux sur cinq seulement sont revenus dans leur pays, malgré les encouragements des autorités qui
espèrent, on le devine, voir progresser ce taux. On peut s’interroger sur les raisons de ce taux bien inférieur aux espoirs officiels :
conditions de vie jugées meilleures à l’étranger ? Refus de revenir
dans un pays où les individus restent privés des droits essentiels ?
◗◗ Réponses aux questions
1. La défiance manifestée durant la Révolution culturelle à l’encontre des « jeunes instruits », par cet envoi massif et autoritaire
à la campagne, s’inscrit dans l’utopie maoïste d’un passage accéléré à une société communiste définie par l’effacement de toute
distinction entre individus. Il faut donc abolir la séparation entre
travail manuel et travail intellectuel comme entre classes sociales,
extirper à la racine ces distinctions en immergeant les jeunes
« privilégiés » dans un environnement social et mental censé
favoriser l’égalitarisme.
2. Cet épisode illustre le caractère dictatorial du régime maoïste.
Un des droits de l’homme universellement reconnu est bafoué : la
possibilité de libre choix de son domicile, d’aller et venir. Qui plus
est, ce sont des enfants, des adolescents ou des jeunes adultes
qui sont arrachés à leur famille par un État qui entend prendre en
charge leur éducation en lieu et place des parents et de l’école.
Le projet porte la marque du totalitarisme : l’État veut forger un
« homme nouveau » en s’emparant des corps et des esprits, au
mépris de tout sentiment humain.
3. La promotion de l’éducation scientifique et technique devient
une priorité dans un pays qui entend combler à marche forcée son
retard en la matière par rapport aux économies les plus avancées.
Dans sa volonté de moderniser la Chine, Deng Xiaoping mesure la
nécessité d’une élévation du niveau de formation de la population
pour qu’elle s’adapte aux technologies les plus performantes et
devienne plus productive. Le but est aussi de retrouver un prestige perdu en reprenant place dans la compétition internationale
pour l’innovation et les progrès scientifiques et techniques : ils
sont des critères essentiels d’évaluation des pays.
4. L’accent porté sur l’éducation technique, l’intérêt porté à l’instruction des filles, sont des leviers de changement social : des
campagnes de ce type peuvent faire évoluer les mentalités. Sur un
autre plan, l’ouverture au monde des étudiants chinois est aussi
un facteur d’évolution : dans la mesure où ce mouvement est
massif, il peut introduire dans le pays des idées nouvelles, réinscrire la Chine dans une société mondiale.
5. Les deux documents montrent l’existence de dynamiques de
rattrapage en matière scientifique et technique, ainsi que leurs
limites. Les indicateurs mesurent l’ampleur de l’effort chinois en
matière de recherche-développement pour rattraper le retard pris
par le passé sur les pays développés à économie de marché. En
termes de moyens (budget et nombre de chercheurs), le Japon a
été dépassé. En termes de résultats (les brevets déposés), la Chine
de 2010 n’a pas encore comblé le fossé qui la sépare des pays les
plus avancés. De la même manière, l’alunissage réussi d’un engin
spatial chinois prouve certes des capacités dont le pays ne disposait pas il y a peu d’années, mais l’expérience ne fait au fond que
reproduire des précédents américain et soviétique bien antérieurs.
◗◗ Vers l’analyse de documents du Bac
Les deux documents sont des textes qui évoquent l’attitude
des autorités face à l’instruction de la jeunesse. Ils sont cependant de nature bien différente. Le document 1 est extrait d’un
article scientifique, paru dans une revue de sciences sociales. Le
document 5 est un article d’un journal qui est l’organe officiel du
parti communiste chinois : il restitue le point de vue des autorités. La comparaison des deux textes illustre le parallèle entre
l’attitude du pouvoir chinois face à la jeunesse étudiante et son
comportement vis-à-vis du monde extérieur. Le départ forcé des
Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
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des dynamiques de rattrapage, mais elles n’ont pas (pas encore ?)
atteint leur terme.
« jeunes instruits » pour les campagnes, dans le contexte de la
Révolution culturelle, traduit une défiance du PCC à l’encontre de
ce que peut apporter l’instruction, c’est-à-dire, entre autres, une
meilleure connaissance du monde. On veut les en tenir à distance
en les éloignant des lieux d’éducation et des villes dans lesquels
cette ouverture pourrait se produire : il s’agit de les isoler dans
leur propre pays de la même manière que la Chine tente alors
de vivre en autarcie dans un monde présenté comme hostile. En
revanche, en 2013, on voit une responsable du ministère de l’éducation se féliciter du nombre élevé de jeunes Chinois qui vont
étudier à l’étranger. Elle préfère bien entendu qu’ils reviennent
ensuite travailler en Chine, mais son attitude est à l’image d’un
pays qui considère dorénavant l’ouverture sur le reste du monde
comme une chance et non une menace pour la Chine : le pouvoir
voit là une opportunité d’accélérer l’accès aux technologies et au
savoir les plus avancés. On est donc passé du refus du monde
guidé par l’idéologie révolutionnaire à son acceptation en fonction d’un intérêt national qui passe par le progrès matériel.
Étude 4 p. 114-115
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La nouvelle affirmation de la Chine
en Asie orientale
C’est d’abord dans son environnement immédiat que l’essor
économique de la Chine fait sentir ses effets, sur tous les plans.
L’Asie orientale a été largement sinisée durant les nombreux
siècles pendant lesquels l’empire chinois était l’incontestable
grande puissance du continent. Durant le siècle de déclin chinois
(des années 1840 à la décennie 1940), cette emprise a disparu.
La Chine a même assisté impuissante à la montée en puissance
du Japon, qui fut son « élève » (la culture nipponne doit beaucoup à l’apport chinois) et devint son « maître » : pour nombre
de jeunes Chinois des années 1890-1930, c’est vers l’Archipel qu’il
faut se tourner pour trouver un modèle permettant de moderniser leur pays ; le Japon enlève à la Chine l’île de Formose et la
tutelle sur la Corée, avant de s’emparer dans les années 1930 de
la Mandchourie et du littoral chinois. L’ère maoïste libère la Chine
de cette tutelle étrangère, elle apporte à Pékin l’encombrant allié
nord-coréen, mais les relations avec le Nord Vietnam ne sont pas
idylliques à partir de 1960 dès lors que Hanoi a des liens privilégiés avec l’URSS et les autres pays d’Asie orientale tiennent à
distance la Chine communiste : ceux de l’angle sud-est de l’Asie se
rassemblent dans l’ASEAN tandis que les autres constituent des
points d’appui de la stratégie américaine de containment : Taiwan,
la Corée du Sud, le Japon surtout, passé du statut d’ennemi à celui
d’allié des États-Unis avec le traité de San Francisco en 1951 et
bénéficiaire d’un « miracle » économique qui fait de lui le « troisième grand » à la fin des années 1960. En revanche, la Chine
retrouve un rôle en Asie dès lors qu’elle s’insère dans la mondialisation : les échanges avec ses voisins progressent à grande vitesse
à partir des années 1990, à tel point qu’elle devient le premier
partenaire commercial de la plupart d’entre eux, à commencer par
le Japon ; en s’appuyant sur sa diaspora, sur les instituts Confucius, sur ses entreprises, Pékin retrouve une capacité d’attraction
auprès des sociétés est asiatiques ; sur le plan géopolitique, elle
apaise ses relations avec l’ASEAN (elle est dorénavant associée à
cette entité qui a oublié son identité anticommuniste initiale pour
devenir une zone économique cherchant à promouvoir le libreéchange). Pourtant, en dépit des intentions pacifiques proclamées
par les dirigeants chinois, les inquiétudes n’ont pas disparu et les
relations se tendent à l’occasion avec des voisins qui s’alarment de
l’effort d’armement et des revendications territoriales de Pékin.
On peut approfondir cette étude à partir de Questions internationales, N° 48, mars-avril 2011, « La Chine et la nouvelle Asie » et de
58 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
L. Vairon, Défis chinois. Introduction à une géopolitique de la Chine,
Ellipses, 2006.
→Document 1 : « Vive la victoire de l’Armée populaire
coréenne et les bénévoles de l’Armée du peuple chinois ! »
Cette affiche officielle est de peu postérieure au début de participation de la Chine à la guerre de Corée. Les trois Grands
avaient prévu, lors de la conférence de Yalta (février 1945), que
cette péninsule, colonie du Japon depuis 1910, devait devenir
indépendante au terme d’une tutelle de cinq ans exercée par le
Royaume-Uni et les États-Unis au sud, par l’URSS au nord, de part
et d’autre du 38e parallèle nord. Mais les élections générales prévues ne peuvent se tenir : Kim Ilsong proclame une République
populaire de Corée dans la partie nord et son armée envahit le
sud en juin 1950 (avec l’approbation ou bien l’encouragement de
Staline ?). À l’instigation de Washington, le Conseil de sécurité
de l’ONU, profitant de la politique de la chaise vide pratiquée
alors par l’URSS, condamne l’invasion et décide l’envoi de troupes
pour repousser l’armée nord-coréenne. Celles-ci, commandées
par MacArthur, sont fournies par seize pays ; les États-Unis fournissent l’essentiel des hommes et des armes. Les forces du nord
sont bousculées, celles de l’ONU atteignent le fleuve Yalu qui fait
frontière entre la Corée et la Chine. Pékin décide alors d’intervenir en envoyant, à partir d’octobre 1950, des dizaines de milliers
de « volontaires » – en vérité des éléments de l’Armée chinoise,
mais la logique de Guerre froide oblige à préserver les apparences : l’État chinois n’intervient pas en tant que tel. L’affiche
met en scène la contribution de ces « bénévoles » censés présider
à la déroute des forces onusiennes caricaturées en bas à droite,
autour de la bannière étoilée déchirée. En fait, la contre-offensive
du nord obtient des succès dans un premier temps avant d’être
stoppée, à l’été 1951, par le général Ridgway qui remplace MacArthur, limogé par le président Truman pour avoir préconisé publiquement l’emploi de l’arme atomique contre Pékin. Finalement,
après de longues négociations, un armistice est signé à Panmunjom en juillet 1953 : il rétablit le statu quo ante sans résoudre sur le
fond la question coréenne. Au passage, la Chine continentale perd
son siège de membre permanent de l’ONU au profit de Taiwan et
les États-Unis la frappent d’embargo. De ce fait, elle tourne le dos
à la mer et l’ère maoïste la réoriente vers ses provinces intérieures.
→Document 2 : L’évolution de l’économie chinoise dans l’aire
Asie-Pacifique (1990-2011)
Une triple évolution ressort du tableau : la montée en puissance
des quatre grands pays émergents de l’aire Asie-Pacifique : ils
cumulent 33, 6 % du PNB mondial en 2011 contre 17,5 % en 1990 ;
parmi eux, l’affirmation particulière de la Chine : en parité de pouvoir d’achat, son PNB dépasse en 2011 celui de l’ensemble ÉtatsUnis/Canada alors qu’il ne représentait qu’un peu plus du quart
de cet ensemble en 1990 ; le recul relatif des pays anciennement
industrialisés : tassement de l’Amérique du nord, effondrement de
la part du Japon. Ces données illustrent le basculement de la géoéconomie mondiale depuis la décennie 1990 et le rôle moteur que
joue la Chine en la matière.
→Document 3 : L’affirmation d’une puissance
Ces extraits sont tirés d’ouvrages de deux universitaires français :
Françoise Lemoine est une économiste qui fait autorité sur les
mutations récentes de la Chine ; Philippe Pelletier est un géographe spécialiste du Japon. Les deux auteurs mettent en évidence les recompositions en cours en Asie orientale depuis que
le territoire chinois s’est ouvert aux investisseurs étrangers : sur
fond de mondialisation, le pays s’inscrit dans une sorte de division
asiatique du travail, qui tire parti des complémentarités entre des
économies inégalement développées et plus ou moins richement
→Document 4 : La puissance de la Chine en Asie au milieu
des années 2010
Cette carte synthétise la situation géopolitique de la Chine
en Asie : les atouts qui fondent sa puissance (l’espace, l’arme
nucléaire, des alliés) et les limites de celle-ci (dissensions internes,
environnement instable, résistances à ses projets d’expansion).
On peut la compléter avec : Sanjuan T. et Trolliet P., La Chine et
le monde chinois. Une géopolitique des territoires, A. Colin, 2010.
◗◗ Réponses aux questions
1. En participant à la guerre de Corée, la Chine entend signifier
qu’elle ne saurait se désintéresser des évolutions géopolitiques
en Asie orientale, notamment dans cette péninsule coréenne qui
a longtemps relevé de sa suzeraineté. Mais elle honore aussi de
cette manière son alliance avec l’URSS qui constitue alors le guide
incontesté de tout le camp communiste.
2. En termes de PIB calculé en PPA, la Chine devient la première
économie de la zone Asie-Pacifique alors qu’elle n’occupait qu’un
modeste troisième rang en 1990.
3. L’intégration économique de l’Asie orientale repose sur la complémentarité de ses espaces. La Chine a un rôle clé parce que le
nombre de ses habitants fait d’elle à la fois un immense marché,
qui polarise les exportations des pays voisins, et un réservoir de
main d’œuvre bien moins coûteuse que celle des économies plus
avancées alentour (Japon, NPI). Elle attire en conséquence les
investisseurs taiwanais, japonais, coréens et ses usines produisent
des biens manufacturés bon marché qui se vendent aisément
dans toute la région.
4. La Chine joue un rôle géopolitique majeur en Asie orientale
en raison de son étendue, des frontières communes qu’elle possède avec de nombreux pays, de son nombre élevé d’habitants,
des points d’appui qui ont été accordés à sa marine de guerre par
divers pays. Mais ses revendications sur des îles et des archipels
de la mer de Chine inquiètent plusieurs voisins : Corée du sud,
Japon, Philippines, Vietnam, Malaisie.
◗◗ Vers l’étude de document du BAC
Le document 4 est une carte qui montre la situation géopolitique
de l’Asie. Elle met en évidence les manifestations de la puissance
chinoise : détention depuis 1964 de l’arme nucléaire, liens avec
les États membres de l’Organisation de Shanghai qu’elle anime
largement, « collier de perles » constitué par les bases navales
qui jalonnent la route maritime en direction du Golfe persique.
Elle polarise d’autant mieux les relations intra-asiatiques qu’elle
a réglé les litiges territoriaux qui l’opposaient à certains voisins
(la Russie, le Vietnam). Mais son influence rencontre des limites :
les revendications territoriales de la Chine inquiètent ses voisins ;
le rival états-unien garde de solides positions dans la région (ses
soldats occupent des bases qui encerclent la Chine, les navires de
guerre de la flotte du Pacifique sont très présents) ; il existe au
sein de l’espace chinois des foyers de contestation de la tutelle de
Pékin : le Tibet, le Xinjiang avec les Ouïghours.
Histoire des arts p. 116-117
L’affiche officielle, miroir du rapport
de la Chine au monde
L’iconographie officielle a une forte tradition en Chine et le régime
communiste l’a reprise après 1949 pour convaincre une population
alors massivement illettrée. Durant la période maoïste nombreux
étaient les « ateliers des beaux-arts » chargés de concevoir des
images destinées à une large diffusion dans l’espace public.
Dans un pays à « pensée unique », ces images traduisent la doctrine du moment. Elles permettent d’approcher ce que des populations exposées à une propagande obsédante pouvaient imaginer
d’un monde extérieur inconnu à beaucoup. Beaucoup évoquent
en effet la place de la Chine dans le monde, plus exactement celle
que les gouvernants voudraient lui donner. Elles sont de ce fait
un bon miroir des évolutions, parfois brutales, intervenues sur ce
plan depuis l’ère maoïste.
Le document 1 est une affiche datée de 1969 qui exprime un
moment de radicalité révolutionnaire, d’isolement de la Chine
dans le monde et de tension extrême tant avec les États-Unis (à
l’occasion de la guerre du Vietnam) qu’avec l’URSS (accrochages
entre gardes-frontières des deux pays le long du fleuve Oussouri).
Le document 2 est également une affiche officielle puisque produite par le Comité chinois chargé d’organiser l’Exposition universelle qui s’est tenue à Shanghai de mai à octobre 2010. Ce comité
est formé de personnalités représentant l’État chinois et la ville de
Shanghai, choisie comme ville d’accueil de la manifestation par le
Bureau international des expositions. L’exposition s’est déroulée
le long du fleuve Huangpu, dans le centre de Shanghai ; 189 pays
y ont participé. Elle accueillit 73 millions de visiteurs (Chinois à
95 %), un record pour ce type de manifestation. Chaque pays participant avait édifié, comme il est d’usage, un pavillon destiné à
montrer au public ses réalisations les plus abouties en lien avec le
thème retenu : « meilleure ville, meilleure vie ». Venant deux ans
après les Jeux olympiques de Pékin (été 2008), la tenue de cette
manifestation universelle en Chine et son succès confirmaient
l’émergence du pays au premier rang de la scène internationale.
◗◗ Réponses aux questions
1. Sur l’affiche 1, une foule de peuples variés marche à la fois vers
les ennemis désignés par le slogan titre et vers l’avenir radieux de
la révolution. Elle est conduite par trois éléments révolutionnaires
chinois : un soldat (prépondérant au centre du trio), un ouvrier en
bleu de travail et sans doute une paysanne au premier plan avec
son chapeau de paille. Cette foule renvoie à l’imaginaire d’une
histoire écrite par des peuples ou des classes en lutte ; c’est une
vision militante de l’évolution humaine. Sur la seconde affiche,
la foule est pacifique et bigarrée : elle résume l’humanité par la
variété d’âges, de costumes, de couleurs de peau.
2.Sur l’affiche de 1969, Mao Zedong est comme un soleil qui
guide la foule : le regard déterminé indique la ligne de front. L’affiche traduit le culte de la personnalité de Mao qui culmine durant
la « révolution culturelle ». Le bâtiment qui se substitue à cette
icône sur l’affiche de 2010 renvoie à l’abandon du culte de la personnalité dans la Chine nouvelle et à son remplacement par une
valorisation du patrimoine national puisque ce pavillon a la forme
d’un temple traditionnel et a vocation à accueillir toutes les provinces du pays. La forme est en même temps moderne : on suggère par là une harmonie possible entre tradition et modernité.
3. L’évolution des teintes dominantes est en accord avec celle des
significations : couleurs très vives, à dominante de rouge, couleur
de la révolution, dans le document 1 ; teintes pastel, fondues dans
l’autre affiche. L’affiche 1 relève du réalisme socialiste : l’image
doit mobiliser les consciences en vue de la lutte pour un monde
enfin débarrassé de tous les adversaires du socialisme ; elle érige
en modèles des héros belliqueux (cf. l’abondance d’armes). La
seconde s’inscrit dans un style artistique international influencé
par l’image publicitaire : image d’unanimité, couleurs gaies, message lénifiant.
Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
• 59
© Hachette Livre 2014
dotées en telle ou telle ressource (main d’œuvre, produits bruts,
espace).
4. Cette affiche s’inscrit dans le contexte d’une Chine qui se vit
en citadelle assiégée : elle a rompu avec l’URSS et les relations
entre les deux pays sont très tendues dans la décennie 1960 (la
Chine attaque l’Inde philo soviétique en 1962 ; elle est alliée au
Pakistan qui est élément du containment américain en Asie ; les
armées des deux pays s’affrontent brièvement en 1969) ; mais elle
voit toujours dans les États-Unis un ennemi acharné à sa perte :
ce pays soutient Taiwan et mène au Vietnam une guerre intense,
à ses frontières. La Chine reste isolée dans le monde : elle est
toujours exclue de l’ONU et la Révolution culturelle dégrade les
relations avec la plupart des États.
5. Le logo de l’Exposition, la mascotte qui a été choisie, la foule
au premier plan de l’affiche : tous ces éléments renvoient à l’idée
d’une Chine pacifique et ouverte à l’universel.
◗◗ Vers l’analyse de documents du BAC
Les deux affiches témoignent de deux moments bien différents
de l’histoire de la Chine. La première s’accorde au projet révolutionnaire de l’ère maoïste en son point culminant durant la Révolution culturelle. La seconde est conforme à l’idée d’« émergence
pacifique » que mettent en avant les dirigeants chinois depuis
Deng Xiaoping. Une Chine attachée à préserver les équilibres,
tant entre les nations qu’entre régime et société (c’est l’harmonie
au sens néo-confucéen). Une Chine qui se dit prête à accueillir
un monde dans lequel elle a retrouvé toute sa place : « la Chine
est grande », tel était le slogan des JO de Pékin ; l’Exposition de
Shanghai met en avant l’image d’une Chine à la fois attachée à
son identité et ouverte à l’universel. Ces affiches expriment donc
deux manières opposées d’être au monde, deux chemins vers des
formes bien différentes de la puissance.
Cours 1 et 2 p. 118-121
L’ère maoïste : retrouver la puissance par la révolution
(1949-1979)
Depuis les années 1980 : l’économie au service
de la puissance
•Présentation
Les deux leçons suivent logiquement une démarche chrono-thématique et permettent aux élèves d’appréhender de manière
méthodique la construction des rapports de la Chine au monde
depuis 1949. Le premier cours est logiquement articulé autour de
la période communiste et de sa volonté de diffuser la « révolution » dans le monde. Il souligne les limites de cette forme d’expansion. Le second cours s’attache à mettre en rapport la volonté
de développement économique à marche forcée et le retour progressif de la Chine au rang mondial qui était le sien par le passé.
• Choix des documents « appuis » du cours
© Hachette Livre 2014
Les documents indiqués dans les marges doivent permettre aux
élèves d’étayer leur raisonnement avec des exemples précis,
documents qui peuvent par ailleurs faire l’objet d’une étude au
Baccalauréat. Ils ont donc pour objet non seulement d’illustrer le
cours mais aussi de provoquer une analyse spécifique. Ces renvois
documentaires permettent enfin de repérer les documents clés
60 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
dans les études, à partir desquels une thématique spécifique sur
« les chemins de la puissance » peut être abordée.
On a rajouté deux documents spécifiques qui contribuent à étayer
de manière simple deux axes essentiels du chapitre.
Le document 1 p. 120 est une caricature parue en 2010 dans un
journal chinois. Le constructeur automobile chinois Geely s’internationalise en rachetant à ses homologues étrangers des firmes
qu’ils contrôlent, qu’ils les aient créées eux-mêmes ou bien les
aient rachetées, comme dans le cas de la marque suédoise Volvo
qui avait été reprise par l’Américain Ford. Quel que soit le cas de
figure, les firmes chinoises tirent parti des difficultés des groupes
occidentaux qui opèrent ces ventes parce qu’ils ont besoin d’argent
frais. L’image fonctionne à deux niveaux. Elle renvoie à des faits :
le rôle croissant dans le capitalisme mondial des grands groupes
chinois, leur internationalisation ; l’émergence de la Chine comme
premier marché automobile mondial, avec des acteurs étrangers,
certes, qui ouvrent des usines dans le pays à la fois pour produire
moins cher et pour viser le consommateur chinois, mais aussi des
producteurs nationaux. Sur un plan métaphorique, Geely symbolise une Chine qui se rêve en n° 1 mondial (le podium), prenant sa
revanche à la fois sur l’Europe et sur l’Amérique.
Le document 2 p. 121 montre les manifestants du second printemps de Pékin, celui du printemps 1989, une dizaine d’années
après celui de 1978-1979 qui avait vu éclore une première demande
de démocratie dans la Chine libérée des derniers partisans de
Mao. Autour de Wei Jingsheng, les animateurs de ce mouvement
exigeaient alors la « cinquième modernisation, la démocratie » :
un État de droit de type occidental, respectant le pluralisme, la
séparation des pouvoirs, les droits des personnes et des minorités. Mais Deng Xiaoping l’emporte sur les dirigeants qui, tel
Hua Guofeng, se montrent prêts aux concessions : il impose sa
ligne consistant à verrouiller la vie politique tout en libéralisant
par étapes l’économie. La revendication démocratique est étouffée mais ne disparaît pas : elle ressurgit en 1989, dans le contexte
de l’ébranlement des régimes communistes d’Europe orientale.
Les manifestants prennent l’habitude de se réunir sur l’immense
place Tien Anmen de Pékin, lieu du pouvoir officiel s’il en est :
la place jouxte la Cité interdite, le mausolée de Mao a été édifié
en son centre. Jeunes pour la plupart, ils connaissent le monde
extérieur et le prennent à témoin (le slogan est en anglais sur leur
banderole). Mais, plus brutalement encore qu’en 1979, le régime
choisit la répression : dans la nuit du 4 au 5 juin 1989, l’armée
intervient dans les avenues qui mènent à la place, tire à balles
réelles, écrase les tentes des derniers occupants. Le nombre exact
de victimes reste inconnu : 2 500 civils tués et quelques dizaines
de militaires ? Ce massacre délibéré d’une foule désarmée a été
préparé par un pouvoir qui veut tuer dans l’œuf toute contestation ; la télévision (présente alors dans 200 millions de foyers)
diffuse des images propres à discréditer les dissidents (véhicules
brûlés, cadavres de soldats lynchés…). Les arrestations se multiplient dans les semaines qui suivent, Deng Xiaoping s’affiche avec
les militaires. Il semble donner des gages aux conservateurs mais,
fidèle à la ligne fixée en 1978, il relance les réformes suspendues
depuis 1986 : l’évolution vers une économie socialiste de marché
s’accélère mais on préserve le monopole du pouvoir pour le PCC.
Ce faisant, la Chine prend une orientation qui la distingue du bloc
soviétique en voie d’implosion en 1989-1991.
Prépa Bac 2. Présenter le sujet
p. 122-123
La première phrase correspond le mieux au sujet car elle fait
référence à la notion de puissance et ses différentes formes. De
plus, elle respecte le cadre chronologique. La deuxième se limite
à quelques aspects de la puissance et la troisième propose un
tableau de la situation actuelle.
◗◗ Composition
Sujet guidé : L’affirmation de la puissance chinoise
depuis 1949.
1. Analyser le sujet
3. Construire un plan
Voir la frise complétée ci-dessous.
L’affirmation correspond au renforcement et à la reconnaissance
par les autres États du rôle prépondérant de la Chine dans le
monde.
La puissance de la Chine s’exprime d’abord dans les domaines
politique et militaire, puis économique.
L’année 1949 marque le début de la République populaire de
Chine.
1950
1960
1970
La deuxième date-rupture de ce plan chronologique est 1978. Elle
correspond au début des réformes économiques mises en œuvre
par Deng Xiaoping.
Un plan possible :
1. 1949-1978 La Chine s’affirme sur le plan politique et militaire
2. 1978-2001 La Chine développe son économie
3. Depuis 2001, la réussite économique chinoise, outil d’une puissance multidimensionnelle
1980
1990
2000
2010
LA CHINE DÉVELOPPE SON ÉCONOMIE
1949
République
populaire
de Chine
1958-1961
Grand Bond
en avant
1960
Rupture
avec l’URSS
1964
Bombe
atomique
1976
Mort de Mao
1989
Printemps
de Pékin
1966-1970
1978
Révolution Début des réformes
culturelle
économiques
1997
Rétrocession de
Hong Kong à la Chine
2001
Adhésion
à l’OMC
2010
2e puissance
économique
mondiale
2008
Entrée de la Chine
dans le G20
Sujet en autonomie : La Chine et le monde
depuis 1949.
Sujet en autonomie : L’émergence de la puissance
chinoise depuis la fin des années 1970.
Le plan le plus logique s’appuie sur la période-rupture de la fin
des années 1970, où la Chine quitte progressivement le primat
idéologique pour rejoindre le pragmatisme du développement
économique.
Le plan le plus logique s’appuie sur la période-rupture du début
des années 2000, où la Chine peut commencer à utiliser son
fulgurant développement économique pour pouvoir s’affirmer
comme une grande puissance mondiale.
1. 1949-1976 La Chine construit son modèle
A. La Chine imite le modèle soviétique.
B. Après 1960, la promotion du modèle maoïste dans le monde.
C. La Chine s’intègre au jeu géopolitique international.
1. De la fin des années 1970 à 2001, l’essor de l’économie
chinoise
A. La situation économique et sociale de la Chine à la mort de
Mao.
B. Les réformes de Deng Xiaoping.
C. La montée en puissance dans le cadre de la mondialisation.
A. Une économie qui se mondialise.
B. Des ambitions géopolitiques régionales et mondiales.
En conclusion, on peut évoquer les nouvelles ambitions mondiales
de la Chine qui cherche à concurrencer les États-Unis dans de
nombreux domaines.
2. Depuis 2001, la réussite économique chinoise, outil d’une
puissance multidimensionnelle
A. La reconnaissance de la Chine sur le plan international.
B. Les nouvelles ambitions géopolitiques de la Chine.
C. Une puissance chinoise encore incomplète.
Il est possible, en conclusion, d’insister sur les limites de la puissance chinoise ainsi que sur les défis considérables qu’elle aura à
affronter dans les années futures.
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2. Depuis 1976, la Chine cherche à s’imposer
Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
• 61
Prépa Bac p. 124-126
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet guidé : L’affirmation de la puissance de la Chine à la fin du xxe siècle.
2. Prélever des informations
3. Apporter des connaissances
Parties de la consigne
Informations fournies par les documents
Connaissances
Le contexte
– « Deng Xiaoping » ; « les quatre zones
économiques spéciales » ; « usages
internationaux »
– 1949-1999, célébration du 50e anniversaire
de la République Populaire de Chine ; Deng
Xiaoping au premier plan de cette affiche.
– 1978 : Deng Xiaoping succède à Mao ; choix
de l’ouverture aux capitaux étrangers et de
l’économie socialiste de marché ; la Chine est
alors candidate à l’entrée à l’OMC.
– Les 50 ans du régime communiste en Chine.
Le secrétaire général du Parti communiste
chinois, également chef de l’État, témoigne
du rôle majeur de l’État dans les choix
économiques.
Les éléments sur lesquels
s’appuie la puissance chinoise
– « Démarrer l’exploitation de la région de
Pudong » ; « ZES de Shenzhen » ; « les capitaux
afflueront à Shanghai » ; « la finance (…) nerf de
l’économie moderne. »
– Pudong centre des affaires de Shanghai ;
maîtrise technologique et naissance d’une
nouvelle puissance spatiale.
– Développement d’une économie socialiste de
marché à partir de 1978.
– Une main d’œuvre abondante à bas coût et
capacité de production.
– Développement de la recherche.
– Progression des dépenses militaires.
– Entrée à l’OMC et au G20.
Les limites à la fin du xxe siècle
– Affiche de propagande.
– « Nous avons négligé les atouts de
Shanghai, l’esprit d’entreprise et le haut niveau
d’instruction de ses habitants. »
– Régime autoritaire et contesté.
– Accroissement des inégalités sociales et
régionales.
– Retard technologique.
Sujet en autonomie : La puissance de la Chine pendant la période maoïste.
La confrontation de ces deux documents (un texte de Zhou Enlai
et une affiche de propagande) permet de suivre et d’étayer les
deux axes de la consigne.
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1. Les éléments sur lesquels s’appuie la puissance chinoise de
1949 à 1976
A. Mobilisation de la population (Grand Bond en avant et Révolution culturelle).
B. Développement de l’appareil militaire.
62 • Histoire - Chapitre 4 - La Chine et le monde depuis 1949
2. Les objectifs visés par la Chine au cours de cette période
A. Affirmation de l’indépendance politique et leader du tiers
monde.
B. Diffusion du modèle communiste chinois.
C. Récupération de l’intégralité du territoire chinois (Taïwan).
La Chine suit une voie originale d’affirmation de sa puissance
durant cette période qui passe surtout par une mobilisation de sa
population dans un cadre politique communiste « internationaliste » et une volonté d’augmenter son potentiel militaire.
L e Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits
depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
p. 128-155
Programme : Thème 2 – Grandes puissances et conflits dans le monde depuis 1945 (14 à 15 heures)
Question
Mise en œuvre
Un foyer de conflits
Le Proche et le Moyen Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale.
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
Ce thème était déjà au programme de l’enseignement optionnel d’histoire et de géographie en classe de terminale S (Bulletin
officiel spécial n° 8 du 13 octobre 2011). Mais la réintroduction de
l’histoire-géographie obligatoire en classe de terminale S avec un
horaire de 2 heures hebdomadaires a déterminé un raccourcissement de la période chronologique, qui désormais commence
après la Seconde Guerre mondiale.
L’étude des conflits dans cette région peut s’appuyer sur les
connaissances acquises par les élèves au travers des programmes
de géographie de seconde, qui ont souligné les tensions liées à
l’enjeu pétrolier et à l’eau en s’appuyant sur des exemples souvent
pris dans la région ; elle peut aussi remobiliser les connaissances
des élèves sur la guerre froide étudiée en classe de première pour
aborder dans ce chapitre les rivalités géopolitiques des deux
superpuissances, qui se sont intéressées aussi à l’espace moyenoriental après 1945.
Le Proche et le Moyen-Orient n’est pas la seule région dans le
monde à constituer un foyer de conflits ; mais il est essentiel
de montrer que les conflits y prennent un caractère particulier.
En effet dans cet espace géographique les facteurs de conflits
s’appuient sur des enjeux qui jouent à différentes échelles géopolitiques. Ces différentes dimensions entrent en interaction,
ce qui rend la compréhension de ces tensions particulièrement
difficiles. La décolonisation a entraîné la construction de jeunes
États, sans réelles traditions démocratiques. L’affirmation nationaliste a conduit certains d’entre eux à s’affirmer comme puissance entraînant aussi des rivalités régionales. Enfin les conflits
au Proche et Moyen-Orient ont des enjeux qui s’élargissent à la
scène mondiale : présence de lieux saints des trois religions du
Livre ; sentiment de solidarité entre des communautés religieuses
et nationales locales et des diasporas situées dans d’autres régions
du monde ; carrefour de routes terrestres et maritimes, dont le
contrôle est vital pour les puissances qui dominent les échanges
commerciaux ; existence d’une grande partie des réserves mondiales d’hydrocarbures rendant cette région particulièrement
convoitée par les puissances industrielles et émergentes. C’est
pourquoi les conflits au Proche et au Moyen-Orient ont une
résonnance particulière dans le monde.
◗◗ Débat historiographique et quelques notions clefs
du chapitre
L’un des principaux débats historiographiques contemporains
concerne l’éclatement de la Palestine mandataire et les tensions
entre Palestiniens juifs et arabes entre 1947 et 1949, période qui
voit naître l’État d’Israël et la question palestinienne. Ces années
et en particulier 1948 tiennent une place d’événement fondateur
dans la mémoire des peuples juif et arabe de Palestine : « guerre
d’indépendance » pour les uns, « al-Nakba » (« Grande Catastrophe ») pour les autres.
Jusque dans les années 1980, deux traditions mémorielles s’opposent donc : le courant traditionnel sioniste décrit une guerre
où les Israéliens affrontent un monde arabe intransigeant, entiè-
rement ligué contre eux et les surpassant en armes et en hommes,
contre lequel ils finissent par l’emporter. Les Arabes palestiniens
retiennent l’expulsion de leurs terres par un État d’Israël autoproclamé mais soutenu par l’Occident grâce à l’influente diaspora
juive, sans que les autres pays arabes ne viennent à leur secours.
Le débat historiographique a été ravivé dans les années 1980 par
les « nouveaux historiens israéliens » notamment Benny Morris et Ilan Pappe qui ont réexaminé l’histoire de la naissance de
l’État d’Israël et notamment les événements de 1948 au regard
des archives israéliennes mais aussi britanniques. Proches de la
gauche politique israélienne (« Meretz »), ces chercheurs se sont
heurtés aux tenants de l’historiographie israélienne traditionnelle
sur le rôle de la puissance mandataire britannique, les rapports de
force entre Arabes et Juifs, les causes de l’exode palestinien ou
l’échec des négociations qui suivent l’armistice.
Encore soumis à débats et controverses, leurs travaux établissent
un certains nombre de faits historiques indiscutables. Les Britanniques ont favorisé l’émergence d’un État juif aux dépens des
Arabes palestiniens. Cette politique s’explique par des considérations géopolitiques pendant la Première Guerre mondiale et par
le poids d’une opinion publique internationale sous le choc de la
Shoah et du scandale causé par la gestion maladroite de l’Exodus
à l’été 1947. La volonté britannique de sortir de la crise palestinienne est aussi liée à l’activisme des groupes paramilitaires sionistes radicaux comme l’Irgoun (responsable de l’attentat contre
l’hôtel King David, siège de l’administration britannique le 22 juillet 1946) et le Groupe Stern / Lehi (sur lequel plane la responsabilité de l’assassinat du comte Bernadotte, émissaire de l’ONU, le
17 septembre 1948). Mais les Britanniques ont aussi essayé de ne
pas s’aliéner les opinions publiques arabes, notamment pendant
et au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, car ils souhaitaient préserver sur le terrain leur influence dans cette région, aux
enjeux géopolitiques et énergétiques essentiels pour leurs intérêts. Ce qui explique leur volonté, à partir de la fin des années
trente jusqu’à la création de l’État d’Israël, de limiter l’immigration
juive, attitude posant un redoutable problème moral avec la destruction des communautés juives d’Europe sous domination nazie
et le déracinement des survivants au lendemain du conflit.
Globalement, les Israéliens ont toujours surpassé en nombre les
forces de leurs adversaires, bénéficiant de l’apport de l’immigration européenne, et d’un armement supérieur (notamment des
armes lourdes obtenues grâce au « contrat tchèque »). En effet,
les forces arabes, malgré une supériorité militaire sur le plan statistique, n’ont jamais fait jeu égal, par manque de coordination,
de ravitaillement et à cause d’un armement obsolète, en partie
inutilisable par manque de pièces détachées ou de militaires expérimentés (notamment dans l’aviation).
La raison de l’exode d’environ 700 000 Arabes palestiniens a
suscité d’âpres controverses entre Israël et ses défenseurs d’une
part, et les Arabes et leurs partisans d’autre part. Les représentants du gouvernement et des historiens israéliens soutinrent
que les Arabes avaient fui volontairement ou sur les instructions
des dirigeants arabes. Les porte-parole des Arabes affirmèrent au
contraire que cet exode était le fruit d’une politique planifiée des
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
• 63
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HISTOIRE
chapitre 5
dirigeants israéliens. Benny Morris, professeur d’histoire à l’université Ben Gourion du Neguev, qui a consulté de très nombreux
documents dans les archives israéliennes et occidentales, affirme
que ces versions officielles ne sont pas suffisantes pour établir des
faits conformes à la réalité historique. Il semble que dans la première phase du conflit, alors que les forces juives étaient encore
dans une phase défensive en Palestine, les classes moyennes et
dirigeantes arabes de la région ont quitté ou envoyé leurs familles
en Cisjordanie et dans les états arabes voisins. Au contraire les
attaques militaires juives ont constitué la cause première de
l’exode massif d’avril à juin 1948 des Arabes palestiniens, qu’ils
aient été expulsés de manière ciblée de certaines zones ou qu’ils
aient fui certains villages par peur des représailles (écho du massacre d’une centaine de villageois de Deir Yassin le 9 avril 1948).
L’historien israélien affirme pour conclure qu’il n’y pas eu de politique d’expulsion systématique de la part des dirigeants israéliens. Et s’il semble que les attaques militaires et les expulsions
par certaines unités de l’armée israélienne constituèrent le principal catalyseur de la fuite des Arabes palestiniens, l’exode a été le
résultat d’un processus cumulatif d’une série de facteurs allant de
la simple appréhension d’une vie sous domination juive jusqu’aux
attaques de la Haganah, en passant par l’effondrement des infrastructures publiques et économiques, le retrait des troupes britanniques, la crainte de l’isolement au milieu de colonies juives,
les rumeurs concernant des massacres perpétrés par des groupes
extrémistes, etc.
La compréhension des conflits du Proche et du Moyen-Orient
passe par celle de trois projets de construction d’une identité
nationale ou transnationale que sont le panarabisme, le sionisme
et l’islamisme. Pour chacun de ces mouvements, il est nécessaire
de préciser les temporalités dans une étude portant sur près d’un
siècle afin que les élèves comprennent les dynamiques ayant
conduit aux tensions actuelles.
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• Le panarabisme. Le panarabisme découle du mouvement de
la renaissance arabe, la « Nahda », développé au xixe siècle, qui
prône l’unité du monde arabo-musulman en référence au temps
quelque peu idéalisé de la dynastie des Omeyyades (661-750).
Après la chute de l’empire ottoman, le mouvement prend la forme
d’un vigoureux nationalisme arabe, porté notamment par Fayçal
Ibn Hussein, qui a conduit la révolte arabe pendant la Première
Guerre mondiale. Théorisé tant par des chrétiens que par des
musulmans, le mouvement veut dépasser les religions, du moins
dans l’esprit des élites.
Les champions du panarabisme sont d’abord l’Égypte de Nasser et
les régimes progressistes socialistes de Syrie et d’Irak, où s’affirme
le parti Baas.
Le Nassérisme est un courant panarabe dont l’action est initialement tournée contre l’Occident « impérialiste ». Avec la crise
de Suez, Gamal Abdel Nasser devient le champion du panarabisme en mettant en échec les anciennes puissances coloniales, la
France et la Grande-Bretagne. Un projet panarabe est également
porté par le parti Baas (« renaissance » en arabe), mouvement
fondé en 1947 par deux syriens Michel Aflak et Salah al-Bitar, le
premier chrétien et le second musulman. Le projet est de créer
une nation arabe, socialiste et laïque. La culture arabe commune
et le modèle socialiste justifient la mise en place d’un parti unique
panarabe, le Baas, ayant des ramifications aux échelles nationales.
Le Baas est perçu comme trop autoritaire et ne parvient pas à
s’imposer en dehors des frontières de la Syrie (de 1963-1970 à nos
jours) et de l’Irak (de 1968 à 2003).
Le soutien aux Palestiniens arabes contre Israël est aussi un élément fédérateur du panarabisme. Depuis 1945, la Ligue arabe
constitue un forum de discussion entre les États arabes (22 depuis
1993), rassemblés sur une base culturelle, la langue arabe, et religieuse, l’islam.
• Le sionisme. Tirant son nom du mont Sion sur lequel est bâtie
Jérusalem, le mouvement sioniste est d’abord un projet politique visant à redonner aux Juifs dispersés dans le monde la terre
d’Israël (« Eretz Israël »). Ce mouvement apparaît à la fin du xixe
siècle dans une Europe marquée par l’affirmation des identités
nationales et surtout par un antisémitisme de plus en plus virulent
(pogroms en Europe orientale, affaire Dreyfus en France).
Des organisations sionistes se forment dès 1880. En 1882, Edmond
de Rothschild se lance dans l’acquisition de terres en Palestine
ottomane. Le mouvement est théorisé en 1896 par Theodor Herzl
qui, dans l’État des Juifs, défend l’idée d’un foyer national juif, d’un
abri pour les communautés ashkénazes d’Europe.
Le sionisme repose ainsi sur plusieurs composantes : la permanence d’un « peuple juif » aux origines bibliques ayant conservé
son identité religieuse et culturelle, aspect critiqué dans les travaux de Shlomo Sand, historien, qui évoque une « invention » du
peuple juif ; la volonté de redonner à celui-ci une terre et un statut
d’État-nation perdu depuis l’Antiquité romaine ; une pulsion de
« survie » pour un peuple confronté à une hostilité grandissante
qui culminera avec la Shoah ; un ancrage territorial en Palestine
ottomane puis en Palestine mandataire.
Le projet sioniste se concrétise grâce à la déclaration Balfour
de 1917 qui attribue un « Foyer national juif » en Palestine et au
mandat confié à la Grande-Bretagne par la SDN en 1922, favorisant une installation juive de plus en plus massive de 1918 à 1948.
Cette immigration suscite une animosité grandissante des populations arabes palestiniennes et des violences que les autorités
britanniques, enfermées dans des promesses contradictoires,
ne peuvent désamorcer. Le projet de construction d’un État juif
aboutit avec la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai 1948 par
Ben Gourion.
Après 1948, le sionisme perdure sous la forme d’un nationalisme
forgé dans la lutte contre les populations arabes et le mouvement
évolue vers la défense de l’État hébreu et de ses frontières. Les
sionistes les plus radicaux dans la lignée de Menahem Begin et de
l’Irgoun revendiquent un « Grand Israël » intégrant notamment
la Cisjordanie voire la Jordanie, en s’appuyant sur une légitimité
biblique. Cette idéologie se confond parfois avec la politique de
l’État d’Israël lors de la conquête et de la naissance des Territoires
occupés, qui aboutit à l’annexion de certains d’entre eux (Jérusalem-Est en 1967, les hauteurs du Golan en 1981).
Une confusion très fréquente laisse à penser que les juifs orthodoxes sont tous des sionistes radicaux. Or ils se partagent entre
des sionistes tenants d’un Grand Israël et des antisionistes, qui
considèrent que le judaïsme n’est pas lié à un territoire particulier,
mais à une foi et à une pratique personnelles.
•L’islamisme. L’islamisme se définit comme un projet politique
visant à mettre en place un État qui encadre la société et l’économie en s’appuyant sur les fondements de l’islam, le respect de la
charia et le refus du pluralisme politique. Le premier grand théoricien de l’islamisme est l’Égyptien Hasan al-Banna (1906-1949), qui
fonde les Frères musulmans en 1928. Son compatriote Sayed Qotb
(1906-1966) radicalise la pensée de cette confrérie dans les années
1950-1960. Dès les années 1980, l’essor de cette idéologie dans les
pays arabes s’accompagne d’une (ré)islamisation des sociétés du
Proche et du Moyen-Orient souvent ostensible (systématisation
du port de la barbe ou du voile, introduction dans le droit pénal
de préceptes religieux comme l’interdiction du blasphème).
On observe deux évolutions de l’islamisme :
– d’abord une nationalisation de l’islamisme lorsque, selon Olivier
Roy, les intérêts nationaux l’emportent dans les mouvements islamistes sur les considérations religieuses. Le comportement nationaliste du Hezbollah libanais explique d’ailleurs qu’il reçoive le
soutien de mouvements chrétiens dans sa lutte contre certaines
influences étrangères. L’attitude du Hamas en Palestine, opposé
64 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages généraux sur le Proche et Moyen-Orient
et ses conflits
H. Bozarslan, Une histoire de la violence au Moyen-Orient : De la fin
de l’Empire ottoman à Al-Qaida, La Découverte, 2008.
G. Corm, Le Proche-Orient éclaté (1956-2010), Folio Histoire, 2010.
A.-L. Dupont, C. Mayeur-Jouen et C. Verdeil, Le Moyen-Orient par
les textes, coll. U, Armand Colin, 2011.
H. Laurens, Paix et Guerre au Moyen-Orient, A. Colin, 1999.
C. Sedel-Lemonnier, Le Proche et le Moyen-Orient, foyer de conflits
de 1890 à nos jours, coll. Fiches, Ellipses, 2012.
• Sur les conflits israélo-arabes
E. Barnavi, Une histoire moderne d’Israël, Flammarion, 1998.
A. Dieckhoff, Le Conflit israélo-arabe, 25 questions décisives,
Armand Colin, 2011.
E. Sanbar, Les Palestiniens dans le siècle, Découverte Gallimard,
2007.
– Pour les thèses des « nouveaux historiens » israéliens :
B. Morris, Victimes, histoire revisitée du conflit arabo-sioniste, Complexe, 2003.
I. Pappé, La Guerre de 1948 en Palestine, 10/18, 2000.
– Articles :
« Israël-Palestine », Les Collections de l’Histoire, n° 39, avril 2008.
• Sur la guerre en Irak
– Articles :
« Les origines de la guerre d’Irak », L’Histoire, avril 2006, n° 308.
« Guerre et paix en Irak », coll. Questions internationales, La Documentation française, n° 16, nov-dec 2005.
• Sur l’islamisme
O. Roy, Généalogie de l’islamisme, coll. Pluriel, Fayard, 2011, 128
pages et, du même auteur, L’Islam mondialisé, Points, Seuil.
– Articles :
O. Roy, « Les Trente Glorieuses de l’islamisme », Les Collections de
l’Histoire, n° 52, juillet 2011, p. 52-56.
H. Bozarslan, « Des sociétés structurées par l’islam », Les Collections de l’Histoire, n° 52, juillet 2011, p. 38-43.
M. Guidere, « Nouvelle géopolitique de l’islamisme », revue
Moyen-Orient, n° 15, juillet-septembre 2012, p. 50-55.
• Sites internet
http://www.lesclesdumoyenorient.com
De nombreux outils pour comprendre l’histoire et l’actualité du
Moyen-Orient.
http://www.college-de-france.fr/site/henry-laurens/audio_
video.jsp
Les interventions de différents spécialistes et notamment les
conférences d’Henry Laurens sur la Palestine, disponibles sur le
site du Collège de France.
http://education.francetv.fr/israel_palestine
Un dossier éducatif sur Israël et la Palestine
Introduction au chapitre p. 128-129
L’objectif pédagogique est de faire comprendre aux élèves quels
sont les facteurs qui font du Proche et du Moyen-Orient un
foyer de conflits. Mais aussi de montrer comment interagissent
les politiques menées par des acteurs locaux, par des puissances
régionales et par des puissances extérieures à la région lors de
ces conflits. Ce sont ces interactions qui expliquent que l’écho
de ces crises dépasse les limites géographiques du Proche et du
Moyen-Orient.
La diversité des acteurs, les temporalités différentes des causes
de conflit et l’étendue de l’espace étudié ont induit une approche
organisée autour de différentes études de cas, chacune étant
exemplaire de ces facteurs et de ces interactions géopolitiques.
→Document 1 : Au terme du mandat britannique, le refus par
les États arabes du plan des Nations unies pour le partage de
la Palestine, débouche sur la première guerre israélo-arabe
Cette photographie, montrant les affrontements entre Arabes et
Juifs, a été prise une semaine avant la fin du mandat britannique
sur la Palestine et la proclamation unilatérale de l’État d’Israël le
14 mai 1948. Les inscriptions sur la gare permettent d’évoquer la
complexité des enjeux en Palestine en abordant les principaux
acteurs de ce conflit. Ancienne province de l’Empire ottoman,
la Palestine a été confiée par la SDN en 1922 à la Grande-Bretagne pour l’administrer temporairement et la conduire à l’indépendance. Mais les Britanniques, à cause de promesses contradictoires, ont attisé les conflits entre deux nationalismes, juif
et arabe, revendiquant un même territoire. Au lendemain de la
Seconde Guerre mondiale, la Grande-Bretagne, dont l’armée
est soumise à des violences en Palestine car elle est considérée
comme une force d’occupation (attentat de l’hôtel King David,
quartier général de l’armée britannique qui fera 92 morts par le
groupe extrémiste juif Irgoun) n’a plus les moyens de maintenir sa
présence en Palestine. En 1947, elle décide de confier le dossier
palestinien aux Nations-Unies, puis d’évacuer unilatéralement le
territoire mandataire sans aucune procédure de transfert des pouvoirs. Le retrait définitif est prévu le 15 mai 1948.
Ce cliché montre ainsi la nécessité pour les deux camps d’occuper
le territoire avec le départ progressif des Britanniques, notamment les lieux stratégiques comme les nœuds ferroviaires. Il
montre aussi l’échec du plan de partage de l’ONU, qui ouvre sur
une période de guerre civile en 1947, puis sur la première guerre
israélo-arabe (1948-1949).
→Document 2 : Intervention militaire des Etats-Unis
en Irak (2003)
Cette photographie permet de montrer un conflit avec une autre
dimension géopolitique. L’opération militaire américano-britannique « liberté pour l’Irak » est lancée le 20 mars 2003 par une
série de bombardements sur Bagdad. À la différence de 1991,
l’assaut terrestre suit immédiatement avec l’entrée dans la soirée du même jour des forces américano-britanniques sur le sol
irakien depuis le Koweït. Début avril les villes irakiennes tombent
les unes après les autres. L’offensive contre Bagdad commence le
4 avril avec la prise de l’aéroport, puis des palais présidentiels de
Saddam Hussein. Le 9 avril, la ville est aux mains des Américains :
la statue de Saddam Hussein, place Ferdaous, est renversée par
les opposants au régime avec l’aide de ces derniers. La guerre a
été courte : 21 jours jusqu’à la prise de Bagdad. George Bush peut
annoncer officiellement la fin des opérations militaires le 1er mai
2003. La présence de la mosquée permet de souligner que l’intervention des États-Unis s’effectue dans un pays musulman, ce
qui ne sera pas sans poser des problèmes, dans les années qui
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
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à toute négociation avec Israël, lui permet de recevoir l’appui
d’autres mouvements nationalistes laïcs palestiniens, comme le
Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, originellement
imprégné de nationalisme arabe et de marxisme).
À partir des années 1990, se développe également l’islamisme des
djihadistes ; leur action dépasse le cadre propre de l’État ou de la
nation pour prendre l’oummah, la communauté des musulmans,
comme espace de référence. Ils conduisent surtout un combat
violent et fanatique contre l’Occident et contre des régimes
musulmans jugés impies (Afghanistan, Irak, Syrie) ; ils n’hésitent
pas à porter la lutte sur le territoire même des puissances occidentales dont ils combattent l’influence.
suivront, aux Américains confrontés à un nationalisme irakien et
arabe, qui s’appuie sur cette identité religieuse.
◗◗ Frise
La frise met en évidence une région faisant l’objet de convoitises internationales, et qui passe successivement sous diverses
influences. Elle montre des conflits à des échelles diverses : guerre
civile au Liban ou lors des Printemps arabes, guerre régionale
entre l’Irak et l’Iran, guerres internationales avec les interventions
des coalitions menées par les États-Unis dans la région. Elle permet enfin de souligner le rôle central du conflit israélo-arabe dans
la région.
Repères p. 130-133
Ces pages permettent de donner aux élèves des repères notionnels, d’histoire culturelle et politique essentiels à leur compréhension des conflits de la région. Les notions clés définies font le
point sur des mots de vocabulaire historique souvent confondus
par les élèves. Elles aident aussi à s’imprégner des repères géopolitiques essentiels à la compréhension des conflits de la région.
A. Le Proche et le Moyen-Orient,
peuples et États p. 130-131
Le document 1 illustre la complexité ethnique et culturelle du
Proche et du Moyen-Orient. Souvent présentée comme le cœur
du monde arabo-musulman, la région est un berceau de civilisations au contact des influences arabe, perse et turque. La carte
montre également une population kurde partagée entre quatre
États et dont les revendications identitaires demeurent une source
de tensions dans la région depuis le Traité de Lausanne (1923).
La religion musulmane domine mais la région est marquée par la
grande opposition entre Sunnisme et Chiisme. Cette diversité est
accrue par la présence de populations juives et chrétiennes.
Le document 2 met en évidence la diversité historique des
régimes politiques du Proche et du Moyen-Orient dans une région
marquée par l’absence de tradition démocratique, à l’exception
notable d’Israël ; c’est le cas des pétromonarchies sunnites du
Golfe et notamment de l’Arabie Saoudite, des États « progressistes socialistes » (Égypte, Irak, Syrie) laïcs mais autoritaires car
inspiré par le modèle du parti unique, mais aussi de l’Iran avec la
monarchie autocratique du Shah et la République islamique qui
la remplace.
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Le document 3 insiste sur la carence démocratique des régimes
politiques actuels dans la région. En le mettant en relation avec la
carte p. 133, il permet également d’expliquer la montée de mouvements populaires contestataires lors des « printemps arabes »,
dont la revendication centrale, au-delà de la diversité de leurs
acteurs (jeunesse, libéraux, islamistes…) était une demande de
démocratisation de ces régimes. Il faudrait utiliser aussi une carte
du PIB par habitant, pour montrer que les inégalités de richesse
dans la région expliquent également la géographie de ces mouvements de contestation, porteurs aussi de revendications économiques et sociales.
B. Géopolitique du Proche
et du Moyen-Orient p. 132-133
Le document 1 propose un tableau récapitulatif des principaux
conflits au Proche et Moyen-Orient depuis 1948. Pour chacun
d’entre eux, il décrit les enjeux à plusieurs échelles, enjeux dont
les interactions expliquent la complexité des conflits. Ce tableau
permet aussi d’aborder leur typologie. La région est en effet le
théâtre de conflits de différentes natures : des conflits de haute
intensité, des guerres civiles et des conflits dits asymétriques.
Les conflits conventionnels dits de haute intensité comme les
guerres des Six Jours, du Kippour ou les guerres du Golfe (guerre
Iran-Irak, guerre du Golfe de 1991, guerre d’Irak de 2003) se caractérisent par des mobilisations massives de moyens militaires par
les belligérants. Ce sont des conflits interétatiques dans lesquels sont déployés tous les moyens militaires conventionnels
(artillerie, blindés, infanterie, avions). Les conflits régionaux de
haute intensité ont été relativement brefs : la première guerre
israélo-arabe est plutôt une série d’accrochages impliquant des
effectifs limités, les deux autres guerres israélo-arabes ou celle
du Golfe de 1991 se règlent en quelques jours voire semaines. La
seule exception pourrait être les huit années du conflit entre l’Iran
et l’Irak entre 1980 et 1988. Ce conflit évolue vite en guerre de
positions, caractérisée par une relative stabilité du front, « perturbée » par quelques offensives vaines et meurtrières accompagnées de longues phases d’enlisement : offensive irakienne initiale
de septembre 1980, contre-offensives iraniennes en janvier 1981
et mars 1982, nouvelle offensive irakienne en janvier 1985 puis
contre-offensive iranienne en mai 1986.
La guerre civile libanaise renvoie l’image de tensions entre des
communautés culturelles et ethniques différentes illustrées par la
carte 1, p. 130.
Pour des raisons de simplification ce tableau ne mentionne pas
les conflits « asymétriques », pourtant bien présents dans cette
région. Bien que ne faisant pas référence à une situation nouvelle,
ce terme est utilisé par le général américain Wesley Clark lors de
la guerre du Kosovo de 1999 mais est surtout popularisé lors de
la deuxième Intifada pour qualifier la situation militaire complexe
du Proche-Orient. Un « conflit asymétrique » désigne l’opposition entre des forces conventionnelles étatiques et des combattants disposant d’un potentiel militaire moindre mais usant de
techniques de guérilla, évoluant parmi les populations civiles et
exploitant les ressources médiatiques pour l’emporter (terrorisme,
propagande…), cette dernière dimension devenant de plus en plus
importante du fait du développement exponentiel des technologies de communication. La lutte armée des fédayins palestiniens
dans les années 1960-1970, celle du Hezbollah, les deux Intifada
mais aussi l’intervention en Afghanistan, la phase de stabilisation
et la contre-insurrection en Irak après mai 2003 ou les interventions de Tsahal au Liban participent de ce type de conflit. L’usure
politique et médiatique qui accompagne les conflits asymétriques,
les difficultés du combat en zone urbaine (Liban) ou en montagne
(Afghanistan) expliquent une dilatation temporelle des tensions
et un état de guerre permanent dans lequel les engagements
majeurs sont rares.
Le document 2 présente sous la forme de trois cartes juxtaposées
l’évolution du territoire d’Israël du plan de partage de l’ONU en
1947 à la guerre des Six Jours en 1967 (qui fait l’objet d’une étude
particulière p. 140-141).
La carte 2a présente le plan de partage de l’ONU approuvé par
la majorité des deux-tiers de l’Assemblée générale des NationsUnies le 29 novembre 1947 (recommandation n° 181). Ce plan de
partage qui attribue 55 % du territoire de la Palestine mandataire
à un État juif, est accepté par les sionistes mais est refusé par les
Arabes palestiniens soutenus par la Ligue des États arabes fondée
en 1945 au Caire.
Dès le 30 novembre 1947 commence donc ce que les historiens
nomment la « guerre civile en Palestine mandataire », qui dure
jusqu’à la proclamation d’indépendance de l’État d’Israël le 14 mai
1948. Le 1er décembre 1947, une grève générale de trois jours est
décrétée par les autorités arabes et notamment le HCA, Haut
Comité Arabe, principale organisation nationaliste palestinienne.
Le 30 décembre 1947, à Haïfa, des membres de l’Irgoun, une orga-
66 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
Le document 3 présente la situation géopolitique des conflits
au Proche et Moyen-Orient depuis 1948. Le cartouche sur l’État
israélien montre, à l’aide des dates, que les conflits israélo-arabes
ont dominé la scène régionale jusque dans les années soixantedix. Avec l’affrontement de deux puissances régionales (Irak, Iran)
et l’importance stratégique croissante des ressources en hydrocarbures, les conflits se sont déplacés vers l’est du Moyen-Orient
à partir des années quatre-vingt.
Cette carte montre également la permanence des facteurs de
conflit dans cette région. Berceau des grandes religions monothéistes (judaïsme, christianisme, islam) la région abrite des lieux
saints communs à Jérusalem, mais aussi particuliers à l’islam à
La Mecque et Médine ; le courant chiite possède des lieux saints
spécifiques à Nadjaf et Kerbala en Irak. Ces lieux sacrés donnent
une forte dimension symbolique à ces espaces, dont le contrôle
constitue un enjeu essentiel. Carrefour terrestre et maritime
entre l’Asie et l’Occident, la liberté d’accès aux routes et aux ports
de la région revêt aussi une dimension stratégique pour toutes
les puissances commerciales. La possession d’une grande part des
réserves pétrolières mondiales constitue une source de richesse
essentielle pour les pays de la région, mais attire également les
convoitises internationales des pays industriels. Enfin, cette
région, zone de contact entre l’URSS et les États-Unis, fut longtemps soumise à leur influence rivale dans le cadre de la guerre
froide.
Acteurs p. 134-135
Yasser Arafat et Yitzhak Rabin,
de la guerre à la paix p. 134
Le choix de confronter ces deux acteurs clefs du conflit israéloarabe dans cette étude s’explique par le fait qu’ils incarnent le
sentiment national de deux peuples qui se battent pour la même
terre. De plus leurs parcours respectifs illustrent parfaitement
l’évolution de ce conflit. Ces deux protagonistes font le choix initial des armes. En fondant le Fatah en 1959, Yasser Arafat prône la
lutte armée contre Israël, s’inspirant du modèle algérien du FLN.
Le 1er janvier 1965, son organisation lance la première opération de
commando contre l’État hébreu ; puis ses fédayins multiplieront
les attaques depuis le territoire des États arabes voisins. Yitzhak
Rabin est militaire de carrière et s’illustre déjà comme officier dans
la bataille de Jérusalem lors de la première guerre israélo-arabe. Il
reste partisan de la manière forte jusque dans les années 1980 :
chef d’état-major, il est le principal artisan de la victoire pendant
la guerre des Six Jours ; en 1982, il approuve l’opération militaire
au Liban, puis en tant que ministre de la Défense, fait bombarder le siège de l’OLP à Tunis en 1985 ; enfin il prend en charge la
répression de l’intifada en 1987 et fait assassiner le numéro deux
de l’OLP en 1988.
Mais ces deux hommes se rendent compte de l’échec de la lutte
armée et assouplissent leurs positions : Yasser Arafat, voulant
reprendre la main après le soulèvement des Palestiniens des Territoires occupés et fragilisé par la première guerre du Golfe, se
convertit définitivement à la voie des négociations en 1988 en
reconnaissant l’existence d’Israël. Choisi comme Premier ministre,
Yitzhak Rabin soutient en 1992 les entrevues secrètes d’Oslo entre
Israéliens et Palestiniens.
→Document 1 : Yitzhak Rabin, chef d’état-major, aux côtés
de Moshe Dayan, ministre de la défense
Cette photographie a été prise le 7 juin 1967, le jour où JérusalemEst est prise par les Israéliens à l’armée jordanienne. Cette tournée d’inspection dans les rues de Jérusalem de Yitzhak Rabin, aux
côtés de Moshe Dayan montre l’enjeu symbolique que représente
la vieille ville de Jérusalem où se situe le mur Occidental, lieu saint
du judaïsme.
→Document 2 : Yasser Arafat et la lutte armée (1970)
La défaite des États arabes pendant la guerre des Six Jours (1967)
relance la lutte armée des fédayins, qui multiplient les incursions
en Israël et dans les territoires occupés. C’est le prestige de cette
lutte armée (dont le symbole est la bataille de Karameh où les
fédayins parviennent à repousser une attaque israélienne) qui permet à Yasser Arafat de prendre la direction de l’OLP en 1969. Mais
les bases militaires palestiniennes se multiplient en Jordanie au
point d’apparaître comme un État dans l’État ; elles sont liquidées
dans le sang par l’armée jordanienne en 1970 (« Septembre noir »).
→Document 3 : Le dialogue direct entre Palestiniens et
Israéliens (9-10 septembre 1993)
Après la victoire de la gauche politique israélienne, des négociations secrètes entre Israël et l’OLP ont lieu en Norvège pour
préparer une reconnaissance mutuelle. Celle-ci a lieu sous la
forme d’un échange de lettres entre Yasser Arafat, chef de l’OLP,
et Yitzhak Rabin, alors Premier ministre le 9-10 septembre 1993.
Cette reconnaissance est scellée par la poignée de main historique
à Washington le 13 septembre 1993, sous l’égide du président des
États-Unis, Bill Clinton. Avancée décisive vers une paix et la naissance d’un État palestinien, les accords d’Oslo suscitent à la fois
de vifs espoirs et des mécontentements des extrémistes des deux
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
• 67
© Hachette Livre 2014
nisation militaire juive, lancent deux bombes dans une foule d’ouvriers arabes faisant la queue devant une raffinerie, tuant 6 d’entre
eux et en blessant 42. La foule en colère tue en représailles 39
juifs avant que les soldats britanniques ne rétablissent le calme.
Le 31 décembre 1947, en représailles, des soldats juifs du Palmah
et de la brigade Carmel attaquent le village de Balad-al-Sheikh et
de Hawassa. Selon différents historiens, ils y font entre 21 et 70
morts. Un cycle de violence bilatérale interminable s’amorce donc
avant le 15 mai 1948.
La carte 2b montre les conséquences territoriales et démographiques de la première guerre israélo-arabe. Ce premier conflit
débute au lendemain de la proclamation de l’État d’Israël le 14 mai
1948 et dure jusqu’aux traités d’armistice, qui s’échelonnent
jusqu’en juillet 1949, entre Israël et les différents États arabes.
Mieux armés et mieux coordonnées, les forces israéliennes
emportent des victoires qui permettent à l’État d’Israël de
s’agrandir par rapport au territoire dévolu à l’origine par le plan
onusien. Israël dispose désormais d’un territoire d’un seul tenant
de 20 700 km2, soit 6 000 km2 de plus que dans le plan de partage. Entre décembre 1947 et juillet 1949, 700 000 Arabes palestiniens ont pris le chemin de l’exil, fuyant volontairement les combats ou expulsés, pour se réfugier en Cisjordanie, à Gaza et dans
les États arabes voisins ; cet épisode est nommé la « Nakba » par
les Palestiniens. Parallèlement ce premier conflit marque le début
de l’exode de 760 000 Juifs qui ont quitté les États arabes voisins
ou en ont été expulsés et qui se sont établis majoritairement en
Israël.
La carte 2c montre les bouleversements géopolitiques à l’issue
la guerre des Six Jours, dont Israël sort victorieux (voir l’étude
p. 140-141) : l’occupation de territoires arabes. Pour le Sinaï, cette
occupation permet à Israël de conserver un moyen de pression sur
l’Égypte de Nasser, principale puissance ennemie dans la région,
d’où sa restitution après les accords de Camp David. Mais des
considérations d’ordre stratégique ou nationaliste pour les « Territoires occupés » palestiniens expliquent la plus grande difficulté
de résoudre cette source de tensions, qui perdure jusqu’à nos
jours.
camps. Les questions centrales des réfugiés, du statut de Jérusalem et des implantations juives restent posées. Les islamistes
antisionistes du Hamas rejettent des accords qui légitiment Israël
alors que les extrémistes sionistes de la droite israélienne refusent
de reconnaître l’OLP. Itzhak Rabin est assassiné par un extrémiste
juif en 1995. Yasser Arafat devient en 1996 le premier président
de l’Autorité Palestinienne, poste qu’il occupe jusqu’à sa mort, à
Paris, le 11 novembre 2004. En 2012, les limites territoriales et le
statut d’un futur État palestinien demeurent toujours en suspens.
Saddam Hussein et les ambitions
d’un chef nationaliste p. 135
Le choix de Saddam Hussein comme acteur clef des conflits du
Proche et du Moyen-Orient s’explique parce qu’il a engagé son
pays dans trois guerres, révélatrices des enjeux à différentes
échelles qui caractérisent les conflits de cette région (voir doc. 1,
p. 132). Pendant la guerre avec l’Iran (1980-1988), Saddam Hussein
s’affirme à la fois comme un nationaliste, attaché à faire de l’Irak
une puissance régionale, mais aussi comme un leader panarabe
face à une expansion de l’influence iranienne sur la région. À partir
des années 1990, dans sa lutte contre les États-Unis, il met davantage en avant son appartenance à l’islam et se présente comme un
descendant du prophète Mahomet.
→Document 4 : Déclaration de guerre à l’Iran
La guerre Iran-Irak traduit l’opposition toujours croissante entre
le Baas irakien et le chiisme révolutionnaire. L’arrivée au pouvoir de l’ayatollah Khomeyni en 1979 en Iran relance l’agitation
des populations chiites, majoritaires en Irak, contre le pouvoir de
Bagdad. De plus le territoire irakien abrite les principales villes
saintes du chiisme (Kerbala, Nadjaf). Saddam Hussein, qui aspire
à faire de l’Irak, enrichi par les revenus pétroliers, le chef de file
du monde arabe, se heurte au nouveau pouvoir iranien, souhaitant étendre la révolution islamique au-delà de ses frontières. Le
17 septembre 1980, dans un discours devant l’Assemblée nationale
irakienne, Saddam Hussein fustige violemment l’Iran. Il dénonce
les accords signés à Alger en 1975 pour fixer la frontière entre les
deux pays, notamment le partage du Chatt al-Arab, qui constitue
un débouché stratégique sur le Golfe persique. C’est le prélude à
une guerre qui commence cinq jours plus tard et durera jusqu’en
juillet 1988, date à laquelle les deux belligérants épuisés par huit
années de guerre acceptent une résolution de l’ONU qui prévoit
un cessez-le-feu.
→Document 5 : Affiche de propagande pendant la guerre
Iran-Irak, 1984
D’après les historiens arabo-musulmans, Tikrit, la ville natale de
Saddam Hussein, serait aussi celle de Saladin, héros musulman
d’origine kurde et vainqueur des croisés à la fin du xiie siècle. La
propagande politique du régime a largement exploité ce parallèle
en pleine guerre Iran-Irak pour présenter Saddam Hussein, commandant en chef de l’armée irakienne, comme son successeur,
capable de repousser les invasions étrangères. Les origines kurdes
de Saladin sont soigneusement tues.
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→Document 6 : Panarabisme et défense de l’islam
Le 2 août 1990, les troupes irakiennes envahissent le Koweït, que
Saddam Hussein accuse de faire baisser les cours du pétrole à un
moment où l’Irak, qui vient juste de sortir de la guerre avec l’Iran,
a un besoin vital de ses revenus. De plus les Irakiens n’ont jamais
reconnu les frontières du Koweït, que les Britanniques ont détachées de la province ottomane de Bassorah, pour mieux contrôler
le riche émirat au début du xxe siècle. L’invasion est condamnée
par l’ONU et la Ligue arabe. Le 7 août, les États-Unis apportent
leur soutien aux pays arabes de la péninsule avec l’opération
« bouclier du désert », en vue de mettre en place un pont aérien
avec l’Arabie Saoudite pour transporter armement et soldats
américains.
Dans ce discours lu à la télévision irakienne le 10 août 1990, Saddam Hussein essaie de mobiliser des soutiens dans le monde
arabe, en s’appuyant sur les thèmes traditionnels du nationalisme
arabe et de l’islamisme.
◗◗ Réponses aux questions
1. Yasser Arafat et Yitzhak Rabin privilégient initialement l’option
militaire pour affirmer les droits respectifs des Palestiniens et des
Israéliens dans cette région.
2.En préalable au processus de paix, Yasser Arafat et Yitzhak
Rabin reconnaissent mutuellement leur existence (existence de
l’État d’Israël, reconnaissance de l’OLP comme représentant légitime du peuple palestinien). Ils s’engagent à se tourner désormais
vers des négociations pour amorcer un processus de paix.
3. Saddam Hussein situe les enjeux du conflit avec l’Iran dans le
cadre d’une lutte pour des territoires dont il revendique la souveraineté (Chatt al-Arab) ; mais cette lutte se situe également dans
le cadre d’un conflit de deux États qui aspirent à devenir des puissances régionales.
4. Saddam Hussein élargit les enjeux des conflits du MoyenOrient à l’échelle internationale, en montrant qu’il s’agit d’une
lutte contre des influences colonialistes, étrangères au monde
arabe et musulman (« américaines et sionistes »).
◗◗ Vers la composition du BAC
Les conflits du Moyen-Orient ont des formes diverses et leurs
enjeux s’expriment à différentes échelles territoriales. Au niveau
local, ils peuvent prendre la forme de revendications identitaires
pour des peuples qui se disputent un territoire commun : Arabes
palestiniens et Israéliens au sujet de la Palestine ; Irakiens et Iraniens pour des litiges frontaliers dans la région stratégique du
Chatt al-Arab. Au niveau régional, les luttes d’influence entre
puissances du Moyen-Orient constitue un autre motif d’affrontement comme en témoigne la guerre entre l’Iran et l’Irak.
Enfin ces conflits peuvent prendre une dimension plus large, quand
leurs enjeux intéressent la communauté internationale : respect
des frontières issus de la Seconde Guerre mondiale ; richesses en
hydrocarbures. Ainsi l’invasion du Koweït par Saddam Hussein en
1990, menaçant les ressources pétrolières, entraîne une condamnation de l’ONU et des puissances occidentales qui débouchera
sur la « guerre du Golfe ».
Étude 1 p. 136-137
Le pétrole, un enjeu stratégique
Depuis le début du xxe siècle, le pétrole est au centre des grands
équilibres géopolitiques du Proche et du Moyen-Orient et du
monde tout entier. Son contrôle est un enjeu majeur pour les
grandes puissances industrielles étrangères à la région, mais
aussi pour les pays producteurs ; en effet, atout essentiel de leur
développement, il est aussi une arme politique. Le choix de cette
étude s’explique donc par le fait que, s’il n’y a pas réellement de
guerre pour le pétrole, les enjeux qu’il représente sont souvent
en arrière-plan des conflits de la région. Dès la découverte des
premiers gisements perses en 1908, les Britanniques assoient
leur contrôle sur le Proche et le Moyen-Orient et ses richesses
au travers des relations étroites qu’ils nouent avec les dynasties
locales et par le système des mandats en Palestine et en Irak. En
février 1945, la rencontre entre F. D. Roosevelt et Ibn Saoud, roi
68 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
→Document 1 : La politique pétrolière américaine après 1945
Ce texte présente la politique pétrolière américaine au ProcheOrient après 1945. Il est extrait d’un ouvrage universitaire dont
l’auteur, J.-C. Hurewitz, est un spécialiste de la région. Pendant
la Seconde Guerre mondiale, il travaille pour les services de renseignement à la section du Proche-Orient. À partir de 1950, il
enseigne à l’université de Columbia, où il est directeur du département du Moyen-Orient de 1970 à 1984. Dans ce texte, il justifie
une politique extérieure américaine active.
→Document 2 : Le capital des grandes compagnies pétrolières
Ce tableau révèle la participation majoritaire des grandes sociétés pétrolières occidentales (les Majors) au capital de quelques
grandes compagnies concessionnaires du Moyen-Orient, montrant ainsi leur mainmise sur les hydrocarbures de la région. Il
souligne notamment l’importance nouvelle de la compagnie
pétrolière d’Arabie Saoudite qui exploite de manière récente un
gisement géant ; alors qu’avant 1945, les 2/3 de la production
pétrolière était assurée par l’Iran, l’exploitation du pétrole saoudien accroît considérablement les capacités de la région à l’échelle
mondiale.
Ce tableau montre aussi la volonté d’émancipation des États producteurs de cette tutelle occidentale à travers la nationalisation
en 1951 du capital de la compagnie Anglo-Iranian Oil, désormais
100 % iranienne.
→Document 3 : Le pétrole au cœur des tensions
de la guerre froide
Ce texte est extrait d’un rapport de l’administration Truman daté
du 20 novembre 1952, à propos de la situation actuelle en Iran ; il
fait partie des documents secrets publiés en 2000 par le New York
Times, parmi lesquels il y a avait aussi le fameux rapport Wilber,
écrit en mars 1954 par l’un des principaux agents du coup d’état du
19 août 1953. Ce rapport est destiné au Conseil national de sécurité américain (NSC) qui a comme rôle de conseiller le président
des États-Unis en matière de politique étrangère et de sécurité
nationale.
Cet extrait montre que le pétrole est cœur des tensions de la
guerre froide à travers l’exemple iranien. En 1951, Mossadegh
devient le Premier ministre du jeune shah Mohammed Reza Pahlavi et entreprend de nationaliser l’Anglo-Iranian Oil Company
qui dispose du monopole de l’exploitation du pétrole iranien.
En réaction, les marchés se ferment au pétrole iranien. Inquiété
par la déstabilisation de l’Iran qui profite aux communistes iraniens (le « Toudeh »), Eisenhower décide de renverser Mossadegh
le 19 août 1953. Conduite par les services secrets britannique et
américain, l’opération Ajax est hautement stratégique. Il s’agit de
préserver les intérêts occidentaux dans les gisements pétrolifères
iraniens, les Américains profitant de l’occasion pour accroître leur
part, mais aussi de maintenir l’Iran dans le camp occidental, d’où
le soutien apporté à la monarchie de plus en plus autocratique
du Shah.
→Document 4 : L’arme du pétrole
Ce texte présente le point de vue d’un expert arabe qui défend
l’utilisation de l’arme pétrolière. Alors que très longtemps les prix
restent fixés par les compagnies pétrolières occidentales, les pays
producteurs de pétrole s’organisent dans les années 1960 pour les
stabiliser et mieux contrôler la production. En 1960 le Venezuela,
l’Iran, l’Irak, le Koweït et Arabie Saoudite fondent l’Organisation
des pays producteurs de pétrole (OPEP) ; puis est créée en 1968
l’Organisation des pays arabes producteurs de pétrole (OPAEP),
au moment où le Moyen-Orient devient la principale zone de production (39 % de la production pétrolière mondiale). Les conséquences politiques de ce meilleur contrôle apparaissent lors de
la guerre d’octobre 1973 (dite du Kippour pour les Israéliens) ; à la
suite de la décision de l’OPAEP de réduire leur production pour
faire pression sur les alliés d’Israël, les prix augmentent de 3 $ le
baril à 18 $ en quelques semaines, avant d’être fixés fin décembre
par l’OPEP à 11,65 $ : c’est le premier choc pétrolier.
En 1975, Nicolas Sirkis est conseiller de l’OPEP. Ce texte est un
extrait d’un livre d’entretiens dans lesquels il revient sur ces
événements. D’origine syrienne, il fait des études universitaires
d’économie à Beyrouth, où il crée en 1965 un Centre arabe d’étude
pétrolières toujours actif aujourd’hui.
→Document 5 : Une région stratégique au cœur
de l’exploitation et des routes du pétrole
Cette carte présente les gisements, les routes du pétrole en 2011 et
les tensions qui y sont liées. Avec près de 60 % des réserves pétrolières conventionnelles mondiales estimées et 40 % des réserves
gazières aujourd’hui connues, le Moyen-Orient est devenu un lieu
majeur de production couvrant une part essentielle des besoins
énergétiques mondiaux. Six des dix plus gros producteurs mondiaux sont issus de cette région, la première place revenant à
l’Arabie Saoudite, lui permettant d’être un acteur clef de la région.
→Document 6 : Soldats américains devant un blindé irakien
détruit au Koweït (1991)
Cette photographie montre l’intervention américaine lors de la
guerre du Golfe de 1991 (étudiée en classe de première) ; la photographie reflète également les tensions entre pays producteurs de
pétrole. Saddam Hussein envahit le Koweït qu’il accuse de maintenir un cours bas du pétrole, empêchant l’Irak de surmonter les
difficultés économiques consécutives à la guerre contre l’Iran. De
plus, l’Irak n’a jamais reconnu les frontières du Koweït, ancienne
province irakienne, dont l’indépendance a été proclamée le 19 juin
1961 par les Britanniques, soucieux de fragmenter les réserves
pétrolières afin de mieux les contrôler. Contraint à évacuer le
Koweït, Saddam Hussein ordonne à ses troupes d’incendier les
puits de pétrole koweitiens.
◗◗ Réponses aux questions
1. Cette région est stratégique pour les grandes puissances
car elle détient une grande part des réserves mondiales de
pétrole (60 % en 2013) ; ces réserves prouvées sont concentrées
aujourd’hui surtout en Iran (9 %), en Irak (8 %), au Koweït (6 %) et
en Arabie Saoudite (18 %).
2.Les Occidentaux contrôlent l’exploitation pétrolière par le
biais de compagnies concessionnaires qui réunissent dans leur
capital plusieurs sociétés pétrolières occidentales pour partager
les coûts d’exploitation. Par exemple le capital de l’Iraq Petroleum Co réunit des sociétés d’origine britannique (47,5 %), étatsunienne (23,75 %) et française (23,75 %).
3. Le pétrole constitue une source de tension dans le cadre de
la guerre froide car le Moyen-Orient, notamment l’Iran, possède
une frontière commune avec l’URSS, qui convoite aussi cette ressource. Ainsi la nationalisation de la compagnie pétrolière, AngloIranian Company et l’influence grandissante des communistes
iraniens constituent pour les Occidentaux une menace de perdre
le contrôle sur le régime iranien et le libre accès au pétrole de cet
État.
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
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d’Arabie Saoudite, témoigne du vif intérêt des Américains pour les
ressources de la région après la Seconde Guerre mondiale.
Les documents présentés sur ces pages montrent la complexité
des enjeux autour des hydrocarbures en impliquant diverses
échelles géopolitiques.
4. Le pétrole peut constituer une arme en temps de guerre pour
les États arabes sous forme de suspension (embargo) ou de réduction de leurs exportations de pétrole envers certains pays ; mais
l’emploi du pétrole comme arme politique peut aussi s’utiliser en
temps de paix, en accordant des avantages à des pays consommateurs, pouvant constituer des alliés diplomatiques.
◗◗ Vers l’étude de documents du BAC
Le document 3 est un texte extrait d’un rapport secret de
novembre 1952 destiné au Conseil national de sécurité rattaché
directement au président des États-Unis ; ce rapport concerne les
évolutions politiques du régime iranien et montre que le pétrole
est au des cœur des tensions de la guerre froide. La carte présente
la géopolitique de la région autour des ressources en pétrole et en
gaz. Elle indique la localisation des principaux gisements, le transport des hydrocarbures et les tensions que génère leur exploitation.
La confrontation de ces deux documents permet de remettre le
cas iranien dans la perspective géopolitique de la guerre froide.
L’Iran, un des principaux pays producteurs pétroliers de la région,
possède une frontière commune avec l’URSS, qui convoite l’accès
aux ressources de ce pays. L’Iran devient alors un enjeu dans la
lutte d’influence que se livrent les Occidentaux, notamment les
Américains et les Britanniques, et les Soviétiques.
La carte montre aussi les enjeux géopolitiques liés à la localisation des
ressources et au transport du pétrole. Ainsi la possession de gisements communs frontaliers est un facteur de conflits entre pays
voisins (Irak et Iran dans le Chatt al-Arab). Des tensions se développent aussi à des points stratégiques du réseau des oléoducs
et des voies maritimes concernant le trafic pétrolier : passage
d’une frontière (Irak-Turquie), d’un détroit (détroit d’Ormuz), ou
d’un canal transocéanique (canal de Suez). D’ailleurs la fermeture
de certains oléoducs ou l’évitement par leurs tracés de certains
points de passage (Oléoduc est-ouest) illustrent parfaitement ces
tensions liées au transport du pétrole.
L’existence de l’OPEP montre par ailleurs l’évolution des rapports
de force dans la région, avec la volonté des pays producteurs de
s’émanciper de la tutelle des sociétés occidentales en coordonnant leur politique pétrolière dans une organisation commune.
Étude 2 p. 138-139
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La crise de Suez, 1956
L’étude de la crise de Suez (1956) est justifiée car elle constitue
un évènement clef dans l’histoire des conflits du Proche et du
Moyen-Orient et de l’intervention des puissances extérieures à la
région dans ceux-ci.
En effet, elle marque le début d’une perte définitive de l’influence
franco-britannique dans la région, à la suite du fiasco diplomatique de l’intervention militaire. De nombreux États arabes
rompent leurs relations diplomatiques avec la Grande-Bretagne et
la France. Les Britanniques perdent leur grande base militaire de
Suez qui subsistait encore dans le cadre d’un traité d’alliance entre
l’Égypte et la Grande-Bretagne et qui est dénoncé par Nasser en
janvier 1957. À la suite de cette crise la France perd aussi ses positions traditionnelles dans la région à travers son réseau d’écoles et
d’institutions diverses. Le discrédit des puissances européennes
pousse les Arabes à se tourner davantage vers l’URSS et consacre
la montée en force de la diplomatie américaine dans la région. La
confrontation directe entre les deux superpuissances commence
alors dans l’Orient arabe.
→Document 1 : Le trafic du canal de Suez
Ouvert en 1869 à la suite des travaux de Ferdinand de Lesseps
financés par la France et l’Égypte dont le Royaume-Uni rachète
les parts, le canal de Suez devient l’axe vital du trafic commercial
reliant la Méditerranée à l’Asie. Après la Seconde Guerre mondiale, le canal demeure un point de passage stratégique pour les
navires de commerce et les pétroliers. L’augmentation du tonnage
de pétrole transitant par le canal montre l’importance nouvelle de
la région dans la production mondiale avec la découverte de nouveaux gisements dans la Péninsule arabique et le Golfe persique.
→Document 2 : Les interventions militaires en 1956
Cette carte permet de retracer facilement le déroulement des
opérations militaires : l’offensive au sol des troupes israéliennes
débute le 29 octobre 1956. Le 31 octobre, les forces aériennes
britanniques et françaises détruisent une grande partie de l’aviation égyptienne. L’Assemblée générale de l’ONU se réunit le
4 novembre et décide la constitution d’une force internationale
pour séparer les combattants, la première de ce type dans l’histoire (jusque-là l’ONU n’avait envoyé que des observateurs).
N’ayant plus aucun prétexte pour intervenir, la France et la
Grande-Bretagne hâtent leur plan : ils improvisent des parachutages le 5 novembre avant un débarquement de forces terrestres
le 6 à Port-Saïd ; ces forces font ensuite route vers le canal de
Suez pour prendre le contrôle de la zone. Sur le plan militaire,
l’opération connaît un succès total, mais la crise se transforme
en débâcle politique car les Français et les Britanniques sont
contraints d’abandonner le canal à Nasser sous la pression des
Soviétiques, des Américains (voir document 5) et de l’ONU qui
redoutent l’escalade. Le 7 novembre entre en vigueur un armistice.
Le retrait israélien du Sinaï s’effectue en 1957 et la force d’interposition des casques bleus se déploie en territoire égyptien le long de
la frontière avec Israël, dans la bande de Gaza et à Sharm al-Shaykh.
La carte montre aussi l’importance stratégique du détroit de Tiran
pour l’approvisionnement d’Israël par le Golfe d’Akaba. Seul bénéfice pour l’État hébreu, il obtient la liberté de navigation dans le
Golfe d’Akaba ; toute atteinte désormais à ce droit pourrait
constituer un cas de guerre, qu’utilisera Israël dans l’attaque préventive qu’il mènera pendant la guerre des Six Jours.
→Document 3 : « Un canal égyptien »
Ce texte est un extrait du discours de Nasser dans lequel il
annonce la nationalisation de l’exploitation du canal de Suez. En
1952, la monarchie pro-britannique du roi Farouk est renversée par
les « officiers libres ». Le 26 juillet 1956, date anniversaire de la
chute de la monarchie, le président Nasser prononce un discours
radiodiffusé annonçant la nationalisation du canal. Cette décision
est la conséquence des difficultés rencontrées par le « Raïs » pour
lever les capitaux nécessaires à la construction du barrage d’Assouan, grand chantier essentiel au développement économique
égyptien. En 1955, la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement (BIRD) consent un prêt devant être
cautionné par les gouvernements britanniques et américains et
associé à un contrôle des finances égyptiennes. La même année,
Nasser se rapproche de l’URSS, participe à la conférence anticoloniale de Bandoung et héberge au Caire le siège du FLN algérien.
La réorientation de sa politique étrangère lui vaut la perte des
soutiens financiers américains et britanniques. La BIRD retire son
offre de prêt le 19 juillet 1956. Le discours de Nasser prend donc un
ton anti-impérialiste qui atteint son paroxysme avec l’occupation
du canal par les commandos égyptiens, ultime défi aux anciennes
puissances coloniales qui en restent les principaux actionnaires.
Ces dernières ripostent en constituant une alliance secrète avec
Israël, qu’elles associent à la planification d’une intervention militaire combinée destinée à sécuriser le canal. En application des
accords secrets de Sèvres, Israël prend le prétexte des attaques
de fédayins palestiniens de Gaza pour pénétrer dans le Sinaï le
29 octobre 1956.
70 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
Cette photographie montre la réaction de Nasser à l’intervention
armée de la France, de la Grande-Bretagne et d’Israël. Il ordonne
de couler des bateaux dans le canal rendant la circulation impraticable pendant plusieurs semaines. L’approvisionnement en
pétrole de l’Europe est en grande partie interrompu. Elle devient
totalement dépendante des arrivages américains.
→Document 5 : La réaction de l’URSS et des États-Unis
Ce texte montre la réaction des États-Unis et de l’URSS à l’opération militaire tripartite. La lettre du maréchal Boulganine,
président du Conseil des Ministres soviétique est un ultimatum
adressé à Guy Mollet, président du Conseil français, et à Anthony
Eden, Premier ministre britannique, le 5 novembre 1956. L’emploi
de la force n’exclut pas l’utilisation de l’arme nucléaire. Elle provoque l’affolement des services de renseignement occidentaux. Il
s’agit en réalité d’un véritable bluff, car Moscou n’a pas les moyens
militaires d’intervenir au Moyen-Orient et en a prévenu Nasser.
Cette lettre montre aussi que les États-Unis jouent plutôt la carte
de l’ONU, se servant de cette tribune internationale pour faire
pression sur les Européens. L’extrait des mémoires d’Antony Eden
révèle aussi un autre instrument de pression par l’intermédiaire
des marchés financiers qui spéculent à la baisse sur la livre sterling
sans que les États-Unis agissent pour soutenir la monnaie britannique. Cette spéculation a pour principale conséquence de faire
baisser les réserves de change de la banque centrale britannique
et d’affaiblir la monnaie.
◗◗ Réponses aux questions
1. La nationalisation du canal est présentée par Nasser comme
une lutte anti-impérialiste. La Compagnie du canal est considérée comme une atteinte à l’indépendance égyptienne, échappant
aux lois du pays ; elle prive d’autre part l’Égypte d’une importante
source de bénéfices. Pour les puissances européennes, le canal
de Suez est un passage stratégique entre la mer Rouge et la mer
Méditerranée, mais rapporte également des revenus pour ses
actionnaires britanniques et français.
2. Les Britanniques et les Français lancent des opérations
aériennes et amphibies dans le but de sécuriser le canal et de
rétablir la libre-circulation sur celui-ci. Cette intervention militaire
s’appuie sur Israël aux termes des accords secrets de Sèvres.
3. L’URSS fait planer la menace d’une intervention militaire
et s’affirme comme le protecteur de l’Égypte. De leur côté, les
Américains utilisent l’ONU comme une tribune pour exiger la fin
des hostilités ; de plus ils laissent se développer des spéculations
contre la livre sterling dans le but de contraindre le gouvernement
britannique à retirer ses troupes. États-Unis et URSS espèrent
ainsi voir leur influence progresser auprès des Arabes, dans une
région stratégique pour leur approvisionnement pétrolier.
4. L’ONU condamne l’intervention armée, en appelant à la fin des
combats et au retrait des troupes étrangères ; il déploie également des casques bleus dans le Sinaï comme force d’interposition.
◗◗ Vers la composition du BAC
La crise de Suez est un conflit qui peut se lire à différentes échelles.
Il s’agit d’abord d’un conflit local lié à la décolonisation. La nationalisation du canal de Suez par Nasser répond à une politique
nationaliste et anti-impérialiste afin que l’État égyptien reprenne
sa souveraineté complète dans la zone du canal au détriment des
intérêts européens.
La participation d’Israël et l’importance de la libre circulation sur
le canal de Suez et dans le Golfe d’Akaba révèlent la dimension
régionale de ce conflit.
Enfin, cette nationalisation du canal par Nasser marque le début
d’une crise internationale. En effet, le caractère stratégique de
l’approvisionnement pétrolier qui transite par le canal et la remise
en cause des intérêts européens dans le capital de la compagnie
poussent la France et la Grande-Bretagne à intervenir. En application d’un accord secret, une opération militaire combinée est
menée par les Israéliens, les Britanniques et les Français pour
sécuriser le canal de Suez. Les coalisés sont néanmoins contraints
de se retirer sous la pression des deux superpuissances. Favorable
au régime de Nasser, l’URSS fait peser tout son poids nucléaire
pour mettre fin à l’intervention occidentale. Soucieux d’éviter un
affrontement direct, les États-Unis font également pression sur
les Britanniques et les Français pour les contraindre à se retirer.
L’affaire marque un tournant géopolitique majeur caractérisé par
l’effacement des anciennes puissances européennes au profit des
États-Unis et de l’URSS et par l’affirmation de l’Égypte et d’Israël
comme acteurs régionaux incontournables.
Étude 3 p. 140-141
La Guerre des Six Jours, 5 au 10 juin 1967
L’étude de la guerre des Six Jours présente plusieurs intérêts au
regard de ce chapitre. Ce conflit illustre l’état de tension qui
existe entre Israël et ses voisins arabes depuis 1948. Cette troisième guerre israélo-arabe établira durablement une suprématie
militaire de l’État hébreu sur ses voisins arabes. De plus ce conflit,
pourtant très bref, bouleverse considérablement la géopolitique
de la région en inscrivant dans la durée la question des « Territoires occupés ». Enfin, cette étude permet d’aborder une guerre
qui présente des enjeux à plusieurs échelles en interaction les
uns avec les autres : nationaux avec des gains territoriaux symboliques et stratégiques réalisés par Israël ; régionaux avec cette
troisième confrontation armée entre Israël et les États arabes voisins ; internationaux avec l’intervention d’acteurs comme l’ONU,
les États-Unis et l’URSS. À cet égard les différentes dimensions
géopolitiques emboîtées de cette guerre sont caractéristiques des
nombreux conflits du Proche et du Moyen-Orient.
→Document 1 : La montée des tensions
→Document 1a : La pression de l’Égypte
Ce texte présente un extrait d’un discours de Nasser devant
des officiers, le 24 mai 1967. L’Égypte est affaiblie par la guerre
du Yemen qui provoque un fort mécontentement intérieur. Pour
redorer son prestige de leader incontesté du panarabisme et effacer la défaite militaire de 1956, Nasser s’engage dans une politique de bras de fer avec Israël. Cette politique est soutenue,
voire influencée par l’URSS qui cherche à consolider son réseau
d’alliances dans la région en entretenant une tension permanente. Au mois de mai, Nasser fait pénétrer l’armée égyptienne
dans le Sinaï en demandant aux forces d’interposition de l’ONU
de se retirer, puis supprime la liberté de navigation dans le golfe
d’Akaba en fermant le détroit de Tiran aux navires israéliens ; ces
actes remettent en cause les accords négociés au lendemain de
la crise de Suez qui prévoyaient la démilitarisation du Sinaï et la
liberté de navigation sur le canal de Suez et dans le golfe d’Akaba.
→Document 1b : Les causes de la guerre selon les Israéliens
Ce texte présente les causes de la guerre selon Ben Gourion en
décembre 1967 ; à cette date, si Ben Gourion (voir biographie
p. 442 du manuel) n’a plus de responsabilité gouvernementale (le
Premier ministre est Levi Eskhol, appartenant lui aussi au Parti
travailliste), il possède encore beaucoup d’influence sur la vie politique israélienne. Partisan d’une politique d’expansion territoriale
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
• 71
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→Document 4 : Bateaux coulés par l’Égypte à l’entrée du canal
de Suez (octobre 1956)
et du langage de la force, il semble que sa position ait évolué peu
à peu après la guerre des Six Jours ; dans une interview au Nouvel Observateur en 1970, il affirme qu’Israël doit évacuer tous les
territoires occupés en échange de la paix, excepté Jérusalem (voir
doc. 4) et les hauteurs du Golan. Cette lettre s’inscrit dans un
échange de courriers en décembre 1967 avec le général de Gaulle,
alors président de la République française et pose le problème des
relations entre la France et Israël à cette date. En effet, au lendemain de la création de l’État hébreu la France a été longtemps
l’allié le plus impliqué dans le soutien à Israël, poussant le rapprochement jusqu’à une véritable osmose entre les états-majors et
les services de renseignement des deux pays à tous les échelons
de commandement. La France était aussi le principal fournisseur
d’armement d’Israël en avions, chars, artillerie et navire. Or après
la guerre d’Algérie, de Gaulle va rééquilibrer la politique extérieure
de la France au profit du monde arabe. L’attaque préventive des
Israéliens et l’occupation des territoires sont condamnées par
de Gaulle. Celui-ci évoque six mois après la guerre des Six Jours
lors d’une conférence de presse en novembre 1967 : « un peuple
d’élite, sûr de lui-même et dominateur », lors d’un passage de son
intervention concernant la création de l’État d’Israël.
→Document 2 : Les forces en présence
Ce tableau illustre les rapports de forces qui, d’une certaine
manière, expliquent le choix de l’état-major israélien. Ce document permet de rappeler l’importance de la donnée démographique. En effet, avec moins de 3 millions d’habitants en 1967,
Israël est onze fois moins peuplé que l’Égypte (32 millions d’habitants) et deux fois moins que la Syrie (5 millions d’habitants).
L’État hébreu cherche à compenser ce déséquilibre par une supériorité qualitative du matériel, un meilleur entraînement et une
capacité de mobilisation des réserves supérieure à celle de ses
voisins arabes. Israël parvient globalement à l’emporter sur tous
ces points.
Les forces aériennes israéliennes sont alors dotées de chasseurs
français Dassault Mirage III et de chars américains modernisés
face auxquels les Arabes alignent des appareils d’origine soviétique (Mig-15 et -21 et bombardier Tu-16) et un ensemble terrestre
hétérogène, reliquat de la période mandataire britannique, mais
avec des équipages globalement moins aguerris.
Depuis 1949, le service militaire israélien concerne tous les jeunes
hommes et femmes âgés de plus de 18 ans pour une durée de 30
mois (18 pour les femmes). De ce fait, Israël mobilise très rapidement la quasi-totalité de ses forces alors que l’Égypte, par
exemple, ne peut que compter que sur 20 % de ses troupes. On
comprend donc aisément la nécessité pour Israël d’obtenir des
résultats militaires décisifs en peu de temps. Le 10 juin 1967,
la victoire d’Israël est totale et emplit les Israéliens comme les
juifs de la diaspora d’un sentiment d’invincibilité. Cette euphorie
n’a d’égale que l’humiliation des nations arabes qui ont subi des
pertes considérables : autour de 250 000 soldats tués ou blessés
(pour la plupart égyptiens), près de 5 000 prisonniers et plus de
450 avions contre 46 appareils détruits et moins de 1 000 tués du
côté israélien. Le rapport des forces à la sortie du conflit est donc
considérablement bouleversé.
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→Document 3 : Les frappes aériennes israéliennes
Ce document montre les frappes aériennes israéliennes. En effet,
à l’aube du 5 juin, les aviations syriennes et égyptiennes équipées
et modernisées grâce à l’aide soviétique sont détruites au sol par
une série de frappes préventives comme l’illustre la photographie
d’un Mig égyptien détruit. Le succès total des frappes aériennes
s’explique en partie par l’excellence du renseignement israélien et
un meilleur niveau d’entraînement des pilotes.
→Document 4 : Ben Gourion devant le Mur occidental
Cette photographie illustre la bataille pour Jérusalem. En effet les
forces israéliennes entrent en Cisjordanie et s’emparent de Jérusalem, abandonnée par les troupes jordaniennes qui se retirent
des combats, le 7 juin 1967. La vieille ville de Jérusalem, et notamment le Mur occidental, (Mur des Lamentations pour les chrétiens), constituent un fort enjeu symbolique pour les Israéliens. Il
s’agit en fait du mur de l’enceinte du temple d’Hérode, unique lieu
de culte du judaïsme, jusqu’alors sous souveraineté jordanienne.
Dans les semaines qui suivent les maisons proches du Mur occidental sont détruites et leur population arabe expulsée afin de
pouvoir agrandir l’esplanade d’accès au lieu saint juif.
→Document 5 : Les décisions de l’ONU
Le document 5a est une résolution de l’Assemblée générale de
l’ONU datant du 4 juillet 1967 et concernant le statut de Jérusalem ; en effet, à la suite d’un vote de la Knesset le 27 juin sur
la protection des lieux saints, complété par une décision gouvernementale le lendemain, Jérusalem-Est, de peuplement majoritairement arabe palestinien et jusqu’à alors sous souveraineté
jordanienne, est annexée à Israël. Cette annexion permet ainsi de
réunifier la ville divisée de fait depuis la première guerre israéloarabe de 1948-1949. En 1980, une nouvelle loi proclame Jérusalem,
capitale d’Israël.
Le document 5b est la résolution 242 prise à l’unanimité par le
Conseil de sécurité le 22 novembre 1967, cinq mois après la guerre
des Six Jours. Cette résolution demeure la référence de base pour
la recherche d’un règlement pacifique du conflit israélo-arabe. En
effet elle est citée dans le préambule des accords de Camp David
(1 978), dans les déclarations politiques de l’OLP et de Yasser Arafat en 1988, reconnaissant pour la première fois le droit à l’existence de l’État d’Israël, et dans les accords d’Oslo (1993). Le texte
de la résolution est un habile compromis entre les demandes des
uns et des autres : le principe du retrait est mis sur le même plan
que celui du droit de vivre en paix à l’intérieur de frontières sûres
et reconnues ; la liberté de navigation se trouve placée à côté du
juste règlement du problème des réfugiés. L’Égypte, la Jordanie
et le Liban acceptent immédiatement la résolution ; celle-ci est
au contraire rejetée par la Syrie et par l’OLP qui refuse de voir
le sort des Palestiniens réduit à un simple rôle de réfugiés. Israël
avance sa propre interprétation du texte en s’appuyant sur la version anglaise du texte, volontairement ambigüe car il n’y a pas
d’article défini devant « territories », laissant planer l’imprécision
sur l’étendue de l’espace d’où doivent se retirer les forces armées
israéliennes. Mais la version française, qui a aussi une valeur officielle à l’ONU, est plus précise et demande le « retrait des forces
armées israéliennes des territoires occupés » sans exclusion
aucune. Par ailleurs, l’interprétation globale de la résolution est
moins ambigüe qu’il n’y paraît car le texte insiste en ouverture
sur « l’inadmissibilité de l’acquisition de territoire par la guerre ».
◗◗ Réponses aux questions
1. Les tensions à l’origine de ce conflit sont la remilitarisation du
Sinaï et la fermeture aux navires israéliens de la navigation dans
le golfe d’Akaba par Nasser. Ces décisions remettent en cause des
accords internationaux signés au lendemain de la crise de Suez.
2. Durant la guerre des Six Jours les forces militaires engagées
sont importantes : les forces arabes (215 000 hommes, 1 520 chars,
1 182 avions) sont supérieures en nombre aux forces israéliennes
(125 000 hommes, 1 050 chars, 326 avions) ; d’où la tactique de
guerre-éclair de l’armée israélienne visant à détruire l’aviation
ennemie par des frappes aériennes préventives.
72 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
4. L’ONU adopte des décisions destinées à satisfaire les deux
camps : le principe du retrait des territoires occupés par l’État
d’Israël est lié à celui de la reconnaissance de l’existence de celuici et son droit à vivre en paix à l’intérieur de frontières reconnues ;
la liberté de navigation pour les navires israéliens se trouve placée
à côté du juste règlement du problème des réfugiés palestiniens.
◗◗ Vers l’étude de documents du BAC
Ces extraits de texte présentent deux décisions de l’ONU sous
forme de résolution, l’une émanant de l’Assemblée générale et
l’autre du Conseil de sécurité, deux institutions essentielles de
cette organisation internationale. Ces deux résolutions s’inscrivent dans le contexte de la guerre des Six Jours qui a bouleversé
la géopolitique régionale avec la conquête et l’occupation de territoires arabes par Israël : Sinaï, Bande de Gaza, la Cisjordanie et
Jérusalem-Est, le plateau du Golan.
Ces résolutions témoignent d’un état de tensions permanent
entre Israël et les États arabes, portant sur différents points. En
premier lieu, les États arabes de la région ne reconnaissent pas la
création de l’État hébreu en Palestine. De plus, la première guerre
israélo-arabe et la guerre des Six Jours ont créé l’existence de réfugiés palestiniens qui ont quitté les territoires occupés par Israël
depuis 1948 pour se réfugier dans les territoires arabes voisins,
posant la question de leur retour. Les frontières entre Israël et les
États arabes voisins, lignes d’armistice provisoires fixées en 1949,
sont aussi sources de contestations multiples. Enfin le statut de
Jérusalem, ville sainte pour le judaïsme, le christianisme et l’islam
reste sujet à controverse entre les Israéliens et les Arabes.
L’intérêt de ces résolutions réside dans le fait qu’elles serviront de base à toutes les négociations ultérieures sur le conflit
israélo-arabe.
Étude 4 p. 142-143
L’islamisme, un facteur de conflit au Proche et
Moyen-Orient ?
Cette étude pose le problème de la place exacte à accorder à
l’islamisme, comme facteur explicatif des conflits au Proche et
au Moyen-Orient. Il est essentiel d’insister sur le fait que l’islamisme n’est pas porteur en soi de tensions quand il est intégré aux
sociétés et aux institutions des pays dans lesquels il se développe.
Mais son idéologie anticolonialiste et antioccidentale, sa critique
des gouvernements arabes laïcs ont fait de cette idéologie un des
vecteurs des contestations et des conflits de la région.
→Document 1 : Une définition de la société islamique
L’islamisme se présente de plus en plus comme une réponse alternative à l’occidentalisation associée à la politique extérieure des
États-Unis mais aussi comme un refus de toute ingérence ou
influence étrangères. Ce tournant est pris dans les années 1960
comme en témoigne la radicalisation des Frères Musulmans égyptiens et leur hostilité grandissante envers le régime de Nasser.
L’évolution de la pensée de l’écrivain nationaliste Sayyit Qotb,
figure indépendantiste des années 1940, traduit le passage du
nationalisme vers l’islamisme. Qotb rejoint les Frères Musulmans
en 1953 après avoir vivement dénoncé le « vide intellectuel » caractérisant le modèle américain et la société égyptienne qui s’est
éloignée de l’islam, perdant ainsi son identité. Le texte fait référence au concept de « Jahiliya », « l’ignorance de l’islam », dont
il faut sortir en renversant les élites au pouvoir pour mettre en
place une société plus équitable basée sur le Coran dans lequel se
trouvent toutes les réponses au déclin du monde arabe. Ces pages
ont servi de prétexte au pouvoir égyptien pour accuser Qotb de
complot. Il est arrêté et pendu en 1966. Sa postérité est immense.
Il est considéré comme l’un des penseurs clefs du djihad, c’est-àdire de la nécessaire reconquête islamique de la société.
→Document 2 : La charte du Hamas, 1988
Le mouvement de la résistance islamique (Hamas) est né pendant
la première Intifada (1987-1993) ; il se présente comme la section palestinienne de la confrérie des Frères musulmans, mais sa
charte s’intéresse davantage à la question nationale palestinienne
qu’à l’islamisation de la société.
Pour le Hamas, la Palestine mandataire est un bien religieux inaliénable (waqf), qu’il est impossible d’abandonner, même en partie. Il incombe donc à tous les musulmans de mener le djihad pour
libérer la Palestine de l’occupation juive. Le Hamas ne se pose pas
ouvertement en rival de l’OLP, mais ses références constantes à
l’islam et sa condamnation des efforts de paix avec Israël (notamment les accords d’Oslo) montrent qu’il propose une autre orientation que l’organisation de Yasser Arafat. Aujourd’hui le Hamas
est considéré comme une organisation terroriste par les ÉtatsUnis et l’Union européenne. Mais au long des années, cette charte
est de moins en moins citée par les responsables du mouvement,
dont les positions ont évolué, notamment sur la question de l’instauration d’un État islamique. Pour jouer un rôle dans le règlement du conflit israélo-palestinien, le Hamas devra passer par les
mêmes révisions que l’OLP à la fin des années quatre-vingt.
→Document 3 : L’assassinat d’Anouar El-Sadate,
6 octobre 1981
Anouar al-Sadate participe à la révolution de 1952, qui renverse
la monarchie, aux côtés de Nasser. Il est chargé par lui de mener
la répression contre les Frères musulmans en Égypte qui lui en
tiendront toujours rigueur. Succédant à Nasser en 1970 à la présidence de la République, il mène une politique de négociations
avec Israël. En 1977, il est le premier chef d’État arabe à se rendre
à Jérusalem, amorçant le processus de Camp David, qui aboutit au traité de paix israélo-égyptien en 1979. Il obtient alors le
Prix Nobel de la paix avec le Premier ministre israélien Menahem
Begin en 1978.
Le 6 octobre 1981, le président égyptien Anouar al-Sadate est
victime d’un spectaculaire attentat, lors d’une parade militaire.
Sadate paye de sa vie la normalisation des relations entre l’Égypte
et Israël, perçue comme une trahison par les islamistes.
→Document 4 : L’Iran, un exemple de puissance islamiste
et régionale
L’Iran est une incontestable puissance régionale appuyée sur son
poids économique (pétrole) mais aussi démographique (78 millions d’habitants) et une situation stratégique. L’influence iranienne au Proche et Moyen-Orient s’exerce notamment à travers
un soutien aux communautés chiites de la région : il livre des
armes aux milices chiites de Moqtada Al-Sadr en Irak et du Hezbollah au Liban (voir doc. 5). L’Iran entretient aussi de multiples
liens avec la Syrie : le clan Assad au pouvoir depuis les années
soixante-dix s’appuie sur une base confessionnelle, les alaouites,
constituant une branche du chiisme ; mais ce sont surtout des
accords militaires qui scellent l’alliance entre les deux États. Ces
alliances constituent le croissant chiite dont l’Iran est le pivot et
qui entretient des relations tendues avec les puissances régionales
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
• 73
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3. Ce conflit a des conséquences territoriales importantes qui
bouleversent la géopolitique de la région : les forces armées israéliennes conquièrent et occupent le Sinaï, la Bande de Gaza, la
Cisjordanie avec Jérusalem-Est (annexé en 1967) et le plateau du
Golan (annexé en 1981). C’est la naissance du problème des « Territoires occupés ».
sunnites, au premier rang desquelles l’Arabie Saoudite, reproduisant la vieille opposition religieuse entre chiites et sunnites.
Des puissances extra-régionales constituent aussi des alliés de la
République islamique : la Russie pour qui l’Iran constitue à la fois
un important marché d’armes, mais aussi un pôle de résistance à
l’influence américaine dans la région. Quant à la Chine, elle soutient l’Iran pour des raisons économiques (énergie) et stratégiques
(présence au Moyen-Orient).
L’affirmation de l’Iran en tant que puissance régionale montre
aussi l’évolution du régime, où, malgré un discours islamiste de
façade, c’est le nationalisme qui tend à devenir la véritable source
de légitimité du pouvoir en place. Cette nationalisation de l’islamisme, selon Olivier Roy (politologue, spécialiste de l’Islam), s’observe dans de nombreux mouvements au Proche-Orient, comme
le Hezbollah libanais ou le Hamas palestinien.
Le programme nucléaire iranien a été relancé en pleine guerre
Iran-Irak (1980-1988). De nombreux faits convergents (souci de
dissimulation, acquisition d’une technologie d’enrichissement de
l’uranium qui sert uniquement à produire une bombe) témoignent
d’un programme nucléaire à finalité militaire. La communauté
internationale a alors demandé un arrêt de cette filière militaire,
y compris en imposant des sanctions (restriction des échanges
commerciaux, notamment pour les échanges de technologie)
par des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU. La doctrine
nucléaire iranienne n’est pas connue, mais la multiplication des
prises de position contre Israël, notamment celles de l’ancien
président iranien Mahmoud Ahmadinejad, peut constituer en
soi une menace potentielle. L’élection en 2013 du nouveau président iranien Hassan Rohani, plus modéré, permet de rouvrir
des négociations en novembre avec le groupe 5+1 (États-Unis,
Chine, Russie, Royaume-Uni, France et Allemagne). Elles aboutissent alors à un accord historique permettant de limiter le
programme nucléaire iranien à des activités uniquement civiles
en échange d’une levée partielle des sanctions économiques.
→Document 5 : Manifestation de soutien au Hezbollah
libanais à Téhéran
Le Hezbollah (le « Parti de Dieu ») est une organisation politicomilitaire libanaise créée par l’Iran, au moment de l’invasion israélienne au Liban en 1982, qui le finance et lui procure des armes.
Hassan Nasrallah prend la tête de ce mouvement en 1992, dont
la base confessionnelle est constituée par la communauté chiite
libanaise. Le Hezbollah tire sa légitimité de la lutte contre Israël,
dont il obtient le départ du sud-Liban en 2000. Cette manifestation en Iran se déroule pendant l’été 2006, lors de l’intervention
israélienne au sud du Liban contre les positions du Hezbollah, qui
bombardaient le nord d’Israël.
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◗◗ Réponses aux questions
1. Selon Sayyid Qotb, les sociétés qui ne sont pas islamiques
sont les sociétés communistes, juives et chrétiennes ; ce sont
également des sociétés musulmanes qui ne sont pas organisées
selon des règles religieuses. Toutes ces sociétés entrent dans
la catégorie de « société de l’ignorance islamique ». Ses idées
influencent les Frères musulmans du Hamas qui prônent la lutte
contre l’occupation juive de la Palestine sous la forme du djihad.
Elles influencent aussi l’action terroriste d’extrémistes islamistes,
qui, par exemple, ont assassiné le président égyptien, Anouar ElSadate, pour avoir signé des accords de paix avec Israël.
2. Les objectifs du Hamas accroissent les tensions en portant le
problème de la Palestine sur le terrain religieux ; en effet, pour le
Hamas, l’occupation par les Israéliens de confession juive d’une
terre islamique, qui abrite de surcroît des lieux saints, impose à
tous les musulmans de combattre pour libérer la Palestine.
3. La politique iranienne peut contribuer à aggraver les tensions
internationales au Proche et Moyen-Orient. En prenant la tête
d’une alliance des communautés chiites, l’Iran s’oppose ouvertement à certains États arabes sunnites de la région. De plus leurs
livraisons d’armes à des mouvements islamistes régionaux entretiennent des risques de déstabilisation à l’intérieur de certains
États. Enfin le programme nucléaire iranien peut constituer une
menace pour des États considérés comme ennemis dans la région,
à l’exemple d’Israël.
◗◗ Vers la composition du BAC
L’islamisme peut contribuer à être un facteur de déstabilisation des
États et d’aggravation des tensions au Proche et Moyen-Orient.
L’islamisme appuie sa doctrine sur l’opposition irréductible qui
existe entre des sociétés islamiques et des sociétés qui n’ont pas
adopté la loi religieuse dans leur organisation sociale : les sociétés communistes, chrétiennes, juives mais aussi certaines sociétés
musulmanes sont clairement dénoncées par des théoriciens de
l’islamisme comme Sayyid Qotb.
Les islamistes combattent toute influence jugée étrangère au
Proche et Moyen-Orient d’États non musulmans. Ainsi pour le
mouvement islamiste du Hamas le règlement du problème palestinien ne passe pas par des négociations avec Israël, mais par
une lutte pour libérer la Palestine de l’occupation israélienne. Le
Hezbollah défend l’intégrité territoriale du Liban contre Israël.
Ils combattent aussi des gouvernements musulmans ne faisant
pas appliquer la loi religieuse ou « pactisant » avec des ennemis
de l’islam ; le président égyptien, Anouar El-Sadate est assassiné
pour avoir signé des accords de paix avec Israël. La politique extérieure menée par l’Iran, seul état islamiste de la région, peut aussi
constituer un facteur de conflit ; ainsi il livre des armes aux mouvements islamistes qui combattent toutes influences étrangères
en terre d’islam, en n’hésitant pas à recourir au terrorisme.
Cependant il faut relativiser le poids du facteur religieux dans les
luttes menées par les mouvements islamistes, dont les motivations semblent être davantage nationalistes.
Histoire des arts p. 144-145
Photojournalisme et conflit au Proche
et Moyen-Orient
À partir des années trente se développe un métier ou une technique journalistique, le photojournalisme, qui consiste à fournir
aux journaux des reportages photographiques, éventuellement
accompagnés d’articles. La mise au point de petits appareils
photographiques performants a permis aux photojournalistes de
couvrir les conflits au cœur de l’action. Le travail de Robert Capa
(1913-1954) pendant la guerre d’Espagne, la Seconde Guerre mondiale ou la guerre d’Indochine a donné ses lettres de noblesse à ce
nouveau type de reportage.
Le Proche et le Moyen-Orient sont souvent associés à la guerre,
avec son cortège de destructions, de souffrance des civils, d’affrontements entre militaires et civils, thèmes qui se retrouvent
dans ces photographies de presse distinguées par la communauté
des photoreporters mais aussi dans les autres photographies du
chapitre. Le choix de ces deux photographies doit permettre de
faire réfléchir les élèves sur la construction de l’image et la perception qu’elles donnent de cette région marquée par les conflits.
→Document 1 : réfugiés palestiniens à Beyrouth (Liban)
en 1976, photographie de Françoise Demulder
Françoise Demulder (1947-2008) est la première correspondante
de guerre à recevoir le prix World Press en 1977. Avant d’arriver
74 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
→Document 2 : Affrontements entre soldats israéliens et civils
palestiniens à Hébron en 1997, photographie de Wendy Lamm
Wendy Lamm est une photojournaliste américaine née en 1964
qui travaille à ses débuts aux États-Unis. Elle est en poste à partir
de 1996 à Jérusalem, comme correspondante de l’Agence France
Presse. Pendant les émeutes anti-israéliennes à Hébron le 9 avril
1997, la photographe saisit l’instant où un palestinien jette des
pierres à des soldats israéliens qui ripostent en lui tirant dessus
avec des balles en caoutchouc. L’inégalité de l’armement utilisé
dans les deux camps permet d’évoquer avec les élèves la notion
de guerre asymétrique.
◗◗ Réponses aux questions
1. Sur ces deux photographies sont présentés des miliciens, des
civils et des soldats, tous acteurs des conflits de la région.
2. Ces photographies montrent des civils, victimes de ces conflits,
car ils sont pris dans des combats entre factions adverses, subissant ainsi des dommages matériels et physiques. Elles montrent
aussi des civils qui s’engagent volontairement dans les conflits en
attaquant des forces armées régulières.
3. La première photographie juxtapose trois plans : le milicien
phalangiste domine le premier plan de la photographie ; le deuxième plan est occupé par les civils palestiniens, qui s’enfuient du
quartier en flammes ou qui, dans le cas de la femme palestinienne,
font face au milicien pour l’implorer. Enfin au dernier plan apparaissent des habitations en train de brûler. La deuxième photographie est divisée en deux avec à gauche les soldats israéliens et à
droite les civils palestiniens révoltés, en train de jeter des pierres.
4. Dans la première photographie, le visage suppliant de la femme
avec les mains en position d’imploration, le pas accéléré des
autres palestiniens s’enfuyant sur fond d’habitations en flammes,
tout suggère la souffrance des civils pendant les combats. La deuxième photographie montre deux camps irréconciliables dans la
détermination des soldats et des civils palestiniens à s’affronter.
Elle montre aussi le caractère inégal du combat entre des soldats
utilisant des fusils et des civils, jetant des pierres.
5. Les combattants professionnels, miliciens et soldats israéliens,
sont présentés en position de force dans les combats.
◗◗ Vers l’étude de documents du BAC
En premier lieu ces deux photographies insistent sur la place des
guerres civiles au Moyen-Orient, qui constituent un type essentiel
des conflits dans la région. Celles-ci opposent à l’intérieur d’un
État des combattants et des civils appartenant à des communautés différentes : milices chrétiennes contre des civils musulmans au Liban ; soldats israéliens contre des civils palestiniens. La
confrontation des deux photographies permet aussi de montrer la
place différente des civils dans ces conflits, soit subissant les combats ou participant à ceux-ci en tant que protagonistes directs.
En saisissant les images dans l’action des événements, les photographes insistent sur l’atmosphère de violence qui règne dans la
région. Photographes occidentaux, ils mettent l’accent aussi sur la
détresse des civils, pris dans ces conflits. Enfin ils insistent sur la
situation d’infériorité des civils dans les combats, quelque que soit
leur position, face à des combattants professionnels.
Cours 1 p. 146-147
Une région prise entre convoitises étrangères
et affirmations nationales
•Présentation
Cette première leçon a pour objet à la fois de montrer les facteurs
permanents de tensions au Proche et Moyen-Orient depuis 1945,
mais également des facteurs plus conjoncturels liés à l’interaction
entre les interventions de puissances extérieures à la région, le jeu
des nationalismes locaux, et la résurgence de l’islamisme dans les
années soixante-dix. Afin de mieux comprendre ces facteurs le
choix s’est porté sur un plan de leçon chrono-thématique, qui met
mieux en valeur chaque catégorie de facteurs dans trois parties
distinctes.
• Choix des documents « appuis » du cours
L’indication du choix de quelques documents dans la colonne
est destinée aux enseignants. Il souligne des documents d’appui
dans les études qui évitent d’étudier celles-ci dans leur intégralité
pour gagner du temps, au vu des horaires très réduits (2 heures)
qui sont impartis à la classe de terminale S. Mais cette sélection
de certains documents doit aussi servir aux élèves, qui doivent
appuyer leur raisonnement sur des exemples précis, leur permettant ainsi de mieux hiérarchiser leur argumentation. L’étude de
ces documents s’avère également un entraînement incontournable dans la perspective de la deuxième partie de l’épreuve du
baccalauréat, portant sur l’étude de documents.
Le tableau p. 136 présentant le capital de quelques compagnies
pétrolières illustre les intérêts occidentaux dans la participation
aux capitaux des compagnies concessionnaires.
Le texte p. 136 présentant l’arme du pétrole illustre les deux
volets de l’utilisation du pétrole comme arme politique, en temps
de guerre et en temps de paix.
La carte p. 130 présentant la diversité des peuples et des religions
permet de montrer que cette mosaïque peut constituer un facteur de tensions intercommunautaires.
Le texte p. 138 présentant le discours de Nasser permet de montrer que la persistance du facteur colonial est une des clefs de la
compréhension de la crise de Suez.
Le texte p. 154 présentant la Déclaration d’Eisenhower illustre
parfaitement les nouvelles ambitions géopolitiques américaines
au Proche et Moyen-Orient ; de plus le caractère synthétique
de ce document en fait un texte clef dans les choix possibles de
l’épreuve du baccalauréat.
La photographie p. 137 présentant des soldats américains devant
un blindé irakien détruit sur fond de puits de pétrole en feu illustre
les enjeux de l’intervention américaine en Irak.
Le texte p. 142 de Sayyid Qotb présentant une définition de la
société islamique montre en quoi l’islamisme peut constituer un
facteur de conflit par sa dénonciation des sociétés non-islamiques.
La photographie p. 142 présentant l’assassinat d’Anouar ElSadate montre la contestation radicale par certains groupes islamistes de certains régimes musulmans.
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
• 75
© Hachette Livre 2014
au Liban, elle couvre la guerre du Vietnam. Afin de s’imprégner
des lieux à photographier, elle avait l’habitude de s’installer plusieurs mois dans la région de ses reportages. Cette photographie
a été prise dans la matinée du 18 janvier 1976 à Beyrouth dans le
quartier précaire de la Quarantaine où s’entassent près de 30 000
réfugiés palestiniens. En 1975, le Liban sombre en effet dans la
guerre civile entre milices chrétiennes, palestiniennes et druzes,
dans laquelle les populations civiles sont prisonnières des combats. Cette photographie est prise au moment où ce quartier
musulman tombe aux mains des milices chrétiennes. Françoise
Demulder saisit l’instant où une Palestinienne implore un soldat
phalangiste cagoulé armé d’un fusil. Cette image est devenue le
symbole du drame palestinien pendant cette guerre et fut placardée sur les murs de Beyrouth. De cette photographie est née une
amitié entre la photographe et Yasser Arafat, le leader palestinien.
La carte p. 143 présentant l’Iran comme une puissance islamiste
et régionale montre en quoi la politique de cet État islamiste peut
constituer un facteur de conflit.
Cours 2 p. 148-149
Le conflit israélo-arabe depuis 1948
•Présentation
Cette deuxième leçon a pour objet de montrer le rôle central du
conflit israélo-arabe dans le cadre plus général de ce chapitre sur
le Proche et le Moyen-Orient, foyer de conflits. En effet, par l’implication de ses multiples acteurs ce conflit possède une résonnance qui va de l’échelle locale à l’échelle internationale, en passant par la permanente tension qu’il entretient entre les États de
la région. Ce rôle central du conflit israélo-arabe se renforce avec
le fait qu’il est un facteur d’unité ou de division des États arabes.
Enfin, il constitue un élément déterminant des politiques extérieures menées dans la région.
Le choix d’un plan chronologique se justifie par le fait qu’il permet de montrer l’évolution de ce conflit. De plus s’il existe parfois
des connexions avec d’autres conflits dans la région (voir la crise
de Suez), il possède aussi sa chronologie propre. Ces arguments
expliquent le choix de présenter ce conflit dans une leçon séparée.
• Choix des documents « appuis » du cours
Les cartes 2a et 2b p. 132 présentant le territoire d’Israël entre le
plan de partage de l’ONU de 1947 et la première guerre israéloarabe de 1948 montre les évolutions géopolitiques de la Palestine.
La carte p. 138 présentant les interventions militaires en 1956
montre le déroulement des opérations israéliennes pendant la
crise de Suez.
L’Étude 3, p. 140-141 présentant la guerre des Six Jours permet de
montrer les multiples enjeux du conflit israélo-arabe.
La carte 2c, p. 132 présentant le territoire d’Israël montre que la
guerre des Six Jours bouleverse la géopolitique régionale.
La photographie p. 142 présentant l’assassinat d’Anouar ElSadate montre les positions divisées du monde arabe vis-à-vis de
l’existence d’Israël au début des années quatre-vingt.
La photographie 1, p. 134 présentant Yasser Arafat et les fédayins
montre les orientations initiales du leader palestinien privilégiant
la lutte armée dans la confrontation avec Israël.
Le texte p. 152 présentant les accords d’Oslo montre les difficultés de leur application dans le cadre du processus de paix.
La carte 1, p. 149 présente les territoires palestiniens sur lesquels s’exerce le pouvoir autonome de l’Autorité palestinienne
et montre la Bande de Gaza sur laquelle s’exerce le contrôle du
Hamas.
Le document 2, p. 149 présente l’évolution numérique du peuple
arabe et juif en Palestine et en Israël.
Prépa Bac p. 150-151
◗◗ Composition
Sujet guidé : La Palestine, un foyer de conflit
depuis 1948.
2. Présenter le sujet
La troisième phrase correspond le mieux au sujet car elle fait référence aux différentes formes de conflits après 1948. La première
phrase se limite aux conflits entre Israël et les Palestiniens en
excluant les États arabes voisins. La deuxième phrase ne prend
en compte que les guerres en excluant les différentes formes de
conflits.
3. Construire un plan
1. La Palestine, enjeu des guerres israélo-arabes de 1948 à 1978
A. 1948, conséquences de la création de l’État d’Israël.
B. 1967 et 1973, deux conflits armés aux dimensions internationales.
C. Le renforcement du nationalisme palestinien après 1967.
2. Depuis 1978, entre négociations et affrontements
A. La lutte des Palestiniens dans les territoires occupés.
B. La recherche de la paix et ses limites.
4. Rédiger l’introduction et la conclusion
1. De 1948, date de la création de l’État d’Israël, jusqu’à
aujourd’hui, la Palestine est au cœur de nombreux conflits
régionaux et internationaux. Cette période a été marquée par
des guerres, des déplacements de populations, des négociations
ou encore des actes de terrorisme. Nous verrons tout d’abord
que la Palestine est, de 1948 à 1978, l’enjeu des guerres israéloarabes. Puis, qu’à partir de 1978, s’ouvre une période marquée par
des négociations, mais aussi des affrontements.
2. Ne parlant que de la situation actuelle, cette conclusion ne fait
pas un bilan du sujet. L’ouverture s’éloigne trop du sujet même si
elle concerne la région du Moyen-Orient.
3. Depuis 1948, les conflits qui se sont déroulés en Palestine ont
une dimension à la fois régionale et internationale. Aujourd’hui les
tensions persistent faute d’accords entre Israéliens et Palestiniens.
Sujet en autonomie : Le Proche et le Moyen-Orient,
un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre
mondiale.
Le sujet nous invite à étudier d’abord les facteurs de conflits puis
à identifier leurs différentes échelles.
1. Les facteurs de tensions régionales
A. Des ressources et frontières discutées.
B. La création de l’État d’Israël.
C. Les revendications identitaires : nationalisme et islamisme.
2. Des conflits à différentes échelles
© Hachette Livre 2014
A. Des guerres civiles (Liban, Syrie).
B. Des guerres interétatiques (Iran / Irak, guerres du Golfe).
C. Des conflits régionaux aux dimensions internationales (guerres
israélo-arabes, Intifadas).
En conclusion, il convient de faire remarquer que si les tensions
restent toujours présentes aujourd’hui, des lueurs d’espoir sont
perceptibles et qu’un embrasement généralisé de la région semble
écarté pour le moment.
76 • Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
Prépa Bac p. 152-154
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet guidé : La question palestinienne depuis les années 1990.
4. Confronter les documents
Thèmes abordés dans la 1re partie de la consigne :
« ce que les accords d’Oslo ont institué »
→Document 1
→Document 2
– Rencontre entre Yitzhak Rabin
– Des négociations qui se sont déroulées en 1992 à
et Yasser Arafat à Washington en
Oslo sous l’égide des États-Unis et qui aboutissent
pour la première fois entre Israéliens et Palestiniens. présence de Bill Clinton en 1993.
– 13 septembre 1993, signature à
Washington de la « déclaration de
principes » par Yitzhak Rabin et Yasser
Arafat ;
– « Poignée de main historique
encouragée par le président américain
Bill Clinton ».
– Les accords d’Oslo, signés en 1993 à Washington
par Yasser Arafat et le Premier ministre israélien
Yitzhak Rabin, reconnaissent officiellement
l’existence politique de la Palestine, première étape
vers la création d’un État palestinien.
– « Les premiers acceptaient de
reconnaître l’OLP comme seul
représentant du peuple palestinien,
laquelle a donné naissance à l’Autorité
palestinienne. »
– Deux territoires distincts et
délimités : Israël d’un côté et des
territoires palestiniens de l’autre.
– Le type d’obstacle uniquement abordé dans le document 1 est
« un mur de séparation construit par l’État israélien entre Israël et
les territoires palestiniens depuis 2002 ».
– Le type d’obstacle évoqué uniquement par le document 2 est
« depuis plus de 20 ans, le nombre des colons israéliens a plus que
doublé […] l’État juif a annoncé la construction de plus de 3 600
nouveaux logements dans les colonies. »
Sujet en autonomie : Le Moyen-Orient, entre convoitises internationales et affirmations nationales.
La confrontation des deux documents permet de faire ressortir
les causes de la convoitise suscitée par le Moyen-Orient et les
conséquences qui en découlent.
A. La crise de Suez de 1956 et le rejet de l’impérialisme occidental.
B. Les menaces d’affrontement armé dans un contexte de guerre
froide.
Il est intéressant de préciser, en conclusion, que le contexte de la
guerre froide a été un facteur aggravant des tensions au MoyenOrient, particulièrement à la fin des années 1950.
© Hachette Livre 2014
1. Le Moyen-Orient est l’objet de convoitises
A. Une position géostratégique.
B. Des ressources cruciales pour l’Occident (hydrocarbures).
C. La revendication des lieux saints.
2. Les tensions que cela entraîne dans les années 1950
Histoire - Chapitre 5 - Le Proche et le Moyen-Orient, un foyer de conflits depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale
• 77
HISTOIRE
thème 3 Les échelles de gouvernement dans le monde
chapitre 6
ouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement,
G
administration et opinion publique
p. 158-185
Programme : Thème 3 – Les échelles de gouvernement dans le monde (11 à 12 heures)
Question
Mise en œuvre
L’échelle de l’État-nation
Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion
publique.
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
© Hachette Livre 2014
L’objet du chapitre, comme toute l’architecture du thème 4
consacré aux échelles de gouvernement dans le monde, est repris
du programme actuel des séries ES et L, avec quelques modifications notables. Par l’analyse successive de trois situations prises
à des points de vue concentriques (l’échelle nationale avec la
France, l’échelle continentale avec l’Europe, l’échelle mondiale
avec la gouvernance économique), il s’agit d’étudier la manière
dont le gouvernement s’exerce dans le monde d’aujourd’hui. Si
les bornes chronologiques sont les mêmes que pour les ES et les
L, il faut remarquer que la perspective est complétée par l’introduction de la question de l’opinion publique, ce qui peut être une
façon de compenser la suppression du thème « Médias et opinion publique dans les grandes crises politiques en France depuis
l’affaire Dreyfus » en série S.
Ce chapitre appelle à plusieurs questionnements complémentaires, à traiter en classe en 4 ou 5 heures, ce qui interdit toute
prétention à l’exhaustivité. On peut d’abord s’interroger sur la
construction d’un modèle de gouvernement en France après la
Libération. L’opposition classique entre les constitutions de la IVe
et de la Ve République mérite d’être nuancée par un accent mis sur
les évolutions des institutions de la Ve République, qui n’est donc
pas un système figé et immuable. Il s’agit ensuite de passer de la
théorie à la pratique, en analysant un instrument de la présence
de l’État (l’École nationale d’Administration), ainsi que son action
concrète dans divers domaines : l’économie (l’État entrepreneur),
la gestion du territoire (la décentralisation), le social (l’État-providence), la culture (les grands projets tels que la pyramide du
Louvre). Cette action s’inscrit dans un contexte de mondialisation
croissante, qui dépouille progressivement l’État de ses prérogatives à contrôler les conditions de vie du pays et fait fréquemment
parler d’un « recul de l’État » à nuancer. Enfin, il faut analyser
les réactions du gouvernement face aux mouvements de l’opinion publique, la fiche Éduscol proposant de l’analyser à travers
l’exemple de mai 1968, illustrant « les nouvelles revendications
issues de la génération du baby-boom ».
◗◗ Débat historiographique et quelques notions
du chapitre
La notion de modèle français semble aujourd’hui contestée.
L’étude du gouvernement de la France depuis 1946 appelle immanquablement à une réflexion sur un supposé « modèle français »
élaboré à la Libération, à partir du programme du Conseil national de la Résistance, et progressivement remis en cause depuis
la crise économique des années 1970. Cette idée, globalement à
valider, mérite également d’être nuancée.
Les années 1944-1946 construisent effectivement un vaste système cohérent marqué par le rôle moteur de l’État dans l’économie et dans la protection sociale, dans une optique résolument
keynésienne. Selon la typologie de Pierre Rosanvallon, l’État,
qui était avant tout régalien (assurant les fonctions primordiales
de défense, de police, de justice et de monnaie), se fait à la fois
entrepreneur (les grandes nationalisations), organisateur de la
production (le système de la planification), protecteur (les assurances sociales de l’État-providence) et aménageur du territoire
(plan Jeanneney de 1960, création de la DATAR en 1964, schéma
directeur d’aménagement urbain de la région parisienne en 1965).
La rupture avec le passé n’est toutefois pas totale, puisque l’État
monarchique puis républicain avait eu l’occasion d’imprimer sa
marque dans l’économie (colbertisme, constitution d’un réseau de
chemin de fer).
La crise des années 1970 met cependant l’État face aux limites de
son action. Les nombreuses interventions destinées à sauver tous
les pans menacés de l’appareil productif montrent leur coût très
important et leur manque d’efficacité (Élie Cohen, L’État-brancardier : politiques du déclin industriel, 1974-1984, Calmann-Lévy,
1989), d’où une remise en cause généralisée du modèle dans les
années 1980 sous l’influence d’une deuxième gauche moins dirigiste et moins jacobine et surtout du libéralisme incarné en 1986
par le gouvernement de Jacques Chirac. L’érosion du rôle de l’État
se manifeste par un retrait progressif du secteur productif (les
vagues de privatisations) et par l’intégration croissante dans la
construction européenne, mais elle n’est pas totale, à la demande
même des Français qui cherchent à garder un État protecteur
contre les risques sociaux (Assurance maladie, RMI puis RSA) et
contre les conséquences de la mondialisation.
•Administration. Ce terme désigne à la fois l’activité de gérer
un territoire et une catégorie de personnels chargés d’exercer
cette tâche, relevant de la fonction publique. Celle-ci, forte de
5,5 millions de personnes, comprend trois corps distincts : la
fonction publique d’État (employés des ministères), la fonction
publique territoriale (employés des collectivités territoriales :
régions, départements, communes, communautés de communes)
et la fonction publique hospitalière (employés des hôpitaux et des
établissements médico-sociaux). Il est ici surtout question de la
haute administration, de sa formation par l’École nationale d’Administration (Étude 1) et de ses relations avec le politique.
• Politique
publique. Cette expression, traduite de l’anglais
public policy dans les années 1970, présente plusieurs définitions,
notamment étudiées par Jean-Claude Thoenig et Yves Mény (Les
Politiques publiques, PUF, coll. Thémis, 1989). Pour les résumer,
on peut parler d’un programme gouvernemental d’actions cohé-
78 • Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
• Gouvernement / gouvernance. Le terme classique de gou-
vernement, figurant dans le sous-titre du chapitre, renvoie à la
manière d’exercer le pouvoir exécutif par la prise de décisions
politiques s’appliquant sur tout le territoire d’un État. Nettement
interventionniste à partir de 1946 dans le cadre de la Reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, plus libéral après les
années 1980, malgré d’importantes nuances selon les sensibilités
politiques au pouvoir, le gouvernement de la France est à l’origine
de nombreuses réformes ayant modifié la façon de vivre dans le
pays.
La notion de gouvernance, quant à elle, mise en avant dans l’intitulé des autres chapitres du thème 3, est beaucoup plus récente
dans la vie politique française. Ce vieux mot français, synonyme
de gouvernement, est passé dans la langue anglaise où il a surtout été appliqué dans le domaine économique, dans le sens d’une
bonne coordination entre la direction et les actionnaires d’une
grande entreprise. Le mot est ensuite revenu en France au cours
des années 1990, pour désigner un type de gestion des affaires
publiques moins marqué par une stricte hiérarchie entre les responsables (comme dans le gouvernement) que par la recherche
d’un équilibre entre les détenteurs du pouvoir, d’une plus grande
transparence des décisions et d’une meilleure prise en compte
des aspirations populaires. Ce mode de gestion du pouvoir a par
exemple été invoqué par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin
et par le président américain Barack Obama. Pour le politologue
Philippe Moreau Defarges (auteur de La Gouvernance, PUF, 2011),
« un gouvernement est un organe institutionnel. Installé au sommet de la hiérarchie étatique, il donne des ordres qui descendent
de haut en bas de l’échelle sociale. La gouvernance n’est pas une
entité, c’est un système rejetant toute hiérarchie » qui privilégie
la négociation permanente.
• Opinion publique. Cette expression, fréquemment employée
par les médias qui y sont très attentifs, n’est pas toujours facile à
cerner. Il est utile de rappeler que son origine date de la France du
xviiie siècle. L’opinion publique se résume à cette époque à l’expression publique des opinions de la bourgeoisie intellectuelle et
commerçante à travers les discussions des salons et les différentes
publications (brochures, libelles, pamphlets) destinées à tenter
d’influencer les autorités. À partir de la Révolution, sa conception
s’élargit au fur et à mesure que le suffrage censitaire s’installe puis
laisse la place au suffrage universel (masculin en 1848, puis féminin en 1944). Avec la diffusion du droit de vote, l’opinion publique
se matérialise à échéances régulières par le résultat des urnes,
mais aussi par des protestations collectives et des manifestations
de rue exprimant un désaccord avec la politique des gouvernements. Cette opinion est également de plus en plus relayée par les
journalistes, qui alimentent le débat public grâce à l’émergence
des médias de masse et cherchent à jouer un rôle de contre-pouvoir, ainsi que, depuis les élections présidentielles de 1965, par les
instituts de sondages, qui tentent de la mesurer scientifiquement
au moyen de questionnements réguliers réalisés sur des échantillons censés être significatifs. Devenus omniprésents dans la vie
politique, non seulement avant chaque échéance électorale, mais
à des périodicités de plus en plus rapprochées (les baromètres de
popularité des hommes politiques), les sondages sont à la fois très
suivis par le personnel politique, très commentés par les médias
et fréquemment remis en question pour leur caractère volatile et
difficilement interprétable. Ils ne suffisent pas à rendre compte de
la complexité de l’état de l’opinion publique.
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages universitaires
M.-O. Baruch, Servir l’État français. L’Administration en France de
1940 à 1944, Fayard, 1997.
M.-O. Baruch, V. Duclert (dir.), Serviteurs de l’État, une histoire
politique de l’Administration française 1875-1945, La Découverte,
2000.
M. Bernard, Histoire politique de la Ve République, Armand Colin,
2008.
J.-L. Bodiguel, M.-C. Kessler, L’École nationale d’administration,
préface de M. Debré, Presses de la FNSP, 1978.
D. Chagnollaud, Le Premier des ordres. Les hauts fonctionnaires
(xviiie-xxe siècles), Fayard, 1991.
D. Chagnollaud, J.-L. Quermonne, Le Gouvernement de la France
sous la V e République, Fayard, 1996.
P. Gauchon, Le Modèle français depuis 1945, PUF, 2008.
S. Maury, Les Politiques publiques, La Documentation française,
2013.
P. Poirrier, L’État et la culture en France au xxe siècle, Librairie
Générale Française, 2006.
P. Rosanvallon, Le Modèle politique français. La société civile contre
le jacobinisme, Seuil, 2004.
• Sites Internet
http://www.assemblee-nationale.fr/
Le site officiel de l’Assemblée nationale rapporte l’actualité
des débats parlementaires, mais contient aussi les archives
des anciennes législatures, ainsi que quelques documents
pédagogiques.
http://www.senat.fr/
Le site officiel du Sénat, présentant une utile partie « mode
d’emploi ».
http://www.gouvernement.fr/gouvernement/
etat-et-collectivite
Le point sur l’actualité du gouvernement et sur les politiques
publiques par domaine.
http://www.service-public.fr
Un site présentant l’administration française du point de vue des
particuliers, en fonction des services qu’ils peuvent rechercher.
Introduction au chapitre p. 158-159
La double page d’ouverture du chapitre tente de rendre compte
de la complexité de la question du gouvernement de la France,
à la fois en termes diachroniques (la distance temporelle entre
les deux photographies, la chronologie) et d’un point de vue thématique (l’exercice du pouvoir par les responsables politiques, les
contestations de l’opinion publique). La problématique proposée,
très ouverte, appelle donc à des questionnements sur les mutations de la conception du rôle de l’État face aux revendications
croissantes de l’opinion publique et au nouveau contexte de la
mondialisation, qui dépasse largement le contexte étatique.
→Document 1 : La présentation de la Constitution
de la Ve République par le général de Gaulle à Paris,
le 4 septembre 1958
Le contexte de cette photographie très classique est bien connu :
après être revenu au pouvoir à la faveur des événements insurrectionnels d’Alger le 13 mai 1958 et avoir obtenu les pleins pouvoirs pour changer de constitution, le général Charles de Gaulle
Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
• 79
© Hachette Livre 2014
rentes destiné à résoudre un problème dans tel domaine sur un
territoire donné : une politique publique suppose à la fois une
intervention consciente de l’État ou des collectivités locales, un
objectif répondant à des besoins spécifiques et la mobilisation de
moyens importants, en particulier sur le plan financier (subventions, commandes, crédits, allègements de charges). Le chapitre
donne plusieurs exemples de politique publique dans les domaines
économique (Étude 2), social (Étude 5) et culturel (Histoire des
arts).
présente au peuple le texte qu’il a rédigé avec l’aide du juriste
Michel Debré, qui deviendra son Premier ministre. L’angle de vue
du cliché traduit bien la solennité de l’événement, qui se déroule
en un lieu (la place de la République, au pied de la grande statue incarnant la liberté politique) et à une date symbolique (le
4 septembre 1958, anniversaire de la proclamation de la IIIe République le 4 septembre 1870). Peu reconnaissable en raison de la
distance, De Gaulle est au premier plan, debout sur un podium
marqué des lettres RF (République française). Il est entouré d’une
haie de Gardes républicains, dont l’alignement rappelle le grand V
placé derrière la statue : ce signe polysémique désigne autant le
chiffre romain symbole de la Ve République que le V de la victoire
fréquemment utilisé pendant la seconde Guerre mondiale. Cette
savante mise en scène contribue à la large victoire remportée par
le futur chef de l’État (il n’est alors que président du Conseil) : la
Constitution est triomphalement adoptée par référendum trois
semaines plus tard.
→Document 2 : Les manifestations de rue, expression
d’une opinion publique qui veut peser dans les choix
gouvernementaux
La photographie montre une manifestation très animée, dans
la fumée des fumigènes et au milieu des drapeaux rouges de la
Confédération générale du travail (CGT), syndicat connu pour ses
revendications, qui a eu lieu devant le Sénat à l’automne 2010. L’objectif des manifestants était d’empêcher l’adoption de la réforme
des retraites présentée par le ministre Éric Woerth, qui prévoyait
notamment un relèvement de l’âge légal de la retraite (de 60 à
62 ans) et un allongement de la durée de cotisation. La pancarte
levée par un manifestant (« Écoutez la colère du peuple ») exprime
le mécontentement d’une partie des salariés devant ces mesures.
Même porté au pouvoir par une majorité d’électeurs, un gouvernement peut donc être confronté à une contestation plus ou moins
forte de ses décisions. Il n’a cependant pas cédé devant les pressions : la réforme a finalement été votée par le Sénat le 26 octobre
2010, puis par l’Assemblée nationale le lendemain.
La confrontation de ces deux images montre que, malgré les
apparences de grandeur et de solennité, le pouvoir des gouvernants n’est pas absolu et doit toujours composer avec les réactions, parfois très hostiles, de l’opinion publique.
◗◗ Frise
La frise chronologique met en contexte quelques grandes mesures
politiques par le cadre général des régimes politiques, des présidents de la République et des périodes de cohabitations. Elle met
en valeur deux périodes distinctes : celle de l’affirmation du rôle
de l’État à partir de la Libération, puis celle des mutations (plutôt
que d’un véritable déclin) à partir des années 1980.
© Hachette Livre 2014
Repères p. 160-161
Avec une mise au point sur les notions clés du chapitre à maîtriser
par les élèves (ces définitions peuvent par exemple être réutilisées dans le cadre de l’introduction d’une composition), ces pages
illustrent le cadre électoral et constitutionnel du gouvernement
de la France depuis 1946. Le document 1 choisit de présenter la
composition de l’Assemblée nationale à l’issue de quelques élections législatives importantes de l’époque récente. Le dernier graphique représente l’état de l’Assemblée lors de la 14e législature
de la Ve République, à l’époque de rédaction du manuel, peu après
les élections partielles de 2013. Les documents 2 et 3, grands
classiques des manuels scolaires, effectuent le parallèle entre les
institutions de la IVe et de la Ve République, en tenant compte
des ajustements survenus depuis l’adoption de la Constitution
en 1958. Une rapide comparaison mettra en avant la différence
entre un régime parlementaire, où l’essentiel des prérogatives est
détenu par le Parlement, et un régime semi-présidentiel (l’Assemblée garde le droit de renverser le Parlement, ce qui n’est pas le
cas dans les systèmes purement présidentiels comme aux ÉtatsUnis) où le président détient les principaux leviers du pouvoir.
Acteurs p. 162-163
Charles de Gaulle, le « monarque républicain »
François Mitterrand, l’opposant devenu successeur
La double page compare deux personnages essentiels de la IVe et
surtout de la Ve République, tous deux parvenus à la magistrature
suprême, le général de Gaulle et François Mitterrand, dans leur
conception de l’État et dans leur rapport personnel au pouvoir.
Le but du dossier est de montrer qu’au-delà de leurs divergences
politiques, présentées dans les courtes notices biographiques et
dans les citations mises en exergue, les deux présidents ont développé une pratique du pouvoir relativement proche, liée aux prérogatives de la fonction présidentielle.
→Document 1 : L’architecture de la Ve République
Le document est un extrait du discours prononcé par le général de
Gaulle le 4 septembre 1958, à la présentation de la Constitution
de la Ve République (événement représenté dans le document 1
page 158). Ce passage insiste sur le rôle clé du président dans le
texte préparé par De Gaulle et par Michel Debré.
→Document 2 : De Gaulle appelle à modifier la Constitution
Ce second discours fut radiodiffusé le 20 septembre 1962, soit
près d’un mois après l’attentat manqué du Petit-Clamart perpétré
par l’OAS contre De Gaulle le 22 août. Le général utilise cet événement, qui a créé une grande émotion dans le pays, pour proposer une modification majeure de sa propre Constitution adoptée
en 1958 : l’élection du président de la République au suffrage universel direct, qui n’avait eu lieu qu’en 1848 et qui procure au chef
de l’État une légitimité populaire incontestable. Dans ce texte,
De Gaulle insiste de nouveau sur les fonctions centrales du président dans la Ve République. Malgré les oppositions de plusieurs
ténors politiques, cette réforme est adoptée par référendum le
28 octobre 1962 (62,3 % de « oui »).
→Document 3 : De Gaulle, le nouveau Roi-Soleil
Le dessin est une des nombreuses caricatures parues dans la
presse, en particulier dans Le Canard enchaîné, pour dénoncer la
pratique monarchique du pouvoir par le général de Gaulle. Son
habit et sa posture font référence au célèbre tableau du peintre
Hyacinthe Rigaud représentant le roi Louis XIV en majesté.
À noter que le soleil dessiné à gauche du souverain est noir, ce qui
traduit l’opinion négative que le caricaturiste éprouve à l’égard du
président.
→Document 4 : Une critique de la Ve République
Cet extrait du livre de François Mitterrand Le Coup d’État permanent, paru deux ans après l’adoption de l’élection du président au
suffrage universel, est un des passages les plus durs. Dénonçant
les pouvoirs exorbitants du président, Mitterrand n’hésite pas à
employer le terme de « dictature ».
→Document 5 : François Mitterrand vu par
le caricaturiste Wiaz
Répondant directement au document 3, cette caricature compare
également François Mitterrand, élu président de la République le
80 • Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
→Document 6 : La pratique du pouvoir présidentiel
Cette réplique du président Mitterrand au cours d’un entretien
télévisé du 17 septembre 1987 date de la période de la première
cohabitation. Jacques Chirac, vainqueur des élections législatives
du 16 mars 1986, est alors Premier ministre. Contre un gouvernement hostile et à l’approche des élections présidentielles d’avrilmai 1988 auxquelles les deux hommes seront candidats, Mitterrand insiste sur les prérogatives du président et veut se donner
une posture de gardien des institutions, ce qui aidera fortement
à sa réélection. Son approche très gaullienne de la Constitution
tranche avec l’opinion très négative qu’il avait à l’égard de ce texte
un demi-siècle plus tôt.
◗◗ Réponses aux questions
1.De Gaulle donne au président de la République une place
primordiale dans les institutions. « Chef de l’État », « guide
de la France », il endosse des responsabilités importantes dans
plusieurs domaines : le président désigne et dirige le gouvernement (doc. 2), prend « toutes les décisions importantes du pays »
(doc. 2), joue le rôle d’un « arbitre national » (doc. 1), est garant
de l’indépendance du pays (doc. 1) et représente celui-ci à l’étranger (doc. 2).
2. Le régime semi-présidentiel mis en place par De Gaulle est critiqué pour la concentration excessive des pouvoirs dans les mains
d’« un seul homme » (doc. 4). Le caricaturiste Moisan compare
le président à un monarque d’Ancien Régime (doc. 3), tandis que
F. Mitterrand, qui emploie l’expression de « roi sans couronne »,
parle même de « dictature » (doc. 4), faisant référence à un
régime non démocratique. Mitterrand précise aussi que cette
situation de monopole n’est pas sans créer des convoitises autour
du poste présidentiel.
3.François Mitterrand, contraint depuis 1986 à cohabiter avec
un gouvernement de droite issu des élections législatives, n’entend pas être « un président ectoplasme », c’est-à-dire faible et
aux pouvoirs symboliques. S’appuyant sur la pratique constante
de la Constitution depuis 1958, il entend se réserver le domaine
de la politique extérieure en tant que représentant de la France
à l’étranger, assurer un rôle d’« arbitre entre les intérêts concurrents », se plaçant ainsi au-dessus des divisions politiques, et se
porter garant des institutions et de la défense des « plus faibles »,
faisant ici indirectement allusion à ses convictions socialistes.
4.Émanant pourtant de deux adversaires politiques, ces deux
textes, écrits à près de trois décennies de distance, affichent des
conceptions très proches de la fonction de président, mais dans
un contexte très différent. Si De Gaulle, chef incontesté de l’exécutif, présente le président comme la pierre d’angle de l’édifice de
la Ve République, Mitterrand, confronté à la situation inédite d’un
gouvernement issu d’un bord politique opposé au sien, défend
les prérogatives du président dans certains domaines pour tenter d’équilibrer les décisions politiques de son Premier ministre
Jacques Chirac.
5. Ces caricatures, qui dessinent toutes deux le président de la
République (De Gaulle en 1961, Mitterrand en 1983) trônant seul
sous les traits d’un monarque, veulent dénoncer les risques d’excès de pouvoir personnel de la part du chef de l’État.
◗◗ Vers l’analyse de document du BAC
Ce discours du général de Gaulle, président de la République
élu en 1958, a été prononcé le 20 septembre 1962, dans les premières années de la Ve République, et retransmis sur les grands
moyens de communication de l’époque, la radio et la télévision.
Un mois après avoir subi un attentat dans lequel il a failli laisser
la vie, De Gaulle soumet au peuple une réforme constitutionnelle
permettant d’élire dorénavant le président au suffrage universel
direct tous les 7 ans. Pourquoi peut-on interpréter ce changement
comme une présidentialisation du régime ?
De Gaulle présente d’abord les prérogatives très étendues du
président dans divers domaines, de la représentation diplomatique à l’étranger jusqu’à la promulgation des lois adoptées par
le Parlement, en précisant qu’il est « la clé de voûte » du régime
de la Ve République. Son importance justifie selon lui que le président ait une légitimité incontestable pour prendre toutes les
décisions nécessaires. C’est pour obtenir cette légitimité que De
Gaulle propose son élection au suffrage universel. Il s’agit d’une
évolution du régime dans un sens plus présidentiel puisque les
présidentielles deviendront l’élection la plus importante de tout
le système institutionnel.
Étude 1 p. 164-165
L’École nationale d’administration
Souvent décriée par l’opinion publique et par une partie des
médias, transférée à Strasbourg à partir de 1991, l’ENA reste un
réservoir privilégié de hauts fonctionnaires de l’État, mais aussi
d’hommes et de femmes politiques de premier plan (Valéry Giscard d’Estaing, Jacques Chirac, Michel Rocard, Édouard Balladur,
Alain Juppé, Lionel Jospin, François Hollande…). Le dossier a pour
but de montrer la place importante de l’ENA dans la vie politique
et administrative française.
→Document 1 : La création de l’ENA
Cet extrait de texte de loi renvoie à la réorganisation de la France
par le gouvernement provisoire à la Libération. Le fait que l’ENA
existe toujours et garde des objectifs similaires à ceux de sa création prouve que cette réorganisation a été durable.
→Document 2 : Les origines socioprofessionnelles
de la promotion 2009-2011
Ce graphique très classique permet de constater la grande domination des catégories socio-professionnelles supérieures dans la
cohorte des élèves, tant en termes absolus qu’en chiffres relatifs.
Un indice de représentation supérieur à 100 montre que la classe
sociale concernée est plus répandue au sein de l’école que dans la
société globale.
→Document 3 : Ce que l’on apprend ou pas à l’ENA
Ce document fait partie des nombreux témoignages d’énarques
exprimant un avis sur leur école. Son intérêt est de présenter
quelques critiques adressées à l’ENA tout en tentant d’y répondre.
→Document 4 : Une génération d’énarques : la promotion
Voltaire (1978-1980)
La photographie de la promotion Voltaire, sortie de l’ENA en
1980, est souvent représentée car elle concentre plusieurs futurs
personnages politiques de premier plan de la vie politique ou
économique de la France. On y retrouve notamment le président
François Hollande et plusieurs de ses proches (Ségolène Royal,
Michel Sapin), avec lesquels il a gardé des liens importants depuis
cette époque.
Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
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10 mai 1981, à un monarque. Le profil fier et la longue perruque
rappellent parfaitement Louis XIV, à ceci près que la perruque est
dessinée d’une série de roses, fleur symbole du Parti socialiste
auquel appartient le président. On fera remarquer aux élèves le
paradoxe, s’agissant d’un ancien adversaire farouche du général.
→Document 5 : L’ENA vue de l’intérieur
Contrairement au document 3, ce texte n’a pas été rédigé par
un ancien de l’ENA, mais par une journaliste du Monde. Sa comparaison avec le témoignage de Christian Vigouroux permet de
compléter le point de vue sur l’école.
◗◗ Réponses aux questions
1. L’ENA, fondée en 1945 par le Gouvernement provisoire, avait
au départ pour mission la formation de hauts fonctionnaires,
hommes et femmes, destinés à occuper les fonctions salariées
les plus élevées de l’État français : hautes institutions comme le
Conseil d’État et la Cour des Comptes, postes de direction dans
l’Administration, postes clés à l’étranger (ambassades, consulats).
2. Le « service public » et l’exercice des « responsabilités » administratives (doc. 3) restent les débouchés par excellence de l’ENA.
Ces emplois ont été occupés pendant un temps par presque tous
les anciens élèves célèbres de la promotion Voltaire (doc. 4).
D’autres orientations professionnelles non prévues par l’ordonnance de 1945 sont cependant apparues : plusieurs hauts fonctionnaires ont quitté le service de l’État pour les entreprises du
secteur privé (le « pantouflage »), tel Henri de Castries (n° 7 sur
le doc. 4), cadre supérieur puis dirigeant d’AXA. Plusieurs se sont
lancés dans une carrière politique à gauche ou à droite, tels François Hollande, Ségolène Royal ou Dominique de Villepin, et ont
été élus à des postes de haute responsabilité.
3. Plusieurs critiques majeures sont faites à l’encontre de l’ENA.
L’une d’elles est la perpétuation des inégalités sociales : le
document 2 montre que les catégories socio-professionnelles
supérieures (surtout cadres et professions intellectuelles supérieures) sont surreprésentées par rapport à la population totale,
tandis que les fils d’agriculteurs, d’employés et surtout d’ouvriers
sont très minoritaires. Le document 5 confirme ce fait et ajoute
d’autres discriminations apparentes envers les femmes et les personnes d’origine étrangère (« si peu de visages noirs ou de métissés »). Une autre critique, formulée par le document 5, reproche
aux énarques de « monopoliser tous les pouvoirs » en occupant les
postes clés de la société française, dont elle bloque les évolutions.
Enfin, les documents 2 et 5 dénoncent une formation trop théorique, pas assez critique, coupée des réalités concrètes du terrain.
4. Les chiffres prouvent que les critiques émises sur la reproduction des élites sont assez justifiées ; l’ENA n’est cependant pas la
seule formation où ce constat peut s’appliquer. Les critiques sur
la formation et l’efficacité de l’ENA sont plus discutables puisque
les qualités de cette école et de ses anciens élèves sont largement reconnues à l’échelle internationale (doc. 5) : l’ENA tente
d’ailleurs de « se réformer » et de s’adapter pour répondre aux
reproches qui lui ont été faits.
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◗◗ Vers la composition du BAC
L’École nationale d’administration, créée en 1945 par le Gouvernement provisoire dans le cadre de la réorganisation du pays
après la Seconde Guerre mondiale, joue depuis près de 70 ans un
rôle essentiel dans l’administration et la vie politique en France.
D’abord destinée à pourvoir les hautes carrières de l’Administration (Conseil d’État, Cour des Comptes, préfets, ambassadeurs,
consuls…), l’ENA s’est progressivement ouverte à d’autres types
de responsabilités. De nombreuses énarques ont bifurqué vers la
carrière politique, tels l’actuel président de la République François Hollande ou l’ancien Premier ministre Dominique de Villepin.
D’autres encore sont partis proposer leurs compétences dans le
secteur privé, c’est ce qu’on appelle le pantouflage.
Cette grande école, admirée à l’étranger, n’est cependant pas
exempte de critiques exercées par les médias et par l’opinion
publique. Les premières tiennent au manque d’hétérogénéité
sociale des élèves de l’ENA, où les fils de cadres et de professions
supérieures sont largement prédominants, suscitant une certaine
révolte contre une supposée reproduction des élites, qu’on peut
pourtant retrouver dans d’autres secteurs de l’éducation. Les
autres sont liées à la domination des énarques dans le monde
de la haute administration, contestée par ceux qui n’ont pas fait
l’ENA. Enfin, des reproches sont aussi adressés à l’enseignement
proposé à l’école, souvent vu comme trop abstrait et détaché
des réalités concrètes de la vie des citoyens. Consciente de ces
faiblesses, l’ENA a voulu se réformer, s’installant par exemple à
Strasbourg, plus loin de la capitale parisienne.
Étude 2 p. 166-167
L’État, un acteur économique majeur
L’économie est un des secteurs phares de l’intervention de l’État
après 1945, sous l’effet de la doctrine keynésienne qui vante le rôle
moteur de la puissance publique dans le redémarrage de la croissance. L’intérêt du dossier est de montrer que le recul de l’État
dans l’économie française à partir des années 1980 est à la fois
volontaire, lié au succès de la doctrine libérale qui veut libérer
l’initiative des entreprises, mais aussi subi, dans le contexte de
l’accélération de la mondialisation, qui organise la répartition de
la production industrielle en dehors de toute logique nationale.
→Document 1 : Extraits du Programme du Conseil national
de la Résistance
Fruit de la réflexion des principaux courants de la résistance (communistes, socialistes, démocrates-chrétiens), le programme du
CNR est le texte de base qui inspire l’action du Gouvernement
provisoire à la Libération. Il défend une conception volontariste
de l’implication de l’État dans le domaine économique.
→Document 2 : Nationalisations et privatisations
Le tableau résume les principales vagues de nationalisations et
de privatisations, secteur par secteur, depuis la fin de Seconde
Guerre mondiale. Il faut noter la relation avec la tendance politique au pouvoir : les deux vagues de nationalisations ont été réalisées par la gauche (en union avec d’autres courants de pensée
dans le cas de la première) et les vagues de privatisations de 19861988 et 1993-1995 (réunies ici en une même colonne) ont été pratiquées par des gouvernements de droite. La différence s’estompe
depuis lors, puisqu’il n’y a plus de nationalisations, tandis que la
gauche a elle aussi effectué des privatisations, au moins partielles
(France Télécom, Thomson, Air France, Aérospatiale).
→Document 3 : Le tournant de 1986
Profitant de l’impopularité de la gauche, l’alliance des partis de
droite RPR-UDF remporte les élections du 16 mars 1986, provoquant la première cohabitation. Nommé Premier ministre,
Jacques Chirac présente son programme devant l’Assemblée nouvellement élue. Il s’inspire largement de la doctrine libérale, qui a
alors le vent en poupe dans le monde industrialisé (elle est appliquée par Margaret Thatcher au Royaume-Uni, Ronald Reagan aux
États-Unis, Helmut Kohl en RFA).
→Document 4 : Le président de la République Jacques Chirac
inaugure le TGV Sud-Est
Devenu président de la République en 1995, le même Jacques
Chirac, beaucoup moins libéral que 15 ans auparavant, inaugure la
ligne du TGV Méditerranée, financée par l’État et les collectivités
territoriales (on aperçoit le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin). Au xxie siècle, l’État joue donc encore un rôle économique
82 • Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
→Document 5 : « Ici reposent les promesses de N. Sarkozy »
En 2008, le président Nicolas Sarkozy avait promis aux salariés de
l’usine métallurgique de Gandrange en Lorraine de les aider à préserver leurs emplois menacés. Cependant, l’année suivante, il se
montre impuissant à empêcher la fermeture décidée par l’entreprise ArcelorMittal.
Pour écarter toute interprétation politicienne, la légende précise
qu’une situation similaire s’est produite à Florange avec François
Hollande, qui n’a pas pu non plus freiné la fermeture de cette
autre aciérie d’ArcelorMittal. Cela montre bien qu’au-delà du clivage droite / gauche, ce qui est en jeu est la puissance de l’État
face aux mécanismes de la mondialisation.
◗◗ Réponses aux questions
1. Le Conseil national de la Résistance, organe de lutte contre
l’occupation allemande, se donne pour objectifs la reconstruction du pays (« l’intensification de la production nationale »),
mais aussi la gestion en commun des richesses nationales (grands
moyens de production, sources d’énergie, banques, assurances),
afin qu’elles servent à « l’intérêt général », et la participation des
travailleurs à la prise des décisions (« démocratie économique »).
2.Ces objectifs se traduisent notamment par la nationalisation
de nombreuses entreprises situées dans des secteurs clés de
l’économie (doc. 2) : leur propriété passe à l’État qui se charge
de leur gestion et du paiement des salariés. Le document 3 parle
également du « dirigisme d’État », faisant allusion à sa place très
importante dans des domaines aussi variés que « l’économie »,
« la recherche » ou les « technologies nouvelles » et peut-être
au système de planification indicative de la production nationale.
Cette présence passe enfin par une grande implication financière :
Jacques Chirac parle des « subsides », c’est-à-dire des diverses
aides et subventions accordées par l’État.
3. Jacques Chirac critique le poids trop important de l’État dans
la vie du pays. D’une part, selon lui, l’État est victime d’« obésité » : sa présence dans l’économie est excessive et coûte cher
à la nation, qui traverse alors une période de crise. D’autre part,
cette omniprésence « menace d’amoindrir les libertés individuelles » : partisan du libéralisme, le Premier ministre vise sans
doute la liberté d’entreprendre, qui se trouve contrariée dans
certains secteurs par la situation de monopole exercée par les
entreprises nationales (les chaînes publiques de télévision, EDF
pour l’électricité). Pour remédier à ce double problème, J. Chirac
propose une série de privatisations, qui rapporteront de l’argent à
l’État (doc. 2), et une « libéralisation » du marché permettant une
augmentation de la concurrence entre les entreprises.
4.Malgré le recul du secteur public dû à la doctrine libérale,
l’État conserve un rôle économique majeur. Par exemple, il lance
et finance en partie la mise en place de grandes infrastructures
d’envergure nationale, comme le réseau de lignes de TGV appartenant à la SNCF, grande entreprise publique (doc. 4), et tente de
répondre aux angoisses des salariés dont l’entreprise est menacée
de fermeture (les « promesses » de N. Sarkozy et de F. Hollande,
doc. 5). Dans ce dernier cas, l’État est souvent incapable d’intervenir efficacement car les logiques de la mondialisation (fermetures
d’usines, délocalisations) dépassent largement l’échelle nationale.
◗◗ Vers l’analyse de documents du BAC
Le document 2 est un tableau récapitulant depuis la Libération
les grandes vagues de nationalisations et de privatisations d’entreprises, classées par secteurs. Le document 3 est un discours
de Jacques Chirac, nommé Premier ministre par le président de
la République François Mitterrand après les élections législatives
de mars 1986 remportées par la droite, justifiant un « tournant »
dans la conception du rôle de l’État dans l’économie.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, on peut distinguer
deux étapes majeures de la place de l’État dans le domaine économique. S’appuyant sur le programme du Conseil national de
la Résistance, rédigé en 1944 pour préparer le redressement du
pays après la victoire, l’État a longtemps suivi une politique nettement interventionniste. Celle-ci s’est manifestée par la prise de
contrôle de nombreuses entreprises privées par le biais des nationalisations de 1944-1946 (Renault, EDF, GDF, Air France, Banque
de France…). Elle est aussi passée par un système de planification indicative des objectifs de production et par l’octroi de nombreuses aides financières à tous les acteurs de l’économie (commandes, subventions agricoles).
Cependant, à partir du milieu des années 1980, le contexte de
crise économique et le succès international de la doctrine libérale,
favorable au désinvestissement de l’État et à la baisse des charges,
ont poussé la droite, de retour au pouvoir en 1986 avec le Premier
ministre Jacques Chirac, à faire reculer le rôle de l’État. Plusieurs
entreprises nationales ont été privatisées (Usinor, Sacilor, Paribas,
Suez), allégeant ainsi le budget national, et des mesures ont été
prises pour ouvrir davantage le marché à la concurrence. Les privatisations, partielles ou totales, se sont poursuivies après 1993, y compris sous des gouvernements de gauche (France Télécom, Thomson,
Air France), ce qui montre l’évolution des mentalités sur le sujet.
Étude 3 p. 168-169
La décentralisation, une nouvelle façon de gouverner
le pays
Le gouvernement d’un pays passe par un rapport particulier à
l’espace. Héritier de la monarchie centralisatrice, le gouvernement républicain a longtemps dirigé le territoire depuis la capitale
parisienne (la France « une et indivisible »). Le dossier veut montrer comment s’est effectué le virage progressif vers la décentralisation et comment celle-ci se manifeste concrètement pour les
habitants de la province.
→Document 1 : La décentralisation vue par la gauche
Conseiller de François Mitterrand à l’Élysée à partir de 1981, le
sénateur socialiste Michel Charasse témoigne dans une revue
dédiée à la mémoire de l’ancien président, au sein d’un numéro
consacré à la décentralisation, un peu plus de 20 ans après la loi de
1982 et au moment où la droite s’apprête à faire voter une seconde
étape du processus. Ce texte militant renseigne sur les motivations profondes qui ont poussé la gauche à adopter cette réforme.
→Document 2 : La région selon la loi Defferre de 1982
Plutôt qu’un extrait du texte de la loi de décentralisation, on a
choisi de montrer une image rendant plus concrète la mutation
institutionnelle : elle émane d’une instance récente, le Conseil
régional (créé en 1972), qui obtient en 1982 une personnalité juridique, des pouvoirs décisionnels importants (par exemple dans le
domaine des lycées) et la désignation directe par le suffrage universel. Cette affiche permet au jeune Conseil régional de mieux se
faire connaître de la population.
→Document 3 : La droite lance une nouvelle étape
de la décentralisation
Si l’acte de naissance de la décentralisation en 1982 est bien
connu, il ne faut pas oublier qu’elle a été prolongée en 2003-2004
par des lois de transferts de compétences décidés par le Premier
Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
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important, notamment dans l’équipement du territoire en infrastructures de transport.
ministre Jean-Pierre Raffarin, ancien président de la région Poitou-Charentes et grand défenseur de « la France d’en bas » par
opposition à la centralisation parisienne.
→Document 4 : Le Louvre à Lens
La décentralisation ne concerne pas seulement le domaine administratif et politique. Parmi les mesures d’aménagement du territoire prises en faveur de la province, on présente ici une publicité
pour l’ouverture du Louvre-Lens, musée situé dans le Pas-deCalais destiné à faire mieux connaître le patrimoine culturel aux
habitants des régions, mais aussi à soulager les frais de stockage
du Musée du Louvre, dont les réserves sont menacées par les
crues de la Seine.
→Document 5 : Un référendum local
Pour de nombreuses petites communes rurales touchées par
l’exode rural et par la baisse continue de la population (donc du
budget communal), l’entretien de l’église est un coût important
qui pose des problèmes de choix budgétaires. Le village breton
de Plouagat (2 016 électeurs inscrits) utilise donc l’outil du référendum local pour décider si une opération de restauration très
onéreuse doit être menée par la municipalité.
◗◗ Réponses aux questions
1. Selon Michel Charasse, la centralisation du pouvoir en France
avant 1982 avait plusieurs inconvénients. Le premier était la longueur et l’absence d’efficacité d’une gestion effectuée très loin
du terrain (« pour mettre un stop sur un carrefour de deux routes
nationales, il fallait un arrêté du ministre chargé des routes à
Paris »). Le deuxième était la carence en démocratie de proximité : les élus locaux, situés au plus près des citoyens, n’avaient
que peu de pouvoirs. Enfin, le dernier argument mis en avant
n’était pas dénué d’arrière-pensée électorale : la gauche, politiquement minoritaire depuis la mise en place de la Ve République
en 1958, déplorait de ne pas avoir suffisamment d’« apprentissage
de la gestion des affaires publiques » afin de se préparer à exercer
le pouvoir.
2.La loi Defferre de 1982 répond en bonne part aux reproches
adressés à la centralisation des pouvoirs. Elle confère en effet plusieurs avantages administratifs et politiques : le statut de collectivité territoriale, la dotation d’un budget et de compétences spécifiques (éducation, transports, formation professionnelle, culture)
et l’élection au suffrage universel direct. Celle-ci n’aura cependant
lieu qu’à partir de 1986.
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3.À partir de 2004, la droite a pris le relais du processus de
décentralisation avec la rédaction de « l’Acte II » décidé par JeanPierre Raffarin, Premier ministre du président Jacques Chirac. Le
désengagement de l’État passe par le transfert de nouvelles compétences aux collectivités territoriales (régions, départements,
communes, communautés de communes) dans des domaines
très divers tels que l’économie, les transports, l’action sociale
ou le logement. La culture est aussi touchée, comme le montre
le déménagement dans le Nord-Pas-de-Calais de centaines
d’œuvres possédées par le Musée du Louvre, formant ainsi le
Louvre-Lens. Enfin, la décentralisation permet aussi la tenue de
référendums d’initiative locale, permettant par exemple aux habitants de Plouagat de se prononcer sur la réhabilitation de l’église
communale.
4. Michel Charasse oppose l’Acte II de 2004, perçu comme une
décentralisation de droite, à la décentralisation de 1982 (doc. 1).
Pour lui, cette nouvelle étape représente surtout un « démantèlement de l’État », qui abandonne certaines compétences afin
d’alléger son budget de fonctionnement. De fait, de nombreux
domaines sont touchés par ce transfert et les collectivités territo-
riales peuvent s’inquiéter de ne pas disposer d’un budget suffisamment fourni pour les gérer, ce qui pourrait créer des inégalités entre
les régions, bien que la loi prévoie de transférer en même temps les
sommes jusque-là consacrées par l’État à ces différentes tâches.
◗◗ Vers la composition du BAC
Jusqu’en 1982, la France est un pays centralisé quasi-entièrement
dirigé par la capitale parisienne. Les lois de décentralisation, proposées par Gaston Defferre au début de la présidence du socialiste François Mitterrand, cherchent à rendre plus efficace la prise
de décisions de terrain (l’aménagement des routes) et à installer
une démocratie de proximité rapprochant les Français de leurs
élus (les Conseil régionaux sont élus au suffrage universel direct
à partir de 1986). De façon plus politique, il s’agit aussi de permettre aux socialistes, écartés du pouvoir national du début de la
Ve République jusqu’à 1981, d’exercer des responsabilités locales.
Cette décentralisation est prolongée au début des années 2000
par un « Acte II » décidé par le Premier ministre de droite JeanPierre Raffarin. Les compétences transférées aux collectivités
territoriales telles que les régions, les départements ou les communes sont plus larges et plus diverses (économie, transports,
action sociale, logement, culture) et s’accompagnent de transferts
de moyens financiers. La décentralisation permet par exemple de
profiter de certains avantages jusque-là réservées à la capitale
parisienne (la création du Louvre-Lens) ou de consulter les populations locales sur des choix importants par l’intermédiaire de
référendums d’initiative locale. Si elle est parfois critiquée comme
un « démantèlement de l’État » (Michel Charasse), la décentralisation a permis de gérer plus de responsabilités à l’échelle locale.
Étude 4 p. 170-171
L’État face à mai 1968
La crise de mai 1968, traitée en série ES/L comme une des crises
politiques dans lesquelles on étudie le rôle des médias, est considérée par la fiche Éduscol comme un exemple privilégié pour l’analyse des relations entre le gouvernement et l’opinion publique.
C’est donc dans cette optique, et non dans le détail de son déroulement, qu’elle est étudiée au sein de ce dossier.
→Document 1 : Affrontements entre les forces de l’ordre et
les étudiants, rue des Ecoles (Paris), le 6 mai 1968
Prise au cœur du quartier latin, non loin de la Sorbonne, et datant
des débuts de la crise, cette photographie tranche avec la plupart
des clichés qu’on voit habituellement sur mai 1968, car elle met
l’accent sur la violence des rapports entre les forces de l’ordre, qui
pensent encore alors pouvoir réprimer le mouvement étudiant,
et les émeutiers. Les affrontements ne feront cependant aucun
mort.
→Document 2 : De Gaulle et mai 1968
Issus de la célèbre biographie du général de Gaulle rédigée par son
ministre Alain Peyrefitte à partir de ses notes quotidiennes, ces
propos traduisent l’évolution de la vision gaulliste de la crise au
cours du mois de mai. Il faut se rappeler que le général de Gaulle
avait déjà subi un an de dure grève des mineurs, en 1962-1963, à
laquelle il n’avait pas cédé ; au début du mouvement, il reste donc
attaché à ce type de réaction.
→Document 3 : « Pas de rectangle blanc pour un peuple
adulte », affiche attribuée à Jean Effel, mai 1968
L’iconographie de mai 1968 est immense. Slogans, caricatures,
détournements de logos expriment tous une défiance par rapport
84 • Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
→Document 4 : Les « accords » de Grenelle
Le texte présente les principales mesures prises lors des accords
de Grenelle (du nom de la rue où est situé le Ministère du Travail
à Paris), qui réunissent le Premier ministre Georges Pompidou et
les représentants des syndicats ouvriers pour tenter de mettre fin
au mouvement des travailleurs en lui accordant des avantages
significatifs.
→Document 5 : Une « contestation des modes traditionnels
de commandement »
Cette analyse de mai 1968, postérieure de quelques mois aux événements, a été écrite par Gilles Martinet (1916-2006), journaliste
et intellectuel de gauche, alors administrateur du jeune magazine Le Nouvel Observateur, qui a pris la suite, en 1964, de France
Observateur.
◗◗ Réponses aux questions
1.D’après Gilles Martinet, la révolte étudiante de mai 1968 a
des causes multiples, à la fois économiques, sociales et psychologiques. Portée par la génération du Baby-boom qui a grandi
après la Seconde Guerre mondiale, elle exprime une contestation
radicale de l’ordre économique dominé par les patrons ainsi que
de l’ordre politique dominé par le pouvoir gaulliste, peu enclin
au dialogue, et provient du profond désir de changement d’une
jeunesse lassée par la vie quotidienne et exaspérée par la permanence de structures sociales issues de l’avant-guerre. Cette
révolte se manifeste par un refus de l’autorité établie à travers la
grève, les manifestations de rue et l’affrontement avec les forces
de l’ordre.
2. Dans le contexte des débuts de la télévision en France, l’affiche
dénonce le contrôle de l’État sur les programmes par l’intermédiaire de l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF),
directement liée au ministère de l’Information. Elle refuse le rectangle blanc apposé sur les émissions déconseillées aux jeunes en
revendiquant le droit de la libre programmation pour l’ORTF et
celui du libre choix pour le téléspectateur.
3.Au début de la crise, entre le 5 et le 11 mai, le général de
Gaulle analyse très sévèrement le mouvement étudiant en ne
retenant que les exactions qui expriment sa colère. Son opinion
envers les manifestants est très mauvaise, exprimée par des mots
durs (les « humeurs passagères de ces bandes d’adolescents »,
« l’émeute »), et il refuse de céder devant eux au nom du respect
de la légalité (« Le pouvoir ne recule pas ou il est perdu »). Deux
semaines plus tard, alors que les manifestations étudiantes continuent, peu à peu rejointes par 8 millions de salariés grévistes, l’avis
de De Gaulle a nettement évolué. Le 25 mai, il se rend compte que
la négociation est inévitable (« On devra donner des choses ») et
s’attache surtout à sauvegarder les formes en tentant d’apparaître
comme un juste réformateur aux yeux de l’opinion publique. C’est
ce qui explique la réunion de Grenelle (doc. 4).
4.Le gouvernement souhaite désolidariser les salariés grévistes
du mouvement étudiant en octroyant des concessions très significatives aux organisations professionnelles et syndicales par les
accords de Grenelle (revalorisation du salaire minimum et des
salaires réels, diminution du temps de travail, arrangements financiers au profit des grévistes). S’il ne répond guère aux revendications des étudiants, l’État prend donc en compte le mécontentement des salariés qui avaient rejoint les jeunes manifestants.
◗◗ Vers l’analyse de document du BAC
Le document 2 est composé de trois extraits de la biographie du
général de Gaulle (C’était de Gaulle) publiée par son ministre Alain
Peyrefitte à partir de ses divers contacts avec le président, qu’il
a eu l’autorisation de prendre en notes au jour le jour. Si l’œuvre
manque, par nature, de recul et d’objectivité, elle est un document précieux permettant de comprendre l’évolution de la pensée de De Gaulle sur le mouvement de mai 1968 et de réfléchir sur
les relations difficiles entre un État démocratique et les manifestations d’une opinion publique mécontente.
Dans les premiers jours de la crise, De Gaulle privilégie la fermeté
à l’égard des manifestants, dont il dénonce la violence envers les
forces policières (« des manifestants dans la rue bombardent des
policiers avec des boulons et des pavés »). Persuadé du caractère
éphémère de la révolte (« des humeurs passagères ») et du faible
nombre des meneurs, censés manipuler le reste des manifestants,
De Gaulle, investi par le suffrage universel en 1965, se pose en
garant de l’ordre républicain (« nos devoirs à l’égard du pays ») et
refuse d’effectuer la moindre concession pour ne pas perdre sa
crédibilité. La légitimité est, selon lui, de son propre côté. Cependant, au bout de trois semaines de révolte, grossie par une grève
de 8 millions de salariés, le général change de perspective. Il prend
conscience de la nécessité de répondre aux aspirations de l’opinion publique, qui s’est fortement exprimée dans la rue. De Gaulle
accepte de négocier, mais sous la triple condition de le faire avec
« ceux qui ont les moyens de négocier » (c’est-à-dire les salariés,
qui bénéficient d’un cadre juridique adapté, plutôt que les étudiants), de pouvoir apparaître comme un réformateur efficace et
d’obtenir du peuple un mandat explicite pour mener cette tâche
à bien. Lorsque la colère populaire gronde dans des proportions
importantes, l’État semble donc devoir prendre en compte la légitimité des revendications de l’opinion publique.
Étude 5 p. 172-173
L’État, un acteur social
Au même titre que l’économie, l’intervention des gouvernements
dans le domaine social au lendemain de la Seconde Guerre mondiale est un des éléments clés du rôle de l’État (on parle de l’Étatprovidence). Cependant, contrairement à celle-ci, c’est l’un des
secteurs où ce rôle a peu diminué depuis 1945, malgré quelques
transformations notables.
→Document 1 : La naissance de la Sécurité sociale
Très connu, ce texte législatif de 1945 pose les bases du système
français de protection sociale contre les grands risques. Il mérite
d’être replacé dans le contexte de l’installation de l’État-providence en Europe occidentale après la fin de la Seconde Guerre
mondiale (rapport Beveridge sur le Welfare State au Royaume-Uni
dès 1942).
→Document 2 : Élections à la Sécurité sociale, avril 1947
Les caisses, organismes financiers chargés de gérer les prestations
relatives à la Sécurité sociale, sont dirigées par des responsables
élus par les syndicats de patrons (CNPF devenu MEDEF, CGPME)
et de salariés (CGT, FO, CFDT, CFTC, CGC).
→Document 3 : Les recettes de la Sécurité sociale (2010)
en milliards d’euros
Ce graphique circulaire, montrant la diversité des sources de
financement de la Sécurité sociale, récapitule des données parues
dans le rapport La Protection sociale en France et en Europe publié
par le Ministère de l’Économie et des Finances en 2010.
Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
• 85
© Hachette Livre 2014
à l’ordre établi et la revendication d’une liberté sans contraintes.
Cette affiche attribuée au dessinateur communiste Jean Effel
(de son vrai nom François Lejeune, 1908-1982), qui a notamment
publié dans Le Canard enchaîné, est à classer parmi les dénonciations de l’ordre moral gaulliste.
→Document 4 : Le déficit de la Sécurité sociale
Tiré des dernières publications de la Sécurité sociale, ce graphique évolutif présente à la fois les résultats du régime général et ceux de la branche vieillesse et de la branche maladie, qui
gèrent le plus d’argent. À noter qu’en 2006, une 5e branche gérant
la dépendance a été créée, mais elle n’apparaît pas dans toutes
les statistiques.
→Document 5 : « L’opacité des comptes et l’enchevêtrement
des compétences »
Ce discours d’Alain Juppé, alors Premier ministre du président
Jacques Chirac, a lieu dans un contexte de déficit croissant de la
Sécurité sociale. Il propose des solutions impopulaires (hausse des
cotisations, restrictions sur les remboursements) qui provoquent
une grande grève à l’automne 1995, mais qui contribuent à résorber le déficit pour un temps.
→Document 6 : Le RSA, nouveau maillon
de la protection sociale
Cet article du journal économique L’Expansion effectue un bilan
de la mise en place du RSA deux ans et demi après son application. Le texte appelle à développer une vision nuancée, éloignée
des stéréotypes pouvant circuler dans les médias.
◗◗ Réponses aux questions
1. La Sécurité sociale a été créée à la Libération par le Gouvernement provisoire afin d’aider les travailleurs à faire face à une série
d’événements et de risques pouvant menacer leur niveau de vie
(maladie, maternité, accidents du travail, vieillesse), à l’aide d’un
système de prestations sociales.
2. Les salariés occupent une place essentielle dans le fonctionnement de la Sécurité sociale : en effet, avec les autres partenaires
sociaux (patrons, indépendants), ils participent à son financement
par le versement de cotisations sociales (96 milliards d’euros en
2010, soit 15 % des recettes selon le doc. 3) et ils choisissent, par
des élections régulières, les dirigeants des caisses chargées d’assurer le paiement des prestations (doc. 2).
3. Après 1976 et surtout depuis les années 1990, les comptes de
la Sécurité sociale sont mauvais. Malgré un net redressement
entre 1996 et 2002, attribuable à la réforme du Premier ministre
Alain Juppé, qui a augmenté les cotisations salariales et patronales
(doc. 5), les chiffres des différentes branches traduisent tous une
détérioration progressive de la situation avec un déficit se comptant en milliards d’euros (24 milliards en 2010 pour le régime général). On peut notamment l’expliquer par une baisse des recettes
due à la hausse du chômage et à une augmentation des charges
liée aux progrès de l’espérance de vie.
4. Le Revenu de solidarité active (RSA), qui a remplacé le Revenu
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minimum d’insertion (RMI) en 2009, est chargé de répondre au
problème de la hausse du nombre de personnes vivant dans la
pauvreté, exerçant ou non une petite activité salariée (ce qui,
jusque-là, faisait perdre toute prestation sociale). Ses résultats
sont contrastés : le RSA a permis à certaines personnes d’augmenter leur revenu et de dépasser le seuil de pauvreté, mais le
nombre de pauvres en France reste très élevé, notamment en raison du contexte de crise économique.
◗◗ Vers la composition du BAC
Le système de protection sociale instauré en France en 1945 par
la création de la Sécurité sociale s’inscrit dans le cadre de l’Étatprovidence développé en Europe occidentale après la fin de la
Seconde Guerre mondiale. Entièrement coordonné par l’État,
il comporte des avantages qui suscitent l’adhésion d’un grand
nombre de Français. Il permet en effet d’assurer aux travailleurs la
perception d’allocations ou de remboursements lorsque certains
aléas de la vie ne lui permettent plus de vivre directement des
revenus de leur emploi : maladie, maternité, accidents du travail,
vieillesse, mais aussi chômage. Pour les financer, patrons, salariés
et indépendants versent régulièrement des cotisations sur leurs
revenus. La solidarité de la nation est ainsi exprimée à l’égard des
plus faibles qui ne peuvent pas vivre de leurs seules richesses.
Ce système de protection sociale a cependant subi quelques critiques. L’allongement de la durée de la vie, les progrès de la médecine rendant les traitements médicaux plus chers, la hausse du
chômage qui diminue le nombre des cotisants, la montée de la
pauvreté, voire certains gaspillages, ont abouti à creuser un déficit
de plus en plus profond dans les comptes de la Sécurité sociale,
obligeant les gouvernements à prendre des mesures pour augmenter les cotisations ou faire baisser les remboursements. Les
libéraux contestent le fait que cette protection sociale soit assurée par l’État, dont ce n’est pas la fonction première. Si la nécessité de réformes de la protection sociale fait l’unanimité, tous ne
sont pas d’accord sur le contenu de celles-ci.
Histoire des arts p. 174-175
La pyramide du Louvre, un grand projet présidentiel
Comptant parmi les monuments les plus connus, les plus visités
et les plus photographiés de la capitale, la pyramide du Louvre
illustre bien la question de l’implication de l’État dans le domaine
artistique. En effet, si elle apparaît aujourd’hui intégrée dans son
environnement, il ne faut pas oublier qu’elle n’a pas fait l’unanimité à son inauguration et qu’elle est le résultat de la volonté
personnelle d’un président de la République, François Mitterrand.
Les documents proposés (deux photographies et deux textes)
tentent d’évaluer les enjeux de cette intervention gouvernementale dans les grands travaux culturels. En conclusion, l’enseignant
pourra rappeler que la plupart des présidents ont voulu laisser leur
marque dans le paysage monumental parisien : le Centre national d’art contemporain pour Georges Pompidou, le site Tolbiac
de la Bibliothèque nationale de France pour le second mandat de
François Mitterrand, le Musée d’Arts premiers du quai Branly pour
Jacques Chirac.
◗◗ Réponses aux questions
1.Le monument construit par Ieoh Ming Pei ressemble à une
pyramide de l’Antiquité égyptienne ; ses proportions (près de 22
mètres de haut sur une base carrée de 35 mètres de côté) sont justement proches de celles de la célèbre grande pyramide de Gizeh,
mais sa taille fait qu’elle ne dépasse pas les bâtiments historiques
voisins. Les matériaux utilisés sont typiques de l’architecture
moderne (métal, verre). Encadré par une série de bassins avec jets
d’eau, la pyramide apparaît comme futuriste, contrastant fortement avec son environnement immédiat, composé du palais du
Louvre, abritant un musée internationalement connu, et du petit
Arc de triomphe du Carrousel à Paris.
2.La pyramide se situe dans le prolongement de l’axe nordouest/sud-est situé en rive droite de la Seine, notamment occupé
par l’Arc de Triomphe et la célèbre avenue des Champs-Élysées.
3.Cette œuvre se rattache au passé car elle reprend la forme
d’un des monuments les plus symboliques de l’Antiquité, la pyramide. Elle peut ainsi rappeler l’obélisque de Louxor, autre grand
monument égyptien, présent sur la place voisine de la Concorde.
En même temps, l’architecte a fait œuvre révolutionnaire en choisissant des matériaux et des couleurs modernes.
4. Centrant l’objectif sur le président François Mitterrand, en costume, debout à un balcon du palais du Louvre devant la pyramide
86 • Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
5. La polémique, que rappellent le président Mitterrand en 1988
et un journaliste du Monde en 2006, est née du contraste entre
l’aspect moderniste de l’œuvre de Ieoh Ming Pei et le caractère
historique de son environnement immédiat. Les défenseurs
du patrimoine, comme la Commission supérieure des sites et
des monuments historiques, auteurs d’« articles très savants »
(doc. 3), se sont fortement opposés à ce projet au nom du respect
du site, dont le style avait été transmis par les siècles passés, afin
de ne pas « saccager » l’homogénéité de la perspective menant
vers l’Arc de Triomphe.
6.C’est le président Mitterrand lui-même qui a pris l’initiative,
dès son élection en 1981, de réaménager l’espace du Louvre pour
remettre en valeur le musée. Il prend seul les choses en main,
si bien que le journaliste du Monde parle d’une « affaire personnelle », du « fait du prince », de « sa pyramide ». Mitterrand
décide du choix de l’architecte, un Américain d’origine chinoise, et
intervient plusieurs fois personnellement : il justifie son choix à la
télévision en 1985, il inaugure le monument en mars 1988, puis le
musée en octobre suivant. Pour Mitterrand, l’argument de l’hétérogénéité de style ne tient pas car le paysage urbain, jamais définitivement figé, est un espace en mouvement perpétuel qui doit
savoir évoluer avec son temps et accueillir l’œuvre architecturale
de « chaque siècle ».
◗◗ Vers l’analyse de documents du BAC
La pyramide du Louvre, représentée au premier plan du
document 1, est une œuvre d’art de style moderne réalisée par
l’architecte américain d’origine chinoise Ieoh Ming Pei entre 1984
et 1988. Composé de losanges et de triangles de verre posés sur
une structure métallique et situé au milieu de la cour Napoléon,
devant le palais du Louvre, ce monument, dont la construction a
été très contestée, porte la marque du pouvoir politique. C’est en
effet le président de la République François Mitterrand qui, dès
son élection en 1981, a voulu réaménager cet espace pour mettre
davantage en valeur le musée du Louvre ; c’est lui qui a choisi Ieoh
Ming Pei pour mener à bien ce projet. Malgré les contestations
que la construction d’un monument au style très différent de son
environnement immédiat a pu soulever, notamment auprès de la
Commission supérieure des sites et des monuments historiques,
le président est resté ferme sur sa décision et a défendu le projet, mené à terme en un temps record, ce qui suppose un soutien
financier important. F. Mitterrand inaugure lui-même la pyramide
achevée le 4 mars 1988, quelques semaines avant la fin de son
premier mandat.
Fruit d’une volonté politique, la pyramide du Louvre témoigne
aussi d’un choix culturel original. Le président Mitterrand a en
effet défendu contre tous ses adversaires le style futuriste de l’architecte, qui a utilisé des matériaux modernes au milieu de monuments historiques beaucoup plus anciens (palais du Louvre, Arc de
triomphe du Carrousel). Le parti-pris du président était de faire
évoluer le Louvre en y intégrant un monument de style contemporain, afin de montrer que le paysage urbain n’est jamais figé.
Cours 1 p. 176-177
1946 - début des années 1980 :
un État de plus en plus présent
•Présentation
Complétant la perspective des études, le plan du cours, divisé en
deux leçons, se veut chronologique, pour récapituler les grandes
étapes indiquées dans la chronologie de la p. 159 : une accentuation du rôle de l’État de la Libération jusqu’au début des années
1980, puis une mutation (plutôt qu’un déclin) de son implication
dans la vie du pays.
Cette première leçon pose d’abord le cadre institutionnel de la vie
politique, avant d’étudier les acteurs et les méthodes de l’intervention de l’État. Pour les institutions, est menée une comparaison classique entre la Constitution de la IVe et les débuts de la
Ve République, essentiellement à partir des deux organigrammes
de la p. 161. Le faible volume horaire imparti à cette question
interdira d’entrer dans les subtilités (le système des apparentements en 1951 par exemple) : sans être caricaturale, l’opposition
entre les deux régimes doit être claire.
La seconde partie distingue deux types d’acteurs de l’action politique de l’État : les élus (avec une rapide présentation des grands
partis) et les hauts fonctionnaires chargés d’appliquer la politique
des gouvernements. Enfin, l’intervention croissante de l’État est
analysée en prenant appui sur des mesures phares édictées dans
chaque domaine d’action (l’économie, le social, la culture).
• Choix des documents « appuis » du cours
Les documents indiqués dans les marges doivent permettre aux
élèves d’étayer leur raisonnement avec des exemples précis,
documents qui peuvent par ailleurs faire l’objet d’une étude au
Baccalauréat. Ils ont donc pour objet non seulement d’illustrer le
cours mais aussi de provoquer une analyse spécifique. Outre les
renvois documentaires qui permettent de repérer les documents
clés dans les études, on a rajouté un document spécifique qui
contribue à étayer de manière simple un axe essentiel du chapitre.
→Document 1 : Affiche pour le « oui » au référendum
du 28 octobre 1962
Cette affiche pro-gouvernementale, publiée à l’occasion de la
campagne pour le référendum sur l’élection du président de la
République au suffrage universel direct, témoigne d’une évolution
majeure de la Ve République, qui donne plus de légitimité à la plus
haute fonction de l’État. Elle peut être le prétexte à un développement sur l’importance de cette élection, moment clé de la vie
politique française, qui passionne souvent l’opinion publique et
qui mobilise les électeurs.
Cours 2 p. 178-179
Depuis le milieu des années 1980, trop
ou pas assez d’État ?
•Présentation
La seconde leçon tente de nuancer l’idée trop communément
véhiculée d’un déclin linéaire du rôle de l’État depuis 1980, à travers trois thématiques différentes. Comme le programme de la
série S y invite, le rapport du pouvoir avec l’opinion publique est
traité à travers le problème de la défiance croissante des électeurs à l’égard des hommes politiques (alternances, cohabitations,
abstention, vote protestataire) et la question des manifestations
de rue, illustrée par le document 1 de la p. 179, destinées à faire
céder le gouvernement sur tel ou tel projet.
Le recul de l’État, volontaire ou involontaire, est constaté par rapport aux autres grands échelons de la vie économique et sociale,
soit plus petits (les régions), soit plus grands (l’Europe, le monde).
Ce recul est cependant à nuancer par l’affrontement entre deux
positions politiques différentes, dont le poids varie selon les
résultats électoraux, et par les multiples rôles que l’État continue
d’accomplir.
Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
• 87
© Hachette Livre 2014
en partie cachée, le photographe a sans doute voulu exprimer le
rôle principal du politique dans l’aménagement artistiquement
très contrasté de la cour du Louvre.
• Choix des documents « appuis » du cours
Outre les renvois documentaires qui permettent de repérer les
documents clés dans les études, à partir desquels une thématique
spécifique sur « gouverner la France depuis le milieu des années
1980 » peut être abordée, on a rajouté un document spécifique qui
contribue à étayer de manière simple un axe essentiel du chapitre.
→Document 1 : Les grandes manifestations contre
le gouvernement depuis 1984
Ce rapide tableau, servant de complément à la première partie du
cours, rappelle que certains projets de loi ont suscité de grandes
manifestations de mécontentement dans l’opinion publique. Un
travail complémentaire, à effectuer à la maison, est possible sur
les origines précises et le résultat (succès ou échec) de chacune de
ces manifestations : le pouvoir cède-t-il souvent devant la pression de la rue ? C’est le cas dans la majorité des situations, mais
pas en 2003 ni en 2013.
Prépa Bac p. 180-182
◗◗ Composition
Sujet guidé : Le rôle de l’État en France depuis 1946.
1. Analyser le sujet
Le rôle de l’État se manifeste dans les domaines économique,
social, culturel, etc.
L’État renvoie aux acteurs institutionnels (président, gouvernement, collectivités territoriales) ainsi qu’à l’administration.
Depuis la mise en place de la IVe République en 1946, le rôle de
l’État a connu des évolutions.
2. Présenter le sujet
La deuxième phrase se limite à une constatation du rôle de l’État
en 1946 uniquement. La troisième phrase ne comporte aucune
indication chronologique. Donc seule la première phrase permet
de mettre en évidence une évolution dans les bornes chronologiques proposées.
3. Construire un plan
1re idée essentielle : l’État décideur :
– Reconstruction par l’État après la guerre ;
– Les grands travaux de modernisation (barrages, autoroutes,
aéroports, etc.) et de développement (aménagements touristiques et industriels : Languedoc, Fos-sur-Mer) ;
– Rééquilibrage du territoire face à l’hypertrophie parisienne.
2e idée essentielle : la décentralisation :
– Lois de décentralisation de 1982-1983 ;
– Nouveaux acteurs de la gestion des territoires (les collectivités
territoriales, les citoyens) et transfert de compétences ;
– 2003 : la décentralisation est inscrite dans la Constitution.
Le 3e paragraphe du plan correspond à « L’État face aux questions
sociales et culturelles ».
1re idée essentielle : une intervention croissante de l’État :
– L’État providence (Sécurité sociale, SMIC, etc.) ;
– La politique culturelle (ministère de la Culture, maisons des Jeunes
et de la Culture, contrôle de l’information, etc.).
2e idée essentielle : un État confronté à des difficultés :
– L’État face à la montée de la précarité (chômage, pauvreté, etc.) ;
– Le coût la politique sociale.
Sujet en autonomie : Gouverner la France depuis
1946 : État, gouvernement, administration et opinion
publique.
Le sujet nous invite à étudier la place de l’État en France et ses
rapports avec l’opinion publique.
1. De 1946 au début des années 1980 : la place grandissante de
l’État
A. L’intervention croissante de l’État dans les domaines économique et social.
B. Le renforcement des institutions à partir de 1958.
C. Le soutien et le contrôle de l’opinion publique.
2. Depuis les années 1980, l’érosion du rôle de l’État
A. Un État remis en cause : construction européenne, mondialisation et crise économique.
B. La décentralisation : une nouvelle répartition des compétences.
C. Une opinion publique plus critique.
Le rôle de l’État en France fait toujours débat, de nos jours, entre
les partisans de son repli sur ses missions régaliennes et les partisans du maintien d’un État providence.
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Le plan A est un plan chronologique qui insiste davantage sur
l’évolution du rôle de l’État.
Le plan B est un plan thématique qui met davantage en évidence
les différents domaines d’intervention de l’État.
5. Bâtir la réponse organisée
Le deuxième paragraphe du plan correspond à « Le rôle de l’État
et son évolution dans la gestion des territoires ».
88 • Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
Prépa Bac p. 182-184
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet guidé : La gouvernance de la France : la décentralisation.
2. Prélever des informations
3. Apporter des connaissances
Parties de la
consigne
Les acteurs du
gouvernement
de la France
Informations fournies par le document
Connaissances
– L’Assemblée nationale […] le ministre de l’Intérieur,
Gaston Defferre
– Le gouvernement de François Mitterrand et de Pierre
Mauroy
– Les ministres du gouvernement
– Les élus locaux, départementaux et régionaux
– Les acteurs institutionnels au niveau national
Le Parlement (députés et sénateurs élus) discute et
vote les lois.
Le Président élu nomme le Premier ministre, chef du
gouvernement.
Le gouvernement propose des lois et les fait appliquer.
– L’administration
Les fonctionnaires de l’État et les hauts fonctionnaires
formés à l’École nationale d’administration. À partir des
années 1980, s’ajoutent les fonctionnaires territoriaux.
Ils conseillent les élus et mettent en œuvre la politique
décidée par les élus.
– Les collectivités territoriales
Les conseillers élus à l’échelle des communes, des
départements, des régions qui ont des compétences
croissantes (aménagement, transport, économie, social,
etc.).
– Les citoyens
Ils sont à la fois électeurs et contribuables. Ils participent
aussi aux débats publics.
La réforme que
l’auteur juge
nécessaire
– « Projet de loi de décentralisation (1981) »
– « la décentralisation est devenue la règle de vie
partout »
– « Une administration […] de plus en plus
technocratique, […] une réglementation étatiques,
tatillonnes, bureaucratiques, un dirigisme étouffant pour
les élus et pour les entreprises »
– « Des élus libres d’agir […] sans que leurs décisions
ne soient remises en cause, retardées, déformées par des
fonctionnaires ou des ministres lointains »
– « Il est enfin temps de donner aux élus des collectivités
territoriales la liberté et la responsabilité dans le cadre
de la loi »
– « Renforcer la démocratie que de permettre à des élus
de décider sur place »
– La réforme proposée : la décentralisation
1982-83 : lois de décentralisation.
2003 : réforme constitutionnelle.
Élargissement des compétences des collectivités
territoriales et autonomie financière.
Contribution de l’État à cette réforme.
– Les motivations de cette réforme
Allègement des charges de l’État dans un contexte de
crise.
Lourdeur administrative de l’État qui entrave son
efficacité.
Alignement sur des pratiques répandues en Europe
(Allemagne, Espagne, etc.).
Sujet en autonomie : Le rôle de l’État en France depuis 1946.
L’analyse des deux documents, leur confrontation et le recours
aux connaissances personnelles permettent de répondre aux deux
parties de la consigne : les domaines d’intervention de l’État et les
modalités de l’évolution de son rôle.
2. L’évolution de la conception de l’État en fonction du
1. Les domaines de l’intervention de l’État
A. Domaine économique et social (Sécurité sociale).
B. Aménagement du territoire.
L’exemple de la Sécurité sociale permet ainsi de mieux saisir comment évolue le rôle de l’État en France depuis 1946 et les enjeux
que pose cette évolution.
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contexte
A. État interventionniste après la guerre et jusqu’aux années 1970.
B. Érosion du rôle de l’État depuis les années 1970.
Histoire - Chapitre 6 - Gouverner la France depuis 1946 : État, gouvernement, administration et opinion publique
• 89
HISTOIRE
chapitre 7
ne gouvernance européenne
U
depuis le traité de Maastricht
Programme : Thème 3 – Les échelles de gouvernement dans le monde (11 à 12 heures)
Question
Mise en œuvre
L’échelle continentale
Une gouvernance européenne depuis le traité de Maastricht.
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
© Hachette Livre 2014
p. 186-207
Deuxième échelle de gouvernement, le niveau continental est
étudié ici à travers l’exemple de la gouvernance européenne. L’intitulé et la chronologie de la question, s’ils semblent se rapprocher
du thème équivalent dans le programme de Terminale L/ES, sont
toutefois sensiblement différents. La date qui constitue le point
de départ de l’étude – le traité de Maastricht en 1992 – restreint
le champ chronologique (commencé en L/ES avec le congrès de
La Haye en 1948). Le sens même de la question est autre ; il ne
s’agit pas d’une étude de la construction européenne mais plutôt
d’observer le fonctionnement politique d’une institution supranationale, les progrès et les difficultés en matière de gouvernance de
l’Union européenne.
À ce titre, le traité de Maastricht est un point de départ fondamental : il institue en effet l’Union européenne et lui fixe des
ambitions importantes. Établir d’abord, dans le cadre du marché
unique (achevé en 1993) les « quatre libertés » : celles de la libre
circulation des biens, des services, des capitaux et des personnes
(avec la création d’une citoyenneté européenne et le traité de
Schengen en 1995). Le traité relance aussi l’Europe politique avec
l’élaboration d’une Politique étrangère et de sécurité commune
(PESC) et douze pays de l’UE décident de se doter d’une monnaie commune, l’euro dont les pièces et les billets commencent
à circuler en 2002. Afin de définir et de mener cette politique
monétaire, une Banque centrale européenne est créée à Francfort. Enfin, par le Pacte de stabilité, les pays signataires s’engagent
à gérer leurs économies selon des règles communes, des critères
en matière de déficits publics et de dette. Cet approfondissement
de la construction européenne provoque dès le départ de fortes
résistances. Le référendum passe de justesse en France et il faut
faire revoter le Danemark après un premier rejet. Ces blocages
ne vont aller qu’en s’accentuant alors que l’Union européenne
cherche à approfondir ses politiques.
Autre axe important de la question, l’élargissement que connait
l’Union européenne dans la décennie qui suit Maastricht. Avec l’effondrement du communisme à l’Est, les pays auparavant neutres
dans la guerre froide envisagent d’intégrer l’Union européenne qui
n’est plus, à leurs yeux, une construction pro-américaine. En 1995,
la Suède, la Finlande et l’Autriche rejoignent ainsi l’Union européenne. La réunion des « deux Europes » est aussi envisagée mais
les écarts considérables de richesse entre les anciennes démocraties populaires et les pays membres retardent le processus qui est
redouté par certains. Les futurs entrants doivent respecter les critères de Copenhague (1993) : régime démocratique, économie de
marché, intégration de la législation communautaire. Finalement,
il est décidé ce que Joschka Fischer, ministre allemand des Affaires
étrangères, a qualifié de « big bang » : une adhésion groupée. En
2004, l’Union européenne passe ainsi de 15 à 25 pays puis à 27 en
2007 et enfin 28 en 2013. Dans les années 2000, le rythme des
élargissements se réduit considérablement face aux réticences
des populations de l’Union et aux problèmes de gouvernance qui
s’aggravent.
Le pouvoir européen tel qu’il s’est constitué avec les traités successifs depuis 1992 est d’un format original ; issu de compromis,
90 • Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
il se situe à mi-chemin des institutions étatiques et d’une structure plus fédérale. Il s’agit selon les mots de Jacques Delors d’une
« fédération d’États-Nations », au fédéralisme incomplet, sans
gouvernement propre mais disposant pourtant d’un pouvoir exécutif (la Commission européenne). Ce modèle dépend des États
tout en prétendant les dépasser. Sa fragilité vient des dissensions
nombreuses entre les pays membres et des élargissements successifs qui ont ralenti les décisions et rendu son fonctionnement
de plus en plus complexe. Ces élargissements font d’ailleurs l’objet de débats en illustrant les différentes conceptions du projet
européen : les Britanniques défendent une zone de libre-échange
(pouvant accepter un nombre important de pays) tandis que l’Allemagne et la France sont favorables à une Europe puissance, où les
décisions deviennent forcément complexes avec un nombre trop
important d’États-membres. En effet, les institutions européennes
qui ont peu évolué depuis le traité de Rome, se retrouvent de plus
en plus sclérosées avec les élargissements et l’approfondissement
des politiques européennes. Ces difficultés n’ont guère été réglées
par les traités de Nice (2001) et de Lisbonne (2008).
Le rapport des citoyens de l’Union avec la démocratie européenne
apparaît de plus en plus distant. Bien que depuis 1992, de nombreuses mesures aient été prises pour rapprocher les institutions
des citoyens, Bruxelles semble lointaine et trop technocratique.
Ce déficit démocratique, réel ou fantasmé, favorise une abstention croissante lors des élections européennes et la montée de
partis populistes extrémistes, clairement eurosceptiques. L’échec
des référendums de 2005 sur la Constitution européenne, pourtant une tentative d’apporter une réponse aux problèmes institutionnels de l’Union, illustre la défiance croissante des citoyens.
L’Europe peine aussi à s’affirmer comme une puissance mondiale.
Malgré la mise en place d’une politique étrangère et de défense
commune, les divergences entre États membres pénalisent les
actions et la diplomatie de l’Union qui, à l’exception d’un Eurocorps limité, ne dispose pas de forces militaires. Comme il a dû
le faire en ex-Yougoslavie, l’OTAN doit intervenir de nouveau au
Kosovo en 1999 et l’intervention américaine en Irak en 2003 crée
une nouvelle ligne de fracture entre pays européens, soutiens ou
critiques de cette opération. L’intervention franco-britannique en
2011 en Libye se fait aussi dans un relatif isolement avec des partenaires européens sur la réserve.
Au cours des années 2000, l’Union européenne semble en fait
ballotée d’une crise à une autre. En 2009, la crise de l’euro, probablement la plus importante par son ampleur, révèle et illustre
les problèmes structurels de l’Union : les erreurs dans la mise en
place originelle de l’euro, les dettes croissantes et incontrôlées
des pays de l’eurozone, la faiblesse des institutions européennes
qui tardent à réagir face à la crise grecque, une solidarité européenne remise en cause avec la menace d’exclusion de la Grèce
de la zone euro… Dans la période « Merkozy », le couple francoallemand apparaît comme étant le seul à la manœuvre, remettant en cause la collégialité des décisions et le fonctionnement
communautaire. Quand la Croatie adhère le 1er juillet 2013, elle
devient le 28e membre d’une Union européenne convalescente
économiquement et sans réel projet politique.
Toutes ces thématiques sont au cœur de ce chapitre et le professeur pourra apporter des réponses nuancées aux interrogations
suivantes : les ambitions affichées par le traité de Maastricht ontelles été réalisées ? Comment fonctionne – ou pas – la gouvernance européenne, entre avancées et crises ? Comment expliquer
la défiance des citoyens vis-à-vis de l’Union européenne ?
moindre mesure), les souverainistes militent pour une « Europe
des Nations », où l’autonomie politique des nations serait préservée. À l’inverse des fédéralistes, ils souhaitent donc un affaiblissement voire une disparition des institutions européennes communes. Les souverainistes les plus ultra envisagent d’abandonner
l’euro voire de quitter l’Union européenne pour rétablir une souveraineté nationale.
◗◗ Débat historiographique et quelques notions clefs
du chapitre
• Déficit
•Gouvernance. Notion récente (apparue dans les années quatre-
vingt et popularisée dans les années 2000), elle est controversée
car sujette à de nombreuses définitions. Le terme s’applique ainsi
pour des petites organisations ou des institutions internationales,
dans le domaine économique ou politique. La gouvernance est,
dans son acceptation la plus commune, la façon dont le pouvoir
est organisé et exercé au sein d’une organisation, qu’elle soit
publique ou privée, régionale, nationale ou internationale. Le
terme est souvent connoté : il suppose ainsi une « bonne gouvernance » (quand les institutions fonctionnent bien, collégialement,
démocratiquement et dans l’intérêt collectif) et, inversement,
une « mauvaise gouvernance ».
La Commission européenne a lancé un débat sur la gouvernance
européenne avec le livre blanc de juillet 2001. L’objectif consiste à
adopter de nouvelles formes de gouvernance rapprochant davantage l’Union des citoyens européens, la rendant plus efficace,
renforçant la démocratie en Europe et la légitimité de ses institutions. Cinq principes ont été définis comme étant à la base d’une
bonne gouvernance : l’ouverture (transparence et communication des décisions), la participation (impliquer les citoyens dans
l’élaboration et la mise en œuvre des politiques), la responsabilité
(avec la clarification du rôle de chacun dans la décision), l’efficacité et la cohérence.
•Fédéralisme. Courant politique favorable à la transformation
de l’Union européenne en une fédération d’États, dotée d’un pouvoir supranational et d’une souveraineté propre. Dans ce but, les
fédéralistes veulent un approfondissement des politiques européennes. Confronté à une défiance de l’opinion publique face aux
questions européennes, le fédéralisme européen est actuellement
minoritaire. La crise de l’euro a cependant relancé le fédéralisme
par la force des choses en soulignant l’intégration économique
incomplète de l’Union européenne. Les transferts de souveraineté
qui ont suivi (pacte budgétaire européen) ont accru les critiques
des souverainistes sur l’abandon de prérogatives nationales.
•Souverainisme. Apparu politiquement en France à l’occasion
du référendum sur le traité de Maastricht (1992), le souverainisme est la doctrine défendue par des partis, groupements et
représentants politiques qui veulent protéger la souveraineté
nationale mise en péril selon eux par un pouvoir accru de l’Union
européenne. Souvent classés à droite, voire à l’extrême-droite de
l’échiquier politique (à gauche ou à l’extrême-gauche dans une
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages universitaires sur l’histoire de la construction
européenne
M.-T. Bitsch, Histoire de la construction européenne : de 1945 à nos
jours, Complexe, 2008.
G. Courty & G. Devin, La Construction européenne, La Découverte, 2010.
G. Bossuat, Histoire de l’Union européenne : Fondations, élargissements, avenir, Belin, 2009.
P. Fontaine, L’Union européenne : Histoire, institutions, politiques,
Points, 2012.
• Ouvrages à dimension géographique mais qui peuvent être
intéressants pour ce chapitre
V. Adoumié (dir.), Géographie de l’Europe, Hachette Université,
2013.
L. Carroué & D. Collet & C. Ruiz, L’Europe, Bréal, 2010.
• Ouvrages plus spécifiques sur la gouvernance européenne
N. Levrat, La Construction européenne est-elle démocratique ?
La Documentation française, 2013.
M. Gaillard, L’Union européenne : institutions et politiques,
La Docu­mentation française, 2013.
O. Costa & N. Brack, Le Fonctionnement de l’Union européenne,
Université de Bruxelles, 2014.
• Articles et documentation pédagogique
« Europe : de la construction à l’enlisement », Le Monde,
décem­bre  2012.
J.-F. Drevet, « Une Europe en crise ? », La Documentation photographique, n° 8052, 2006
Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
• 91
© Hachette Livre 2014
La gouvernance de l’Union européenne depuis 1992 n’a pas suscité
de débat strictement historiographique. En revanche, si les historiens sont relativement unanimes, les divergences entre intellectuels, auteurs et responsables politiques sont plutôt d’ordre
politique sur la nécessité de rester dans l’euro, la représentativité
ou non des institutions européennes, leur distance vis-à-vis des
citoyens, le déficit démocratique…
Le chapitre a aussi des résonances géographiques : des liens
peuvent d’ailleurs être établis, et c’est souhaitable, avec le programme de géographie de 1re qui conduit les élèves à questionner l’Union européenne et ses limites (« Les territoires de l’Union
européenne » du thème 3 : « L’Union européenne et la France
dans le monde »).
démocratique. À chaque étape de la construction
européenne, la question de la légitimité démocratique des décisions et des institutions s’est posée. Le processus décisionnel de
l’Union européenne est souvent considéré obscur par le grand
public, qui ne comprend pas toujours son fonctionnement, l’obsession normative et les textes juridiques difficiles. Le rôle du Parlement européen (seul organe élu au suffrage universel dans les
pays européens) est aussi perçu comme secondaire face à celui
de la Commission européenne dont les membres sont nommés
(et non élus). Un déficit démocratique est donc évoqué pour faire
valoir que les institutions européennes manquent de légitimité
démocratique et qu’elles sont trop éloignées des citoyens du fait
de leur fonctionnement trop complexe.
Les autorités de Bruxelles ont pris conscience de ce problème et
les traités de Maastricht, d’Amsterdam et de Lisbonne ont cherché à le résoudre. Les pouvoirs du Parlement ont été renforcés
(en matière législative et budgétaire et par la désignation du président de la commission), les sessions du Conseil des ministres
rendues publiques et la participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union a été encouragée (création d’un droit d’initiative citoyenne). Malgré cette prise de conscience et ces différentes initiatives, l’Union européenne n’a cependant pas réussi
à réduire la critique lancinante de déficit démocratique qui alimente largement les mouvements eurosceptiques et favorise la
montée de partis politiques populistes.
• Sites Internet
http://fresques.ina.fr/jalons/parcours/0034/succes-etdifficultes-de-la-construction-europeenne.html
Le site Jalons, né d’un partenariat entre l’INA et le ministère de
l’Éducation nationale, propose de nombreux dossiers pédagogiques. Celui-ci, intitulé « Succès et difficultés de la construction
européenne » est particulièrement pertinent pour ce chapitre.
Deux sites autour de l’Histoire de la construction européenne :
– Europa (site officiel de l’Union européenne, très riche et disposant d’un espace « enseignant ») :
http://europa.eu/abc/history/index_fr.htm
– Toute l’Europe (portail très riche disposant notamment de statistiques et de cartes) :
http://www.touteleurope.eu/l-union-europeenne/histoirede-l-ue/les-dates-cles.html
Pour trouver de la documentation (textes, images) :
– Le centre virtuel de la connaissance sur l’Europe avec des pages
dédiées à la construction européenne : histoire, personnalités ;
très riche mais peut-être ambitieux pour des élèves de Terminale :
http://www.cvce.eu/collections/historical-events
– « Presseurop.eu » qui recense un nombre très important d’articles et d’illustrations dans la presse européenne (malheureusement, le site a été arrêté en 2014 mais les archives restent
consultables) :
http://www.presseurop.eu/fr
Le site des Rendez-vous de l’histoire de Blois propose d’écouter
de nombreuses conférences sur le thème de l’édition 2008 « Les
Européens » :
http://www.rdv-histoire.com/-Programme-consacre-autheme-Les-.html
Introduction au chapitre p. 186-187
© Hachette Livre 2014
Ce chapitre propose d’étudier l’évolution de la gouvernance européenne depuis la signature du traité de Maastricht (1992). L’écueil
principal à éviter est de faire une histoire de la construction
européenne en oubliant la dimension « gouvernance », au cœur
du sujet. Pour cette raison, la problématique principale conduit
à s’interroger sur l’évolution de cette gouvernance dans le cadre
d’une Union européenne élargie, entre espoirs (traité de Maastricht, création de l’euro) et doutes (référendums de 2005, crise de
l’euro). La confrontation des deux documents d’ouverture permet
d’illustrer facilement le passage de l’enthousiasme (« europhilie »)
à « l’euroscepticisme » sur cette construction européenne.
→Document 2 : « Au président inconnu, l’Europe
reconnaissante », caricature de Patrick Chappatte publiée
dans l’International Herald Tribune, 23 novembre 2009
Cette caricature du dessinateur suisse Patrick Chappatte a été
publiée dans l’International Herald Tribune et dans le journal
Le Temps (Genève), ce qui explique la version française des textes.
P. Chappatte ironise ici sur le relatif anonymat d’Herman Van
Rompuy, qui devient, en novembre 2009, le premier président
permanent du Conseil européen. Pour souligner le fait qu’il est
inconnu de l’opinion publique, P. Chappatte représente grossièrement ses traits comme ceux de l’archétype du fonctionnaire européen austère. Derrière l’ironie de la représentation perce toutefois la déception que peuvent ressentir les partisans d’une Europe
politique pour ce choix d’une personnalité effacée.
Comme souvent chez P. Chappatte, l’Union européenne est symbolisée par le bâtiment de la Commission européenne devant
lequel flottent les drapeaux des États membres.
◗◗ Frise
La frise chronologique est en deux parties. La partie haute rappelle les différents élargissements de l’Union européenne, passée
de 12 États membres (en 1992) à 28 (avec l’intégration de la Croatie
en 2013). La partie basse distingue deux périodes : une première
période qui correspond aux espoirs d’une Europe politique élargie
à l’échelle du continent et une seconde période davantage marquée par les crises et les doutes sur le projet européen. On peut
attirer l’attention des élèves sur la date qui constitue la césure
entre ces deux périodes : l’année 2004, qui est à la fois celle de
l’entrée dans l’Union européenne de nombreux pays ex-communistes – marquant ainsi une certaine union du continent – mais
aussi et en conséquence, celle de l’accentuation des problèmes
de gouvernance des institutions européennes. Les adhésions
diminuent d’ailleurs sensiblement en nombre (10 nouveaux pays
rejoignent l’Union européenne entre 1995 et 2004 mais seulement
3 entre 2004-2013, soit sur la même période de temps).
Repères p. 188-189
→Document 1 : Manifestation en faveur de l’euro à Francfort
(Allemagne), 1er janvier 1999
Ces pages proposent les notions clés du chapitre, des repères
chronologiques et des informations complémentaires sur l’évolution et le fonctionnement de l’Union européenne.
Les cinq notions clés constituent les termes fondamentaux pour
la compréhension du chapitre : elles peuvent être explicitées
l’une par l’autre (fédéralisme / approfondissement) ou faire l’objet d’une étude comparative sous forme de tableau (fédéralisme
/ souverainisme).
Le Rappel permet de revoir avec les élèves les principales étapes
de la construction européenne depuis 1947 jusqu’à la chute du
mur de Berlin. Les événements choisis présentent les différents
élargissements, les tentatives fédéralistes (rejet de la CED) ainsi
que les succès économiques (CECA puis CEE).
Cette photo présente un triple intérêt. Elle s’inscrit dans la première phase chronologique du chapitre, celle des espoirs dans la
construction européenne incarnée ici par la création de l’euro, la
monnaie unique célébrée par un rassemblement populaire. De
plus, celui-ci a lieu à Francfort, la ville choisie pour accueillir la
Banque Centrale Européenne, une nouvelle institution chargée
de veiller sur le cours de l’euro et de favoriser la convergence des
économies de l’Union. Enfin, la date de la prise de vue (1999), soit
trois ans avant la mise en circulation des pièces, semble indiquer
une véritable attente populaire pour la monnaie unique. Cela
reste toutefois à nuancer tant certains pays (et l’Allemagne en
particulier) ont pu rechigner à abandonner leurs monnaies nationales au profit d’une nouvelle devise.
Le document 1 permet d’observer visuellement les élargissements successifs, essentiellement vers l’Est, de la construction
européenne. Plusieurs éléments peuvent être soulignés : certains
pays européens ont choisi de ne pas rejoindre cette union régionale (Norvège, Suisse) ; le groupe de pays ayant choisi l’euro ne
coïncide pas forcément avec l’espace Schengen, lequel est plus
vaste que l’enveloppe des États membres de l’Union européenne.
L’observation de ces différents groupes permet de montrer une
Europe à plusieurs vitesses. Enfin, les élèves peuvent remarquer la
localisation des États membres candidats à l’Union européenne :
l’Islande (bien que les Islandais divergent sur cette candidature),
les pays des Balkans issus de l’ex-Yougoslavie, l’Ukraine (avec les
problèmes géopolitiques liés à la proximité de la Russie hostile à
92 • Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
toute extension de l’Union européenne dans sa zone d’influence)
et la Turquie (dont l’adhésion est controversée).
J. Delors est présent au G7 puisque le président de la Commission
européenne y est invité depuis 1977.
Le document 2 présente simplement et sous forme d’organigramme les institutions européennes depuis le traité de Lisbonne
(2007). Les élèves peuvent remarquer que la Commission européenne, véritable organe exécutif de l’Union, se trouve au centre
de cette représentation des pouvoirs. Les doubles flèches aux
doubles couleurs indiquent les codécisions (comme entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne).
Le document 5 reprend un extrait de la une, datée du 19 août
2011, du quotidien bruxellois Le Soir (le quotidien francophone le
plus lu de Belgique). Elle présente sur un ton alarmiste l’opinion de
J. Delors sur la crise que traverse alors la zone euro et par extension, l’Union européenne. L’ancien président de la Commission
européenne défend l’idée d’une meilleure intégration économique
pour résoudre la crise économique. Sa critique des dirigeants européens est en creux une valorisation de son action passée.
p. 190-191
Jacques Delors, l’homme qui croit à l’Europe
Le choix de Jacques Delors est légitime à de nombreux titres.
Considéré comme un des grands noms de la construction européenne, il est surtout pendant dix ans (1985-1995) le président de
la Commission européenne. Il a marqué durablement ce poste de
son empreinte. Favorable à une Europe puissance, il contribue à
l’Acte Unique (1986), à la signature du traité de Maastricht (1992)
et à la mise en place de la monnaie unique. Ces grands chantiers
vont se poursuivre pendant les années quatre-vingt-dix. Retiré de
la vie politique en 1995 (après avoir refusé, malgré sa popularité et
de nombreuses pressions, de se présenter à l’élection présidentielle française), il vit mal les évolutions de l’Union européenne
depuis et notamment l’échec du référendum en 2005. À la tête
du groupe de réflexion « Notre Europe », il essaie de se faire
entendre – souvent en vain – auprès des citoyens et surtout des
dirigeants européens. Cette double page reprend ces différents
aspects.
Le document 1 est un document original : la transcription d’une
émission de radio sur RTL de juillet 1984, alors que la nomination
de Jacques Delors à la tête de la Commission européenne a été
acceptée par les dix chefs d’Etat européens. Le document présente de façon claire et métaphorique (en comparant les institutions européennes à une voiture) le poste important que Jacques
Delors vient d’obtenir.
Le document 2 fait parler Jacques Delors lui-même lors de la cérémonie de signature du traité de Maastricht (7 février 1992). Il en
est l’un des artisans et a souhaité ce traité tout en regrettant (et
cela apparaît nettement dans l’extrait) une certaine complexité
institutionnelle. Il aurait voulu en effet un fonctionnement simplifié mais, en tant que président de la Commission européenne,
il reste conscient des compromis nécessaires à la signature d’un
tel traité. La fin du texte montre une certaine lucidité, baignée
d’inquiétude, sur les problèmes institutionnels à venir.
Le document 3 est un article du quotidien Les Échos du 19 janvier
2000. Il reprend les propos de Jacques Delors qui s’exprime désormais comme ancien président de commission et donc expert des
questions européennes. J. Delors s’oppose ici aux élargissements
successifs et en particulier à ceux qui s’annoncent (en 2004) pour
intégrer les ex-pays communistes d’Europe de l’Est. Reprenant un
raisonnement habituel des fédéralistes européens, J. Delors considère que les élargissements, souhaités par les partisans d’une
Europe zone de libre-échange, vont diluer l’Europe politique dans
un ensemble trop vaste pour en permettre un bon fonctionnement. Le concept de « Fédération d’États-Nations » que J. Delors
propose tente une synthèse entre les idées fédéralistes et souverainistes qui se sont exprimées lors du référendum du traité de
Maastricht.
L’intérêt de la photographie (doc. 4) est de montrer l’ambition de
J. Delors de faire de l’Union européenne une puissance mondiale,
représentée comme on le voit ici dans les grandes organisations
internationales (G7 + 1 en 1992). Ce n’est pas la première fois que
◗◗ Réponses aux questions
1. En devenant en 1984 président de la Commission européenne,
J. Delors occupe un poste de première importance dans les institutions européennes : il est à la tête de la Commission, c’està-dire du pouvoir exécutif de la Communauté puis de l’Union
européenne. Pour reprendre la métaphore de la voiture (doc. 1), il
devient en quelque sorte le pilote. Cette place éminente lui vaut
une reconnaissance internationale ; sa présence est souhaitée
lors des grandes rencontres (doc. 4). Il contribue donc à faire de
l’Union européenne un acteur de la gouvernance mondiale.
2. Avec le traité de Maastricht, J. Delors se réjouit de trois choses.
D’abord, la mise en place de l’Union économique et monétaire,
préalable à la monnaie unique. Il cite aussi la politique étrangère
et de sécurité commune (PESC) qui a pour objectif de faire parler
l’Union européenne d’une seule voix sur la scène internationale.
Enfin, il évoque de façon moins précise les évolutions institutionnelles que comporte le traité.
3. Reprenant un discours fédéraliste, J. Delors s’oppose aux élargissements successifs qu’il compare à « une fuite en avant ». Selon lui,
ces élargissements diluent l’intégration européenne et empêchent
la mise en place d’une organisation plus approfondie permettant
de répondre aux ambitions affichées lors du traité de Maastricht.
Concrètement, trop de pays membres rendent impossible un fonctionnement des institutions telles qu’elles ont été établies en 1992.
4.Selon J. Delors, l’Union européenne souffre d’un double problème : les élargissements successifs et trop rapprochés qui ont
sclérosé son fonctionnement et des dirigeants européens aux
réponses inadaptées face à la crise. Pour sortir de l’ornière institutionnelle et des dissensions internes, il préconise au contraire un
groupe restreint et pionnier de pays (une « avant-garde »), souhaitant approfondir leurs politiques communes en mettant en place un
nouveau traité ; ce traité proposerait ainsi une fédération mais sous
une forme originale : « fédération d’États-nations ». Il est conscient
qu’une volonté politique forte est nécessaire pour l’établir et semble
douter qu’elle existe parmi les dirigeants européens (doc. 5).
◗◗ Vers la composition du BAC
Jacques Delors parvient à la présidence de la Commission européenne en 1984. Européen convaincu, de tendance fédéraliste, il
va imprimer sa marque à ce poste avec des ambitions renouvelées
pour la construction européenne. Il contribue ainsi à la signature
du traité de Maastricht de 1992 instituant officiellement l’Union
européenne. Ce traité établit une Politique étrangère et de Sécurité commune ainsi qu’une Union économique et monétaire, préalable à la monnaie unique. J. Delors, favorable à une Europe puissance, l’incarne dans toutes les réunions internationales.
Il se retire de la vie politique en 1996. Par la suite, il continue
de s’exprimer sur l’avenir de l’Union européenne. Ayant signalé
dès la signature du traité de Maastricht la difficulté d’établir des
compromis dans une Europe à 12, il s’inquiète des élargissements
successifs dans lesquels il voit une fuite en avant et une dilution
de l’intégration européenne. Déçu de l’évolution de l’Union européenne depuis son départ de la présidence de la Commission, il
Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
• 93
© Hachette Livre 2014
Acteur considère que la crise de l’euro en 2000 est révélatrice des problèmes structurels et notamment de l’absence de gouvernance :
selon lui, les dirigeants européens n’ont pas été à la hauteur des
enjeux. Par son groupe de réflexion « Notre Europe » et ses prises
de position publiques, il espère pouvoir influer sur l’orientation
prise par la gouvernance européenne actuelle.
Étude 1 p. 192-193
Le couple franco-allemand, moteur ou obstacle
pour l’Europe ?
Cette étude a pour ambition de mettre en lumière l’importance et
éventuellement l’ambiguïté des rapports entre la France et l’Allemagne dans la gouvernance européenne.
L’importance en est évidente et débute bien en amont des bornes
chronologiques de l’actuel programme de Terminale S. Dès 1950,
le plan Schuman, débouchant sur la fondation de la CECA en est le
premier élément clé. Il s’agit de la constitution d’une organisation
commune dans les secteurs stratégiques du charbon et de l’acier
qui a pour triple intérêt d’anéantir le risque d’une renaissance
solitaire de la puissance allemande, de rendre toute guerre entre
France et Allemagne techniquement impossible et de réconcilier
les deux pays par une solidarité concrète.
Le couple franco-allemand se renforce encore dans les années
1960 en particulier grâce à l’amitié profonde que se vouent le
général de Gaulle et le Chancelier Adenauer. Elle culmine lors de
leur célèbre rencontre à Reims en 1962. Les deux pays, anciens
ennemis d’hier, choisissent clairement de privilégier les relations
bilatérales au détriment du multilatéralisme européen. Elles ont
notamment l’avantage de s’établir sur une base de coopération
intergouvernementale et non supranationale, ce que souhaite
profondément la France gaulliste.
Depuis cette époque, il est habituel de désigner ce partenariat entre les deux pays par l’expression « moteur franco-allemand ». Les cinq documents s’interrogent sur ce que représente
aujourd’hui cet axe franco-allemand au sein d’une Union européenne élargie à 28 membres.
© Hachette Livre 2014
→Document 1 : Des réalisations concrètes : pièce de 5 euros
commémorative célébrant en 2012 les 20 ans de la création
de l’Eurocorps
Ces photos présentent la face et le revers d’une pièce de 5 euros
frappée en 2012 pour commémorer les 20 ans de la création de
l’Eurocorps (ou corps européen). Ces pièces – de collection –
ne sont pas destinées à circuler. Elles transmettent un message
politique clair : la création de l’Eurocorps permet de garantir la
paix en unissant les ennemis d’hier (symbole de F. Mitterrand et
d’H. Kohl à Verdun en 1984). Cette initiative franco-allemande
reste toutefois limitée : à ce jour, seuls l’Espagne, le Luxembourg
et la Belgique ont rejoint le dispositif et quatre pays (la Grèce, la
Pologne, la Turquie et l’Italie) y sont associés. L’État-major est à
Strasbourg. L’Eurocorps a participé à plusieurs missions de paix
comme en Bosnie, au Kosovo (KFOR) ou en Afghanistan. Cette
« armée européenne » reste encore embryonnaire du fait des dissensions des États membres sur l’opportunité – ou pas – d’une
force armée ou sur les missions qui peuvent lui être confiées. Faute
d’une volonté strictement européenne, l’Eurocorps est associé à
l’OTAN dont il constitue une « force de réaction rapide ».
→Document 2a : Jacques Chirac et Gerhard Schröder,
caricature de Dieter Hanitzsch (2003)
La caricature de Dieter Hanitzsch (dessinateur et journaliste
bavarois, né en 1933) évoque, à travers les 40 ans du traité de
94 • Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
l’Elysée, deux couples franco-allemands célèbres. Sur le nuage
(symbole utilisé dans les caricatures pour signifier le décès), le
général De Gaulle et Konrad Adenauer qui sont les pionniers de
l’amitié franco-allemande et au premier-plan, trinquant au champagne, Jacques Chirac (à gauche de l’image) et Gerhard Schröder
(à droite). Malgré leurs sensibilités politiques divergentes (UMP
et SPD), les deux hommes ont développé pendant leurs mandats
respectifs une réelle entente et ont partagé des points de vue
convergents sur de nombreux dossiers.
→Document 2b : Le couple franco-allemand, une nécessité
pour l’Europe ?
Cet article de La Tribune daté du 21 janvier 2013 est un rappel
de l’histoire du couple franco-allemand. Il souligne que les rapports entre dirigeants n’ont pas toujours été très chaleureux (par
exemple entre George Pompidou et Willy Brandt) bien que souvent, les intérêts communs favorisaient une coopération voire une
amitié sincère (François Mitterrand et Helmut Kohl). L’intérêt de
ce texte est aussi d’évoquer la rencontre attendue avec l’homologue d’outre-Rhin dès la prise de fonction du chancelier allemand
ou du président français.
→Document 3 : La France et l’Allemagne isolées en Europe
sur le dossier irakien
Les positions communes de la France et de l’Allemagne ne sont
pas nécessairement suivies par leurs partenaires européens. La
crise irakienne, au cœur de cet article de Libération du 31 janvier
2003, en fournit l’exemple. La France, par la voix de J. Chirac, s’est
opposée dès le début à cette intervention, y voyant une escalade
dangereuse pour l’équilibre d’une région troublée. L’Allemagne,
traditionnellement pacifiste, a suivi la position française. Le Parlement européen a confirmé cette opposition à la guerre par une
résolution solennelle. Certains pays membres de l’Union européenne ainsi que des futurs entrants très atlantistes (comme la
Pologne) ont publié le jour même de ce vote au Parlement, un
texte commun appelant à soutenir Washington, illustrant publiquement les dissensions au sein de l’Union européenne sur cette
question majeure de politique étrangère. J. Chirac, ulcéré par
cette prise de position, a déclaré que ces pays « avaient perdu
une bonne occasion de se taire ». Le couple franco-allemand voit
à cette occasion son leadership menacé et l’unité de l’Union européenne remise en cause.
→Document 4 : Manifestation à Paris en 2012 contre les
politiques européennes d’austérité : « Non au traité Merkozy »
En réaction aux politiques d’austérité qui sont mises en place dans
les économies fragilisées par la crise de l’euro, de nombreuses
manifestations – comme celle de Paris illustrée ici – ont lieu dans
les pays européens. Le discours est souvent identique : rejet du
coût social des plans d’austérité, critiques de l’Allemagne et de
la chancelière Merkel qui souhaite imposer une stricte discipline
budgétaire. Sur la photo, un individu brandit une pancarte contre
le plan « Merkozy » (nom illustrant la proximité de vues sur ce
sujet entre A. Merkel et N. Sarkozy). Son masque illustre Guy
Fawkes, un révolté catholique anglais du début du xviie siècle ; le
graphisme contemporain est inspiré du film « V for Vendetta ». Il
s’agit du masque porté par le collectif des « Anonymous » lors des
manifestations auxquelles ce groupe informel participe.
→Document 5 : Les autres pays européens mis sur la touche
par le couple franco-allemand ?
Cet article du magazine Le Point du 14 octobre 2011 évoque les
réactions agacées des chancelleries européennes à la proposition
de réforme du Pacte de stabilité et de croissance (PSC). Ce pacte,
signé en 1997 et plus contraignant que les seuls critères de Maas-
◗◗ Réponses aux questions
1. À l’image de Charles de Gaulle et Konrad Adenauer à la base
de l’amitié franco-allemande, le couple franco-allemand fonctionne par des rencontres régulières (généralement dès la prise
de fonction) des présidents français avec les chanceliers allemands. Parfois teintées d’amitié sincère (H. Kohl et F. Mitterrand,
G. Schröder et J. Chirac), ces entrevues peuvent aussi, selon les
deux personnalités composant le couple, se limiter à un devoir
de la fonction, une obligation acceptée de plus ou moins bonne
grâce (G. Pompidou et W. Brandt). Le nécessaire travail commun,
la convergence des points de vue ainsi que des rencontres fréquentes peuvent toutefois réchauffer des relations fraîches au
départ (A. Merkel et N. Sarkozy).
2.Le couple franco-allemand est souvent à la manœuvre dans
la construction européenne. Les documents 1 et 2 évoquent
notamment son rôle dans l’élaboration du traité de Maastricht
et la création de l’euro et de l’Eurocorps, embryon d’une armée
européenne pensée au départ et de façon significative comme
franco-allemande. Cette action décisive et sans alternative européenne, fait généralement comparer le couple franco-allemand à
une « locomotive » dont la force de traction est indispensable,
surtout en période de crise.
3.Les décisions du couple franco-allemand sont parfois mal
vécues par leurs partenaires européens qui considèrent qu’il s’agit
souvent de décisions unilatérales, prises entre Paris et Berlin et
donc contraires au fonctionnement communautaire. Les critiques
se concentrent alors sur « l’axe franco-allemand », expression qui
signifie tout autant les positions communes des deux pays que
leur alliance objective et autoritaire. Le traité « Merkozy » (appelé
de cette façon car élaboré par ces deux dirigeants) est ainsi critiqué tant sur le fond (politiques d’austérité ayant un coût social
important) que sur la forme (il a été imposé aux partenaires européens sans réelle concertation).
4.Les réactions des autres pays membres sont contradictoires.
S’ils attendent les décisions franco-allemandes pour faire avancer
l’Europe, ils émettent aussi souvent des critiques plus ou moins
ouvertes contre ce leadership. Lors de l’opération américaine en
Irak en 2003, un groupe alternatif s’est même constitué pour soutenir l’intervention tandis que Paris et Berlin s’y opposaient. Cette
opération est restée cependant sans lendemain tant les dirigeants
européens reconnaissent, à l’image de José Manuel Barroso dans
le document 5, que « rien ne peut aboutir en Europe sans une
coopération étroite entre la France et l’Allemagne ».
◗◗ Vers l’analyse de documents du BAC
En octobre 2011, alors que l’Union européenne connait depuis
deux ans une crise financière et économique importante (crise de
la dette puis crise de l’euro), les dirigeants européens cherchent
à rassurer les marchés financiers. Face à l’ampleur de la crise qui
menace l’existence même de la monnaie unique, Nicolas Sarkozy
et Angela Merkel multiplient les rencontres bilatérales. Ils parviennent à s’accorder sur un projet de nouveau traité européen de
discipline budgétaire, rapidement qualifié de « traité Merkozy »
par une partie de la presse européenne.
La Commission européenne ainsi que les autres pays membres
qui n’ont pas été concertés pour la réalisation de ce traité, s’estiment mis devant le fait accompli. Leurs réactions, telles qu’elles
apparaissent dans le document 5, illustrent l’exaspération face
à un « axe franco-allemand » dictant ses décisions au reste de
l’Union européenne. « Une situation globale ne se résoudra pas par
des axes bilatéraux », affirme ainsi Franco Frattini, ministre italien
des Affaires étrangères tandis que Jean-Claude Juncker, Premier
ministre du Luxembourg, juge la méthode « inacceptable ». Le leadership franco-allemand semble donc rejeté au profit d’une gouvernance européenne réellement concertée et communautaire,
seule susceptible d’obtenir l’adhésion de tous.
Toutefois, la France et l’Allemagne étant les deux premières économies de l’Union et historiquement la locomotive de l’intégration européenne, leur capacité d’entraînement s’avère fondamentale pour une Europe déboussolée. Ainsi, même s’il pense qu’il est
préférable pour les États membres de travailler tous ensemble à
une solution, José Manuel Barroso, à la fin du document, reconnaît, à l’instar de nombreux dirigeants européens, qu’une coopération étroite entre Paris et Berlin reste indispensable, en particulier
dans cette période de difficultés.
Étude 2 p. 194-195
Les référendums sur la Constitution européenne
de 2005
Alors que le traité de Maastricht avait été ratifié d’une courte majorité lors du référendum organisé en 1992, malgré les réticences
d’une partie des électeurs, le projet de Constitution européenne
fut rejeté assez nettement en 2005 en France et aux Pays-Bas.
C’était la première fois depuis le refus français de la Communauté
européenne de défense (CED) en 1954 que la construction européenne marquait le pas à la suite de l’opposition d’un ou plusieurs
de ses membres.
Le référendum avait pourtant passionné les Français et le taux
d’abstention (30, 3 %) a été le plus faible des cinq derniers référendums organisés. Si les causes de ce rejet sont multiples, un
lien peut toutefois être fait avec l’euroscepticisme, un sentiment
croissant dans l’Union européenne depuis les années quatrevingt-dix. Le dossier cherche à mettre en valeur les raisons qui
ont abouti à cet échec et la manière dont l’Europe a finalement
rebondi par le biais du traité de Lisbonne.
→Document 1 : Les enjeux du référendum
Ce type d’infographie, inspirée de celle parue dans les Dernières
Nouvelles d’Alsace le 10 avril 2005, était très fréquent dans la
presse française du printemps de cette année-là. Il s’agissait d’informer les électeurs sur le texte d’une Constitution européenne
jugé abscons car rédigé dans un jargon « eurocratique » dont
seul Bruxelles a le secret. L’objectif poursuivi est donc de rendre
plus simple et plus compréhensible, les principaux changements
induits par ce texte constitutionnel.
→Document 2 : Le traité de Lisbonne, une meilleure
gouvernance ou une sortie de crise ?
L’intervention de Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires
étrangères, est intéressante à plusieurs titres. Après l’échec du
référendum en France et aux Pays-Bas, l’enlisement du processus
de ratification dans les autres États-membres et le changement
à la tête de l’État français (Nicolas Sarkozy est élu en 2007), un
nouveau traité, longtemps appelé « traité simplifié », est décidé
Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
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tricht antérieurs à l’entrée de l’euro, avait pour objectif de coordonner les politiques budgétaires nationales des pays de la zone
euro afin d’éviter l’apparition de déficits budgétaires excessifs (3 %
du PIB). Dès le printemps 2010 et en pleine crise de l’euro, l’Allemagne plaide pour un pacte plus contraignant établissant notamment des contraintes juridiques. En février 2011, la France et l’Allemagne ajoutent un volet compétitivité et l’Allemagne va jusqu’à
proposer une union fiscale. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel
multiplient les rencontres bilatérales pour avancer à deux sur ce
dossier, ce qui crispe leurs partenaires européens.
afin de conserver ce qui peut l’être de la Constitution européenne.
Ce traité est signé à Lisbonne en 2008. Une partie de l’opinion
publique française s’estime trahie dans son vote de rejet et ce
sentiment rejaillit à l’assemblée. Le style très direct de Bernard
Kouchner, qui est aussi son mode personnel d’expression, illustre
la volonté du ministre d’éteindre cette polémique en la minimisant et en rappelant les engagements de Nicolas Sarkozy pendant
la campagne présidentielle. Le choix d’un traité ratifié par le Parlement donne en tout cas le sentiment aux « nonistes » (les partisans du « non » pendant la campagne référendaire) que la gouvernance européenne ne tient pas compte des votes du peuple.
→Document 3 : Les principales motivations du vote « oui » et
du vote « non » en France
Ce tableau statistique présente les résultats d’un sondage de sortie des urnes réalisé par l’institut IPSOS le jour du référendum
français, le 29 mai 2005. Les principales motivations des votes
« oui » et « non » sont présentés ; les sondés pouvant exprimer
plusieurs réponses possibles, le total des pourcentages excède
100 %. L’intérêt de l’étude réside bien entendu dans la confrontation des raisons.
→Document 4 : La progression de l’euroscepticisme en Europe
Cet article des Échos, daté du 25 mai 2009, présente l’importance
du courant eurosceptique en Europe et les inquiétudes qu’il suscite auprès des responsables européens à Bruxelles. Les principales causes de ce phénomène sont avancées tout en en soulignant la complexité et l’aspect multiforme. De ce fait, cet article
invite les élèves à la nuance. Une comparaison pertinente pourrait
être établie en classe à partir de deux notions évoquées dans cet
extrait : « euroscepticisme » et « europhilie ».
→Document 5 : La confiance dans l’Union européenne
Parlementaire afin d’éviter un nouveau rejet populaire, synonyme
d’enlisement de l’Europe politique. Selon Bernard Kouchner qui
tente de justifier cette décision devant les députés, le référendum
n’a pas vraiment parlé de l’enjeu (l’Europe) et une nouvelle consultation risquerait d’aboutir à un résultat identique. Afin d’éviter ce
danger et par sécurité, la plupart des pays européens vont aussi
ratifier le traité de Lisbonne par voie Parlementaire.
3. Le vote « non » apparaît comme un vote de gauche ; il s’inscrit
en effet dans un mouvement d’opposition à la politique menée
par Jacques Chirac et/ou dans une critique d’une orientation
jugée trop libérale de l’Union européenne (débat sur « le plombier
polonais » ou directive Bolkestein). 39 % des votants « non » souhaiteraient renégocier une nouvelle Constitution ; cela indique
la force du sentiment d’un déficit démocratique : les votants
auraient souhaité un traité accordant une place plus importante
aux peuples. Le vote « oui », qui transcende plus largement les
sensibilités politiques, illustre à l’inverse des préoccupations fédéralistes voulant renforcer le poids de l’Union européenne dans le
monde ou en améliorer son fonctionnement.
4. L’euroscepticisme désigne les doutes sur l’utilité et l’intérêt de
l’Union européenne. Il est croissant quasiment partout en Europe
(à l’exception de la Bulgarie et de la Croatie) comme l’indique la
carte (doc. 5). En 2012, seuls 33 % en moyenne des Européens
(dans les pays membres et pays candidats) ont confiance dans
l’Union européenne. De nombreux pays sont cependant au-dessous de cette moyenne y compris dans les pays candidats. Observation intéressante : en Turquie, pays pourtant candidat à l’entrée
dans l’Union, la confiance est basse (inférieure à 33 %) et en baisse
alors que le pays a longtemps été très « europhile ». L’atermoiement des dirigeants européens sur cette adhésion et le décalage
de croissance entre une Turquie dynamique et une Union européenne en crise expliquent probablement ce résultat.
en baisse
Depuis 1973, la Commission européenne analyse régulièrement
l’opinion publique dans chacun des États membres grâce à des
études appelées « Eurobaromètres ». Ces enquêtes permettent
notamment de mesurer la force et l’évolution du sentiment européen dans les différents pays de l’Union. Cette carte réalisée à
l’automne 2012 illustre la confiance que les citoyens accordent
– ou pas – à l’Union européenne. Les pays membres et les pays
candidats ont été interrogés. Deux enseignements majeurs de
cette carte : la confiance dans l’Union européenne est partout en
baisse plus ou moins prononcée (sauf en Bulgarie et Croatie) y
compris dans les États candidats qui devraient se montrer pourtant « europhiles ». Le degré de confiance est aussi très bas en
moyenne (33 %) ; plus fort à l’Est du continent, il est inférieur à
la moyenne pour certains pays comme la Grèce, l’Espagne et l’Irlande touchées par les plans d’austérité ou le Royaume-Uni traditionnellement « europhobe ».
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◗◗ Réponses aux questions
1. Le traité constitutionnel apporte des changements importants
à la gouvernance européenne. Un président est institué pour
incarner les instances européennes et un ministre des Affaires
étrangères est chargé de porter la voix européenne dans la diplomatie internationale. La prise de décision dans les deux conseils
(Conseil européen et Conseil des ministres) est facilitée avec l’introduction d’une majorité qualifiée. Le Parlement européen, seule
institution européenne élue au suffrage universel, obtient plus de
pouvoirs. Enfin, la Commission européenne est resserrée, voit son
droit de veto limité et doit tenir compte d’un droit de pétition
pour les citoyens de l’Union.
2. Après le rejet du traité constitutionnel par référendum, la décision est prise en France de ratifier le traité de Lisbonne par la voie
96 • Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
◗◗ Vers l’analyse de documents du Bac
Résumant les principales motivations des votes « oui » et « non »
au référendum, ce tableau a été réalisé grâce à un sondage de
sortie des urnes effectué par l’institut IPSOS. Pour chacun des
votes, les trois principales motivations ont été indiquées. Alors
que la première motivation du vote « oui » est de renforcer le
poids mondial de l’Union européenne, il s’agit pour le vote « non »
d’exprimer le mécontentement sur la situation économique et
politique nationale. Les motivations qui apparaissent en deuxième position sont tout aussi divergentes : quand les partisans
du « oui » veulent améliorer le fonctionnement des institutions
européennes grâce à la Constitution, les « nonistes » refusent une
Constitution qu’ils considèrent beaucoup trop libérale. De même
pour les motivations qui viennent en troisième position et qui
sont, elles aussi, diamétralement opposées dans les deux camps :
les « ouistes » refusent d’affaiblir le poids de l’Union européenne
par un rejet du traité tandis que les partisans du « non » espèrent
que leur refus permettra de négocier une nouvelle Constitution.
Les raisons du vote « non » illustrent plusieurs facettes de l’euroscepticisme. L’Union européenne est rendue responsable d’un certain nombre de décisions négatives impactant la vie des citoyens
et réduisant la souveraineté des institutions nationales. De même,
beaucoup d’électeurs ne se reconnaissent pas dans une Europe
jugée beaucoup trop libérale, favorable aux marchés au détriment
des travailleurs. Par leur vote « non » en 2005, les votants réclament ainsi la mise en place d’une Europe sociale. L’espoir d’une
renégociation du traité indique enfin la critique habituelle du déficit démocratique des institutions européennes : les électeurs souhaitaient un nouveau texte donnant plus de poids aux institutions
élues (comme le Parlement européen) plutôt qu’aux instances
nommées comme la Commission.
p. 196-197
Crise de la dette et crise de la gouvernance
dans la zone euro
Cette double page a pour but d’étudier les causes et les conséquences de la crise financière qui a grandement affecté la gouvernance de l’Union européenne depuis plusieurs années. Le sujet,
un peu aride, convient cependant bien aux classes de Terminale S.
Il s’intéresse, comme le veut le nouveau programme, à un épisode très contemporain de la gouvernance européenne. Et il permet de développer une analyse à la fois simple et structurée : la
crise est née d’une situation révélatrice de la fragilité économique
de certains pays de l’Union (document 1) et de son manque
de solidarité. Car, à partir de 2009, la crise de la dette grecque,
qui devient par contagion celle de l’euro, illustre les erreurs originelles de la monnaie unique et les failles de la gouvernance
européenne : la divisions des États, les réactions trop lentes, les
faiblesses des institutions qui tardent à trouver des solutions
(documents 2 et 3). Cette crise produit des conséquences paradoxales : un renforcement des coopérations économiques et une
contestation accrue des politiques libérales menées par l’Union
européenne (documents 4 et 5).
→Document 1 : Une crise qui commence en Grèce
Ce texte a été écrit pour le site Internet « Vie Publique », un site
officiel du gouvernement qui a pour but d’informer les citoyens
afin de les aider à mieux appréhender les grands sujets qui animent
le débat public français. L’historienne Marion Gaillard résume,
dans cet article de février 2013, les origines grecques de la crise de
l’euro. Entré dans la zone euro en 2001, avec un bilan comptable
que l’on peut aujourd’hui raisonnablement présenter comme
« maquillé », la Grèce, berceau de la civilisation européenne, et
à ce titre, bénéficiant d’un a priori hautement favorable, était dès
cette époque, hors des critères objectivement tenables, pour s’intégrer ce système monétaire. Sa dette publique dépasse en effet
100 % de son PIB depuis plusieurs années. Cette situation, acceptable en période de prospérité généralisée, devient insupportable
en cas de crise. Ainsi, à partir de 2008, le pays ne parvient plus à
financer son déficit auprès des marchés extérieurs et doit faire
appel aux finances européennes pour éviter la banqueroute. C’est
le début de la spirale de la crise financière qui va progressivement
atteindre toute l’Europe.
→Document 2 : « Le jour où l’euro a failli mourir »
Le titre de l’éditorial du Monde du 18 mai 2010 est volontairement
alarmiste. Il illustre ainsi de manière patente les craintes qui ont
saisi les observateurs durant le printemps 2010, au moment où
la stabilité financière de l’Union a semblé grandement compromise. Fidèle à sa tradition, l’Union a multiplié les réunions « de
la dernière chance » tandis que les marchés financiers et les spécialistes prédisaient la fin de la monnaie unique. Heureusement,
l’euro n’est pas mort lors de ce mois de mai 2010 et l’article du
Monde, au-delà de ces péripéties conjoncturelles relatées, invite à
réfléchir sur la nécessité d’une analyse à moyen terme, et encore
mieux à long terme, des situations économiques.
→Document 3 : Des Européens en difficulté, caricature
de Stephff parue dans Der Standard, juin 2012
Le dessinateur français Stephff (alias Stéphane Peray, né en 1964),
collabore à plusieurs magazines en Asie. Beaucoup de ses dessins,
parus dans la presse asiatique, sont ensuite repris par des journaux du monde entier. C’est le cas de cette caricature publiée
dans le journal autrichien Der Standard. L’Union européenne est
représentée de façon habituelle par les 12 étoiles dont seules 6
parviennent à surnager alors que les autres tentent de remonter
à la surface ou se noient. On peut faire remarquer aux élèves la
présence du requin, allusion directe aux milieux financiers.
→Document 4 : Une sortie de crise contre un renforcement
de la coopération économique ?
La carte qui s’inspire d’une infographie de la société Idé, illustre la
quasi-unanimité des pays européens (25 sur 27) face au Traité sur
la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union économique et monétaire signé le 2 mars 2012 et aussi appelé Pacte
budgétaire européen. Bien que tous les signataires n’aient pas la
monnaie unique, le Royaume-Uni et la République tchèque n’ont
pas souhaité signer ce traité, ne se sentant pas concernés par un
renforcement des politiques intergouvernementales concernant
surtout la zone euro. Ces deux pays gardent le droit d’adhérer
au pacte à tout moment. La Croatie n’étant pas membre à cette
date, n’a pas eu à se prononcer. L’encadré sous la légende rappelle
les conditions du pacte et notamment la « règle d’or ».
→Document 5 : Manifestation contre les plans d’austérité
en Espagne (mars 2013)
Les plans d’austérité sont la conséquence directe de la crise des
dettes souveraines. Leur coût social entraîne des manifestations
importantes dans tous les pays concernés (Grèce et Espagne
principalement), l’Allemagne d’Angela Merkel cristallisant souvent les reproches. Les manifestants espagnols photographiés ici
se cachent le visage d’un masque bleu (couleur de l’Europe) sur
lequel ils ont tracé une partie des 12 étoiles du drapeau européen
suggérant un visage attristé. Le nœud coulant autour du cou des
manifestants vise les institutions européennes accusées par ce
symbole de condamner l’Espagne par les plans d’austérité.
◗◗ Réponses aux questions
1. La crise de la zone euro commence par une crise de la dette
en Grèce. Ce pays a toujours été très endetté : sa dette publique
était supérieure à 100 % de son PIB lors de son entrée dans la zone
euro mais les chiffres avancés publiquement par Athènes étaient
faux. À partir de novembre 2009 et de la révélation de l’ampleur
de son déficit, la Grèce commence à avoir du mal à se financer
auprès des marchés financiers. Les pays européens hésitent sur
la question d’aider ou non la Grèce. Finalement, six mois plus
tard, un plan d’aide est proposé en contrepartie d’une sévère cure
d’austérité. Entretemps, la crise s’est étendue et la spéculation est
alors intense contre les dettes grecques mais aussi espagnoles,
portugaises ou irlandaises. Les marchés perdent confiance dans
la capacité de ces États de pouvoir rembourser leurs emprunts.
L’euro lui-même est remis en cause (puisque 4 pays de la zone
euro sont en graves difficultés économiques fragilisant l’ensemble
de la zone euro).
2.Les dirigeants européens n’ont pas tous pris conscience de
la gravité de la crise. Certains étaient dans le « déni », d’autres
dans la « confusion » (doc. 2). Ces hésitations et leur manque de
solidarité ne contribuent pas à ramener la confiance des marchés
financiers. Il faut une extension de la crise (doc. 3), des pressions du FMI et des États-Unis, un risque d’implosion de la zone
euro et la remise en cause de l’existence de la monnaie unique
pour qu’un fonds monétaire européen soit finalement mis en
place en mai 2010. Comme le déplore le document 2, dans cette
crise la zone euro a souffert d’un manque cruel de gouvernance
économique.
3.Les politiques d’austérité sont la conséquence des plans
d’aides proposés par le FMI et les autres États membres aux pays
européens lourdement endettés. Elles ont pour but de réduire la
dette de ces pays afin de leur permettre un retour à l’équilibre
Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
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Étude 3 budgétaire. L’austérité a toutefois un coût social très important
(augmentation des taxes et impôts, réduction des aides sociales,
des salaires des fonctionnaires, des pensions de retraite, etc.), ce
qui alimente une forte contestation dans les pays concernés. Les
populations ont parfois le sentiment de devoir faire des sacrifices
inutiles ou injustes et elles rendent notamment l’Union européenne (et l’Allemagne en particulier, intransigeante sur ce dossier) responsable de leurs difficultés.
4. Cette crise, par son ampleur et sa gravité, a accru par la force
des choses la convergence économique au sein de l’Union européenne. Les 25 États signataires du Pacte budgétaire européen
se sont ainsi engagés à avoir un déficit annuel ne dépassant pas
0,5 % du PIB (une « règle d’or » à inscrire dans leur Constitution).
Le Conseil européen peut aussi sanctionner un pays si son déficit
dépasse la limite de 3 % du PIB (sauf si la dette est supérieure
à 60 % du PIB ce qui est le cas de plus de la moitié des États
membres).
◗◗ Vers la composition du Bac
Quand la Grèce est le premier pays touché par la crise de la dette
en 2009, des tensions apparaissent rapidement dans la zone euro.
La solidarité européenne est ébranlée car certains pays – dont
l’Allemagne – refusent d’aider les Grecs afin de ne pas encourager des pays aux politiques économiques jugées trop laxistes.
D’autres États membres veulent au contraire intervenir pour montrer la cohésion de l’Europe et surtout limiter l’extension de cette
crise aux autres pays très endettés de l’Union.
Ces hésitations inquiètent les marchés financiers et la spéculation
se déchaîne d’abord contre les dettes souveraines de la Grèce, de
l’Espagne et du Portugal puis sur l’euro lui-même dont l’existence
est menacée, notamment le 7 mai 2010. Cette crise très contagieuse atteint alors un tel degré de gravité que cela incite même
les États membres les plus réfractaires, à accepter la mise en place
d’un Fonds monétaire européen, une sorte d’aide d’urgence permettant de garantir les emprunts des pays les plus endettés. En
échange de ces plans d’aide, des politiques d’austérité sont cependant exigées ; par leur dureté, elles entraînent des contestations
sociales dans les pays concernés (Grèce, Espagne). Les manifestants dénoncent l’Union européenne qui, en leur imposant l’austérité, les asphyxie socialement et économiquement.
Les dirigeants européens prennent conscience de l’absence de
gouvernance économique de la zone euro et d’une nécessaire
convergence des politiques économiques. Afin de se prémunir
contre une nouvelle crise de même nature, un Pacte budgétaire
européen est signé le 2 mars 2012 (pour une application au 1er janvier 2013). Les déficits des États membres sont désormais limités
à 0,5 % du PIB et le Conseil européen peut sanctionner tout pays
qui s’écarterait de cette « règle d’or ». Pour garantir l’existence
de la monnaie unique, les pays européens ont donc transféré une
part de leur souveraineté économique aux autorités de Bruxelles.
Le premier paragraphe de la leçon s’intéresse aux élargissements
de cette décennie qui définissent un nouveau cadre spatial et des
équilibres géopolitiques différents.
Le second paragraphe évoque les conséquences des élargissements : une diversité accrue des États membres, des frontières
de l’Europe à définir.
Le troisième paragraphe présente enfin les ambitions au cœur du
traité de Maastricht. Celles-ci cherchent à approfondir les politiques communes mais elles sont rapidement confrontées à la réalité d’une gouvernance incomplète de l’Union européenne.
• Choix des documents « appuis » du cours
La carte « L’Europe de 6 à 28 » de la page 189 constitue un support
utile pour l’ensemble de cette leçon. Elle peut servir d’illustration
ou de base pour un exercice d’analyse ou de localisation. Outre
le rappel de l’extension de la CEE jusqu’en 1992, elles présente en
effet la localisation des institutions européennes, les différentes
enveloppes (euro, Schengen) ainsi que les élargissements successifs déplaçant le centre de gravité de l’Union européenne vers
l’Est. Les pays candidats peuvent aussi être signalés aux élèves.
L’étude sur Jacques Delors pages 190-191 permet, notamment
dans sa première partie, de rappeler l’action de ce célèbre président de la Commission européenne et les ambitions qu’il fixait à
l’Union européenne dans le traité de Maastricht.
L’article de Libération sur le dossier irakien page 193 reflète enfin
les divisions des pays européens face à un enjeu majeur de politique étrangère : le soutien – ou non – à l’intervention américaine
en Irak en 2003. Son analyse peut constituer une approche intéressante de la méthode du commentaire de document pour le
bac.
→Document 1 : « Hourrah nous sommes 25 ! »,
caricature de Horst Haitzinger, 2004.
Cette caricature a été réalisée par Horst Haitzinger, un célèbre
caricaturiste allemand (né en 1939) qui a obtenu en 2006 le prix
de la caricature allemande pour l’ensemble de son œuvre publiée
dans la presse allemande et internationale.
Le dessin utilise des symboles mythologiques avec l’Europe sous
les traits de la princesse phénicienne éponyme et le dieu Zeus
qui l’a enlevée. Changé en taureau, il tente de tirer un chariot
« EU » (comme « Europäische Union » – Union européenne – en
allemand) dans lequel s’entassent 25 dirigeants européens ravis
et qui crient « Hourrah nous sommes 25 ! ». Leur poids cumulé
bloque pourtant le chariot et le soulève, créant de l’inquiétude
chez Europe et l’accablement du taureau.
Evidemment, le document permet un lien rapide avec l’élargissement de 2004 qui crée certes de l’enthousiasme auprès des
nouveaux membres mais en même temps de l’inquiétude sur les
blocages institutionnels que cet élargissement renforce.
Cours 2 Cours 1 p. 198-199
© Hachette Livre 2014
Une Union européenne élargie aux ambitions
nouvelles
•Présentation
Cette leçon s’inscrit dans la première période de l’étude, le temps
des espoirs, du traité de Maastricht à l’élargissement massif de
2004.
L’Union européenne cherche alors à se définir comme une puissance mondiale (ce qui est l’un des objectifs du traité de Maastricht et au cœur de l’action de Jacques Delors) sans que sa gouvernance ne lui permette réellement d’atteindre cet objectif.
98 • Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
p. 200-201
Une gouvernance européenne en crise
•Présentation
Cette seconde leçon s’inscrit dans le deuxième temps de la
période : du début des années 2000 à la situation actuelle. Après
les espoirs, il s’agit d’un moment de doutes, de crises et de remises
en cause de l’idéal européen.
La gouvernance de l’Union européenne est confrontée aux défis
d’un fonctionnement supranational, notamment avec la mise en
place de la monnaie unique et les accords Schengen. Ces approfondissements obligent à des réformes structurelles pour des
institutions qui n’ont guère évolué mais les différents traités
s’avèrent insuffisants pour les réformer.
La tentative suivante, le projet de Constitution européenne, est
aussi un échec : son rejet entraîne un blocage que les dirigeants
européens tentent de résoudre avec le traité « simplifié » de Lisbonne. Mais à partir de 2009, la crise de l’euro plonge l’Union
européenne dans une nouvelle période de troubles : la solidarité
et la cohésion sont remises en cause et la monnaie unique est en
danger.
Le dernier paragraphe concerne les nombreux débats sur une
Europe qui peine à impliquer les citoyens : l’euroscepticisme, le
déficit démocratique, fédéralistes contre souverainistes.
• Choix des documents « appuis » du cours
Trois documents sont particulièrement utiles pour cette leçon.
D’abord, la carte « L’Europe de 6 à 28 » de la page 189 permet de
repérer la zone euro et l’Europe de Schengen et de montrer les
découpages – enchevêtrés ou non – de l’une et de l’autre. Elle
permet de montrer l’Europe à plusieurs vitesses avec les différents
niveaux d’intégration.
Puis, l’analyse du sondage sur les principales motivations du vote
p. 195 peut à la fois expliquer le rejet du traité constitutionnel en
2005 et illustrer l’euroscepticisme par les motivations du « non ».
Enfin, l’article « Une crise qui commence en Grèce » p. 196 peut
servir de base pour un approfondissement sur la crise de l’euro. Il
serait dans ce cas intéressant de le relier avec le document 1 de la
page 201 consacré au même sujet.
→Document 1 : « La Grèce a le choix »
Patrick Chappatte est un dessinateur suisse (né en 1967) et travaillant pour le quotidien Le Temps et pour The International New
York Times (anciennement International Herald Tribune). Ses caricatures sont donc généralement réalisées en deux langues : français et anglais (pour les éditions internationales).
Cette caricature du 25 mai 2012 illustre la crise de la dette en
Grèce, à l’origine de la crise de l’euro. Dans un bureau miteux où
les membres du gouvernement grec se déchirent, un responsable
grec (on peut le supposer avec la carte sur le mur) reçoit des émissaires européens. Ceux-ci, qui correspondent à l’archétype habituel des technocrates européens (air austère, costumes, lunettes),
annoncent au dirigeant grec le choix qui lui est laissé : quitter
l’Europe ou être quitté par l’Europe.
Sous des traits comiques, cette caricature illustre une vraie tentation de certains dirigeants européens en plein cœur de la crise de
l’euro : exclure la Grèce de la zone euro voire de l’Europe. Cette
option est sérieusement envisagée mais son coût économique,
l’exemple désastreux que cela représenterait pour la solidarité de
l’Union européenne et surtout l’hostilité de la majorité des pays
membres en empêchent la réalisation.
Prépa Bac p. 202-203
À partir de 1992, l’Europe renforce sa construction politique. Le traité
de Maastricht en constitue la première étape. Il marque la naissance
de l’Union européenne. Il institue une citoyenneté européenne et le
principe de subsidiarité qui renforce une législation européenne à
partir des directives. Il met en place une union monétaire (projet
de monnaie unique : l’euro). Il propose aussi une Politique étrangère et de sécurité commune. En 2001, le traité de Nice adopte le
principe de la majorité qualifiée qui doit faciliter la prise de décision
dans une Europe élargie à quinze pays. Enfin, en 2007, le traité de
Lisbonne entérine l’extension des pouvoirs du Parlement européen
et permet la nomination de représentants de l’Union européenne à
l’échelle internationale (président du Conseil européen et ministre
des Affaires étrangères de l’Union Européenne).
Le troisième paragraphe est à rédiger à partir des idées essentielles proposées et d’exemples pris dans le cours et les connaissances personnelles.
Cependant la construction de l’Union européenne connaît des
limites. Dans un contexte économique plus difficile, l’euroscepticisme s’accroît. Il conduit en 2005 au rejet du référendum en France
et aux Pays-Bas sur le projet de Constitution européenne. Par ailleurs, les citoyens se mobilisent peu lors des élections européennes,
tandis que les pays de l’Union ont du mal à s’accorder sur des projets
d’avenir. Des désaccords existent quant à l’élargissement à de nouveaux États et les pays membres se divisent sur l’opportunité d’un
approfondissement du projet politique en faveur de plus de fédéralisme. Enfin, l’Union européenne reste marquée par sa faiblesse sur
la scène internationale en raison de représentants peu connus et de
ses divergences en matière de politique étrangère (intervention en
Irak en 2003).
Sujet en autonomie : La gouvernance de l’Union
européenne depuis le traité de Maastricht (1992).
Le sujet implique de traiter à la fois l’évolution de la gouvernance
européenne et ses limites.
1. Une gouvernance européenne ambitieuse
A. La volonté d’approfondissement (traités de Maastricht, Nice,
Lisbonne).
B. Les élargissements successifs.
C. Les ambitions internationales de l’Union Européenne (Politique étrangère et de sécurité commune).
2. Une gouvernance européenne en crise
A. L’approfondissement difficile dans une Europe élargie.
B. L’échec d’un projet constitutionnel et la difficile mise en place
du fédéralisme.
C. Une Europe qui peine à impliquer les citoyens.
En conclusion, il convient d’évoquer rapidement la situation de
la gouvernance européenne aujourd’hui : euroscepticisme grandissant et en même temps prise de conscience que des réformes
sont nécessaires.
◗◗ Composition
Sujet guidé : La construction politique de l’Union
européenne et ses limites depuis 1992.
Prépa Bac 2. Présenter le sujet
◗◗ Analyse de document(s)
La première phrase n’aborde qu’une partie du sujet, celle des
limites. De même pour la deuxième phrase qui n’aborde que la
construction politique. Seule la troisième phrase aborde tous les
aspects du sujet.
Sujet guidé : La gouvernance de l’Union européenne
depuis 1992.
Le deuxième paragraphe est à rédiger à partir des idées essentielles et exemples indiqués.
4. Confronter les documents
Les points communs aux deux documents sont le traité de Nice (projet et référendum proposé aux Irlandais) ainsi que l’importance de
la participation démocratique des citoyens à travers les référendums
ou les élections législatives des députés européens.
Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
• 99
© Hachette Livre 2014
6. Rédiger la réponse organisée
p. 204-206
5. Rédiger l’analyse
Rédaction du deuxième paragraphe.
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En effet la construction politique de l’Union européenne suscite des
débats. La question de l’approfondissement vers plus de fédéralisme
ou plus de souveraineté des États se pose. Dans le document 1,
la présidente du Parlement européen dénonce les limites de la souveraineté des États en évoquant le fait que « maintenir le droit de
veto d’un État sur quelque question que ce soit, autre que constitutionnelle, ne résistera pas au temps » en raison de l’élargissement
à de nouveaux pays. Elle signale également que ces questions de
souveraineté restent « malheureusement bien hermétiques pour le
grand public ». Ainsi les citoyens irlandais ont rejeté le traité de Nice
lors du référendum de 2002 et l’implication des citoyens européens
reste limitée lors des élections des députés européens et se manifeste par une forte abstention. Les élargissements soulèvent aussi
des inquiétudes car la future intégration des ex-pays communistes
des pays de l’Est prévue en 2004 est perçue par certains comme une
menace d’appauvrissement, de flux d’immigration et de la concurrence d’une main d’œuvre à bas coût.
100 • Histoire - Chapitre 7 - Une gouvernance européenne
Sujet en autonomie : L’Union européenne en crise.
Le document permet de répondre à la première partie de la
consigne (les difficultés de l’Union européenne) et partiellement à
sa seconde partie (les problèmes actuels de la gouvernance européenne) qu’il convient aussi d’étayer par quelques connaissances
personnelles.
1. Les difficultés de l’Union européenne
A. L’évolution du contexte politique : fin de la guerre froide.
B. La fin de la prospérité : crise économique.
C. La construction à géométrie variable : union monétaire, etc.
2. Les problèmes qui se posent aujourd’hui à la gouvernance
européenne
A. Lutter contre l’accroissement des inégalités territoriales.
B. Redonner confiance aux citoyens dans le projet européen.
C. Maintenir une égalité politique entre les États membres.
En conclusion, on peut souligner l’impérieuse nécessité de la
définition d’une nouvelle gouvernance, évoquée par la dernière
phrase du document : « vous avez une monnaie unique mais pas
de politique commune ».
ne gouvernance économique mondiale
U
depuis le sommet du G6 de 1975
p. 208-229
Programme : Thème 3 – Les échelles de gouvernement dans le monde (11 à 12 heures)
Question
Mise en œuvre
L’échelle mondiale
Une gouvernance économique mondiale depuis le sommet du G6 de 1975
◗◗ Problématiques scientifiques du chapitre
La nouveauté du programme de Terminale S, par rapport à celui
de ES/L, repose essentiellement sur le choix de limites chronologiques plus restreintes pour l’analyse de la gouvernance économique mondiale. La période étudiée débute avec la création du
G6 en 1975 – conçu en vue d’établir une concertation entre les
États les plus riches et les plus industrialisés de la planète – dans
un contexte de remise en cause du système de Bretton Woods.
Elle s’achève avec la montée en puissance du G20 auquel le G8
semble avoir cédé « la fonction essentielle de concertation sur les
grandes questions économiques internationales » (Marie-Claude
Smouts, 2012).
Entre-temps, la gouvernance économique mondiale a connu de
profondes mutations. En effet, l’influence des principes libéraux
sur l’action des institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OMC) et la politique économique de nombreux États a
fini par faire l’objet de multiples contestations. Parallèlement, de
nouveaux acteurs (ONG, mouvement altermondialiste, FMN) ont
manifesté leur capacité à prendre part à l’élaboration d’une nouvelle gouvernance économique mondiale.
Les bornes chronologiques retenues pour cette question orientent
clairement le choix des différentes problématiques du chapitre.
Cette nouvelle approche conduit les élèves, guidés par leur professeur, à analyser des questions complexes, puisées dans une
actualité parfois très récente et souvent sources de polémiques
politiques et intellectuelles. Par exemple, il s’agira de présenter la
nouvelle gouvernance économique mondiale mise en œuvre, suite
à la crise de 2008, avec l’affirmation du G20, tout en évoquant les
débats relatifs à son efficacité.
En outre, l’influence de différentes sciences sociales (la science
politique, les sciences économiques et sociales, l’étude des relations internationales, la géographie) se fait ressentir encore plus
fortement sur cette histoire immédiate. Aussi, grâce à l’apport de
ces disciplines, à la question de savoir quelle gouvernance économique mondiale a émergé depuis 1975 et quelle a été son efficacité, il conviendra d’apporter une réponse historique nuancée,
mettant notamment en évidence la diversité des intérêts en jeu
(États, acteurs non étatiques, organisations internationales). En
évitant toute schématisation abusive, il faut donc rendre accessibles, à des élèves de Terminale S, les grands traits d’une nouvelle gouvernance, en évolution permanente, qui implique « une
pluralité d’acteurs interagissant simultanément sur le mode de la
coopération, mais aussi sur le mode de la concurrence » (Cynthia
Ghorra-Gobin, 2012).
◗◗ Débats historiographiques et quelques notions clefs
du chapitre
Le concept de gouvernance a suscité diverses interprétations :
pour certains, ce concept en vogue serait un mot « fourre-tout »,
pour d’autres, un « nouveau paradigme » des relations internationales (Philippe Ryfman, 2010). Si le mot est ancien, le thème de
la gouvernance mondiale connaît un renouveau depuis quelques
décennies. Antienne des ONG, référence des experts, l’expression
a semblé renouveler l’analyse des relations internationales tout
en renvoyant souvent à des problématiques déjà analysées (les
rapports de force entre grandes puissances notamment). Par ailleurs, le mot renvoie à un postulat et une affirmation : les États
seraient incapables de réguler à eux seuls l’économie mondiale.
Et, en associant acteurs étatiques et non étatiques, la bonne gouvernance permettrait de résoudre ce problème. Cette vision qui
a fait florès au sein des organisations internationales à partir des
années 1980 (Banque mondiale, FMI, OMC) s’est accompagnée de
politiques de déréglementation. Tandis que l’influence des États
sur l’économie mondiale reculait, les firmes multinationales devenaient des agents de la mondialisation.
Depuis les années 2000, les crises à répétition ont conduit à une
redéfinition des contours de la gouvernance : avec le G20 notamment, les États sont revenus en force. Face à la lourdeur des
mécanismes multilatéraux (les négociations sur le commerce par
exemple), cette nouvelle gouvernance semble reposer sur des procédures traditionnelles : le concert interétatique et la recherche
du consensus entre grandes puissances. Quant à son efficacité et
à sa légitimité, les analyses divergent : simple retour des États ou
véritable affirmation d’une nouvelle oligarchie mondiale, celle des
plus riches ou des plus forts ? En tout état de cause, la réponse à
ces questions mérite d’être nuancée, en exposant les différents
points de vue, afin de permettre à l’élève de saisir toute la complexité du concept.
•Altermondialisme. Apparu dans le contexte de la fin de la
guerre froide, d’abord surnommé « antimondialisme », ce mouvement protéiforme regroupe des acteurs très divers, soudés par une
opposition commune à une mondialisation d’essence libérale mise
en œuvre par les organisations internationales (FMI, Banque mondiale, OMC). Il prend de l’ampleur à l’occasion des protestations
contre le sommet de l’OMC à Seattle en 1999, puis des manifestations lors de la réunion du G8 à Gênes en 2001. À l’échelle planétaire, il se structure grâce à la création du Forum Social Mondial
(FSM) dont la première édition se déroule à Porto Alegre, au Brésil, en 2001. Conçu au départ en opposition au Forum économique
mondial qui se réunit chaque année à Davos, le FSM devient, au
fil des éditions, un lieu où les différentes composantes de la nébuleuse altermondialiste (associations, ONG, syndicats) tentent de
formuler des propositions alternatives à la mondialisation libérale.
La crise de 2008 semble avoir redonné un certain écho aux thèses
altermondialistes qui ont influencé l’apparition de nouveaux mouvements (Occupy Wall Street apparu à New York en 2011, le mouvement des Indignés né à Madrid la même année). Défenseurs
du modèle social européen, pourfendeurs d’une mondialisation
synonyme d’uniformisation culturelle, opposants aux différents
sommets du G20, militants pour la sauvegarde de la planète et
partisans d’une gouvernance économique plus démocratique se
réunissent sous la bannière de l’altermondialisme, formant ainsi
une « coalition bigarrée » (Cynthia Ghorra-Gobin, 2012). Pour
ce mouvement composite, le défi consiste à élaborer des propositions concrètes susceptibles d’orienter les choix des autres
acteurs de la gouvernance économique mondiale après la crise
économique de 2008.
Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
• 101
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HISTOIRE
chapitre 8
•Gouvernance. Le terme « gouvernance » est d’abord apparu
en français, au xiiie siècle, pour désigner « l’art de gouverner les
hommes ». Du projet d’assemblée permanente d’États du légiste
français Pierre Dubois, au Moyen Âge, à celui d’Emmanuel Kant
d’une fédération d’États libres, aux débuts de l’ère contemporaine, la notion a initialement renvoyé au désir de voir les grands
États coopérer en vue de maintenir ou de restaurer la paix. Du
xixe siècle, avec l’apparition de la Commission centrale pour la
navigation du Rhin (1816), au lendemain de la Première Guerre
mondiale avec la naissance de la Société des Nations (1919), la
création des premières organisations internationales symbolise
cette volonté de concertation et de décision collective à l’échelle
supranationale.
En matière économique, toutefois, les projets de gouvernance
internationale se limitent à la création, en 1919, de l’Organisation
internationale du travail dont l’influence demeura marginale dans
le contexte de crise des années 1930.
Au terme de la Seconde Guerre mondiale, les institutions de Bretton Woods sont conçues comme une réponse à l’incapacité passée des États à lutter efficacement, à l’échelle planétaire, contre
les grands désordres économiques et sociaux. Au FMI, à la Banque
mondiale, à l’Organisation internationale du commerce puis, rapidement, au GATT, revient la mission d’assurer la stabilité monétaire, le développement économique à l’échelle internationale et
la régulation du commerce mondial. Dans le contexte de guerre
froide, cette nouvelle gouvernance, rejetée par l’URSS et ses
alliés, contestée par le Tiers monde et à l’efficacité toute relative,
reflète aussi l’hégémonie des États-Unis sur le bloc occidental.
Au cours des années 1970, le système de Bretton Woods est déstabilisé par les difficultés économiques des États-Unis et la fin de
la stabilité monétaire internationale. Une nouvelle ère faite de
paradoxes commence pour la gouvernance : alors que le sommet
du G6 en 1975 semble marquer le retour des États, peu à peu,
le concept de corporate governance (gouvernance d’entreprise),
emprunté au langage des gestionnaires de grandes firmes et
transposé au niveau macroéconomique par la Banque mondiale
notamment, diffuse l’idée que la bonne gouvernance nécessite
d’impliquer de nouveaux acteurs : les ONG, les mouvements
de citoyens, les firmes multinationales, etc. Selon ces nouvelles
conceptions, l’élaboration de règles économiques collectives doit
échapper au monopole des États, jugés incapables d’élaborer seuls
des réponses efficaces aux nouveaux défis générés par la mondialisation. La gouvernance devrait reposer sur une négociation
ouverte et permanente entre un ensemble d’acteurs politiques,
économiques et sociaux. En tout état de cause, depuis le milieu
des années 1970, l’ampleur des déséquilibres socioéconomiques,
la complexité des défis économiques posés par le réchauffement
climatique et l’amplification de la mondialisation ont bel et bien
contribué à la redéfinition d’une gouvernance au sein de laquelle
collaborent et rivalisent une multitude d’acteurs étatiques et non
étatiques.
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•Néolibéralisme. À partir des années 1980, suite aux victoires
électorales de Margaret Thatcher et de Ronald Reagan, les théories économiques libérales servent de source d’inspiration aux
politiques mises en œuvre par les principaux acteurs de la gouvernance économique mondiale. Ce « tournant néolibéral » (Bruno
Jobert, 1994), qui débute au Royaume-Uni et gagne les États-Unis,
oriente aussi l’action du FMI et de la Banque mondiale. Le néolibéralisme vise au retrait massif de l’action de l’État dans la vie
économique et prétend dynamiser la croissance grâce à la liberté
d’entreprendre, au libre-échange et à la libre concurrence. La mise
en œuvre se traduit par l’instauration de politiques de déréglementation, de privatisation, de libéralisation des échanges et des
investissements dans les pays occidentaux, puis, sous l’effet du
consensus de Washington, dans les pays en développement, par le
102 • Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
recours aux Plans d’ajustements structurels (PAS). La lutte contre
la mondialisation libérale devient alors « le cri de ralliement du
mouvement altermondialiste » (Cynthia Ghorra-Gobin, 2012).
◗◗ Bibliographie
• Ouvrages et articles universitaires sur la gouvernance
économique mondiale
B. Badie, La Diplomatie de connivence, La Découverte, 2011.
A. Dejammet, L’Archipel de la gouvernance mondiale, ONU, G7, G8,
G20, Dalloz, 2012.
G. Devin, M.-C. Smouts, Les Organisations internationales, Armand
Colin, 2011.
C. Ghorra-Gobin (sous dir.), Dictionnaire critique de la mondialisation, Armand Colin, 2012.
J.-C. Graz, La Gouvernance de la mondialisation, La Découverte,
Coll. Repères, 2008.
J. Mistral, Le G20 et la nouvelle gouvernance économique mondiale,
PUF, 2011.
P. Norel, L’Invention du marché, une histoire économique de la mondialisation, Seuil, 2004.
M.-C. Smouts, Dictionnaire des relations internationales, Dalloz,
2012.
« Mondialisation, une gouvernance introuvable », Questions internationales, n° 46, mai-juin 2010.
• Ouvrages et articles consacrés aux nouveaux acteurs
de la gouvernance économique mondiale
M. Goussot, « Mondialisation, pays émergents et pays pauvres :
vers une nouvelle géoéconomie ? », Questions internationales,
n° 22, novembre-décembre 2006.
P. Lamy, La Démocratie monde, pour une autre gouvernance globale, Seuil, 2004.
G. Pleyers, Forums sociaux mondiaux et défis de l’altermondialisme,
Academia, 2008.
J. Stiglitz, Le Rapport Stiglitz : pour une vraie réforme du système
monétaire et financier international après la crise mondiale, Actes
Sud, 2012.
C. Woll, « Les stratégies des pays émergents au sein de l’OMC »,
in Jaffrelot Christian (dir.), L’Enjeu mondial, Presses de Sciences
Po, 2008.
« À la recherche de la gouvernance, Entretien avec Thérèse Gastaut et Philippe Ryfman », Questions internationales, n° 46, maijuin 2010.
« Le krach du libéralisme », Manière de voir, n° 102, décembre 2008
- janvier 2009.
• Sites Internet
http://www.banquemondiale.org/
Le site de la Banque mondiale donne notamment accès à de nombreuses publications par thème et par région.
http://www.imf.org/external/french/index.htm
Le site du FMI permet de télécharger les rapports annuels et de
consulter les communiqués de ses représentants.
http://www.g20.org/
Le site du G20, actualisé au gré des sommets.
http://www.wto.org/indexfr.htm
Le site de l’OMC propose de nombreux documents, notamment
des cartes thématiques.
http://www.un.org/fr/civilsociety/dpingo/index.shtml
Le site des ONG partenaires officiels de l’ONU.
p. 208-209
Ce chapitre analyse les mutations de la gouvernance économique
mondiale depuis la création du G6 lors du sommet de Fontainebleau en 1975. La problématique principale indique que les défis
posés par la mondialisation et la récurrence des crises financières
ont contribué à ces transformations. D’une part, il s’agit d’étudier
le passage d’une gouvernance fortement orientée par quelques
États riches et puissants à une gouvernance multipolaire influencée par un nombre croissant d’acteurs. D’autre part, il convient de
souligner l’ambition croissante des objectifs assignés aux acteurs
de la gouvernance économique mondiale, en raison des défis
posés par la mondialisation et la crise de 2007. Enfin, les évolutions du phénomène étudié doivent être signalées. La remise en
cause progressive d’une gouvernance dominée par les principes
néolibéraux et les États les plus riches s’est accompagnée de la
recherche d’un système plus équitable et plus démocratique. Les
études retenues doivent permettre d’apporter des réponses à ces
questions tout en conduisant les élèves à percevoir le caractère
inachevé et mouvant de la gouvernance économique mondiale.
→Document 1 : Les dirigeants du G20 au sommet de Cannes
(novembre 2011)
Ce premier document attire l’attention sur un des acteurs principaux de la gouvernance économique actuelle, le G20, structure
qui existait depuis 1999 sous la forme d’une réunion élargie des
ministres des Finances. À l’automne 2008, le G20 a désormais réuni
les chefs d’État et de gouvernement des pays considérés comme
les plus influents sur le plan économique, en vue d’apporter des
réponses à la crise mondiale. À la différence du sommet de Séoul
en 2010, qui aboutit à l’adoption du principe de l’accroissement
de l’influence des pays émergents au sein du FMI, le sommet de
Cannes de 2011 ne permit d’entreprendre aucune réforme institutionnelle. En somme, ce document permet d’attirer l’attention sur
les limites du concept de gouvernance. Sur la photographie sont
réunis côte à côte les membres du G20 : chefs d’État et de gouvernement, représentants de l’Union européenne, dirigeants du
FMI et de l’OMC. L’image symbolise la coopération et la concorde
entre les grands dirigeants de la planète. Elle sert aussi à mettre
en scène la légitimité du G20 au sein duquel sont représentés pays
du Nord et pays du Sud. À l’arrière-plan, le slogan du sommet
véhicule un message sous-jacent : le G20 est destiné à répondre
aux défis posés par la mondialisation et la crise. Il existe pourtant un décalage entre la charge évocatrice de ce type d’image,
désormais ritualisée, et les difficultés que les participants du G20
rencontrent pour prendre des décisions économiques applicables
à l’échelle internationale.
→Document 2 : Des manifestants altermondialistes
(novembre 2011)
À quelques kilomètres du sommet du G20, au même moment,
des manifestants cherchent à faire entendre leurs revendications
en faveur d’une gouvernance plus démocratique et plus juste. Au
premier plan, parmi les pancartes aux slogans altermondialistes
et quelques drapeaux d’organisations syndicales, des manifestants brandissent un globe terrestre sur lequel figure une interpellation adressée aux membres du G20. La photographie symbolise la nébuleuse altermondialiste désireuse de voir émerger une
gouvernance moins influencée par les principes libéraux et plus
proche des aspirations supposées de la majorité de la population
mondiale.
La confrontation des deux documents oppose le petit groupe
des dirigeants des grandes puissances de la planète à la foule des
manifestants. La simultanéité des deux événements, le sommet
du G20 et la manifestation altermondialiste, met en scène deux
acteurs de la gouvernance aux projets différents et dont les rapports oscillent entre dialogue, débats et contestations. Les deux
photographies méritent d’être replacées dans un contexte historique plus large : le mouvement altermondialiste a bénéficié d’une
résonnance médiatique accrue à l’occasion des manifestations
contre les réunions de l’OMC à Seattle en 1990 et du G8 à Gênes
en 2001. Suite aux violents affrontements entre certains manifestants et membres des forces de l’ordre, les sommets du G8 et du
G20 ont pris des allures de forteresses assiégées et protégées par
un impressionnant déploiement de forces de police, accentuant
l’idée d’une coupure avec les préoccupations de la majorité de la
population.
◗◗ Frise
La frise chronologique attire l’attention sur le passage d’une gouvernance en apparence dominée par une poignée d’États riches et
les principes néolibéraux à une phase de recherche d’une nouvelle
gouvernance. Les repères retenus pour la première période rappellent le retour des États (création du G6-G7) dans un contexte
de crises et d’endettement de nombreux pays du Sud soumis au
régime de PAS inspirés par les principes néolibéraux. La deuxième
période, qui s’ouvre avec la disparition du bloc communiste, se
caractérise à la fois par le triomphe, contesté, du modèle libéral (consensus de Washington, création de l’OMC au terme des
négociations de l’Uruguay Round), l’affirmation de nouveaux
acteurs (mouvement altermondialiste, G20, pays émergents) et la
complexité des enjeux de la gouvernance économique mondiale
actuelle (la lutte contre le réchauffement climatique et la crise
mondiale).
Repères p. 210-213
Ces pages sont destinées à offrir aux élèves une série de repères
conceptuels, chronologiques et géographiques afin de consolider
les apports de connaissances fournis par les études. Elles complètent aussi les pages de cours, en offrant une vision synthétique
des principales idées à retenir en vue d’apporter une réponse
argumentée aux grandes problématiques de ce chapitre : qui sont
les acteurs de la gouvernance, quelles sont les relations qu’ils
entretiennent les uns avec les autres, quelles réactions et quels
débats le rôle de ces acteurs dans la gouvernance suscitent-ils ?
A. La mise en place de la gouvernance
économique mondiale p. 210-211
Tout d’abord, la présentation synthétique de quelques concepts
clés souligne que les évolutions de la gouvernance économique
mondiale ont largement été influencées par les théories économiques néolibérales émises à partir de la fin des années 1970.
Ainsi, la définition actuelle du concept de gouvernance repose sur
l’idée que les États ne pourraient plus relever à eux seuls les défis
multiples et complexes posés par la mondialisation.
Le document 1 permet de résumer, dans un tableau facilement
compréhensible pour les élèves, les bases de la gouvernance économique mondiale issue du système de Bretton Woods, à l’origine des premières institutions permanentes et durables concernant l’économie de la planète. Il met en évidence les missions
distinctes du FMI dont le but premier est la stabilité monétaire
internationale et de la Banque Internationale pour la Reconstruction et le Développement qui a pour mission prioritaire d’aider les
pays détruits par le conflit mondial. La Banque mondiale assure
la solidarité économique entre les nations puisque, grâce aux
financements fournis par les pays les plus riches, elle peut aider
les pays les moins développés. Le Fonds Monétaire International
Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
• 103
© Hachette Livre 2014
Introduction au chapitre (FMI) crée une solidarité monétaire internationale par le rôle de
monnaie-étalon du dollar mais aussi une stabilité monétaire pour
les échanges économiques. Une information essentielle de ce
tableau est la mainmise géographique des États-Unis sur ces deux
institutions puisqu’elles s’installent toutes deux à Washington à
500 mètres à peine de la Maison Blanche et du département du
Trésor. La Banque mondiale et le FMI sont donc très fortement
influencés par les États-Unis, à la fois par leur localisation géographique (Washington) et par leur mode de financement puisque le
système de quote-part proportionnelle à la richesse économique
favorise les États-Unis, première puissance mondiale.
Présenté sous la forme d’un schéma fléché, le document 2
constitue un rappel des étapes ayant précédé les tentatives de
mise en œuvre de nouvelles formes de gouvernance économique
mondiale depuis la création du G6 en 1975. Il sert à comprendre
quels facteurs conjoncturels (la fin de la convertibilité or du dollar
notamment) ont pu conduire à une rupture progressive avec le
système mis en place à Bretton Woods. Il permet aussi de mesurer
l’ampleur des changements de la gouvernance : le passage d’un
système dominé par les États-Unis et rejeté par le bloc communiste à un système multipolaire d’envergure internationale.
Le planisphère, document 3, complète le document précédent.
Grâce à des figurés ponctuels et linéaires, il permet de situer dans
l’espace la plupart des acteurs majeurs de la gouvernance économique mondiale : frontières des regroupements étatiques, localisation des forums où se retrouvent aussi des acteurs non étatiques, sièges des principales institutions internationales. Cette
carte attire aussi l’attention sur deux aspects fondamentaux de la
gouvernance économique : sa dimension internationale (notamment le poids décisif des pays du Nord et l’affirmation récente
de certains pays du Sud) et la pluralité des acteurs investis. Elle
permet donc de souligner la quasi-universalité des institutions de
gouvernance économique mondiale au début du xxie siècle mais
aussi le fait que les membres du G8 sont encore situés exclusivement dans l’hémisphère Nord parmi les puissances occidentales industrialisées. On pourra, en parallèle, faire remarquer aux
élèves, qu’en 2014, le seul État important, non membre de l’OMC
et du FMI, est la Corée du Nord parce qu’il est un pays communiste complètement fermé aux échanges internationaux.
© Hachette Livre 2014
B. Les acteurs de la gouvernance
économique mondiale p. 212-213
Les tableaux synthétiques (documents 4, 5 et 6) offrent enfin
une présentation problématisée du rôle joué par les différents
types d’acteurs de la gouvernance économique mondiale et
des réactions que ces derniers peuvent susciter. En regroupant
grandes institutions internationales et FMN, le document 4
souligne les points communs de ces acteurs majeurs de la mondialisation. Ardents défenseurs de la dérégulation et de la libre
circulation des biens et des services dans les années 1980, ils ont
été accusés, par les partisans de l’altermondialisme, de contribuer
à accentuer les inégalités entre pauvres et riches, entre pays du
Nord et pays du Sud. Le document 5, quant à lui, soumet à la
réflexion l’hypothèse du retour en force des États dans la gouvernance économique mondiale. Tandis que le G6 devenu G8 semble
avoir perdu de l’influence, le G20 prétend désormais incarner la
structure de concertation interétatique la plus représentative et
la plus apte à remédier aux maux issus de la crise économique et
des dérèglements financiers internationaux. Enfin, le document 6
ouvre la réflexion aux problématiques les plus récentes en évoquant le rôle et les faiblesses des acteurs emblématiques promoteurs d’une gouvernance économique mondiale plus juste et plus
démocratique.
104 • Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
Acteurs Pascal Lamy, le défenseur de l’OMC
p. 214-215
p. 214
En affirmant en 2004, dans son ouvrage consacré à la « gouvernance globale », « ceux qui ont la compétence manquent de
légitimité, ceux qui ont la légitimité manquent de compétence »,
Pascal Lamy exposait déjà les principes sur lesquels il allait ensuite
fonder son action à la tête de l’OMC. Favorable au renforcement
des institutions internationales dans la gouvernance économique
mondiale (« ceux qui ont la compétence ») face à des États dépassés par les enjeux de la mondialisation (« ceux qui […] manquent
de compétence »), Pascal Lamy a aussi défendu, au cours de ses
deux mandats de directeur de l’OMC, l’idée que le libre-échange
était synonyme de développement. Il a réussi à faire de cette institution un des piliers de la gouvernance économique mondiale.
De fait, entre 2005 et 2013, le nombre d’États ayant adhéré à
l’OMC a continué à s’accroître.
Le directeur de l’OMC a aussi été présenté, par les altermondialistes, comme un militant de l’idéologie libérale responsable de
l’aggravation des inégalités de richesse. L’étude du rôle de Pascal
Lamy permet donc d’aborder le thème du renforcement du poids
de l’OMC dans les mécanismes de la gouvernance économique
mondiale et les débats que ce phénomène a suscités.
→Document 1 : Le promoteur d’un libre-échange régulé
Dans cet entretien accordé à Radio France internationale à trois
jours de la fin de son mandat, le directeur général de l’OMC
dresse, de son action, un bilan en forme de plaidoyer pro domo. Il
établit une stricte correspondance entre progrès du libre-échange
et développement économique des pays du Sud. Par ailleurs, il
insiste sur le renforcement des pouvoirs de l’OMC, organisation
supranationale désormais capable d’infliger des sanctions aux
États ne respectant pas les règles de fonctionnement du commerce international.
→Document 2 : Le promoteur d’une OMC pilier
de la gouvernance économique mondiale
Un mois plus tôt, lors de son allocution de départ, Pascal Lamy
insiste sur le rôle croissant joué par l’OMC dans les mécanismes
de la gouvernance économique mondiale et passe sous silence ses
échecs. Il occulte aussi les blocages persistants entre pays du Nord
et pays du Sud, sur la question des subventions à l’agriculture,
par exemple lors du cycle de négociations de Doha entre 2001
et 2006. En conclusion de son discours, Pascal Lamy réaffirme
son désir de voir l’OMC jouer, à l’avenir, un rôle déterminant dans
la poursuite de la libéralisation du commerce mondial qui serait,
selon lui, synonyme de croissance pour tous.
Joseph Stiglitz, l’économiste
du libéralisme « contrôlé »
p. 215
Le parcours du prix Nobel d’économie Joseph Stiglitz en fait
un parfait connaisseur des arcanes de la gouvernance économique contemporaine. Suite à son passage à la Banque centrale
entre 1997 et 2000, il prône une réforme des règles de l’économie
mondiale afin de promouvoir une mondialisation plus soucieuse
d’un développement harmonieux. Il dénonce notamment l’action
de la Banque mondiale et du FMI dans les pays du Sud à la fin des
années 1990. Ayant accédé au statut d’auteur à succès, il devient
une référence pour une partie du mouvement altermondialiste
hostile aux mesures d’inspiration libérale appliquées dans les PED
par les institutions économiques internationales. En 2010, dans le
rapport qu’il rédige sur les solutions à apporter à la crise mondiale,
il arrive à la conclusion que seule l’ONU possède la légitimité et
→Document 3 : Pour une réforme des institutions
économiques internationales
Dans La Grande Désillusion, Joseph Stiglitz procède à une remise
en question idéologique des fondements de l’action de la Banque
mondiale au sein de laquelle il a exercé successivement les
fonctions d’économiste en chef et de vice-président entre 1997
et 2000. Dans cet extrait, il opère aussi une comparaison avec
la politique menée par le FMI, basée sur les mêmes présupposés
libéraux. À l’image de la démonstration qu’il développe tout au
long de son ouvrage, il insiste sur le manque de légitimité et de
compétence de la Banque mondiale et du FMI qui s’immiscent
dans les politiques économiques des pays en développement.
Pour remédier à ce problème, il appelle à une réforme du fonctionnement de ces institutions, en faveur d’une meilleure représentation des pays du Sud en leur sein.
→Document 4 : Couverture du journal mexicain El Universal,
janvier 2013
Cette couverture du supplément hebdomadaire au quotidien
mexicain El Universal souligne les paradoxes de la renommée du
prix Nobel d’économie et ancien conseiller du président Bill Clinton : consultés par les chefs d’État des grandes puissances souvent
accusés d’oublier les plus démunis, ses ouvrages ont aussi reçu un
accueil très favorable parmi les défenseurs d’une gouvernance plus
proche des populations. De fait, la « Commission sur la mesure
des performances économiques et du progrès social » qu’il a présidée, aux côtés des économistes Amartya Sen et Jean-Paul Fitoussi,
entre 2008 et 2009, est née à l’instigation du président Nicolas Sarkozy tandis que ses thèses hostiles à l’action du FMI, de la Banque
mondiale, de l’OMC ont inspiré le mouvement altermondialiste.
→Document 5 : Pour un renouveau de l’ONU
dans la gouvernance mondiale
Fruit d’un travail collectif réalisé par une dizaine d’économistes de
renommée internationale et commandé par l’ONU, le « rapport
Stiglitz » était destiné à émettre des solutions à la crise économique mondiale de 2008. Au terme d’une réflexion menée depuis
une dizaine d’années sur les défauts d’une gouvernance organisée,
d’après lui, au profit des États développés, Joseph Stiglitz parvient
à la conclusion que seule l’ONU, surnommée le « G192 », peut
relever les défis posés par la mondialisation et les désordres économiques planétaires.
◗◗ Réponses aux questions
1. Le directeur de l’OMC, Pascal Lamy, défend le principe du libreéchange en raison des bénéfices supposés que celui-ci apporterait
aux pays qui l’adoptent, notamment les pays en développement.
En l’occurrence, selon Pascal Lamy, la lutte contre le protectionnisme favoriserait la croissance économique sans signifier pour
autant l’absence de règles du commerce international. En effet,
l’OMC dispose des moyens juridiques pour imposer le respect des
accords conclus entre ses États membres.
2. Selon Pascal Lamy, l’OMC constitue une institution clé de la
gouvernance économique future car elle est la seule organisation
internationale capable de définir les règles de fonctionnement du
commerce mondial tout en disposant des compétences juridiques
pour faire respecter ses dernières.
3. Joseph Stiglitz accuse tout d’abord le FMI et la Banque mondiale de manquer de légitimité démocratique en servant uniquement les intérêts des États les plus industrialisés et les plus riches.
Par ailleurs, il ajoute que ces institutions et leurs dirigeants ne
possèdent pas une connaissance suffisante des pays en développement dans lesquels la plupart de leurs décisions s’appliquent pourtant. Enfin, le G20, dont les pays membres se sont autoproclamés
leaders mondiaux en matière de décisions économiques, n’est pas
suffisamment représentatif de l’ensemble des États de la planète.
4. Les propositions de Joseph Stiglitz incarnent la recherche d’une
gouvernance plus juste et plus démocratique. D’une part, ses critiques du FMI et de la Banque mondiale alimentent la réflexion
des mouvements altermondialistes très critiques envers ces institutions. D’autre part, le souhait de confier à l’ONU un rôle clé
rejoint le désir des pays du Sud exclus du G20 de se voir mieux
représentés lors des discussions sur les questions économiques
internationales.
◗◗ Vers l’analyse de document du BAC
Ce texte est un extrait du rapport Stiglitz commandé par l’ONU
suite à la crise mondiale ayant débuté aux États-Unis en 2007.
C’est dans ce contexte que l’influence du G20 a augmenté en
matière de gouvernance économique mondiale. Or, Joseph Stiglitz
dénie à cette réunion des chefs d’État et de gouvernement des
pays considérés comme les plus puissants la légitimité suffisante
pour prendre des décisions s’appliquant à l’ensemble des États
de la planète. Selon lui, face aux défis économiques mondiaux,
s’impose la nécessité d’impliquer l’ensemble de la communauté
internationale, notamment les pays traditionnellement exclus des
cénacles de décision habituels, les PMA. Dans cette perspective,
seule l’ONU, une forme de « G192 » en référence au nombre de
ses États membres, disposerait de la représentativité suffisante
pour relever les défis posés par la crise et les enjeux contemporains de la mondialisation.
Étude 1 p. 216-217
La place des pays du Sud dans la gouvernance
économique mondiale
La question de la place des pays du Sud dans la gouvernance économique mondiale depuis 1975 renvoie à deux problématiques
majeures de ce chapitre. Depuis les années 1970, la gouvernance
s’est-elle démocratisée en s’ouvrant davantage aux pays du Sud ?
La gouvernance actuelle, malgré des évolutions, ne symbolise-telle pas la persistance de la suprématie d’une minorité d’États,
les plus riches et les plus développés ? De la fin des années 1970
aux années 1980, confrontés à un problème de la dette devenu
insoluble, de nombreux pays en développement ont été soumis à
la mise en œuvre de PAS définis par le FMI et la Banque mondiale.
Toutefois, progressivement, les pays du Sud ont appris à s’organiser pour former des coalitions capables de peser sur le cours
des négociations internationales. Néanmoins, si le G20 a marqué
l’entrée des émergents dans la gouvernance économique mondiale, la plupart des pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine ne
semblent pas encore en mesure d’influencer les décisions économiques à l’échelle internationale.
→Document 1 : Les pays du Sud à l’épreuve des PAS
Ces deux textes rappellent quelles conditions ont été imposées
au pays du Sud en grande difficulté financière par le FMI et la
Banque mondiale en contrepartie de leur aide. Inspirés par les
théories économiques néolibérales hostiles à l’intervention de
l’État pour corriger les inégalités économiques et sociales, les PAS
ont conduit à une réduction drastique des dépenses publiques
dans des secteurs clés tels que la santé ou l’éducation. Le professeur peut, à cette occasion, rappeler que les missions du FMI
avaient été profondément modifiées, après la fin de la convertibiHistoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
• 105
© Hachette Livre 2014
les ressources pour assumer la direction de la future gouvernance
économique mondiale.
lité du dollar en or, par les accords de la Jamaïque de 1976. Le FMI
devient alors une banque de financement pour les pays en développement du tiers monde qui ne peuvent supporter, au contraire
des pays industrialisés, le déficit de leurs balances des paiements
sur les marchés internationaux. Ainsi, dès la fin des années 1970,
ces prêts du FMI aux pays du tiers monde sont conditionnels à des
réformes structurelles de leur économie pour redresser durablement la balance des paiements.
Le document 1a définit simplement ce qu’est le consensus de
Washington dont le but principal est de réduire les dépenses
publiques des États endettés et de les rendre plus attractifs pour
les capitaux étrangers. Ainsi, ces États endettés peuvent dégager
des excédents de la balance des paiements qui leur permettent
de se désendetter.
Le document 1b, écrit par Aminata Dramane Traore, résume
l’argumentaire « anti PAS » qu’elle développera quelques années
plus tard dans le film « Bamako » d’Abderrahmane Sissako sorti en
2006 où, dans la cour d’une maison de Bamako se joue le procès
de l’Afrique contre la Banque mondiale et le FMI. Selon l’auteur,
ces plans d’ajustement structurel imposés par le FMI obligent à
réduire massivement les salaires ainsi que la présence de l’État
dans l’économie par une série de privatisations des entreprises
publiques. Les conséquences négatives de ces plans d’ajustement
structurel du FMI sont considérables : perte de pouvoir d’achat
de la population, augmentation de la pauvreté et des inégalités
sociales, mainmise d’une technostructure internationale sur les
forces vives d’un pays.
→Document 2 : La marge de manœuvre limitée des BRICS
Cet extrait d’un article de la revue Questions internationales rappelle combien l’influence des pays émergents en matière de gouvernance économique internationale reste limitée. Certes, au
FMI, la réforme de 2006 a abouti à l’accroissement de l’influence
de plusieurs pays du Sud (la Chine, le Mexique, la Turquie). Néanmoins, l’Union européenne continue à conserver le monopole de
la direction de cette institution, les États-Unis gardant la mainmise sur la Banque mondiale. Les BRICS, malgré les rencontres
symboliques et très médiatisées de leurs dirigeants, ne constituent pas encore un bloc uni capable de contrebalancer le poids
des pays de l’Union européenne et des États-Unis.
→Document 3 : L’OMC face au déséquilibre Nord-Sud,
caricature de Samson, 2008
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Cette caricature de Samson oppose, dans une compétition symbolique arbitrée par l’OMC, les poids lourds de l’agrobusiness
(l’Union européenne et les États-Unis semble sous-entendre le
caricaturiste) au petit attelage des agricultures de subsistance
des pays du Sud. Ce document fait référence au déséquilibre des
forces qui règne au sein de l’OMC. Derrière les apparences d’une
compétition internationale équitable basée sur le respect de règles
identiques pour tous, se cacherait un système biaisé où les plus
riches seraient assurés de l’emporter. En 2006, les négociations de
Doha organisées par l’OMC buttèrent notamment sur la question
du maintien des subventions versées aux agriculteurs étatsuniens
et européens défavorables aux agriculteurs des pays du Sud.
→Document 4 : De nouveaux exclus de la gouvernance
économique mondiale ?
Dans son ouvrage, Alain Dejammet, ancien ambassadeur de
France auprès des Nations unies, pointe le manque de représentativité du G20. Si le G20 est devenu un pôle de concertation
économique d’envergure mondiale intégrant de nombreux pays
émergents, il n’en reste pas moins qu’il exclut de nombreux États
d’Amérique latine, d’Asie et, a fortiori, d’Afrique, continent particulièrement sous-représenté.
106 • Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
→Document 5 : FMI et Banque mondiale face aux défis
de la gouvernance
Cet article publié dans La Dépêche en octobre 2013 avance la thèse
selon laquelle le FMI et la Banque mondiale, faute d’avoir pu, ou
voulu, se réformer et accorder plus d’influence aux pays émergents, s’exposeraient au risque d’être délaissés par ces derniers.
Le journaliste estime que la concurrence de nouveaux acteurs du
développement menacerait d’atomiser davantage une gouvernance mondiale déjà très fragmentée.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les PAS ont eu des conséquences négatives sur le développement des pays du Sud. La réduction des dépenses publiques en
matière de santé et d’éducation a affecté les conditions de vie
des franges les plus démunies des populations de nombreux pays
d’Afrique subsaharienne, en milieu urbain notamment.
2.Les pays du Sud ont longtemps peiné à peser sur la gouvernance économique mondiale en raison de leur très faible représentation au sein des grandes institutions économiques internationales. Le partage tacite des directions respectives de la Banque
mondiale et du FMI entre Europe et États-Unis a contribué à leur
marginalisation persistante.
3. En raison de leur forte croissance économique, les pays émergents paraissent désormais en mesure de s’émanciper de la tutelle
du FMI et de la Banque mondiale. Le projet de création d’un nouveau fond monétaire, à l’instigation des BRICS, prévu à la fin de
l’année 2014, attesterait de cette tendance.
4.L’absence de nombreux pays d’Asie, d’Amérique latine et
d’Afrique au sein du G20 démontre que la plupart des pays du
Sud ne sont toujours pas en mesure d’exercer une influence comparable à celle des pays développés dans la gouvernance économique mondiale.
◗◗ Vers la composition du BAC
Des années 1970 aux années 1980, les pays du Sud ont tout
d’abord été largement exclus des mécanismes de la gouvernance
économique confiés aux pays développés, au premier chef aux
États-Unis et aux pays européens. Les populations d’Afrique subsaharienne ont, par exemple, été soumises aux PAS sans avoir
la moindre opportunité de modifier les choix effectués par leurs
dirigeants sous la pression du FMI et de la Banque mondiale. En
matière agricole, les pays en développement n’ont pas réussi à
imposer la fin des subventions accordées aux agriculteurs étatsuniens et européens.
Peu à peu toutefois, en raison de leurs forts taux de croissance
économique, les pays émergents ont réussi à conforter leur
influence. La réforme du FMI accroissant, par exemple, le droit de
vote de la Chine en a constitué un symbole. Plus récemment, les
projets de création d’un nouveau fond monétaire à l’instigation
des BRICS semblent avoir confirmé cette tendance. Malgré ces
évolutions, les pays du Sud sont encore très sous-représentés au
sein du G20 devenu, depuis la crise de 2008, la grande instance de
concertation économique interétatique.
Étude 2 p. 218-219
La gouvernance économique mondiale
face au changement climatique
Cette étude présente l’intérêt d’aborder les trois aspects clés de
ce chapitre. Tout d’abord, elle sert à montrer que la gouvernance
économique mondiale met aux prises une multitude d’acteurs
aux intérêts souvent contraires. Ensuite, elle démontre que les
→Document 1 : Copenhague : échec ou compromis ?
Cet article sur le thème du changement climatique, tiré du Dictionnaire des relations internationales de Marie-Claude Smouts,
dresse un bilan mitigé de la conférence de Copenhague de
décembre 2009. Les États réunis à cette occasion s’étaient fixé
l’objectif ambitieux d’aboutir à un nouveau traité. Celui-ci aurait
succédé au protocole de Kyoto qui avait permis de faire adopter des engagements chiffrés de réduction des émissions de gaz
à effets de serre à 38 pays industrialisés. En évoquant le nombre
élevé d’acteurs aux intérêts parfois très opposés, le document
met en évidence les difficultés à faire fonctionner la gouvernance
économique sur les questions climatiques. Le bilan de cette
conférence reste mitigé. Pour certains, l’accord finalement signé à
Copenhague visant à ne pas dépasser une augmentation moyenne
de 2° Celsius par rapport à 1850 fut une réussite. Pour d’autres, il
s’agissait d’un échec dans la mesure où cet objectif ne fut assorti
d’aucun cadre juridique contraignant.
→Document 2 : Organisations non gouvernementales et
experts participant aux accords de Copenhague (2009),
conférence organisée par les Nations unies
Ce planisphère complète utilement le document précédent. Il met
en évidence deux phénomènes importants pour comprendre les
mécanismes de la gouvernance actuelle. D’une part, le poids des
acteurs non étatiques, les ONG notamment, s’est considérablement accru. D’autre part, même si les pays du Sud participent aux
grandes conférences internationales sur le changement climatique,
les pays du Nord bénéficient, par l’intermédiaire du nombre d’experts qu’ils sont capables d’envoyer dans ces réunions, d’une capacité à peser sur les débats largement supérieure à celle des PED.
→Document 3 : Des multinationales intègrent
le risque climatique
Cet article du quotidien Le Monde paru en janvier 2013 analyse
les raisons qui poussent un nombre croissant de FMN à intégrer le risque climatique dans leur stratégie de développement.
Il confirme l’idée selon laquelle les acteurs privés influent sur la
gouvernance économique mondiale. En l’occurrence, le journaliste insiste sur le fait qu’en matière de réchauffement climatique,
comme dans de nombreux autres domaines, les FMN seraient
plutôt hostiles à la mise en œuvre d’une réglementation accrue
de leurs activités.
→Document 4 : Des acteurs non étatiques pour peser
dans la gouvernance économique
Sur cette photographie prise lors d’une manifestation du 3  décembre
2011 à Durban, pendant la conférence internationale sur le changement climatique, des militants de l’ONG Greenpeace brandissent
des pancartes sur lesquelles les slogans dénoncent l’indifférence
de la gouvernance économique mondiale face aux demandes des
peuples : « écoutez les gens, pas les pollueurs » peut-on lire sur la
banderole de gauche. L’ONG Greenpeace, fondée en 1971 et spécialisée dans la lutte pour la protection de l’environnement, comptait
près de 3 millions de membres, à l’échelle de la planète. Elle a bâti
sa renommée en multipliant les actions chocs très médiatisées. En
matière de lutte contre le réchauffement climatique notamment,
elle cherche aussi à accéder au statut d’acteur de la gouvernance
en tentant d’influencer les politiques menées par les États et les
dirigeants d’entreprises lors des grands sommets internationaux.
→Document 5 : Une nouvelle gouvernance à inventer ?
Cet extrait d’un article de la revue Questions internationales illustre
les difficultés à mettre en œuvre une gouvernance économique
mondiale sur le thème du changement climatique. Alors que la
réduction drastique des émissions de gaz à effet de serre apparaît absolument nécessaire pour enrayer le réchauffement climatique, chaque acteur ou pays cherche, en général, à ce que les
efforts soient demandés aux autres. En 1992, au sommet mondial
de la Terre de Rio, l’adoption de la Convention climat posait les
fondements d’une coopération internationale pour lutter contre
le changement climatique. Elle aboutissait notamment à la création d’une structure de gouvernance mondiale, la Conférence des
parties (la COP) réunissant les États ayant ratifié cette convention. Avec le protocole de Kyoto de 1997, la création de plafonds
d’émission de gaz à effet de serre par pays, convertis en permis
distribués aux États et échangeables entre eux, a généré un marché interétatique du carbone. Or, ce système a généré des effets
pervers en favorisant des transferts massifs de droits à émettre
entre pays et acteurs économiques que les instances climatiques
(la COP notamment) s’avèrent incapables de réguler.
◗◗ Réponses aux questions
1. La plupart des acteurs de la gouvernance économique mondiale sont confrontés au problème du réchauffement climatique.
Les États, tout d’abord, qui se réunissent tous les ans lors des
conférences sur le changement climatique, les ONG, ensuite, qui
tentent de peser sur le cours des négociations internationales et
essaient de sensibiliser l’opinion publique à leur cause, les FMN,
enfin, soucieuses de la pérennité de leurs bénéfices.
2.La gouvernance climatique est fragmentée en raison de la
multiplicité des acteurs investis dans le processus de négociation
international : ONG, pays du Nord, PED, FMN. Elle est aussi divisée car chacun de ses acteurs a tendance à défendre des intérêts difficiles à concilier. Tandis que les ONG cherchent à pousser
les dirigeants politiques à prendre des mesures énergiques pour
réduire les émissions de gaz à effet de serre, les pays du Nord et
du Sud peinent à s’entendre sur un niveau acceptable de montée
des températures mondiales tandis que les FMN sont, en général,
réfractaires à toute réglementation jugée néfaste à leur développement économique.
3. Les enjeux économiques influencent la mise en œuvre d’une
gouvernance économique mondiale efficace car les FMN sont
plutôt hostiles à l’élaboration de normes internationales sur le
changement climatique perçues comme une entrave à leur liberté
d’entreprendre. À l’heure actuelle, seules les attentes des consommateurs et les perspectives de préjudices économiques liés à des
accidents climatiques semblent de nature à leur faire intégrer la
lutte contre le réchauffement climatique dans leur stratégie.
4.Selon les ONG comme Greenpeace, en matière de politique
de lutte contre le réchauffement climatique, les gouvernements
devraient se montrer moins sensibles aux lobbyings exercés par
les FMN et plus à l’écoute des attentes de leurs opinions publiques
et des citoyens. Selon d’autres analyses, les organisations multilatérales comme le FMI, l’OMC, la Banque mondiale et l’OMC
devraient jouer un rôle accru dans ce domaine.
◗◗ Vers l’analyse de document du BAC
Ce document consacré au bilan de la conférence de Copenhague
sur le changement climatique de 2009 illustre les principaux défis
posés à la gouvernance économique mondiale par le réchauffeHistoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
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domaines d’action de la gouvernance mondiale se sont diversifiés : les acteurs de la gouvernance ne se préoccupent plus uniquement de questions financières ou monétaires mais tentent,
par exemple, avec difficulté, de trouver des solutions au réchauffement de la planète accentué par l’essor sans précédent des
activités économiques. Enfin, les difficultés à établir des solutions
consensuelles pour remédier au changement climatique renvoient
au débat sur l’efficacité et les limites de la gouvernance mondiale.
ment climatique. La multiplicité des acteurs investis dans les discussions – pays du Sud et du Nord, ONG, experts en tous genres,
représentants des FMN – et la variété des positions qu’ils viennent
défendre lors de ce type de rencontre rend extrêmement difficile
toute prise de décision. L’opposition entre deux grands groupes
de pays (les États-Unis et les pays émergents, d’une part, réfractaires à tout accord trop contraignant, les pays de l’Union européenne, d’autre part, plus favorables à des objectifs chiffrés de
réduction des émissions de gaz à effet de serre) en constitue un
bon exemple. Par ailleurs, la gravité de la crise financière a aussi
contribué à reléguer les enjeux climatiques au second plan de
l’agenda international. L’accord, finalement signé au terme de la
conférence, se limitant à la définition d’une action concertée à
long terme, symbolise une coopération peu contraignante plus
qu’une véritable gouvernance efficace pour contrecarrer les effets
du réchauffement climatique.
Étude 3 p. 220-221
Les contestations de la gouvernance économique
mondiale
La nébuleuse altermondialiste, qui réclame une nouvelle gouvernance plus juste et plus démocratique, inspirée par les principes
du développement durable, s’est progressivement affirmée à partir de la fin des années 1990. Très hétérogène, ce mouvement s’est
construit contre les acteurs et les organisations symbolisant une
mondialisation libérale (FMI, Banque mondiale, OMC principalement). Après une première édition à Porto Alegre au Brésil en
2001, les Forums sociaux mondiaux, conçus d’abord comme des
réunions anti Forum économique mondial de Davos, sont, peu à
peu, devenus des lieux où les altermondialistes ont tenté d’élaborer des propositions de gouvernance économique mondiale
alternative. La crise économique de 2008 a favorisé la naissance
de nouveaux mouvements partiellement inspirés par les thèses
altermondialistes. Occupy Wall Street né à New York et les Indignés, apparus à Madrid, ont notamment dénoncé les politiques de
dérégulation ayant conduit à la crise financière.
→Document 1 : La recherche d’une gouvernance
plus démocratique
Ce texte constitue une synthèse des principales thèses des altermondialistes en vue de réformer la gouvernance économique
mondiale. Le mouvement, qui s’était d’abord baptisé « antimondialiste », s’est consolidé en s’opposant à une mondialisation libérale synonyme d’accentuation des inégalités socioéconomiques.
L’opposition aux organisations internationales telles que le FMI,
la Banque mondiale et l’OMC, accusées d’incarner ces dérives,
a constitué un autre facteur d’unification d’un mouvement désireux de proposer une gouvernance alternative plus proche des
citoyens.
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→Document 2 : L’essor du mouvement altermondialiste
Ce planisphère permet de mesurer l’essor du mouvement altermondialiste depuis le Forum social mondial de Porto Alegre.
L’idée était née d’échanges entre Bernard Cassen du journal Le
Monde diplomatique et des militants brésiliens. L’objectif consistait à créer un espace de débat, de mises en commun de projets
économiques et sociaux alternatifs aux politiques libérales prônées par les institutions internationales. Depuis cette date, les
FSM se sont multipliés dans d’autres pays d’Amérique latine, mais
aussi en Afrique et parfois en Asie. Cette localisation symbolise le
désir de redonner un poids aux pays du Sud dans la gouvernance
économique mondiale. Progressivement, l’origine des participants
108 • Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
s’est diversifiée, la présence des ONG est devenue croissante et
les FSM ont contribué à l’élaboration d’un réseau de mouvements
sociaux d’envergure internationale. De fait, en une quinzaine
d’années, le mouvement altermondialiste est devenu un « acteur
du monde globalisé » (Geoffrey Pleyers).
→Document 3 : La mobilisation pour la défense
d’une agriculture paysanne
Au sein du mouvement altermondialiste, les ONG ont progressivement occupé une place de plus en plus importante. Parmi
celles-ci, OXFAM international, qui fut à l’origine une organisation
chargée d’agir contre la famine provoquée par l’occupation de la
Grèce par le régime nazi, regroupe aujourd’hui une constellation
d’organisations qui luttent pour la réduction des inégalités et pour
un développement durable. Dans ce cadre, l’ONG mène des campagnes de sensibilisation en faveur de la défense des agricultures
vivrières dans les PED.
→Document 4 : De nouveaux mouvements citoyens
Apparu à New York en septembre 2011, le mouvement Occupy
Wall Street a choisi le slogan « 99 % » pour souligner l’opposition
avec les 1 % que représentent les principaux bénéficiaires du capitalisme financier. À l’ère des réseaux sociaux et de l’instantanéité
de l’information, reprenant une aspiration somme toute assez
ancienne à une répartition plus équitable des richesses, le mouvement et ses slogans se sont propagés à de nombreuses villes aux
États-Unis mais aussi ailleurs dans le monde.
→Document 5 : Pour un nouvel ordre économique et
financier : la taxe « Robin des bois »
Les manifestations altermondialistes organisées à Nice à l’automne 2011 alors que le G20 se tenait à Cannes ont dénoncé les
menaces de la crise financière pour l’humanité. À cette occasion,
des organisations altermondialistes comme ATTAC (Association
pour la taxation des transactions financières et pour l’action
citoyenne créée en France en 1998 et désormais présente dans
38 pays) ont, à nouveau, réclamé l’instauration d’une taxe sur les
mouvements internationaux de capitaux (une idée lancée par
ATTAC à l’occasion de la crise asiatique de 1997 parfois appelée
taxe « Robin des bois » ou « Taxe Tobin » du nom du prix Nobel
d’économie qui avait suggéré la mise en œuvre d’une taxation des
transactions monétaires dès 1972).
◗◗ Réponses aux questions
1. Le mouvement altermondialiste se caractérise par une grande
diversité. Il réunit à la fois de simples citoyens qui se retrouvent
notamment lors des FSM qui ont lieu tous les ans dans différents
pays en développement, mais aussi de nombreuses ONG engagées
au service de causes diverses. L’hétérogénéité du mouvement se
traduit aussi par la pluralité de ses revendications : lutte contre
les inégalités socioéconomiques engendrées par la mondialisation
libérale, revendications en faveur d’une gouvernance économique
plus démocratique, promotion des principes du développement
durable.
2.La contestation de la gouvernance économique actuelle s’exprime sous la forme de manifestations destinées à interpeller
les dirigeants politiques réunis lors de sommets ou de réunions
internationales du G20 et de l’OMC notamment. Depuis le FSM
de 2001 à Porto Alegre, les militants du mouvement altermondialistes se retrouvent aussi pour débattre et émettre des propositions alternatives.
3.Les militants altermondialistes peinent à émettre un projet
alternatif de gouvernance économique mondiale tout d’abord
en raison de l’extrême hétérogénéité de leur mouvement. Par
4.Les mouvements altermondialistes proposent, tout d’abord,
de réformer la gouvernance économique mondiale en remettant
en cause les principes libéraux qui ont guidé les politiques des
organisations internationales ces deux dernières décennies. Ils
défendent aussi une meilleure représentativité de ces institutions
au profit des pays du Sud.
◗◗ Vers la composition du BAC
Partant du principe que la « mondialisation libérale » contribue à
l’aggravation des inégalités socioéconomiques, les altermondialistes souhaitent l’instauration d’une nouvelle gouvernance économique mondiale plus démocratique et plus juste. Au système
actuel incarné par les États les plus riches et les organisations
internationales, ils opposent un projet au sein duquel les pays du
Sud et les citoyens retrouveraient une influence. Pour atteindre
ce résultat, à l’échelle internationale, ils prônent la création d’institutions multilatérales véritablement démocratiques. Celles-ci
devraient prendre en compte de manière systématique l’avis des
citoyens représentés par les Parlements nationaux tout en accordant une place bien plus importante aux PED. Ils expriment ces
positions à l’occasion des sommets internationaux du G20 et de
l’OMC notamment.
Toutefois, en raison de la très grande hétérogénéité du mouvement, de la multiplicité des causes pour lesquelles ils s’engagent,
les altermondialistes peinent à dépasser le stade des protestations. Le mouvement altermondialiste n’a pas encore véritablement réussi à s’affirmer comme un acteur de la gouvernance
capable de formuler des propositions jugées claires et crédibles.
Cours 1 et 2 p. 222-225
1975-1991 : une gouvernance économique mondiale
sous contrôle des pays riches ?
Depuis 1991, la recherche d’une nouvelle
gouvernance économique
•Présentation
Après l’approche thématique des études, la première leçon réintroduit une dimension chronologique dans l’étude des évolutions de la gouvernance économique mondiale. Elle revient tout
d’abord, sur les circonstances dans lesquels le système mis en
place à Bretton Woods s’est disloqué avant de laisser la place à
une nouvelle architecture fortement critiquée pour son bilan.
Cette nouvelle gouvernance associée au libéralisme, aux PAS et
à une diplomatie économique de club de riches ne résout pas les
problèmes de la dette dans les PED notamment.
La deuxième leçon débute avec la disparition du bloc communiste qui semble d’abord symboliser le triomphe d’un modèle de
gouvernance d’inspiration libérale et se traduit notamment par la
naissance puis l’affirmation de l’OMC à partir du milieu des années
1990. La période est aussi marquée par l’influence grandissante de
nouveaux acteurs avec lesquels les États sont désormais obligés
de composer (les ONG, les FMN notamment). Avec la multiplication des crises et la prise de conscience progressive du réchauffement climatique, la gouvernance entre dans une nouvelle phase.
Le modèle d’inspiration libérale dominé par quelques États riches
et des institutions internationales est soumis à des tensions et à
des remises en cause : la gouvernance est devenue multipolaire et
parfois de plus en plus difficile à cerner.
• Choix des documents « appuis » du cours
Les documents indiqués dans les marges doivent permettre aux
élèves d’étayer leur raisonnement avec des exemples précis, documents qui peuvent par ailleurs faire l’objet d’une étude au Baccalauréat. Ils ont donc pour objet non seulement d’illustrer le cours
mais aussi de provoquer une analyse spécifique. Ces renvois documentaires permettent enfin de repérer les documents clés dans
les études, à partir desquels une thématique spécifique sur « la
gouvernance économique mondiale » peut être abordée.
On a rajouté un document spécifique qui contribue à étayer de
manière simple un axe essentiel du chapitre.
→Document 1, p. 225 : « G20, les grands défis »
La caricature de Mix et Remix est parue en septembre 2009,
quelques mois après la réunion du G20, à Londres. Ce document
constitue une illustration des débats sur l’efficacité de la gouvernance économique mondiale actuelle : le G20 s’est érigé en
instance chargée de remédier aux grands désordres planétaires.
Pour ses détracteurs, son action se limiterait surtout à protéger
les intérêts des États les plus influents de la planète et des FMN.
Prépa Bac p. 226
◗◗ Composition
Sujet en autonomie : La gouvernance économique
mondiale depuis 1975 : acteurs, moyens et limites.
La gouvernance économique désigne l’ensemble des moyens
(règles, institutions, etc.) mis en œuvre à l’échelle planétaire pour
favoriser la croissance économique globale et tenter d’encadrer la
mondialisation.
Le sujet doit être traité à l’échelle planétaire. Cette échelle apparaît comme celle qui est la plus pertinente pour tenter de réguler
la mondialisation et les défis qu’elle engendre. 1975 correspond à
la date de création du G6/G7 et à la mise en place d’une nouvelle
gouvernance économique dans un contexte marqué par l’échec
des systèmes de régulation antérieurs et l’affirmation de nouveaux enjeux internationaux (mondialisation, accroissement des
inégalités, etc.).
Il convient de distinguer et caractériser le rôle des différents
acteurs qui œuvrent à la gouvernance économique :
– les États ainsi que les associations d’États (Union européenne)
se rencontrent lors des sommets (G6, G20). Ils signent des accords
(OMC) et s’entendent sur des règles internationales ;
– les institutions internationales (FMI, Banque mondiale, OMC)
sont des instances nées d’accords entre États. Elles jouent un rôle
majeur dans la régulation de la mondialisation économique ;
– les acteurs privés (FTN, banques, ONG.) pèsent par leurs actions
et leurs prises de position sur les orientations de la gouvernance
économique mondiale.
Quelques exemples parmi d’autres montrent les limites de la gouvernance mondiale :
– la forte mobilisation contre le G8 en 1999, à Seattle, aux ÉtatsUnis met en lumière l’affirmation de la contestation orchestrée
par les altermondialistes ;
– les tentations protectionnistes de certains États membres de
l’OMC comme la Chine en 2011 ;
– la crise de 2008 qui révèle les défaillances de la régulation
financière.
Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
• 109
© Hachette Livre 2014
ailleurs, la nature des forces parfois antagonistes qui composent
l’altermondialisme rend également difficile la formulation de propositions synthétiques claires. Par conséquent, l’altermondialisme
peine encore à passer du stade du refus et de la contestation à
celui de la structuration d’un mouvement capable de se transformer en force de propositions crédibles pour susciter l’adhésion
massive des opinions publiques et accéder au statut d’acteur à
part entière de la gouvernance économique mondiale.
1. Les acteurs de plus en plus nombreux de la gouvernance
économique
A. Les institutions internationales : OMC, FMI, Banque mondiale.
B. Le rôle des États et des associations d’États : G8, G20, BRICS.
C. La place grandissante des acteurs non étatiques : Banques,
firmes transnationales, agences de notation, ONG.
2. Les moyens mis en place pour mettre en œuvre
une gouvernance économique
A. Les rencontres multilatérales au sommet réunissant les chefs
d’État des grandes puissances et l’instauration de règles à l’échelle
internationale.
B. Les instances de régulation qui se réforment pour tenir compte
des nouveaux enjeux : G20, OMC.
C. Les forums économiques mondiaux et les forums sociaux.
3. Les limites de la gouvernance économique
A. La réaffirmation du rôle des États qui rend difficile les prises de
décisions collectives.
B. Des institutions internationales peu transparentes et peu
démocratiques.
C. Des enjeux renouvelés (crises économiques, accroissement des
inégalités, changement climatique, etc.) et le désir d’une autre
gouvernance : altermondialisme, mouvements de citoyens.
Sujet en autonomie : La place des pays riches
dans la gouvernance économique mondiale
depuis le milieu des années 1970.
Le sujet oblige à définir la notion de « pays riches » dans l’introduction puis, dans la rédaction des paragraphes, à aborder les
deux temps de leur place mondiale depuis les années 1970 : un
recul provisoire effacé par l’accélération de la mondialisation dans
les années 1990.
1. Le recul de l’influence des pays industrialisés
dans les années 1970
A. La fin du système de Bretton Woods.
B. Les difficultés du GATT et de la Banque mondiale face à la crise.
2. Une nouvelle affirmation… discutée
A. Le consensus de Washington et le rôle nouveau du FMI qui
renforce les pays riches.
B. Les protestations contre l’aggravation des inégalités liée à
cette gouvernance et à la mondialisation.
C. Un nécessaire rééquilibre au sein de la gouvernance économique mondiale.
La conclusion peut évoquer l’apparition de nouveaux acteurs de
poids dans la gouvernance économique mondiale, comme les pays
émergents (BRICS, etc.).
Sujet en autonomie : Les institutions économiques
internationales et la gouvernance mondiale
depuis 1975.
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Le sujet invite à mettre en relation les institutions économiques
internationales et la gouvernance économique mondiale. Il
convient donc d’expliquer d’abord comment elles ont évolué sous
l’effet de la mondialisation et de « l’américanisation » du monde.
110 • Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
Puis il faut souligner qu’elles ne répondent plus, aujourd’hui, au
désir d’une « nouvelle » gouvernance économique exprimée par
de nombreux acteurs.
1. Des institutions internationales qui s’adaptent
à la mondialisation sous l’influence américaine
A. La perte d’influence des institutions après la remise en cause du
système de Bretton Woods par les États-Unis.
B. Le consensus de Washington : déréglementation et désengagement de l’État.
C. L’élargissement des règles à de nouveaux pays (anciens pays
du bloc communiste) et leur approfondissement (naissance de
l’OMC en 1995).
2. Des institutions internationales qui soulignent les limites
de la gouvernance économique mondiale
A. La banque mondiale et le FMI utilisés au service de la cause
occidentale pendant la guerre froide.
B. L’impopularité des plans d’ajustement structurels du FMI.
C. Les difficultés de l’OMC.
Les figures de Pascal Lamy (voir p. 214) ou de Joseph Stiglitz (voir
p. 215) peuvent être évoquées en conclusion : tous les deux ont,
en effet, joué un rôle important dans les institutions économiques
internationales (OMC et Banque mondiale).
Prépa Bac p. 227-228
◗◗ Analyse de document(s)
Sujet en autonomie : La gouvernance économique
depuis 1975.
La confrontation de l’analyse de Joseph Stiglitz (voir p. 215) et de
la caricature de Plantu permet de répondre aux deux parties de
la consigne en ce qui concerne le FMI. Il faut aussi faire appel à
quelques connaissances personnelles pour aborder le rôle d’autres
institutions internationales comme l’OMC.
1. Le rôle des institutions mondiales
A. Des institutions (FMI et Banque mondiale) dont l’objectif est
de garantir la stabilité du système monétaire international et
d’apporter un soutien financier aux pays les plus pauvres (prêts).
B. Mais aussi la création de l’OMC en 1995 en remplacement du
GATT pour renforcer le libre-échange et favoriser le développement du commerce.
2. Les limites de leur action et leur fonctionnement
A. Des institutions qui ne parviennent pas éviter les crises
économiques.
B. Les programmes d’ajustement structurels imposés par le FMI
aux pays en difficulté sont vus comme des instruments de la
domination du Nord sur le Sud.
C. Des institutions peu transparentes et qui souffrent d’un déficit
démocratique.
En conclusion, on peut évoquer les positions de Joseph Stiglitz qui
servent souvent de caution intellectuelle à une partie des militants des mouvements altermondialistes lorsqu’ils soulignent les
problèmes que rencontre la gouvernance économique mondiale
de nos jours.
Le document qui oppose le point de vue d’une altermondialiste
et de Pascal Lamy, alors directeur de l’OMC (voir p. 214), permet,
grâce à la confrontation des deux discours, de répondre aux deux
parties de la consigne.
1. L’intérêt d’une gouvernance économique mondiale
A. L’ouverture et la régulation des échanges par l’OMC.
B. Le développement et la réduction de la pauvreté dans les États.
C. La capacité d’intégrer de nouveaux États (émergents).
2. Les points de désaccords sur le fonctionnement
de la gouvernance économique mondiale
A. La libéralisation au service du développement ou facteur de
dérégulation ?
B. Une gouvernance pour tous les États ou une surreprésentation
des pays riches aux dépens des pays pauvres ?
En conclusion, on peut souligner que ce document, datant de
2010, envisageait une rapide sortie de la crise économique mondiale qui avait débuté en 2008. Ce pronostic, en partie démenti
par la suite, ne fait que poser de manière de plus en plus vive
la nécessité de mieux définir ce que doit être, aujourd’hui, une
« nouvelle » gouvernance économique mondiale.
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Sujet en autonomie : La gouvernance économique
mondiale depuis 1975.
Histoire - Chapitre 8 - Une gouvernance économique mondiale
• 111
S o m m a i r e G É O G RA PH IE
Clés de lecture d’un monde complexe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 113
CHAPITRE 1
Des cartes pour comprendre le monde. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 115
THÈME 2 Les dynamiques de la mondialisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 129
CHAPITRE 2
Mondialisation, fonctionnement et territoires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130
THÈME 3 Dynamiques géographiques des grandes aires continentales. . . . . 146
CHAPITRE 3
L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147
CHAPITRE 4
L’Afrique : les défis du développement. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 159
CHAPITRE 5
L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 172
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THÈME 1 112
Introduction
sommet qui tend à remplacer le G8. Le professeur doit, en même
temps qu’il construit les connaissances de ses élèves, manipuler
des cartes qui seront analysées pour elles-mêmes, comparées à
d’autres cartes et critiquées. Il y a là en somme toute une gymnastique à faire, ce dans un temps très limité (4-5 heures, soit à
peine deux semaines).
Le manuel a été conçu en vue de se calquer le plus simplement
possible sur le nouveau programme et, ainsi, de permettre au professeur de construire aisément le cours et à l’élève de circuler à
l’intérieur de l’ouvrage :
– Le chapitre 1 est organisé suivant les quatre grilles de lecture
retenues par le programme.
– Il permet, dans le même temps, de porter un regard critique sur
les représentations cartographiques en changeant de source, de
point de vue, d’échelle ou d’indicateur.
– Il propose, comme le préconise la fiche ressource, « des schémas
élémentaires peuvent être réalisés au fur et à mesure de l’étude
de différents planisphères ».
p. 230-231
Le thème 1 sur les « Clés de lectures d’un monde complexe » est la
principale nouveauté du programme. Le professeur doit atteindre
trois objectifs :
– Il doit aider les élèves à prendre conscience de la complexité du
monde actuel en adoptant quatre points de vue différents (géoéconomique, géopolitique, géoculturel et géoenvironnemental).
– Pour y parvenir, il doit permettre aux élèves d’être confrontés à
des cartes dont la construction est l’objet d’une réflexion critique.
La fiche ressource préconise d’utiliser « un à trois planisphères »
pour chacune des quatre grilles de lecture dans le chapitre 1.
– Il amène, de cette manière, les élèves à réfléchir sur les notions
les plus opérantes et à discuter de leur pertinence pour décrire le
monde actuel (chapitre 1).
Le programme insiste bien sur la démarche spécifique à conduire
pour décrire la planète dans sa complexité que le professeur peut
aisément introduire à l’aide de la photographie du G20 (p. 230-231),
Programme
(B.O. officiel du 23 janvier 2013)
Le thème 1 dans le manuel Hachette
Grille de
lecture
géopolitique
Grille de lecture
géo-économique
Grille de
lecture
géoculturelle
Grille de lecture
géo-environnentale
p. 236-239
p. 240-243
p. 244-247
p. 248-251
Des cartes pour comprendre le monde
L’étude consiste à approcher la complexité du monde
par l’interrogation et la confrontation de grilles de
lectures géopolitiques, géo-économiques, géoculturelles
et géo-environnementales.
Cette étude, menée principalement à partir de cartes,
est l’occasion d’une réflexion critique sur les modes de
représentations cartographiques.
© Hachette Livre 2014
G éo G r a phie
thème 1 Clés de lecture d’un monde complexe
GÉOGRAPHIE - Thème 1 - Clés de lecture d’un monde complexe
• 113
La très grande majorité des cartes citées dans les fiches ressources du chapitre 1 sont présentes dans le manuel :
Programme
(B.O. officiel du 23 janvier 2013)
Documents dans le manuel Hachette
Grille de
lecture
géopolitique
Grille de lecture
géo-économique
Grille de
lecture
géoculturelle
Grille de lecture
géoenvironnentale
Des cartes pour comprendre le monde
– L’IDH
1 p. 240
– L’IPH
p. 438-439
– Le PIB par habitant
p. 436-437
4 et 5 p. 234
– Les échanges mondiaux de marchandises
– Les organisations internationales
2 p. 236
– Les puissances nucléaires
3 p. 237
– Les conflits régionaux
1 p. 236
– Les grandes aires linguistiques
– L’accès à Internet
– Les grands événements sportifs mondiaux
1 p. 244
2 p. 244
1 p. 248
– Les ressources en eau
2 p. 248
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– Les émissions de gaz carbonique
114 • GÉOGRAPHIE - Thème 1 - Clés de lecture d’un monde complexe
◗◗ Introduction
Comme l’ensemble du thème 1 qui exige une démarche particulière, le chapitre 1 a pour principal objectif de faire comprendre la
complexité du monde actuel à l’aide de l’outil privilégié du géographe qui est la carte. Cet objectif doit être atteint grâce à l’utilisation de quatre grilles de lecture qui, en se recoupant, interrogent
sur les grandes réalités du monde actuel. Ainsi, le chapitre 1 vise
à lire le monde à travers quatre grilles : une grille géopolitique,
géo-économique, géoculturelle et géo-environnementale. Pour
ce faire, le choix des planisphères et des cartes est limité et leur
nombre est compris entre 2 et 3 selon les grilles de lecture. La
démarche est identique pour les quatre grilles et repose sur trois
temps que sont l’analyse des cartes, leur confrontation (au sein de
la grille mais également entre les grilles) et leur critique.
Cependant, étant donné la place centrale qui est attribuée à la
représentation cartographique dans ce chapitre 1 (et plus largement dans le thème 1), il est également indispensable de faire réfléchir les élèves sur l’outil utilisé et ainsi développer une approche
critique des représentations cartographiques. Cet objectif est primordial dans un contexte où la production de cartes est florissante
et où l’utilisation de cartes, par des géographes et des non-géographes, se démocratise. Dès lors, l’élève doit bien comprendre
qu’une carte est le résultat de choix qui ont été effectués par un
concepteur et qu’elle exprime un point de vue précis. La diversité
des modes de représentations qui se retrouve dans le manuel doit
ainsi montrer qu’une carte peut présenter des avantages et des
inconvénients selon l’utilisation que l’on en fait. L’élève doit ainsi
être capable de comprendre que la construction d’une carte peut
varier selon son usage. C’est pourquoi l’étude des quatre grandes
grilles de lecture est précédée d’une page méthode « Faire une
carte, c’est faire des choix » (p. 234-235) qui présente l’ensemble
des choix participant à la représentation cartographique.
De plus, pour bien comprendre l’utilité et les dangers de la carte en
géographie, une double page spécifique a été associée aux quatre
grandes grilles de lecture. Ainsi, en prenant l’exemple des pays
émergents (p. 242-243), le changement de source peut avoir des
conséquences directes sur la manière de représenter le monde,
puisque le groupe des pays émergents varie selon les sources économiques utilisées. La grille de lecture géopolitique permet également de s’interroger sur l’importance du point de vue à adopter dans la construction d’une carte, en opposant les visions du
monde associées aux États-Unis et à l’Iran (p. 238-239). La grille
de lecture géoculturelle rappelle l’utilité de l’analyse multiscalaire
en géographie et les dangers d’une étude d’un espace à une seule
échelle en s’appuyant sur la diversité culturelle du Moyen-Orient
(p. 246-247). Enfin, la grille géo-environnementale montre que,
suivant les indicateurs utilisés pour réaliser les cartes, les manières
de voir le monde peuvent totalement différer (p. 250-251).
La photographie qui introduit le chapitre 1 présente une manipulation cartographique et permet d’insister sur la nécessité de
connaître le point de vue adopté par le cartographe. En comparant
cette carte sur mosaïque et le carton de localisation, on peut comparer la représentation de la frontière qui sépare la Corée du Nord
et la Corée du Sud. Le choix de ne pas faire apparaître un élément
pourtant aussi crucial qu’une frontière, montre clairement les prétentions de la Corée du Nord à contrôler l’ensemble de la péninsule
coréenne. Dès lors, cette photographie permet de s’interroger sur
deux points importants en relation avec ce chapitre 1 : comment et
grâce à quelles techniques les cartes peuvent-elles refléter la complexité du monde ? En quoi sont-elles le résultat d’une manière de
voir le monde, parfois orientée ou fausse ?
p. 232-265
Méthode p. 234-235
Faire une carte, c’est faire des choix
Présentation
Ces deux pages posent les bases de l’analyse critique des cartes.
Il s’agit de montrer dès le début de ce chapitre spécifique que
cartographier un phénomène implique des choix, qui sont à repérer dans l’analyse critique. À travers une lecture comparative de
deux phénomènes représentés eux-mêmes de deux manières différentes, l’élève pourra exercer son esprit critique sur ces choix
cartographiques. Le texte proposé (doc. 3), en rappelant que la
carte n’est pas la réalité mais bien une représentation possible de
la réalité, peut servir d’introduction au travail sur la double page
mais également au chapitre. Il peut être judicieusement complété
par le doc. 1 p. 253 et le doc. 2 p. 260.
L’exemple 1 provient de l’Atlas de la mondialisation réalisé dans
le cadre de l’Atelier cartographique de Sciences Po. Il s’agit d’un
ouvrage pédagogique proposant un ensemble de productions cartographiques et graphiques permettant de comprendre l’espace
du monde contemporain. L’exemple 2 est tiré d’un ouvrage à
usage pédagogique de la Documentation photographique, Représenter le monde de C. Grataloup (2011). Ce sont là deux sources
récentes qui proposent une réflexion sur l’outil, la représentation cartographique, pour comprendre le monde contemporain
(thème 1 du programme).
Les exemples choisis portent sur la répartition des musulmans et
le trafic mondial des conteneurs dans le monde. Le premier thème
illustre parfaitement l’enjeu géopolitique qui se cache derrière la
carte. La carte est un discours dont les choix cartographiques sont
les arguments inscrits dans la relation signifié/signifiant. Les questions posées aux élèves les conduisent à décrypter, identifier, différencier une lecture du monde différente bien qu’à première vue
semblable (titre, cadrage, projection). Le second permet d’aborder
la question du choix de la projection, producteur de sens ou de
contresens. Il permet de discuter de l’intérêt et des limites des
projections polaire ou cylindrique. D’autres choix étaient également possibles comme celui d’un exemple géo-historique tiré
de la période de la guerre froide. L’encart présentant les notions
essentielles est un outil précieux pour traiter cette double page,
mais peut également devenir une référence pour l’ensemble des
deux chapitres spécifiquement consacrés à la lecture du monde et
de la Russie par les cartes, et pour les exercices d’étude critique
de documents.
Étape 1 : Analyser une carte
1. Le thème proposé à l’étude est celui de la représentation des
musulmans dans le monde. Cependant, par les modes de représentations choisies, les deux cartes donnent à voir des réalités
différentes de ce monde musulman. Ainsi, si le doc. 1 montre le
monde musulman (valeur brute), le doc. 2 montre quant à lui les
musulmans dans le monde (valeur proportionnelle).
2. Le doc. 4 pourrait s’intituler « La domination du Nord dans le
trafic des conteneurs » ou « L’asymétrie du trafic des conteneurs
dans le monde » tandis que pour le doc. 5, le titre « Les pôles de la
Triade dominent le trafic des conteneurs » ou « La polarisation du
trafic des conteneurs dans le monde » conviendrait mieux.
Étape 2 : Comparer des cartes
1. Ces deux cartes sont centrées sur l’Asie du Sud, à une échelle
continentale et selon une projection cylindrique. La valeur brute
du doc. 1 montre un monde musulman centré sur l’Asie du Sud,
GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 115
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G éo G r a phie
chapitre 1Des cartes pour comprendre le monde
alors que la valeur proportionnelle du doc. 2 montre un monde
musulman concentré en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
2. Ces cartes sont complémentaires. L’Inde, à l’échelle nationale,
montre un nombre de musulmans significatif. Cette présentation
numérique est nuancée par le doc. 2 qui envisage les données de
manière proportionnelle : entre 10 et 30 % de la population de
l’Inde seulement est musulmane.
3. La projection polaire (doc. 5) offre une vision d’un monde traversé de part et d’autre par un trafic des conteneurs. Les pôles de la
Triade se dégagent nettement. Le doc. 4 met en valeur davantage
l’opposition Nord/Sud. De plus, ce doc. 4 minimise la présence de
la mer et laisse entendre que les échanges maritimes entre l’Amérique du Nord et l’Asie sont réalisés par l’océan Arctique.
Étape 3 : Porter un regard critique sur la représentation
cartographique
1. On pourrait ajouter une carte des mobilités (flux migratoires)
pour compléter cette analyse.
2. Les doc. 4 et 5 ne montrent que des flux entre des points et pas
les trajets exacts des navires.
3. Tous les choix listés dans le texte ne peuvent être illustrés par
les quatre cartes proposées dans cette double plage. Il est alors
possible de recourir à d’autres documents du chapitre ou d’inviter
les élèves à repérer d’autres documents du chapitre en lien avec
ces items : projection, échelle, couleurs, trames, symboles et figurés, noms, délimitation, titre. Pour le traitement de cette question, il est possible d’organiser la réponse sous forme de tableau :
Doc. 1
Doc. 2
Projection
Doc. 4
Doc. 5
Opposition
Nord/Sud,
européanocentré
Polaire :
domination de la
Triade
nationale
Échelle
continentale
Légende
numéproporrique : Asie tionnelle :
dominante pays arabes
dominants
Cartes géopolitiques
© Hachette Livre 2014
Comment les cartes représentent-elles le nouvel
ordre géopolitique actuel ?
p. 236-237
Présentation
Évoquant le nouvel ordre mondial qui apparaît avec le xxie siècle,
le géopolitologue Michel Foucher évoque un « basculement du
monde ». Le dossier propose de travailler, par la confrontation
des cartes, sur les aspects et les facteurs d’une géopolitique
plus complexe où les puissances traditionnelles, que M. Foucher
qualifie de « puissances établies », sont concurrencées par des
« puissances ascendantes ». La mondialisation se traduit aussi au
niveau géopolitique : trafic ou vente d’armes et développement
du terrorisme en réseaux mondialisés, persistance de la menace
nucléaire par la dissémination de matériaux issus de l’ex-URSS,
multiplication des instances de régulation internationales, persistance de conflits aux ramifications internationales dans les États
où l’autorité légitime est défaillante (liens avec les réseaux de drogues, d’armes, terroristes… jeu d’influence des grandes puissances
comme en Syrie depuis 2011). Cartographier les jeux d’influence,
les réseaux du terrorisme ou du trafic d’armes, les conflits sont
autant de défis qui appellent à une vigilance quant au traitement
des informations par le cartographe et à leurs sources.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les puissances militaires mondiales témoignent de la montée
en puissance des pays émergents : outre les grandes puissances
militaires issues de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre
froide (États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine), les
dépenses militaires se concentrent sur les puissances régionales
d’Amérique latine (Brésil), d’Asie orientale (Inde, Corée du Sud) et
du Moyen-Orient (Arabie Saoudite) et sur des zones de tension
interétatique (Inde -Pakistan/ Corée du Nord-Corée du Sud).
2. Les conflits sont très nombreux dans deux régions stratégiques
du monde : le Proche-Orient et l’Afrique où les enjeux sur les ressources énergétiques et minières sont importants. La remise en
cause des dictatures au Proche-Orient (« printemps arabe ») est
aussi un facteur de déstabilisation de la région. Enfin, le professeur pourra évoquer la situation en Ukraine où une guerre civile
déchire l’est du pays depuis 2014.
3. À l’exception du PNUD dont le siège est au Kenya, les organisations internationales de la gouvernance sont toutes situées aux
États-Unis ou en Europe occidentale. Cette concentration est un
héritage de l’histoire de la gouvernance mondiale inspirée par les
grandes puissances dès la fin de la Seconde Guerre mondiale.
4. Les grandes puissances se situent dans des zones en paix :
Amérique du Nord et du Sud, Europe de l’Ouest et Asie du Sud
et de l’Est.
5. Les facteurs expliquant l’absence de conflits entre les grandes
puissances militaires sont divers. Ils tiennent d’abord à des arguments purement géopolitiques : possession de l’arme nucléaire
qui constitue une « arme de dissuasion », réseaux d’alliances hérités de la guerre froide et étendus ensuite (OTAN), fin de la guerre
froide, rôle important dans les organisations internationales de la
gouvernance (Conseil de sécurité de l’ONU).
6. Ces deux cartes permettent de constater que le niveau de
développement humain et le niveau de développement économique sont des facteurs de stabilité et de paix sur lesquels les
puissances grandissent.
7. Ces cartes représentent un ordre géopolitique complexe. En
effet, la hiérarchie des puissances est fluctuante, en fonction de
leur niveau de développement humain et de leur développement
économique. Ainsi, la Chine a rejoint le rang des grandes puissances à la faveur de son ouverture économique. Par ailleurs, la
localisation des conflits est fortement liée à celles des ressources
stratégiques et des zones d’instabilité politique (Proche-Orient).
Les cartes géopolitiques ont une durée de vie limitée du fait de
l’évolution rapide sur le terrain de conflits qui sont majoritairement internes. De nouveaux conflits peuvent apparaître ou se terminer après la réalisation des cartes. Alors que la fin de la guerre
froide s’est traduite par une hausse des conflits, le début du xxie
siècle est marqué par une baisse des conflits. La date de la carte
est donc importante. Cette affirmation est particulièrement vraie
pour les cartes géopolitiques mais s’avère aussi pertinente pour
les évolutions économiques qui se font de plus en plus selon des
cycles courts.
Sans que le questionnement n’y invite, d’autres éléments de critique
de la représentation cartographique peuvent aussi être apportés :
les effets de seuils peuvent également masquer une réalité. Ainsi,
la carte 3 ne prend en compte que les dépenses supérieures à
20 milliards de dollars et représente le commerce légal des armes.
Or le marché illégal est important dans les zones de conflits.
Enfin, des figurés ponctuels ne peuvent traduire l’étendue spatiale
réelle du conflit.
116 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
◗◗ Corrigé du schéma
Une diversité de puissances
RUSSIE
Amérique
du Nord
UE
CHINE
INDE
pôles de la Triade, puissances établies
JAPON
autre puissance
Un monde de désordres
arc de crise
BRÉSIL
Cartes géopolitiques
Comment deux cartes peuvent-elles représenter
deux visions opposées du monde ? p. 238-239
Présentation
L’objectif de cette double page est de proposer une représentation de deux visions du monde, à première vue, opposées : celle
des États-Unis, puissance occidentale établie et celle de l’Iran,
puissance ascendante du Moyen-Orient. Cette confrontation vise
à réfléchir aux choix effectués par les cartographes pour représenter une situation donnée, orientant ainsi la lecture de la carte. Les
deux cartes proposées s’appuient sur les travaux de P. Boniface et
de H. Védrine. La chronologie apporte quelques éclairages explicatifs. Le questionnement sur les choix cartographiques effectués
(centrage, projection, couleurs…) permet de montrer que ceux-ci
orientent notre manière de voir le monde en faisant apparaître
des déséquilibres, des menaces, qui complexifient, en retour,
notre vision des réalités.
La carte du monde vu des États-Unis (doc. 1) rappelle que cet État
joue un rôle clé à l’échelle mondiale et que celui-ci est conscient
d’être une puissance majeure. Toutefois, face à la montée des
contestations et des concurrences, notamment de la part des
BRICS et surtout de la Chine, les États-Unis visent à contrôler
des espaces stratégiques soit pour leur sécurité (Moyen-Orient,
Sahel), soit pour conserver leur statut de puissance (golfe de Guinée). La carte du monde vu d’Iran (doc. 2) rappelle que cet État
n’a pas le même statut à l’échelle mondiale. L’Iran a développé
un sentiment de menace permanent et d’encerclement. Cet isolement expliquerait en partie ses choix : développement d’un programme nucléaire, rapprochement avec des États condamnés par
les États-Unis (Syrie, Corée du Nord…) ou concurrents comme la
Chine ou le groupe des BRICS de manière générale.
◗◗ Réponses aux questions
1. La vision du monde proposée par les États-Unis dépend notamment de son Histoire, des valeurs défendues (démocratie et
liberté) et de sa puissance dans de nombreux domaines (économique, financier, politique). Dans un passé récent, ces facteurs
ont contribué à donner aux États-Unis une formidable capacité
de projection à l’extérieur de leurs frontières et cet État s’est
rapproché des autres puissances occidentales au sein d’organisations comme l’OTAN au niveau militaire. Les États-Unis sont
conscients de leur suprématie dans de nombreux domaines et la
répartition des bases et des flottes américaines permet de vérifier leur domination dans le domaine militaire (doc. 1). Toutefois,
cette hyperpuissance américaine est contestée par plusieurs États
sous différentes formes.
autre conflit
La vision du monde proposée par l’Iran diffère de la vision américaine en raison notamment de la nature même du régime politique qui est une République islamique où les principes fondateurs
de l’État proviennent de l’islam chiite. L’Iran a développé un sentiment de menace permanent et d’encerclement vis-à-vis de ses
voisins bien souvent à majorité sunnite et qui n’ont pas choisi la
République comme forme de gouvernement, et de l’État d’Israël
devenu grand ennemi de la région depuis la Révolution islamique
de 1979.
2. Les visions du monde proposées par les États-Unis et l’Iran
déterminent des choix géo-économiques et géopolitiques très
différents. Dans un premier temps, les États-Unis, du fait d’une
capacité de projection très importante à la surface de la Terre,
cherchent à défendre leurs intérêts dans des régions instables
comme au Moyen-Orient ou encore autour du Golfe de Guinée où
les ressources en hydrocarbures sont nombreuses. Pour ce faire,
les États-Unis s’appuyent sur leur présence militaire sur tous les
continents et océans. Ils cherchent également à limiter l’influence
de la Chine malgré une coopération commerciale évidente entre
les deux puissances. A contrario, l’Iran, pour faire face au sentiment d’encerclement, a choisi de développer un programme
nucléaire qui l’a rapproché d’États devenus des alliés militaroindustriels comme la Russie ou encore la Corée du Nord. Néanmoins, cette stratégie d’émancipation est actuellement condamnée par les puissances occidentales qui ont multiplié les sanctions
contre l’Iran et notamment sur ses exportations de pétrole. Ceci
ne se traduit pas, pour autant, par un isolement total du pays qui
peut utiliser son pétrole comme une arme diplomatique et qui
peut compter sur le soutien des grands pays émergents (Chine,
Inde, Russie…) réticents à suivre les sanctions occidentales. Dans
ce sens, l’Iran regarde de plus en plus vers l’Est.
3. Les manières de voir le monde, proposées par les États-Unis
et l’Iran, présentent quelques points communs et de nombreuses
différences. Dans un premier temps, ces deux États ont tous les
deux développé un sentiment de menace contre des ennemis
précis qui sont en relation avec le terrorisme pour les États-Unis
ou en lien avec Israël et certains régimes sunnites influents pour
l’Iran. Alors que les préoccupations liées à la vision du monde
proposée par les Américains sont davantage pensées à l’échelle
mondiale, celles qui sont développées par l’Iran sont davantage
régionales, les menaces émanant essentiellement des voisins.
4. En Iran, les États-Unis représentent le « Grand Satan » dont
les valeurs et la politique extérieure sont largement condamnées.
À l’inverse, les États-Unis se méfient grandement de l’Iran qui a
été intégré dans la liste des États voyous par G.W. Bush en 2002.
Cette rupture entre les deux États fait suite à la Révolution islamique de 1979. À partir de cette date, les relations entre les ÉtatsGÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 117
© Hachette Livre 2014
AFRIQUE
DU SUD
Unis et l’Iran se sont profondément détériorées : prise d’otages
américains, embargo commercial de l’Iran dès 1995, sanctions
contre le développement du programme nucléaire iranien. Au
final, si les États-Unis peuvent compter sur l’appui des puissances
occidentales pour condamner la politique menée par l’Iran, ce
dernier est proche des pays émergents, qui se méfient de l’hyperpuissance américaine, et des pays également condamnés par
l’hyperpuissance américaine, et des pays également condamnés
par les États-Unis (Syrie, Corée du Nord…).
5. Dans un premier temps, la projection polaire a été choisie pour
mieux identifier la distance qui sépare les États-Unis et l’Iran.
Les cartes ont été centrées l’une sur l’Iran, l’autre sur les ÉtatsUnis pour permettre de mieux comprendre les enjeux depuis leur
propre territoire et visualiser plus facilement leur environnement
proche. Sur ce point, le choix des couleurs est capital puisque les
États alliés ou proches de l’Iran ou des États-Unis ont été représentés avec des couleurs froides (cas du Canada ou de l’Union
européenne pour les États-Unis, cas des États réticents à suivre
les sanctions occidentales contre l’Iran pour ce pays), alors que
les États qui contestent ou qui s’opposent à l’Iran ou aux ÉtatsUnis ont été cartographiés avec des couleurs chaudes (cas des
BRICS pour les États-Unis, cas des États-Unis et des puissances
occidentales pour l’Iran). Au final, l’ensemble de ces choix cartographiques sert à orienter ou à faciliter la lecture de la carte.
Des sources communes ont été utilisées pour construire ces deux
cartes puisqu’il s’agit des travaux de P. Boniface, géopolitologue,
d’H. Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères en France
et spécialiste des questions internationales et de B. Hourcade,
géographe français spécialiste de l’Iran. Au final, ce sont les travaux d’auteurs qui vivent dans des puissances occidentales et plus
spécifiquement en France qui ont été utilisés à défaut de travaux
provenant d’auteurs vivant en Iran ou aux États-Unis, ce qui pose
évidemment un problème de positionnement. Quoi qu’il en soit,
même si les cartes avaient été réalisées avec les travaux d’auteurs
iraniens ou américains, les élèves doivent tenir compte de l’importance des sources utilisées pour la construction de ces documents
cartographiques qui varient forcément selon les regards des différents auteurs. Ainsi, ces cartes ne représentent qu’une vision du
monde associée à ces deux États à un moment donné, vision du
monde qui, de plus, peut varier selon les différents acteurs de la
société.
Cartes géo-économiques
© Hachette Livre 2014
Comment les cartes représentent-elles un monde
de plus en plus polycentrique ? p. 240-241
Présentation
Comment rendre compte par les cartes des transformations économiques du monde ? C’est à ce questionnement que cette double
page initie les élèves en présentant des planisphères variés. La
comparaison de ces planisphères permet de mettre en perspective
les inégalités de développement et de richesses, mais également
d’ouvrir une réflexion sur leurs représentations cartographiques.
En effet, les choix opérés par le cartographe ne sont pas neutres
mais au service d’un « discours » sur le monde, discours qui peut
118 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
être plus ou moins nuancé. Le questionnement, par une démarche
en trois temps que l’on retrouve dans l’ensemble du chapitre,
conduit les élèves à poser un regard critique sur les représentations géo-économiques du monde, en analysant à la fois le fond
mais aussi la forme du discours de la carte. Il s’agit de comprendre
que les modes de représentations choisis construisent le « discours » de la carte. Ainsi, l’émergence des puissances régionales
du Sud peut-être plus ou moins visible selon les choix opérés et
la traditionnelle limite opposant un Nord riche et développé à un
Sud pauvre et en développement, est contestable.
◗◗ Réponses aux questions
1. La carte 1 montre des contrastes de développement entre le
Nord (IDH très élevé) et le Sud (IDH plus faible). La carte 3, avec
le PIB, indicateur de richesses, confirme sur le plan économique
ces contrastes. On peut ainsi opposer le Nord au Sud. Cependant,
après cette première lecture très rapide et caricaturale du monde,
il faut nuancer en commençant à montrer qu’il existe des situations très diverses au Nord, mais surtout au Sud.
2. Le commerce mondial des marchandises s’organise autour de
trois pôles : l’Europe, l’Asie et l’Amérique du Nord. L’importance
des flux entre ces 3 pôles et les pôles secondaires montre leur
interdépendance économique.
3. Si une première lecture globale montre une corrélation entre
niveau de richesse et de développement pour les pays composant la Triade ou certains pays pétroliers du Golfe persique, une
analyse plus attentive doit nuancer cette première affirmation : la
Chine, qui apparaît comme un pays riche par le poids de son PIB,
présente un IDH encore moyen. Les puissances régionales que
sont l’Afrique du Sud et l’Inde ont également un PIB important
mais un IDH encore moyen.
4. La carte 3 permet de nuancer la vision donnée par la carte 2. Si
les échanges mondiaux sont fortement polarisés sur la Triade, la
croissance économique est surtout le fait des pays en développement et en particulier des puissances émergentes qui s’affirment
comme des concurrents économiques aux centres d’impulsion
traditionnels. La Chine, le Brésil, la Russie, l’Inde et l’Australie
apparaissent comme des pôles de richesse importants.
5. Les valeurs quantitatives sont représentées à la fois par des
indices (carte 1 : IDH), des valeurs absolues (carte 3 : PIB en milliards de dollars) ou encore des valeurs relatives (cartes 2 et 3 : %
du taux de croissance sur la décennie 2000-2010).
Les dynamiques sont représentées par des aplats de couleurs
dégradées (carte 3 : taux de croissance), des hachures (carte 1 :
taux de croissance) et des flèches plus ou moins épaisses (carte 2 :
flux d’exportation).
6. L’anamorphose permet de mieux visualiser le poids d’un phénomène (ici, le PIB des États). Ce choix pour la carte 3 montre mieux
les contrastes de richesse entre les États : le poids des puissances
de la Triade ou des puissances émergentes du Sud apparaît nettement face au reste du monde qui semble « disparaître ».
7. Ces cartes montrent donc un monde de plus en plus polycentrique autour des pôles de la Triade et des pays émergents. Mais
pour rendre compte de la réalité géo-économique, ces cartes
doivent être réactualisées périodiquement, surtout celle du PIB
qui croît constamment à l’échelle mondiale.
◗◗ Corrigé du schéma
Un monde polycentrique et contrasté
pôle de la Triade : PIB/hab et IDH forts
UE
puissance émergente : PIB/hab. et IDH moyens mais en forte croissance
CHINE
JAPON
INDE
PMA : PIB/hab. et IDH faibles
limite Nord/Sud de plus en plus contestée
Un monde interdépendant
BRÉSIL
flux majeur
flux secondaire en forte croissance
AFRIQUE
DU SUD
Cartes géo-économiques
Comment les cartes représentent-elles
l’apparition des pays émergents ? p. 242-243
Présentation
L’objectif de la double page sur la représentation des pays émergents est d’insister, d’une part, sur le fait que le groupe des pays
émergents est à géométrie variable et, d’autre part, de montrer que ce nouveau regroupement concurrence les pôles de la
Triade et complexifie la grille géo-économique mondiale (perte
de pertinence des notions Triade/Centre-périphérie). Née dans
les années 1980, l’expression « pays émergent » vient de l’économie et plus précisément du monde de la finance pour désigner
des pays à la croissance rapide et présentant des opportunités
d’investissements pour les firmes des pays riches. Aujourd’hui, les
pays émergents se définissent d’abord par leur décollage économique, comme en témoigne le poids croissant de certains d’entre
eux dans l’économie mondiale.
La carte 1 p. 242 permet de prendre conscience des limites floues
du groupe des pays émergents et de rappeler que ce sont avant
tout les banquiers qui ont créé ce nouveau regroupement qui
complexifie la grille de lecture géo-économique. La carte compile
ainsi les listes des pays émergents de quatre groupes d’experts
économiques (FMI/OCDE, HSBC, FTSE et Goldman Sachs). Pour
expliquer cette difficulté à proposer une « carte-référence » des
pays émergents, le document 4 p. 243 rappelle l’absence d’une
définition commune pour cet ensemble en raison de la variabilité des critères pris en compte. Il insiste surtout sur le fait que
des auteurs comme F. Lafargue prennent le soin d’individualiser,
dans le groupe des pays émergents, des puissances émergentes,
ce qui complexifie encore la manière d’appréhender l’organisation du monde. Quoi qu’il en soit, les pays émergents sont tous
caractérisés par une croissance de leurs critères économiques ce
que confirme le doc. 5 p. 243. Cette croissance contribue à faire
augmenter la part de leur PIB dans le PIB mondial. Toutefois, le
PIB/hab de ces États rappelle que ces pays émergents présentent
encore des niveaux de richesses bien inférieurs aux puissances du
Nord.
La carte 2 p. 242, extraite d’un manuel scolaire de 1995, montre
que l’émergence de ces pays s’est effectuée dans l’ensemble des
Suds et que l’expression « pays émergents » n’apparaît pas. La
comparaison entre la carte 1 et la carte 2 rappelle, dans une perspective historique, que l’organisation du monde et notre manière
de le voir évoluent et diffèrent selon les auteurs.
Les conséquences de cette émergence économique sont caricaturées dans le doc. 3 p. 243. Si la période de la guerre froide, après
la Seconde Guerre mondiale, donnait à voir une organisation du
monde assez simple opposant deux blocs, puis trois blocs, après
le mouvement des indépendances, la situation actuelle semble
plus complexe avec un monde organisé par la Triade (le Japon
n’apparaissant pas sur la caricature) et par les puissances émergentes des Suds (quatre puissances sur les cinq des BRICS sont ici
représentées). L’augmentation considérable du nombre de pièces
du puzzle semble illustrer le polycentrisme du monde actuel. Les
dossiers posés sur le bureau, au premier plan, rappellent que les
enjeux mondiaux doivent aujourd’hui être pensés par l’ensemble
de ces pôles. Dans une perspective historique, le monde s’est ainsi
complexifié.
◗◗ Réponses aux questions
1. D’après les données des quatre groupes d’experts économiques
utilisées pour réaliser la carte, les pays émergents sont les plus
nombreux en Asie : Chine et Inde, les deux puissances majeures du
continent, mais également l’Indonésie, la Malaisie ou la Thaïlande
qui ont profité du dynamisme économique de l’Asie orientale.
L’Amérique du Sud présente également de nombreux pays émergents puisqu’à l’exception des Guyanes, du Surinam, du Paraguay
et de l’Uruguay, tous les États se situant sur ce continent sont
cités comme des pays émergents. Le Brésil, le Chili, le Mexique et
l’Argentine dominent ce groupe. L’appellation « émergent » peut
poser question pour la Russie qui se distingue des autres États
(M.-F Durand préfère l’expression « ré-émergente »).
2. Si le concept de Triade (définition p. 242) était utilisé depuis les
années 1980 pour rappeler la domination de trois pôles dans l’organisation économique mondiale, celui-ci n’est plus suffisant pour
rendre compte de la réalité actuelle. En raison de l’émergence
de puissances dans l’ensemble des Suds, et notamment celles du
groupe des BRICS, la Triade est concurrencée par de nouveaux
pôles économiques qui, pour certains, ont même dépassé les
valeurs des pôles de la Triade. Le PIB de la Chine fait de cette
puissance émergente la 2e économie mondiale devant le Japon.
Par ailleurs, la fin de la Guerre Froide, évoquée par la caricature
(doc. 3 p. 243) a contribué à bouger les lignes économiques. Ces
évolutions font ainsi évoluer les limites de la Triade qui, pour certains auteurs, intègre désormais les NPIA et tout particulièrement
la Chine. Surtout, cela remet profondément en cause la traditionnelle organisation en centre/périphéries du monde. En effet, le
monde est de plus en plus polycentrique.
3. La catégorie des pays émergents a largement été façonnée par
le monde des économistes et des financiers qui ont surtout pris en
compte l’émergence économique de quelques États du groupe des
Suds (leur nombre s’est d’ailleurs accru sur le temps long). Ainsi,
GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 119
© Hachette Livre 2014
Amérique
du Nord
RUSSIE
le doc. 1 a été réalisé avec les données de grands groupes financiers internationaux installés majoritairement dans les puissances
du Nord (FMI/OCDE, HSBC, FTSE et Goldman Sachs). Toutefois,
comme le rappelle F. Lafargue dans le doc. 4, un flou entoure la
définition d’un pays émergent à partir du moment où les critères
qui font d’un État, un État émergent, sont relativement imprécis
et prennent surtout en compte les performances économiques et
financières. L’OCDE intègre néanmoins des critères liés au développement avec la prise en compte de l’amélioration des conditions de vie de la population. Au final, les regroupements des pays
émergents diffèrent, ce que confirme le doc. 1.
4. Si un regard critique doit être porté sur la limite Nord-Sud
(doc. 4 p. 241), la plupart des pays émergents ont des indicateurs qui les classent dans l’ensemble très flou des Suds. Certes,
quelques pays émergents et notamment les pays du BRICS ont
des PIB supérieurs à certaines vieilles puissances occidentales,
toutefois, la plupart d’entre eux ont des PIB encore moyens ce
que confirme le doc. 3 p. 241. Surtout, même si certains pays
émergents ont des IDH élevés qui se rapprochent des valeurs des
puissances occidentales comme la plupart des États d’Amérique
du Sud et que les grands pays émergents, comme la Chine, l’Inde
ou l’Indonésie ont connu un fort développement (croissance de
l’IDH supérieure à 30 % entre 2000 et 2010), l’IDH des pays émergents reste inférieur à celui des puissances du Nord et proche de
la valeur moyenne mondiale - 0,693. D’une manière générale, la
croissance économique a un impact réel sur le développement
surtout pour les États du BRICS comme la Chine ou l’Inde.
© Hachette Livre 2014
5. Les puissances émergentes correspondent surtout aux BRICS,
même si l’Afrique du Sud est nettement en retrait dans de nombreux domaines. Ces États ont la capacité d’exercer un rôle de
premier plan dans les affaires internationales grâce à leurs poids
économique (voir question 2) mais également démographique
(doc. 3 p. 249). Les puissances émergentes ont également des
capacités militaires de plus en plus développées (3 p. 237) : les budgets militaires des puissances du BRICS (hors Afrique du Sud) sont
parfois équivalents à ceux des puissances occidentales (le budget militaire chinois est désormais le 2e budget au monde) ; trois
États du BRICS (Russie, Chine, Inde) possèdent l’arme nucléaire
comme le Pakistan, pays émergent d’une moindre importance.
Enfin, certaines puissances émergentes ont une influence diplomatique réelle et surtout la Chine et la Russie qui peuvent bloquer les décisions des puissances occidentales grâce à leur droit
de veto au Conseil de sécurité des Nations unies (doc. 2 p. 236).
Au final, ces puissances qui dominent l’ensemble des émergents
rentrent en concurrence avec les puissances occidentales dans de
nombreux domaines et remettent en question la toute puissance
de la Triade. Cette évolution participe ainsi à la construction de
nouvelles représentations du monde.
Cartes géoculturelles
Comment les cartes représentent-elles
l’uniformisation ou la diversité culturelle
dans le monde ? p. 244-245
Présentation
Le questionnement de cette double page doit amener les élèves à
comprendre qu’il est impossible, ou tout au moins très difficile, de
cartographier la diversité culturelle du monde. La difficulté de tracer des limites et du choix des critères gênent la construction des
cartes et produisent des représentations forcément réductrices,
voire simplistes. Selon les choix opérés, les cartes traduisent tantôt le discours d’une uniformisation du monde par la mondialisation, tantôt celui d’une diversité culturelle qui l’emporte. De
même, dans ce domaine, les cartes peuvent être utilisées pour
appuyer des discours idéologiques singuliers et contradictoires.
L’analyse critique est donc particulièrement riche dans cette
double page.
◗◗ Réponses aux questions
1. Quatre grandes aires linguistiques se distinguent sur la carte.
Certaines témoignent de l’expansion coloniale à partir d’un foyer
de diffusion (aire francophone, anglophone, lusophone). D’autres
témoignent de la prospérité de berceaux civilisationnels anciens :
Chinois, Hindi. À l’évidence, cette carte à l’échelle mondiale
montre une diversité linguistique relative puisque les principales
langues officielles sont appartiennent à 10 groupes linguistiques.
2. L’expansion mondiale de certains sports hors de leur berceau
d’origine (football, rugby) et la médiatisation très large d’événements sportifs planétaires (Jeux olympiques, coupes du monde)
témoignent de l’uniformisation culturelle du monde. Le fait
qu’aucun pays n’est absent des Jeux olympiques en est une autre
manifestation.
3. Outre la diversité linguistique, les religions (musulmane, hindouiste), les caractères physiques (insularité) ou historiques de
certains États (Chine et Inde) constituent d’autres critères de
délimitation des aires de civilisation.
4. Alors que S. Huntington appuie largement son découpage sur
le critère religieux et présente 9 aires de civilisation, Y. Lacoste
présente un découpage tantôt géopolitique où la colonisation
est un facteur de diffusion de l’Occident sur une large partie du
monde, tantôt basé sur des critères physiques (archipels et péninsules justifiant le découpage d’une aire du Pacifique occidental).
Son découpage se limite à cinq aires de civilisation, une grande
partie de l’Afrique n’étant pas identifiée. Ces deux cartes sont
l’une comme l’autre critiquables et montrent toute la complexité
de tracer des limites sur les cartes.
6. D’une part, il est indispensable de connaître la source d’une
carte car le résultat cartographique peut fortement varier selon
les données utilisées (doc. 1). D’autre part, la date du document
est une information cruciale à prendre en compte pour l’étude
d’une carte. Ainsi, l’expression « pays émergent » est absente de la
légende du doc. 2 qui date de 1995. À ce moment précis, les pays
émergents n’apparaissaient pas au sein du groupe des Suds dans
la cartographie du Secondaire.
5. La majeure partie des conflits de « l’arc de crise » (doc. 1 p.236)
se situe à l’intérieur de l’aire musulmane invalidant la thèse du
« choc des civilisations » de S. Huntington. La division du monde
musulman entre sunnites et chiites est un élément de tension à
l’intérieur même de certains États (Iran, Irak). D’autre part, les
conflits interétatiques ne sont pas de nature culturelle mais géopolitique (rivalités sur des territoires : Inde-Pakistan).
7. L’apparition de pays émergents sur la scène internationale a
6. La localisation de grands événements sportifs, depuis 2000,
tendance à complexifier la représentation cartographique de l’espace mondial car cela contribue à fragmenter l’espace mondial
(doc. 3), cette fragmentation étant liée à l’éclatement des regroupements qui ont perduré durant des périodes plus ou moins longues comme l’opposition Est-Ouest durant la guerre froide.
est révélatrice de la forte croissance des pays du Sud, pétroliers
comme le Qatar (accueil de la coupe du monde de foot en 2022)
et des puissances émergentes que sont la Chine (accueil des JO en
2008), l’Afrique du Sud (accueil de la coupe du monde de foot en
2010) et le Brésil (accueil de la coupe du monde de foot en 2014,
des JO en 2016).
120 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
7. L’anamorphose permet de mieux visualiser le poids des principales langues dans le monde par rapport à la population des États.
Mais elle présente une vision simpliste. À l’échelle des États, elle
prend comme seul critère la langue officielle et occulte la diversité linguistique nationale. À l’échelle mondiale, le seuil fixé à 100
millions de locuteurs occulte la très grande diversité des langues
parlées (6700 langues recensées dont la majorité sont parlées par
moins de 5 % de la population mondiale). Enfin, les langues ne
coïncident pas nécessairement avec les frontières des États, ce
que la carte ne montre pas.
8. L’Indonésie est un bon exemple de la difficulté de cartographier
les faits culturels. Alors que S. Huntington la place dans l’aire
musulmane utilisant comme critère la religion (carte 3), Y. Lacoste
la situe dans une aire Pacifique occidentale, utilisant comme critère la simple localisation continentale (carte 4).
Quant à l’aire linguistique, elle apparaît comme spécifique,
gommant la grande diversité interne de l’Indonésie (environ
700 langues).
◗◗ Corrigé du schéma
Une diversité culturelle qui persiste ?
chinois
russe
lieu saint pour les trois grandes religions monothéistes
français
chinois
Jérusalem
espagnol
portugais
les grandes aires linguistiques
hindi/
bengali/
ourdou
japonais
malais/
indonésien
Cartes géoculturelles
Comment les cartes représentent-elles la diversité
culturelle du Moyen-Orient ? p. 246-247
Présentation
Comme le précisent J. Lévy et M. Lussault (2003) : « Le changement
d’échelle sert de signe de reconnaissance des géographes (et) sert de
marqueur corporatif ». L’objectif principal de cette double page
est donc de faire comprendre aux élèves la nécessité de changer d’échelles pour étudier la complexité d’un espace. Le choix du
Moyen-Orient n’est pas anodin en raison de la complexité culturelle de cette région du monde. La critique de la représentation
cartographique permet à l’élève de prendre conscience qu’une
carte n’offre jamais une visibilité totale et entière sur un territoire et qu’un changement d’ordre de grandeur permet d’affiner
le niveau d’analyse en décelant des facteurs d’exception (ici culturels) au niveau d’une portion plus réduite du territoire.
Quatre cartes sont ainsi proposées et un cadre noir apparaît sur
les trois premières pour mieux identifier l’emboîtement d’échelles.
Le doc. 1 est une carte à l’échelle mondiale qui rappelle l’insertion
du Moyen-Orient dans l’aire de civilisation islamisée définie par G.
Chaliand et J-P Ragaud. La religion musulmane seule semble suffire à définir culturellement le Moyen-Orient à cette échelle. Le
doc. 2, à l’échelle régionale, précise autant qu’elle invalide la première lecture puisque ce document fait apparaître la présence de
minorités ethniques (Kurdes) ou religieuses (chrétiennes, juives)
dans de nombreux États du Moyen-Orient qui ne sont donc pas
islamisés dans leur ensemble. Cette carte ne permet cependant
pas de proposer une localisation précise des différents peuples
et religions au Moyen-Orient. Le doc. 3 aborde la complexité du
peuplement du Liban, un État à la superficie pourtant réduite, et
permet, à l’échelle nationale, de localiser les différentes confessions religieuses. Cependant, seules les principales confessions
sont cartographiées dans cet État qui compte dix-sept/dix-huit
Une uniformisation culturelle, conséquence de la mondialisation ?
l'anglais : langue de communication universelle
État participant aux Jeux olympiques en 1896
État participant aux Jeux olympiques en 2012
communautés religieuses officielles. Le doc. 4 affine encore la
complexité du peuplement libanais à travers l’exemple de Beyrouth, ville multireligieuse par excellence.
◗◗ Réponses aux questions
1. D’après le doc. 1, le Moyen-Orient est inséré dans une aire de
civilisation plus étendue qui est l’aire islamisée. À l’échelle mondiale, le Moyen-Orient semble donc faire partie d’un ensemble
homogène. D’après la légende de la carte, l’aire islamisée diffère
des autres aires de civilisation puisque seul le critère religieux
est ici utilisé pour délimiter cette aire qui s’étend du Maghreb
jusqu’en Asie centrale.
2. La diversité religieuse et ethnique s’exprime à toutes les
échelles au Moyen-Orient et, au final, aucun État de cet ensemble
n’est islamisé dans sa totalité. En effet, certains États du MoyenOrient accueillent de nombreuses minorités ethniques et religieuses (chrétiens, juifs…) ce qui complexifie la réalité visible à
l’échelle mondiale. De plus, la répartition de certains peuples et
des religions ne coïncide aucunement avec les limites des États.
Ainsi, dans un monde majoritairement sunnite, les chiites sont
majoritaires en Iran, en Irak ou encore en Azerbaïdjan et les villes
de Médine et La Mecque en Arabie Saoudite sont également des
villes saintes pour les chiites. Certains peuples, sans État, vivent
à cheval sur plusieurs pays comme la minorité kurde entre l’Iran,
l’Irak, la Syrie ou encore la Turquie. D’autre part, cette diversité
culturelle s’exprime à l’échelle nationale avec des situations parfois complexes comme au Liban où dix-sept ou dix-huit (selon les
auteurs) « communautés » religieuses officielles sont répertoriées. Enfin, à une échelle locale, plusieurs villes du Moyen-Orient,
comme Beyrouth (doc. 4) ou Jérusalem sont des villes multi-ethniques et multireligieuses fragmentées entre plusieurs quartiers
aux communautés religieuses bien distinctes (cas du quartier
d’Achrafieh, quartier à majorité chrétienne de Beyrouth et du
quartier d’Hamra, quartier à majorité sunnite).
GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 121
© Hachette Livre 2014
anglais
3. Les doc. 3 et 4 p. 245 et le doc. 1 présentent trois représentations possibles des aires de civilisation dans le monde. En fonction
des auteurs, de leur vision du monde et de leurs intentions, ce
découpage varie et les aires de civilisation sont au nombre de 8/9
pour S. Huntington, 7 pour G. Chaliand et J.-P. Ragaud et 5 pour
Y. Lacoste. De plus, alors que S. Huntington privilégie des critères
religieux pour construire sa représentation cartographique, Y.
Lacoste apporte davantage d’importance au temps long et son
découpage individualise ainsi des aires parfois bien plus étendues
comme celle de l’Occident. Au final, certains États présentent
parfois des identités culturelles différentes selon les auteurs.
Ainsi, si l’Éthiopie est intégrée dans le monde musulman pour Y.
Lacoste, cet État fait partie de l’aire africaine pour S. Huntington
et de l’aire négro-africaine pour G. Chaliand et J.-P. Ragaud.
4. Le Liban illustre la complexité religieuse du Moyen-Orient car
dix-sept « communautés » religieuses officielles sont dénombrées
dans un État à la superficie très réduite. Le Liban présente d’ailleurs une exception dans ce monde arabe majoritairement musulman puisqu’il compte une très forte minorité chrétienne. Même si
les chiffres méritent une lecture très critique à partir du moment
où aucun recensement n’a été réalisé récemment, on estime que
35 % à 40 % de la population libanaise est de confession chrétienne (ce que rappelle la valeur moyenne de 37,3 % de chrétiens
dans le doc. 2). Cette fragmentation entre différentes communautés se retrouve à l’échelle locale et notamment à Beyrouth, la
capitale, où la partie Ouest majoritairement musulmane s’oppose
à la partie Est majoritairement chrétienne.
D’après le doc. 2, d’autres États comme l’Irak (population arabe
majoritairement chiite avec une forte minorité kurde au Nord)
ou l’Iran (population perse majoritairement chiite avec une
forte minorité kurde au Nord-Ouest) ou des villes comme Jérusalem (ville sainte pour les trois monothéismes de la région) ou
La Mecque (ville sainte pour les musulmans sunnites et chiites)
peuvent illustrer la complexité religieuse du Moyen-Orient.
5. La diversité ethnique et religieuse du Moyen-Orient peut entraîner parfois des tensions et des conflits. Ainsi, d’après le doc. 2, le
fait que certains peuples n’aient pas d’État comme les Kurdes ou
les Palestiniens, peut se traduire par des revendications qui déstabilisent les États qui les accueillent (cas des Kurdes en Turquie
ou en Irak par exemple) ou les États voisins (cas des Palestiniens
avec l’État d’Israël). C’est ce que rappelle le conflit qui oppose
Israël, le Liban et les territoires palestiniens sur la carte 1 p. 236. La
diversité religieuse peut apparaître également comme un élément
déstabilisateur dans certains États concernés par la vague du
« printemps arabe ». Ainsi, au Bahreïn, royaume à majorité chiite
(75 %) dirigé par une famille royale sunnite, les manifestations,
qui dénonçaient, depuis février 2011, la pauvreté et demandaient
une réforme des institutions politiques, ont toujours insisté sur les
discriminations dont est victime la majorité chiite.
© Hachette Livre 2014
6. La représentation cartographique des aires de civilisation est
rendue difficile puisque, d’une part celle-ci varie selon plusieurs
critères (auteurs, variété des critères, intentions…) et, d’autre
part, face à la multiplication des flux à l’échelle mondiale, les
limites entre les différentes aires de civilisation sont de plus en
plus floues en raison de la mise en réseaux du monde qui perturbe
l’organisation en grands blocs proposés par ces représentations
cartographiques.
7. Chaque changement d’échelle opéré à l’aide des cartes 1
à 4 entraîne une lecture différente ou plus précise de la diversité culturelle et ethnique au Moyen-Orient. En effet, alors que
l’on pourrait croire que la seule religion musulmane domine au
Moyen-Orient d’après la carte 1, la carte 2 permet de mentionner l’existence de minorités chrétiennes (ou d’une majorité juive
en Israël) dans de nombreux États même si celles-ci ne sont pas
précisément localisées. Sur les cartes 3 et 4, cette localisation des
minorités chrétiennes est permise avec l’exemple du Liban, qui
accueille dix-sept communautés religieuses, et de Beyrouth, capitale multireligieuse.
La légende du doc. 3 révèle les limites de la représentation des
communautés religieuses au Liban puisque, d’après le texte, le
Liban compte dix-sept communautés religieuses alors que cinq
communautés seulement ont été représentées sur la carte. Cet
exemple permet de vérifier la difficulté à cartographier certaines
informations à une échelle donnée.
8. Les cartes 1 à 4 rappellent la nécessité de changer d’échelles
lorsqu’on étudie un espace puisqu’au final, la carte 4 permet de
nuancer fortement les informations de la carte 1. Ainsi, la confrontation de représentations cartographiques à différentes échelles
permet aux géographes d’avoir une lecture plus précise des
espaces étudiés.
Cartes géo-environnementales
Comment les cartes représentent-elles
les grands enjeux environnementaux ? p. 248-249
Présentation
La double page consacrée à la grille géo-environnementale insiste
sur l’inégale répartition des ressources de la planète, les pressions
anthropiques sur les milieux et les conséquences des activités
humaines en terme de pollution. L’ensemble de ces enjeux doit
être replacé dans un temps long de croissance démographique.
Les doc. 1 et 3 sont des cartogrammes. Ils permettent de visualiser rapidement les États émetteurs des plus grandes quantités de
CO2 dans l’atmosphère et les « poids-lourds » démographiques.
La carte 2 représente l’accès à l’eau potable par pays dans le
monde (au moins 20 litres par jour et par personne à moins de 1
km ou 30 min à pied du domicile). Notons qu’à cette échelle, les
contrastes internes aux États ne peuvent pas être visualisés et
notamment dans certains États du Sud où l’accès à l’eau est très
différent, d’une part, entre les quartiers aisés/pauvres dans les
centres urbains et, d’autre part, entre les villes et les campagnes.
Le croisement entre le doc. 3 et les cartes 1 et 2 permet d’identifier des enjeux majeurs en terme de pollution et de pression sur la
ressource en eau pour ces États. Le doc. 4 permet d’établir le lien
entre les enjeux géo-environnementaux et géopolitiques.
Le questionnement de la double page vise ainsi à s’interroger sur
la question du développement durable à l’échelle mondiale en
insistant sur les pressions anthropiques sur les ressources et sur
l’apparition de problèmes environnementaux qui sont désormais
mondiaux comme les conséquences du changement climatique.
Toutefois, la double page ne saurait suffire à elle seule car la prise
en compte du développement durable nécessite de croiser différentes grilles de lecture et notamment la grille de lecture géoéconomique qui montre que la croissance économique de certains États et la croissance démographique de ceux-ci (États-Unis,
Chine, Inde, Brésil…) peuvent être un frein à un développement
durable mondial. Au final, une réflexion sur l’utilité de la diversité
des modes de représentations cartographiques et notamment des
cartogrammes, permet de montrer aux élèves que le choix d’une
représentation permet de rendre plus accessible le discours cartographique au grand public.
◗◗ Réponses aux questions
1. D’après la carte 1, les États qui émettent le plus de CO2 en
2010 sont la Chine, les États-Unis, l’Inde, la Russie ou encore le
Japon. Les cinq premiers pays émetteurs de CO2 dans le monde
122 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
sont donc des puissances anciennement établies ou les grandes
puissances émergentes regroupées dans le groupe des BRICS.
Toutefois, il s’agit d’un problème environnemental mondial car
c’est l’ensemble des États du monde qui est concerné par le changement climatique, conséquence de ces émissions de CO2 dans
l’atmosphère.
2. D’après la carte 2, l’eau potable est rare dans les États où la
population est parfois nombreuse et où les capacités techniques
pour alimenter l’ensemble de la population sont limitées. Ainsi,
moins de 75 % de la population a accès à l’eau potable dans la
majeure partie des États d’Afrique sub-saharienne. Les pourcentages sont mêmes inférieurs à 50 % en Mauritanie, en République
Démocratique du Congo, en Éthiopie ou encore en Somalie. Les
pourcentages sont également faibles en Asie du Sud et du SudEst, notamment au Laos et au Cambodge.
◗◗ Corrigé du schéma
ÉTATS-UNIS
Europe
occid.
RUSSIE
CHINE
INDE
Des activités prédatrices pour l’environnement
principal émetteur de gaz à effet de serre
population élevée et des émissions de CO2 fortes. Ainsi, la Chine,
l’Inde, les États-Unis qui font partie des États ayant la plus forte
population à l’échelle mondiale, sont responsables d’une part non
négligeable des émissions de CO2. Cependant, ce lien n’est pas
automatique et suffisant. Ainsi, le Nigeria qui est un des États les
plus peuplés d’Afrique émet très peu de CO2. Dès lors, les effectifs
de population ne peuvent pas expliquer à eux seuls les disparités
dans les émissions de CO2. D’autres facteurs, liés notamment au
développement économique et à l’utilisation de certaines sources
d’énergie polluantes (comme le charbon par exemple), doivent
être mobilisés. Le développement économique est d’ailleurs un
facteur important pour expliquer les disparités entre les États
pour l’accès à l’eau potable. En effet, si le lien entre population
élevée et une part forte de la population n’ayant pas accès à l’eau
potable peut se vérifier pour la Chine ou la République démocratique du Congo, c’est surtout les capacités techniques qui sont
décisives. Ainsi, l’ensemble des populations vivant dans les pays
occidentaux a accès à l’eau potable tout comme plus de 90 % de
la population du Brésil, puissance émergente.
La confrontation entre le doc. 1 et le doc. 3 p. 241 montre que,
dans la plupart des cas, les pays qui émettent le plus de CO2 sont
les États aux PIB les plus élevés. Ainsi, les États-Unis, 1er PIB mondial, sont le deuxième émetteur de CO2 au monde et la Chine, 2e
PIB mondial, est le 1er émetteur de CO2. Ce lien s’explique par
la forte consommation d’énergie (pour les déplacements, pour la
production…) dans les économies les plus développées.
4. D’après le doc. 4, alors que les principaux émetteurs de CO2
dans le monde sont des puissances occidentales ou émergentes,
les principales victimes du changement climatique sont, a contrario, les États du Sud, parfois confrontés à des problèmes environnementaux spécifiques. Ainsi, la désertification, la déforestation
ou encore la raréfaction de l’eau, liées en partie au changement
climatique, sont des réalités pour une part importante de la population des Suds.
5. Les doc. 1, 2 et 3 permettent d’aborder l’importance des modes
de représentations en cartographie. Ainsi, si le doc. 2 propose
une représentation cartographique « classique », les doc. 1 et 3
sont des cartogrammes qui font varier la superficie des États en
fonction du niveau des valeurs cartographiées. Ainsi, ce mode
de représentation facilite la lecture de la carte et permet de se
concentrer davantage sur les valeurs hautes. Pour autant, ces
cartes montrent aussi un monde complexe sur le plan environnemental et n’établissent pas de liens directs entre elles. Les pays
industrialisés sont les plus grands pollueurs, mais leurs émissions
de CO2 sont en baisse. Enfin, le niveau d’accès à l’eau semble
dépendre de leur niveau de développement.
changement climatique, une menace
mondiale
… dont les États les plus fragiles sont
les premières victimes
écosystème particulièrement menacé
forte pression sur les ressources en eau
migrations possibles des réfugiés climatiques
La complexité géo-environnementale du monde
Cartes géo-environnementales
Comment deux cartes peuvent-elles représenter
deux visions opposées du monde ? p. 250-251
Présentation
La question du développement durable a été largement traitée
dans le programme de Géographie de la classe de Seconde. Sans
revenir sur ces questions précises, il est intéressant, en classe de
Terminale, de s’intéresser aux indicateurs comparatifs et de s’interroger sur leur validité, leur intérêt et leurs limites. Les deux
indicateurs proposés à l’étude sont les deux indicateurs les plus
médiatisés dans l’opinion publique (empreinte écologique) et
dans la sphère scientifique (indice de performance énergétique).
Ils sont essentiellement environnementaux et intègrent peu, mal,
voire pas du tout, les dimensions économiques, sociales ou culturelles du développement durable. La mise au point d’un PNB vert
prenant en compte le capital social et le capital naturel est en projet mais n’aboutit pas : il serait pourtant un instrument de mesure
plus complet du développement durable. Le choix de l’empreinte
écologique et de l’IPE est donc pertinent pour conduire avec les
élèves une réflexion sur le choix des indicateurs dans une représentation cartographique, leur pertinence et leurs limites. Le texte
complémentaire (doc. 5) invite à réfléchir aux risques d’utiliser un
indicateur pour appuyer un discours scientifique ou citoyen.
◗◗ Réponses aux questions
1. Dans le doc. 1 sur l’empreinte écologique, les États les plus
« vertueux » sont aussi les plus pauvres. En effet, l’intégralité
des PMA offrent les scores les plus performants, dont les trois
États qualifiés de « vertueux ». À l’inverse, l’empreinte écologique
dénonce les États développés (États-Unis, Canada, Australie) : les
trois moins « vertueux » sont la Somalie, le Mali et Haïti.
Dans le doc. 4, l’indice de performance énergétique présente une
situation inversée. Les États les plus vertueux sont situés essentiellement dans le Nord, en particulier en Europe (Suisse, Luxem-
GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 123
© Hachette Livre 2014
3. La comparaison entre les cartes 1 et 3 établit un lien entre une
bourg et Autriche), les moins vertueux sont les plus pauvres (intégralité des PMA en rouge ou orange).
2. Les doc. 2 et 3 permettent l’analyse et la comparaison des
indicateurs utilisés dans les cartes 1 et 4. Alors que l’empreinte
écologique cumule les différentes formes de déprédation environnementale, l’IPE prend en compte les politiques et leurs
efficacités. L’angle d’approche est donc différent car le premier
indicateur mesure la catastrophe alors que le deuxième tente de
mesurer l’efficacité de la remédiation. Cependant, ces deux critères demeurent largement environnementaux et intègrent peu
(IPE) ou pas du tout (empreinte écologique) les dimensions économiques et sociales du développement durable.
3. La comparaison des deux cartes atteste que la première est
pratiquement le négatif de l’autre : les États classés « vertueux »
par l’empreinte écologique sont les moins « vertueux » de l’IPE,
et inversement. L’étude précédente de la nature des indicateurs
utilisés explique cette représentation inversée de l’état environnemental de la planète.
4. La corrélation est forte entre l’état environnemental, les politiques de remédiation mises en place et le niveau de développement. Ces cartes reflètent presque parfaitement les inégalités de
développement de la planète ce qui prouve que le développement
et le développement durable sont intrinsèquement liés.
5. Les deux cartes utilisent une représentation similaire qui renforce l’impression de discours antagoniste : choix des couleurs,
représentation des Top 3 les plus et les moins « vertueux ». Chacune de ces cartes présente une vision manichéenne du monde,
renforcée par la bichromie.
6. Le doc. 5 accuse les défenseurs de l’environnement d’oublier
les questions de pauvreté et de mal-développement. En effet, la
logique de représentation du monde via l’empreinte écologique
revient à plébisciter les modes de vie des PMA au nom du respect
de l’environnement. Pourtant, ce texte volontairement provocateur appelle également un regard critique car les deux préoccupations (environnementales et sociales) ne sont pas rivales, mais au
contraire se superposent (voir Q° 4) et doivent être considérées
ensemble.
Bilan Des cartes pour comprendre le monde p. 252-253
© Hachette Livre 2014
Présentation des documents et repères
Le repère p. 252 compare, pour trois critères, la Triade, composée
de puissances anciennement établies, au groupe des BRICS, composé de cinq puissances ascendantes majeures (Brésil, Russie, Inde,
Chine, Afrique du Sud). Cette comparaison permet ainsi de rappeler aux élèves que la domination de la Triade, concept né dans les
années 1980, est aujourd’hui remise en question par l’émergence
de puissances dans le groupe des Suds. Cette dynamique de fond a
d’ailleurs une conséquence directe sur la cartographie qui se complexifie avec l’apparition, dans le domaine économique, de nouveaux regroupements à l’échelle mondiale (p. 242-243). La remise
en cause de la Triade est réelle au niveau démographique puisque
les cinq États des BRICS représentent, à eux seuls, 42,7 % de la
population mondiale en 2011 contre 13,5 % pour la Triade. Cette
domination démographique a des implications majeures en terme
de développement ou de consommation de ressources. Toutefois,
on note encore une forte disproportion entre le poids démographique de ces deux ensembles et leur production de richesses. En
effet, la Triade, grâce notamment au poids important du PIB des
États-Unis, produit plus de la moitié des richesses dans le monde
(57,6 % du PIB) contre 18,5 % pour le groupe des BRICS. La domi-
nation économique de la Triade tend cependant à s’amoindrir face
à l’émergence économique des BRICS qui participent de plus en
plus aux échanges mondiaux, notamment grâce à la Chine. Ainsi, si
la Triade représente 27,7 % des exportations mondiales en 2010, le
groupe des BRICS est à l’origine de 16,2 % des exportations même
si tous les États qui composent cet ensemble ne participent pas de
manière égale à ces échanges. La part de l’Afrique du Sud et de la
Russie est ainsi faible dans les exportations des BRICS.
Les trois documents p. 253 rappellent que les cartes sont des
constructions qui varient selon des choix réalisés en amont et
selon des modes de représentations divers. L’étude de la complexité du monde actuel ne peut se faire que par la confrontation
entre les grilles de lecture proposées dans le thème 1. L’objectif
principal du document 1 est d’insister sur le fait que la carte est
un produit construit et qu’elle présente une vision de la réalité
et non la réalité. Ainsi, les cartes sont des représentations qui
donnent à voir le monde. Qu’elles soient conçues par des géographes ou des non-géographes, elles bénéficient d’une confiance
importante et cette crédibilité fait parfois oublier les choix et les
opérations nécessaires à leur réalisation (projection, réduction,
discrétisation, centrage, figuration…). Toutefois, au moment où
les cartes se diversifient et se multiplient, il est nécessaire de
comprendre les opérations indispensables à la fabrique cartographique et d’expliquer le passage du réel à sa représentation sur
un document le plus souvent en deux dimensions. La deuxième
partie du document rappelle qu’il est indispensable de travailler
sur la source d’une carte pour évaluer son degré de validité. La
comparaison et la critique des sources est un passage obligé dans
l’étude d’une carte.
Si le doc. 2 porte sur les enjeux techniques de la réalisation
cartographique, le doc. 1 montre un monde polycentrique très
schématique. Le but de cette carte est de simplifier la lecture et
la compréhension de ce monde complexe. Si cette carte de P.
Rekacewicz (2012) relève le polycentrisme de l’organisation des
puissances du monde, elle permet de s’interroger sur les choix
du cartographe. En effet, le concept d’émergence y est élargi en
fonction des aires régionales et de leur opposition à la puissance
américaine. Il conviendra donc d’expliciter auprès des élèves, ce
concept polysémique, qui ne manqueront pas de s’interroger sur
le regroupement opéré par le cartographe (les BRICS et le Soudan par exemple). Par ailleurs, toute la légende est organisée de
façon à montrer deux camps (utilisation du bleu et du rouge).
Finalement, en montrant le polycentrisme du monde en 2012,
cette carte ne renforce-t-elle pas une vision du monde autour des
États-Unis ?
Le doc. 3 souligne, sous la forme d’un schéma, la nécessité de
croiser les quatre grilles de lecture proposées dans le thème 1
pour aborder la complexité du monde. Ainsi, chacune des cartes
du chapitre illustre une partie ou une sous-partie de ce schéma
qui peut être utilisé comme document de synthèse rappelant les
grands enjeux du chapitre 1.
Prépa Bac ◗◗ Analyse de document(s) 1
p. 254-255
Sujet : Les cartes permettent-elles de comprendre
la complexité du monde ?
Présentation
L’ensemble des études critiques de cette première partie du
programme pose une seule et même question : « les cartes permettent-elles de comprendre la complexité du monde ? » Cette
question est déclinée de manière différente, en fonction des documents proposés à l’étude et des grilles de lecture sélectionnées
124 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
ou croisées. L’étude critique porte donc d’abord sur le contenu
des documents qui présentent une approche du monde géo-économique, géopolitique, géoculturelle ou géo-environnementale,
voire une approche croisant ces regards. Elle donne l’occasion de
réinvestir les informations du chapitre sur la compréhension d’un
monde complexe, de repérer les notions essentielles pour décrire
le monde actuel et de les critiquer. En fin d’année scolaire, et a
fortiori à l’examen du baccalauréat, ces notions sont étayées par
l’ensemble des chapitres du programme qui enrichissent d’autant
d’approches les notions présentées dans le chapitre 1. La seconde
dimension de ces études de document est la dimension critique.
L’exercice porte exclusivement sur des cartes, éventuellement
accompagnées de documents complémentaires. L’élève est invité
à s’approprier toutes les démarches de réflexion mises en œuvre
durant le chapitre et à critiquer les modes de représentations
opérés : choix des informations pour répondre au sujet, choix des
figurés, choix du fond de carte, choix de la projection, choix du
centrage, etc. La critique peut être autant positive que négative.
Cette première étude critique de document a été totalement rédigée et décryptée par des cartouches de lecture qui décortiquent
pour les élèves la démarche à adopter. Cet exemple rédigé peut
servir de référence lors des autres exercices.
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le document proposé à l’étude est un cartogramme, représentation très visuelle du monde de plus en plus utilisée par les médias,
voire même dans la production scientifique récente : voir l’atlas
original de Virginie Raisson, 2033, Atlas des futurs du monde, paru
en 2011 et dont la carte est inspirée. Ce mode de représentation
déroutante repose sur le principe de l’anamorphose, plus traditionnel dans les manuels scolaires. L’occasion est donnée à l’élève
de mettre à profit les acquis méthodologiques du chapitre 1 et de
s’interroger sur les choix opérés par le cartographe : absence de
fond, choix de l’anamorphose, choix de l’indicateur pour répondre
au sujet (inégalités de richesse et de développement), choix de la
projection, choix des figurés, choix des couleurs et des seuillages,
etc.
La complexité du monde peut être appréhendée à travers la
grille géo-économique et en particulier les inégalités de développement et de richesse qui en sont un aspect majeur. Le découpage du monde, renforcé par la limite Nord-Sud représentée sur
la carte, est en partie visible mais doit néanmoins être considéré
avec précaution. Les indicateurs choisis pour représenter ces
inégalités sont classiques et connus des élèves qui doivent néanmoins les définir, en montrer l’intérêt (classement planétaire) et
les limites (mode de calcul très restrictif qui met de côté d’autres
indices tout aussi valides : activités informelles, accès aux besoins
élémentaires, inégalités de genre, etc.). Ces indicateurs émanent
d’organisations internationales connues des élèves au terme de
ce chapitre : Fond Monétaire International et Programme des
Nations-Unies pour le Développement.
Prépa Bac ◗◗ Analyse de document(s) 2
p. 256-257
Sujet : Les cartes permettent-elles de comprendre
la complexité du monde ? Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
La consigne s’organise autour de 2 axes de réflexion :
– Le premier invite à s’interroger sur la lecture des cartes des aires
de civilisation. P. Boniface, par un procédé simple mais ingénieux,
invalide la thèse de S. Huntington sur le « choc des civilisations ».
– Le deuxième permet, par la confrontation des documents, d’interroger les critères utilisés par les cartographes pour délimiter les
aires de civilisation.
Les cartes 1, 3 et 4 p. 244-245 et 2 p. 240 permettent aux élèves
d’enrichir cette réflexion.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Questions soulevées
par le sujet
Informations relatives au sujet
Quel découpage
géoculturel du monde ces
cartes donnent-elles à voir ?
Huntington inclut les Philippines dans l’aire musulmane
et isole une civilisation japonaise.
Regard critique sur la représentation
cartographique
Selon le critère retenu, les limites des aires de
civilisation varient.
Doc. 1 p. 244 : le Japon est inclus dans l’aire sinisée et
les Philippines dans l’aire hindouisée.
Quelles nuances peut-on
apporter au découpage
monolithique du monde de
S. Huntington ?
Doc . 1 : les civilisations chrétiennes correspondent aux
civilisations occidentale, latino- américaine et slaveorthodoxe.
L’anamorphose permet de visualiser le poids de la
religion chrétienne dans le monde, notamment en
Afrique et en Asie. Le christianisme a largement
dépassé son berceau originel d’expansion.
Doc. 2 : le christianisme est répandu dans le monde
entier et l’Afrique et l’Asie comptent des millions de
chrétiens. Le critère religieux pour délimiter une aire de
civilisation présente des limites.
Pourquoi la thèse du
« choc des civilisations »
de S. Huntington est-elle
critiquable ?
Les conflits sont nombreux en Afrique subsaharienne,
au Proche-Orient et en Asie du Sud.
P. Boniface montre que les conflits ont lieu à l’intérieur
des aires de civilisation et non entre les civilisations.
La carte de S. Huntington montre une vision figée
et monolithique des aires culturelles et ne tient
pas compte du brassage culturel sous l’impulsion
des migrations. La représentation des diasporas à
travers le monde à l’échelle mondiale est absente.
La superposition à l’aide de figurés ponctuels de
la carte des conflits sur celle de S. Huntington,
permet d’invalider la thèse de Huntington.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 125
© Hachette Livre 2014
Les aires de civilisation s’interpénètrent sur leurs
marges (ex : Mexique/États-Unis, Maghreb/Sahara)
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
(proposition)
• Présentation
Représenter les contrastes culturels du monde constitue un défi
pour le cartographe. Les aires de civilisation permettent de représenter ces contrastes mais leur délimitation pose problème. La
carte de P. Boniface remet en question celle de S. Huntington et
la confrontation avec celle des chrétiens dans le monde montre
que la religion est un critère de délimitation discutable.
ment conjoncturelle et leur représentation pose de multiples
problèmes au cartographe : outre les choix traditionnels à opérer
pour toute carte, le problème de la durée de vie de ce type de
carte est intéressant.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Pour aider les élèves dans le prélèvement des informations, il
est possible de lister les informations prélevées dans le tableau
suivant :
Situation récente
• Développement
Conflits
(nature, nombre)
1. La représentation cartographique des contrastes culturels du
monde utilise des critères variés. Ainsi, la carte de S. Huntington
distingue neuf aires et utilise le critère de la religion majoritaire
pour distinguer les quatre aires (musulmane, hindoue, bouddhiste et orthodoxe), mais le découpage des États prévaut pour
l’aire « chinoise » et l’aire « japonaise ». La délimitation de l’aire
« occidentale » tient d’une appréciation plus géopolitique isolant
les pôles de puissance européen, américain et australien. Mais, la
carte de G. Chaliand et J.-P. Rageau montre un autre découpage
des civilisations : le Japon et la Chine sont dans la même aire alors
que les Philippines et l’Indonésie, pays majoritairement musulmans, sont inclus dans l’aire hindouisée. La comparaison de ces
cartes montre bien la difficulté à cerner les aires de civilisation.
2. Les choix faits par S. Huntington montrant une vision figée des
civilisations sont discutables. Quelques exemples montrent que
sa carte donne une vision figée des civilisations. Ainsi, la limite
séparant États-Unis et Mexique ignore le brassage culturel important de part et d’autre de la frontière. L’Afrique est séparée en
deux aires mais le critère de la religion musulmane ne peut suffire
à déterminer une limite nette : les modes de pensées et de vie de
l’Afrique sahélienne, incluse dans l’aire musulmane, ne sont pas
ceux du monde musulman de l’Afrique du Nord. Les civilisations
ne sont donc pas des blocs monolithiques comme le laisse à voir
cette carte.
3. La thèse de S. Huntington selon laquelle les conflits du xxie
siècle seront culturels, a été très critiquée. En superposant la carte
des conflits dans le monde à celle de Huntington, P. Boniface
montre que les conflits n’ont pas lieu entre les civilisations mais
à l’intérieur des aires de civilisation. Ils sont nombreux en Afrique
subsaharienne, Asie du Sud et Proche-Orient et ne sont pas de
nature culturelle mais géopolitique. La carte des chrétiens dans le
monde montre en outre que le brassage culturel l’emporte : l’Asie
et l’Afrique comptent des millions de chrétiens.
• Conclusion
Ainsi, la confrontation des documents permet à la fois de s’interroger sur les contrastes culturels dans le monde et la difficulté de
les cartographier. L’étude critique des cartes montre les limites
des choix opérés par le cartographe. C’est une lecture du monde
subjective et parfois arbitraire qui peut donc être remise en question. Loin d’être figées, les aires de civilisation sont parcourues par
les dynamiques de la mondialisation.
Prépa Bac © Hachette Livre 2014
◗◗ Analyse de document(s) 3
p. 258
Sujet : Les cartes permettent-elles de comprendre
la complexité du monde ? Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le sujet porte sur la complexité du monde mais les documents
proposés et la consigne l’orientent vers la grille géopolitique.
L’étude des conflits dans le monde est par définition extrême-
Évolution
Victimes
(nature, nombre)
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
(proposition de plan)
a. Une situation planétaire inégale dans la distribution des
conflits
– Les espaces de conflits sont concentrés (arc de crise) et les
conflits sont aujourd’hui surtout intra-étatiques.
– Montrer quel procédé représente la répartition des conflits
aujourd’hui et que les deux informations sur les réfugiés se
complètent. Mettre en évidence la durée de vie limitée de ce
type de cartes.
b. Une évolution qui appelle à l’optimisme ?
– Expliquer l’évolution du nombre (baisse importante), de la
nature des conflits (rôle de l’ONU, progrès du niveau de vie…)
et de la distribution des conflits (de l’Europe dans la première
moitié du xxe siècle à l’Afrique, aujourd’hui).
– Montrer que la représentation de l’évolution du nombre de
victimes des conflits par aire géographique est complexe.
Prépa Bac ◗◗ Analyse de document(s) 4
p. 259
Sujet : Les cartes permettent-elles de comprendre
la complexité du monde ? Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
À travers le problème de l’accaparement des terres agricoles, le
sujet aborde les enjeux de l’alimentation mondiale déjà étudiés
en classe de Seconde. Dans un contexte de croissance démographique encore soutenue dans de nombreux pays du Sud et de
dégradation des sols, la terre est devenue un objet d’investissements pour les États riches qui cherchent à assurer leur sécurité
alimentaire (acquisitions, locations à long terme ou ententes bilatérales). Mais ce sont souvent des États où la sécurité alimentaire
est justement fragile qui sont l’objet de ces investissements. Le
sujet permet ainsi de croiser plusieurs grilles de lecture (géo-économique, géopolitique et géo-environnementale) et de montrer la
complexité du défi alimentaire mondial.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
On peut regrouper autour de 3 axes le prélèvement des
informations :
• Quels types de pays investissent dans le commerce des terres
agricoles ? Quels types de pays sont vendeurs ?
• Quelles sont les motivations des uns et des autres ?
Acheteurs : population nombreuse pour la Chine, insuffisance
de terres arables ou dégradation des sols, ralentissement des
rendements, des investissements financiers rentables.
Vendeurs : des hectares disponibles, des revenus financiers.
126 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• En utilisant les trois grilles de lecture du sujet : Quels problèmes
pose l’accaparement des terres agricoles ?
L’analyse critique de la carte doit faire ressortir :
• La clarté des informations qui proviennent d’organisations officielles (ONU, IFPRI) et la problématisation de la légende.
• Mais des lacunes concernant les modes d’acquisitions (locations
ou achats), un figuré pour les États vendeurs qui ne permet pas de
distinguer la part réelle des terres cédées.
• Un choix de légende qui conduit à une lecture manichéenne
d’un problème complexe.
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
(proposition de plan)
1. Des puissances qui cherchent à assurer leur sécurité alimentaire
2. De nombreux États vendeurs où la sécurité alimentaire est fragile
3. Une représentation cartographique critiquable
Prépa Bac ◗◗ Analyse de document(s) 5
p. 260-261
Sujet : Les cartes permettent-elles de comprendre
la complexité du monde ? Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
D’une part, ce sujet est l’occasion de confronter les élèves à une
« carte sans fond » et de les amener à questionner la pertinence
d’un fond de carte. D’autre part, la crise qui a éclaté en 2008 est
un bon exemple de l’interdépendance des États induite par la globalisation financière, à la fois par ses mécanismes de diffusion (on
passe d’une crise immobilière à une crise économique généralisée)
et son échelle (née aux États-Unis, elle gagne l’ensemble des États
du monde). La diffusion de cette crise conduit à s’interroger sur le
moyen de représenter des échelles spatio-temporelles différentes.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Questions soulevées
par le sujet
Informations
Explications
Sur le fond
Différentes échelles temporelles : diffusion rapide, en
quelques mois (été 2007, année 2008) l’ensemble du
monde est affecté.
Différentes échelles spatiales :
– touche d’abord les pôles de la Triade ;
– puis les puissances émergentes et la Russie ;
– et l’ensemble des États du Sud.
Une crise aggravée dans les États du Sud : baisse des
transferts financiers du Nord vers le Sud.
– Une crise qui montre une interdépendance économique
et financière à l’échelle mondiale.
– Passage d’une crise de l’endettement des ménages
américains (« crise des subprime ») à une crise
économique généralisée ;
• Des flèches uniques et aux couleurs tranchées (noires et
blanches) pour l’impact sur les États du Sud.
Sur la forme
Absence de fond de carte : « indépendant de
l’information cartographiée en surface ».
– des figurés de surface qui emboitent trois échelles
représentées par des couleurs chaudes ;
– des flèches et des dégradés de couleurs montrant les
dynamiques et les logiques spatiales de diffusion.
• Mais les ensembles régionaux respectent une logique
spatiale implicite : celle correspondant à un fond de carte
centré sur les États-Unis.
• Mais une simplification qui fait disparaître les nuances :
cette représentation ne montre pas les répercussions
inégales de la crise à l’échelle des États.
• Une représentation adaptée pour privilégier des
dynamiques.
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations (proposition)
Présentation
Représenter graphiquement les désordres du monde en montrant
les dynamiques à l’œuvre est une des difficultés du cartographe.
Ainsi, le doc. 1 constitue un mode de représentation original,
montrant la diffusion de la crise financière dans ses dimensions
spatio-temporelles. Le doc. 2 permet d’éclairer, par une réflexion
critique, les choix d’une telle représentation.
• Conclusion
Ainsi, le document montre l’impact de l’interdépendance croissante des États insérés dans la mondialisation et questionne l’intérêt du fond de carte. L’étude critique montre qu’il résulte toujours d’un choix raisonné au service de l’information que l’on veut
montrer. Mais, l’impact visuel d’une carte sans fond ne doit pas
en masquer les limites qui restent celles de toute représentation
cartographique.
• Développement
Prépa Bac ◗◗ Analyse de document(s) 6
p. 262
Entraînement 1
Sujet : Des cartes pour comprendre
un monde complexe
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le sujet invite à interroger la complexité de l’organisation du
monde à travers une carte des langues dans le monde. Il porte
sur une carte européano-centrée à l’échelle mondiale et selon une
projection polaire. Une dimension critique de l’analyse est rendue
obligatoire par la consigne.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
• 127
© Hachette Livre 2014
Proposition pour le paragraphe 3 :
Le choix de s’affranchir du fond de carte habituel « pour voir ce
qu’il cache » constitue un procédé original. Pourtant, si le fond de
carte disparaît, une logique de localisation implicite est respectée,
correspondant à un fond de carte centré sur les États-Unis, épicentre de la crise. Le fond de carte « indépendant de l’information
visuelle cartographiée en surface » apparaît donc superflu, voire
un risque de parasitage visuel de l’information essentielle. Cependant, ce mode de représentation de « carte sans carte », s’il a un
effet visuel important a aussi ses limites : le risque d’une lecture
simpliste de phénomènes très complexes. En effet, cette représentation ne montre pas les répercussions inégales de la crise à
l’échelle des États, ce qu’un fond de carte habituel aurait pu plus
facilement nuancer. Si cette carte illustre les mécanismes de diffusion de la crise à l’échelle mondiale, elle ne permet pas d’en
montrer toute la complexité.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
L’analyse de la légende met en valeur le poids des locuteurs et
leur hiérarchie : le chinois, l’anglais, l’espagnol, l’hindi et le français
sont les 5 langues les plus parlées dans le monde. En revanche,
si l’on regarde seulement la carte, cette hiérarchie peut sembler
différente en fonction de la superficie des pays. Ainsi, l’anglais
pourrait apparaître comme la langue la plus parlée dans le monde.
Il est donc primordial de bien croiser la lecture de la carte avec
celle de la légende. À travers les exemples de l’Afrique, de l’Asie et
de l’Amérique, le rôle des colonisations est aussi mis en évidence.
Un apport de connaissances personnelles est donc indispensable
pour expliquer cette carte. Cette carte comporte aussi plusieurs
limites. Par exemple, il faudrait croiser cette carte avec le doc. 3
p. 249 qui montre le poids démographique des États. Par ailleurs,
elle ne tient pas compte des locuteurs en dehors des frontières
étatiques : par exemple, en Californie des millions de personnes
ne parlent que l’espagnol. Le poids des migrants et des diasporas (chinoise par exemple) est donc aussi à prendre en compte. Il
faudrait donc une analyse plus fine, avec un zoom à une échelle
régionale en guise d’étude de cas.
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
(proposition de plan)
1. Les apports (hiérarchie du poids des langues, distribution spatiale à l’échelle mondiale, une distribution en partie héritée de la
colonisation).
2. Les limites (changer d’échelle, le rôle des migrations, les situations de changement de langue principale, cas de la Californie).
◗◗ Analyse de document(s) 7
p. 262
Entraînement 2
Sujet : Des cartes pour comprendre
un monde complexe
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
(proposition de plan)
1. L’hégémonie de la Triade, menée par les États-Unis.
2. Une hégémonie contestée par les pays émergents.
◗◗ Bibliographie
P. Boniface et H. Védrine, Atlas des crises et des conflits, Armand
Colin/Fayard, 2010.
P. Boniface et H. Védrine, Atlas du monde global, Armand Colin/
Fayard, 2010.
P. Boulanger, Géographie militaire et géostratégie. Enjeux et crises
du monde contemporain, Armand Colin, 2011.
A. Bretagnolle, R. Le Goix et C. Vacchiani-Marcuzzo, Métropoles et
mondialisation, La Documentation photographique, 2011.
A. Cattaruzza et P. Sintes, Géographie des conflits, Bréal, 2011.
M.-F. Durand (dir.), Atlas de la mondialisation, Sciences Po, 2012.
M. Foucher, Les nouveaux Déséquilibres mondiaux, La Documentation photographique, 2009.
M. Foucher, La Bataille des cartes : Analyse critique des visions du
monde, Bourin, 2011.
P. Gentelle (dir.), Géopolitique du monde contemporain, Nathan,
2008.
B. Giblin (dir.), Géographie des conflits, La Documentation photographique, 2012.
V. Raisson, Atlas des Futurs du Monde, Robert Laffont, 2010.
D. Retaille (dir.), La Mondialisation, Nathan, 2010.
J.-C. Victor, Le Dessous des cartes, Tallandier-Arte, 2011.
◗◗ Sitographie
http://cartographie.sciences-po.fr/
www.monde-diplomatique.fr/cartes/
www.cartografareilpresente.org/rubrique89.html?lang=fr
http://ddc.arte.tv/
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Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le sujet porte sur la complexité du monde à travers deux cartes
déjà présentées dans le manuel : doc. 1 p. 263 et doc. 3 p. 241.
La formulation du sujet indique un plan possible : les apports du
doc. 1, puis ses limites au regard du doc. 2.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Voir la présentation des cartes précédemment.
128 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 1 - Des cartes pour comprendre le monde
Introduction
p. 266-267
Le thème 2 aborde « les dynamiques de la mondialisation » et
cherche à approcher la mondialisation en trois questions qui
invitent à s’interroger successivement sur son mécanisme, son
impact sur les territoires et les débats qu’elle soulève.
S’il existe des parentés avec l’ancien programme (flux → acteurs →
lieux→ débats → autres logiques d’organisation du monde), le nouveau invite à s’interroger sur les dynamiques territoriales de la mondialisation, en suivant un fil directeur différent (processus → acteurs
→ flux → territoires intégrés → territoires en marge → espaces maritimes → États et frontières → débats → contestations) :
– Le chapitre vise à comprendre « la mondialisation en fonctionnement », c’est-à-dire son mécanisme. Après avoir étudié le cas
d’un produit mondialisé (le café ou le téléphone mobile), le professeur doit aborder le processus géo-historique de la mondialisation, identifier ses principaux acteurs et présenter les principaux
flux qui animent l’espace mondial, en portant une attention particulière aux mobilités. Cette question doit permettre de définir
ce qu’est la mondialisation, comprise comme le processus de mise
en relation croissante des espaces, des économies et des sociétés.
– Il porte aussi sur « les territoires dans la mondialisation », c’està-dire l’impact du processus de mondialisation sur les territoires.
Cet impact se lit dans les aménagements qui sont autant de signes
de l’adaptation des territoires à la mondialisation. Il ne s’agit donc
pas de n’étudier que les lieux majeurs de la mondialisation, mais
d’étudier l’inégale intégration de l’ensemble de l’espace mondial
au réseau des échanges, des « pôles et espaces majeurs de la mondialisation » aux « territoires et société en marge ». Par ailleurs,
pour couvrir l’ensemble de l’espace mondial, un point spécifique
est consacré aux espaces maritimes qui forment l’« horizon du
village planétaire ».
– Il traite enfin de la « mondialisation en débat » et s’attache à
présenter les principaux contrepoids de ce phénomène, suivant
deux entrées générales : le contrepoids des États, qui sont à la
fois acteurs et régulateurs de la mondialisation, comme on le voit
à travers l’évolution des frontières et de leur rôle au sein d’ensembles régionaux ; le contrepoids d’une diversité d’acteurs qui
débattent des effets de la mondialisation, voire la contestent suivant des modalités diverses.
Pages 266-267, le thème 2 s’ouvre sur une photographie du port et du
quartier des affaires de Singapour, un exemple qui permet d’entrer
rapidement dans la plupart des entrées générales des questions :
– Elle permet d’une part d’introduire les enjeux du chapitre. Cette
ancienne colonie britannique, fondée en 1819, illustre le processus
d’extension géographique de la domination européenne au xixe
siècle, considérée comme la deuxième phase de développement
de la mondialisation. Indépendante depuis 1965, elle illustre à
travers son quartier d’affaires et ses activités portuaires le rôle
primordial que jouent l’État et les entreprises dans l’ouverture du
pays sur le monde et la polarisation des différents flux.
Singapour est une petite république insulaire qui, confrontée à
la rareté de l’espace disponible et à l’exiguïté de son territoire (à
peine 700 km2), ne cesse de gagner du terrain sur la mer pour
anticiper les évolutions de l’économie mondiale. On estime que
10 % du territoire national ont été conquis sur la mer. Sa fonction
portuaire historique et sa situation sur l’une des routes maritimes
des plus fréquentées du monde (détroit de Malacca) témoignent
de l’importance géostratégique des mers et océans.
La carte p. 266 montre l’indice de mondialisation. L’indice a été
publié pour la première fois en 2002 et est actualisée par l’École
Polytechnique Fédérale de Zurich. La composante économique
de l’indice mesure les flux du commerce et des investissements
dans chaque pays. La composante sociale de la mondialisation est
basée sur la libre circulation des informations et des idées (liberté
sur Internet). La composante politique tient compte des collaborations politiques entre les pays (nombre d’ambassades, adhésion
aux organisations internationales).
Thème 2 - Les dynamiques de la mondialisation
Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
Programme
(B.O. officiel spécial n° 8 du 21 février 2013)
Un produit mondialisé (étude de cas)
Le thème 2 dans le manuel Hachette
Études de cas
Cours
p. 270-275
p. 278-283
p. 276-277
p. 284-285
Exemples
Acteurs, flux et débats
p. 288-289
p. 292-293
p. 294-295
p. 290-291
p. 296-297
Des territoires inégalement intégrés à la mondialisation
p. 300-301
p. 304-305
p. 302-303
Les espaces maritimes : approche géostratégique
p. 306-307
p. 308-309
GÉOGRAPHIE - Thème 2 - Les dynamiques de la mondialisation
© Hachette Livre 2014
G éo G r a phie
thème 2 Les dynamiques de la mondialisation
• 129
G éo G r a phie
chapitre 2
Mondialisation, fonctionnement et territoires
◗◗ Introduction Ce nouveau programme sur les dynamiques de la mondialisation
à travers son fonctionnement et ses territoires doit être traité en
8 à 9 heures. Cette question s’appréhende dans le parallèle avec
le chapitre 1 et les chapitres 3, 4 et 5 qui permettent de considérer
les principales logiques de la mondialisation à l’échelle continentale. Le traitement de ce chapitre peut donc s’envisager en amont
(comme un préalable) ou en aval (comme une conceptualisation)
des études régionales.
L’approche du fonctionnement de la mondialisation ne doit pas
être trop économique et doit intégrer une dimension historique.
Si les acteurs privés (exemple 1 sur Wal-Mart) sont au cœur de
la mondialisation, il convient d’aborder aussi le rôle des acteurs
publics et de la société civile. C’est donc à la suite de ce constat sur
le rôle des acteurs de la mondialisation qu’est abordée la question
des débats sur la mondialisation (exemple 2 sur les « indignés »).
Enfin, ce chapitre donne une place centrale à la notion de « territoires ». Les élèves l’ont vu largement dans le programme de
Première. Cette notion renvoie moins au cadre étatique qu’à ces
étendues d’échelles variées, du quartier à un ensemble plus vaste
(une zone franche, une métropole, une ville mondiale, un État, une
région transfrontalière). Il s’agit d’étudier comment la mondialisation hiérarchise les territoires à toutes les échelles. Les notions
de centre/périphérie ne sont pas des concepts dépassés, mais la
traditionnelle dichotomie Nord/Sud est remise en cause. Il s’agit
vraiment de faire réfléchir les élèves à la diversité des territoires.
Dans les pays du Nord comme du Sud, des territoires sont intégrés (exemple 3 sur Singapour) et d’autres en marge de la mondialisation. Ces territoires sont terrestres ou maritimes (exemple 4
sur l’océan Arctique).
L’entrée par une étude de cas d’un produit mondialisé (étude de
cas 1 sur le café ou étude de cas 2 sur l’iphone) doit permettre une
mise en œuvre pédagogique intégrant ces impératifs.
Étude de cas 1 En quoi le café est-il représentatif du fonctionnement
de la mondialisation ?
p. 270-275
© Hachette Livre 2014
Introduction
Le café est la production agricole qui génère le plus de revenus
et se hisse au deuxième rang des produits les plus échangés
après le pétrole, selon le Centre de coopération internationale en
recherche agronomique pour le développement. Les différentes
étapes de son élaboration (culture, transformation, distribution)
emploient plus de 100 millions d’actifs. Les processus de diffusion,
les nombreux acteurs de la filière et les flux du café entre régions
de production tropicales et aires de consommation, essentiellement dans les pays du Nord, en font un excellent exemple pour
aborder la mondialisation en fonctionnement.
1. E n quoi le café est-il un produit inscrit
dans la mondialisation ? p. 270-271
Présentation des documents
Les cinq documents de cette première double page couvrent
l’ensemble des processus. Le doc. 3 présente les processus historiques à travers une carte qui détaille les étapes de la diffusion du
café dans le monde, depuis le berceau africain de sa production,
p. 268-323
jusqu’aux grands producteurs actuels (Amérique latine et Vietnam). Cette carte met l’accent sur le rôle joué par la colonisation
dans la mondialisation de ce produit, ce que souligne également
l’affiche publicitaire (doc. 4), aux nombreux détails sur les conditions et les infrastructures nécessaires. Les doc. 1 et 5 mettent
en évidence les composantes naturelles qui conditionnent la diffusion de la production du café. Le climat tropical humide et, de
manière moins conditionnelle, la présence de montagnes, favorisent la culture du café. Enfin, les doc. 1 et 2 insistent sur les
facteurs culturels encourageant la mondialisation du café. L’uniformisation culturelle et le développement des sociétés, en particulier urbaines, introduisent de nouvelles pratiques et de nouveaux produits de consommation. Cependant, le doc. 1 met aussi
l’accent sur les limites de la diffusion du café, dont la consommation reste très polarisée.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les espaces de production du café (doc. 1 et 3) ont une particularité commune : le milieu tropical humide. En effet, cette production nécessite une chaleur constante et une humidité importante,
ce qui limite l’aire de production. Le relief, même s’il est moins
déterminant, peut aussi être un facteur d’implantation favorable
(doc. 5). Ces conditions expliquent la localisation de l’aire de production du café. Les espaces de consommation correspondent
aux grands pôles du Nord (doc. 1) : Amérique du nord, Europe
occidentale et, dans une moindre mesure, le Japon. À ces espaces
s’ajoute le Brésil qui, pour des raisons culturelles, consomme également beaucoup de café.
2. La diffusion du café est le fruit d’un long processus historique
que retrace le doc. 3. Né en Afrique, le café est aujourd’hui surtout produit en Amérique et en Asie. Les Grandes Découvertes et
l’exploitation des territoires du Nouveau monde ont permis aux
Européens de diffuser progressivement la production du café, en
Amérique du Sud d’abord, puis en Asie. La colonisation de ces
territoires au xixe a renforcé ce processus (doc. 4). Bien entendu,
cette diffusion ne s’applique qu’au milieu tropical, propice à la
culture du café (doc. 1 et 5).
3. Les facteurs de la mondialisation croissante du café sont plus
complexes et relèvent autant de l’uniformisation culturelle pour
la consommation (doc. 2) que de la recherche de production spéculative (émergence des producteurs asiatiques, en particulier
le Vietnam présenté dans le doc. 14). Cela permet d’illustrer la
financiarisation, troisième étape de la mondialisation. Mais, s’il y a
bien mondialisation de la consommation de café et, dans le milieu
tropical, de sa production, il faut y apporter des nuances. Tous
les espaces susceptibles de produire du café ne sont pas nécessairement producteurs : seuls ceux qui ont les infrastructures
d’exportation les plus adaptées sont de gros producteurs. De
même, si cette boisson est universellement répandue (doc. 2), sa
consommation est encore fortement polarisée : même si le café
gagne du terrain en Chine, les trois quarts de la consommation se
concentrent entre l’Europe et l’Amérique (doc. 1).
2. Quels sont les acteurs de la filière du café ? p. 272-273
Présentation des documents
Cette deuxième partie de l’étude de cas présente les différents
acteurs de la filière et les rapports de force qui existent entre eux :
130 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
les producteurs (doc. 6, 8 à 10), les FTN qui dominent le marché
(doc. 6, 7, 9 ,10), les États qui tentent de réguler tout en encourageant la production (doc. 9 et 10), les ONG qui tentent de limiter
les effets de la mondialisation libérale (doc. 8). Le doc. 10 peut
servir de préalable à la présentation des acteurs dans la mesure
où cet organigramme identifie les grands groupes d’acteurs de la
filière du café. Les doc. 6, 8 et 9 se focalisent sur des exemples
précis. Max Havelaar apparaît comme un acteur emblématique
du commerce équitable, tandis que Nestlé et Starbucks sont
deux FTN majeures de ce marché du café. Ces deux documents,
ainsi que le doc. 7, présentent de manière différente, les relations
ambiguës existant entre les acteurs privés qui dominent la production du café (torréfacteurs, distributeurs) et les États dont
elles cherchent à percer les marchés (doc. 9), contraints d’accepter les exigences des FTN (doc. 8), lesquelles sont souvent plus
riches qu’eux (doc. 7).
◗◗ Réponses aux questions
1. Les acteurs de la filière du café (doc. 10) sont, en amont, les
producteurs et, en aval, les consommateurs, mais entre ces terminaux, une multitude d’intervenants opèrent : FTN (torréfaction,
transport, distribution), ONG (agriculture biologique, commerce
équitable), États… Les acteurs dominants (consommateurs et
FTN) sont surtout au Nord, tandis que les acteurs du Sud (producteurs) sont le plus souvent soumis aux intérêts des premiers.
2. Comme pour l’ensemble des produits mondialisés, les FTN sont
les acteurs incontournables du marché du café et imposent leurs
stratégies aux autres acteurs. Les producteurs, d’abord, sont soumis aux règles prescrites par les FTN (types de produit, quantité,
prix, normes de production) puisqu’ils en sont dépendants pour
écouler leur production (doc. 6, 7 et 9). Réunis en syndicats agricoles (doc. 8), ils s’efforcent de défendre leurs droits, aidés parfois par des ONG (doc. 6) : promotion du commerce équitable,
de l’agriculture biologique ou raisonnée… Leur poids semble pourtant bien faible par rapport aux géants de l’agroalimentaire. L’Organisation Internationale du Café, indirectement présente dans
les sources de divers documents de l’étude de cas, fédère la plupart des pays producteurs et en organise la promotion. Ses efforts
pour réguler les cours du café sont, en revanche, souvent soumis
aux intérêts contradictoires des États entre eux et des FTN.
3. L’objectif de cet article semble être de montrer les répercussions favorables pour les paysans chinois des investissements de
Nestlé dans le Yunnan. Le groupe y procure des emplois et participe ainsi à l’amélioration des conditions de vie. Cependant, le
dernier paragraphe met en garde contre la versatilité des cours du
café et laisse sous-entendre que cette situation pourrait changer.
4. Les États sont écartelés entre la nécessité d’attirer les FTN du
café et celle de protéger leurs producteurs (doc. 8). L’étude du
doc. 7 permet de mesurer l’inégalité du combat entre les États,
et en particulier les plus pauvres d’entre eux, et les FTN au chiffre
d’affaires parfois supérieur au PIB des pays producteurs. Le doc. 8
montre, à l’échelle du Mexique, les rapports de force qui s’établissent entre ces différents acteurs, et les paradoxes des relations
entre les FTN et les pays d’accueil.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les pays exportateurs sont, bien entendu, de grands pays producteurs, mais il est nécessaire d’affiner l’étude. En effet, si le café
est un produit cultivable dans toute la zone tropicale humide,
tous les pays ne sont pas de gros exportateurs. Le Brésil arrive largement en tête mais le Vietnam (doc. 14), acteur nouveau sur le
marché du café, s’est récemment hissé au deuxième rang mondial
et augmente chaque année ses exportations. Les importateurs de
café correspondent aux consommateurs décrits dans la première
partie de l’étude de cas. Les flux sont donc des flux Sud-Nord, tout
à fait représentatifs des flux traditionnels de matières premières,
énergétiques ou agricoles qui ont longtemps caractérisé, et caractérisent encore souvent, les relations dissymétriques Nord-Sud.
2. Les flux générés par les échanges entre bassins de production
et espaces de consommation s’organisent en réseau. L’étude de
cas du café est une excellente occasion de travailler sur la double
signification du terme réseau qui est au cœur du programme.
Le réseau du café est d’abord constitué de l’ensemble des chemins rassemblant les flux. Les doc. 11 et 13, et dans une moindre
mesure le doc. 12, permettent d’étudier cet aspect : le café est
transporté en sacs du producteur au consommateur, dans des
conteneurs affrétés par les grandes compagnies. Ce transport en
conteneur permet l’intermodalité, les opérations de transbordement s’opérant dans des plateformes portuaires équipées. Les
réseaux de transport sont donc routiers et surtout maritimes.
Mais le terme « réseau » désigne également l’ensemble des
acteurs en interaction. L’étude du doc. 12 est alors centrale pour
en mesurer la complexité.
3. Le réseau du café met en jeu de nombreux acteurs complémentaires ou rivaux qui organisent la filière du café. Ces réseaux sont
dominés par le Nord : bassins de consommation, FTN dominant
la filière (cf. 2e partie de l’étude de cas). Les acteurs de l’aval sont
au Nord, ceux de l’amont au Sud.
4. La production de café est faite à l’intérieur des terres, notamment autour de la ville de Dak-Lak. Cette production est ensuite
transformée dans des usines de torréfaction autour d’Hô Chi
Minh-Ville avant d’être exportée par bateau. La région de la capitale, lieu du siège social, est ainsi le pivot de la production.
p. 274-275
© Hachette Livre 2014
3. C
omment le marché mondial du café
s’organise-t-il ? document de référence de cette double page puisque tous les
autres déclinent un aspect du réseau du café. Les doc. 11 et 12
peuvent d’ailleurs être étudiés en parallèle car ils présentent de
manière différente des informations complémentaires. L’étude
du doc. 11 peut aussi interroger sur les représentations cartographiques : comment les flux sont-ils représentés sur cette carte ?
Et pourquoi ? (Faute de sources suffisamment précises et dans un
souci de rigueur scientifique, des flèches proportionnelles étaient
impossibles à réaliser). Le double doc. 13 est une illustration
concrète des étapes de la commercialisation internationale du
café, du petit producteur au conteneur qui transporte les produits.
C’est l’occasion d’amorcer la présentation de la conteneurisation
et de l’importance du transport maritime (doc. 11, 13 et 14). Le
doc. 14 permet, à l’échelle d’un État, le Vietnam, de mesurer l’importance de cette culture d’exportation dans la mise en valeur du
territoire et dans les aménagements mis en place (voies routières,
port d’exportation, entreprise d’État de transformation du café).
Présentation des documents
La troisième partie de l’étude de cas est un préalable à l’analyse des flux et réseaux présentés dans ce chapitre 3. À travers
des documents variés, elle permet d’étudier les flux du produit
(doc. 11, 12, 14), les réseaux (doc. 12) mis en place et les moyens
de transport utilisés (doc. 13). Le doc. 12 peut constituer le
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 131
Cours 1 p. 276-277
Le café : un produit mondialisé
Présentation des documents
La plantation Kauai (doc. 1) est située dans îles Hawaii, aux ÉtatsUnis, où les plantations occupent environ 2500 ha. C’est aujourd’hui
le seul État américain producteur de café (environ 4 000 tonnes par
an). Si cette production est marginale dans le marché mondial du
café, cette photographie permet de constater l’immensité d’une
plantation, point de départ de ce produit mondialisé. Fort de ce
constat, le doc. 2 permet ensuite d’expliquer grâce à une carte
historique les débuts de la diffusion mondiale du café. Originaire
des montagnes d’Abyssinie, le produit a été diffusé par des commerçants à partir du xve siècle vers la péninsule arabique, puis vers
l’Europe au xviie et enfin vers l’Asie et l’Amérique au xviiie siècle.
Aujourd’hui, le marché du café est organisé par des FTN comme
Nestlé (voir étude de cas), mais aussi par des associations de commerce équitable, comme Max Havelaar (doc. 3). Leader mondial du
commerce équitable, cette association porte des noms différents
selon les pays : Max Havelaar (France, Pays-Bas), Transfair (Allemagne, États-Unis) ou Fairtrade (Royaume-Uni).
Étude de cas 2 En quoi l’iPhone est-il représentatif
du fonctionnement de la mondialisation ? p. 278-283
1. E n quoi l’iPhone est-il le fruit d’une production
mondialisée ?
p. 278-279
Présentation des documents
L’iPhone est présenté, depuis 2007, (doc. 1) comme une innovation majeure, ayant même reçu par le magazine Time le titre
d’invention de l’année. Il peut être utile de rappeler aux élèves la
différence entre innovation et invention. L’invention est la création d’un produit, comme le téléphone, alors que l’innovation est
la déclinaison d’une invention pour la faire correspondre à un marché. L’iPhone est donc bien une innovation, comme l’indique le
titre du document. La production de cette innovation est mondialisée et hiérarchisée (doc. 4). La conception et le marketing sont
élaborés aux États-Unis (Californie, doc. 3, et New York) alors
que l’essentiel de la production est assuré en Chine à partir de
matières premières en provenance d’Afrique équatoriale, de Chine
et Mongolie. Cette hiérarchie est à l’image de la division internationale du travail actuelle. Le doc. 2 permet ensuite de constater
la progression des ventes depuis 2010. Les ventes y sont ici indiquées par trimestre. Enfin, le doc. 5 pointe une question majeure
et dans l’ère du temps : la relocalisation de sites de production sur
le territoire national. Depuis la parution de cet article, les choses
ont un peu évolué, puisqu’en 2014, un site de production d’écrans
d’iPhone est en cours d’installation en Arizona. Cependant, jamais
l’iPhone ne sera produit dans sa totalité, ni assemblé sur le sol
américain. Non pas pour des coûts de production, mais pour des
raisons de réactivité et de flexibilité des sous-traitants chinois.
© Hachette Livre 2014
◗◗ Réponses aux questions
1. Depuis la création de l’iPhone en 2007, les ventes sont très
rapides et croissantes. Elles sont passées de 39,9 millions en 2010
à 125 millions en 2012. Les ventes ont été multipliées par 3 en seulement 3 ans.
2. La conception et le marketing sont élaborés aux États-Unis
(Californie et New-York) alors que l’essentiel de la production est
assuré en Chine, à partir de matières premières en provenance
d’Afrique équatoriale, de Chine et Mongolie.
3. La question des coûts de production n’est ici pas évoquée. En
effet, les avantages comparatifs entre une production chinoise et
américaine mettent en valeur la qualification et la flexibilité de
la main d’œuvre chinoise ainsi que la rapidité de réactivité des
sous-traitants.
2. Quels sont les acteurs qui interviennent
sur le marché de l’iPhone ?
p. 280-281
Présentation des documents
Si le doc. 6 permet d’aborder la mythologie Apple, à travers une
partie de la success story de Steve Jobs, il met surtout en valeur le
rôle fondamental de l’ingénieur, à la base de l’innovation. Par ailleurs, si Steve Jobs est l’incarnation, aujourd’hui déifiée, du groupe
Apple, ce texte montre aussi qu’une FTN, c’est aussi un conseil
d’administration et que celui-ci décide in fine de qui dirige l’entreprise. En effet, les décisions de conseil d’administration sont
souvent régies par la concurrence (doc. 7) qui stimule l’innovation (iPhone 5S et 5C, doc. 9) pour garder la plus grande part de
marché. Le doc. 8 permet de comprendre le doc. 5 p. 279. Si les
sous-traitants chinois et taïwanais sont si flexibles, c’est au prix
d’un temps de travail long et de salaires peu élevés. Ce contre
quoi lutte l’ONG China Labor Watch (doc. 10). C’est une ONG
américaine, basée à New York, fondée en 2000 par un activiste
chinois. Elle milite pour une redistribution plus juste des richesses
aux travailleurs chinois dans le contexte de la mondialisation.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les acteurs du marché de l’iPhone sont nombreux : l’ingénieur
(doc. 6), créateur d’innovation, créé un besoin chez le consommateur (doc. 9), stimulé par une forte concurrence (autres FTN,
doc. 7) et pour satisfaire le conseil d’administration du groupe
(doc. 6) qui cherche à produire à bas coût auprès de sous-traitants
asiatiques (doc. 8), ce que dénonce une ONG (doc. 10).
2. Le doc. 8 montre que les sous-traitants asiatiques d’Apple
se livrent une véritable guerre économique pour remporter des
contrats. Les victimes de cette guerre sont les travailleurs dont
le temps de travail augmente et dont les salaires sont peu élevés.
Apple en cherchant absolument le coût de production le moins
cher apparaît ainsi comme une firme non socialement responsable.
3. Apple a réussi à créer un mythe autour de sa marque. Ce mythe
est personnifié par un homme, Steve Jobs, et représenté par un
objet l’iPhone.
4. Pour se maintenir sur le marché des smartphones et répondre à
la concurrence, la firme est condamnée à l’innovation permanente
en sortant des nouveaux modèles d’iPhone tous les ans.
3. Quels sont les réseaux dans lesquels s’inscrit
le marché mondial de l’iPhone ?
p. 282-283
Présentation des documents
Le doc. 11 fait écho au doc. 4 p. 279 et permet de théoriser l’organisation en réseau de la production et de la commercialisation
de l’iPhone, entre l’amont et l’aval, la commercialisation étant à
l’interface du réseau. Le doc. 13, l’Apple Store, est ainsi une illustration du bout de ce réseau en aval. Le doc. 12 fait aussi écho
au doc. 4 p. 279, et permet de montrer le poids des sous-traitants asiatiques. Par ailleurs, cette carte montre aussi l’opposition
entre la localisation des Apple Stores, en Amérique du Nord et en
Europe, et la localisation asiatique des sous-traitants. Enfin, Apple
se trouve impliqué indirectement, en tant qu’acheteur de matières
premières, dans le conflit du Kivu en RDC (doc. 14). C’est un sujet
qui montre que les ressources (voir chapitre 4, cours 3 p. 378) ont
un rôle stratégique en Afrique.
132 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
1. La production d’iPhone s’organise en réseau, car de l’amont à
l’aval, chaque stade de la production ou de la commercialisation
est lié à un ou des territoires : de la mine congolaise à l’Apple
Store new-yorkais en passant par la chaîne d’assemblage chinoise.
2. Il y a une opposition entre les lieux de commercialisation, en
Amérique du Nord et en Europe, et la localisation asiatique des
lieux de production. Cette distinction est à l’image de la division
internationale du travail actuelle répartissant les territoires de la
recherche et du développement dans la Triade et les territoires de
production à bas coût dans les pays émergents.
3. Apple, tout comme ses concurrents, se trouve impliqué indirectement, en tant qu’acheteur de matières premières, dans le conflit
du Kivu en RDC. Les prix élevés de ces minerais très demandés y
financent la guerre civile.
Cours 2 p. 284-285
L’iPhone : un produit mondialisé
Présentation des documents
Les smartphones (doc. 1) ne sont plus seulement des téléphones,
mais aussi des ordinateurs miniaturisés, qui créent des besoins
nouveaux chez les consommateurs. Cela explique la rapide diffusion partout dans le monde (doc. 2 et 3). À travers l’iPhone et les
smartphones, les documents de ce cours invitent donc les élèves
à comprendre le fonctionnement de la mondialisation et à territorialiser celui-ci.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 2
1. Les régions du monde les mieux équipées en téléphonie mobile
(plus de 75 % de la population) sont le continent américain, l’Europe, l’Asie centrale et l’Océanie.
2. C’est en Afrique subsaharienne que le nombre de téléphones
fixes est très faible. Dans ces pays, les populations sont passées
directement au téléphone mobile sans avoir eu au préalable de
téléphone fixe.
3. C’est donc logiquement en Afrique que l’augmentation du
nombre d’abonnements mobile a été la plus forte (X 4,9). L’Afrique
est suivie par les États arabes (X 4,1) et l’Asie-Pacifique (X 3,5). En
revanche, cette croissance est plus faible en Europe et en Russie.
→Document 3
1. L’Amérique du Nord, l’Europe de l’Ouest et l’Asie-Pacifique
sont les régions les plus concernées par l’augmentation des flux
de communication.
2. On peut y voir un reflet de la DIT, nécessitant des moyens de
communication instantanés entre les lieux de production. C’est
pourquoi les smartphones et les tablettes sont des produits appelés à se développer plus que les autres.
Cartes 1 Le fonctionnement de la mondialisation p. 286-287
Présentation de la carte 1
Le doc. 1 représente les flux de capitaux dans le monde. La mondialisation, qui est un processus géo-historique d’extension du
capitalisme à l’ensemble de l’espace mondial, en est à sa troisième phase, une phase financière et dérégulée qui a commencé
dans les années 1980. Cette carte, dont la place se justifie donc
naturellement, permet d’identifier les États où l’accumulation
financière est la plus forte (degré de financiarisation). Elle permet
aussi d’identifier les principaux acteurs de cette mondialisation
financière : les grands organismes internationaux (FMI, OMC et
Banque mondiale), les États dont les monnaies bénéficient d’une
confiance internationale, les FTN représentées non pas selon
leur nombre par État mais selon leur chiffre d’affaires par État. Le
doc. 1 représente enfin, sans qu’il soit possible d’être plus précis,
l’anneau des principales places boursières interconnectées par des
flux permanents. Sa légende se calque sur la démarche des cours
du chapitre : processus, acteurs et flux.
◗◗ Réponses aux questions
1. La mondialisation actuelle se caractérise par une énorme accumulation de capital, qui témoigne de la domination actuelle du
capitalisme financier sur tous les autres secteurs de l’économie.
Le degré de financiarisation permet aisément de mesurer l’importance du stock de capitaux accumulés car il rapporte ce stock au
PIB de l’État : aux États-Unis, au Canada ou en Chine, il est supérieur à 100 % du PIB, par exemple. Les flèches bleues complètent
cette première lecture : le flux permanent des capitaux témoigne
de l’importance de la logique spéculative à l’origine de la très forte
mobilité des capitaux et, par conséquent, d’une certaine instabilité des marchés.
2. Le doc. 1 permet d’identifier les trois principaux acteurs financiers de la mondialisation. Les FTN (firmes transnationales) sont
des acteurs très internationalisés dont la puissance économique
(valeur marchande) les place à la hauteur des États. Ces FTN sont
essentiellement localisées dans les pays développés (Triade) et
émergents (Chine). Les États sont des acteurs financiers importants quand leur monnaie, expression de puissance, devient monnaie internationale et bénéficie d’une certaine confiance (dollar,
euro, yen). Les grands organismes internationaux sont des acteurs
dont le rôle fait débat : s’agit-il d’institutions qui laissent aller des
marchés financiers libérés de toutes les règles ou s’agit-il d’institutions capables de réguler la mondialisation financière ?
Présentation de la carte 2
Le doc. 2 des flux de marchandises dans le monde peut aussi servir de point de départ à la présentation de la mondialisation, et en
particulier du cours 3 sur les flux et réseaux. Elle peut servir, par
exemple, de base pour différencier les flux, visibles, et les réseaux,
tacites. Elle permet aussi l’introduction sur les acteurs de cette
mondialisation : grands centres d’impulsion, associations régionales de coopération économique, acteurs institutionnelles (cf. la
source : l’OMC). Ce document est aussi l’occasion de réinvestir
l’étude critique de la représentation cartographique amorcée dans
le chapitre 1 (manières de représenter les flux de marchandises :
flèches et portions des figurés circulaires).
◗◗ Réponses aux questions
1. Les flux de marchandises se polarisent essentiellement sur les
trois grands centres d’impulsion du monde : Amérique du Nord,
Europe et Asie, et permettent de s’interroger sur le poids de la
Triade (au sens large), ces pôles majeurs du commerce mondial
échangeant entre eux, mais surtout, à l’intérieur de leur aire régionale. L’Afrique et, dans une moindre mesure l’Amérique latine,
sont marginalisées.
2. Des points communs apparaissent : mondialisation des flux,
polarisation des foyers de consommation, les pays du Sud étant
limités à la production. Cependant, cette carte n’illustre pas les
dynamiques en cours et étudiées dans les études de cas (émergence de marchés dans le Sud).
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 133
© Hachette Livre 2014
◗◗ Réponses aux questions
Cours 3 Exemple 1 Les acteurs de la mondialisation
p. 288-289
Présentation des documents
Les documents qui accompagnent le cours 3 couvrent un panel
très large des acteurs de la mondialisation. La carte 1 est consacrée aux FTN, principaux opérateurs du processus de mondialisation. Leurs stratégies visent à renforcer un avantage comparatif
(coût de la main-d’œuvre, accès aux matières premières ou aux
marchés) ou à capter un segment de production, souvent via
une multitude de sous-traitants. Leur poids financier les place
en situation de force face aux autres acteurs, en particulier les
États. Le cas de nombreux pays du Sud est révélateur de cette faiblesse, puisque leur PIB n’atteint pas le chiffre d’affaires des plus
grandes FTN. On observe également l’extrême concentration des
FTN sur certains territoires (Triade) et la marginalisation d’autres
territoires (Afrique, Amérique latine et Océanie). Le processus de
mondialisation est donc producteur d’inégalités. Le repère B et le
doc. 2 illustrent le poids et le rôle des États. Par leur action législative ou réglementaire, les institutions facilitent ou, au contraire,
créent des obstacles à la mondialisation des produits ou de la
finance (doc. 2). Par leur effort de formation de la main-d’œuvre
et leur encouragement ou non à l’innovation, ces institutions
confortent la compétitivité actuelle et future des territoires. La
stratégie d’associations régionales (repère B) participe de cette
stratégie. Cependant, ce processus est inégal et l’intégration plus
ou moins efficace. Là encore, les inégalités sont visibles puisque
les associations les plus puissantes correspondent à l’Europe et
à l’Amérique du Nord. Enfin, les acteurs internationaux, institutionnels ou non, sont présentés dans les repères A et B ainsi que
dans le doc. 3. Les organisations internationales telles que l’OMC
ou le FMI accompagnent, autant qu’elles tentent de réguler, la
mondialisation, tandis que des instances plus informelles (G8, et
de plus en plus G20) s’imposent comme les nouveaux outils de la
gouvernance. L’affirmation récente du G20 face au G8 illustre les
dynamiques nouvelles, conséquences de la mondialisation.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 2
1. La « main invisible du marché » fait évidemment allusion au
libéralisme, dont les lois sont dictées par l’équilibre de l’offre et
de la demande. Mais cette main invisible a perdu de son pouvoir
et a autorisé tous les excès, en particulier dans le domaine de la
finance, générant une bulle spéculative dangereuse. Cette bulle
est à l’origine de la crise financière de 2007-2008. Cette caricature
indique l’intervention dominante de l’État durant cette crise.
2. Cette crise financière a provoqué une prise de conscience des
© Hachette Livre 2014
autorités et l’adoption aux États-Unis de la Règle Volker visant à
encadrer les investissements spéculatifs des banques. L’État américain prend alors des mesures de régulation : encadrement des
systèmes de rémunération, investissements de fonds publics.
En quoi Wal-Mart est-elle représentative du rôle
majeur des FTN dans la mondialisation ? p. 290-291
Présentation des documents
Première FTN de la planète d’après Forbes, Wal-Mart est un
exemple classique qui permet d’aborder les FTN en tant qu’acteurs
de la mondialisation. Née en 1962 dans l’Arkansas (États-Unis),
cette entreprise de la distribution a conquis le marché nord-américain dans les années 1970-1980, puis le reste du monde à partir
des années 1980. Le doc. 4 est volontairement construit sur le
même modèle que le doc. 9 page 273 et la carte de la page 314 : il
permet de comprendre la stratégie d’internationalisation de WalMart. Les autres documents apportent des compléments d’information sur cette stratégie : les doc. 1, 3 et 5 portent sur l’accès
aux marchés nationaux, le doc. 2 sur l’approvisionnement.
◗◗ Réponses aux questions
1. Wal-Mart est une entreprise de la distribution dont le chiffre
d’affaires s’élève à 419 milliards de dollars en 2010, le premier mondial d’après Forbes, et qui fournit des produits à bas prix dans une
quinzaine de pays. Paradoxalement, cette présence commerciale
mondiale demeure modeste si on la compare avec celle d’autres
FTN américaines (McDonald’s, Starbucks).
2. L’internationalisation de Wal-Mart comporte deux dimensions
aisément identifiables dans le doc. 4. D’une part, il s’agit d’une
internationalisation par l’accès aux marchés nationaux. Ainsi la
carte montre-t-elle que Wal-Mart s’est introduite sur les marchés de l’Afrique australe et de l’Inde depuis 2005. D’autre part, il
s’agit d’une internationalisation de l’approvisionnement : le doc. 3
indique que Wal-Mart travaille avec des fournisseurs répartis dans
une soixante de pays, dont la Chine, qui est en tête avec sa principale centrale d’achat qui se trouve à Shenzhen. L’internationalisation de Wal-Mart est géographiquement très ciblée. Elle dépend
du degré de concurrence commerciale et du degré d’ouverture du
pays par les autorités politiques.
3. Le territoire d’action de Wal-Mart ne couvre pas l’ensemble de
la planète. Le doc. 5 apporte quelques explications qui tiennent
aux marchés nationaux : l’implantation de Wal-Mart a été freinée,
au Royaume-Uni par sa mauvaise image en matière de condition
de droit du travail et, en Allemagne, par la forte concurrence des
hard-discounters et d’autres rigidités propres au marché allemand. À ces explications s’en ajoutent d’autres : Wal-Mart, vectrice des modes de consommation américains (doc. 3), doit aussi
faire face à la diversité des goûts alimentaires. L’existence d’une
faible clientèle explique la présence encore timide de l’enseigne
sur le continent africain où elle a cependant pris le contrôle du
groupe sud-africain Massmart en 2010.
Cours 4 →Document 3
Les flux de la mondialisation
1. La fonction du G20 n’est pas clairement définie et évolue au gré
Présentation des documents
de la conjoncture (priorités politiques, économiques). Si le G20 a
prouvé son utilité lors de crise majeure, son rôle de régulation est
encore très limité, les États restant souvent surtout soucieux de la
préservation de leurs intérêts nationaux.
2. Organisme censitaire, le G20 réunit les pays en fonction de leur
richesse. Si 85 % du PIB mondial y est représenté, près de 40 % de
la population mondiale (repère B) en est exclu, ce qui interroge
sur sa légitimité.
p. 292-293
Les documents illustrant le cours 4 couvrent un large éventail des
flux générés par la mondialisation. Le repère A et le document 1
présentent d’abord les flux de marchandises, en mettant l’accent
sur les principaux acteurs de ce commerce. La comparaison des
grands exportateurs et importateurs de marchandises montre
la place jouée par certains États et la forte polarisation du commerce mondial. Le doc. 1 permet aussi de mettre l’accent sur les
économies de rente du Moyen-Orient, d’Afrique ou de Russie.
134 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
L’étude peut se compléter à une autre échelle par l’intégration des
infrastructures de transport liées à ces flux (autoroutes maritimes,
points d’entrée continentaux par les grandes places portuaires),
en associant l’explication des photographies pages 266-267 ou
pages 268-269. Le repère B et le doc. 3 illustrent les flux immatériels croissants et le lien entre l’intégration progressive des économies et des flux de marchandises à l’échelle mondiale et la maîtrise
de l’outil technologique (repère B). La mondialisation induit donc
une structuration et une hiérarchisation des territoires mondiaux
en fonction de leur intégration plus ou moins avancée dans ces
réseaux physiques, mais également dans les réseaux numériques
(toile et systèmes d’information). Le doc. 3 rappelle l’importance
prise par les outils numériques (téléphone portable) et les réseaux
immatériels (flux téléphoniques, Internet, réseaux sociaux) dans le
« printemps arabe ». Enfin, le doc. 2 insiste sur les flux humains, à
travers l’exemple complet des mobilités médicales qui génèrent à
la fois des flux migratoires pérennes, motivés par des raisons économiques, et des flux touristiques, motivés par des raisons financières. Les premiers concernent essentiellement des personnels
qualifiés, voire des élites (médecins, chercheurs dans le domaine
médical), tandis que les seconds sont constitués de population du
Nord en quête de conditions de soin plus avantageuses. Ces flux
illustrent les inégalités Nord-Sud.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 4
1. Cette affiche permet de comprendre la notion de « kilomètre
alimentaire » car elle représente un porte-conteneur spécialisé
dans le transport de matières premières qui est transformé en
banane, voguant sur les flots. Le slogan « Les fruits qui voyagent
menacent le climat » explicite directement l’image.
2. Les flux de produits alimentaires portent atteinte à l’environnement car l’énergie nécessaire au transport de ces aliments génère
des gaz à effet de serre qui participent au changement climatique.
En encourageant la consommation de produits locaux, le slogan
propose une limitation des échanges internationaux, et donc des
émissions de gaz à effet de serre.
Exemple 2 Les « Indignés » contre la mondialisation financière
→Document 1
1. Les flux de matières premières énergétiques et minières s’organisent autour des grands bassins de production et d’exportation :
Moyen-Orient et CÉI, mais également Europe et Asie. Ce sont les
principaux espaces qui drainent les flux. Ce sont des économies
de rente.
2. Si les trois pôles de la Triade échangent majoritairement leurs
matières énergétiques et minières à l’intérieur de leur zone continentale, le Moyen-orient, la CÉI, l’Afrique et, dans une moindre
mesure, l’Amérique latine, sont très extravertis : la majeure partie
de leurs exportations se font avec des partenaires hors zone.
→Document 2
1. Le premier paragraphe présente clairement ces mobilités :
mobilité des soignants, du Sud vers le Nord, et tourisme médical,
du Nord vers le Sud ou du Nord vers des pays du Nord aux conditions de soins plus avantageuses.
2. Ces mobilités incarnent parfaitement les migrations liées à la
mondialisation, car elles s’expliquent par les inégalités planétaires
en exploitant les différentiels de coût de main-d’œuvre (à l’origine
des flux), et donc des coûts du service médical.
Cours 5 p. 294-295
Présentation des documents
L’émergence de l’altermondialisme (doc. 1) est marquée depuis
les années 1970 par une grande diversité des idéologies. Le politologue Eddy Fougier identifie trois grandes familles selon la place
du rejet de la mondialisation néolibérale : des associations contre
la mondialisation néolibérale (Attac, doc. 3) et pour la protection
de l’environnement (BUND, doc. 4), des organisations de défense
des intérêts des populations vulnérables (Via Campesina) et des
organisations politiques ou religieuses radicales (anarchistes, partis religieux intégristes). En France, Arnaud Montebourg, alors
ministre de l’économie, du redressement productif et du numé-
p. 296-297
Présentation des documents
Les mouvements des « Indignés » (doc. 1), apparus à la fin des
années 2000 avec l’aggravation de la crise économique dans les
pays développés, sont une forme d’altermondialisme rejetant le
néolibéralisme. Ils militent pour une économie solidaire, entre
l’économie non marchande et l’économie traditionnelle. Mais ils
prônent aussi une démocratie locale consolidée, dénonçant ainsi
un système démocratique qui ne reflète pas la diversité des opinions. Ces mouvements sont donc protéiformes : de la manifestation populaire, avec les Indignés espagnols (doc. 2) aux activistes des Anonymous (doc. 5), en passant par Occupy Wall Street
(doc. 4). Tous ont en commun une forte présence sur les réseaux
sociaux, à l’image des révoltés du printemps arabe en Tunisie
(doc. 3).
◗◗ Réponses aux questions
1. Les formes de la mobilisation des Indignés sont variées : manifestation populaire, affiches, piratage informatique, utilisation
des réseaux sociaux. Ces formes de mobilisation utilisent donc les
moyens modernes de communication.
2. Inspiré des « Printemps arabes », le mouvement des Indignés
s’est développé dans des pays ayant subi de plein fouet la crise
économique mondiale : Europe (Espagne, Grèce) et Amérique du
Nord (États-Unis).
3. Ces mouvements agissent contre le néolibéralisme, la finance
(Occupy Wall Street), les grandes FTN (ArcelorMittal) et leurs
dirigeants qui accaparent les richesses et dirigent le monde. Ainsi,
ils dénoncent aussi les systèmes démocratiques jugés pas assez
représentatifs.
4. Ils veulent une « démocratie réelle », c’est-à-dire une démocratie qui tient compte de la majorité de la population, qui répartie
mieux les richesses et préserve les emplois. Finalement, ils veulent
la mise en place d’une démocratie locale consolidée et d’une économie solidaire.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 135
© Hachette Livre 2014
◗◗ Réponses aux questions
Les débats sur la mondialisation
rique (doc. 2) rejoint les altermondialiste en incitant les entreprises françaises à relocaliser et propose de mettre en œuvre une
« démondialisation », programme alternatif d’encadrement de la
mondialisation et du libre-échange.
Cartes 2 Les territoires de la mondialisation
p. 298-299
Présentation de la carte 1
Cette carte pose le repère classique d’un « monde dual ». Cependant, la 2e partie de la légende affine cette approche en dressant
une typologie simplifiée des territoires, à plusieurs échelles :
régionale (ex : pôle de la Triade) et infra-étatique (les métropoles).
À travers la notion d’angles morts, on voit bien que les pays du
Nord comme les pays du Sud sont concernés par le phénomène
de marginalisation. La 3e partie de la légende montre que les flux
sont les facteurs de cette discrimination spatiale.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les 3 pôles de la Triade : États-Unis-Canada, Japon, et U.E.
dominent l’espace mondial. L’accessibilité optimale des métropoles (centres de commandement) en fait les lieux privilégiés de
la mondialisation.
2. L’opposition Nord/Sud ne résume pas le monde. Des « périphéries intégrées » dans les pays émergents (BRICS et Dubaï) font
figure de centres secondaires, grâce à des métropoles actives,
relais de la mondialisation.
3. À l’échelle infra-étatique, les territoires qui reçoivent ou
émettent des flux sont intégrés (grâce à une interface maritime
ou une métropole), tandis que les territoires marginalisés sont
des « angles morts » et subissent l’enclavement ou d’autres
contraintes (guerre).
Présentation de la carte 2
90 % des échanges de marchandises s’effectuent par navires : par
conséquent, les territoires aménagés pour recevoir et exporter
des flux maritimes (et surtout des conteneurs) sont intégrés à la
mondialisation. Cette carte éclaire l’ampleur des enjeux liés aux
espaces maritimes, en montrant le poids des façades maritimes
aptes à la conteneurisation, la situation des routes principales,
et aussi les dynamiques actuelles, partagées entre l’engorgement
des routes majeures (détroit de Panama), les dangers (piraterie) et
la recherche de nouvelles routes.
◗◗ Réponses aux questions
qui permet cette approche nuancée (voir § B et C), se dégage des
facteurs généraux présentés dans le § A.
Présentation des documents
Le Repère (trafic aéroportuaire) et la carte 1 p. 301 mettent en
avant les facteurs discriminants d’une intégration à la mondialisation. La carte comme le doc. 2 montrent la montée en puissance de pays du Sud. Ainsi, les IDE entrants augmentent de
6,9 % pour les PED en 2010. Les IDE sont émis à plus de 70 % par
les pays développés. Les PED ne représentent que 24,8 %, mais
avec une augmentation de plus de 7 % (source : rapport CNUCED
2011). Une analyse à plus grande échelle montre que les IDE se
concentrent dans des territoires précis : les métropoles ou des
territoires de l’innovation (Silicon Valley).
L’affirmation du polycentrisme est au cœur de ce cours. Ainsi, on
montre que des pays du Sud tirent parti de la mondialisation. Sur
des créneaux porteurs comme les NTIC, des PED conquièrent
des marchés dans le Sud (ex : Orascom, opérateur égyptien de
téléphonie, sur les pays africains, Lenovo pour l’informatique en
Chine).
◗◗ Réponses aux questions
→Document 1
1. Les pays du Nord reçoivent le plus d’IDE, ainsi que les BRICS,
notamment la Chine. Leur attractivité est très élevée. D’autres
pays sont remarquables, comme le Mexique, la CEI ou la Turquie.
→Document 2
1. Le poids démographique des BRICS est remarquable, et bien
plus important que celui des pays de la Triade. Si le PIB des BRICS
est pour l’instant largement inférieur à celui des pays de la Triade,
leurs taux de croissance sont largement supérieurs.
Exemple 3 En quoi Singapour est-il un pôle majeur
de la mondialisation ? p. 302-303
Présentation des documents
Cité-État de l’Asie du Sud-Est, Singapour a su émerger comme un
pôle majeur de la mondialisation, malgré sa petite taille (700 km2)
et sa faible population (5 millions d’habitants). À l’instar de Dubaï,
largement les interfaces maritimes majeures (carte 1) : la Northern
les mutations entraînées par l’intégration mondiale de cette cité
Range, le Nord-Est et la façade ouest des États-Unis (ouverts à la
en font un exemple particulièrement pédagogique. Il s’agit ici de
fois sur l’Atlantique et le Pacifique), l’Asie Pacifique (Japon, Chine
mesurer les conséquences territoriales de la mondialisation et
orientale, Singapour).
de ne pas se contenter de ses conséquences économiques. À ce
2. Les enjeux stratégiques sont concentrés le long de l’axe maripropos, R. de Koninck (Singapour, la Cité-État ambitieuse) évoque
time majeur. Les détroits sont la clé des passages des navires.
une véritable « révolution du territoire », comme l’illustrent les
Leur mise au gabarit est un aménagement indispensable, pour
doc. 1 et 2. La littoralisation des activités et leur montée en
Suez comme Panama, datant du xixe siècle. Certaines zones (les
gamme en sont des facteurs prédominants. Au début des années
golfes) sont menacées par la piraterie. L’accès à la mer et l’exploi1960, Singapour était encore l’avant-port de la péninsule malaise,
tation de ses ressources conduisent à des tensions (Arctique) et
il en transformait les productions primaires (caoutchouc, étain),
parfois des conflits (frontière disputée).
avant de s’orienter vers les biens d’équipement. Actuellement, les
industries de haute technologie et les services de pointe (doc. 4)
dominent dans la cité, alors que les autres activités industrielles
Cours 6 sont délocalisées sur la péninsule malaise bien reliée à Singapour
(doc. 3), créant une véritable intégration régionale.
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1. La principale route maritime relie les pôles de la Triade, et plus
Les territoires intégrés à la mondialisation
p. 300-301
◗◗ Réponses aux questions
Ce cours vise à montrer qu’un contraste entre un Nord « centre »
de la mondialisation et un Sud en « périphérie » est à revoir
(cf. typologie récente de L. Carroué). Une analyse multiscalaire,
1. Singapour s’affirme comme un nœud mondial de communication. Les marchandises circulent soit par voie aérienne, soit par
voie maritime, puisque Singapour concentre 4 principaux sites
136 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
portuaires, ce qui la place au 2e rang mondial du trafic conteneurs,
juste derrière Shanghai (repère B p. 306). Son aéroport (doc. 1) voit
transiter 42 millions de passagers par an, ce qui le place au 18e rang
mondial, son rôle régional est fondamental. Certains passagers
profitent des infrastructures touristiques internationales que sont
les casinos, les hôtels et les parcs d’attraction (ex : Resorts World
Sentosa Singapore). Les autres moteurs du développement économique de Singapour sont l’industrie (dans le quartier de Jurong et
en Malaisie, doc. 3) et les activités de service, notamment financiers, puisque Singapour est une plate-forme bancaire. Le quartier
d’affaires est d’ailleurs représenté dans le doc. 4.
2. La littoralisation des activités a été poussée à son maximum,
3. Les sociétés intégrées sont les classes moyennes, « choyé[e]s
par la mondialisation », dont les modes de vie urbains sont uniformisés et occidentalisés (NTIC, société de consommation). Au
contraire, les « petits paysans » ou une « sous-classe urbaine »,
par leur pauvreté et leur exclusion des centres-villes, sont en
marge de la mondialisation économique et culturelle.
Cours 8 Les espaces maritimes : approche géostratégique
p. 306-307
grâce à la mise en place de terre-pleins qui ont permis l’extension de 20 % du territoire national (doc. 1). C’est pourquoi, R. de
Koninck évoque une véritable « révolution du territoire » (doc. 2),
car celui-ci a toujours été adapté aux besoins de l’ouverture mondiale. En témoignent l’aéroport de Changi, comparé à cette occasion à un « porte-avions », et les mutations du centre des affaires,
qui ne donne plus directement sur la mer car il est maintenant
bordé par un polder touristique (doc. 4).
Présentation des documents
Les échanges économiques mondiaux sont réalisés à 90 % par
voie maritime, comme l’essentiel de l’immigration clandestine ou
des trafics illicites. Différentes échelles d’analyse seront étudiées.
La mondialisation a accentué l’importance des mers et des océans
comme enjeu géostratégique, en renforçant la hiérarchie des
ports conteneurs (Repère B), la littoralisation des activités (doc. 1)
et le rôle des façades maritimes (carte p. 299). Elle a accentué la
3. À l’échelle régionale, l’intégration de Singapour est aussi de
pression sur les ressources maritimes (halieutiques, biologiques,
plus en plus développée (doc. 1 et 3). Pour bénéficier d’une mainminérales et énergétiques, doc. 2), dans le cadre des zones écod’œuvre moins chère, certaines industries de Singapour sont
nomiques exclusives (Repère A). Il est fondamental de réinvestir
délocalisées en Malaisie ou en Indonésie (archipel Riau), favoricette notion d’appropriation des océans avec les élèves (même
sant les flux d’IDE dans cette direction. Singapour conserve sur
si elle a été abordée en seconde), pour comprendre les tensions
son territoire les industries de haute technologie. Les habitants
dont font l’objet les espaces maritimes (insécurité, doc. 3, conflits
de Singapour élargissent aussi leur espace touristique et de loid’appropriation) mais aussi le rôle des grandes puissances planésirs, en se rendant dans les îles de Batam et de Bintan, grâce aux
taires dans le règlement de ces tensions. L’Arctique (exemple 2)
ferrys. D’une manière générale, l’amélioration des transports dans
est particulièrement évocateur : c’est un espace maritime géoscet espace régional favorise le développement de l’espace éconotratégique à l’échelle mondiale (futurs passages maritimes, zone
mique de la cité-État.
d’équilibre écologique de la planète, tensions entre les intérêts
nationaux et internationaux), mais aussi à l’échelle régionale (ressources halieutiques et énergétiques, volonté d’extension des
Cours 7 ZEE, risques de pollution).
p. 304-305
◗◗ Réponses aux questions
→Document 1
Présentation des documents
Ce cours vise à expliquer quels sont les territoires en marge, et
comment les sociétés font face à la mondialisation. Cela concerne
les pays du Nord comme les pays du Sud (photos 1 et 2).
Les Repères permettent de spatialiser le phénomène d’exclusion : il concerne essentiellement les pays du Sud, touchés par
la pauvreté, notamment les PMA. L’ensemble est marqué par la
pauvreté multidimensionnelle, qui concerne plus de 2 milliards
de personnes. L’IPM (indice de pauvreté multidimensionnelle) est
désormais utilisé par le PNUD (depuis 2010), pour rendre compte,
en fonction de 10 indicateurs (ex : accès à l’eau), des 3 dimensions
de la pauvreté identifiées par l’IDH.
Le doc. 3 permet d’approfondir la déstructuration des sociétés en
raison de la fracture spatiale induite par la mondialisation : métropolisation vs campagnes. D’autres exemples peuvent compléter
cette approche : le Bangladesh (§ B) est un PMA intégré : à Dacca,
le « Bashundhara City Mall » est le plus grand centre commercial
d’Asie du Sud Est réservé à l’élite. Mais les bidonvilles regroupent
1/3 de la population et 158 millions d’habitants sont en marge
(7e puissance démographique mondiale).
◗◗ Réponses aux questions
1. À Phnom Penh, le mal-développement renvoie à de très mauvaises conditions de vie : habitat dégradé voire précaire, pas d’adduction d’eau, électricité détournée. La saleté prouve l’absence
d’organisation de la municipalité.
1. Un terre-plein est une étendue artificielle de terre conquise sur
la mer. Il correspond à une pratique courante au Japon car l’espace
constructible y est limité. Ces terre-pleins ont une vocation maritime et industrielle, comme l’atteste ici la présence d’entrepôts ou
de quais à conteneurs qui permettent le transit de marchandises,
alors que les quais minéralier et pétrolier montrent la dépendance
énergétique du pays. À Osaka, deux nouveaux embarcadères sont
à l’étude pour répondre à la forte augmentation du trafic maritime.
→Document 2
1.Le Golfe Persique et le Golfe du Mexique ainsi que la mer
du Nord et le Golfe de Guinée regroupent les principales zones
pétrolières exploitées. La production du gaz, quant à elle, est plus
importante en mer du Nord et en mer de Chine du Sud.
2.Les espaces maritimes abritent une grande partie des ressources en hydrocarbures indispensables à la mondialisation.
C’est pourquoi leur découverte et leur exploitation représentent
un véritable enjeu.
→Document 3
1. La piraterie augmente l’insécurité des trajets maritimes, notamment des pétroliers. Or, le bon fonctionnement de l’économie
mondialisée, notamment l’approvisionnement et les exportations
des grandes puissances dépendent beaucoup de ces échanges
maritimes.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 137
© Hachette Livre 2014
Les territoires et les sociétés en marge
de la mondialisation
Exemple 4 En quoi l’océan Arctique représente-t-il un enjeu
géostratégique mondial ? p. 308-309
Présentation des documents
L’Arctique (14 millions de km2) est particulièrement évocateur
de ces enjeux que représentent les espaces maritimes au regard
de la mondialisation. Il s’agit d’un espace convoité avec la fonte
des glaces, donc un espace dont l’appropriation et les ressources
deviennent un enjeu de la mondialisation. C’est pourquoi, actuellement, l’Arctique est un espace sous tension, même si cette idée
est à nuancer. Il ne s’agit pas d’évoquer une « nouvelle guerre
froide » puisqu’il existe des acteurs efficaces de la régulation politique régionale, comme le Conseil de l’Arctique (accords de délimitation de la frontière russo-norvégienne en 2010).
◗◗ Réponses aux questions
1. Avec le réchauffement climatique, les routes maritimes arctiques offriraient un trajet plus court entre l’Europe et l’Asie que
par Panama ou Suez (doc. 1 et 2). La fonte estivale de la banquise
nourrit déjà les scénarios d’explosion du trafic le long des passages
du Nord-ouest et du Nord-est. On estime que ces routes seraient
rentables pour les armateurs qui chercheraient à réduire leurs
coûts de carburants et à augmenter leurs rotations. En devenant
un espace maritime de transit, l’Arctique serait davantage intégré
à la mondialisation. Mais son potentiel en ressources halieutiques
et énergétiques (doc. 1 et 4) éveillent également les convoitises
et pourrait renforcer son intégration mondiale.
2. Pour commencer, il faut nuancer ces nouvelles perspectives
© Hachette Livre 2014
pour des raisons climatiques : la fonte des glaces demeure encore
incertaine, aléatoire. L’exploitation des hydrocarbures et le transport maritime restent plus difficiles qu’ailleurs dans ce milieu très
contraignant (« glace dérivante », « bans de brouillards épais »,
doc. 3). C’est pourquoi, F. Lasserre s’interroge sur la rentabilité
de ces nouveaux passages maritimes qui occasionneraient des
coûts supplémentaires pour les armateurs (doc. 3), sans offrir de
réels gains (aucun port intermédiaire). Enfin, l’Arctique fait encore
l’objet de tensions car cet espace n’est pas tout à fait « délimité »
(revendications canadiennes, doc. 5, ou revendications du plateau
continental par la Russie), ce qui constitue actuellement un frein
à sa mise en valeur.
3. Ces nouvelles perspectives concernent donc à la fois les États
riverains de l’Arctique, qui possèdent une ZEE, et les grands
acteurs de la mondialisation (États, armateurs, FTN). Le doc. 4
montre que cet espace maritime fait l’objet de convoitises parfois contradictoires : les grandes FTN pétrolières y installent des
plates-formes de forage en espérant augmenter leurs profits,
ce que dénonce l’ONG Greenpeace au nom de la durabilité de
cet environnement fragile (une marée noire ici aurait des conséquences plus importantes qu’ailleurs). Enfin, le doc. 5 montre les
tentatives du Canada pour étendre sa ZEE au détriment de la Russie (différent sur les limites du plateau continental). Le Canada
s’oppose également aux États-Unis et à l’Europe, qui préféreraient
étendre les eaux internationales de l’Arctique pour que la navigation y demeure libre.
Prépa Bac p. 310-311
◗◗ Composition 1
Sujet : Un produit mondialisé
Étape 1 Analyser le sujet
Mondialisé : fait référence à un processus de diffusion mondial et
à son extension géographique.
Produit : le produit doit être qualifié : flux matériels, histoire du
processus, espaces de production et de consommation, acteurs
de sa mondialisation.
Étape 2 Élaborer le plan
Paragraphes
Étude de cas du café
Étude de cas de l’iPhone
1. Un produit inscrit dans
la mondialisation
– Espaces de production et de consommation : milieu
tropical humide (Afrique, Asie, Amérique du Sud) ;
espaces de consommation : Europe occidentale,
Amérique du Nord, Japon
– Diffusion mondiale : diffusé depuis l’Afrique par la
colonisation
– Limites : consommation encore très polarisée en
Europe et en Amérique
– Espaces de production et de consommation :
essentiellement les États-Unis et la Chine ;
consommation en Amérique du Nord et en Europe
occidentale
– Diffusion mondiale : récente depuis 2007 et qui
s’accélère chaque année
– Limites : face à la concurrence, une FTN condamnée
à l’innovation
2. Des acteurs aux
– Acteurs : producteurs, FTN, ONG, États,
stratégies contradictoires
consommateurs
– Stratégies : productivité, recherche du meilleur coût
(FTN), défense des paysans (ONG), recherche du
meilleur rapport qualité/prix (consommateurs)
– Acteurs : ingénieur (Steve Jobs), consommateurs,
conseil d’administration d’Apple, sous-traitants
– Stratégies : innover, produire à bas coût
3. Des flux qui dessinent
des réseaux complexes
– Échelle mondiale : flux entre zones de production et
de consommation
– Échelle régionale : la recherche de minerais
stratégiques participe au financement de guerres
civiles en Afrique Centrale
– Échelle locale : le réseau des Apple Store quadrille
les grandes villes des espaces de consommation
– Échelle mondiale : flux maritimes entre pays
exportateurs et producteurs
– Échelle régionale : bassins de productions mis en
compétition
– Échelle locale : exemple du Vietnam, une villeport est le pivot entre la zone de production et
l’exportation
Étape 3 Rédiger la composition
Rédiger l’introduction
L’étude de cas menée en classe sur le café/l’iPhone permet de
présenter les acteurs et les flux de la mondialisation. Ainsi, après
avoir montré comment ce produit s’inscrit dans la mondialisation,
cette étude démontrera que les acteurs de ce produit mondialisé
ont des stratégies contradictoires, puis que son marché mondial
s’organise en réseaux complexes.
138 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
Rédiger la conclusion
L’étude de ce produit montre clairement comment il s’inscrit
dans la mondialisation à travers les stratégies de ses acteurs et
les flux qui l’organisent. Ce produit mondialisé permet d’intégrer
des territoires dans la mondialisation, mais les conditions de sa
production engendrent des débats à travers ses effets sociaux et
économiques.
Prépa Bac Étape 3 Illustrer la composition par des schémas
Amérique
du Nord
Europe
occidentale
Japon
p. 312
◗◗ Composition 2
Sujet : La mondialisation : acteurs, flux, débats
Limite Nord-Sud
Étape 1 Analyser le sujet
La mondialisation met en jeux trois types d’acteurs, ayant chacun leurs stratégies. Les FTN constituent les acteurs centraux,
elles encouragent la mondialisation et favorisent la diffusion du
capitalisme. Les États encouragent le processus mais jouent aussi
un rôle de régulateur de la mondialisation. Enfin, certains acteurs
encadrent la mondialisation (OMC, FMI) ou la dénoncent (comme
des associations, des ONG, des syndicats…).
Des flux humains, matériels (agricoles, énergétiques, manufacturés…) ou immatériels (services, informations et capitaux) tissent
des réseaux de plus en plus complexes à l’échelle mondiale. Les
flux sont polarisés par les pôles de la Triade et les puissances
émergentes. Les pays pauvres sont marginalisés.
Les conséquences socio-économiques et territoriales de la mondialisation sont multiples et s’exercent à différentes échelles :
augmentation du niveau de vie, accroissement des inégalités,
fragmentation spatiale, uniformisation culturelle, menace environnementale… La mondialisation soulève donc des débats, c’està-dire des discussions, dans lesquelles chaque acteur apporte ses
réflexions et points de vue.
Étape 2 Rédiger la composition
Les acteurs publics, en premier lieu les États, jouent également un
rôle majeur dans la mondialisation. Parfois, ils l’encouragent en
adaptant leurs territoires à la révolution des transports (par exemple
construction de plates-formes multimodales) ou en ouvrant leurs systèmes économiques (diminution des droits de douane). Parfois, ils
la régulent pour en limiter les dérives. Ainsi, la crise financière de
2007-2010 a provoqué une réforme du système financier aux ÉtatsUnis, impulsée par le gouvernement. Enfin, les États s’organisent en
associations supranationales de coopération économique. C’est le
cas de l’UE, de l’Alena, de l’Asean ou encore du Mercosur.
(Argument / Mot de liaison /Exemples)
pôle de
la Triade
flux
majeur
Des flux secondaires au Sud
BRICS
flux
secondaire
Prépa Bac p. 313
◗◗ Composition 3
Sujet : Des territoires inégalement intégrés
dans la mondialisation
Étape 1 Analyser le sujet
• Délimiter l’espace concerné et identifier les mots-clés
Territoires : L’intitulé du sujet amène les élèves à réfléchir au
terme « territoire » dans sa pluralité. La consigne les invite ainsi à
lister d’emblée des territoires à différentes échelles, et à mobiliser
les termes de vocabulaire vus dans ce chapitre : interfaces, pôles
de la triade, villes mondiales, PMA…
Intégration : C’est le terme central du sujet. Il s’agit de comprendre les enjeux de cette intégration, de cette « insertion »
des territoires à l’échelle mondiale. En effet, il existe une relation
indéniable entre l’intégration des territoires dans la mondialisation et leur développement. Aujourd’hui, les territoires développés et dynamiques sont les territoires mondialisés.
Mondialisation : La mondialisation est un processus, et les territoires ne sont pas figés : ils évoluent. Ainsi, certains territoires,
hier en marge, sont aujourd’hui en voie d’intégration. Des dynamiques de rééquilibrage s’opèrent.
• Dégager la problématique
La problématique 1 est la plus adaptée car elle reprend le sujet
sans coller à son intitulé.
En revanche, la problématique 2 ne soulève qu’un aspect de la
question (les conséquences) : elle est donc réductrice.
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Enfin, d’autres acteurs interviennent pour encadrer la mondialisation et/ou la dénoncer. Les instances internationales veillent
à une stabilité financière ou coordonnent les politiques économiques de certains pays. Ainsi, la Banque mondiale accorde des
prêts aux pays les plus en difficulté, et les pays riches se retrouvent
aux sommets du G8 pour discuter de leur stratégie économique.
Certaines ONG critiquent les dérives de la mondialisation. C’est
le cas de Greenpeace qui dénonce les risques pour l’environnement de la mondialisation économique.
Des flux massifs au Nord
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 139
Étape 2 Élaborer le plan
Plan 2
Plan 1
Des territoires intégrés
à la mondialisation
Des territoires en voie
d’intégration
De quels territoires
parle-t-on ?
– façades/interfaces maritimes
majeures (façade atlantique des
États-Unis, mégalopole japonaise…)
– métropoles mondiales (New York,
Shanghai, Londres…)
– paradis fiscaux, zones franches,
technopôles (Silicon Valley), CBD…
– puissances émergentes (Brésil,
Chine…)
– territoires d’accueil des
délocalisations (usines Foxconn à
Shenzhen, en Chine)
– territoires d’accueil des touristes
internationaux (îles Nocibé à
Madagascar)
– États mal développés (PMA,
territoires en guerre…)
– régions désertées (rurales
en déclin comme à Dacca au
Bengladesh, industrielles en difficile
reconversion…)
– quartiers centraux défavorisés
(ghettos aux États-Unis)
Comment s’insèrentils dans l’économie
mondiale ?
– échanges anciens et intenses
(entre les pôles de la Triade, archipel
métropolitain mondial)
– réseau de transport efficace
(présence de hub)
– explosion récente des échanges
– réseau de transport en
développement
– échanges limités dans l’espace
(marchés locaux, échanges de
proximité) et enclavement
– réseaux de transport
embryonnaires (régions
montagneuses de l’ouest de la
Chine)
Comment participentils à la gouvernance
mondiale ?
– rôle clé des États sur la scène
internationale
– poids des métropoles
mondiales dans la mondialisation
(concentration des sièges sociaux
des FTN, lieux de commandement)
– poids croissant des États sur
la scène internationale (pays des
BRICS dans les négociations avec
l’OMC, membres du Conseil de
sécurité de l’ONU…)
– acteurs politiques absents sur
la scène internationale (au Kenya,
tensions politiques internes qui ne
permettent pas au pays de s’affirmer
à l’international).
Comment sont-ils
assimilés à la culture
(sport, alimentation,
art, tourisme…)
mondiale ?
– des modèles culturels qui
s’imposent (l’American way of life)
– mobilités internationales
importantes
– des modèles culturels qui
émergent (Bollywood)
– essor des mobilités à
l’international (développement du
tourisme…)
– peu ou pas de mobilités
internationales des populations (des
déplacements restreints à l’échelle
du quartier, dans les favelas de Sao
Paulo)
Le plan 2 convient mieux au sujet, il répond à la problématique
retenue en s’appuyant sur trois domaines de la mondialisation :
économique, politique et culturel, qui permettent de hiérarchiser
les territoires.
Le plan 1 classe les territoires en fonction de leur degré d’intégration, mais n’est pas assez problématisé.
1. Des territoires inégalement insérés dans l’économie
mondiale
a. Des territoires moteurs de la mondialisation économique
b. Des périphéries plus ou moins intégrées à l’économie
mondiale
c. Une concurrence économique accrue entre les territoires à
l’échelle mondiale
2. Des territoires qui pèsent plus ou moins lourd sur la scène
internationale
a. Le rôle des centres de décision de la mondialisation
b. Des territoires qui émergent sur la scène internationale (rééquilibrage des forces politiques)
c. Des territoires qui peinent à s’autogérer
3. Des territoires différemment assimilés à une culture
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Des territoires en marge
de la mondialisation
mondiale
a. Des modèles culturels qui s’imposent et rayonnent
b. Des modèles culturels en plein essor
c. Des sociétés en marge de la mondialisation
Étape 3 Rédiger la composition
• Proposition d’introduction
En septembre 2011, l’ouverture de la coupe du Monde de rugby,
qui se tient en Nouvelle-Zélande, a passionné plus de 4 milliards
de spectateurs et téléspectateurs du monde entier. Aujourd’hui la
mondialisation concerne tous les États du monde et touche tous
les domaines. Cependant, elle accentue les disparités entre les
territoires, et à toutes les échelles. En effet, la mondialisation, à
comprendre ici comme le processus d’intégration à l’échelle planétaire de phénomènes d’abord économiques mais aussi culturels, sociaux, politiques, informationnels, etc. est à l’origine d’une
hiérarchisation des territoires, qui en intègre certains et en exclut
d’autres. Il est donc intéressant de se demander : comment
la mondialisation hiérarchise-t-elle les territoires à différentes
échelles ? D’abord, cette hiérarchie s’appuie sur l’insertion plus
ou moins importante des territoires dans l’économie mondiale.
Ensuite, elle repose sur la participation plus ou moins active des
territoires à la gouvernance mondiale. Enfin, plus les territoires
sont mondialisés, plus ils sont assimilés à une culture mondiale.
Prépa Bac Analyse de document(s) 8 et 9
p. 314-315
Exercice guidé
Sujet : Une FTN actrice majeure de la mondialisation : 
Toyota
Étape 1 Analyser le sujet et la consigne
La FTN Toyota, fondée à la fin du xixe siècle, est devenue le 1er
constructeur automobile mondial. Avec 51 sites de production
(dont 15 au Japon), dans 26 pays, et 317 716 employés en 2010,
l’entreprise a développé une stratégie de conquête dès les années
140 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
1960 en délocalisant la production sur les marchés nationaux ou
continentaux les plus porteurs. Des centres de recherche (SophiaAntipolis en 2000), destinés à adapter culturellement les modèles
aux marchés à conquérir, accompagnent les fonctions de montage (Yaris à Valenciennes). Un centre financier, basé à Londres,
assure la gestion des flux mondiaux du groupe. Le sujet permet
d’appréhender les logiques guidant les stratégies d’implantation
des FTN, qui ne sont pas seulement dictées par la recherche
d’une main-d’œuvre à faible coût. Il permet également de relativiser l’internationalisation des FTN, qui gardent un ancrage national fort et une concentration géographique dans leur stratégie
d’internationalisation.
Grandes parties
du plan
Questions soulevées par le sujet
Informations prélevées dans le document
1. Une stratégie
d’internationalisation
poussée
– Quelles sont les principales étapes du déploiement
planétaire de Toyota ? Quelles sont les activités
concernées par ce déploiement ?
– Le territoire d’action de Toyota couvre-t-il l’ensemble
de la planète ?
– À partir des années 1960 : stratégie de conquête
de nouveaux marchés par implantation de sites de
production adaptés aux marchés locaux ; déploiement
des activités de production sur tous les continents
dans des pays à faible coût de main-d’œuvre d’abord
(Portugal, Brésil, Afrique du Sud, Thaïlande), puis dans
les marchés porteurs.
Déploiement des activités de recherche : souci
d’adapter culturellement les gammes de véhicules aux
marchés locaux.
– Années 1970-80 : conquête du marché nordaméricain (1er marché de consommation étranger).
– Années 1990-2000 : conquête du marché européen,
russe et des marchés asiatiques (Chine, Inde : des
marchés de consommation en plein essor comme le
montre l’évolution du chiffre des ventes).
– Des zones en marge du déploiement : pays où le
niveau de vie est faible (un marché étroit) ou instable
politiquement ou à la main-d’œuvre insuffisamment
qualifiée.
2. Un ancrage national
fort
– Quelle activité assure à Toyota un ancrage national
fort ?
– Que représente le marché japonais ?
– Une production encore très largement localisée au
Japon.
– Le centre de commandement est basé au Japon.
– Le marché japonais représente 1/5e des ventes
totales de Toyota.
3. U
n document qui
apporte une vision
partielle de la
mondialisation
– Les modes de représentations choisis sont-ils
pertinents ?
– Quels autres acteurs de la mondialisation jouent un
rôle dans la stratégie d’implantation de Toyota ?
– Une projection centrée sur le Japon aurait permis
une représentation renforcée des flux à partir du
centre décisionnel.
– La taille et la direction des flèches permettent
d’établir un classement des marchés.
– Les graphiques permettent d’observer l’évolution des
ventes entre 2001 et 2010.
– La taille des cercles permet d’établir un classement
de la production.
– Mais imprécision dans la localisation des figurés
ponctuels : absence de nomenclature.
– Rôle des États : ils favorisent l’implantation des
FTN (zones franches, infrastructures), s’organisent en
associations régionales de coopération économique
(ALENA, UE) pour réguler le rôle des FTN (législations
plus ou moins contraignantes).
Étape 3 Exploiter et synthétiser les informations
3. La carte permet de visualiser le déploiement de Toyota dans
• Suite de la rédaction de l’étude critique (parties 2 et 3)
le temps et l’espace par des figurés de surface et des graphiques,
ainsi que l’évolution des ventes sur les marchés porteurs des pays
émergents d’Asie (Chine et Inde). Cependant, on peut regretter
que la projection soit européano-centrée alors qu’une projection
centrée sur le Japon était plus pertinente. Par ailleurs, la carte ne
permet pas de voir le rôle des États dans le déploiement stratégique des FTN. Par leurs politiques fiscales incitatives (zones
franches), l’aménagement d’infrastructures (ports) ou une législation plus ou moins contraignante, ils participent à l’internationalisation des FTN.
2. Toyota garde cependant un ancrage national fort. Le marché japonais, très protectionniste, reste le premier marché de
consommation de la FTN. Les ventes représentent encore, en
2010, 1/5e de la production totale. D’autre part, les centres de
commandement et de décision de la firme demeurent sur le territoire national. Enfin, une grande partie de la production pour les
marchés étrangers est exportée à partir du Japon.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 141
© Hachette Livre 2014
Étape 2 Exploiter et confronter les informations
p. 315
ENTRAÎNEMENT
Sujet : Une FTN actrice majeure
de la mondialisation : Nike
Étape 1 Analyser le sujet et la consigne
La FTN Nike illustre le fonctionnement en réseau de la mondialisation. Née en 1973 aux États-Unis, elle a bâti sa croissance rapide
sur un marketing efficace (notamment par les contrats publicitaires passés avec des sportifs de renommée internationale), une
innovation constante et un réseau d’entreprises sous-traitantes
dans des pays à faible coût de main-d’œuvre. Elle incarne une
nouvelle génération de firmes-réseaux sans usine propre, apparue dans les années 1980 dans la production manufacturière et
notamment le textile. La carte illustre la division internationale du
travail sur laquelle Nike a fondé sa prospérité. La carte pourra être
utilement complétée par le document suivant :
Le système Nike
Sportifs sous contrat
publicitaire avec Nike
en 2010
– Tiger Wood (golf)
– Kobe Bryant, Le Bron James
(basket)
– Lionel Messi, Cristiano Ronaldo
(football)
– Roger Federer (tennis)
Emploi mondial
des sous-traitants de
Nike par région, en %
– Asie orientale (84 %)
– Amérique latine (6 %)
– Bassin méditerranéen et Europe de
l’Est (5,5 %)
Main-d’œuvre féminine
80 %
Chiffre d’affaires en 2010
19 milliards de dollars
Source : L. Carroué, « Les firmes réseaux du textile :
Nike, pour le meilleur et pour le pire ? »,
Festival International de Géographie de Saint Dié, 2005.
Étape 2 Exploiter et confronter les informations
Les deux études critiques de documents 8 et 9 ont été construites de
manière similaire. Elles peuvent donner lieu, pour la première, à un
exercice d’entraînement guidé ; pour la deuxième, à un exercice d’évaluation. Les élèves peuvent organiser le prélèvement des informations
autour des trois axes suivants :
1. Montrez comment Nike utilise la division internationale du
travail. Pourquoi peut-on dire qu’elle garde un ancrage national ?
– Des centres de décision essentiellement au Nord.
– Un ancrage national visible : siège social et laboratoire de
conception basés aux États-Unis.
– Une production largement sous-traitée dans les pays du Sud,
essentiellement en Asie.
© Hachette Livre 2014
2. Montrez qu’il y a une hiérarchie dans la conquête des
marchés.
– Des marchés encore très concentrés géographiquement : Amérique du Nord et Europe sont les deux principaux marchés.
– Une stratégie de conquête des marchés émergents qui va de
pair avec l’élévation du niveau de vie dans ces pays : la Chine,
un marché très convoité, devenu le 3e marché de consommation
après l’Amérique du Nord et l’Europe.
– Les pays où le marché est étroit du fait de la faiblesse du niveau
de vie (par ex. : les PMA) sont négligés par la FTN : l’Afrique
semble oubliée.
– Le choix des centres de coordination continentale reflète les
marchés privilégiés par la firme.
3. Quelles sont les lacunes du document ?
– Une carte qui ne fait pas apparaître les flux : une vision statique
du fonctionnement de la FTN.
– Pas de figurés permettant d’évaluer la part de l’emploi des soustraitants par région et aux États-Unis.
– Un découpage régional pour le chiffre d’affaires trop large :
aucune distinction entre Europe de l’Ouest et Europe de l’Est (où
le niveau de vie des populations est inférieur), aucune précision
sur les marchés émergents (hors Chine).
Étape 3 Exploiter et synthétiser les informations
Les élèves peuvent synthétiser les informations en suivant le plan de
l’étude critique de document 8.
1. Une stratégie d’internationalisation poussée
– Dans la conquête des marchés : conquête des marchés américain et européen en premier, puis des marchés émergents avec
l’élévation du niveau de vie.
– Par la division internationale du travail : fabrication sous-traitée
dans les pays à faible coût de main-d’œuvre.
2. Un ancrage national fort
– Centre de commandement et centres de conception et d’innovation de la firme localisés aux États-Unis.
– Le marché national américain reste le premier marché de
consommation.
3. Un document qui apporte une vision partielle
– Absence de flux.
– Manque de précision dans les découpages géographiques.
Prépa Bac Analyse de document(s)10
p.316-317
Sujet : L’Arctique : un espace maritime
géostratégique
Étape 1 Analyser le sujet et la consigne
La question de l’Arctique est au programme de la classe de
seconde depuis 2010 (Thème 4 : Les mondes arctiques : une
« nouvelle frontière » de la planète) et peut paraître familière aux
élèves si la question a été choisie par l’enseignant de la classe de
seconde. Cependant, la classe de Terminale aborde la question
sous un angle différent : celui de l’importance que revêtent les
espaces maritimes dans le contexte de la mondialisation. L’Arctique n’est plus seulement le champ d’exploration des scientifiques. Le réchauffement climatique, en faisant fondre la banquise
(y compris la banquise pérenne), ouvre des perspectives économiques qui en font un espace convoité par les États limitrophes.
Riche en ressources énergétiques et minières (l’US Geological
Survey estime que la zone recèlerait ¼ des réserves mondiales
de pétrole et de gaz naturel), l’Arctique pourrait aussi devenir
l’une des routes majeures du commerce mondial. Cependant,
si les tensions sont réelles, c’est la coopération qui l’emporte.
Ainsi, l’Arctique est aussi un champ d’expérimentation sur le plan
géopolitique, à travers la création du Conseil de l’Arctique. Il est
important de souligner cette dimension dans le traitement du
sujet.
142 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
Étape 2 Exploiter et confronter les informations
Plan 1
Les enjeux géopolitiques
Les enjeux
géo-économiques
Les enjeux
géo-environnementaux
Un espace
géostratégique à
l’échelle mondiale
– Le statut de détroit voulu par
les États-Unis permet la librecirculation des navires via le Nord
canadien.
– Les routes de l’Arctique permettent
de raccourcir de plusieurs milliers de
kilomètres les routes du commerce
mondial : gain de temps et donc d’argent.
– Le réchauffement climatique de
l’Arctique se traduit par la fonte de
la banquise menaçant les équilibres
écologiques.
Un espace
géostratégique à
l’échelle régionale
– Le conseil de l’Arctique rassemble
tous les pays limitrophes de
l’Arctique, soit 8 pays. Il permet le
développement d’une coopération
transfrontalière, pour une
gestion pacifique des contentieux
géopolitiques et des enjeux
environnementaux et économiques
de l’Arctique.
– Des eaux internationales
revendiquées.
– Le Canada revendique la
souveraineté sur le passage du
Nord-Ouest.
– L’Arctique constitue un espace riche
en ressources énergétiques et minières,
dans un contexte d’explosion de la
demande (croissance forte des puissances
émergentes) et de tensions sur les
ressources existantes (énergies fossiles
non renouvelables).
– Les ressources halieutiques sont aussi
un enjeu dans un contexte de croissance
démographique et de la demande en
protéine d’origine animale.
– Les tensions autour des limites des
zones de souveraineté s’expliquent par
le fait que la Zone Economique Exclusive
qui s’y rattache permet à un État (et ses
FTN) d’en exploiter les ressources.
– Risques de pollution liés à
l’exploitation des ressources
minières et énergétiques proches
des espaces protégés.
Risque de surexploitation des
ressources halieutiques.
– Le Canada revendique sa
souveraineté sur la route du NordOuest afin d’en limiter le passage
aux navires : les risques liés à un
accroissement des flux (accidents,
collisions) constituent une menace
pour l’environnement de l’Arctique.
Regard critique sur les documents :
Pour aider les élèves dans cette étude critique, on peut se reporter à d’autres documents du manuel et inviter les élèves à comparer les choix opérés.
On peut comparer la carte avec la carte 1 page 308, afin de voir les
limites de la représentation cartographique des enjeux de l’Arctique dans le doc. 1 :
– Sur le plan géopolitique : absence de précision sur les zones
de litiges en cours ou sur ceux qui sont réglés (visibles sur la
carte 1 p. 308).
– Sur le plan géo-économique : absence de précision sur les
ports de commerce de la zone (visibles sur la carte 1 p. 308).
Aucune carte ne permet d’appréhender le poids des ressources
de l’Arctique et les figurés ponctuels ne comportent aucune
nomenclature permettant de localiser les gisements.
De même, on demandera aux élèves de lire le texte 3 p. 309, qui
permet d’apporter un regard critique et une réflexion nuancée sur
l’intérêt des routes de l’Arctique mis en avant dans le doc. 2 du
sujet.
Étape 3 Organiser et synthétiser les informations
Deux plans sont proposés aux élèves. Cependant le plan 2 apparaît plus déséquilibré au vu des informations rassemblées dans le
tableau. Le plan 1 paraît donc plus approprié et offre l’avantage de
lier regard critique et analyse des documents selon les trois grilles
d’analyses proposées. Cela conduit à l’organisation suivante :
1. Les enjeux géopolitiques de l’Arctique
a. À l’échelle mondiale
b. À l’échelle régionale
c. Regard critique sur les documents
2. Les enjeux géo-économiques de l’Arctique
a. À l’échelle mondiale
b. À l’échelle régionale
c. Regard critique sur les documents
3. Les enjeux géo-environnementaux de l’Arctique
a. À l’échelle mondiale
b. À l’échelle régionale
c. Regard critique sur les documents
Prépa Bac Croquis 1
p. 318-319
Sujet : Pôles et flux de la mondialisation
Étape 1 Analyser le sujet
Mondialisation : ce terme désigne à la fois le processus et l’espace dans lequel il s’inscrit (le monde). On pourra réfléchir à ce
qu’il est possible de schématiser à cette échelle. L’élève ne pourra
pas proposer un croquis où la place de chaque pays, dans la mondialisation, figure. On peut donc rassurer l’élève sur l’importance
de définir une typologie des espaces selon des critères prédéfinis.
Ici, il s’agira du rôle des pays dans le processus de mondialisation
(centre/périphérie) et de leur niveau de développement.
Caractéristiques du processus à représenter : l’asymétrie de l’organisation des échanges, la hiérarchie des espaces, la multiplicité
des acteurs et de leurs stratégies.
Acteurs majeurs : certains acteurs de la société civile (ONG,
groupes de pression, opinion publique) sont difficilement représentables, les élèves doivent tout de même les nommer et comprendre les choix qu’ils vont devoir faire entre ce qui va figurer et
ce qui ne va pas figurer sur le croquis.
Et : le plan de la légende devra faire apparaître les liens qui
existent entres acteurs, flux et mondialisation. L’élève doit prendre
conscience que le choix des mots dans les titres des parties est
important. Il faut faire apparaître les notions-clés et mettre en
valeur, dans le cadre de ce croquis, les liens qui existent entre les
trois notions dans le contexte de la mondialisation.
Flux : l’élève doit recenser les flux selon leur nature, leur direction, et préciser que les flux nord-nord dominent l’ensemble des
échanges.
Un autre plan était possible (plus complexe pour les élèves). Il
aurait l’avantage d’établir une comparaison plus nette entre les
trois thèmes du sujet :
1. Un monde traversé par des flux croissants et asymétriques ...
2. … générés par des acteurs aux stratégies multiples...
3. ... qui accentuent le processus de hiérarchisation et d’interdépendance des territoires
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 143
© Hachette Livre 2014
Plan 2
Étape 2 Élaborer la légende
Parties
de la légende
Arguments
Localisations
Acteurs
– FTN, DIT
– Les États, par les coopérations économiques
– Délocalisation
– Pays du Nord, délocalisations dans les pays en développement
– UE, ALENA, ASEAN
– Pays du Sud
Pôles
– Historique de diffusion du capitalisme
– Processus hiérarchisé et dominé par des
centres d’impulsion
– Logique d’intégration/exclusion
–E
urope occidentale et ses colonies, États-Unis et dilution de sa
puissance en Asie et en Amérique du Nord puis insertion presque
totale de la planète
– Europe occidentale, États-Unis, Asie orientale et BRICS
–P
ériphéries dominées du Sud, moindre intégration du continent
africain
• Comparaison des deux légendes :
– La légende de gauche comprend un titre avec des adjectifs qualifiant les phénomènes représentés. Elle est plus précise et problématisée : les flux sont différenciés selon leur importance et la
nature des échanges est indiquée. On a ici une double entrée qui
répond en partie à la problématique du sujet sur le processus de
mondialisation.
– La légende située à droite est plus proprement descriptive : elle
différencie les flux uniquement par leur nature.
Étape 3 Choisir les figurés et réaliser le croquis
Un monde traversé par des flux
croissants et asymétriques
Un monde de plus en plus
polycentrique dominé
par des pôles établis et récents
flux majeur : marchandises,
services, informations, capitaux,
main-d’œuvre qualifiée...
pôle établi de la Triade
État qui a promu la mondialisation
et appartenant à la Triade
flux secondaire : capitaux (IDE,
remise de fonds, aide au
développement), touristes...
pôle récent appartenant
aux BRICS
État qui s’est adapté à la mondialisation
et faisant partie des BRICS
flux secondaire : matières
premières, produits illicites,
main-d’œuvre peu qualifiée...
ville mondiale
autre État plus ou moins mondialisé
Prépa Bac Croquis 2
p. 320-321
Sujet : L’inégale intégration des territoires
dans la mondialisation
© Hachette Livre 2014
Une mondialisation qui met en relation
et valorise les territoires
Étape 1 Analyser le sujet
• Délimiter l’espace concerné et identifier les mots-clés
Territoires : Le pluriel invite à considérer ces espaces à différentes
échelles : à l’échelle nationale (métropole), régionale (littoraux) et
continentale (pays).
Inégale intégration : Les critères d’intégration attendus sont :
l’importance des flux, les pouvoirs de décision et le degré de
dépendance vis-à-vis du commerce extérieur. Concernant les
centres et les périphéries, les élèves listent ces territoires : pôles
de la Triade, périphéries intégrées, périphéries intégrées et dominées, et périphéries en marge.
Mondialisation : Les principales caractéristiques de la mondialisation sont l’interdépendance, des échanges généralisés, la hiérarchie des territoires, l’asymétrie des échanges.
• Dégager la problématique
La mondialisation est-elle sélective ?
On peut accepter : Quels sont les territoires intégrés et ceux
délaissés de la mondialisation ? Pourquoi sont-ils inégalement
intégrés ? Comment la mondialisation conduit-elle à une inégale
intégration des territoires ?
Étape 2 Élaborer la légende et choisir les figurés
Schéma 1 Inégale intégration des territoires dans la mondialisation
1. Une intégration forte et ancienne
pôle de la Triade et région associée
2. Une intégration récente
144 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
BRICS
périphérie marginalisée
Schéma 2 Un espace mondial dominé par quelques puissances
Schéma 3 Les inégalités de développement dans le monde
1. Pays développés et industrialisés depuis longtemps
1. Les puissances dominantes
pays développé : Triade et pays associés
puissance établie : Triade et pays associés
Océan
Pacifique
puissance ascendante : BRICS
Los Angeles
2. Pays en développement aux situations variées
pays émergent : Brésil, Chine, Inde, Afrique du Sud
2. Les espaces dominés
Tokyo
autre pays en développement dont PMA
autre État
Chicago
New York
▼
Choisir les figurés et construire la légende
Shanghai
Information
Ville mondiale
Figuré
Moscou
Londres
Ponctuel
Berlin
puissance ascendante. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .Paris
.........................................................
Linéaire
flux majeur : capitaux, marchandises, informations, services, main d’œuvre qualifiée. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mumbai
flux secondaire : matières premières, main-d’œuvre peu qualifiée, produits illicites. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
flux secondaire : capitaux, tourisme . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Océan
façade littorale majeure . . . . . . . . . . . . . . . . . . Atlantique
.....................................................................................
Sao Paulo
Océan
Indien
périphérie marginalisée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
De surface
périphérie dominée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
périphérie intégrée . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
territoire de la Triade : centre d’impulsion de la mondialisation . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Étape 3 Réaliser le croquis
AFRIQUE
DU SUD
Titre : L’inégale intégration des territoires dans la mondialisation
Des territoires inégalement valorisés par la mondialisation
Les territoires moteurs de la mondialisation
territoire de la Triade : centre d’impulsion de la mondialisation
périphérie intégrée
ville mondiale
façade littorale dynamique
Des périphéries plus ou moins intégrées
Johannesburg
Des dynamiques de mise en concurrence des territoires
Des échanges asymétriques et polarisés
flux majeur : capitaux, marchandises, informations, services,
main d’œuvre qualifiée
flux secondaire : matières premières,
main d’œuvre peu qualifiée, produits illicites
flux secondaire : capitaux, tourisme
Des dynamiques de rééquilibrage ?
périphérie dominée
périphérie marginalisée
◗◗ Bibliographie
◗◗ Sitographie
Sur la mondialisation :
P. Boniface P. et H. Védrine, Atlas du monde global, Colin, 2008.
L. Carroué, Géographie de la mondialisation, Colin, 2007.
L. Carroué ssd, La mondialisation, Génèse, acteurs et enjeux, Bréal,
2009.
A. Ciattoni et Y. Veyret (sous la dir. de), Géographie et géopolitique
de la mondialisation, Hatier, 2011.
L’Atlas des mondialisations 2010-2011, Le Monde-La Vie.
L’État de la mondialisation 2011, Alternatives économiques HS.
C. Wihtol de Wenden, La question migratoire au xxie siècle, Sc Po,
2010.
Sur la mondialisation :
Rapport annuel du PNUD, http://hdr.undp.org/fr/
Site du FMI : http://www.imf.org/
Site de l’OMC : http://www.wto.org/indexfr.htm
Site de la banque mondiale : http://donnees.banquemondiale.
org/
Site des Nations Unies : http://comtrade.un.org/
Site du magazine Fortune pour le classement annuel des 500 premières FTN : http://money.cnn.com/magazines/fortune/
global500/
Site intéressant pour l’étude des migrations : http://peoplemov.
in/
Sur le café :
B. Daviron et S. Ponte, Le Paradoxe du café, Quae Édition, 2007.
Les Cahiers d’Outre-mer n° 243, numéro spécial « Café et politiques », 2009.
Sur le mobile :
J. Lévy ssd, L’Invention du monde, Une géographie de la mondialisation, Sc. Po, 2008.
L’Atlas des mondialisations 2010-2011, Le Monde-La Vie.
Sur le café :
Le site de l’organisation internationale du café : http://www.ico.
org/
Les sites d’informations sur le café : http://www.leguideducafe.
org/
GÉOGRAPHIE - Chapitre 2 - Mondialisation, fonctionnement et territoires
• 145
© Hachette Livre 2014
puissance ascendante
G éo G r a phie
thème 3Dynamiques géographiques des grandes aires
continentales
Introduction
en particulier, d’inclure les pays émergents dans la réflexion. À
la différence du précédent programme qui accordait la part belle
aux trois pôles de la triade (États-Unis, Asie orientale et Union
européenne) et rejetait l’étude du monde en développement dans
un chapitre étudié en fin d’année scolaire (« Unité et diversité des
Sud »), le nouveau programme prend acte d’un monde de plus
en plus polycentrique, de son basculement en accordant une plus
grande place aux BRICS grâce à des entrées par États (États-UnisBrésil, Afrique du Sud, Japon-Chine). C’est d’ailleurs dans cette
optique que le choix d’une photographie du sommet des BRICS et
de trois globes identifiant les unités territoriales du thème 3 s’est
opéré aux p. 324-325 :
p. 324-325
Le thème 3, qui aborde les « dynamiques géographiques des
grandes aires continentales », se compose de trois questions invitant à étudier trois aires continentales selon des problématiques
différentes et une démarche identique.
Notion inédite liée au nouveau programme, l’aire continentale
invite les élèves à analyser trois régions de la planète qui ne
peuvent obéir à une délimitation physique. L’aire continentale,
dont « la délimitation et les caractères se fondent sur des critères multiples d’ordre physique, démographique, économique
et culturel », permet d’étudier, à l’échelle d’un ensemble continental, la complexité du monde abordée dans le question 1 et,
Niveau d’échelle
Identification dans le thème 3
État
– Japon-Chine
– États-Unis-Brésil
Aire régionale
– Sahara
Les trois aires continentales sont étudiées « sous trois angles différents mais répondant à la problématique de la question » :
– La question 3 est intitulée « L’Amérique : puissance du Nord,
affirmation du Sud ». La fiche ressource précise que les élèves
sont invités « à analyser cette aire continentale comme une zone
de contact [c’est nous qui soulignons] entre des mondes différents
par leur niveau de développement et leur culture, mais qui entretiennent des relations anciennes et diverses ». Ici, les effets de la
mondialisation sur les territoires sont étudiés en termes d’interface, d’intégration à l’échelle du continent et de dynamique territoriale à l’échelle des États-Unis et du Brésil.
– La question 4 est intitulée « L’Afrique : les défis du développement ». Cette question consiste à étudier une deuxième aire
continentale qui se développe en faisant face à la mondialisation. Il s’agit de rompre avec les clichés habituels « d’une Afrique
subissant dans la passivité les effets de la mondialisation », « d’un
continent à l’écart du développement et du monde » et, au
Programme
(B.O. officiel du 23 janvier 2013)
Aire continentale
– Amérique
– Afrique
– Asie du Sud et de l’Est
contraire, de « mettre à jour les enjeux actuels du développement
et de l’insertion de [l’Afrique] dans la mondialisation ». Pour cela,
on bascule d’échelles en étudiant tour à tour le Sahara qui suscite de multiples convoitises, le continent africain qui connaît des
formes de décollage économique et l’Afrique du Sud qui présente
les signes de l’émergence.
– La question 5, intitulée « L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux
de la croissance », consiste à étudier une aire continentale à forte
croissance qui est à la recherche d’un vrai développement. À
l’échelle des États (Japon, Chine) et du continent (Asie du Sud et
de l’Est), l’essor économique pose en effet une série de défis sur
les plans social, économique, environnemental et géopolitique qui
peuvent menacer la durabilité du développement.
Seul le chapitre sur l’Afrique fait l’objet d’une étude de cas. Néanmoins, le professeur pourra approfondir certains points à partir
des exemples proposés dans ce manuel.
Le thème 3 dans le manuel Hachette
Étude de cas
Cours
Exemple
– Le continent américain : entre tensions et intégrations régionales
p. 330-331
p. 332-333
– États-Unis – Brésil : rôle mondial, dynamiques territoriales
p. 336-337
p. 342-343
p. 338-339
p. 344-345
L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
L’Afrique : les défis du développement
– Le Sahara : ressources, conflits (étude de cas)
p. 362-367
© Hachette Livre 2014
– Le continent africain face au développement et à la mondialisation
p. 368-369
p. 372-373
p. 378-379
p. 374-375
p. 380-381
– L’Asie du Sud et de l’Est : les défis de la population et de la croissance
p. 400-401
p. 402-403
– Japon-Chine : concurrences régionales, ambitions mondiales
p. 406-407
p. 412-413
p. 408-409
p. 414-415
L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance
146 • GÉOGRAPHIE - Thème 3 - 
D- ynamiques géographiques des grandes aires continentales
L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
◗◗ Introduction Le chapitre 3 sur l’Amérique s’inscrit dans la dernière partie du
programme étudiant les dynamiques continentales. La formulation du titre du chapitre, « puissance du Nord, affirmation du
Sud », invite à s’interroger sur les oppositions entre l’Amérique du
Nord (particulièrement les États-Unis et le Canada) et l’Amérique
latine : ces deux espaces voisins offrent un des plus forts différentiels de développement au monde et enregistrent des dynamiques
contrastées, voire opposées, le plus souvent complémentaires.
Cette étude régionale permet donc un prolongement et une
mise en perspective des généralités présentées dans le chapitre 1
(grille géopolitique : tensions et intégrations régionales, rôle mondial des États-Unis et du Brésil ; grille géo-économique : centres
d’impulsion et périphéries plus ou moins intégrées ; grille géoculturelle : civilisation occidentale, civilisation hispanique), mais également le chapitre 2 (intégration à la mondialisation, valorisation
sélective des territoires).
La littérature scientifique est riche sur les questions d’intégration
et de tensions (voir bibliographie). En effet, l’affirmation croissante
d’États d’Amérique du Sud (Brésil, Venezuela) suscite l’intérêt des
géopoliticiens qui multiplient les travaux sur la difficile intégration
continentale, les tensions persistantes, les inflexions de la politique planétaire des États-Unis, le rôle nouveau joué par le Brésil
qui s’affirme comme un leader continental et un leader des Suds.
Les enjeux sont donc multiples et ne peuvent être convenablement appréhendés que par un regard croisé (comparaison du rôle
régional et mondial des deux grandes puissances continentales)
et multiscalaire (échelles locale, nationale, régionale et mondiale).
Ouverture p. 326-327
Le canal de Panama, une liaison majeure
de l’interface caraïbe
La photographie d’ouverture permet d’orienter l’étude du chapitre sous l’aspect de l’intégration. En effet, le canal de Panama
est une infrastructure essentielle du continent américain puisqu’il
relie l’océan Pacifique et l’océan Atlantique et, par voie de conséquence, l’Asie, l’Amérique et l’Europe, les trois pôles de la Triade. Il
incarne donc l’intégration du continent américain à la mondialisation, mais symbolise également, par le rôle essentiel qu’il joue dans
les échanges internes au continent, l’essor des échanges régionaux.
Cartes 1 p. 328-329
Quels sont les contrastes et les dynamiques
du continent américain ?
Présentation de la carte 1
La carte 1 offre une représentation originale des contrastes de
développement continentaux. Là encore, la démarche critique
d’analyse des choix des représentations cartographiques, mise en
œuvre dans le chapitre 1, peut être réinvestie ici. On peut aussi
saisir l’occasion de rappeler que la division Nord-Sud est obsolète
et qu’il est préférable de parler « des Suds. »
Présentation de la carte 2
La carte 2 est un document incontournable pour présenter les
formes de tensions et d’intégrations régionales du continent amé-
p. 326-359
ricain. Elle peut donner lieu à un exercice de réflexion critique
avec les élèves sur les choix opérés par le cartographe et sur la
durée de vie limitée pour une carte de cette nature compte tenu
de la rapidité avec laquelle se nouent ou se dénouent les situations conflictuelles dans la région, et même les tentatives d’intégrations régionales.
◗◗ Réponses aux questions
1. L’intégration régionale du continent américain passe d’abord
par la création de nombreuses associations régionales de coopération économique. Celles-ci se définissent à la fois par une
proximité géographique (Caricom), socio-économique (CAN) ou
idéologique (Alba – contestation de la puissance américaine).
Elles permettent de mettre en œuvre des projets communs de
cohésion territoriale.
Les tensions sont nombreuses sur le continent américain. Elles
s’expliquent en particulier par le morcellement politique, notamment en Amérique centrale, par la volonté de contrôler les ressources (foncières, énergétiques, hydrauliques) et s’expriment
souvent à travers des revendications territoriales terrestres ou
maritimes.
2. La puissance des États-Unis est à la fois un vecteur d’intégration économique (la Mexamérique est un terrain de prédilection
pour les investissements américains) et institutionnel (Alena,
Aleac, projet de ZLEA en panne) mais également un facteur de
tensions. La présence hégémonique du puissant voisin du Nord
est parfois dénoncée avec vigueur par les régimes les plus indépendants d’Amérique latine (Venezuela, Cuba). Le rôle du Brésil
est différent puisqu’il semble un moteur de l’intégration régionale,
fédérant autour de lui les autres États sud-américains.
3.La carte 1 présente des contrastes de développement (IDH),
de richesse (PIB) et de population. Le continent américain offre un
des plus forts différentiels socio-économiques du monde puisque
les États-Unis (premier PIB mondial, 4e IDH) contrastent avec
Haïti, qui compte parmi les pays les moins avancés et se place au
158e rang mondial du développement. Pourtant, la limite Nord-Sud
tracée peut être remise en question (rang du Chili). Les contrastes
démographiques sont aussi marqués entre des géants démographiques (États-Unis, Brésil) et des États aux populations limitées
(morcellement des Antilles). Les dynamiques sont paradoxales : si
elles tendent au rééquilibrage avec des taux de croissance du PIB
très forts pour le Brésil, le Mexique ou la Colombie par exemple,
les inégalités restent fortes, et se creusent même entre les géants
économiques et les États en difficulté (Haïti, Cuba).
4. Le bassin caraïbe (voir focus de la carte 1) présente un concentré des contrastes continentaux puisque les différentiels y sont
les plus forts (États-Unis/Haïti). Interface entre Nord et Sud, on y
trouve condensées toutes les formes de tensions et d’intégrations
continentales (carte 2).
Cours 1 p. 330-331
Le continent américain :
entre tensions et intégrations régionales
Présentation des documents
L’intérêt est de montrer que les contrastes nombreux et importants
de ce continent se traduisent souvent par des tensions visibles à
GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
• 147
© Hachette Livre 2014
G éo G r a phie
chapitre 3
toutes les échelles (locale, nationale, régionale ou continentale).
Cette démarche multiscalaire est nécessaire pour appréhender le
phénomène dans sa totalité. Quant à l’intégration du continent,
elle est multiple : effective (intégration productive) et en construction (différentes organisations régionales), idéologique (Alba) ou
strictement économique (Mercosur), locale (MCCA) ou continentale (OEA). Les documents proposés s’efforcent de couvrir la
majeure partie de ces aspects et se complètent des documents de
la double page Exemple (Venezuela) et des deux cartes majeures.
L’ensemble des documents proposés permet de travailler tous les
aspects du thème étudié. Les élèves peuvent articuler les échelles
et mesurer les différentes formes de tensions et d’intégrations
régionales. Il serait pertinent également de proposer un exercice qui confronte la carte de la Colombie (doc. 2) et la carte du
Venezuela (doc. 3 p. 333) puisque le traitement des légendes est
parallèle. Les documents 1 et 3 présentent des aspects contrastés, presque opposés, de l’intégration régionale sud-américaine.
Le premier insiste sur les difficultés à rendre efficace une communauté aux intérêts parfois divergents, tandis que le second
témoigne des efforts multiples et nécessaires de s’unir pour faire
poids sur la scène internationale. La photographie 4, spectaculaire, peut offrir une lecture à double niveau : la présence des
forces armées dans les favelas devenues des espaces de nondroit (preuve des tensions qui existent à toutes les échelles) et
la nécessité de sécuriser le pays afin d’accueillir les compétitions
sportives internationales de 2014 et 2016 (preuve d’intégration à
la mondialisation).
◗◗ Réponses aux questions
→Document 2
1. La Colombie doit faire face à des tensions internes (lutte contre
la guérilla des FARC) et externes (contestation de la ZEE). Le territoire dans son ensemble est marqué par les conflits car des portions entières échappent au contrôle de la capitale et pratiquent
des activités illicites lucratives (drogue, blanchiment d’argent) qui
financent l’engagement militaire. À l’inverse, la Colombie s’intègre à la mondialisation (liens avec le commerce international)
et participe à l’intégration régionale par ses liens avec le puissant
voisin états-unien et par l’appartenance à de multiples associations régionales de coopération économique (6 accords).
2.Le commentaire précédent pourrait s’appliquer presque intégralement à l’État voisin, le Venezuela : le conflit interne colombien empiète même sur son territoire. Une différence majeure
est cependant à noter : si la Colombie constitue un allié précieux
et un pivot de la domination états-unienne en Amérique latine,
le Venezuela est un des piliers du bolivarisme et de l’anti-américanisme, longtemps incarné par la personnalité d’Hugo Chavez. Le décès de ce dernier en 2013 n’a pas apaisé les tensions
puisqu’en février 2014, les relations diplomatiques se sont à nouveau crispées entre les deux pays (renvois mutuels de personnels
diplomatiques).
© Hachette Livre 2014
→Document 3
1. Les arguments avancés par les États signataires de cette agence
spatiale sud-américaine sont autant économiques (contrôle des
ressources alimentaires et énergétiques) qu’écologiques (Amazonie, mesure de l’impact du changement climatique) ou géopolitique (lutte contre la contrebande et les narcotrafics). En réalité, il
s’agit surtout de la volonté d’indépendance des États sud-américains à l’égard des puissances maîtrisant ces technologies, à savoir
essentiellement les États-Unis et l’Europe. Or une telle entreprise
est trop ambitieuse pour les États seuls, particulièrement pour
des États du Sud, et nécessite la mise en commun des moyens.
Cet exemple est autant un facteur d’intégration régionale qu’une
conséquence de cette intégration.
2. En permettant une meilleure surveillance des territoires, et en
particulier des territoires qui échappent encore le plus souvent à
la souveraineté étatique (forêt équatoriale, refuge des guérillas,
espaces maritimes difficilement contrôlables sans satellite), les
systèmes satellites pourraient permettre de mettre un terme aux
conflits internes.
Exemple 1 p. 332-333
En quoi le Venezuela est-il représentatif des tensions
et tentatives d’intégrations américaines ?
Présentation des documents
Le Venezuela est un exemple significatif des nombreuses tensions
et tentatives d’organisation régionale en cours dans le continent américain. La personnalité même du très populiste Hugo
Chavez incarnait ce paradoxe : le Venezuela est un des États qui
contestent avec le plus de virulence la domination américaine sur
le continent, mais également celui qui œuvre de manière la plus
active pour le rapprochement des États d’Amérique latine. Les
tentatives de rapprochement entre États d’Amérique latine soutenues par le Venezuela sont de deux natures : politique d’abord,
avec cette volonté de défendre une souveraineté qu’il estime
menacée par la puissance du voisin états-unien (Alba) ; économique, ensuite, avec le rapprochement dans le cadre du Mercosur.
Les documents choisis permettent d’envisager l’ensemble de
ces thématiques et de jouer avec les échelles. Dans ce cadre, la
confrontation des documents 1 et 3 peut donner lieu à une analyse multiscalaire que complètent les autres documents. L’entrée
par cet exemple vénézuélien peut, dans la démarche de l’étude
de cas, faciliter l’étude du cours 1 sur les tensions et l’intégration du continent américain. Là encore, la démarche multiscalaire
est pertinente pour mettre en évidence les différents aspects des
relations politiques du continent.
◗◗ Réponses aux questions
1. L’ensemble des documents permet de répondre à cette interrogation. Les tensions entre États sont de natures différentes. La
première forme d’opposition est purement politique. En effet, les
États-Unis exercent une influence importante sur le Venezuela,
longtemps « arrière-cour » des États-Unis. Même si le désintérêt
d’Obama pour cette région a récemment atténué les contestations, le Venezuela, à travers le très populiste Hugo Chavez,
demeurait un opposant affiché à toute tentative impérialiste du
géant voisin. Le document 2 illustre le combat de Chavez, qui
utilisait la scène internationale (tribune des Nations Unies, mais
également rapprochement avec l’Iran) et la force de ses réserves
pétrolières pour affermir un discours nationaliste. Le Venezuela
est rejoint dans ce néo-bolivarisme par des États comme la Bolivie
et Cuba (Alba – doc. 1). La deuxième forme d’opposition est liée
à des enjeux géopolitiques de tracés frontaliers, eux-mêmes associés à des enjeux énergétiques (possession des réserves pétrolières). Le tracé de la ZEE vaut au Venezuela des relations tendues
avec un certain nombre d’États (doc. 1 et 3), même si certains de
ces contentieux ont donné récemment lieu à un accord.
2. Ces tensions s’exercent à différentes échelles. En effet, en plus
des tensions avec les États voisins, le Venezuela doit faire face
à des conflits internes. Le document 3 en dresse une liste relativement exhaustive. D’abord, le Venezuela est en partie gagné
par le conflit de la Colombie voisine : les FARC trouvent refuge le
long de la frontière, dans un espace plus ou moins défini, d’où des
148 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
3. L’intégration continentale du Venezuela est à la fois une intégration de fait, conséquence de l’ouverture du pays à la mondialisation (doc. 3), et une intégration politique et économique
programmée. Son économie est soutenue par les réserves d’hydrocarbures (pétrole, gaz) et s’ouvre aux capitaux étrangers, licites
ou non (place de blanchiment d’argent). Si ses ports ne sont pas
réellement des hubs en raison de leur situation méridionale sur
les routes majeures des Caraïbes, le port de Puerto Cabello est
une porte d’entrée sur un hinterland limité à la plaine côtière.
L’intégration régionale se matérialise aussi à travers les nombreuses conventions passées par Caracas avec les États voisins.
Le Venezuela participe à 7 unions régionales différentes dont la
plus aboutie est le Mercosur. D’ailleurs, le document 3 atteste
l’importance des flux régionaux dans les exportations pétrolières
(46 % du pétrole vénézuélien exporté).
Cartes 2 p. 334-335
Quel est le rôle mondial des États-Unis et du Brésil ?
Présentation de la carte 1
La carte 1 est une carte familière dans la littérature scolaire et
médiatique. Elle présente les aspects, les moyens et les limites de
la présence américaine dans le monde. Elle peut donner lieu à un
exercice de confrontation, dans la suite logique des pratiques mises
en œuvre dans le chapitre 1, avec la carte 1 p. 238 qui présente le
monde vu des États-Unis. Cet exercice pourrait ensuite déboucher
sur une réflexion autour des choix cartographiques opérés.
Présentation de la carte 2
La carte 2 est symptomatique de la place qu’occupent aujourd’hui
les puissances émergentes dans le monde et, parmi elles, le Brésil. Délibérément, l’organisation des deux légendes et les codes
couleurs des deux cartes sont parallèles. Ils permettent une comparaison plus aisée et, là encore, un regard critique sur la représentation cartographique.
◗◗ Réponses aux questions
1.Les États-Unis et le Brésil sont des puissances mondiales,
même si leur audience et présence planétaire ne sont évidemment pas comparables. La puissance états-unienne s’étend sur
l’ensemble de la planète : seuls quelques États y échappent en
raison du manque d’intérêt exprimé par les États-Unis (Afrique)
ou par une résistance idéologique affirmée (Corée du Nord). Mais,
même pour les États les plus hostiles, l’hyperpuissance américaine
est une réalité avec laquelle il faut compter (embargo autour de
Cuba, intervention de l’OTAN en Libye en 2011). La présence
mondiale du Brésil est plus modeste et sélective : elle demeure
surtout une puissance continentale.
2.Les États-Unis mettent à profit les instruments nombreux
de l’hyperpuissance : les alliances héritées de la guerre froide,
les outils de la première puissance militaire mondiale, le poids
dans les organismes internationaux de décision. Le Brésil valorise
aussi un réseau d’alliances cimenté par des revendications com-
munes : puissances émergentes en quête d’affirmation face aux
Nords (BRICS, revendication d’un siège de membre permanent au
Conseil de sécurité de l’ONU). Mais c’est à l’échelle continentale
que les éléments de rayonnement sont les plus nombreux : rôle du
Brésil dans le Mercosur ou l’Unasur.
3.Ces deux puissances ont néanmoins leurs limites. Les ÉtatsUnis se heurtent aux revendications des puissances nouvelles
qui veulent prendre leur place dans le jeu décisionnel planétaire :
Chine, Brésil, Russie. Ils se confrontent également à la contestation
violente des mouvements islamistes ou à celles d’États ennemis.
Le Brésil est aussi contesté à l’échelle continentale : son hégémonie est perçue comme une forme de néocolonialisme par ses voisins les plus dépendants (Bolivie, Uruguay). Son rôle mondial est,
quant à lui, freiné par l’absence de poids dans les organismes décisionnels, d’où les nombreuses demandes de réformes portées par
le Brésil (FMI, OMC, ONU). De plus, les alliances passées par le
Brésil avec les autres puissances émergentes du Sud apparaissent
fragiles et motivées par la seule défense d’intérêts communs.
Cours 2 p. 336-337
Le rôle mondial des États-Unis et du Brésil
Présentation des documents
La démarche choisie dans le cours est de présenter d’abord les
deux puissances (États-Unis et Brésil) dans le cadre de la mondialisation définie en détails dans le chapitre précédent : place dans
l’économie mondialisée, dans les flux commerciaux et dans la
financiarisation. La comparaison était plus délicate pour le rayonnement politique et militaire du Brésil et des États-Unis puisqu’ils
procèdent de processus différents. Le plan sépare donc l’étude de
ces deux États mais reste parallèle : présentation de la puissance
et de ses atouts avant d’en mesurer les limites.
Le choix documentaire privilégie volontairement l’exemple des
États-Unis puisqu’une double page exemple détaille celui du
Brésil. Les documents abordent tous les aspects de ce rayonnement mondial. Il est intéressant de commencer la comparaison
du rayonnement planétaire des États-Unis et du Brésil à partir du
document Repère. L’étude de ce tableau permet de renvoyer aux
autres documents du chapitre (en particulier aux cartes p. 328-329
et à la double page Exemple sur le Brésil, p. 338-339) qui illustrent
et précisent ces données générales. Il est possible également
d’enrichir ce tableau par le Repère p. 330, qui présente d’autres
composantes de la puissance (richesses et intégration régionale)
et des limites (insécurité, part de la grande pauvreté) de ces deux
États. Pour l’étude spécifique de l’hyperpuissance américaine, le
document 2 peut donner lieu à une première approche puisqu’il
brosse un tableau général, en présentant la domination politique
et militaire (hard power), mais également le soft power (illustré
aussi par le document 1). Le questionnement du document 3
aide à son analyse.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 1
1.La présence planétaire des restaurants McDo témoigne du
rayonnement économique des États-Unis : il s’agit d’abord d’une
FTN (114e rang national, 423e rang mondial toutes FTN confondues,
en 2013) qui génère un chiffre d’affaires important. Mais c’est aussi
un formidable relais du mode de vie américain et de ses habitudes
alimentaires. En 2014, seuls les pays les moins avancés ou en guerre
n’accueillent pas de restaurants McDo. D’ailleurs, l’ouverture ou la
fermeture d’un restaurant McDo peut servir de baromètre de la
situation géopolitique d’un État (1988 : 1re ouverture d’un McDo
GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
• 149
© Hachette Livre 2014
tensions avec le gouvernement colombien, qui dénonce l’accueil
et le soutien offerts à cette armée terroriste. Le développement
des espaces de production de drogue donne lieu également à des
tensions avec les autorités. Cette production de cocaïne (essentiellement) finance de nombreux trafics illicites et la violence dans
les quartiers précaires des villes, en particulier celui de Petare à
Caracas (doc. 5). Ces quartiers deviennent alors des zones de
non-droit où la violence est extrême et banalisée, voire sacralisée
(Christ et Vierge armés), et où combat politique (révolution) et
activité criminelle se mélangent.
dans un pays communiste, la Hongrie) ou économique (1990 :
ouverture du premier McDo en Chine ; 2009 : fermeture de tous
ses restaurants en Islande en raison de la crise financière).
gir les missions de la Minustah. Le rôle assuré par le Brésil en est
d’autant plus valorisé.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 2
1. Le texte réduit le hard power à la puissance militaire et le soft
power à la puissance attractive. La confrontation avec les autres
documents de la page et en particulier le Repère permet de compléter cette définition laconique.
2.Les États-Unis entendent rester un global player grâce à la
maîtrise des NTIC, déjà largement sous contrôle états-unien
(Internet).
→Document 3
1. Le Brésil cherche à renforcer sa puissance militaire et vise une
entrée dans le club fermé des États disposant de sous-marins
nucléaires. Pour ces États, l’enjeu est de conforter leur puissance
mondiale récente en se dotant d’outils comparables à ceux des
États-Unis et des autres grandes puissances.
2.Le document 2 et des informations du Repère montrent que
les puissances ne sont pas comparables. Si les États-Unis sont une
puissance établie, le Brésil n’est encore qu’une puissance incomplète mais ascendante.
1.Les documents proposés permettent de brosser un tableau
général des formes de rayonnement planétaire du Brésil :
– puissance continentale (doc. 1 et 4) : le poids du Brésil dans
la création du Mercosur, son influence dans celle de l’Unasur qui
cristallise les espoirs d’une alternative à la ZLEA, voire à l’OEA ;
– puissance économique émergente aux exportations croissantes. Les exportations agricoles, en particulier, font du Brésil le
« futur grenier du monde » (doc. 3). On peut renvoyer l’élève au
document Repère du cours (2e producteur mondial de soja et de
viande bovine). Le rôle croissant des FTN est également à souligner. Leur place dans la compétition mondiale s’affirme : les 5
premières FTN brésiliennes ont enregistré en huit ans une hausse
spectaculaire dans la hiérarchie des firmes mondiales ;
– puissance diplomatique : l’ONU a confié au Brésil la mission
Minustah en Haïti (doc. 5) qui a vu ses fonctions élargies à la suite
du séisme de janvier 2010 et de la couverture internationale des
événements politiques qui ont suivi (élections présidentielles). Le
Brésil apparaît donc comme une puissance de stabilisation et de
paix. Les liens entretenus avec les puissances émergentes sont
également soulignés (doc. 1).
2. La question invite à travailler à plusieurs échelles. D’abord, et
Exemple 2 p. 338-339
Le Brésil, une puissance mondiale ?
Présentation des documents
© Hachette Livre 2014
Puissance nouvelle dans le monde multipolaire, le Brésil, et en
particulier sa place dans le monde, méritait une analyse spécifique et des documents variés. La comparaison avec les États-Unis
est bien entendu à établir, mais les spécificités de la présence du
Brésil dans le monde sont également à souligner. Cette double
page permet d’en cerner les principales : le Brésil est d’abord une
puissance continentale dont le rôle mondial ne cesse de s’affirmer
mais reste encore ponctuel.
Le choix des documents ne s’appréhende qu’en tenant compte de
l’ensemble des pages concernant ce point du programme. La carte
doc. 2 p. 335 met l’accent sur le rayonnement géopolitique du Brésil, le document 1 p. 338 prend donc un autre angle d’approche,
complémentaire. Cette double approche permettra d’ailleurs un
travail de cartographie et un regard critique sur les choix cartographiques. On peut donc envisager, pour traiter cet exemple,
d’ajouter dans le corpus documentaire la carte de la page 335 et
les documents des pages cours (Repère p. 336 et doc. 2 p. 337)
ainsi que le document p. 352.
Le document 5 est un document qui nécessite des précisions,
d’où les questions d’accompagnement.
1.Le mandat confié au Brésil par l’ONU dans le cadre de la
Minustah (Mission des Nations Unies pour la stabilisation en
Haïti) date de 2004 et relaie une mission déjà en place depuis
1994. Elle est décidée par le Conseil de sécurité de l’ONU pour
pacifier une série de troubles qui menaçaient l’équilibre de l’île. Le
Brésil apparaît alors comme un choix pertinent car une puissance
mondiale ascendante, en quête de reconnaissance internationale,
et un leader d’Amérique latine. Cette participation contribue à
renforcer la place du pays dans la gouvernance planétaire et ses
ambitions mondiales.
2.Les missions prioritaires de la Minustah sont le rétablissement d’une justice partiale et des élections libres en 2006 et 2011
(photographie). Le tremblement de terre de 2010 et la situation
catastrophique qui en découle pour les Haïtiens contribue à élar-
même si cet aspect sera davantage développé dans le cours 3, on
peut souligner que les premiers espaces concernés par le rayonnement mondial du Brésil sont les espaces brésiliens majeurs de
la mondialisation : la mégalopole Sao Paulo-Rio de Janeiro-Belo
Horizonte-Brasilia et, en travaillant à plus grande échelle encore,
la ville mondiale de Sao Paulo au centre d’affaires dynamique.
À l’échelle continentale, l’influence brésilienne est particulièrement sensible sur ses partenaires du Mercosur qui constituent,
avec l’Alena, l’association régionale de coopération économique
la plus aboutie des Amériques (doc. 4).
À l’échelle mondiale, le rayonnement est plus limité (doc. 1).
Certes, les importations brésiliennes privilégient la Triade, et en
particulier l’Union européenne (son premier importateur), mais
il s’agit là autant d’une forme de dépendance du Brésil que de
puissance. En revanche, les liens établis avec les autres puissances
émergentes du Sud, dans le cadre des BRICS mais surtout de
l’IBAS (G3) confèrent au Brésil une place de leader des Suds. Les
intérêts portés au Moyen-Orient (au risque de créer un malaise
diplomatique avec les États-Unis) et à l’Afrique subsaharienne, en
particulier lusophone, en témoignent.
3.Cependant, la puissance mondiale du Brésil rencontre des
limites que le document 4 présente en partie.
– Limites internes : le Brésil reste un pays du Sud avec toutes
ses faiblesses : mal-développement persistant, inégalités sociales
criantes, bureaucratie, infrastructures dégradées…
– Limites externes : à l’échelle continentale, la puissance du Brésil est regardée avec méfiance par ses voisins, y compris dans le
cadre de son appartenance au Mercosur. À l’échelle mondiale, la
force militaire brésilienne est très insuffisante pour compter dans
les relations stratégiques (voir Repère p. 336).
La question invite à porter un regard critique sur l’ensemble documentaire et à compléter l’analyse avec les autres documents du
chapitre (pages Cartes, documents du cours et des pages Prépa
Bac). Cet exercice permet aussi de mettre en lumière la fragilité
des relations entre le Brésil et ses alliés émergents, qui sont surtout des concurrents. Les alliances développées sont conjoncturelles (revendication d’un siège permanent au Conseil de sécurité,
de la réforme du FMI) et difficiles à développer entre des États si
différents (Chine, Russie).
150 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
p. 340-341
Quelles sont les dynamiques territoriales
des États-Unis et du Brésil ?
Présentation des deux cartes
Le programme invite à la confrontation de l’organisation des deux
territoires proposés à l’étude. Ces deux cartes placent d’emblée
le propos dans cette dimension comparative. En effet, ces territoires appartiennent au Nouveau Monde et sont donc organisés
de manière spécifique. Ces deux cartes invitent à s’interroger sur
l’impact de l’histoire pionnière dans la répartition de la population
et donc, indirectement, sur la mise en valeur du territoire.
Elles présentent donc les dynamiques originelles du peuplement du
continent américain (origine européenne et premiers foyers d’implantation des colons), les conséquences spatiales sur le peuplement
(inégales densités de population et inégale répartition des villes),
mais également les dynamiques contemporaines (flux migratoires
internes ou externes et inégal dynamisme démographique urbain).
◗◗ Réponses aux questions
1. Les États-Unis et le Brésil sont nés tous deux de la conquête
territoriale du continent américain par les Européens. Venus en
masse par l’océan Atlantique à partir du début du xvie siècle, les
Britanniques et les Portugais organisent la colonisation du territoire depuis le littoral oriental. Celle-ci est terminée au début
du xxe siècle pour les États-Unis, mais elle se poursuit encore
aujourd’hui au Brésil : les marges deviennent des enjeux stratégiques de souveraineté.
2.Cette histoire pionnière marque le territoire, plus peuplé à
l’Est qu’à l’Ouest : un Américain sur deux vit à l’est du Mississippi.
Cette histoire est également visible dans le tracé géométrique des
frontières des États brésiliens et états-uniens qui, sur le modèle
du township, s’affranchit de toute propriété antérieure, les droits
des indigènes ayant été niés d’emblée.
3. Aujourd’hui, l’ampleur des migrations internes perpétue cette
tradition de la mobilité : les hommes et les activités fuient les
espaces en crise (Nordeste, Rust Belt) pour les régions dynamiques (Sudeste, croissant périphérique des États-Unis) ou les
marges pionnières (Amazonie, Alaska).
4. Les grandes métropoles reflètent à la fois l’histoire du peuplement et les dynamiques territoriales. Elles sont situées sur les littoraux, organisées en mégalopole ancienne (Mégalopolis) ou en
gestation (Sao Paulo-Rio de Janeiro-Belo Horizonte) et leur répartition est un héritage de la conquête pionnière. Pourtant les dynamiques actuelles confirment la mobilité présentée plus haut : les
villes des régions en difficulté se vident (Detroit, Recife) au profit
des villes des espaces dynamiques (Phoenix, Brasilia).
Cours 3 p. 342-343
Les dynamiques territoriales des États-Unis
et du Brésil
Présentation des documents
L’originalité du programme actuel est d’inviter à comparer l’organisation de l’espace des États-Unis et du Brésil, traditionnellement étudiés séparément. Le plan proposé dans ce cours repose
donc sur cette confrontation, possible en raison des nombreux
rapprochements (histoire de la conquête et du peuplement, de
la mise en valeur) et également intéressante par les différences
qu’elle permet d’établir. Pour placer cette étude dans l’esprit du
programme, le questionnement doit inviter à la confrontation des
deux cas d’études proposés. À ces fins, il peut être pertinent de
rappeler l’analyse des deux cartes p. 340-341 et proposer aux élèves
de voir comment l’histoire pionnière se lit encore aujourd’hui dans
la mise en valeur du territoire. Cette étude permet de poser tous
les enjeux des dynamiques territoriales en œuvre sur le territoire :
opposition littoral/intérieur, métropolisation, conquête volontariste du territoire.
Les documents accompagnant le cours facilitent cette comparaison tout en présentant la problématique à des échelles différentes. Ils mettent davantage en lumière les dynamiques territoriales brésiliennes en raison de la présence d’une double page
spécifique consacrée aux États-Unis. Il peut être intéressant de
partir des deux documents Repères, construits délibérément de
manière parallèle. En ce qui concerne le Brésil, une activité pédagogique peut être envisagée dans la confrontation du document 2
et du document Repère B qui présentent Brasilia, l’un à l’échelle
locale, l’autre à l’échelle nationale. La logique pionnière de cet
espace, visible dans le Repère B, est illustrée par la spectaculaire
photographie (doc. 1). Les deux documents sur l’organisation de
l’espace des États-Unis jouent également avec les échelles : nationales pour le Repère, locale pour le doc. 3. Ces deux documents
sont complémentaires de la double page 344-345.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 2
1. L’organisation du territoire est marquée par la mentalité pionnière et la volonté de maîtriser un espace immense, tant pour des
raisons géoéconomiques que géopolitiques. Brasilia participe de
ce processus et marque l’ambition brésilienne de mettre en valeur
et de dominer l’ensemble de son territoire, et en particulier l’intérieur, longtemps marge délaissée.
2.La concentration des pouvoirs renvoie au concept de métropolisation, en cours à Brasilia. Capitale créée ex nihilo, cette ville
a d’abord une fonction politique mais concentre de plus en plus
les pouvoirs économiques. Il faut néanmoins nuancer le propos en
rappelant que le Sudeste, et Sao Paulo en particulier, restent les
cœurs véritables du Brésil.
→Document 3
1. Le dynamisme de la Silicon Valley reflète celui de la Sun Belt
en général. Il s’explique par le dynamisme démographique, économique et de plus en plus décisionnel permis par les conditions
naturelles (climat, ressources), humaines (main-d’œuvre abondante et qualifiée : présence d’universités) et stratégiques ou territoriales (ouverture sur le Pacifique, infrastructures de communication modernes).
2. À l’échelle nationale, la Silicon Valley est en effet le symbole du
croissant périphérique dynamique qui concurrence de plus en plus
le cœur traditionnel de la Manufacturing Belt. À l’échelle mondiale, la forte concentration de sièges sociaux de FTN leaders des
NTIC rappelle le poids écrasant de la superpuissance économique
des États-Unis.
Exemple 3 p. 344-345
Quelles sont les dynamiques du territoire
des États-Unis ?
Présentation des documents
Cette double page Exemple propose un focus sur l’organisation
du territoire des États-Unis. Les documents illustrent les différentes composantes de cette étude en variant les échelles : nationale (doc. 1), régionale (doc. 2 et 3), métropolitaine (doc. 4 et 5).
Ainsi, l’ensemble des types de territoires majeurs de l’organisa-
GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
• 151
© Hachette Livre 2014
Cartes 3 tion de l’espace est étudié. Ces documents peuvent être complétés par les autres supports proposés dans le chapitre (carte de
la répartition du peuplement et ses dynamiques p. 340, carte de
la Silicon Valley p. 343). La confrontation de tous ces documents
peut également permettre de préparer un croquis ou un schéma
de synthèse qui deviendrait la trace écrite de l’activité pédagogique menée en classe (voir modèle p. 357).
grâce à la valorisation des ressources naturelles, à des espaces
jusque-là marginalisés (Alaska, Rocheuses). À l’échelle régionale,
les dynamiques profitent également davantage à certaines métropoles, qui deviennent les vitrines de la puissance et du dynamisme des États-Unis, masquant parfois une pauvreté interne
(doc. 2, 3 et 5). Enfin, à l’échelle métropolitaine, les dynamiques
profitent aux centres des métropoles plus qu’aux autres espaces
citadins (doc. 4 et 5).
◗◗ Réponses aux questions
1.Les espaces moteurs des États-Unis sont à la fois ceux du
« vieux » centre du Nord-Est (Manufacturing Belt) avec ses deux
ensembles de la Mégalopolis et des Grands Lacs, mais ce sont
aussi les pôles de la ceinture périphérique (Floride, Texas, Californie – doc. 2, État de Washington). Les facteurs de localisation
sont à la fois hérités (origine de l’implantation des premiers colons,
intérêt traditionnel pour l’Europe, accumulation industrielle du
xixe siècle) et récents (héliotropisme, intérêt pour le Pacifique).
Les marges du territoire américain sont à la fois les périphéries
éloignées (Alaska – doc. 3, Hawaï) mais également le centre du
territoire, vide d’hommes (Grandes Plaines, Rocheuses – doc. 1).
2.Ces inégalités spatiales s’observent à différentes échelles.
D’abord, à l’échelle régionale, l’étude de la carte des États-Unis
(doc. 1) met en évidence la juxtaposition d’espaces dynamiques
et moteurs (Mégalopolis, hypercentre du monde) et d’espaces en
crise (Rust Belt). À l’échelle des métropoles, sans aller très loin
dans l’analyse en raison du temps imparti par le programme à
la question, il est intéressant de remarquer la juxtaposition de
quartiers décisionnels d’affaires (CBD de Dallas – doc. 5) et des
espaces industriels, d’anciens ghettos gentrifiés et des suburbs
très largement étalés (doc. 4).
© Hachette Livre 2014
3.Les dynamiques territoriales sont également multiscalaires :
d’abord à l’échelle nationale (doc. 1), le centre reste au nordest mais les dynamiques migratoires des hommes et des activités profitent aux noyaux isolés du croissant périphérique, voire,
Prépa Bac p. 346-347
◗◗ Composition 4
Sujet : L e continent américain : entre tensions
et intégrations régionales
Étape 1 Analyser le sujet
Délimiter l’espace concerné et identifier les mots-clés
Continent américain : l’échelle du sujet est évidemment d’abord
continentale mais on ne peut pas faire abstraction des échelles
nationales ou locales, en particulier pour étudier toutes les formes
de tensions.
Tensions : le cours 1 p. 330 liste les différentes formes de tensions.
L’élève doit considérer les tensions inter et intra-étatiques, terrestres et maritimes.
Intégrations : là encore, le cours 1 p. 330 peut guider l’élève :
impérialisme américain, source d’une certaine forme d’intégration, intégration productive.
Étape 2 Élaborer le plan
Les réponses aux deux exercices de l’étape 2 ont été groupées en
un seul tableau :
1/ Des contrastes, sources de
tensions ou facteurs d’intégration ?
2/ Des formes d’intégration multiples et
trop nombreuses pour être efficaces ?
3/ Des tensions à toutes les échelles
a/ Un des plus forts différentiels
socio-économiques au monde :
– en matière de développement (IDH :
États-Unis/Haïti) ;
– en matière d’intégration à la
mondialisation (littoraux/intérieur).
b/ Des contrastes politiques marqués :
– opposition entre régimes de gauche
(Venezuela) et de droite (Colombie) ;
– États continents (Brésil, États-Unis) et
micro-État (Belize) ;
– États pro et anti états-unien.
c/ Des différences culturelles qui
scindent le continent en deux :
– linguistique (Amérique anglo-saxonne/
Amérique hispanique) ;
– religieuse (Amérique protestante/
Amérique catholique).
a/ U
n nombre record d’associations
régionales de coopération économique :
– 16 associations régionales en 2012 ;
– rôle des institutions internationales qui
encouragent l’ouverture des frontières :
OMC, FMI.
b/ Seules deux associations sont efficaces :
– ALENA : développement des échanges
commerciaux mais frein aux flux migratoires ;
– Mercosur : tensions entre partenaires.
– Des associations régionales globalement
inefficaces : peu d’échanges intrazone
(14 % seulement des échanges du
CARICOM) ; peu d’infrastructures communes
(réseau de transport) ;
– peu d’espaces transfrontaliers dynamiques :
Mexamérique ;
c/ Des formes d’intégration effective
existent :
– intégration productive inégale : États-Unis :
principal acteur de l’intégration productive :
flux d’IDE en provenance des États-Unis ;
– intégration humaine : métissage et
migrations des populations.
a/ A
u niveau continental, la domination
étasunienne est source de tension :
–«
 Arrière-cour » des États-Unis : Mexique,
membre de l’ALENA ; accueil de bases
militaires américaines en Colombie.
–A
nti-américanisme : Alba, Bolivarisme ;
Projet de ZLEA gelé.
b/ Au niveau international, les tensions
frontalières sont nombreuses :
– t racé de la ZEE : eaux territoriales du Belize
et du Honduras ;
– r evendication de ressources pétrolières :
opposition frontalière Surinam et Guyana ;
–d
ébordement de conflit interne : Guerilla
FARC au Venezuela et Équateur.
c/ A
u niveau local, les tensions internes
sont également très fortes :
– a ctivités criminelles : Cartel de la drogue
colombien ;
– r evendication des peuples indigènes : Evo
Morales, porte-parole des indiens boliviens ;
–g
rande violence urbaine : huit des premiers
États mondiaux pour le nombre d’homicides ;
favelas brésiliennes, espaces de non-droit.
152 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
Étape 3 Rédiger la composition
2. Un rôle politique important
Rédiger un paragraphe de la composition
La proposition 1 est meilleure car elle illustre l’argumentation
d’exemples précis et présente les contrastes de développement
avec davantage de nuances que le deuxième paragraphe qui caricature la situation géographique en limitant les contrastes à la
seule opposition Nord-Sud. Le deuxième paragraphe ne fait pas
référence à l’IDH qui est pourtant l’indicateur privilégié pour hiérarchiser les pays selon leur développement.
a. Des puissances militaires inégales
b. Un rôle majeur dans la gouvernance mondiale
c. Un rôle continental concurrent
3. Des limites au rayonnement mondial
a. Une puissance d’attraction inégale
b. Les États-Unis, une hyperpuissance contestée
c. Le Brésil, une puissance ascendante mais encore secondaire
Étape 3 Rédiger la composition
Illustrer la composition par des schémas
La domination états-unienne et sa contestation sur le continent
américain
Une domination états-unienne forte
CANADA
États-Unis :
première puissance continentale
partenaire de l’ALENA
ÉTATS-UNIS
MEXIQUE
NICARAGUA
ÉQUATEUR
CUBA
VENEZUELA
BRÉSIL
BOLIVIE
partenariat économique
et politique étroit
Une contestation grandissante
Mercosur :
une association régionale
de coopération alternative
puissance continentale rivale
État dénonçant ouvertement
la domination états-unienne
Le réseau d’alliance états-unien :
un partenariat hérité de l’histoire
Le réseau d’alliance brésilien : un
partenariat d'intérêts économiques
États-Unis, chef de file
du bloc occidental
durant la guerre froide
OTAN
Brésil, chef de file
de la contestation du Sud
autres partenaires
BRICS
autres partenaires
Il est aussi possible d’exploiter, dans ce sujet, le petit schéma b de
la fiche de révision p. 358.
p. 348
◗◗ Composition 5
Sujet : Le rôle mondial des États-Unis et du Brésil
Étape 1 Analyser le sujet
Rôle mondial : La puissance d’un État peut s’exprimer du point
de vue économique, du point de vue géopolitique, du point de
vue culturel. De même, elle s’exerce sur des échelles plus ou
moins vastes : ses voisins, d’abord ; l’échelle continentale, où il
exerce une domination plus ou moins marquée ; mondiale enfin,
où il peut s’affirmer ou non comme une puissance établie (c’est
le cas des États-Unis), ascendante (c’est le cas du Brésil) ou, au
contraire, comme une périphérie dominée.
États-Unis, Brésil : il est essentiel que l’élève établisse d’emblée
la spécificité de chacune de ces puissances, tant du point de vue
politique (puissance établie pour les États-Unis et ascendante
pour le Brésil), que du point de vue économique (centre d’impulsion de la Triade pour les États-Unis, puissance émergente pour
le Brésil).
Il est important également d’insister ici sur la formulation et le
rôle que joue la virgule qui invite à une étude comparative du rôle
mondial des États-Unis et du Brésil.
Étape 2 Élaborer le plan
Le tableau proposé permet un classement organisé des idées. Le
plan 2 n’est pas possible puisqu’il empêche toute comparaison des
deux puissances. Le plan 1 est à privilégier, même si, à l’intérieur
de chaque partie, les deux pays peuvent donner lieu à des paragraphes distincts. Pour nourrir ce plan, l’élève peut recourir au
cours 2 p. 336.
1. Un rayonnement économique majeur
a. Deux centres d’impulsion de la mondialisation
b. Une place inégale dans le commerce mondial
c. Un poids financier contrasté
Rédiger la conclusion
Même si les États-Unis et le Brésil sont devenus aujourd’hui des
acteurs incontournables de la scène internationale, leurs rayonnements économiques et politiques ne sont donc pas comparables
dans leur ampleur, les premiers influençant largement les décisions planétaires alors que le second commence seulement à se
forger une place sur la scène internationale. Ce rayonnement rencontre cependant de nombreux obstacles (limites économiques et
politiques), internes à leur territoire et à leur société, et externes
qu’il leur faut surmonter pour maintenir leur rang international.
Prépa Bac p. 349
◗◗ Composition 6
Sujet : L es dynamiques territoriales des États-Unis
et du Brésil
Étape 1 Analyser le sujet
Identifier les mots-clés
Dynamiques : ce terme désigne l’ensemble des grandes évolutions
observées sur un territoire. Ces évolutions peuvent être observées
à plusieurs échelles : nationales (ce qui n’exclut pas de considérer
cet espace dans les relations qu’il établit avec ses voisins ou le
reste du monde), régionales voire locales (échelle intra-urbaine,
surtout).
Et : l’intérêt de ce sujet repose sur l’étude comparative qu’il
implique entre l’organisation des territoires états-unien et brésilien. Cette comparaison est possible grâce aux nombreux points
communs existant dans l’histoire de la mise en valeur de ces
deux territoires du Nouveau Monde, mais également dans les
nuances marquées qui peuvent exister entre le territoire d’une
puissance planétaire établie et sans égale et celui d’une puissance
émergente.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
• 153
© Hachette Livre 2014
Prépa Bac Étape 2 Élaborer le plan
Proposition :
Grandes parties
1/ Deux territoires du
Nouveau Monde
2/ Des territoires intégrés à
la mondialisation
3/ De forts déséquilibres
territoriaux
Arguments
Exemples
a/ Une histoire similaire de
conquête pionnière
– origine européenne ;
– front pionnier.
b/ Un peuplement inégal hérité
de cette histoire pionnière
– différences littoraux/intérieur ;
– flux migratoires.
c/ Une mise en valeur extensive
– absence de tradition foncière ;
– ressources abondantes.
a/ Métropolisation
– concentration des pouvoirs politiques, économiques, culturels, etc. dans les
CBD des métropoles internationales (Sao Paulo, New York) ; mégalopole
ancienne (megalopolis) ou en gestation (Sudeste) ;
– dans le cadre de l’Alena, pour les États-Unis ;
b/ Dynamisation des espaces
transfrontaliers
– marges amazoniennes du Brésil.
– importance des façades maritimes ;
c/ Littoralisation
– 2/3 de la population américaine, 4/5e de celle du Brésil.
a/ Les espaces moteurs
– Nord-est états-unien ; Sudeste brésilien.
b/ Les périphéries dynamiques
– Sud, Centre-Ouest du Brésil ; croissant périphérique aux États-Unis.
c/ Les périphéries en crise et
marges délaissées
– Grands lacs (rust belt) aux États-Unis, Nordeste au Brésil.
Étape 3 Rédiger la composition
Schéma 1 : Les dynamiques de peuplement au Brésil
Europe
Schéma 2 : Les dynamiques de peuplement aux États-Unis
Une histoire similaire
origine du peuplement
Des densités de population inégales
forte densité de population
densité de population moyenne
faible densité de population
Europe
Des migrations nombreuses
migrations internes
migrations externes
Il est aussi possible d’exploiter, dans ce sujet, le petit schéma c de la fiche de révision p. 358.
Prépa Bac p. 350-351
◗◗ Analyse de document(s) 11
Sujet : Le continent américain : entre tensions et
intégrations régionales
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Frontière : la frontière est l’espace par excellence qui cristallise les
tensions interétatiques, lorsqu’il y en a, ou qui illustre l’intégration régionale par son effacement plus ou moins prononcé (flux
de marchandises, d’hommes, de capitaux…).
© Hachette Livre 2014
Prélèvement des informations
dans les documents
Intégrations
– ALENA
– I ntégration des marges
amazoniennes du Brésil
–D
es projets d’intégration
continentale concurrents
Tensions : le cours 1 dresse la liste des types de tensions présentes
sur le continent américain. Ici, par l’orientation donnée par la
consigne, et la nature des documents proposés à l’étude, l’analyse
s’intéressera surtout aux tensions interétatiques.
Intégrations : le terme est au pluriel. Cela implique que sont
attendues les formes d’intégration institutionnelles, mais également l’intégration productive.
Le continent américain est l’espace privilégié de ce sujet. Pourtant, en invitant l’élève à s’interroger sur le rôle des frontières, le
sujet conduit inévitablement à une étude plus locale des enjeux
sur les espaces frontaliers.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Explication à l’aide des connaissances personnelles
– Association régionale la plus active du continent, dominée par les États-Unis
(flux de marchandises et de capitaux libres, flux humains contrôlés).
– Longtemps délaissées, les marges deviennent aujourd’hui des espaces aux multiples
enjeux. L’émergence du Brésil lui confère une puissance continentale très forte
et le conduit à vouloir intégrer davantage d’espaces dans sa zone d’influence.
– Le projet de ZLEA défendu par les États-Unis est aujourd’hui en sommeil. En
revanche, celui de l’UNASUR, porté par le Brésil et d’autres États d’Amérique latine,
se concrétise petit à petit (coopération économique, spatiale – doc. 3 p. 331).
154 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
–É
tat dénonçant l’impérialisme
américain
–D
énonciation du néo-impérialisme
brésilien
–T
ension frontalière entre la
Colombie et ses voisins
–T
ensions liées au contrôle des eaux
territoriales
– La constitution de l’ALBA et la renaissance d’un certain courant bolivariste (Hugo
Chavez, Evo Morales, les frères Castro) témoigne de cet anti-impérialisme, voire
anti-américanisme sur le continent sud-américain.
– Alors qu’il se pose en porte-parole des pays du Sud et des pays émergents, le Brésil
n’est pas à l’abri de critiques quant à son rôle dominant sur le continent sudaméricain avec ses États voisins pour des motifs frontaliers (Bolivie) ou avec ses
partenaires du Mercosur (Argentine).
– La situation colombienne est particulière car liée à des troubles internes anciens qui
dépassent les frontières, en particulier dans les territoires difficilement contrôlables
de ses marges amazoniennes (FARC).
– Le contrôle de la ZEE et les avantages qu’il procure explique les nombreux litiges
maritimes dans le bassin caraïbe où le morcellement insulaire et politique complique
la donne. Ces revendications sont d’autant plus vives que le bassin caraïbe est une
interface mondiale majeure.
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
La rédaction peut s’appuyer sur le travail précédent selon le plan
suivant :
– Les formes d’intégrations
– Les formes de tensions
– Limites de la représentation cartographique.
Prépa Bac p. 352-353
◗◗ Analyse de document(s) 12
Sujet : Le rôle mondial du Brésil
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Selon le rapport 2012 du Centre for Economics and Business
Research, basé à Londres, le Brésil est devenu en 2011 la sixième
puissance économique mondiale, devançant le Royaume-Uni.
Géant agricole devenu un des greniers du monde, puissance indusPrélèvement des informations dans
le document
– épi de blé
– ballon de foot, anneaux olympiques
– tours de bureaux
– masque de carnaval
– bateau, avion
– logo nucléaire
trielle appuyée sur des ressources minières et énergétiques considérables, le Brésil a connu une croissance rapide et s’affirme dans
une position de leader en Amérique du Sud face aux États-Unis.
Deux facteurs poussent la croissance du pays : la hausse du niveau
de vie qui accroît le marché intérieur et la compétitivité des FTN
brésiliennes : Petrobras, géant pétrolier, est devenu un des leaders mondiaux du secteur derrière l’américain ExxonMobil et le
chinois Petrochina. Vale est le 1er producteur mondial de minerai
de fer et ambitionne de devenir un leader mondial dans le secteur des engrais, Marfrig est un des leaders dans le domaine des
viandes industrialisées.
Cette montée en puissance du Brésil fait la Une d’un hors-série
du Monde en septembre 2010. Le document permet de recenser
les aspects de la puissance du Brésil et les multiples domaines
dans lesquelles elle s’exerce mais il ne permet pas de comparaison
objective de la puissance du Brésil et oublie des atouts majeurs
qui contribuent au rayonnement mondial d’un État.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Recours aux notions-clés pour analyser
le document
– un géant agricole (grand producteur ; grand
exportateur).
– un des leaders d’un sport largement
mondialisé.
– des quartiers d’affaires sièges de FTN
brésiliennes.
– Carnaval de Rio célèbre dans le monde entier
– puissance industrielle ; des FTN brésiliennes
qui s’affirment.
– une maîtrise des technologies nucléaires
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
Le plan peut-être structuré autour des trois parties suivantes :
1/ Les aspects de la présence brésilienne dans le monde :
– une croissance rapide, diversifiée, qui fait du Brésil une puissance émergente ;
– des exportations en forte hausse et excédentaires : un acteur
du commerce mondial qui en fait un des centres d’impulsion de la
mondialisation.
2/ Les atouts lui permettant d’affirmer son rôle mondial :
– des ressources énergétiques et minières ;
– l’accueil de la coupe du monde de football en 2014 et des jeux
olympiques d’été en 2016 vont constituer une vitrine exceptionnelle pour le pays.
Exemple extrait des connaissances
personnelles
– 2e producteur mondial de soja et de bovins ;
– accueil de la coupe du monde de football en
2014 et de JO en 2016.
– Sao Paulo, Rio et Belo Horizonte : cœur
économique du Brésil, la Bovespa, bourse de
Sao Paulo (48e rang mondial).
– une destination touristique
– Doc. 2 p. 338 : Petrobras, Vale…
– Doc. 3 p. 337 : programme de construction
de sous-marins nucléaires en partenariat avec
la France.
3/ Les limites du document pour traiter le sujet
Pour terminer la rédaction du paragraphe 3, les élèves peuvent
s’aider des informations du cours p. 336 et du repère p. 330.
Le document présente le Brésil comme une puissance capable
de rivaliser avec les autres puissances à l’échelle mondiale et permet par l’image de synthétiser les nombreux atouts sur lesquelles
cette puissance repose. Cependant, ce document ne montre pas
les points faibles du Brésil. Si du point de vue économique, son
PIB le place au 6e rang mondial, il se classe au 85e rang pour l’IDH
et sa puissance financière est loin d’égaler celle des membres de
la Triade (bourse de Sao Paulo : 48e rang en 2011). Du point de
vue scientifique, il possède seulement 6 universités sur les 500
premières mondiales contre 151 pour les USA. Enfin, du point de
vue politique, il n’a pas de siège permanent au Conseil de sécurité
GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
• 155
© Hachette Livre 2014
Tensions
de l’ONU. Ce document est d’abord un document d’accroche et à
ce titre il simplifie une réalité plus complexe.
Conclusion :
Le Brésil s’affirme comme un géant en devenir. Son rôle mondial
s’affirme à l’échelle du continent américain, et de plus en plus, à
l’échelle planétaire (puissance émergente). Cependant, ce rayonnement n’est pas sans limites. Le Brésil ne possède pas encore le soft
power qui permet aux États-Unis de s’imposer à toutes les échelles.
Prépa Bac p. 354
◗◗ Analyse de document 13
Sujet : Le rôle mondial des États-Unis
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le sujet proposé est tout à fait dans l’esprit du deuxième item au
programme sur ce chapitre américain. La consigne invite explici-
tement les élèves à aborder la question de la puissance mondiale
des États-Unis dans tous ses aspects, en identifiant les formes
de domination liées au soft power et celles qui relèvent du hard
power. Le titre même du document aide à la compréhension du
sujet en utilisant le terme de « superpuissance », à savoir une
puissance capable d’exercer une influence à l’échelle planétaire.
Le document proposé est d’une grande richesse et peut se lire à
plusieurs niveaux de lecture. Il date de 1998 et offre une vision
critique de l’impérialisme américain. Les cartouches aident au
décryptage, en particulier des symboles, dont la majorité sont
connus des élèves.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Le relevé d’informations doit être rigoureux et amener l’élève à
l’analyse. En effet, au-delà de la simple description et du listing
des différentes formes de la puissance états-unienne, on attend
que l’élève exploite ses connaissances, utilise les notions et porte
un regard critique sur la représentation. Le prélèvement d’informations doit donc se faire de manière rigoureuse et enrichie. Un
schéma heuristique peut aider les élèves dans cette tâche.
Rôle mondial des États-Unis
Hard power Soft power
1re armée au monde
Présence planétaire
1re éco mondiale
Modèle culturel
Regard critique
Des oublis
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
L’étude critique de documents peut s’organiser selon le plan suivant :
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Le hard power américain
• Présence militaire planétaire :
– sur les mers (déploiement des flottes américaines sur tous les
océans) ;
– dans les airs (maîtrise de l’air et de l’espace grâce aux satellites) ;
– sur la terre (bases américaines ex : San Diego, Guantanamo).
•1re armée au monde (en dépenses, en maîtrise technologique,
1re puissance nucléaire, 1er réseau de satellites et de surveillance
au monde) ;
• des interventions armées pour servir les intérêts ou les idéaux
américains (Afghanistan en 2001, Irak en 2003).
Le soft power américain 
• la première économie mondiale :
– poids des FTN (132 sur les 500 premières mondiales en 2013),
souvent leaders dans leur spécialité : Texaco (pétrole), Microsoft (NTIC), McDo (restauration), Coca (agroalimentaire), Nike
(textile) ;
– domination de certains secteurs économiques : NTIC (Microsoft), et en particulier Internet ; pétrole (Texaco).
• Un modèle culturel (american way of life) :
– force médiatique : chaînes de TV (CNN, NBC…), production
cinématographique (Disney) ;
– alimentaire : Coca Cola, McDo ;
– vestimentaire : Nike.
Limites du document 
Des oublis :
– rôle dans la gouvernance mondiale (FMI, OMC, G8) ;
– la contestation de l’impérialisme américain n’apparaît pas.
• Une vision caricaturale du rôle des États-Unis dans le monde
(et donc à nuancer) :
•
Une caricature (à nuancer)
– Il n’y a pas de collusion entre le soft power et le hard power
(l’image de Mickey et Donald armés est donc à nuancer).
– Le dessin présente l’uniformisation culturelle et la soumission
des autres peuples comme la conséquence de l’américanisation.
Il faut nuancer cette image et parler plutôt d’occidentalisation.
Prépa Bac p. 355
◗◗ Analyse de document(s) 14
Sujet : Le rôle mondial des États-Unis
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le sujet montre le rôle mondial des États-Unis à partir de sa puissance militaire. Le hard power des États-Unis reste sans égal. Ils
constituent le seul pays au monde possédant une force de frappe
et une capacité de projection sur tous les continents et tous les
océans. Le budget de la défense américaine est de très loin, le
premier du monde : il représente 38 % des dépenses mondiales
en 2013 selon le rapport 2014 de l’Institut International des
Études Stratégiques. Cependant, alors que le ministre français
des Affaires étrangères, Hubert Védrine, qualifiait les États-Unis
d’« hyperpuissance » dans les années 90, les années 2000 placent
les États-Unis au rang de première puissance parmi d’autres. Il
convient donc de nuancer la vision d’un monde dominé par la
toute puissance des États-Unis, d’autant que l’intervention en Irak
a montré les limites de la puissance militaire américaine.
Une variante à cet exercice est possible en joignant le document
suivant qui complète la réflexion en montrant un autre aspect de
la domination américaine dans le cadre du soft power.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
On peut aider les élèves à classer les informations à l’aide du questionnement suivant :
156 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
– Quels éléments montrent une force de frappe exceptionnelle ?
– Comment se manifeste le déploiement à l’échelle mondiale de
la puissance militaire américaine ?
– En quoi le réseau d’alliances des États-Unis contribue-t-il à son
rôle mondial ?
Limites du document :
Montrez que la nomenclature fait des choix qui rendent la carte
parfois imprécise.
Quels aspects de la capacité militaire des États-Unis la carte ne
peut-elle montrer ?
Quels aspects des interventions américaines les figurés ne
peuvent-ils montrer ?
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
– Une structure de commandement planétaire : si le siège du
commandement central reste basé aux États-Unis, la défense
américaine a découpé le monde en six grandes zones de commandement continentaux (zones de commandement de l’Amérique
du Nord, de l’Amérique du Sud, du Pacifique (Antarctique compris), de l’Europe, de l’Afrique, de l’Asie centrale / Moyen Orient)
s’assurant une capacité de déploiement rapide et inégalée.
– Une capacité de déploiement aux services des intérêts américains : les bases continentales et maritimes permettent aux
États-Unis d’établir une surveillance partout dans le monde afin
de protéger leurs intérêts économiques, notamment dans le Golfe
Persique où la Navy patrouille au large des détroits stratégiques
d’Ormuz et de Bab el-Mandeb. La capacité de déploiement s’appuie aussi sur un réseau d’alliances héritées de la Guerre froide
comme l’OTAN ou établies de façon bilatérales.
– Limites du document : la carte ne fait pas apparaître la puissance dans le domaine spatial (que ce soit militaire ou civil), le
nombre de bases américaines dans le monde (ex : en Colombie il y
a 7 bases, lorsque la carte utilise un figuré unique), la capacité technique dont disposent les États-Unis et qui contribue à en faire aussi
la première armée du monde et notamment le développement
des armes cybernétiques dans le but de déstabiliser des États par
le piratage de données par exemple. L’absence de nomenclature
ne permet pas de situer les bases de commandement à l’échelle
continentale. Enfin la carte représente, avec un figuré ponctuel,
les interventions américaines mais ne peut traduire la réalité du
terrain et le coût financier et humain de ces conflits.
Prépa Bac p. 356
◗◗ Croquis 3
Sujet : Les dynamiques territoriales du Brésil
Étape 1 : Analyser le sujet
Territoire : la spécificité de ce terme a été largement étudiée en
classe de première. Il convient de rappeler qu’il s’agit d’un espace
approprié et vécu alors que l’État est une entité politique.
Dynamiques : ce terme désigne l’ensemble des grandes évolutions
observées sur un territoire. Ces évolutions peuvent être observées
à plusieurs échelles : nationales (ce qui n’exclut pas de considérer
cet espace dans les relations qu’il établit avec ses voisins ou le
reste du monde), régionales voire locales (échelle intra-urbaine,
surtout). Cependant, la nature de l’exercice cartographique
implique que l’étude multiscalaire est plus délicate. Par exemple,
on ne pourra pas montrer comme dans une composition les dynamiques intra-urbaines des métropoles brésiliennes, en particulier
les inégalités socio-spatiales.
Étape 2 : Choisir les figurés et réaliser le schéma
La légende est entièrement donnée à l’élève. L’exercice proposé
est inverse de celui proposé pour le croquis p. 357. D’ailleurs,
l’élève peut s’inspirer, en les adaptant, des modes de représentation choisis pour le croquis sur l’organisation du territoire
états-unien.
Titre : Les dynamiques territoriales du Brésil
Un territoire de la mondialisation
valorisation des littoraux
interface
Océan
Atlantique
Belem
métropolisation
ville mondiale
Manaus
autre métropole
AMAZONIE
valorisation des espaces transfrontaliers
NORDESTE
Recife
marge en cours d’intégration
Des contrastes spatiaux persistants
Le centre, riche et dynamique
CENTRE-OUEST
Salvador
Brasilia
cœur économique du Brésil
triangle industriel
Belo Horizonte
Océan
Pacifique
Rio de Janeiro
Sao Paulo
triangle décisionnel
Les périphéries plus ou moins intégrées
périphérie intégrée au centre
périphérie marginalisée en crise
périphérie, réserve de puissance
Des dynamiques de rééquilibrage ?
SUD
Porto Alegre
capitale créée en 1962
attractivité du Sudeste
front pionnier
GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
• 157
© Hachette Livre 2014
SUDESTE
Prépa Bac Étape 2 : Élaborer la légende
Le croquis est entièrement réalisé pour l’élève. L’exercice proposé est inverse de celui proposé pour le croquis p. 356. D’ailleurs,
l’élève peut reprendre les titres des grandes parties de la légende
du croquis du Brésil.
Il est également possible de varier l’exercice en fournissant aux
élèves toutes les informations du sujet et en leur demandant de
repérer le figuré utilisé dans le croquis.
p. 357
◗◗ Croquis 4
Sujet : Les dynamiques territoriales des États-Unis
Étape 1 : Analyser le sujet
Pour analyser le sujet, l’élève peut s’appuyer sur le questionnement établi pour l’analyse du sujet p. 356.
PUGET
SOUND
CANADA
Seattle
MAINE
WASHINGTON
DAKOTA
DU NORD
MONTANA
San Francisco
Denver
UTAH
COLORADO
KANSAS
Phoenix
ARIZONA
Océan San Diego
NOUVEAUMEXIQUE
TENNESSEE
Atlanta
ALABAMA
TEXAS
HAWAÏ
1. Un centre majeur de la mondialisation
ville mondiale
autre métropole
0
1 000 km
interface
0
200 km
espace transfrontalier dynamique
(flux de capitaux, de marchandises,
de main-d’œuvre)
PO
LO
CAROLINE
TEXAS
ALASKA
8
DU NORD
METROLINA
MISSISSIPPI
Houston
Washington
7
9
VIRGINIE
ARKANSAS
Dallas
Pacifique
4
New York
KENTUCKY
MISSOURI
OKLAHOMA
Boston
Philadelphie
Baltimore
PENNSYLVANIE
VIRGINIE
OCC.
St Louis
CALIFORNIE
5
OHIO
INDIANA
Cincinnati
ILLINOIS
NEBRASKA
CALIFORNIE
Los Angeles
Pittsburgh
IOWA
3
GA
MICHIGAN
Chicago
NEVADA
NEW
YORK
Detroit
WYOMING
2
1
LI
GRANDS LACS
WISCONSIN
MÉ
DAKOTA Minneapolis
DU SUD
IDAHO
S
MINNESOTA
OREGON
LOUISIANE
NouvelleOrléans
CAROLINE
DU SUD
GÉORGIE
FLORIDE
FLORIDE
Océan
Atlantique
1 VERMONT
2 NEW HAMPSHIRE
3 MASSACHUSETTS
4 RHODE ISLAND
5 CONNECTICUT
6 NEW JERSEY
7 DELAWARE
8 MARYLAND
9 DISTRICT DE COLUMBIA
Miami
MEXIQUE
0
2. Des contrastes spatiaux persistants
250
N
500 km
3. Des dynamiques de rééquilibrage
Nord-Est, cœur économique des États-Unis
gisement énergétique
Megalopolis : hypercentre
héliotropisme (limite de la Sun Belt)
croissant périphérique, espace dynamique
flux interne
(main d’œuvre et capitaux)
espace moteur
flux d’immigration (main-d’œuvre
non qualifiée, élite diplômée)
périphérie, réserve de puissance
(stratégique, énergétique, forestière…)
◗◗ Sitographie
Benoît B., Saussac R., Les Amériques en fiches, Bréal, 2012.
Carto n° 16, L’Amérique du Nord, mars 2013.
Couffignal G., La Nouvelle Amérique latine, La Documentation
française, 2013.
Dabène O., Atlas de l’Amérique latine, Autrement, 2009.
Dabène O., L’Amérique latine à l’époque contemporaine, Colin, 2011.
Monot A., Canada, États-Unis, Mexique, Bréal, 2012.
Théry H., Le Brésil, pays émergé, Colin, 2014.
Bureau du recensement des États-Unis : http://census.gov/
Bureau du recensement du Brésil (pages en anglais) :
http://www.ibge.gov.br/english/
© Hachette Livre 2014
◗◗ Bibliographie
158 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 3 - L’Amérique : puissance du Nord, affirmation du Sud
L’Afrique : les défis du développement
◗◗ Introduction
Plus que tout autre continent, l’Afrique est l’objet de représentations, de dénominations et d’analyses contradictoires. Le mot
Afrique a une origine controversée. Il proviendrait du nom des
« Afri » (sing. « Afer »), une population installée dans la Tunisie
actuelle ou d’« Ifriya », du mot berbère « ifri », rochers. Entré
dans la langue française par le latin, il désigne progressivement
le Maghreb puis l’ensemble du continent. Le chapitre s’appuie sur
les découpages régionaux et les dénominations adoptées par les
publications de l’ONU (p. 395).
Le Nigeria, pays africain le plus peuplé (174 millions d’habitants),
est la puissance régionale dominante de l’Afrique de l’Ouest,
intégrée dans la CEDEAO et membre de l’OPEP. Il a été choisi
comme photographie d’ouverture car sa dynamique spatiale est
représentative du basculement du centre de gravité des régions
intérieures agricoles vers le littoral ouvert sur le golfe de Guinée,
riche en hydrocarbures. Lagos, la capitale économique enrichie
par le pétrole, au cœur de tous les commerces légaux et illégaux,
est emblématique d’une urbanisation non maîtrisée. Elle permet
donc d’aborder les deux principales problématiques du chapitre :
les défis du développement et la place de la l‘Afrique dans la
mondialisation.
L’explosion démographique sans précédent que connaît ce continent, en rupture totale avec le passé, est perçue par certains
comme une chance pour son développement et par d’autres
comme un handicap. Nous nous interrogerons donc sur la capacité de ce continent à relever ces défis démographiques, économiques, environnementaux et politiques (Cours 1), en prenant
pour exemple l’Afrique guinéenne (Exemple 1). De plus, l’Afrique
n’est plus à l’écart du monde, son intégration dans les multiples
flux de la mondialisation modifie rapidement les territoires et les
sociétés (Cours 2), comme l’illustrent l’Afrique du Sud (Exemple 2).
L’étude de cas du Sahara, qui doit ouvrir le chapitre, permet
d’aborder ces problématiques à l’échelle régionale en interrogeant
les enjeux actuels du développement et l’insertion de l’espace
saharien dans la mondialisation.
Étude de cas p. 362-367
Quels sont les enjeux économiques et géopolitiques
du Sahara ? Introduction
Le Sahara, loin d’être un espace à la marge, constitue l’une des
préoccupations majeures de la géopolitique européenne et internationale, mais aussi des FTN. Longtemps considérée comme
une région peu peuplée, peu développée et difficile à contrôler,
le Sahara entre de plain-pied dans la mondialisation (découverte
de ses gisements d’hydrocarbures et miniers). À l’échelle internationale, les conflits parfois anciens (Sahara Occidental), les migrations clandestines, les trafics, ainsi que le terrorisme, placent la
région au cœur de la sécurité internationale. De même, le Sahara
est au cœur de l’actualité géopolitique avec les récentes révolutions tunisienne, égyptienne et libyenne. Cette étude permettra
donc de s’interroger sur le mode de développement du Sahara,
notamment sur sa durabilité, mais aussi sur les effets de l’intégration du Sahara dans la mondialisation. En cela, elle permet d’aborder les grandes problématiques de ce chapitre.
p. 360-395
1.En quoi le Sahara est-il un espace de fortes
contraintes mais disposant de ressources ?
p. 362-363
Présentation des documents
« Sahara » est dérivé du mot arabe « ashar », la couleur ocre.
Sa délimitation fait débat. Certains auteurs (J. Bisson) excluent
le Soudan et l’Égypte. Ici, les limites bioclimatiques délimitent le
désert (doc. 1) : la pluviométrie, caractérisée par sa faiblesse et
son irrégularité, ainsi que la végétation doivent nécessairement
être prises en compte. La carte 1 souligne le déséquilibre du peuplement en faveur du littoral et la diversité du peuplement, qui
explique, en partie, la fragmentation géopolitique et les tensions.
Les ressources du Sahara sont nombreuses. Le Sahara dispose
d’immenses réservoirs d’eau souterraine, profondément enfouis
(doc. 2). À partir des années 1960, les progrès technologiques ont
permis de les exploiter par le biais d’opérations étatiques « pharaoniques » (Libye, Égypte). Mais ces grands travaux qui ont servi
à légitimer les pouvoirs en place suscitent des tensions entre
l’Algérie et la Libye qui pompent dans la nappe d’eau transfrontalière. Ils se font souvent au détriment de l’agriculture traditionnelle (doc. 4). Enfin, les ressources énergétiques accroissent
le poids économique et politique du Sahara (doc. 5). Les hydrocarbures sont exploités depuis la fin des années 1950 (surtout en
Algérie et en Libye) et la diversité des minerais est remarquable.
Les « Sahara Towns » (O. Pliez) sont exclusivement occupées à
l’exploitation minière (Zouérat). Le doc. 3 permet d’évaluer le
développement inégal impulsé par ces ressources.
◗◗ Réponses aux questions
1.Le Sahara présente les contraintes des déserts chauds : les
conditions de vie y sont rudes, son immensité (8,5 millions de
km2) a rendu son contrôle difficile, il a longtemps été considéré
comme un « espace inutile ». La découverte de ressources stratégiques a changé considérablement cette donne depuis les années
1950. Une autre contrainte réside dans la répartition déséquilibrée
de la population en faveur des littoraux méditerranéen et atlantique et en défaveur du Sahara où les populations se concentrent
dans les oasis et les villes.
2.La ressource en eau fossile est importante mais son exploitation est difficile et coûteuse : elle est l’objet d’aménagements
de grande ampleur tels que les stations de pompage, les aqueducs, les grands canaux d’irrigation construits par les États, en
particulier la Libye et l’Égypte pour les plus importants d’entre
eux (doc. 2). La culture irriguée moderne est très consommatrice
d’eau et concurrence les cultures traditionnelles, plus économes
et rationnelles dans leur gestion de l’eau (doc. 4). On s’interroge
actuellement sur la durabilité de ces aménagements face à l’épuisement, à terme, des ressources en eau fossile.
3.Les ressources énergétiques ne bénéficient pas ou peu aux
populations sahariennes : elles sont destinées à l’exportation
(minerais et hydrocarbures) ou aux populations littorales (hydrocarbures peu chers), mais elles sont peu génératrices d’emploi
(cf. taux de chômage) ou de construction d’équipements locaux,
autres que ceux liés à l’industrie ou aux mines, qui bénéficieraient
aux populations. Enfin, les bénéfices financiers liés aux revenus de
l’énergie ne semblent pas profiter aux pays les plus pauvres de la
région, comme le montrent les bas niveaux d’IDH et de revenus
(Niger, Mali, Tchad, Soudan).
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
• 159
© Hachette Livre 2014
G éo G r a phie
chapitre 4
2.Pourquoi le Sahara est-il un espace géopolitique
fractionné ? p. 364-365
3.Pourquoi le Sahara est-il un espace convoité ?
p. 366-367
Présentation des documents
Présentation des documents
Les conflits et tensions sont de plus en plus vifs : aux conflits larvés comme celui du Sahara Occidental (doc. 6), s’ajoutent les tensions liées à la circulation des migrants dont les parcours vers l’Europe sont de plus en plus longs et complexes pour échapper aux
patrouilles. Le Sahara deviendrait une « nouvelle frontière » de
l’Union européenne et, en tout cas, un nouveau carrefour international, y compris pour des migrants très lointains. Certaines villes
(Tamanrasset, Sebha, Agadès) sont des villes relais dans ces circulations et, paradoxalement, sont revitalisées par ces nouveaux
flux (doc. 7).
Les convoitises sur les ressources (doc. 11) peuvent se lire à
plusieurs échelles et attisent les tensions et conflits. À l’échelle
locale, il s’agit des conflits entre pasteurs et paysans (par exemple
entre les éleveurs maures et les cultivateurs noirs autour du fleuve
Sénégal) ou à proximité de la gestion de l’eau (au détriment de la
petite paysannerie et en faveur des populations des villes littorales). À l’échelle nationale, les bénéfices de la rente pétrolière
sont très inégalement répartis. Les États sont confrontés aux
rébellions des Touaregs, berbérophones marginalisés réclamant
davantage de reconnaissance et des mesures de décentralisation. La carte montre enfin les conflits interétatiques : conflit
de la Bande d’Aozou et, surtout, conflit du Sahara Occidental.
Les enjeux sont politiques (la monarchie fait valoir ses « droits
historiques » sur la région) mais aussi économiques (accès aux
ressources). Les intérêts étrangers sur le Sahara (doc. 12 et 13)
sont liés au potentiel énergétique de la région. La Chine est très
présente. De nombreuses voix s’élèvent pour contester les projets français ou allemand sur l’énergie solaire (qui sont en concurrence !), en particulier parce que les retombées locales seraient
bien faibles… On retrouve souvent la même critique pour le
tourisme (doc. 14), dont les bénéfices profiteraient surtout aux
tour-opérateurs ; mais un tourisme « local » se développe. La
réactivation du commerce transsaharien est fulgurante (doc. 15),
grâce au désenclavement routier et à la réouverture des frontières
(Tchad-Libye). Les trafics d’armes et de drogue empruntent des
routes de plus en plus longues et complexes (ex : cocaïne en provenance d’Amérique latine, héroïne en provenance d’Afghanistan,
etc.). Il semble que certaines régions sahariennes (sud libyenne,
par exemple) soient aujourd’hui tout à fait incontrôlées.
Les grandes puissances portent un intérêt à la région depuis les
attentats du World Trade Center de septembre 2001 : se sont
alors multipliés les accords militaires et de sécurité entre les
États-Unis et les pays de la région ; l’Europe a suivi ce mouvement, en particulier depuis l’enlèvement par le mouvement Aqmi
de ses ressortissants dans la zone (doc. 8 et 10). Ils tentent de
pallier les insuffisances des États de la région : manque de moyens
financiers et logistiques, liens entre certaines populations locales
et le mouvement Aqmi, corruption…
Cependant, la présence des grandes puissances est plutôt mal
perçue, car souvent accusées de perpétuer une exploitation économique néocoloniale (cf. le rôle des FTN qui ont été directement
ciblées par les attentats ou enlèvements). Cette perception est
à peine atténuée par l’intervention humanitaire de l’ONU ou du
HCR : les conditions de vie dans les camps de réfugiés sont souvent très précaires (doc. 9).
◗◗ Réponses aux questions
1. Le Sahara est une zone de grande instabilité, comme en
témoignent les conflits armés et les attentats liés à la mouvance
islamiste. De plus, de vives tensions sont dues à la circulation des
migrants clandestins et à l’existence de camps de réfugiés vivant
dans une grande précarité. À ceci s’ajoutent les mouvements de
contestation et des révolutions qui, dans le cas de la Libye, ont
conduit à une guerre civile. Les facteurs de cette instabilité sont
d’ordre politique, car ces pays sont majoritairement dirigés par
des acteurs non démocratiques, contestés localement et souvent
en conflit avec les États voisins. Ils sont aussi d’ordre économique
et social car liés à la pauvreté, aux sécheresses, aux guerres et au
rôle des réseaux mafieux.
2.Pour les grandes puissances, l’enjeu stratégique que repré-
© Hachette Livre 2014
sente le Sahara est lié à la maîtrise des migrations en provenance
de cette région et à l’accès aux ressources énergétiques qu’elles
veulent développer ou sauvegarder pour leurs FTN (comme Aréva
au Niger). De manière générale, l’instabilité politique et le terrorisme inquiètent au plus haut point les grandes puissances qui y
ont des ressortissants et des intérêts économiques à protéger.
3. Les grandes puissances, l’Europe en particulier, tentent de maîtriser les flux de clandestins par le dispositif appelé « frontex »,
qui permet la surveillance commune de la Méditerranée. De
nombreux accords bilatéraux, sécuritaires et militaires, sont aussi
signés entre États pour contrôler localement la région ; c’est dans
cette perspective que des camps de détention des migrants se
sont créés en Algérie et en Libye.
Par ailleurs, les grandes puissances sont aussi présentes par le
biais des Organisations internationales : postes d’observation de
l’ONU au Sahara Occidental ou gestion de camps de réfugiés en
Algérie ou au Soudan.
◗◗ Réponses aux questions
1.Les autorités nationales (rente pétrolière, accords avec les
FTN, collusion avec les réseaux mafieux, bénéfices liés aux trafics)
profitent des ressources. Les puissances internationales bénéficient directement ou indirectement, par le biais de leurs FTN,
des richesses sahariennes (pétrole, gaz, uranium). Enfin, certains
groupes spécifiques peuvent aussi profiter de la ressource que
constitue le tourisme national ou international. Par exemple, la
« dune Fram », dans le sud marocain, emploie du personnel localement. On assiste à l’essor d’un tourisme de randonnée ou d’hébergement chez l’habitant dans cette même région.
2. Les convoitises sur les ressources constituent des facteurs permanents de tensions, y compris dans des conflits larvés comme
celui du Sahara Occidental qui oppose depuis 30 ans le Maroc et
l’Algérie. Il en est de même pour le Darfour ou la bande d’Aozou
(velléités de M. Khadafi de contrôler une voie d’accès stratégique
vers le Tibesti), qui ont été les lieux de guerres et d’exode de populations. Les raisons de ces conflits sont politiques mais intègrent
toujours une dimension économique (voie d’accès stratégique,
espoir de trouver des ressources énergétiques ou minières, etc.).
Enfin, on peut s’interroger sur les tensions que pourrait susciter le
projet Desertec du fait de son coût, mais surtout des retombées
minimes pour les populations locales.
3. Les activités illicites, comme les trafics de drogue et d’armes,
sont étroitement liées aux activités criminelles. Les unes et les
autres sont dues à l’absence d’alternative de développement local
et, souvent, au désintérêt des États pour certaines régions et communautés livrées à elles-mêmes. Aussi, pour certains, participer
aux trafics relève de la survie ; pour d’autres, qui bénéficient de
l’appui des autorités locales corrompues, politiques et militaires, il
160 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
Cours 1 p. 368-369
Le Sahara, ressources, conflits
Présentation des documents
Les documents viennent compléter ceux de l’étude de cas. L’élève
pourra donc s’appuyer sur ceux-ci pour réactiver les idées principales de l’étude de cas. Le document 1 vise à rappeler les
contraintes physiques (aridité, immensité) et permet d’aborder la diversité des paysages du Sahara en le confrontant aux
documents 9 p. 365 et 14 p. 367 (erg, reg mais aussi parfois montagnes et oasis). Il rappelle que cet espace est difficilement accessible, divisé en petits territoires en marge des espaces nationaux
et parcouru par des routes qui en font un espace de circulation.
Ce sont sur ces mêmes routes que se joue aujourd’hui l’immigration clandestine vers l’Europe et que voyagent des marchandises
licites et illicites (armes, stupéfiants). Les élèves seront donc
amenés à s’interroger sur l’inégale capacité des États à contrôler
ces routes. Les documents 2 et 3 abordent la question des ressources très convoitées du Sahara. Les lieux cités sont à localiser
grâce aux documents 12 p. 366 et 5 p. 363. La mise en valeur des
ressources minières et énergétiques se fait dans un contexte physique très contraignant : immensité (doc. 2), contrainte de la distance (doc. 3 : piste de « 600 km »). Toutefois, il faudrait rappeler
que l’exploitation des hydrocarbures à Hassi Messaoud (Algérie)
a donné naissance à un développement urbain et une forme très
spécifique d’occupation du désert. Le document 3 permet enfin
d’aborder le contexte politique, économique et social de l’exploitation de l’uranium au Niger. L’élève sera amené à présenter les
différents acteurs qui convoitent l’uranium et ses retombées
financières (FTN, État nigérien, France, Chine, société civile). Ce
texte permet d’aborder à la fois le mal développement du Niger
malgré la possession de ressources naturelles stratégiques, l’implication croissante de la Chine dans l’exploitation de ces ressources
et la dépendance de l’État nigérien.
Cartes 1 p. 370-371
Le continent africain face au développement
Présentation de la carte 1
Les densités opposent des vides humains (déserts, forêt équatoriale) à des pleins : hautes terres tropicales (Addis-Abeba à
2 450 m d’altitude, Nairobi à 1 500 m, le Gauteng à 1 500 m), vallée
du Nil, delta du Niger et capitales économiques et/ou politiques.
La croissance des agglomérations de plus de 500 000 habitants
marque une urbanisation récente. Les grands flux migratoires, à
différentes échelles et aux motifs variés, permettent d’appréhender la complexité des mobilités internes à l’Afrique et les destinations des migrations externes.
◗◗ Réponses aux questions
1. Les pôles majeurs de peuplement sont les régions côtières de
l’Afrique du Nord, l’Afrique Occidentale de la zone sahélienne
au golfe de Guinée et les hautes terres de l’Afrique Orientale et
Australe. À l’opposé, le désert du Sahara marque un vide avec un
peuplement très discontinu en oasis. Du Soudan à la Namibie, les
densités sont faibles à très faibles.
2.L’urbanisation récente s’observe par le poids démographique
et la multiplication des agglomérations de plus de 500 000 habitants, au nombre seulement de 10 en 1960. Le doublement de la
population de certaines villes depuis 1990 s’explique par les flux
migratoires et l’accroissement naturel.
3. Les migrations à l’échelle locale concernent les réfugiés, les
déplacés et une partie des migrations de travail. À l’échelle nationale, le Sénégal, la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Nigeria, le Gabon, le
Kenya, la Tanzanie et l’Afrique du Sud attirent les migrants économiques. Les États du Maghreb sont des pays de transit pour des
migrants à destination de l’UE. Les migrations extracontinentales
s’orientent vers l’UE, l’Amérique du Nord et le Moyen-Orient.
Présentation de la carte 2
Face aux défis du développement, l’Afrique est contrastée. La
carte, non exhaustive, permet de dégager les disparités territoriales du développement sur les plans démographique, socio-économique et politique. Elle pointe quelques obstacles majeurs. Les
indicateurs choisis sont : la maîtrise de la fécondité, la présence
de métropoles millionnaires, expression d’une urbanisation de la
pauvreté, l’IDH, la situation de PMA, la persistance des conflits.
Le mauvais état de santé des populations est mis en évidence par
le poids du VIH.
◗◗ Réponses aux questions
1. En Afrique subsaharienne, la fécondité est partout supérieure
à 3 enfants par femme, à l’exception du Botswana et de l’Afrique
du Sud.
2. Les obstacles au développement sont de natures variées. Les
obstacles socio-économiques sont la pauvreté de masse et l’insécurité sanitaire manifestées par la diffusion des maladies comme
le VIH/sida. Les tensions politiques et les conflits armés déstructurent les sociétés et bloquent leur développement. Les pays les
plus concernés sont ceux de l’Afrique subsaharienne où les PMA
cumulent, par définition, un PIB/hab faible, un IDH bas et une
vulnérabilité économique marquée notamment par la dépendance alimentaire et financière.
3. Les deux espaces régionaux les plus développés sont l’Afrique
du Nord, du Maroc à l’Égypte, et l’Afrique australe dont les pays
ont un IDH compris entre 0,58 et 0,76 : c’est-à-dire un IDH moyen
à l’échelle mondiale.
Cours 2 p. 372-373
Le continent africain face au développement
Présentation des documents
Les documents posent les défis majeurs du développement : la
croissance de la population, la pauvreté, la place des jeunes et des
femmes, les aspirations à la santé, l’éducation et l’État de droit.
1. Les deux cartes par anamorphoses représentent pour chaque
pays africain son poids démographique (nombre d’habitants), économique (PIB en milliard de dollars) et le niveau de richesse de
ses habitants (PIB/habitant) et permet de les comparer. Le croisement de ces informations, à l’échelle du continent et pour chaque
État, permet de dégager les conditions démographiques et économiques du développement. Pour approfondir, utiliser les cartes
p. 370-371.
2. L’article de presse extrait de Jeune Afrique, hebdomadaire pour
un public d’Afrique francophone (siège à Paris), permet d’insister
sur le renouveau de la thématique du développement en Afrique
depuis le mouvement du « printemps arabe » de 2011. Il dénonce
le retard de l’Afrique par rapport aux pays d’Asie et d’Amérique
latine, pourtant du Tiers monde dans les années 1960.
3. Aya de Yopougon est une BD de la scénariste Marguerite
Abouet et du dessinateur Clément Oubrerie, populaire en
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
• 161
© Hachette Livre 2014
s’agit plutôt de grand-banditisme et/ou de la participation à des
mouvements à la fois terroristes et mafieux.
Côte d’Ivoire et dans la diaspora ivoirienne. Aya, 19 ans, s’affirme avec une énergie à toute épreuve dans la Côte d’Ivoire
des années 1980, avant les crises économiques et les déchirures politiques. « Je veux raconter dans Aya, une Afrique sans
les clichés de la guerre et de la famine, cette Afrique qui subsiste malgré tout car, comme on dit chez nous, la vie continue. »
M. Abouet
4. Repère : Le graphique sur l’évolution de la population africaine
de 1960 à 2020, en valeur absolue pour le continent et l’Afrique
subsaharienne, illustre l’explosion démographique vécue depuis
les indépendances. L’Afrique vit sa transition démographique
(accroissement naturel élevé). Les projections restent à la hausse
malgré les guerres, la persistance des maladies infectieuses et des
épidémies comme le paludisme ou le sida, car la population est
jeune.
de vie augmente (de 48 à 52 ans au Nigéria) et l’accès à l’eau en
milieu rural progresse un peu (de 41 à 47 % au Nigéria).
2.Le développement repose sur une économie rentière : ressources convoitées en hydrocarbures (au large du Nigéria, de la
Côte-d’Ivoire, du Gabon et de l’Angola), ressources minières (or,
diamants) et les cultures commerciales (coton, café, cacao, etc.).
En Angola, au Congo, au Nigéria et au Liberia, les ressources naturelles représentent plus de 70 % des exportations. La dépendance
économique y est donc très forte.
◗◗ Réponses aux questions
3. L’IDH est faible en moyenne (0,488) voire très faible pour certains pays (6 pays sur 13). Les signes du mal développement sont
nombreux : 47 % des ruraux ont accès à l’eau au Nigéria mais
uniquement 29 % en RDC. L’espérance de vie est peu élevée : de
49 ans en République Démocratique du Congo à 63 ans au Gabon.
Enfin, les écarts de richesse sont très forts avec un RNB/hab.
allant de 230 $ en République Démocratique du Congo à 10 040
au Gabon.
1. a. Les cinq pays les plus peuplés d’Afrique en 2012 sont le Nige-
4.Les freins au développement sont nombreux : une croissance
ria (165 millions d’habitants), l’Égypte (82 millions d’habitants),
l’Éthiopie (82 millions d’habitants), la RDC (68 millions d’habitants) et l’Afrique du Sud (50 millions d’habitants).
b. Les pays au niveau de vie le plus élevé sont, par ordre décroissant, la Libye (6 millions d’habitants) et la Guinée équatoriale
(0,6 million d’habitants), l’Angola (20 millions d’habitants), pays
pétroliers peu peuplés, la Namibie (2 millions d’habitants), pays
minier, et l’Ile Maurice (1,2 million d’habitants), île touristique et
paradis fiscal.
urbaine de la population toujours forte, la piraterie, des conflits
entre États pour le contrôle des hydrocarbures offshore, des pollutions aux hydrocarbures entravant les activités agricoles et de
pêche. Enfin, certains pays sont considérés comme défaillants,
particulièrement la RDC, la Côte d’Ivoire et le Nigéria. Ces États
instables n’ont donc pas les moyens de mettre en place de véritables politiques de développement.
Cartes 2 2. Après l’Asie et l’Amérique latine, l’Afrique est le dernier des
territoires décolonisés à entrer dans le processus de développement : le défi majeur actuel à relever pour ce continent.
3. Le père d’Aya ne peut comprendre que sa fille décide d’entrer
dans la vie active avec un métier, médecin, qui nécessite des
études longues. Aya est en rupture avec la tradition familiale qui
assigne à la fille puis à la mère de consacrer son temps et sa vie à
sa famille (au sens famille élargie).
© Hachette Livre 2014
Exemple 1 p. 374-375
p. 376-377
Le continent africain face à la mondialisation
Présentation de la carte 1
L’Afrique est insérée dans le processus de mondialisation depuis le
commerce triangulaire, la colonisation et l’explosion des échanges
mondiaux au xxe siècle. La permanence d’une économie extravertie et de rente explique la littoralisation des connexions aux flux
mondiaux.
◗◗ Réponses aux questions
Pourquoi le développement de l’Afrique guinéenne
est-il si contrasté ?
1. Dans le cadre de la mondialisation, les ressources exploitées
au Sahara sont le pétrole, le gaz, l’uranium. Ailleurs en Afrique,
l’exploitation des ressources énergétiques et minières est plus
diversifiée.
Présentation des documents
2.Les ressources nouvellement convoitées sont celles des litto-
Le choix des documents est ici centré sur la notion de développement, qui selon Bernard Bret, désigne « l’amélioration des conditions et de la qualité de vie d’une population » (hypergeo.eu).
Ainsi, la carte (doc. 1) montre que les richesses naturelles n’impulsent pas toujours un développement économique et humain
(économies rentières) mais des signes de développement apparaissent dans certains pays (doc. 1 et 5) : IDH supérieur à la
moyenne guinéenne, développement d’infrastructures de confort
(électrification). Se côtoient richesse, modernité et manifestations du mal développement à toutes les échelles (doc. 2 et 3) :
concentration de la richesse dans les métropoles comme Lagos,
contraste entre l’augmentation forte du RNB au Gabon et une
diminution de l’accès à l’eau. Ce développement est fragile à
cause des conflits, des convoitises, de la faiblesse actuelle du
développement et des menaces environnementales (doc. 4).
raux et les terres agricoles sont recherchées par les FTN de l’agroindustrie pour contrôler le commerce alimentaire mondial.
◗◗ Réponses aux questions
1. La modernisation des quartiers d’affaire dans les grandes villes
(Lagos), la modernisation de certaines campagnes par l’électrification, de plus en plus par l’énergie solaire sont des manifestations
d’une amélioration des conditions de vie. Par ailleurs, l’espérance
3. Les infrastructures de transformation et d’exportation sont
localisées dans les villes portuaires reliées à leur arrière-pays par
des voies ferrées et des oléoducs (cartographiés), les routes et
les aéroports (non cartographiés). Quelques régions se situent
à l’intérieur (Gauteng, Nairobi). Cette répartition est révélatrice
de la permanence d’un système économique extraverti fondé sur
l’exploitation et l’exportation des ressources minières, agricoles et
énergétiques depuis la colonisation.
Présentation de la carte 2
La carte est centrée sur les trois grands types d’espaces de la
mondialisation en Afrique.
1. Les métropoles politiques et/ou économiques sont les relais de
la mondialisation selon leur poids démographique, économique et
culturel.
2. Les grandes régions intégrées à la mondialisation sont les
façades littorales connectées par de grands ports, les États vivant
de la rente pétrolière ou des devises du tourisme ainsi qu’une zone
protéiforme articulée sur des flux et réseaux illicites mondialisés.
162 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
◗◗ Réponses aux questions
1. Les villes et les littoraux sont des territoires d’interface. Ce
sont les relais pour les flux mondialisés de personnes, de marchandises licites et illicites, de capitaux et d’informations entre l’Asie,
l’Europe et l’Amérique. En tête des réseaux urbains nationaux,
les métropoles (Johannesburg, Lagos, Le Caire, Kinshasa, Alger,
Casablanca, Nairobi, Dakar, Luanda…) ont un rôle majeur dans
chaque État.
2. L’intérieur du continent s’intègre inégalement à la mondialisation. Les capitales politiques et économiques sont des centres
relais avec un poids très inégal. Le Gauteng, bien relié au littoral,
est une région ouverte avec Pretoria et Johannesburg, seule place
financière globalisée d’Afrique. Plus au nord, de vastes régions aux
ressources exploitées et convoitées constituent une zone grise de
la mondialisation marquée par l’insécurité et les trafics en tous
genres (minerais, drogues, armes, humains…) reliés aux réseaux
mondialisés.
3. L’Afrique du Sud, l’Égypte et le Nigeria sont intégrés à la mondialisation. L’Angola, la Tunisie et le Kenya sont en cours d’intégration. Le Tchad, la Centrafrique et la Zambie sont des marges
inégalement impliquées dans la mondialisation.
Cours 3 p. 378-379
Le continent africain face à la mondialisation
Présentation des documents
La place de l’Afrique dans la mondialisation est renouvelée au
début du xxie siècle.
1. Les graphiques (doc. 1 et Repère) permettent de repérer l’inflexion des courbes sur les exportations et les IDE au tournant du
xxie siècle. La part de l’Afrique dans les exportations mondiales,
après une longue période de baisse, remonte à partir de 2003, tandis qu’explose la valeur des exportations en raison de la hausse du
cours mondial des matières premières et énergétiques. De même,
la part du montant global des IDE vers l’Afrique, quoique faible, a
augmenté.
2. Le phénomène qui surprend tous les observateurs et change
radicalement la donne en Afrique est la présence renforcée des
Chinois depuis les années 2000. Tous les secteurs sont concernés, même les relations diplomatiques sont modifiées par l’impact
économique, social et culturel de cette puissance émergente.
3. Le tableau indique la place prépondérante de l’Afrique dans
les productions minières mondiales. Ceci explique les tensions
et les enjeux considérables pour la maîtrise de celles-ci dans un
contexte de forte demande. Deux pays miniers sont en tête.
L’Afrique du Sud a fondé sa puissance industrielle et financière
sur la maîtrise de ses richesses minières. La RDC, deuxième pays
minier, est entièrement dans la zone grise contrôlée par les compagnies minières étrangères et les seigneurs de guerre locaux.
4. Fait nouveau : l’émergence de classes moyennes urbaines
solvables qui s’intègrent dans la société mondialisée avec de
nouvelles valeurs, de nouvelles pratiques de travail, de consommation et de loisirs. La révolution numérique et la mobilité des
populations sont des facteurs de changement. Photographie de
Joan Bardeletti issue d’un reportage sur les classes moyennes
en Afrique. www.classesmoyennes-afrique.org/fr/leprojet/
joan-bardeletti/
◗◗ Réponse à la question
Par son comportement, son téléphone mobile, ses deux enfants,
ce couple semble appartenir à la classe moyenne urbaine pour qui
la plage est un lieu de détente et la famille restreinte un choix de
vie.
Exemple 2 p. 380-381
Comment l’Afrique du Sud s’intègre-t-elle
dans la mondialisation ?
Présentation des documents
Le choix des documents est guidé par la question de l’intégration de l’Afrique du Sud dans la mondialisation à travers certains aspects de la notion d’émergence aux échelles mondiales
et régionales (doc. 1 et 5), nationales (doc. 1 et 3) et locales
(doc. 4). Les documents 1 et 2 permettent de mettre en avant
l’émergence économique de l’Afrique du Sud : une économie rentière qui s’ouvre sur le monde et attire les convoitises, notamment de la Chine. Les documents 2 et 5 insistent sur l’aspect
politique de l’émergence : l’Afrique du Sud est la grande puissance
d’Afrique australe et du continent africain, mais aussi une puissance de plus en plus intégrée au concert des nations mondiales
(membre des BRICS depuis 2011 à l’invitation de la Chine). Enfin,
les documents 3 et 4 montrent les contradictions de l’émergence
par des inégalités sociales persistantes et des marques d’un mal
développement.
◗◗ Réponses aux questions
1. L’émergence économique de l’Afrique du Sud repose surtout
sur son économie minière rentière (40 % des réserves mondiales
d’or), des équipements et des infrastructures (ports en eau profonde et voies ferrées) lui permettant d’exporter ses ressources.
L’Afrique du Sud est aussi située sur la route maritime des plus
gros navires entre l’Asie et l’Europe. Enfin, elle est au cœur d’un
marché de consommateurs de 260 millions de personnes (SADC),
dont une classe moyenne noire en essor. D’où l’intérêt marqué de
la Chine pour investir dans ce pays à l’articulation entre le monde
et le continent africain.
2. Deux échelles d’intégration politique peuvent être distinguées.
À l’échelle mondiale, les liens commerciaux avec la Chine (doc. 2)
ont favorisé l’émergence politique de l’Afrique du Sud. Son entrée
dans le groupe des BRICS en 2011 lui permet aujourd’hui de solliciter une place de membre permanent au Conseil de sécurité
de l’ONU (doc. 5). À l’échelle régionale, ses interventions dans le
cadre de missions de maintien de la paix (RDC, Soudan) montrent
son poids politique en Afrique.
3.De nombreuses inégalités sociales caractérisent aujourd’hui
l’émergence sud-africaine. Si l’accès à l’eau en milieu rural (79 %)
est supérieur à la moyenne de l’Afrique subsaharienne, le fort
taux de prévalence du VIH (17,9 %), la pauvreté (49,6 % de la
population a un travail), et la violence (fort taux d’homicides)
(doc. 2) montrent que la société sud-africaine connaît encore les
marques du mal développement. Les produits de la mondialisation côtoient la pauvreté des townships (doc. 4) : des symboles
de la société de consommation (Coca-Cola) se retrouvent dans les
zones urbaines les plus pauvres où les routes sont en terre battue
et où les femmes vont chercher de l’eau avec des seaux.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
• 163
© Hachette Livre 2014
3.Les puissances africaines sont des périphéries inégalement
intégrées dans la mondialisation.
Prépa Bac p. 382-383
◗◗ Composition 7
Sujet : Le Sahara : ressources, conflits
Étape 1 : Analyser le sujet
Sahara : le Sahara est une région de 8,5 millions de km2, de 10 millions d’habitants, composée de huit pays (la Mauritanie, le Mali, la
Libye, l’Algérie, l’Égypte, le Soudan, le Tchad et le Niger). Elle se
construit autour du plus grand désert du monde, et appartient à
l’aire arabo-musulmane.
Ressources : les ressources en eau et en énergie (fer, uranium,
phosphate, cuivre, or, pétrole, gaz…) découvertes dans les années
1950 attisent les convoitises.
Conflits : ces ressources font du Sahara une région stratégique,
en proie à de nombreuses tensions. Ces tensions sont surtout
liées au partage inégal des ressources et aux conflits d’usage à
plusieurs échelles.
Étape 2 : Élaborer le plan
Arguments
Exemples
Paragraphe 1
Un désert riche en
ressources mais peu
peuplé
– Le Sahara est un espace contraignant peu peuplé.
– La population y est relativement faible.
– Les populations sahariennes sont culturellement très
diverses.
– précipitations inférieures à 100 mm/an
– plus de 8,5 km²
– 7 millions d’habitants
– nomades Touaregs, minorités berbérophones,
minorités chrétiennes, animistes
Paragraphe 2
Un espace géopolitique
fragmenté
– Le Sahara est un espace politiquement instable.
– Longtemps à la marge, l’espace saharien est au cœur de la
géopolitique internationale.
– conflits internes ou internationaux
– présence de l’ONU
Paragraphe 3
Un désert convoité par
de nombreux acteurs
– Les ressources énergétiques sont variées mais bénéficient
peu aux populations sahariennes.
– Des conflits sont générés, directement ou indirectement,
par les ressources naturelles.
– L’essor des trafics au Sahara a pris une ampleur inégalée.
– FTN dans l’exploitation des hydrocarbures
– conflits pour les ressources hydrauliques
– trafic de drogues, d’armes
Étape 3 :
La composition peut être rédigée en suivant le plan proposé dans
le tableau ci-dessus.
Étape 4 : Illustrer la composition par des schémas
Schéma 1 : Des ressources importantes, mais qui profitent peu
à la population
Une région riche en ressources...
ressource en eau
et aménagement
hydraulique
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zone d’exploitation
des énergies (pétrole,
gaz, ressources minières)
exportation
des ressources
Schéma 2 : Un désert convoité et sous tensions
... qui profitent peu
à la population locale
Des tensions importantes
Un espace au cœur
de la politique internationale
zone d'insécurité
alimentaire et de
mal-développement
zone d'instabilité
politique
présence de l'ONU
importation nécessaire
de denrées alimentaires
lieu de tensions
liées aux migrations
Frontex
région à faible densité,
peuplée par des
groupes minoritaires
zone d'activité
de Al-Aqmi
164 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
flux migratoire
Prépa Bac rité, une plus grande satisfaction de leurs besoins. En Afrique, il
implique un accès à tous à l’eau potable, à une alimentation suffisante, à l’école, à la santé, à un travail décent… Les obstacles à
relever sont nombreux : surmonter l’insécurité alimentaire, renforcer les structures économiques, régler les conflits armés…
p. 384-385
Composition 8
Sujet : Le continent africain face au développement et
à la mondialisation
Mondialisation : Il s’agit ici de jouer avec les échelles et de réfléchir à l’insertion d’un continent dans le processus de la mondialisation. L’Afrique est, dans son ensemble, une périphérie dominée
de la mondialisation, mais ses territoires s’intègrent inégalement
dans le processus de mondialisation.
Étape 1 : Analyser le sujet
• Délimiter l’espace concerné et identifier les mots-clés
Continent africain : Les disparités intra-régionales du continent
africain sont nombreuses : disparités entre les pays (l’Afrique du
Sud est une puissance complète, les États du Maghreb émergent
et diversifient leurs économies, l’Afrique subsaharienne concentre
34 PMA…), à l’intérieur des pays (entre les régions, entre les quartiers des grandes villes)… Le continent africain peut être qualifié
de « périphérie dominée » de la mondialisation, mais il s’affirme
peu à peu comme un nouvel acteur de la géopolitique mondiale
et, là encore, les disparités concernant l’intégration dans la mondialisation sont importantes.
Développement : Il désigne l’ensemble des processus sociaux
et économiques apportant aux hommes une plus grande sécuGrandes parties
• Dégager la problématique
En exercice préalable, les élèves peuvent mettre au brouillon
toutes les questions qui doivent être abordées pour répondre au
sujet. Elles peuvent aider à la construction du plan et à la formulation de la problématique : Quelles sont les spécificités du continent africain ? Quel rôle joue l’Afrique dans la mondialisation ? En
quoi le développement est-il un défi majeur pour le continent africain ? Quelles sont les dynamiques récentes de l’Afrique ?
Étape 2 : Élaborer le plan
Arguments
Exemples
I. Un continent en marge de la
mondialisation, qui s’affirme
progressivement
a. L’Afrique demeure une périphérie dans la
mondialisation.
b. L’Afrique devient un nouvel acteur
géopolitique sur la scène internationale.
– L ’Afrique représente à peine 4 % de la valeur des
exportations dans le monde.
–C
ertaines régions d’Afrique servent de bases aux
groupes terroristes et à la piraterie.
II. Un continent qui se confronte aux
défis du développement
a. L’Afrique est en mal de développement.
b. L’Afrique doit surmonter les obstacles à son
développement.
c. De nouveaux leviers de développement se
mettent progressivement en place.
– L’Afrique a l’IDH continental le plus faible du
monde.
– Les conflits armés concernent 20 % de la
population africaine.
– Les plans d’ajustements structurels, imposés par
le FMI et la Banque mondiale, ont réduit la dette
des États africains.
III. Les « Afriques », des disparités
qui se creusent à toutes les
échelles
a. L’Afrique du Sud s’impose comme seule
puissance complète.
b. Des puissances régionales émergent.
c. L’Afrique subsaharienne accuse un retard
important.
– L’émergence de l’Afrique du Sud est un modèle
pour les autres pays d’Afrique.
– Les États du Maghreb affirment leur puissance
grandissante.
– 3 4 des 49 PMA sont en Afrique subsaharienne.
Étape 3 : Rédiger la composition
Utiliser des mots de liaison.
Tout d’abord, l’insécurité alimentaire concerne tous les pays.
Ainsi, la malnutrition touche environ 230 millions de personnes
et les émeutes de la faim sont récurrentes (2008). En effet, faute
d’investissement, les agricultures vivrières sont délaissées pour
les cultures d’exportation (café, cacao, fleurs…). En parallèle, les
risques environnementaux (érosion des sols, déforestation, désertification) pénalisent localement les pratiques agricoles.
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Proposition de rédaction :
Introduction
Longtemps à la marge des échanges mondiaux et du développement, le continent africain connaît depuis quelques années une
croissance économique forte qui contribue à l’intégrer de plus en
plus dans la mondialisation. Cette intégration croissante aux flux
mondiaux de marchandises, de capitaux et d’hommes est porteuse de développement mais ne gomme pas toutes les difficultés
ni toutes les inégalités intra-continentales.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
• 165
Étape 4 : Illustrer la composition par un schéma
Schéma 1 : Les obstacles du développement
Schéma 2 : Les leviers du développement
maladies tropicales, malnutrition
puissance régionale émergente
guerres, conflits, insécurité
espaces connectés (façades maritimes, câblage numérique)
IDH inférieur à 0,5
IDH supérieur à 0,5
région touchée par le sida
Prépa Bac p. 386-387
◗◗ Analyse de documents 15
Sujet : Le Sahara : ressources, conflits
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Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
Le Sahara est une région complexe : le faible développement et les
tensions géopolitiques de nombreux de pays de la zone tendent
à masquer le potentiel de développement économique important
de la région. C’est à cette réflexion que le sujet invite, en croisant
deux grilles de lecture, géoéconomique et géopolitique. Il permet
de réinvestir les informations de l’étude de cas qui ouvre le chapitre. Mais, il convient de nuancer la réflexion car les inégalités
inter et intra-étatiques sont fortes.
Proposition de réponses aux questions :
– Sahara : huit pays (la Mauritanie, le Mali, la Libye, l’Algérie,
l’Égypte, le Soudan, le Tchad et le Niger)
– frein au développement : définition du terme développement
proposée p. 240 : ensemble des processus sociaux et économiques
apportant aux hommes une plus grande sécurité, une plus grande
satisfaction de leurs besoins. Les signes de retard de développement de la région peuvent être relevés à l’aide de l’étude de cas
qui ouvre le chapitre (doc. 3 p. 363 : IDH et rang des pays dans le
classement mondial, taux de chômage élevé et % de la population
vivant avec moins de 1,25 $ par jour).
– tensions géopolitiques : différentes formes de conflits sont
visibles : conflits intra-étatiques ou interétatiques (Printemps
arabe, guérilla islamiste, mouvements séparatistes du Sahara
occidentale ou du Sud Soudan), nombreux coups d’État, piraterie
au large de la Somalie. Ces conflits contribuent à déstabiliser les
activités économiques aggravant sous nutrition et malnutrition,
entraînant des flux de réfugiés et une fragilisation des populations.
– les limites du document : aucune information sur le niveau
de développement de la région (IDH par exemple) ou sur les FTN
présentes dans la région et exploitant les ressources énergétiques
et minières.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Pour éviter la paraphrase, on peut aider les élèves à travailler l’apport de connaissances personnelles par le renvoi à des documents
qui apportent un éclairage complémentaire à l’aide du tableau
suivant :
166 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
Informations prélevées dans le document
Connaissances personnelles
– ressources énergétiques (pétrole et gaz
d’Algérie, Libye, Égypte)
– ressources minières importantes (métaux
précieux, minerais), uranium (Niger)
– Nappes aquifères
Voir doc. 5 p. 363 et doc. 12 p. 366 : des
ressources exportées et convoitées par les
puissances émergentes (ex : Chine) et l’Europe.
Quelles informations montrent que la
zone est politiquement instable ?
– Nombreux coup d’État depuis
l’indépendance : 8 au Mali, 5 en Mauritanie.
– De multiples conflits : Guérilla du
mouvement islamiste AQMI ; conflits au
Sahara Occidental, au Tchad et au Soudan ;
révoltes en Tunisie, Égypte, Libye (printemps
arabe).
La zone sahélienne est plus exposée.
Quelles activités criminelles aggravent
les tensions géopolitiques ?
– Piraterie au large de l’Éthiopie et Somalie.
Voir texte 15 p. 367 : fort développement
d’activités criminelles : trafics de drogues et
d’armes.
Voir doc. 11 p. 366 : des ressources confisquées
par les États ou les FTN qui constituent des
économies de rente (pétrole en Algérie, Libye,
Égypte) ou qui entraînent des conflits d’usage.
– Des inégalités de développement plus ou
moins fortes dans l’ensemble de la zone
(plusieurs pays appartiennent aux PMA).
Des conflits :
–q
ui aggravent le mal développement,
déstabilisent les économies locales et
nationales, aggravent l’insécurité alimentaire
(sous nutrition et mal nutrition).
–D
oc. 6 p. 364 : qui contribuent aux flux de
migrations et à la fuite des cadres.
Montrez que le Sahara dispose de
ressources géostratégiques à l’échelle
régionale et mondiale
Pourquoi l’accès aux ressources est-il
aussi un facteur de tension ?
Pourquoi les tensions géopolitiques
constituent-elles un frein au
développement ?
Voir document 2 p. 362 : l’eau souterraine
permet le développement de l’agriculture
par l’irrigation mais c’est une ressource non
renouvelable menacée par la surexploitation.
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
On peut organiser les informations en suivant le plan induit par le sujet et le tableau :
a) Des ressources importantes et convoitées
b) Une mise en valeur compromise par les tensions géopolitiques
c) Un développement freiné par les tensions politiques
p. 388-389
◗◗ Analyse de documents 16
Sujet : Le continent africain face au développement
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
1re
Le sujet s’appuie sur la
partie du chapitre consacré aux défis
du développement de l’Afrique. La confrontation des documents
doit permettre de construire une réflexion nuancée sur le développement de l’Afrique. Le croisement des indicateurs et du texte
permet de mettre en perspective les atouts et les faiblesses d’un
continent qui s’intègre inégalement dans la mondialisation.
Proposition de réponse aux questions :
– Définition du terme développement proposée p. 240 :
ensemble des processus sociaux et économiques apportant aux
hommes une plus grande sécurité, une plus grande satisfaction
de leurs besoins. Plusieurs indicateurs permettent de mesurer les
écarts : indicateurs démographiques (espérance de vie, nombre
moyen d’enfants par femme), sociaux, (taux d’alphabétisation),
économiques (RNB, % de la population vivant avec moins de
1,25 $ par jour). Le rang des pays dans le classement mondial de
l’IDH permet d’avoir une vue d’ensemble de la combinaison de
ces indicateurs.
– Atouts importants : la consigne demande de classer les atouts
de l’Afrique, la première question du tableau de l’étape 2 permet
de faire ce classement de manière synthétique.
– Les obstacles de l’insertion de l’Afrique dans la mondialisation font l’objet de la deuxième question du tableau de l’étape 2.
Les indications permettent aux élèves de réactiver la consigne sur
les atouts en suggérant à nouveau un classement thématique des
informations trouvées.
– La place de l’Afrique dans la mondialisation constitue la dernière question du tableau de l’étape 2. Le renvoi au cours de la
page 378 doit permettre une réflexion nuancée et de synthétiser
à nouveau les informations déjà vues dans l’étude de cas introduisant le chapitre. La réflexion doit déboucher sur une typologie des
pays africains en fonction de leur insertion plus ou moins forte à la
mondialisation.
– Les limites : les documents n’évoquent pas le faible poids de
l’Afrique dans les échanges mondiaux (ex : part dans le trafic de
marchandises) et les relations internationales (ex : peu de pays
d’Afrique présents dans les instances de gouvernance mondiale)
qui sont un frein à son insertion dans la mondialisation.
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
• 167
© Hachette Livre 2014
Prépa Bac Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Prélèvement des informations dans les documents
Apport de connaissances personnelles
Quels atouts peuvent
faire de l’Afrique
« une nouvelle
zone émergente du
monde » ?
– sur le plan démographique : une croissance
démographique qui peut être source de croissance
– sur le plan économique : un potentiel agricole (60 %
des terres arables non cultivées de la planète) et
énergétique important.
– Démocratisation et forte croissance économique
– 12 % des réserves mondiales de pétrole et potentiel
immense pour les énergies renouvelables (solaire,
éolien, hydraulique)
Quelles faiblesses
freinent l’insertion
de l’Afrique dans la
mondialisation ?
– sur le plan environnemental : risques liés au
réchauffement climatique (montée des eaux sur les
zones côtières fortement peuplées)
– sur le plan du développement :
Les indicateurs économiques :
– revenu par habitant insuffisant,
– part de la population vivant avec moins de 1,25 dollar
par jour élevée au Nigeria et au Niger.
– Conflits armés et structures économiques fragiles
Les indicateurs démographiques et sociaux :
– une fécondité élevée au Niger et au Nigeria,
– un taux d’alphabétisation très faible au Niger
Des leviers de
développement qui ne
concernent pas toutes
les « Afriques »
– Économies reposant sur la vente de produits primaires :
faiblesse des industries de transformations.
– Faiblesse du marché intérieur
– Manque de formation de cadres (ingénieurs,
médecins…)
– La Libye et l’Afrique du Sud : des indicateurs
de développement encourageants (taux
d’alphabétisation, revenus par habitant élevés)
– Afrique du Sud, puissance émergente de l’Afrique
malgré des disparités internes fortes
– Pays pétroliers insérés dans les échanges :
Libye, Nigeria mais des économies de rente
– Le Nigeria et le Niger : des retards de
développement importants (faible population
alphabétisée, taux de pauvreté élevée, nombre
d’enfants par femme élevé)
– PMA : des pays qui cumulent les retards de
développement et peu insérés dans la mondialisation
constitution d’un marché intérieur et la formation de cadres. Le
continent est aussi menacé par des risques environnementaux liés
au réchauffement climatique : des zones côtières sont menacées
par la montée des eaux. Le secteur informel représente une part
encore importante de l’économie alors que le secteur industriel et
celui du tertiaire supérieur sont insuffisants.
Des leviers de développement apparaissent qui ne concernent,
cependant, pas tous les pays d’Afrique de la même façon. Ainsi,
l’Afrique du Sud est la puissance émergente du continent malgré
des inégalités internes encore fortes (ex : en Afrique du Sud, 13,8 %
de la population vit avec moins de 1,25 $ par jour). Les pays pétroliers (Libye, Nigeria) ou miniers sont insérés dans les échanges
mondiaux mais leur développement est basé sur une économie de
rente qui freine la diversification des activités et les profits sont
confisqués par une minorité au pouvoir et les FTN. Par contre,
les PMA cumulent les difficultés malgré des ressources souvent
abondantes. Le Niger est un exemple des difficultés de ces pays.
Situé au 186e rang pour l’IDH, son insertion dans la mondialisation
est faible et sa dépendance économique et financière forte.
© Hachette Livre 2014
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
(proposition de rédaction)
L’Afrique dispose de nombreux atouts pour devenir une « nouvelle
zone émergente ». En effet, la forte croissance démographique
(population multipliée par 10 en un siècle, taux de fécondité élevé
dans les pays les plus pauvres) peut nourrir la croissance économique (main-d’œuvre nombreuse, création de marchés intérieurs,
relations villes-campagnes mutuellement avantageuses). Elle
possède, en outre, des ressources énergétiques et minières abondantes et un potentiel agricole immense (60 % des terres arables
non cultivées de la planète). Enfin, elle attire les investissements
étrangers (secteurs énergétiques et miniers mais aussi tertiaires),
moteurs de croissance économique.
Mais les disparités de développement restent fortes et sont un
frein à son insertion dans la mondialisation. La forte croissance
démographique alimente les tensions sociales, la surexploitation foncière et l’exode rural. Les indicateurs de développement
restent faibles dans beaucoup de pays d’Afrique (espérance de
vie plus faible que la moyenne mondiale, taux d’alphabétisation
bas dans les PMA comme le Niger, RNB/hab faible) et freinent la
168 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
Prépa Bac p. 390-391
◗◗ Analyse de documents 17
Sujet : Le continent africain face à la mondialisation
Étape 1 : Analyser le sujet et la consigne
L’exemple du secteur de la téléphonie mobile comme champ
d’investissements pour les FTN permet de montrer les atouts du
marché africain et sa croissance rapide par le croisement avec la
carte. L’explosion de la téléphonie mobile et de l’usage des NTIC
en Afrique est un des aspects de son insertion dans la mondialisation. Le désenclavement de nombreuses régions grâce aux investissements des opérateurs étrangers constitue un progrès notable
pour les populations mais ne doit pas masquer le fait que l’essentiel des flux numériques se concentrent encore sur les métropoles
et l’Afrique du Nord et du Sud. Il est donc important d’avoir une
réflexion nuancée et le recours aux pages Cours du manuel sont
une aide pour les élèves.
Proposition de réponse aux questions :
– L’Afrique est un marché de consommation en expansion par
sa croissance démographique encore forte et sa population jeune.
L’élévation du niveau de vie permet à une petite classe moyenne
d’émerger.
– Ce marché de consommation en croissance attire les FTN
européennes, américaines, et de plus en plus asiatiques. La Chine
est devenue un investisseur important depuis une décennie.
– L’échelle du continent africain ne doit pas faire oublier les
fortes inégalités entre les pays. L’essentiel de la croissance reste
encore largement concentrée en Afrique du Sud et au Maghreb et
les écarts de développement sont très forts.
– Si la place de l’Afrique dans la mondialisation reste encore
marginale à l’échelle mondiale, les NTIC contribuent à son désenclavement en permettant aux métropoles du continent de s’insérer dans la globalisation financière et le commerce international.
Étape 2 : Exploiter et confronter les informations
Prélèvement des informations dans les documents
Apport de connaissances personnelles
Quels sont les facteurs
d’attractivité des
investissements en
Afrique ? monde ?
– Un marché de consommateurs qui s’élargit :
Doc. 1 : progression de la vente de téléphones mobiles
Doc. 2 : croissance du revenu par habitant
– Des villes qui ont un fort potentiel de
développement : Lagos, cité du business, croissance
économique et infrastructures (port de containers)
– Plus d’un milliard d’habitant, un continent jeune
(41 % de la population a moins de 15 ans) et un taux
de fécondité encore élevé : l’Afrique est un marché
de consommation en devenir qui intéresse les FTN.
Quelles sont les FNT qui
s’intéressent au marché
de la téléphonie mobile
en Afrique ?
– Les FTN adaptent leur prix de vente au niveau de vie
de l’Afrique pour conquérir le marché.
– Tous les opérateurs sont présents (Européens mais
aussi asiatiques).
– Désenclavement numérique de l’Afrique (câbles sousmarins reliant les grandes villes côtières à Internet,
explosion de la téléphonie mobile) qui favorise son
insertion aux marchés mondiaux.
Quels sont les pays où
les investissements se
concentrent ?
– Le port de Lagos, plaque tournante de l’importation
de téléphones mobiles pour l’Afrique de l’Ouest.
– Les opérateurs chinois sont présents dans plus de
trente pays africains.
–L
e Maghreb, l’Afrique du Sud et le Nigeria
concentrent les investissements. Leurs grandes
villes sont les lieux privilégiés par leur insertion à la
mondialisation (façade maritime, place financière).
Étape 3 : Organiser et synthétiser les informations
b) des FTN qui s’intéressent de plus en plus au marché africain :
– des atouts qui expliquent l’intérêt des FTN pour un marché
de consommation en pleine expansion : des investissements
en hausse dans le secteur de la téléphonie mobile, un bien de
consommation révélateur des progrès du développement en
Afrique ;
– concurrence des FTN pour conquérir le marché africain : des
firmes chinoises, française (Orange), finlandaise (Nokia) mais présence aussi de firmes africaines (Sud-africains Telkom et MTN,
Kenyan Safaricom) ;
– Lagos, une « cité du business » selon le magazine économique américain Fortune : le Nigeria est pays le plus peuplé
d’Afrique, forte croissance du RNB/hab et infrastructures solides.
Cela constitue un marché recommandé pour les investisseurs
étrangers.
c) Des territoires africains inégalement intégrés à la mondialisation  :
– des investissements ciblés sur les pays émergents et puissances régionales d’Afrique (Afrique du Sud, Maghreb, Nigeria) et
concentrés sur les métropoles (souvent capitales) du pays : des
marchés qui sont surtout les classes moyennes et supérieures
urbaines ;
– une dépendance financière et technologique visible : le marché
de la téléphonie mobile en Afrique est dominé par des FTN européennes et asiatiques ;
– un niveau de vie qui reste encore bas : nécessité d’adapter les
prix (firme chinoise).
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
© Hachette Livre 2014
Proposition de plan :
a) Un nouveau marché à conquérir qui repose sur de multiples
atouts :
– une élévation du niveau de vie qui favorise la constitution d’un
marché intérieur : rapide et forte croissance du RNB par habitant ;
– une croissance démographique forte qui en fait l’un des foyers
de population du monde (un milliard d’habitants) ;
– une main-d’œuvre disponible et bon marché : montage à Lagos
de téléphones qui alimentent l’Afrique mais aussi l’Europe.
• 169
Prépa Bac p. 392-393
◗◗ Croquis 5
besoins essentiels. L’Afrique est le continent qui a le plus de difficulté à assurer un développement satisfaisant à ses populations.
Sujet : Le continent africain : contrastes
de développement et inégale intégration dans
la mondialisation
– Contrastes et inégalités : les explications sont multiples :
présence d’une interface, de métropoles, de ressources, héritage
historique…
Étape : 1 Analyser le sujet
– Le continent africain est multiple et présente une diversité de
situation tant au niveau du développement (IDH plus ou moins
fort) que de l’intégration à la mondialisation (puissance émergente et PMA à l’écart des flux).
– Le développement est la capacité d’une société à satisfaire ses
–La mondialisation, si elle creuse les écarts de développement,
constitue également un moteur du développement.
La mondialisation se définit comme un processus de mise en relation des différentes parties du monde. L’intégration peut être liée
aux échanges de marchandises, à l’ouverture aux capitaux, à la
place sur la scène géopolitique internationale…
Étape 2 : Sélectionner les informations
Schéma 1 : Un mal développement, frein
à l’intégration à la mondialisation
Schéma 2 : Des atouts pour une intégration croissante à la mondialisation
Schéma 3 : Les « Afriques » face au
développement et à la mondialisation
Europe
MoyenOrient
Amérique
du Nord
Asie
Puissance régionale émergente :
pilote de la mondialisation,
IDH moyen
PMA : IDH faible,
faible intégration à la mondialisation
situation sanitaire mal maîtrisée
industrie peu diversifiée
instabilité politique
ressources naturelles abondantes :
agricoles, hydrocarbures et minières
tourisme balnéaire ou culturel
littoral ouvert :
façade portuaire en développement
port
tissu industriel diversifié
flux de matières premières,
migratoires et illicites
flux de capitaux et
de biens de cosommation
© Hachette Livre 2014
métropole
170 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
périphérie intégrée et dominée ;
IDH inégal
marge dominée : PMA,
IDH faible
Étape 3 : Réaliser le croquis
Titre : Mondialisation et développement en Afrique
Europe
Casablanca
MAROC
Un continent en marge de la mondialisation
en raison de son mal-développement
Mer
Méditerranée
PMA : pauvreté de masse,
insécurité alimentaire chronique,
main-d’œuvre nombreuse mais peu formée
Europe
Le Caire
ALGÉRIE
ÉGYPTE
limite de l’espace où la situation sanitaire est
mal maîtrisée (paludisme, maladies liées à l’eau)
Asie,
MoyenOrient
instabilité politique (conflits majeurs depuis 1990)
industrie (lourde ou légère) n’ayant pas favorisé
la création d’un tissu industriel diversifié
Une intégration croissante dans la mondialisation
grâce à ses atouts
Dakar
ressource agricole, énergétique et minière
Lagos
principal port
Amérique
du Nord,
Europe
Abidjan
tissu industriel diversifié
Nairobi
flux de marchandises brutes (agricoles,
hydrocarbures, minières) ou illicites, migratoires
Océan
Indien
flux de capitaux : IDE, transferts des migrants,
aide publique au développement
ville d’accueil d’un forum social mondial
ou d’un sommet de la Terre
Océan
Atlantique
Asie
«Les Afriques» :
une intégration inégale à la mondialisation
Johannesburg
N
0
500
1 000 km
Amérique
du Nord,
Europe
Le Cap
AFRIQUE
DU SUD
Durban
Asie
puissance régionale dite « émergente »
pilote de la mondialisation
(membre du G20 et des BRICS), IDH moyen
périphérie intégrée et dominée
de la mondialisation (pourvoyeuse de
matières premières), IDH inégal
marge dominée de la mondialisation,
IDH très faible
métropole, relais de la mondialisation
◗◗ Bibliographie
◗◗ Sitographie
K. Benafla, D. Pagès-El Karoui, O. Sanmartin, Géopolitique du
Maghreb et du Moyen-Orient, Sedes, 2007.
J. Bisson, Mythes et réalités d’un désert convoité : le Sahara, L’Harmattan, 2003.
A. Dubresson, S. Moreau, J.-P. Raison, J.-F. Steck, L’Afrique subsaharienne, une géographie du changement, A. Colin, 2011.
P. Gervais-Lambony, L’Afrique du Sud, idées reçues, Cavalier bleu,
2009.
P. Gervais-Lambony, L’Afrique du Sud et les États voisins, A. Colin,
2013.
P. Hugon, Géopolitique de l’Afrique, A. Colin, 2013.
R. Pourtier, Afriques noires, Hachette, 2010.
Revue Hérodote, n° 142, 2011.
www.cafe-geo.net/
http://eduscol.education.fr/histgeo/Festivals/
festival-international-geographie-saint-die
© Hachette Livre 2014
FIG 2011 : Afrique plurielle
GÉOGRAPHIE - Chapitre 4 - L’Afrique : les défis du développement
• 171
G éo G r a phie
chapitre 5
L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance
◗◗ Introduction
p. 396-397
Le chapitre 5 invite à étudier une troisième aire continentale :
l’Asie du Sud et de l’Est. Le programme n’est pas tout à fait clair
concernant la délimitation de cette aire. La fiche ressource précise explicitement qu’elle exclut « l’Asie centrale et la partie orientale de la Russie » et implicitement qu’elle inclut l’Asie du Sud-Est
en affirmant qu’elle concentre « plus de 3,5 milliards d’habitants ».
Quoiqu’il en soit, ce chapitre diffère de celui, plus restrictif, de
l’ancien programme qui portait sur l’Asie orientale (Japon, NPIA
et Chine littorale) et couvre une aire beaucoup plus vaste, inscrite
dans un triangle Japon, Pakistan, Indonésie.
L’Asie du Sud et de l’Est est abordée sous l’angle de la croissance
qui est le fil directeur du chapitre. Cet angle est différent de ceux
retenus pour aborder les chapitres 3 et 4. Dans l’esprit du nouveau
programme, le professeur peut commencer à l’échelle continentale de l’Asie du Sud et de l’Est par présenter et expliquer que la
population et la croissance sont les moteurs du développement
de cette aire continentale. Il pourra alors, à une échelle urbaine,
s’appuyer sur l’exemple de Mumbai qui est un territoire dynamisé
par une croissance forte et qui est la vitrine de l’émergence de
l’Inde. Enfin, le professeur bascule à nouveau d’échelle pour étudier le « rôle joué en Asie et dans le monde par deux puissances
majeures de la région : le Japon et la Chine ». Cette dernière
entrée est, elle aussi, en relation étroite avec la croissance car
il s’agit de montrer aux élèves que ces deux États cherchent à
transformer leur puissance économique en puissance stratégique.
Cette entrée complète la précédente (économique, sociale, environnementale) en invitant à réfléchir sur l’impact géopolitique de
la croissance économique.
Cartes 1
plus peuplé du monde vers 2030 en raison d’un accroissement
naturel plus fort que celui de la Chine (1,5 % contre 0,5 % en 2013).
2. Les États dont la population va, selon les estimations, augmenter d’ici à 2050 sont des États d’Asie du Sud comme l’Inde, le
Pakistan, le Bangladesh, l’Indonésie… L’Asie du Sud est en effet
moins avancée dans la transition démographique que le reste de
l’aire continentale, la plupart des États ayant un indice de fécondité supérieur à 2 en 2013.
3. Les États dont la population va diminuer sont des États d’Asie
de l’Est comme le Japon, la Chine, la Corée du Sud… L’Asie de l’Est
est en effet plus avancée dans la transition démographique que le
reste de l’aire continentale, la plupart des États ayant un indice de
fécondité inférieur à 2 en 2013.
Présentation de la carte 2
Le doc. 2 est une carte de la richesse et de la croissance économique de l’Asie du Sud et de l’Est. Elle vise à apporter trois
informations qui permettront aux élèves de prendre connaissance
des données de base de cette aire continentale qui connaît la plus
forte croissance économique tout en mesurant les enjeux de la
question.
Le produit intérieur brut (PIB) est une première information qui
permet d’identifier les États les plus riches de l’aire continentale.
Le professeur montrera, à cet égard, que les États les plus riches
ne sont pas tous les plus peuplés. Le taux de croissance du PIB
est une deuxième information qui invite à observer que l’Asie du
Sud et de l’Est est « la partie du monde qui connaît actuellement
la plus forte croissance économique ». Le PIB/hab. est une troisième information qui précise le niveau de richesse de chaque
État en mettant en avant les liens qui existent entre richesse et
population, deux données au cœur de l’entrée générale.
La population et la croissance en Asie du Sud
et de l’Est
p. 398-399
© Hachette Livre 2014
p. 396-429
Présentation de la carte 1
Le doc. 1 est une carte de la population de l’Asie du Sud et de
l’Est qui inclut, par convention, l’Asie du Sud-Est. Elle vise à apporter deux informations qui permettront aux élèves de prendre
connaissance des données de base de cette aire continentale qui
concentre la majeure partie de la population mondiale tout en
mesurant les enjeux de la question.
L’évolution de la population des pays de l’Asie du Sud et de l’Est
d’ici à 2050 est une première information. Le professeur montrera
que si la croissance démographique est forte en Asie du Sud et
dans quelques États du Sud-Est, elle stagnera, voire diminuera en
Asie de l’Est. Il complètera cette idée par l’indice de fécondité plus
fort en Asie du Sud et du Sud-Est qu’en Asie de l’Est.
Il ne s’agit pas d’étudier la croissance démographique de l’Asie du
Sud et de l’Est pour elle-même, mais de faire comprendre que l’on
tient un moteur important de la croissance économique de cette
aire continentale riche en main-d’œuvre et en consommateurs.
◗◗ Réponses aux questions
1. L’Inde et la Chine sont les deux géants démographiques de
l’Asie du Sud et de l’Est. Ils concentrent 68,2 % de la population
de l’aire continentale. La carte montre aussi que leur croissance
démographique n’est pas identique : l’Inde deviendrait le pays le
Le professeur ne doit pas aborder cette carte de la croissance économique de l’Asie du Sud et de l’Est pour elle-même, mais dans
le but de montrer qu’elle est, avec la croissance démographique,
l’un des moteurs du développement de cette aire continentale au
cœur de la division internationale du travail.
◗◗ Réponses aux questions
1. La Chine et le Japon sont les deux géants économiques de l’Asie
du Sud et de l’Est. Ils réalisent 77,1 % du PIB régional. Cependant,
la carte montre que la croissance économique est élevée en Chine
(entre 8 et 12 % en 2012), mais faible au Japon (inférieure à 4 %).
À terme, l’écart entre les deux États se creusera donc.
2. La Chine est l’État où la croissance économique est la plus forte
(entre 8 et 12 % en 2012), suivie par une dizaine de territoires qui
connaissent une croissance aussi marquée (taux oscillant entre 4
et 8 %). Dans ce contexte, le Japon apparaît comme une exception
avec un taux de croissance du PIB inférieur à 4 %.
3. La comparaison entre le taux de croissance du PIB des États et
leur niveau de richesse montre que l’Asie du Sud et de l’Est reste
un espace largement à la recherche d’un développement. D’un
côté, on identifie des États au niveau de richesse faible et connaissant une croissance économique élevée (Inde, Vietnam) et, de
l’autre côté, on observe des États au niveau de richesse élevé et
connaissant une croissance faible (Japon). On peut en déduire que
nombre d’États pauvres et surtout localisés en Asie du Sud et du
Sud-Est prennent le chemin qu’a pris autrefois le riche Japon.
172 • GÉOGRAPHIE - Chapitre 5 - L’Asie du Sud et de l’Est : les enjeux de la croissance
à partir d’un territoire réduit. Pour cela, il dispose de cinq docuCours 1 Présentation des documents et repères
D’abord, pour analyser la forte population de l’Asie du Sud et de
l’Est, le professeur s’appuiera sur le doc. 1 page 398, puis il évoquera le cas spécifique du Japon dont le vieillissement de la population a d’importantes conséquences en terme de main-d’œuvre
(passerelle possible avec la suite du propos). Ensuite, il présentera la forte croissance économique de l’aire continentale à l’aide
du repère A qui est une courbe de l’évolution du PIB depuis les
années 1980, il l’expliquera en utilisant l’expression d’extraversion
de l’économie à partir du doc. 1 qui est une photographie d’une
usine au Sri Lanka (Que fabrique-t-elle ? Pour quelle firme ? Pour
quelle raison cette firme fabrique-t-elle ses produits au Sri Lanka ?
Pour quels consommateurs ?) et du repère B, un graphique qui
revient sur la chronologie de l’essor économique de l’Asie du Sud
et de l’Est. On aborde enfin les défis que cette double croissance
pose à l’aide des doc. 2 et 3 : le premier invite à identifier, comme
on l’a dit précédemment, l’impact du vieillissement de la maind’œuvre, le second rappelle que la croissance ne se diffuse pas
dans toutes les couches des sociétés de l’aire continentale « qui
compte aujourd’hui le plus de personnes pauvres ».
Dans ce cours que les instructions officielles veulent synthétique,
le professeur peut varier les exemples et ne pas se cantonner aux
exemples chinois et japonais auxquels on revient facilement tant
ils sont connus. Inutile de partir du cas chinois pour expliquer ce
qu’est un pays atelier, on le verra dans les cours 2 et 3.
◗◗ Réponses aux questions
→Document 1
1. Situé dans la périphérie productive de la planète, un « pays atelier » a pour fonction de produire des biens manufacturés dans un
contexte de division internationale du travail. Situés en bas de la
hiérarchie de la production industrielle, les « pays ateliers » sont
apparus avec la diffusion de l’industrie dans le monde, la Chine
étant le plus célèbre d’entre eux. Dans la photographie, la maind’œuvre (abondante, qualifiée et compétente) et les pantalons
(une production de masse ou banalisée) font clairement apparaître que le Sri Lanka est une destination accueillante pour les
IDE. On peut établir une passerelle avec le chapitre 3 en rappelant
que les FTN mettent les territoires en concurrence en arbitrant
leurs investissements.
ments de natures et d’échelles variées. Le doc. 1 invite les élèves
à réfléchir sur la place de Mumbai à l’échelle nationale à travers les
sièges sociaux. Le doc. 2 présente les lieux et les équipements qui
reflètent l’intégration de Mumbai dans la mondialisation : c’est
un document qui permet de partir de l’échelle locale. Le doc. 5,
un extrait d’ouvrage scientifique traitant des villes des pays émergents, évoque ce que Mumbai ambitionne de devenir. Le doc. 4,
à l’échelle locale, peut aider à approcher les manifestations de la
croissance urbaine : les embouteillages et l’autopont témoignent
d’une absence de maîtrise de celle-ci. Le doc. 3 est une carte qui
localise les quartiers aisés et les quartiers informels (slums). Avec
ces deux derniers documents, les élèves décèleront les problèmes
qui montrent que Mumbai demeure une métropole du Sud.
◗◗ Réponses aux questions
1. Par le nombre et la diversité des sièges sociaux présents dans
la métropole, Mumbai est bien le point d’ancrage de l’Inde dans la
mondialisation. Ce que confirment ses équipements (ports, aéroports) et les projets de nouvelles infrastructures mis en œuvre
dans le cadre de Mumbai Vision.
2. La forte croissance économique de l’Inde se traduit à Mumbai
par une croissance urbaine mal maîtrisée, provoquant de nombreux embouteillages, mais aussi la présence de nombreux quartiers informels. La pauvreté prend la forme d’un mitage urbain.
3. Pour s’affirmer sur la scène internationale, Mumbai développe
sa fonction financière. Ainsi, dans le cadre du projet Mumbai
Vision, un nouvel aéroport international a été créé pour faciliter
les mobilités des financiers internationaux. Il s’agit de rendre la
ville attractive. Cela passe donc aussi par la réduction des poches
de pauvreté que constituent les quartiers informels.
Cartes 2 Japon et Chine : les deux puissances majeures
en Asie du Sud et de l’Est p. 404-405
Présentation de la carte 1
Le doc. 1 est une carte des échanges entre le Japon, la Chine et le
reste de l’Asie du Sud et de l’Est. Il s’agit en effet de placer sur une
même carte les exportations et importations de ces deux puissances pour les comparer et démontrer qu’elles sont à la fois partenaires (échanges commerciaux intenses) et r