Le rôle de la femme dans le conflits en Afrique

Transcription

Le rôle de la femme dans le conflits en Afrique
FORUM CARITAS AFRIQUE SUR LE GENRE ET LE
PARTENARIAT POUR LE DEVELOPPEMENT
LE ROLE DE LA FEMME DANS LES CONFLITS EN
AFRIQUE ET LA REPONSE DE L'OIM
Exposé de Madame Ndioro Ndiaye
Directeur général adjoint de l’Organisation internationale pour les
Migrations (OIM)
Accra, Ghana 1-8 septembre 2001
Siège:
17 route des Morillons • C.P. 71 • CH-1211 Genève 19 • Suisse
Tél: +41.22.717 91 11 • Fax: +41.22.798 61 50 • E-mail: [email protected] • Internet: http://www.iom.int
2
PREFACE
Le sujet abordé dans ce document reste plus que jamais d’une brûlante
actualité. Malgré l’attention que lui apporte la communauté internationale,
le Groupe de travail sur les questions de genre et, à travers lui, l’OIM toute
entière, a tenu à s’associer au mouvement général en apportant cette
contribution au débat.
Il nous a semblé en effet opportun, dans le cadre de l’exécution du plan
d’action du Groupe de travail, de partager avec les Etats membres et
observateurs de l’OIM cette conscience que nous avons du sort particulier
réservé aux femmes et aux enfants vivant dans les zones de conflits en
Afrique. Nous espérons qu’ils apprécieront ces informations, vu
l’encouragement constant qu’ils nous ont toujours prodigué afin de
promouvoir une discrimination positive envers les femmes.
Au nom du Directeur général et de moi-même, ainsi que de l’ensemble des
membres du Groupe de travail, je souhaite réaffirmer que les besoins
spécifiques des femmes migrantes et des enfants continueront à être une
priorité pour l’Organisation toute entière.
Ndioro Ndiaye
Directeur général adjoint
novembre 2001
3
C’est un grand plaisir pour moi de vous parler aujourd’hui d’un sujet qui me tient tant à
coeur, à savoir le rôle des femmes dans les conflits en Afrique. C’est un sujet dramatique
par la souffrance que ces conflits continuent à engendrer mais qui en même temps est
porteur de grandes possibilités d’amélioration pour la majorité des victimes de ces
conflits. Ces possibilités d’ouverture et d’amélioration, il nous incombe à tous de les
développer en apportant un soutien aux femmes en tant qu’actrices pour la paix et non
plus uniquement en tant que victimes de conflits, conflits qu’elles n’ont jamais choisis ni
décidés.
Permettez-moi tout d’abord quelques mots d’introduction sur les femmes migrantes en
Afrique.
I.
SURVOL DE LA SITUATION DES FEMMES MIGRANTES EN
AFRIQUE
Les régimes coloniaux économiques dans le Tiers Monde autrefois étaient basés surtout
sur l’exploitation des richesses à travers les plantations et l’extraction minière.
Aujourd’hui les nations du Tiers Monde sont intégrées dans l’économie globale à travers
la mobilité de travail. Les migrations, aussi bien intérieures qu’internationales, sont une
partie intégrante des transformations structurelles des sociétés et les femmes jouent un
rôle clé dans ces mouvements.
Ce n’est qu’assez tard dans le 20ème siècle que les femmes ont participé aux migrations
pour le travail en Afrique. Ce sont les hommes qui prédominaient traditionnellement
dans les migrations des campagnes vers la ville car ils étaient embauchés pour travailler
dans les plantations, les mines et même dans le travail domestique. Les femmes laissées
derrière s’occupaient de l’agriculture, du marché et devenaient de fait, les chefs de
familles attitrés.
Depuis les années 60, les femmes ont augmenté leurs migrations vers les villes.
Beaucoup d’entre elles se sont mariées et rejoignent leurs maris dans les villes. Mais de
plus en plus de femmes célibataires migrent aussi. Dans les migrations internationales en
Afrique ce sont encore les hommes qui prédominent.
Pourquoi les femmes migrent-elles? Est-ce toujours à leur profit? Souvent, la migration
peut renforcer la subordination des femmes aux hommes. Au fur et à mesure que les
jeunes femmes ont acquis une formation, beaucoup ont aspiré à des emplois de secrétariat
ou d’autres emplois techniques mais la plupart du temps elles ne trouvent pas les emplois
escomptés. Dans les villes, les femmes travaillent souvent comme marchandes ou
comme productrices de matières premières. Dans ce contexte, les migrations vers la ville
ont augmenté la dépendance des femmes aux hommes puisqu’elles dépendent d’eux pour
acheter leurs produits.
4
En Afrique, les tendances migratoires récentes sont les suivantes: migrations pour le
travail en Afrique de l’ouest; migrations pour le travail sur contrat en Afrique australe;
grands mouvements de réfugiés dans la Corne de l’Afrique et plus récemment dans la
région des Grands Lacs avec le plus grand nombre de mouvements forcés en Afrique de
l’Est1.
Au cours des années 90, les migrations traditionnelles dominées par les hommes en
Afrique sub-saharienne se sont féminisées. On note une augmentation dans la migration
des femmes qui autrefois restaient à la maison pendant que les hommes migraient en
quête de travail. Il y a une proportion significative de femmes qui migrent comme entités
indépendantes afin de subvenir à leurs propres besoins économiques plutôt que de
rejoindre un mari ou un autre membre de la famille. On note des femmes professionnelles
du Ghana, du Kenya, du Nigéria et de la Zambie qui s’engagent dans une migration
internationale, en laissant souvent à leurs époux la tâche de prendre soin des enfants. Au
Nigéria, par exemple, la plupart des femmes migrantes sont des professionnelles. Des
médecins ou infirmières du Nigéria travaillent en Arabie saoudite; d’autres femmes
travaillent aux Etats-Unis ou au Canada; d’autres encore migrent avec leurs enfants afin
de poursuivre leurs études à l’étranger.
En Côte d’Ivoire, la proportion de femmes migrantes du Burkina Faso, du Ghana et du
Nigéria a augmenté malgré la crise économique dans ce pays d’accueil traditionnel. Ceci
peut s’expliquer par le fait que les femmes se retrouvent dans les secteurs informels
commerciaux moins affecté par les crises économiques, contrairement aux hommes qui
travaillent essentiellement dans le secteur salarié comme travailleurs agricoles ou comme
cadres. Au fur et à mesure que les emplois devenaient restreints dans les années 90 et
que les envois de fonds se réduisaient, de plus en plus de familles comptaient sur la
participation des femmes dans l’économie et sur leurs activités dans l’agriculture.
La migration à travers l’Afrique sub-saharienne est adoptée par les familles comme une
stratégie de survie afin d’apporter une aide face à la baisse des ressources. Ces familles
choisissent et investissent dans un migrant qui possède le plus grand potentiel pour
soutenir une famille par ses remises. La migration aujourd’hui est donc devenu un
mécanisme de survie pour la famille.
II.
MIGRATIONS FORCEES: LES CONFLITS
Cependant, les migrations ne sont pas seulement composées de personnes qui recherchent
des emplois ou qui cherchent à améliorer leur situation économique. Elles sont divisées
en deux catégories: les migrations volontaires et les migrations forcées. Les migrations
en Afrique se divisent en deux catégories majeures: celles des mouvements forcés des
réfugiés et des personnes déplacées; et la migration pour le travail2. En cas de migrations
forcées, les migrants quittent leur pays pour échapper aux persécutions, aux conflits, aux
répressions, aux catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme, aux détériorations
de l’environnement ou autres situations mettant en danger leur vie, leur liberté ou leurs
1
2
IOM World Migration Report – 2000, Genève
IOM World Migration Report: 2000, Ibid
5
moyens de subsistance. Ces migrants s’appellent donc des réfugiés, des personnes
déplacées, des clandestins ou des requérants d’asile dont presque la moitié est composée
de femmes. Quelle que soit l’appellation, ce sont presque toujours les femmes et les
enfants qui en sont les victimes.
Les réfugiés et les personnes déplacées constituent la majorité des populations africaines
migrantes. Situés autrefois dans la Corne de l’Afrique, les réfugiés devinrent encore plus
visibles dans la région des Grands Lacs et en Afrique de l’Ouest. La série des guerres et
conflits dans ces régions a également engendré des millions de personnes déplacées. De
partout en Afrique sub-saharienne, l’explosion de la violence ethnique a forcé le
mouvement de millions de personnes. Le HCR estime que le nombre de réfugiés en
Afrique, en 1999, s’élève à 6,5 millions. De 1969 à 1990, 17 des 43 guerres civiles
enregistrées dans le monde créant des populations réfugiées se situaient en Afrique, y
compris quatre luttes pour l’autonomie ou l’indépendance. Parmi ces dernières, on
retrouve les guerres civiles de l’Angola, du Libéria et du Mozambique. Des rébellions
ethniques furent notées dans 17 pays de la région3.
De 1997 à 1999, les plus grands mouvements de réfugiés se trouvaient en Afrique de
l’Ouest. Les conflits prolongés du Libéria causèrent le mouvement de presque 500.000
réfugiés vers la Côte d’Ivoire et la Guinée, dont la majorité sont depuis rentrés chez eux.
Plus de 400.000 réfugiés de Sierra Leone nécessitent encore une assistance en Guinée et
au Libéria. Les conflits en Guinée-Bissau ont engendré des centaines de milliers de
personnes déplacées et plusieurs milliers de réfugiés quittèrent le pays. Dans la région
des Grands Lacs, le Burundi et le Rwanda sont la source majeure de réfugiés. Les
conflits dans la République démocratique du Congo en 1997 et le Congo Brazzaville en
1998 engendrèrent également des milliers de réfugiés. Les événements avant, pendant et
après le génocide de 1994 au Rwanda causèrent l’émigration de presque deux millions de
réfugiés, en plus du million de Tutsis rwandais se trouvant déjà en dehors du pays. Le
retour soudain de presque 700.000 réfugiés rwandais depuis l’Est de la RDC en 1996 et le
retour forcé de 500.000 depuis la République-Unie de Tanzanie était aussi dramatique4.
Comme je l’ai dit tout à l’heure, la majorité des victimes des conflits sont des femmes et
des enfants. La plupart de ces violences ont pour objet ou pour conséquences de reléguer
la femme au rang d'objet sexuel5. En effet dans de nombreux Etats, les femmes, en temps
de conflit, sont soumises à un esclavage sexuel, à des viols de masse ainsi qu'à de la
prostitution et des grossesses forcées. Parfois les agressions sexuelles sont l’œuvre même
des personnes censées préserver et restaurer la paix ou peuvent servir de moyens de
rétorsion en raison des activités et des affinités politiques des époux des victimes. Les
viols peuvent aussi être des actes de génocide dont le but est de briser l'identité des
groupes auxquels les femmes violées appartiennent. C'est la raison pour laquelle il est
important que les viols en temps de guerre soient reconnus comme génocide par la
3
IOM World Migration Report: Schmeidl, S. (1996) “Hard Times in countries of origin”. In Migration and
Crime. International Scientific & Professional Advisory Council, Milan.
4
UNHCR (1997). The State of the World’s Refugees, 1997/1998: A Humanitarian Agenda. Oxford
University Press, Oxford, England.
5
Violence against women in times of war, Indai Lurdes Sajor, in “Women, violence, conflict and peace
building: global perspectives”. International Alert, International Conference, London, 5-7 May 1999.
6
communauté internationale et que leurs auteurs soient poursuivis comme auteurs de
crimes de guerre ou de crime contre l'humanité.
De plus, lorsque des villages sont la cible de bombardements, les femmes sont les
premières victimes, tous les hommes étant au front. Cette absence d'homme dans les
villages est aussi source de précarité pour ces femmes qui se trouvent ainsi à la merci de
civils peu scrupuleux. On estime que 75% des personnes déplacées sont des femmes et
des enfants et ce chiffre peut atteindre les 90% pour certaines populations de réfugiés6. Il
faut donc rechercher des moyens de protection de cette population très exposée. Pour cela
un élargissement des responsabilités des Etats est nécessaire car la gestion des
conséquences des conflits armés en ce qui concerne les femmes n'est pas chose aisée et
cela pour diverses raisons. Tout d'abord, découvrir les auteurs des violences et évaluer
leur ampleur est une entreprise ardue. En effet, pendant les conflits, les victimes ne sont
pas faciles à localiser et après elles sont souvent trop effrayées pour en parler. Un début
de solution à ce problème serait de tenir pour responsaable l'Etat ou toute autre autorité.
A cela, il faut ajouter le problème des retombées matérielles et psychologiques des
agressions sexuelles et de la guerre sur la vie des femmes. La plupart du temps, les
victimes sont rejetées par leur famille et leur communauté et sont obligées de s'exiler.
Afin de répondre à ce problème, la communauté internationale devrait offrir l'asile plus
facilement. De surcroît, en plus du chaos qui sévit autour d'elles, ces femmes doivent
vivre l'expérience traumatisante de voir leurs enfants, souvent très jeunes, être enrôlés
dans l'armée et revenir invalides ou morts7.
Le meilleur moyen de sauver ces femmes est de leur rendre une dignité et cela en leur
demandant à elles quels sont les moyens les plus appropriés pour réparer les torts qui leur
ont été fait. Il faut leur donner un droit à l'autodétermination. Ne pas les associer à cette
démarche serait leur retirer le peu de pouvoir qui leur reste.
De plus, la plupart du temps celles-ci peuvent et sont prêtes à jouer un rôle actif dans le
processus de paix. Elles sont de bons négociateurs en matière de paix car elles ne sont
généralement pas impliquées dans les combats eux-mêmes et agissent par des canaux
non-conventionnels et en tant que médiateurs neutres8. Les femmes détestent les guerres
car elles en sont victimes mais également parce qu’elles détruisent la vie qu’elles donnent
et préservent en tant que mères. Elles enrichissent les processus de prise de décisions en y
apportant des qualités et des talents particuliers. Souvent même, elles se rendent compte
des signes précurseurs d'un conflit et alertent les autorités mais leur mise en garde sont
rarement prises en compte car elles font rarement partie des processus de décision. En
effet malgré le fait qu'elles assument un rôle clé en assurant la survie de leur famille, en
sensibilisant leur communauté à une culture de la paix, en s'impliquant sur le plan
médical, administratif et même comme scrutateur pendant les élections, les femmes sont
absentes des négociations de paix. Afin de les intégrer dans ce secteur très masculin, il est
6
Article publié par le Département de l’Information de l’ONU, avril 2000. Il est fondé sur l’”Examen et
l’évolution du programme de Beijing: Rapport du Secrétaire général”.
7
Women in War: A view from Ethiopia, Naamat Issa.
8
Joining Hands in collecting small arms: The Mali experience, Mariam Djibrilla Maiga.
7
nécessaire de les former en matière de direction et d'administration, de résolution des
conflits et de gestion des institutions. Il est aussi nécessaire de renforcer les techniques de
quotas pour améliorer leur degré de participation en matière de politique.
Sur le terrain, il faut aussi améliorer les conditions économiques dans lesquelles elles
vivent et faire en sorte que les droits de la femme soient connus de toute la population
féminine, quelles que soient les catégories sociales. Celles-ci doivent apprendre à
dénoncer toutes violations de leurs droits que cela soit au niveau national ou auprès
d'organismes internationaux tels que Amnesty International ou Human Rights Watch9.
J’aimerais maintenant passer en revue les principaux conflits en Afrique et le rôle des
femmes dans chacun de ceux-ci.
III.
HISTORIQUE DES PRINCIPAUX CONFLITS EN AFRIQUE
Carte schématique des conflits récents en Afrique
(source : Le Monde du 26 Juin 2001)
9
End discrimination and ensure women’s full equal participation in all decision-making processes. Put
women at the heart of reconstruction and reconciliation processes/Build awareness about Human Rights
laws to seek redress for crimes committed against women.
8
Cas du Burundi10: Au Burundi, les conflits ont commencé dès les années 1960 et sont
depuis lors cycliques. Il s'agit de conflits interethniques et de luttes pour le pouvoir
politique qui secouent le pays depuis son accession à l'indépendance en 1962. La crise la
plus récente a commencé en 1993 après l'assassinat du premier président élu
démocratiquement. Le conflit au Burundi prend l'apparence d'une lutte entre deux
groupes ethniques les Hutu (environ 85% de la population) et les Tutsi (14%) mais le
problème est plus complexe et prend ses racines dans des différences régionales,
politiques et économiques. La mauvaise répartition des pouvoirs entre les deux groupes
qui a été encouragée par le pouvoir colonial en faveur des Tutsi. Ceci explique les
tensions qui ont toujours prévalu dans cet Etat. En 1972, une attaque menée par des Hutu
à l'encontre de la communauté Tutsi dans le Sud a causé la mort de milliers de Tutsi.
Cette attaque a donné lieu à une riposte qui a engendré 100.000 morts parmi les Hutu,
principalement des intellectuels politisés. Plusieurs milliers de réfugiés se sont enfuit vers
le Zaïre, le Rwanda et la Tanzanie. Des groupes de rebelles se sont formés au sein de ces
réfugiés et depuis 20 ans, les attaques n'ont cessé d'avoir lieu entre les deux camps. Après
l'assassinat du premier président (un Hutu) en 1993 par un groupe de soldats Tutsi, une
terrible contre-attaque Hutu a suivi, qui a donné lieu à une violente répression militaire
envers les civils Hutu11. En 1996, le Président Major Pierre Buyoya s'est emparé du
pouvoir à la suite d'un coup d'Etat. De nombreux efforts afin de ramener la paix ont été
fournit par des personnalités telles que Nelson Mandela et Bill Clinton mais jusqu'à
aujourd'hui, aucun résultat durable n'a été atteint12.
En 1990, des élections ont été organisées qui ont permis aux femmes d'entrer au
Parlement, elles ont ainsi pu étendre leur combat pour la paix aussi bien à l'intérieur qu'à
l'extérieur de celui-ci. Dans les campagnes, elles ont essayé de sauver des vies en
prévenant la population et en cachant des enfants. Elles ont aussi procédé à des collectes
de vêtements, de nourriture et d'argent afin d'aider les autres femmes dans les camps.
Cette volonté de participer au processus de paix et de développer et améliorer le statut de
la femme a conduit à la création de plusieurs associations et il existe aujourd'hui un
collectif qui regroupe 30 d'entre elles. Sur le terrain, différents comités ont été créés dans
toutes les régions du pays avec des femmes comme «leaders ». Leur but a été d'aider et
de soutenir les femmes dans les camps, de préparer leur retour dans leur foyer et dans
leur champ lorsque cela était possible et de permettre l'intégration dans de nouveaux
quartiers pour celles pour qui le retour chez elles n'était pas envisageable. En 1996, ont
lieu les premières négociations d'Arusha. La participation des femmes à ces réunions fut
plus que difficile, les hommes les renvoyant constamment à leur rôle de femmes au foyer.
Mais à force de détermination, elles ont réussit à faire admettre 6 femmes à la table des
négociations et, même si celles-ci ne bénéficiaient que d'un simple statut d'observateur,
cette participation a constitué une avancée notable par rapport à ce qui avait été d'abord
prévu (une seule femme). Dans le processus de paix lancé par les femmes, les points clés
10
Textes historiques tirés de l’Encyclopédie Hachette et d’autres ouvrages d’ordre général
Nombre de réfugiées femmes et filles au Burundi: 58,8%. Global Refugee Trends. UNHCR provisional
population statistics, 2000.
12
Out of sight, out of mind: Conflict and displacement in Burundi. Women’s Commission for refugees,
women and children, October 2000.
11
9
ont été d'apporter des solutions aux problèmes du génocide, des exclusions, de l'impunité
pour les auteurs de violences, de la sécurité, de la reconstruction et du développement13.
Cas de l'Erythrée: L'Erythrée a été une colonie italienne de 1890 à 1941. De 1942 à
1952, elle est conquise par les Britanniques et les Français. A partir de 1942 se pose la
question de son avenir, les notables du pays étant divisés entre partisans de l'union avec
l'Ethiopie, du partage ou de la réunion avec le Soudan et de l'indépendance. L'ONU
intervient et l'Assemblée générale décide de la fédérer avec l'Ethiopie tout en la dotant
d'institutions autonomes (drapeau, constitution, assemblée, exécutif et langues
officielles.). Dès 1958, des maquis des basses terres du Front de Libération de l'Erythrée
revendiquent l'indépendance, soutenus par les pays arabes. Les militaires éthiopiens
lancent entre 1975 et 1984, une série d'offensives qui provoque l'exode de 700.000
érythréens. En 1991, le chef du Front Populaire de libération de l'Erythrée devient
président de la République et en 1993 à l'issue d'un référendum d'autodétermination, le
pays accède à l'indépendance. Mais le pays continue de subir de nombreux conflits
notamment frontaliers avec l'Ethiopie et le Yémen par exemple et dès 1990, la mouvance
arabe revendique l'appartenance de l'Erythrée au monde arabe. Le premier semestre 2000
est marqué par la reprise des affrontements avec l'Ethiopie.
Dans ce pays, pendant la guerre, le mouvement de libération nationale a eu pour politique
l'adoption d'une égalité hommes/femmes14. Les femmes étaient donc recrutées dans les
mouvements de résistance à hauteur d'un tiers des effectifs; certaines ont même atteint le
grade de Colonel. Celles-ci ont donc, à cette époque, bénéficié d'un statut particulier dans
la société. Mais après l'indépendance, la population a voulu revenir aux valeurs
traditionnelles et donc à la discrimination hommes/femmes. C'est à ce moment-là que les
effets pernicieux de leur implication dans le conflit armé ont débuté pour les femmes qui
ont participé à la guerre. En effet, bien qu'elles soient considérées comme des héroïnes,
ces femmes étaient aussi vues comme incapables de faire de bonnes épouses, leur passé
militaire les empêchant d'être suffisamment soumises à leur mari. Celles qui étaient
mariées à des militaires ont même été plus tard répudiées suite à des pressions très fortes
exercées par leur belle-famille. Leur réintégration dans la société a donc été l'un des
principaux objectifs des diverses organisations et associations qui ont été créées dans le
but d'améliorer le sort des femmes en Erythrée. Parmi celles-ci, on peut noter l'Union
Nationale des femmes érythréennes créée en 1979 et qui a mené un combat acharné pour
les droits de la femme. Grâce à elle, le viol est aujourd'hui sanctionné d'une peine de
prison pouvant aller jusqu'à 15 ans. Actuellement en Erythrée, 2 ministères sur 13 sont
occupés par des femmes, celles-ci représentent 14% des juges, 21% du conseil national,
15% des forces de police et des gardiens de prison et 1/3 des fonctionnaires. Le chef du
pouvoir judiciaire est actuellement une femme musulmane.
En juin 2000, environ 1,6 millions d’érythréens (dont 90% de femmes et d’enfants) c’est
à dire plus d’un tiers de la population totale était directement ou indirectement affecté par
13
14
Bridging the Divide in Burundi, Concilie Nibigira
Equality and Women’s Rights: Eritrea’s post-conflict experiences, Lui Seyoum
10
la guerre15 (1/5 des forces armées érythréennes sont des femmes), la sécheresse ou les
deux.
Cas de l'Ethiopie: En 1935, les Italiens envahissent l'Ethiopie à partir de leurs bases
coloniales de l'Erythrée et de la Somalie, le pays devient une possession italienne.
L'agression provoque de vives controverse en Europe mais ne donne pas lieu à de réelles
réactions. Des mouvements de résistance, menés par des patriotes éthiopiens, tiennent en
échec l'armée d'occupation pourtant lancée dans une féroce répression. Après une attaque
victorieuse menée par les troupes britanniques, le pays reprend possession de ses
territoires. Mais en février 1974 éclate une révolte de l'armée et l’Empereur Hailé
Sélassié est déposé. S'ouvre alors une période d'agitation sociale et politique et, en 1977,
commence une période de purges et de terreur. Le nouveau régime doit ensuite faire face
aux rébellions armées de l'Erythrée, de l'Ogaden et du Tigré, ainsi qu'à une guerre contre
la Somalie dans les années 1980 et, plus tard, différentes guerres contre des « fronts de
libération »16.
L'ironie en ce qui concerne la situation des femmes, est que celles-ci, bien que n'ayant eu
aucun mot à dire en ce qui concerne l'entrée dans les conflits, ont été obligées de
contribuer à la guerre financièrement et en nature en nourrissant les combattants.
L'absence des hommes a fait peser sur elles des responsabilités plus contraignantes sans
qu'elles reçoivent toutefois un soutien adéquat. Beaucoup de ces femmes ont aussi dû
gérer le problème des enfants nés de viols, ce qui est un traumatisme psychologique
grave ou ont subi des actes de torture mentale et physique à cause des activités militaires
ou politiques de leurs conjoints17.
Cas du Libéria: Fondé par des colons afro-américains, le Libéria fut la première
république indépendante d'Afrique noire. Mais, les antagonismes ont toujours été très
violents entre les immigrés et les autochtones. En 1847, lors de l'indépendance, tout
opposait déjà la minorité américano-libérienne aux autres groupes qui furent écartés du
pouvoir et de l'accès aux richesses. En 1980 un coup d 'état militaire fit tomber la caste
afro-américaine régnante. Dans ce pays, l'instabilité a commencé avec la rébellion
« Nimba » en 1989. Celle-ci donnera le jour à une guerre civile de 7 ans qui a généré
environ 750.000 réfugiées dont la majorité sont des femmes et des enfants. Pendant un
certain temps, le Libéria a connu le plus gros taux de personnes réfugiées dans le
monde18. Une série d'accords mort-nés n'a pas pu empêcher la reprise des combats et, en
1996, la capitale Monrovia était de nouveau en état de siège.
L’action en faveur de la paix s'y est faite moins par la création de comités ou d’autres
organes comme cela a été le cas dans certains Etats que par des campagnes, des pétitions
et des marches. En effet, les femmes au Libéria ont organisé des groupes de pression afin
de participer au processus de paix. Elles ont présenté des pétitions à différents organes
15
Article by David Hirst, Ethiopia: Human Waves as War Aims Unfold, The Guardian, 18 May 1999. Used
by Charlotte Lindsey, Women and War, offprint from the International Review of the Red Cross,
September 2000
16
Nombre de réfugiées femmes et filles en Ethiopie: 50,7%. Global Refugee Trends, Op Cit.
17
Women in war: A view from Ethiopia, Op. Cit.
18
Nombre de réfugiées femmes et filles au Libéria: 51,4%. Global Refugee Trends, Op. Cit.
11
internationaux tels que ceux de l'ONU. Elles ont aussi produit des posters et des
brochures diffusant des messages de paix et de désarmement. Ajouté à cela, elles ont été
les instigatrices d'émissions radiodiffusées dont le but était d'inciter les combattants à
rendre leurs armes et à rentrer chez eux. Leurs efforts étaient accompagnés de prières et
de périodes de jeûnes. De nombreuses associations féminines ont aussi été créées. Leurs
objectifs étaient d'apporter une aide psychologique aux victimes et de développer de
petits projets économiques afin d'ouvrir des opportunités aux femmes et aux jeunes filles
affectées par la guerre. L'Association des Avocates libériennes, quant à elle, se concentre
sur la question des droits des femmes, des enfants et des personnes en situation précaire
et offre des consultations juridiques gratuites. Le désarmement et la démobilisation des
combattants ont pris fin début 1997 et en juillet de la même année des élections
présidentielles ont eu lieu. Celles-ci ont permis à l'Afrique d'être pourvue pour la
première fois d'une femme comme chef d'Etat: Mme Ruth Sando Perry, présidente du
Conseil d'Etat du Libéria. Lors des élections, une autre femme s'était aussi présentée
comme candidate. Madame Sando Perry a dirigé le pays jusqu'aux élections
démocratiques organisées en 1997 et qui virent le président du Front National patriotique
et ancien chef de guerre, Charles Ghankay Taylor, accéder à la Présidence de la
République.
Cas du Mali: Parmi les sources de conflit au Mali, il y a la permanence des problèmes
frontaliers qui obligent le Mali à affronter souvent ses voisins. De plus,
Le pays est souvent exposé aux velléités d'autonomie d'une partie de certains groupes
ethniques qui trouvent des appuis auprès des pays limitrophes. Un autre des problèmes
essentiels est la question Touareg. La première révolte des Touareg éclate en 1962. La
grande sécheresse des années 1970 et 1980 accrut les difficultés de l'économie pastorale
et élargit le problème à toute la sous-région. Rebellions et répressions se succèdent
jusqu'au début des années 1990. Plusieurs accords ont été signés au niveau national et au
niveau régional pour trouver des solutions. Malgré la signature d'un pacte national en
avril 1992, les affrontements culminèrent de juin 1994 à janvier 1995. L'armée prit alors
la base principale des rebelles et la paix semble depuis lors rétablie.
Dans le processus de paix, une organisation en particulier a joué un rôle pivot. Cette
organisation c'est le Mouvement National des Femmes pour le Maintien de la Paix et de
l'Unité Nationale. Le centre de son programme était le pacte social et son objectif était de
s'appuyer sur les questions de la parentalité, de la famille, du mariage pour recréer une
cohésion sociale. En ce qui concerne le problème de la prolifération des armes légères qui
constitue un danger pour la paix sur tout le continent africain, le Mouvement a pris part à
une campagne qui a conduit à la signature d'un moratoire par une majorité d'Etats. Sur le
terrain, le Mouvement a participé entre autre à la démobilisation des combattants, à
l'organisation de diverses manifestations pour la paix et à un travail de « lobbying » qui a
poussé le gouvernement à prendre la décision de détruire les armes. Il a aussi procédé à
une campagne de sensibilisation dont le but a été de mettre en avant les victimes. Ainsi,
des femmes de combattants ont été envoyées dans des hôpitaux afin de voir le résultat de
l'action de leurs maris. Le mouvement a aussi voulu ajouter un axe préventif dans la
gestion des conflits en recherchant une plus grande cohésion entre les groupes ethniques.
Un travail d'éducation des femmes a aussi été entrepris afin de les encourager à prendre
12
une part active dans la résolution du conflit et une formation au droit international, entre
autres, a été donnée à certaines d'entre elles19.
Cas de la République démocratique du Congo: Minée par une corruption d'une ampleur
phénoménale et sapée par une opposition intérieure qui durant les 7 années de transition a
su préparer les esprits au changement, le régime de Mobutu a été une cible facile pour les
combattants de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL)
de Kabila dont le but etait de s'emparer de Kinshasa par les armes et de chasser Mobutu
du pouvoir. La déliquescence des forces armées présidentielles, la détermination de
l'AFDL et le stade de décomposition avancée du régime explique la facilité avec laquelle
le pouvoir fut pris par les rebelles. A Kinshasa, le bain de sang a été évité grâce à l’action
de l’opposition intérieure, notamment les militants du Front patriotique. Mais, en ce qui
concerne les réfugiés rwandais, ceux-ci ont été traqués dans la forêt et massacrés par les
soldats de l’alliance. Ces derniers ont également éliminé les civils, femmes et enfants,
entraînés dans la déroute des ex-forces armées rwandaises20.
Dans ce conflit, les belligérants ne respectent pas les instruments juridiques
internationaux notamment le droit humanitaire international qui protège les femmes.
Dans leurs déplacements, elles subissent une série de violence allant jusqu’aux viols
systématiques par les agents d’immigration et les militaires. Les femmes violées ne
bénéficient cependant pas de la protection de leur famille ou de leur communauté. Même
violée en présence de son mari, une femme violée est abandonnée et privée de tout
réconfort moral. De plus le contexte de pauvreté générale pousse les femmes à la
prostitution. Certains marché de prostitution sont entretenus par les militaires ougandais
ou rwandais21.
Les femmes congolaises ont créé des collectifs afin de se défendre et de lutter pour le
retour de la paix. Par exemple au Nord Kivu, le collectif des associations féminines pour
le développement et la Plate forme des femmes du Nord Kivu. Au Sud Kivu, la
Coordination provinciale des ONGs et associations féminines du Sud Kivu. Ces collectifs
se sont mis en contact avec les femmes du Rwanda et du Burundi.
La femme congolaise peut jouer un rôle très important au niveau de l’intégration interethnique. Le but de l’intégration inter-ethnique est de faire en sorte que des ethnies qui
cohabitent dans un même espace ou dans des espaces contigus puissent harmoniser leurs
rapports de sorte que les différences et/ou les divergences d’ordre socioculturel soient
sensiblement dissipées. Les conflits inter-ethniques en RDC sont essentiellement
alimentés ou entretenus par des rancœurs dues à des évènements conflictuels dont
certains datent de la période pré coloniale et sont transmis oralement de génération en
génération. Le rôle de la femme appairait donc au niveau éducationnel. Une éducation
centrée sur la recherche de la paix ne peut qu’engendrer l’abandon progressif des
19
Joining hands in collecting small arms, Op. Cit.
Nombre de réfugiées femmes et filles en DRC: 51,9%. Global Refugee Trends, Op. Cit.
21
La promotion des droits des femmes. Une stratégie pour la paix en République démocratique du Congo.
Actes du forum des femmes Kinshasa – UNAF, 28-31 août 2000. Publication de l’institut pour la
démocratie et le leadership politique sous la direction de Marie-Ange Lukiana Mufwankolo.
20
13
frustrations quasi-automatiques transmises comme la violence appelant une autre
violence. C’est la raison pour laquelle une sensibilisation est nécessaire afin de faire
découvrir les capacités opérationnelles et potentielles des femmes. Celles-ci devront
répandre la culture de paix à tous les niveaux, de la tendre enfance à l’âge adulte, et
valoriser la disparité ethnique afin que celle-ci ne soit pas un motif de dissension.
Au Congo, par le biais des Organisations non gouvernementales de développement, les
femmes ont joué un rôle très important dans la lutte contre la pauvreté. Elles se sont
battues pour se sortir de la misère et entraîner toute leur famille avec elles dans ce
combat.
Cas de la République du Congo: En 1959, des troubles éclatèrent à Brazzaville et
l'armée française intervint: Fulbert Youlou fut élu président de la République. Le 15 août
1960, le Congo accéda à l'indépendance.
Le régime de Fulbert Youlou exacerba les tensions ethniques, déjà fortes lors de la
marche vers l'indépendance, et manifesta un anticommunisme virulent. En août 1963, un
soulèvement populaire (« les Trois Glorieuses ») organisé par les syndicats obligea
Fulbert Youlou à démissionner. Alphonse Massamba-Débat constitua un gouvernement
provisoire avant de remporter les élections présidentielles de 1963.
En 1968, profitant des désaccords entre le président et son parti, le capitaine Marien
Ngouabi prit le pouvoir par la force et fonda le PCT (Parti congolais du travail). Il mit en
place une politique de type marxiste-léniniste. Les conflits ethniques et idéologiques se
poursuivirent et, en 1977, Marien Ngouabi fut assassiné. Le colonel Joachim YhombiOpango, après avoir pris sa succession, démissionna en 1979. Quelques mois plus tard,
le colonel Denis Sassou-Nguesso prit la tête du parti et de l'État. Malgré un discours
marxisant, son régime évolua vers le libéralisme économique.
En 1990, la population du Congo se souleva massivement. Le PCT renonça alors au
marxisme-léninisme et, en 1991, le président Sassou-Nguesso réunit une conférence
nationale. Celle-ci adopta une nouvelle Constitution (instauration d'un Conseil supérieur
de la République encadrant les pouvoirs du président) et, en 1992, organisa des élections
présidentielles libres qui virent la victoire de Pascal Lissouba, dirigeant de l'Union
panafricaine pour la démocratie sociale (UPADS). En juin 1993, l'UPADS remporta les
élections législatives. Mais les désaccords politiques et ethniques, qui déchiraient le pays
depuis plus de trente ans, et les graves difficultés économiques provoquèrent des
affrontements meurtriers entre l'opposition et l'armée. En juillet 1993, le président
Lissouba décréta l'état d'urgence, soulevant d'intenses protestations En mai-juin 1997,
l'armée régulière de Lissouba et la milice de Sassou-Nguesso s'affrontèrent.
Les femmes congolaises participèrent à différentes tentatives de réconciliation: en 1995,
une marche des femmes conduite par Julienne Ondziel se termine au Palais du Président
Lissouba, elles réclament la paix et la réconciliation nationales. Après la guerre de 1997,
Jacqueline Mamoni réussit à calmer les miliciens dans la Bouenza et établit le contact
entre les sages de la région et le pouvoir central de Brazzaville. En janvier 1999, les
14
femmes chrétiennes réunies au sein d’une association appelée MOPAX organisent une
marche de soutient à la paix.
Un an après l'arrêt des combats qui ont conduit au pouvoir, en octobre 1997, le général
Denis Sassou Nguesso, le Congo Brazzaville a de nouveau basculé dans la guerre civile
en décembre 1998. L'extension des combats à toutes les régions du sud comprises entre
Pointe-Noire et Brazzaville, pendant le premier semestre 1999, a multiplié le nombre des
victimes et des réfugiés, condamnant ces derniers à poursuivre toujours plus loin leur
fuite pour échapper aux affrontements, mais aussi aux destructions, assassinats, viols et
pillages subséquents. Cette situation de violence massive et aveugle contre les
populations civiles a amené des milliers de personnes à trouver refuge en République
Démocratique du Congo et au Gabon.
En mai 1999, on estimait que plus de 100 000 personnes étaient en danger de mort dans
la région du Pool, étant donné l'état sanitaire et nutritionnel catastrophique des
populations déplacées, réfugiées dans les forêts. Ces dernières ne commenceront à
revenir peu à peu à Brazzaville qu'à partir de juin et l'ouverture de «corridors
humanitaires». Malgré tout, en août 1999, le pays comptait encore plus de 400 000
personnes déplacées, à l'intérieur ou dans les États frontaliers, soit un septième de sa
population totale.
Fort de l'évolution en sa faveur de la situation militaire, au cours de son discours à la
nation, le 14 août 1999, le président Sassou Nguesso s'était dit prêt à accorder l'amnistie
et à discuter avec «tous ceux qui renoncent à la violence et déposent les armes».
La décennie de violence politique au Congo empira un développement stagnant qui datait
des années 80. L’énorme déplacement interne de personnes pendant la dernière des trois
guerres civiles, celle de 1998-99, a conduit à une épidémie de malnutrition ce qui fait que
directement, ou indirectement, plus de 50,000 sont mortes. La paix a finalement été
conclue après les accords de 1999 et le gouvernement entama un processus de réforme
politique.
Tout au long des différents conflits internes, les femmes contribuèrent au renforcement
des processus démocratiques dans le pays. Un cessez le feu signé par le Président
Lissouba était possible après des discussions avec le Comité national des femmes pour la
paix. Le gouvernement en 1997 nomma deux femmes ministres et dix femmes au
Conseil national de transition. Les groupes de femmes continuent à faire des
recommandations pour la paix et la reconstruction.
Cas du Rwanda: Le Rwanda fut un territoire sous mandat confié à la Belgique. Celle-ci
intervint sans cesse dans les affaires du pays et renforça le pouvoir des Tutsis aux dépens
des Hutus. Après la Seconde Guerre mondiale, les Belges face à la montée de
l'anticolonialisme au sein de l'élite Tutsi changèrent de bord. Dans les années 1950, sous
couvert d'installer une certaine justice sociale, ils encouragèrent les Hutus à se révolter
contre le "féodalisme" Tutsi en dénonçant le quasi-monopole de cette ethnie dans les
instances nationales, situation dont ils étaient eux-mêmes responsables. Le clivage entre
15
les deux communautés se durcit avec l'intervention de l'ONU, favorable au nationalisme
indépendantiste des Tutsis. La mort subite du roi Tutsi en 1959 et l'intronisation de son
successeur sans l'accord de la Belgique donnèrent le signal à un affrontement entre les
deux communautés. Une partie des Hutus fut massacrée, les autres s'enfuirent du pays. La
Belgique encouragea la création de partis politiques Hutu et en 1961, chargea le président
du Parti du mouvement pour l'émancipation Hutu de former un gouvernement alors que
le pays sombrait dans la guerre civile. En 1961, celui-ci proclama la République dont il
devint le premier président. Le 1er juillet 1962, le pays accéda à l'indépendance. Celle-ci
déclencha la révolution sociale hutue et entraîna l'exil de nombreux Tutsis. Ces derniers,
réfugiés dans les pays voisins, lancèrent sans succès des offensives pour reprendre le
pouvoir. Il s'ensuivit de violents affrontements entre les deux communautés et le
massacre d'environ 20.000 Tutsis. En 1973, une "chasse aux Tutsis" fut décrétée. La
même année un coup d'état militaire renversa ce régime. Son successeur développa une
politique raciste et extrémiste, avec un programme d'épuration ethnique et des quotas
limitatifs à l'égard des Tutsis. A l'extérieur, une opposition armée se forgea autour du
Front Patriotique Rwandais présent essentiellement en Ouganda et comptant environ
10.000 rebelles. En octobre 1990 celui-ci franchit la frontière du Rwanda et envahit le
Nord du pays. Le 6 avril 1994 l'avion du président Habyarimana est abattu dans des
conditions encore mal élucidées. Quelques heures après, les extrémistes Hutus
massacrèrent les Hutus de l'opposition et organisèrent le génocide des Tutsis. Plus de
500.000 personnes furent tuées en quelque mois22. En novembre 1994, le Conseil de
sécurité de l'ONU a créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda.
Le Rwanda a connu 3 génocides dont le dernier a été perpétré par les rwandais euxmêmes. Ce génocide a engendré entre 4.000 et 5.000 orphelins et environ 200 000
veuves. L’aspect le plus choquant en ce qui concerne le lien entre les conflits rwandais et
les femmes est qu'au Rwanda, les femmes ont été les cibles de violences sexuelles à
cause de leur sexe mais aussi pour des raisons raciales et ethniques. Les viols et les
violences sexuelles peuvent dans ce cas être considérés comme des actes de génocide.
Les femmes qui ont survécu au génocide ont été les premières à s'associer pour
reconstruire une paix durable. Ainsi certaines d'entre elles ont décidé d'entrer en
politique. Les 13 femmes qui siégeaient au Parlement ont créé un groupe en 1996, le
Forum des Femmes Rwandaises Parlementaires. Leur travail au sein du Parlement aboutit
à la reconnaissance du viol comme crime contre l'humanité. Le statut du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda a érigé le viol en crime contre l'humanité et ce tribunal a
prononcé des inculpations pour violence sexuelle. Aujourd'hui 7 femmes sont ministres
dans un gouvernement composé de 20 ministères. Elles détiennent mêmes des ministères
importants tels que celui des finances ou celui des affaires étrangères. Le ministère de la
famille a connu un développement important et est désormais divisé en plusieurs
branches. Des organes pour l'unité et la réconciliation nationale ont été créés avec pour
présidents et vice-présidents des femmes. Une commission pour les droits de l'homme a
aussi vu le jour et est composée en majorité de femmes23.
22
23
Nombre de réfugiées femmes et filles au Rwanda: 53,8%. Global refugee Trends, Op. Cit.
Women and political reconstruction in Rwanda, Dr. Rose Mukankomeje MP.
16
Cas du Senegal (la Casamance): Le conflit séparatiste en Casamance est l’un des plus
anciens du continent. Celui-ci a bientôt 20 ans et pourtant aucune perspective de
règlement ne se dessine à l’horizon. Les espoirs de négociation s’affaiblissent au
contraire et des déchirements internes au sein du Mouvement des forces démocratiques
de Casamance (MFDC), créé en 1947 et dirigé par l’Abbé Diamacoune, ne sont pas pour
arranger les choses. Sur le terrain, la distinction entre rébellion et banditisme s’avèrent de
plus en plus difficile à opérer. Un groupe proche du pouvoir, les «éradicateurs» a durci
ses positions en 1998 et dénoncé les tentatives de médiation telles que celles du Clergé
casamançais. Le moteur de ce conflit est que malgré le fait que le pouvoir ne puisse venir
à bout de la rébellion, celui-ci refuse de négocier le moindre compromis sur le statut de
la Casamance par peur d’un éclatement du pays.
A la différence de pays comme le Soudan, l’opposition entre nordistes et sudistes ne
renvoie pas à d’anciens rapports esclavagistes ou à des antagonismes religieux. Ce qui est
combattu c’est la domination nordiste qui prévaut depuis plus de 20 ans. Les
Casamançais reprochent aux nordistes de ne s’intéresser qu’à leurs richesses. En effet, la
Casamance rapportent d’énormes devises à l’Etat grâce à l’arachide, à la pêche, au
tourisme, au coton… Mais, les Casamançais n’ont pas le sentiment de bénéficier de cette
richesse et se demandent où passe l’argent public.
Le conflit sécessionniste moderne date de 1982 et a commencé par une manifestation à
Ziguinchor.
En 2001, d’après le HCR, plus de 2200 personnes se sont enfuis vers la Gambie après
l’éclatement de combats en Casamance. La majorité des personnes en fuite était des
femmes et des enfants.
En mars 2001, le Ministre sénégalais de la Condition féminine et de la solidarité
nationale a organisé une marche pour la paix en Casamance à l’occasion de la journée
international des femmes. Cette marche a été une opportunité pour toutes les sénégalaises
de montrer et leur soutien aux femmes de Casamance qui souffrent depuis des années
des effets de la rébellion séparatiste. Avant la marche, une délégation de 30 femmes s’est
déplacée jusqu’en Casamance où les combats continuent. Pendant leur séjour à
Ziguinchor, elles ont pu exprimer leur solidarité envers le Comité des femmes pour la
paix en Casamance.
Les femmes sont présentes dans les comités de négotiation mis en place par le
gouvernement sénégalais et qui comprend toutes les parties prenantes au conflit.
Cependant, depuis avril 2001, ces comités ne fonctionnent plus comme avant, toute la
négociation concernant le conflit étant gérée par la Présidence de la République
elle-même. Il est à souligner tout de même, que les femmes casamençaises ont très vite
intégré et controlé les structures du Maquis en Casamence, en Gambie et en Guinée
Bissau. Elles ont participé et sont reconnues dans tout le processus relationnel,
d’information et de ravitaillement des groupes rebelles car, comme elles l’ont dit, ce sont
leurs maris, leurs fils, leurs oncles ou pères qu’il fallait sauver. En Casamance la femme
joue un rôle majeur. Elle détient le pouvoir de l’économie et de la sécurité alimentaire.
Son rôle a un impact majeur dans la gestion du conflit.
17
Cas de la Sierre Leone: Des divisions existent depuis toujours en Sierra Leone en les
divers groupes de population. Ces divisions ont pesé sur la vie politique du pays, entravé
la construction nationale et favorisé la constitution de pouvoirs autoritaires. En 1992, le
Général en place est renversé et remplacée une junte militaire. En 1996, le pouvoir
central permet toutefois la tenue d'élections et celles-ci aboutiront à l'élection d'un
Président de la République. Mais en 1997 ce dernier est renversé. Au terme de
négociations menées par la force d'interposition des Etats d’Afrique de l'Ouest (Ecomog),
sous l'égide de l'ONU, les putschistes acceptent le retour du président déchu. Toutefois,
début 1998, les combats reprennent mais l'intervention de l'Ecomog permet le
rétablissement au pouvoir du président. En janvier 1999, ce dernier est une nouvelle fois
contraint de quitter le pouvoir face à l'avancée de rebelles du Front Révolutionnaire Uni
(RUF). Peu après les militaires de l'Ecomog et les mercenaires présents sur le territoire
reprennent la capitale. Cette guerre a fait près de 20.000 victimes et près de la moitié de
la population a dû se déplacer pour fuir les combats24. En juillet 1999 un accord de paix
est signé à Lomé. En février 2000, le Parlement a voté une loi instaurant une commission
"Vérité et Réconciliation" chargée de faire la lumière sur les exactions commises pendant
les huit années de conflit. Mais l'efficacité de cette structure est limitée car, contrairement
aux exigences de l'ONU, le président et le chef des rebelles, les deux principaux
signataires de l'accord ont accordé l'amnistie aux crimes de guerre. La fin du premier
semestre 2000 est marquée par la prise en otage de quelque 500 casques bleus par les
rebelles du Front révolutionnaire uni. En effet, ces derniers sont toujours réfractaires à un
désarmement. Les combats s'intensifient et plongent une nouvelle fois le pays dans la
guerre.
Plusieurs conférences ont été organisées afin de trouver une solution au problème de la
Sierra Leone. La première, la conférence d Abidjan de 1996, n'a compté aucune femme
parmi ses participants. L'année suivante lors de la conférence de la Communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest, une seule femme était impliquée à un
niveau national. Le changement est venu avec les négociations de Lomé en 1999: 4 des
négociateurs pivots sur 9 étaient des femmes. Leur participation aux négociations a été
d'une exceptionnelle qualité. De multiples associations de femmes ont été créées et
travaillent afin de préparer le pays à la réconciliation et à une paix durable. En Sierra
Leone, le taux d'illettrisme des femmes est un taux extrêmement élevé (90%) ce qui
explique les difficultés qu'elles ont à améliorer leur statut social et à participer à l'effort
économique du pays. C'est à ce niveau surtout que de nombreux efforts ont été faits afin
d'élargir la participation des femmes à toutes les sphères de la vie sociale, culturelle,
économique et politique. C'est ainsi que des projets ont été mis en route afin d'offrir une
formation aux femmes dans des domaines aussi divers que l'éducation civique,
l'alphabétisation, le droit, le lobbying… Des émissions radiotélévisées ont aussi été
produites sur des sujets d'actualité affectant la société civile tels que la violence, le
problème des armes légères… Des programmes d'aide sociale ont également été mis en
24
D’après l’UNICEF, 20% de la population dont la plus grande partie sont des enfants a été amputé
pendant la guerre. Les enfants représentent la moitié des 10.000 morts de la guerre et sont environ 700.000
sur l.8 million de personnes déplacées. Commission des femmes pour les femmes et les enfants réfugiés,
“The Children’s War toward Peace in Sierra Leone”, Septembre 1997.
18
place pour venir en aide aux groupes vulnérables tels que les victimes d'abus sexuels, les
enfants, les prostitués et les jeunes filles enceintes.
Plus de 3000 enfants sont portés disparu depuis l’invasion des rebelles. Environ 5.400
enfants ont été associés aux combats. Sur 45.000 combattants, 12% étaient mineurs. 86%
des femmes enceintes souffrent d’anémie ce qui est une grande source de complications
pour les enfants à naître. Le pays détient le plus fort taux de mortalité maternelle du
monde et le record du monde de la mortalité infantile.
Cas du Soudan: Le condominium anglo-égyptien établi en 1899 sur le Soudan fut
rompu en 1951 par l'Égypte, dont le roi, Farouk, fut également proclamé roi du Soudan.
Avec l'accord de Néguib et de Nasser, le pays choisit l'indépendance (1956). À la
dictature militaire du maréchal Abbud (1958-1964) succéda celle du général Nemeyri. En
1973, ce dernier promulgua une Constitution qui instaurait le régime du parti unique et
accordait l'autonomie aux provinces révoltées du Sud (capitale Juba). Mais, en 1983, la
décision de diviser le Sud en trois régions et la proclamation de la loi islamique
déclenchèrent une nouvelle insurrection, tandis que le marasme économique faisait
perdre au régime ses principaux appuis. Après la chute de Nemeyri en 1985 et depuis le
coup d'État militaire du 30 juin 1989 du général Omar Hassan el-Bechir, le Soudan est
dirigé par un gouvernement à forte tendance islamiste. Accusés de violations
permanentes des libertés, soupçonnés de favoriser la diffusion de l'intégrisme, dénoncés
par la Commission des droits de l'Homme des Nations Unies comme des persécuteurs
orchestrant une épuration ethnique et religieuse, les dirigeants de Khartoum ont été placés
sous haute surveillance par la communauté internationale. Certains pays arabes ont, en
outre, dénoncé l'appui apporté par le Soudan à l'Iraq lors de la guerre du Golfe.
L'oligarchie au pouvoir, soutenue par le Front national islamique, a mis fin à trois ans de
régime civil parlementaire et de multipartisme. Laborieusement mis en place, ce régime
dit de transition était le dernier-né d'une évolution politico-juridique particulièrement
complexe, caractérisée par la recherche d'une Constitution moderne, permanente, adaptée
aux traditions soudanaises. Les tentatives constitutionnelles de construction identitaire
par les divers régimes qui se sont succédé – militaires (1958-1964, 1969-1985), civils
parlementaires (1956-1958) et transitoires (1964-1965, 1985-1986) – ont échoué alors
que le pays se trouvait plongé dans une guerre civile opposant les troupes du pouvoir
central aux combattants sudistes entre 1955 et 1972, affrontements qui ont repris en 1983,
puis en 1994 et 1995.
Le pays a donc été en proie d’une guerre civile depuis 18 ans. La guerre, la famine et la
maladie ont causé la mort de plus d’un million de personnes avec en plus des quatre
millions de personnes déplacées dont la majorité est constituée de femmes et d’enfants.
Cependant, les femmes ont pu former des groupes et des réseaux pour la paix. Une
sensibilisation accrue à la nécessité pour les femmes de s’engager dans la médiation a
néanmoins été constaté. Au niveau local, beaucoup de femmes ont assisté aux
conférences pour la paix et la réconciliation en 1999, déléguées qui exigeaient une fin au
conflit. En mars 1999, la Conférence Dinka-Nuer West Bank a abouti à un traîté de paix
régional. D’autres efforts comprenaient l’organisation de prières pour la paix par les
femmes du Conseil soudanais des Eglises à Khartoum. A travers le nouveau Conseil du
19
Soudan des Eglises, les femmes cherchent également à obtenir le statut d’observateur au
processus de paix de l’Autorité intergouvernemental pour le Développement
(Intergovernmental Authority for Development -IGAD).
IV.
LE PROBLEME DES ENFANTS
N’oublions surtout pas les autres grandes victimes des conflits, les enfants.
Dans les pays en conflit, des millions d'enfants sont tués comme cibles délibérées et des
millions d'autres sont transformés en soldats. Les enfants en période de trouble sont les
premières victimes de la malnutrition, des maladies et même des violences sexuelles
Aujourd'hui, la proportion de pertes civiles dans les conflits est passé de 5% à 90% et la
mort d'enfants explique pour une large part l'évolution de ce chiffre. Dans les années 90,
plus de 6 millions ont été gravement blessés ou définitivement handicapés. 2 millions
d'enfants sont morts à cause de la guerre, 20 millions ont été déplacés et, à tout moment,
plus de 300.000 enfants sont utilisés comme soldats25. C'est la raison pour laquelle depuis
1996, une campagne internationale a été mise en place pour garantir une meilleure
protection en faveur des enfants en période de conflits. Pour cela plusieurs points-clés
sont développés. Par exemple, l'objectif de mettre fin à l'impunité des auteurs de crimes
contre les enfants ou la nécessité de mettre les enfants à l’ordre du jour des processus de
paix. La question des enfants et du SIDA est aussi d'une importance capitale26.
Un enfant soldat est un enfant, garçon ou fille, mineur, qui est obligatoirement ou
volontairement recruté ou utilisé lors des hostilités, par des forces armées. Mais il faut
toutefois avoir à l'esprit que, même si certains enfants se présentent volontairement, ils le
font souvent parce qu'ils sont l'objet de pressions culturelles, sociales, économiques ou
politiques. Les enfants soldats sont utilisés comme objets sexuels, combattants, cuisiniers,
messagers, etc. Certains vivent des expériences tellement traumatisantes qu'ils sont
complètement désensibilisés à l'horreur, ce qui pose le problème de leur réinsertion dans
la société à la fin du conflit.
Les enfants réfugiés constituent 56% du chiffre totale de réfugiés en Afrique. La moitié
(49,6%) de tous les enfants réfugiés sont de sexe féminin. Ces chiffres reflètent la
composition générale de la population des réfugiés tout âge confondu. (50,5% dans les 40
principaux pays d’accueil situés dans toutes les régions du monde.). Les réfugiés
originaires de l’Afrique de l’Ouest possèdent le plus fort taux d’enfants (60%)27.
En Angola, l’OIM a participé activement à la démobilisation des enfants mettant l’accent
sur les besoins en termes de réinsertion. Un total de 5.000 enfants soldats ont pu
regagner leur lieux d’origine et ont été aidés à se réinserer dans la société. Au Rwanda,
un grand nombre d’enfants a été évacué vers l’Italie durant le conflit. L’OIM a facilité
25
International Conference on War-affected Children, Canada, September 2000; The Impact of Armed
Conflict on Children by Graça Machel, UNIFEM & UNICEF.
26
Ibid
27
Refugee Children in Africa. Trends and Patterns in the Refugee Population in Africa below the age of 18
years, United Nations High Commissioner for Refugees, 2000.
20
leur retour notamment en localisant les membres de leurs familles. Depuis septembre
2000, l’OIM a joué un rôle central dans l’aide apportée aux femmes et aux enfants
ougandais enlevés par l’Armée de résistance du Seigneur (ARS) du Soudan et emmenés
dans ce pays pour y prendre part au conflit. L’ARS a été accusée d’enlever des milliers
de femmes et d’enfants pour les utiliser comme soldats ou comme esclaves sexuels.
L’OIM travaille en collaboration avec la communauté internationale pour organiser le
retour, la réadaptation et la réinsertion de toutes les personnes enlevées.
V.
CE QUE L’OIM PEUT APPORTER AUX FEMMES DANS LES
SITUATIONS D’APRES CONFLITS
La communauté internationale s'est rendue compte depuis de nombreuses années et au
cours de maints conflits que non seulement les femmes sont les victimes principales des
conflits - à travers les abus sexuels et bien d’autres formes de violence - mais aussi
qu'elles sont marginalisées dans les décisions de faire la guerre, dans les processus de
paix ainsi que dans la reconstruction qui suit le conflit. Les efforts faits par les femmes
comme médiatrices en essayant de communiquer avec les parties belligérantes sont
souvent ignorés dans les phases officielles de médiation pour la paix. Dans les phases
après-conflit, l'importance donnée à établir des systèmes de gouvernement à travers les
parties politiques oublient le rôle et la voix des femmes qui, au niveau “informel et
communautaire” ont beaucoup à contribuer dans les efforts pour définir les termes de la
paix et de la sécurité future.
Or, elles ne devraient pas seulement être considérées comme des victimes qui requièrent
une protection et une assistance mais plutôt elles devraient être considérées comme des
partenaires principaux pour la paix. Elles peuvent s'engager et diriger les efforts pour
soutenir et promouvoir la paix et la réconciliation car elles cherchent souvent des
méthodes non-confrontationnelles pour résoudre les conflits et se concentrent plus sur le
bien-être collectif qui sont des qualités positives pour la reconstruction de la paix - sans
parler du fait qu'en général, les femmes rejettent d'office les conflits en général, les
guerres en particulier.
L'OIM, comme beaucoup d'autres agences humanitaires internationales, s'intéresse de
plus en plus au rôle des femmes dans le rétablissement de la paix à travers des
programmes après-conflit et de reconstruction sociale. L’OIM participe activement à
l’effort de démobilisation des soldats après conflit et de réintégration de ceux-ci et des
personnes déplacées dans le monde entier. Dans ses programmes d'intervention aprèsconflits, l'OIM a contribué à donner une aide immédiate aux personnes déplacées,
réfugiés et aux combattants démobilisés qui veulent rentrer au pays en leur offrant une
formation à court terme et en mettant sur pied des micro projets de développement
communautaire. L'OIM s'efforce en plus de prendre en considération dans ses
programmes de retour et de réintégration, les femmes comme “des sources de
développement” à utiliser dans l'avenir. Les conflits et la militarisation apportent souvent
des capacités et des responsabilités nouvelles pour les femmes. Par exemple, pendant une
crise, la population féminine aura sans doute développé des mécanismes créatifs et
21
flexibles ainsi que des stratégies qui devraient être identifiées et développées dans toute
intervention après-conflit. En d'autres termes, il faut soutenir l'octroi des pouvoirs aux
femmes qui devraientt être à chaque fois le point de départ pour une aide internationale
qui ménera à la promotion du changement social.
Dans ses programmes après-conflit et de démobilisation - comme au Mozambique
(1995/96) et en Angola (1997/98) - l'OIM s'assura que les questions de nutrition, de santé
reproductive et d'égalite entre les sexes seraient prises en compte dans ses activités
médicales, insérés dans toutes les phases d'urgence, de retour et reconstruction. Cette
prise de conscience dut s'étendre des questions relatives à la violence dans la famille à
celles de la parité associées à l'intégration et au retour jusqu'aux maladies sexuellement
transmissibles et à l'aide aux femmes enceintes et aux enfants.
Dans ses programmes de retour et de réintégration, l'OIM a aussi mis sur pied des projets
de développement de micro-entreprises. Par exemple en Arménie, depuis 1997, un projet
a été mis sur pied pour aider les personnes déplacées, femmes chefs de famille, réfugiés
et autres personnes économiquement faibles à atteindre une certaine indépendance
économique et faciliter leur intégration et, de cette façon, réduire les pressions
migratoires. Une formation est donnée par des instructeurs utilisant un cursus développé
par l'OIM et qui couvre tous les éléments pour fonder et faire marcher une entreprise.
Des prêts sont octroyés à travers les banques locales avec des échéances de
remboursement qui tiennent compte des affaires de l'entreprise de l'emprunteur. Les
banques s'engagent à continuer à octroyer des prêts aux emprunteurs opportuns. Plus des
918 personnes ont été formées et des prêts pour plus de US$750.000 ont été octroyés
desservant plus de 1000 familles. 46% des bénéficiaires de ce projet sont des femmes.
L'OIM a également mis sur pied, depuis novembre 1998, une coopérative de femmes
dans le cadre d'un projet de développement communautaire et de micro-crédit dans la
région Nakichevan en Azerbaijan. Ce projet soutient la promotion d'une coopérative pour
la production et le marketing de conserves produites par des entrepreneurs femmes avec
un programme de crédit rural. Ce projet sert à encourager d'autres femmes entrepreneurs
de la région.
En octobre 1999, après le conflit au Guatémala, l'OIM a mis sur pied un projet de
“renforcement et de participation de la femme indigène dans le processus de réinsertion
sociale des communautés”. La première phase comprenait la formation d'équipes de
travail où les femmes exposèrent leurs problèmes concernant l'accès aux terres (en effet
les Accords de Paix se réfèrent à ces droits mais n'ont pas de mécanismes de
renforcement). La phase suivante souligna d'autres problèmes de la communauté, à
savoir: l'analphabétisme des femmes, la mortalité élevé des enfants; l'absence de
logements et d'eau potable; le faible niveau d'organisation des femmes. Le programme se
concentra donc sur: donner une direction aux femmes et l'alphabétisation à travers des
séminaires. De cette façon et à la suite de la formation, les femmes indigènes ont pu
retrouver leur capacité d'organisation antérieure et ont pu initier un processus de
renforcement au niveau communautaire.
22
Au Kosovo, plus récemment, ce n'est pas seulement le bien-être physique mais bien celui
psycho-social qui laissa aussi des empreintes profondes. Déjà en avril 1999, dans les
camps de réfugiés en Albanie, un programme de réponse psycho-sociale et de réponse au
traumatisme avait été mis sur pied tout de suite après le début des hostilités. A la suite du
retour massif et spontané des réfugiés, une évaluation a été entreprise afin de comprendre
comment répondre aux besoins psycho-sociaux. Il y avait peu de psychologues au
Kosovo et un besoin clair pour des professionnels de niveau intermédiaires qui pourraient
apporter un soutien psycho-social àu travers des activités de conseils. Pour cela, l'OIM,
en coopération avec l'Université de Pristina (Facultés de Philosophie et de Médecine), a
initié un projet de formation 'Conseil psycho-social et réponse au Trauma'. Le but était
d'apporter une réponse rapide aux besoins psychologiques émergeants liés au récent
conflit et les migrations forcées ou l'exil des populations. En plus ce programme a établi
les bases pour le renforcement à long terme et la mise en place de services compétents et
institutionnels à travers l'octroi de réponses aux désordres psychosociaux qui pourraient
se manifester d'ici quelques années. Le projet a duré un an et, à son terme, 40 conseillers
(dont 80% de femmes) sont en mesure d'apporter un soutien professionnel de qualité et
opportun aux besoins de la communauté dans un Kosovo nouveau. Le projet va
continuer en 2001 avec 8 centres régionaux dans lesquels les conseillers de l'année passée
pourront apporter un soutien psycho-social. A travers cette approche communautaire, le
risque d'une évolution négative du traumatisme vers des maladies mentales a été réduit et
l'accès de la population à une assistance compétente est facilité.
En mars1999, afin d'accroître l'accès aux soins médicaux et à l'éducation pour le peuple surtout les femmes et les filles - dans les zones difficilement accessibles, - l'OIM a mis
sur pied un projet de retour et de réintégration de nationaux qualifiés afghans (depuis le
Pakistan et des zones rurales d'Afghanistan) dans les secteurs de la santé et l’éducation
avec une grande importance donnée aux mèdecins femmes afghanes. Ce projet est
justement en conformité avec la stratégie de l'OIM en matière d'égalité des sexes car il
donne aux femmes et aux hommes les opportunités de développer et d'utiliser leurs
capacités. Le recrutement se fait dans les camps de réfugiés de Peshawar et de Quetta.
L'OIM interview les candidates en prenant en considération leurs besoins spécifiques tels
que la garde d'enfants, la sécurité, la politique afghane de “mahram” (à l'extérieur être
accompagné par un membre mâle de la famille) et, une fois qu'un emploi est trouvé,
s'assurer que ces besoins sont aussi respectés par les nouveaux employeurs.
En offrant un accès à l'emploi pour des femmes qualifiées, le projet leur offre
l'opportunité de réaliser leur potentiel professionnel, contribue à la reconstruction de leur
pays tout en pourvoyant aux besoins de leur famille. Jusqu'à présent, il y a plus de 700
candidats qui veulent rentrer chez eux dont plus de 150 femmes. 32 candidates sont
rentrés dont 6 médecins et 12 enseignantes.
En mars de cette année, l'OIM a mis en oeuvre un projet de campagne d'information sur
le “rétablissement de la confiance et l'augmentation des efforts pour la paix à travers une
meilleure communication parmi les femmes somaliennes”. Ce projet visait les femmes
car elles ont eu souvent un rôle de "diffuseur de tension" au sein de la population et des
clans belligérants. Un séminare a été organisé pour 20-30 femmes professionnelles
23
venant de toutes les régions de Somalie, à Hargeisa, dans le nord du pays pour une
semaine début mars, afin de:
·
·
·
promouvoir une prise de conscience sur le rôle important des femmes somaliennes
dans le processus de paix et de reconstruction du pays à travers des discussions
constructives,
atteindre un consensus sur une déclaration de principe et identifier des actions à
poursuivre par les femmes somaliennes qui puissent inclure leur participation active
former des groupes de femmes dans les communautés, à travers le pays, en les aidant
à mettre sur pied d'autres séminaires à l'intérieur et à l'extérieur du pays.
Ainsi, des “leaders” femmes ont été identifiées, une base de données a été créée avec les
participantes à ces séminaires, une déclaration de principes traçant les grandes lignes du
rôle important des femmes somaliennes dans le processus de paix a été défini et distribué,
un réseau pour des actions à long terme a été mis sur pied, un plan d'action avec des
activités spécifiques et des objectifs a été établi et distribué aux activistes somaliennes;
une prise de conscience accrue par les femmes somaliennes sur le rôle essentiel qu'elles
peuvent jouer pour promouvoir la paix à travers une meilleure communication entre elles
et des efforts de lobby accrus auprès des leaders politiques actuels somaliens dans le but
de rétablir la paix totale et durable dans le pays.
Fort de cette expérience, l’OIM a l’intention d’organiser trois séminaires dans les pays de
la zone des Grands Lacs au troisième trimestre de cette année civile. Ce projet a pour but
de promouvoir la paix, la stabilité, la réhabilitation, le développement économique, la
prévention des conflits et la réconciliation ethnique dans chacun des trois pays des
Grands Lacs: RDC, Rwanda, Burundi.
Le projet aspire à contribuer à une
communication ouverte et constructive parmi les femmes de cette zone ainsi que de la
diaspora dans le but d’apporter une contribution effective au processus de paix. Ce
soutien au dialogue et au développement de réseaux vise à promouvoir l’emploi, la
génération de revenus et le développement économique parmi les femmes, et aussi à
prévenir la fuite des cerveaux.
Ces séminaires seront organisés afin de faciliter la réconciliation ethnique ainsi que la cohabitation. Leur cible sera la coopération entre les femmes. Une campagne d’information
sera menée en parallèle de ces séminaires afin d’accroitre la sensibilité de la population
générale en DRC.
Le rôle économique important des femmes ne doit pas être négligé surtout en relation
avec les activités qui correspondent à des emplois durables. La contribution des femmes
à leurs familles ainsi qu’à leurs communautés par leur soutien économique et leur
stabilité peut jouer un rôle vital dans la promotion de la stabilité et une paix durable. A
travers le soutien aux activités économiques des femmes et en particulier à travers
l’établissement de micro-entreprises, on peut atteindre un impact significatif dans le
rétablissement de la paix.
VI.
CONCLUSIONS
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Voila quelques exemples de ce que l'OIM a fait dans le passé et entreprend maintenant
pour promouvoir le rôle des femmes dans le rétablissement de la paix. Nous sommes
toujours prêts à considérer les besoins des pays membres et sommes à l'écoute de leurs
intérêts.
En conclusion, je voudrais dire qu’il faut redoubler d’efforts pour sensibiliser davantage
l’opinion publique aux effets qu’exercent les conflits sur les femmes et les enfants,
notamment dans la perspective de répondre de façon appropriée aux besoins des
personnes déplacées par les conflits.
Il faut faire davantage pour soutenir et protéger les femmes et les enfants victimes des
conflits.
Enfin, il faut un effort international accru pour faire reconnaître le rôle important que
peuvent jouer les femmes dans le succès et la pérennité des initiatives de prévention des
conflits et d’instauration de la paix.

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