Bobigny : Pourquoi nous portons plainte contre M6 ? Depuis son

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Bobigny : Pourquoi nous portons plainte contre M6 ? Depuis son
TRIBUNE – MJCF Bobigny / Drancy – 15/04/2015
Bobigny : Pourquoi nous portons plainte contre M6 ?
Depuis son siège social de Neuilly-sur-Seine, la chaine de télévision M6 a diffusé ce
dimanche 12 avril un reportage « Zone Interdite : Quartiers sensibles : le vrai visage des
nouveaux ghettos » stigmatisant nos quartiers, nos villes, notre banlieue. La Seine-SaintDenis est devenue la cible privilégiée de certains médias, de certains discours jusqu’aux plus
hautes autorités de l’Etat. A deux jours, d’une visite de Manuel Valls en banlieue, les jeunes
communistes annoncent qu’ils portent plainte contre M6.
Avec ce reportage M6 met en avant une propagande racoleuse mensongère et
réactionnaire avec encore et toujours le même refrain : «la délinquance, l’absence du père,
ou encore le communautarisme » dans un objectif évident de stigmatiser la banlieue, la
jeunesse et de construire un ennemi de l’intérieur pour nous diviser.
En 2015, le mot d’ordre est définitivement l’unité nationale contre les quartiers !
Le « quartier sensible » : une construction politico-médiatique loin de la réalité.
« Banlieusards on est pas condamné à l’échec » chante Kery James. Plus qu’une chanson,
c’est un mot d’ordre, un espoir et une ligne directrice pour les jeunes militants de quartiers
que nous sommes.
Malheureusement, lorsque l’on regarde le reportage de Zone Interdite, tout porte à croire
que c’est faux. Nous refusons ce constat. Et que l’on ne nous reproche pas de nier une
réalité, car la réalité nous sommes en plein dedans, tous les jours ! C’est une vision partielle
et orientée de la chaîne M6, et de nombreux autres médias, politiques et institutions, que
nous refusons !
Nous refusons ce scénario écrit d’avance, que l’on nous rabâche depuis plus de 10 ans, où
les problèmes des quartiers riment toujours avec « no go zone », délinquance, décrochage
scolaire, immigration, familles monoparentales, religion musulmane…
S’il y a bien une crise dans nos quartiers, elle est sociale, elle est économique, elle est celle
de la légitimité à l’égard de ceux qui nous insultent à longueur de journée.
Oui il est difficile de croire dans un changement social à l’heure où les riches sont toujours
plus riches et où tous les services publics sont démolis, d’autant plus que nos élus sont
discrédités comme à Bobigny, et que nous ne sommes pas ou peux représentés de manière
générale. Oui il existe un sentiment d’abandon et d’injustice, alimentés dans la tête des
jeunes par l’expérience des discriminations institutionnelles telles que les contrôles au
faciès, les multiples refus d’embauches à cause d’un nom ou d’une ville, l’interdiction
d’étudier ou de travailler avec un voile, des professeurs non remplacés dans les écoles etc..
La violence, c’est ici qu’elle se situe. Elle est politique. Et elle s’appuie sur un système
médiatique qui cherche à la faire oublier en faisant du sensationnel, en faisant de nos
quartiers des zones de guerre, et de ses habitants au mieux des pauvres assistés au pire des
futurs terroristes.
TRIBUNE – MJCF Bobigny / Drancy – 15/04/2015
Paternalisme, mépris et valeurs de la République.
« Qu’est ce que ça fait d’être un problème ? » écrivait le sociologue et militant W. E. B.
Dubois en 1903. C’est cette question que se posent constamment les habitants de nos
quartiers, et notamment les jeunes.
Depuis le début de l’année 2015, et les massacres de Charlie Hebdo, les quartiers populaires
sont la cible d’attaques toujours plus violentes. Nous sérions à la source du mal. Il est bien
loin le temps de l’unité nationale et de l’esprit du 11 janvier.
Aujourd’hui, il faudrait nous éduquer, nous assimiler, nous faire devenir Républicains voir
laïques puis que nous nous désolidarisions de la barbarie, puisque bien entendu nous ne le
serions pas à en croire l’image construite et véhiculée dans de tels reportages.
Comment ne pas avoir une aigre sensation de paternalisme et de mépris lorsque le
journaliste demande à une jeune maman de 5 enfants si « elle n’avait jamais pensé à la
pilule ? » Ou lorsque le reportage associe exclusivement les écoles musulmanes à du
communautarisme ?
Comment ne pas imaginer que les images, les idées véhiculées dans ce reportage mettent
terriblement à mal le travail fait au quotidien, avec les jeunes, par les jeunes et pour les
jeunes ! Comment vouloir sortir la tête de l’eau lorsque l’on nous la maintient au fond
constamment ?
Et pourtant…
Ils divisent, on rassemble !
Et pourtant il en existe des centaines, des milliers, individuellement ou collectivement, qui
s’investissent, s’engagent, entreprennent, réussissent.
Où se trouvait M6 ?
- Il y a un mois lorsque les lycéens de Louise Michel se mobilisaient contre la baisse des
moyens dans leur lycée, la suppression des options et pour une égalité réelle du droit
à l’éducation ?
Alors que se battre pour l’éducation, c’est se battre pour la République !
- Pendant la mobilisation des parents et enseignants des collèges et écoles de la ville
pour les mêmes raisons ?
Cela casserait-il l’image des parents démissionnaires ?
- Lorsque des dizaines d’associations agissent tous les jours avec peu de moyens ?
Des noirs et des arabes qui gèrent des associations ? Pas assez exotique !
- Lorsque nous réalisons des tournois de foot pour des grandes causes
internationales ? Des cours de soutien ? Des bourses de matériel scolaire solidaires ?
Des soirées débats autour de films ou d’intervenants ? Des mobilisations et des
campagnes pour nos droits sociaux ou contre l’islamophobie et pour le vivreensemble ?
Des centaines de jeunes qui s’engagent et s’investissent : pas assez cliché !
TRIBUNE – MJCF Bobigny / Drancy – 15/04/2015
Enfin, pourquoi M6 d’habitude si pressée à vanter les mérites du « self made man » à
l’américaine ne dit pas un mot de tous les jeunes qui entreprennent, qui étudient et qui
réussissent !
Nos banlieues regorgent d’une richesse et d’un potentiel qui dérange !
Nous portons plainte !
Ce reportage a été un véritable choc pour les jeunes militants de Bobigny que nous sommes,
pour nos amis, nos familles, nos connaissances… Entre écœurement et colère, comme les
habitants de Tremblay ou de la Villeneuve qui ont su se lever et dire non, nous avons décidé
de réagir sur le terrain des idées et de la justice.
Nous ne baisserons plus la tête. Nous portons plainte pour diffamation publique, ainsi que
pour discrimination. Nous voulons être entendus. Nous voulons que ceux qui à la télé ou
ailleurs diffusent la haine de l’autre et attisent les divisions soient reconnus coupables.
Au-delà de Bobigny, au-delà des quartiers ou de la banlieue, nous réagissons pour la France,
pour le vivre-ensemble auquel nous aspirons !
Quand ils divisent, on rassemble !
Les Jeunes Communistes de Bobigny / Drancy