Les sorciers à l`assaut du village Gollion (1615

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Les sorciers à l`assaut du village Gollion (1615
Fabienne TARIC ZUMSTEG
Les sorciers à l’assaut du village
Gollion (1615-1631)
Éditions du Zèbre
Lausanne 2000
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Introduction
Sorcellerie et répression
Qu’est-ce que la sorcellerie ?
De prime abord, la réponse semble relativement aisée, tant ce
terme appartient encore à notre imaginaire voire à notre quotidien, malgré quelques mutations, adaptations ou réorientations5.
Nous avons tous, en effet, une idée de la sorcellerie comme magie
populaire au caractère intemporel et universel ; une sorcellerie
faite de pratiques illicites et secrètes d’ensorcellements, d’incantations et de maléfices, fondée sur le pouvoir de faire le mal, de jeter
des sorts. Mais si la croyance au pouvoir surnaturel de certaines personnes existe et a existé partout dans le monde à des périodes très
diverses, elle n’a pas systématiquement provoqué une répression
judiciaire. Lorsque nous nous penchons sur l’Europe moderne6,
nos esprits se troublent et peinent à reconnaître dans des faits tragiques et particulièrement meurtriers cette sorcellerie dite universelle, car « aucun peuple, à un moment quelconque de son histoire,
ne semble avoir détruit avec rage un aussi grand nombre de
5
Cf. R. MUCHEMBLED (dir.), Magie et sorcellerie en Europe, p. 233-315
(« Magies contemporaines »).
6
Les dimensions historique et européenne du phénomène ne sont bien sûr
pas les seules voies de recherche possibles. Le phénomène peut être également
appréhendé sous d’autres latitudes et à travers les interrogations posées par
l’ethnologie ou l’anthropologie, sciences dont les apports ont fait sensiblement progresser les recherches historiques sur la sorcellerie. Mentionnons
l’ouvrage du grand anthropologue britannique E. E. EVANS-PRITCHARD, Sorcellerie, oracles et magie chez les Azandé, qui a inspiré les historiens, notamment
Ch. Larner, A. Macfarlane et K. Thomas (cf. infra, bibliographie, p. 350-354).
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sorciers que les Occidentaux contemporains de Henri IV et de
Louis XIII »7.
Ces persécutions, dont l’apogée se situe entre 1580 et 1630,
commencent en réalité à la fin du Moyen Age, vers 1430, lorsque
des clercs se sont mis à diaboliser certaines pratiques magiques8
pour définir la sorcellerie comme un nouveau type d’hérésie, un
nouveau crime, le plus abominable qui soit : celui de lèse-majesté
divine9. Sur la sorcellerie-magie populaire pratiquée depuis des
millénaires est ainsi venu se greffer une sorcellerie satanique10 née
des angoisses et des fantasmes cultivés par l’élite intellectuelle. Dès
lors, les autorités religieuses et laïques ont travaillé de paire afin de
pourchasser sorciers et sorcières11. Ceux-ci ont été considérés,
7
R. MUCHEMBLED, « Satan ou les hommes ? », p. 16.
Ces pratiques existaient de longue date et n’ont certainement pas été complètement éradiquées par la répression de la sorcellerie. L’une d’elles, le maléfice
du nouement de l’aiguillette est décrite par J. DELUMEAU : « le sorcier ou la
sorcière pouvait, croyait-on, rendre des époux impuissants ou stériles […] en
nouant un lacet durant la cérémonie de mariage, en prononçant en même
temps des formules magiques et parfois en jetant une pièce de monnaie
derrière son épaule. Une tradition plurimillénaire attestée au long des âges
[…] affirmait l’existence de stérilités et d’impuissances provoquées par des
sortilèges » (La peur en Occident, p. 78).
9
La lèse-majesté divine est une atteinte aux droits divins, une violation de
la majesté de Dieu.
10
A la différence des principales langues européennes, le français ne possède
pas de vocables différents pour distinguer ces deux types de sorcellerie. En allemand Zauberei s’oppose à Hexerei ; en anglais Sorcery à Witchcraft ; en italien
Fattuccheria à Stregoneria, etc. En français, pour éviter la confusion due au
glissement de sens, G. BECHTEL parle d’« une sorcellerie de premier type » et
d’ « une sorcellerie de deuxième type » : la première est celle « du simple maléfice, qui se passe du Diable ou n’a avec lui que des rapports lointains et
impérieux, celle qui utilise des sorts, du sortilège, des envoûtements, des incantations, des ligatures, des philtres », celle « consistant à faire le mal, faire
le cruel destin, faire le mauvais temps, faire la mort » ; la seconde désigne « la
sorcellerie vraiment diabolique, celles des sorcières qui se soumettent au
Diable par le pacte, lui rendent un véritable culte et vont courir nuitamment
au sabbat, celles qui joignent à tous les maléfices du premier type l’aide de
Lucifer et l’abandon de leur âme » (La sorcière et l’Occident, p. 51).
11
Bien que les chiffres varient selon les régions et les époques, les victimes
des poursuites, à l’échelle européenne, ont été majoritairement des femmes.
Sur cette spécificité féminine du crime de sorcellerie, cf. notamment
G. BECHTEL, La sorcière et l’Occident, p. 574-607 ; J. DELUMEAU, La peur en Occi8
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selon un savant portrait-robot12, comme des êtres nuisibles et dangereux en vertu de leur apostasie et de leur dévouement au diable ;
des êtres capables de provoquer toutes sortes de catastrophes
« naturelles », s’adonnant à des maléfices contre gens et bêtes,
fréquentant des sabbats ou des sectes diaboliques et complotant
contre la société. Les travaux des médiévistes13 ont montré
l’importance de la région lémanique dans l’élaboration de ce
nouveau concept qui inquiétera à des degrés divers toute l’Europe
occidentale jusqu’à la fin du XVIIe siècle, voire au-delà14. Dès le Bas
Moyen Age, le Pays de Vaud a largement participé à la fièvre
répressive européenne et a connu de nombreuses chasses aux sorciers15, au cours desquelles a été exécuté plus d’un tiers de tous les
dent, p. 398-449 ; R. MUCHEMBLED, La sorcière au village, p. 167-183 ; ID., Le roi
et la sorcière, p. 153-163 ; J.-M. SALLMANN, « Sorcière » ; et infra, p. 124-125.
12
Nous empruntons ce terme à G. BECHTEL qui le préfère à « stéréotype »
« pour bien marquer d’abord que [le concept de sorcellerie] fut composé de
pièces et de morceaux épars, ensuite qu’il fut destiné, une fois diffusé comme
une affiche de western, à lancer des recherches et déclencher des poursuites »
(La sorcière et l’Occident, p. 126).
13
Voir, entre autres, R. KIECKHEFER, European Witch Trials ; W. E. MONTER,
« Poursuites précoces. La sorcellerie en Suisse », in R. MUCHEMBLED (dir.),
Magie et sorcellerie en Europe, p. 47-58 ; M. OSTORERO, ‘Folâtrer avec les démons’ ;
M. OSTORERO – A. PARAVICINI BAGLIANI et al. (dir.), L’imaginaire du sabbat.
14
Pour quelques détails sur l’intensité variable des persécutions européennes et sur leur chronologie, on consultera G. BECHTEL, La sorcière et
l’Occident, p. 499-573 ; R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière, p. 73-129 ; ID.
(dir.), Magie et sorcellerie en Europe, p. 13, 47-231. Précisons simplement que le
Saint Empire romain germanique et le Corps helvétique ont constitué la
principale aire de persécutions avec les Flandres, le Luxembourg, la FrancheComté et la Lorraine. Si, d’une manière générale, le nord-ouest, le sud et l’est
de l’Europe semblent avoir été moins touchés, certains pays connaissent
néanmoins de fortes répressions telles que la Norvège (vers 1664-1676),
l’Écosse (XVIIe siècle), la Hongrie et la Pologne (XVIIIe siècle).
15
Le nombre élevé de sorciers et sorcières brûlés dans le Pays de Vaud a déjà
frappé les contemporains. Les autorités bernoises s’en sont inquiétées les
premières. On trouve aussi trace de reproches formulés par l’Église catholique envers LL.EE. de Berne elles-mêmes, imputant à la religion réformée la
grande quantité de sorciers brûlés sur leurs terres, notamment dans le Pays de
Vaud. F. PERREAUD, pasteur à Mâcon, fait mention de ces reproches dans la
lettre dédicatoire adressée à LL.EE. et insérée dans son traité de démonologie
publié en 1653 à Genève (cf. Démonologie ou traité des démons et sorciers ; É.
LABROUSSE, « Le Démon de Mâcon », p. 251 ; P. KAMBER, « La chasse aux
sorciers et aux sorcières dans le Pays de Vaud », p. 21-22 ; W. E. MONTER,
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sorciers et sorcières suisses. Nous savons notamment que, de 1580
à 1655, on y a brûlé environ 1700 personnes, soit en moyenne 22
par an16. Il faut attendre 1680 pour que le souverain bernois accomplisse sa « révolution mentale »17 en renonçant à punir de mort les
sorciers et sorcières et s’engage par là sur la voie de la décriminalisation des pratiques de sorcellerie18.
Dans le Pays de Vaud, la sorcellerie a donc fait l’objet de poursuites criminelles massives du XVe au XVIIe siècle. Durant cette
période, on conduit au bûcher des hommes et des femmes qui,
soumis à de fortes pressions psychologiques et souvent à la torture, ont avoué, lors de procès criminels parfaitement légaux, être
des adeptes de Satan. La durée même des persécutions suppose
que le concept de sorcellerie diabolique élaboré au Moyen Age a
pu s’accommoder d’un certain nombre de changements de nature
politique, religieuse et judiciaire et demeurer pertinent dans
l’esprit des autorités. Par conséquent, la démonologie, la croyance
au diable et aux sorciers héritées de l’Église médiévale ont encore
leur place dans la religion réformée et font partie de l’univers
« Poursuites précoces. La sorcellerie en Suisse », in R. MUCHEMBLED [dir.],
Magie et sorcellerie, p. 55).
16
P. KAMBER, « Quand le Pays de Vaud brûlait 22 sorciers par an », p. 8 et
ID., « Croyances et peurs », p. 249.
17
Nous empruntons ce terme à L. FEBVRE qui, par un article très stimulant
intitulé « Sorcellerie, sottise ou révolution mentale ? », a (re)lancé le débat
historiographique, en 1948, autour du problème de la fin des poursuites
pour sorcellerie. Pour la suite du débat, entre autres : R. MANDROU, Magistrats et sorciers (1968) ; P. CHAUNU, « Sur la fin des sorciers » (1969) ;
R. MUCHEMBLED, Le roi et la sorcière, p. 217-238 (1993) ; G. BECHTEL, La
sorcière et l’Occident, p. 608-656 (1997).
18
« Tandis qu’ailleurs, même en Suisse, on continuait encore jusqu’en plein
dix-huitième siècle à pourchasser et à brûler ces malheureux, les sentences de
mort pour cause de sorcellerie disparaissent dès 1680 des manuaux du
Conseil de Berne. Ce n’est pas, à la vérité, qu’on ait cessé du jour au lendemain d’instruire des procédures, ni de prononcer des peines pour cause de
sorcellerie. Mais à partir de cette date et jusqu’à la fin du siècle la gravité des
peines ira diminuant pour ainsi dire d’année en année. […] Puis viendra le
jour où on laissera définitivement tomber cette sorte de procès, et cela tout à
fait à la bernoise, sans que les anciens édits sur la matière aient jamais été expressément rapportés. Mais cela ne veut pas dire, bien entendu, que la
croyance aux sortilèges ait entièrement disparu du sein des masses »
(H. VUILLEUMIER, Histoire de l’Église réformée, vol. 2, p. 693-694).
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mental des dirigeants bernois, aux XVIe et XVIIe siècles. Ainsi, la
conquête bernoise de 1536 et l’adoption de la Réforme, en Pays de
Vaud, n’ont pas entraîné la fin des procès de sorcellerie ; au
contraire, ceux-ci ont augmenté de façon inquiétante. Toutefois,
nous pouvons mesurer une évolution dans le contenu et la forme
des procès et donc dans l’idéologie qui les sous-tend. Les différences entre les procédures médiévales et celles de l’époque
moderne sont, en effet, moins le signe d’un changement de
croyances ou de pratiques au sein des populations que la
manifestation d’une nouvelle perception du crime de sorcellerie
par les autorités politiques et judiciaires.
Orientation de la recherche
Les ouvrages et articles publiés sur la sorcellerie et sa répression forment une vaste bibliographie. On trouvera, à la fin de
cette étude, les travaux qui ont directement nourri notre réflexion19. Puisque plusieurs d’entre eux présentent un commentaire sur l’histoire de la recherche20, nous préférons renoncer ici à
l’exposé de cet aspect. Par contre, nous nous efforcerons, d’une
part, de préciser le point d’ancrage de nos investigations et,
d’autre part, de toujours situer notre propos par rapport aux
différentes thèses énoncées sur le sujet.
En choisissant d’aborder la répression de la sorcellerie dans le
Pays de Vaud à l’époque moderne, nous avons la chance de pouvoir compter sur un certain nombre d’études régionales abouties
19
Pour des sélections bibliographiques plus abondantes, on pourra se référer à : R. H. ROBBINS, The Encyclopedia of Witchcraft and Demonology (1959)
(1140 titres) ; R. MANDROU, Magistrats et sorciers (1968) (515 titres) ; et plus récemment : R. MUCHEMBLED, Sorcières, justice et société, p. 7-29 et 249-261 (1987)
(avec commentaires) ; B. ANKARLOO – G. HENNINGSEN (éd.), Early Modern
European Witchcraft, p. 446-466 (1990) ; G. BECHTEL, La sorcière et l’Occident,
p. 701-717 (1997) ; S. CLARK, Thinking with Demons, p. 687-772 (1997).
20
R. MUCHEMBLED, « Satan ou les hommes ? », p. 15-32 (1978) ; ID., Le roi et
la sorcière, p. 15-35 (1993) ; M. OSTORERO, ‘Folâtrer avec les démons’, p. 9-18
(1995) ; L. PFISTER, L’enfer sur terre, p. 7-10 (1997).
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ou en cours. Il s’agit, premièrement, des ouvrages ou articles déjà
anciens — dont la problématique générale n’est pas nécessairement
centrée sur la sorcellerie — qui s’attachent surtout aux aspects
juridiques, religieux, moraux, voire « folkloriques » des procès21 ;
deuxièmement, des recherches de l’historien américain, W. E.
Monter, fondées sur un impressionnant travail d’archives qui présentent des résultats touchant les dimensions quantitatives et
sociologiques des procès22 ; finalement, des travaux menés depuis
1980 par l’historien zurichois P. Kamber qui, à côté d’un objectif
quantitatif, mettent également l’accent sur les causes structurelles,
conjoncturelles et socioculturelles des persécutions, tout en développant de nombreux cas particuliers23.
Notre recherche s’articule autour de deux questions précises :
Quels sont, de 1615 à 1631, les significations, causes et enjeux de
la répression de la sorcellerie dans le petit village vaudois de
Gollion, alors rattaché à la seigneurie de L’Isle ? Quels ont été
l’ampleur et l’impact de cette répression au sein de la communauté ? Au-delà des grandes théories explicatives sur les chasses
aux sorciers et sorcières, le but est donc d’essayer de cerner, de
comprendre la nature, les instruments et les moteurs des persécutions à l’échelle du microcosme villageois. Autrement dit, dans un
monde où la vie est précaire, où les disettes et la peste planent
comme des ombres menaçantes, où, désarmé devant la maladie et
la mort, que ce soit celles du bétail ou celles des hommes, on
cherche des responsables au malheur pour conjurer ses peurs. Dans
21
F. TRECHSEL, « Das Hexenwesen im Kanton Bern » (1870) ; J. CART,
« Leurs Excellences de Berne, les pasteurs du Pays de Vaud et la sorcellerie »
(1903) ; H. VUILLEUMIER, Histoire de l’Église réformée, vol. 2, p. 642-721 (1929) ;
P. AEBISCHER, « Le diable, son nom, son aspect et ses manifestations »
(1933) ; E. OLIVIER, Médecine et santé dans le Pays de Vaud au XVIII e siècle, p. 493551 (1939) ; ID., Médecine et santé dans le Pays de Vaud, vol. 2, p. 636-656
(1962) ; M. VON DER MÜHLL, Maléfices et cour impériale (1960).
22
W. E. MONTER, « Patterns of Witchcraft in the Jura » (1971) ; ID., Witchcraft
in France and Switzerland (1976) ; ID., « Poursuites précoces. La sorcellerie en
Suisse », in R. MUCHEMBLED (dir.), Magie et sorcellerie en Europe, p. 47-58 (1994).
23
P. KAMBER, Die Hexenverfolgungen im Waadtland (1980) ; ID., « La chasse
aux sorciers et sorcières dans le Pays de Vaud » (1982) ; ID., « Quand le Pays de
Vaud brûlait 22 sorciers par an » (1997) ; ID., « Croyances et peurs » (1998).
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un univers de la proximité mu par des solidarités complexes, mais
fragiles, et par un système de pensées plus magique que rationnel,
on découvre sans peine ces responsables en la personne d’un voisin,
d’un cousin ou d’un frère qui se serait accaparé certains biens
familiaux, d’un communier24 auteur de menus larcins, ou encore
d’une veuve de mauvaise réputation. Ce sont des hommes et des
femmes que l’on connaît bien, que l’on côtoie quotidiennement,
que l’on rencontre au four, à la fontaine, au champ et à la vigne,
mais dont on se méfie aussi : une dispute, quelques injures proférées, un geste mal intentionné, un cadeau « empoisonné », ou un
simple souffle de leur part sont susceptibles d’expliquer rétrospectivement tous les maux, petits ou grands, et de se trouver à
l’origine d’une accusation pour maléfices.
Mais avant de plonger dans cet univers — peut-être pas aussi
lointain et étranger que nous pourrions le croire — nous nous
pencherons sur le problème des sources et la démarche choisie
pour leur traitement. Puis, nous nous intéresserons à la cour de
justice seigneuriale, en tant qu’instrument de la répression qui
frappe le village et comme institution médiatrice entre le pouvoir
bernois et la communauté. Ensuite, nous changerons de point de
vue : des dirigeants, nous passerons aux sujets en entrant au
village, où les destins sont prêts à basculer sous le coup d’une dénonciation. C’est à travers cet espace rural que nous aborderons
les affaires de sorcellerie et ferons connaissance avec certains de
leurs acteurs. Quelques chiffres donneront la mesure des persécutions. Finalement, des hypothèses seront formulées sur les causes
et les fondements d’une répression qui conduit dans les flammes
de prétendus sorciers, et qui participe ainsi aux impératifs de purification et de contrôle des mœurs fixés par l’idéologie officielle.
24
Les communiers sont les bourgeois ou habitants d’une commune se réunissant épisodiquement en corps de communauté ou en conseil pour traiter des
affaires courantes (ACV, série F, glossaire sommaire).
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