LES ACTIVITÉS D`EVEIL à DOMINANTE INTELLECTUELLE

Transcription

LES ACTIVITÉS D`EVEIL à DOMINANTE INTELLECTUELLE
INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE DOCUMENTATION
PÉDAGOGIQUES
SERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES
LES ACTIVITÉS D'EVEIL
à
DOMINANTE
INTELLECTUELLE
au
COURS PRÉPARATOIRE
nr
Brochure n° 51 RP
1974
Enquête nationale dans les classes spéciales de l'Education
nationale (1966)
L'orientation scolaire et la recherche des aptitudes (1969)
Organisation des établissements et individualisation de l'enseignement dans les collèges d'enseignement secondaire
(1970)
Organisation des collèges d'enseignement secondaire - Structure et pédagogie différenciée (1971). A paraître
Répertoire des recherches et études en cours en 1962
Répertoire des recherches et études en cours en 1965
Enquête nationale sur la scolarisation des débiles mentaux
(1966)
SOMMAIRE
Réflexions sur la méthodologie générale de la recherche pédagogique
par L. LEGRAND, Directeur de Recherches
5
Brève introduction historique
9
Chapitre I - Généralités, finalités, méthodes
I.
II.
III.
IV.
La notion d'éveil
Les finalités
Ouverture sur le milieu
Réflexions sur la méthode
17
29
32
35
Chapitre II - Exemples
I. Activités à dominante humaine
II. Activités à prédominance biologique
45
85
Chapitre l u - Orientations et grille pour l'organisation des recherches au C.P. à partir de 1971-1972
I.
II.
III.
IV.
V.
Il faut partir de l'école maternelle
Modalités pratiques
Cadre-contenu
Organigramme de la grille C.P
Activités d'éveil à orientation scientifique
101
108
108
110
Chapitre IV - Les activités d'éveil et les disciplines au C.P.
I. Liaisons interdisciplinaires
II. Liaisons avec les mathématiques et le français
III. Histoire et socialisation
115
118
Chapitre V - Les activités d'éveil à l'étranger : quelques exemples
139
En guise de conclusion
149
Bibliographie
151
Document de recherche
à l'usage des établissements
chargés d'expérimentation
Tous droits réservés
Cette publication est le fruit d'une réflexion collégiale (une soixantaine de professeurs d'Ecole Normale et
quelques I.D.E.N.) et de « pré-expériences » réalisées au cours de l'année scolaire 1970-71 par quelques
équipes de professeurs et d'instituteurs de C.P. dans le cadre des décisions prises par le groupe de recherche
lors du stage national de 1970. Ces recherches sont animées et coordonnées à l'I.N.R.D.P. par M"" L. Marbeau,
chef de la Section des Sciences Humaines et Economiques et M. V. Host, chef de la Section des Sciences
Naturelles (et Sciences pour le Cycle Elémentaire).
Cette synthèse a été rédigée par M. Bruneau, inspecteur-professeur et animateur de l'équipe de recherche
de l'Ecole Normale d'Institutrices de Caen.
Ce numéro de « Recherche Pédagogique » rend compte de l'état des recherches effectuées avant le mois de
juillet 1971 ; son contenu devrait être une source de réflexion, de discussions et de réalisations ultérieures.
RÉFLEXIONS SUR LA MÉTHODOLOGIE
GÉNÉRALE DE LA RECHERCHE PÉDAGOGIQUE
Transcription d'une intervention orale faite devant les animateurs de recherche
par Louis LEGRAND, Directeur de Recherches,
Chef du Service des Etudes et Recherches pédagogiques
INTRODUCTION
Comment la recherche pédagogique peut-elle se
concevoir par rapport à l'innovation pédagogique
ou par rapport à la rénovation et au développement ?
Du point de vue des activités d'éveil, une grande
confusion règne actuellement dans l'enseignement
élémentaire.
Depuis l'instauration du tiers-temps pédagogique,
les seuls textes (non officiels) mis à la disposition
des maîtres sont ceux de la commission du 1er
degré sous le ministère de M. Faure. Ces textes ne
prétendaient pas légiférer mais ouvrir des voies et
poser des problèmes. L'ensemble de l'enseignement
élémentaire français actuel est censé travailler au
niveau des matières d'éveil sur des problèmes posés et non pas dans des perspectives précises. La
totalité des enseignants de 1er degré sont dans une
situation qu'on peut dire de recherche. Or, c'est là
toute l'ambiguïté.
Je souhaite qu'il soit bien précisé dans votre esprit ce qui caractérise une recherche pédagogique
de façon à tendre à une situation de recherche à
partir d'une situation d'innovation.
I. — EN EFFET, QU'EST-CE QU'UNE
INNOVATION PEDAGOGIQUE ?
Elle découle toujours d'une insatisfaction vécue
au niveau de la classe par les maîtres qui enseignent, et quelquefois aussi par ceux qui, ayant
cessé d'enseigner, sont chargés de l'animation pédagogique et de la formation (professeurs d'école normale et inspecteurs).
La racine de l'innovation, c'est l'insatisfaction.
Mais la plupart du temps, cette insatisfaction n'est
pas rationalisée. Elle reste assez spontanée, confuse
et se nourrit d'un certain refus (« cela ne va
plus »), d'un certain goût de la mode. L'histoire de
la pédagogie nous montre la succession de ces modes comme dans un mouvement de balancier ; les
méthodes actives succèdent aux méthodes didactiques, qui renaissent à leur tour.
Mais l'innovation peut provenir aussi d'une connaissance plus précise de la matière qu'on enseigne.
On ne peut plus enseigner la géographie comme
on le faisait autrefois ; l'évolution de cette discipline même, en mettant l'accent sur les phénomènes humains, économiques, sur toute une infrastructure de concepts interdisciplinaires aboutit à
concevoir la géographie d'une autre façon...
L'évolution des finalités implicites conduit également à remettre en cause l'enseignement. La géographie introduite dans les programmes du temps
de J. Ferry l'était dans des perspectives idéologiques qui ne sont plus les nôtres. Il en est de
même pour l'histoire. Dans les sciences, le décalage
entre la science, ou les sciences, de niveau universitaire et ce que l'on en attend au niveau élémentaire, est encore plus patent puisque pratiquement cette évolution extraordinaire que nous avons
vécue n'a jusqu'à présent pas eu de retombées dans
le domaine pédagogique élémentaire.
Il y a aussi ce sentiment d'un déphasage par rapport aux élèves : les élèves arrivent à l'école après
avoir subi un bombardement considérable d'informations. Ils ne sont plus « ceux qui étaient les
élèves d'autrefois » ; la leçon de choses de type
1830 n'intéresse plus personne. Qu'est-ce qu'observer une pomme qu'on découpe en morceaux
pour un élève qui vit sa vie dans un univers merveilleux, plein de techniques extraordinaires...
5
L'innovation peut porter d'abord sur les méthodes ;
on n'ose pas mettre en cause les contenus (il y
a les programmes, les inspections). Puis, si l'on
travaille en équipes, on met en cause les contenus
eux-mêmes... C'est ainsi que naissent spontanément
des tendances, des nouveautés. Cette phase est très
importante. Il faut la dépasser certes, mais il n'est
pas question de la rejeter. C'est l'innovation pédagogique qui est à la source du mouvement Freinet,
des écoles nouvelles, du groupe français d'éducation nouvelle, etc.
Dans le contexte français, si l'innovation était supprimée il n'y aurait pas de progrès pédagogique
possible. Mais si l'innovation est fondamentale et
absolument nécessaire, elle ne saurait être confondue avec la recherche pédagogique.
Il faut inclure l'une dans l'autre : la recherche
dépasse l'innovation.
L'innovation a un caractère non démonstratif et
non convaincant.
Bile définit des contenus et des styles pédagogiques
nouveaux mais elle ne parvient pas à la connaissance objective et scientifique.
Analysons des exemples précis :
— pas de programme ou un programme ?
— étude occasionnelle ou étude sur programme ?
— étude du milieu local ou étude des milieux ?
—• utilisation du milieu conçu comme l'ensemble de ce qui apporte une information
sur les milieux lointains, etc... ou milieu
proche, ce que l'on peut toucher, mesurer...,
— histoire de type progressif — de l'homme
de Cro-Magnon à la Révolution de 68 —
ou histoire régressive à partir d'un récit,
approfondissements, retours en arrière
(comme l'ont envisagé certaines équipes de
recherche et les équipes Freinet) ?
—- méthode de lecture : synthétique, globale
ou mixte ?
— langues vivantes : méthodes audio-visuelles
ou non ?
— français - imprégnation par les textes ou
exercices structuraux ou communication...
Qui en décidera ? Qui vérifiera l'efficacité, le caractère nécessaire d'une méthode ?...
6
Le problème est posé ainsi depuis longtemps, depuis plus de 100 ans, analysé par Binet, Claparède,
par tous ceux qui ont travaillé en pédagogie expérimentale, puis par les béhavioristes américains.
Il est nécessaire de dépasser l'évidence individuelle,
les croyances spontanées, le sentiment de la réussite (on a dit et répété : « Montrez-moi une expérience qui n'a pas réussi » ; effectivement, elles
réussissent toutes parce que ce ne sont pas des expériences) .
Pour qu'une expérience pédagogique soit véritablement une expérience, il faut qu'elle soit :
1) démonstrative : qu'elle aboutisse à des données « publiques » (Reuchlin), objectives,
si possible quantifiées (mais tout n'est pas
quantifiable), analysée, hiérarchisée dans
ses concepts.
2) Transmissible : qu'elle ne soit pas seulement le fait de l'innovateur (passionné ou
non), mais qu'elle puisse faire l'objet d'un
développement.
Il faut donc intégrer l'innovation de façon qu'elle
devienne scientifique. Nous devons utiliser les
techniques de la pédagogie expérimentale dans
une dynamique qui intègre l'innovation afin d'être
féconds et efficaces dans des perspectives de développement.
Si l'on voulait être rigoureux immédiatement, nous
serions conduits à formaliser les démarches de
l'expérimentation, élaborer :
— un contenu nouveau,
— les instruments qui permettent d'évaluer ce qui
a été fait. Puis, après avoir pensé ce dispositif, l'appliquer dans un certain nombre de classes où les
maîtres, bien formés, mettraient en oeuvre d'une
façon contraignante et précise, ce qui a été préalablement pensé par quelques spécialistes.
Mais les maîtres, hommes libres et conscients, répugnent à appliquer ce qui a été pensé en dehors
d'eux. Dans certaines écoles de pédagogie expérimentale, on va jusqu'à éliminer le maître, à le
remplacer par une matière organisée de façon systématique dans un enseignement programmé. L'élève est confronté de façon pure à la matière, indépendamment d'un contexte humain et affectif qui
introduit trop de variables dans l'expérimentation.
Il faut tirer profit de tout ce que nous a appris la
pédagogie expérimentale (de Landshere, Reuch-
lin, Mialaret) mais il faut l'intégrer dans une perspective productive de recherche pédagogique féconde.
II. — UNE RECHERCHE PEDAGOGIQUE
EFFICACE INVENTIVE
Comporte quatre volets essentiels :
1) une réflexion sur les objectifs,
2) un travail de documentation,
3) une innovation concertée et contrôlée,
4) une évaluation.
1 - Les objectifs doivent être définis avec précision :
Il n'y a pas un objectif, mais une hiérarchie d'objectifs.
a) Les objectifs de l'enseignement de l'histoire
ont certainement changé depuis l'époque de Jules
Ferry :
— histoire nationale... formation de la nation ;
— ou compréhension des faits humains et du
temps... ce qui est beaucoup plus instrumental et plus psychologique.
Actuellement, les seconds objectifs paraissent plus
importants que les premiers, qui dans certains cas
sont purement et simplement biffés. Cependant ce
premier aspect n'est-il pas encore valable, et sinon
y en a-t-il un autre à mettre à la place ? C'est le
problème des valeurs et des fins de l'enseignement...
b) En ce qui concerne la géographie, le problème est le même...
La géographie c'était d'abord le territoire national.
Est-ce encore valable ?
c) L'enseignement scientifique a été pensé par
la 3e République dans une perspective positiviste liée à une certaine conception de
la société. Est-ce encore valable, indépendamment de tout ce qui peut nous venir des
connaissances nouvelles de la psychologie
génétique et de l'évolution même de la
science ?
2 - Après avoir défini clairement les objectifs, la
recherche doit fait le point des connaissances mises
en œuvre : la pédagogie, c'est toujours une synthèse. C'est une technique, au sens noble du terme :
elle met en œuvre des finalités en utilisant des
connaissances que les différentes sciences lui apportent. Il est indispensable que les chercheurs
commencent à savoir ce qui se fait ailleurs et essayent de faire le tour des connaissances qui gravitent dans leur sphère. D'autres chercheurs dans
d'autres pays ont fait le travail de nos équipes.
Dans certains cas, on ne peut éviter de reprendre
les cheminements par lesquels ils sont passés...
Mais on peut peut-être gagner du temps.
Le progrès en pédagogie peut être considéré comme
une spirale. H y a une intégration des méthodes
actives à faire suivant les perspectives ouvertes
par la psychologie génétique et le développement
de la science. Le travail de documentation est donc
capital. Il doit être fait en équipes. Le travail de
commissions nationales (Lichnerovicz, Lagarrigue,
Emmanuel) peut jouer un rôle capital à ce stade.
3 - Une recherche pédagogique efficace et inventive comporte également une phase d'innovation :
il n'y a pas de recherche pédagogique possible sans
cette innovation mais il faut la magnifier, la rendre plus efficace par la concertation au niveau
local et au niveau national.
Au niveau national, les stages permettent aux animateurs d'échanger leurs points de vue, mais il faut
qu'au niveau local, de véritables équipes se constituent, avec des instituteurs, des professeurs, si
possible de plusieurs spécialités et particulièrement le psycho-pédagogue et des membres de l'enseignement supérieur. En mathématiques et en
français, ont été vraiment productives les équipes
qui ont associé l'enseignement supérieur. En ce
qui concerne les contenus disciplinaires, les problèmes de pédagogie et de psychologie génétique,
l'apport de l'enseignement supérieur est strictement indispensable.
4 - L'innovation par équipes verticales et horizontales {celles que nous constituons ou que nous
sommes amenés à constituer
progressivement...)
doit être suivie par une évaluation.
La phase d'évaluation a des effets rétroactifs sur
l'ensemble de la dynamique. Pour que l'expérience
soit démonstrative, et que l'on puisse tirer des
conclusions valables, il faut qu'elle concerne un
nombre de classes suffisant. Il n'est pas possible de
tirer des conclusions valables sur ce qui se passe
dans une classe avec un maître. Une recherche
7
doit être implantée dans un nombre d'établissements assez grand. Mais il faut éviter aussi la dilution par suite d'une trop grande dispersion des
équipes.
Il doit y avoir en principe une équipe par acadéimie — une équipe solide — qui constitue, par le
nombre des maîtres et des élèves un échantillon
valable. J e ne dis pas représentatif ; il ne le sera
jamais parce qu'il est composé de maîtres qui font
de la recherche.
L'évaluation commence réellement lors du passage
au semi-développement, c'est-à-dire lors de la dispersion des produits de cette recherche sur un
nombre de terrains limité également, mais nouveaux, de telle sorte qu'on puisse voir effectivement ce qui se passe... Mais nous n'en sommes pas
là. Ce que nous souhaitons pour l'instant, c'est que
le nombre des écoles concernées soit suffisant pour
permettre une évaluation. Car, en réalité, si nous
voulons dépasser la simple impression subjective,
il faut tenir compte aussi des exigences de la statistique, du fait que des élèves « tout-venant >
sont nécessaires à l'expérimentation : ce qui réussit
dans une école annexe où toute la quintessence intellectuelle du secteur envoie ses enfants n'est pas
forcément généralisable. C'est ce qui arrive actuellement avec les mathématiques. L'expérience a
été conduite dans des classes de lycées par des
professeurs de haut niveau et si possible agrégés ;
il s'agit maintenant de voir ce qu'il advient de ces
contenus et de ces méthodes lorsque nous les insérons dans des C.E.S. « tout-venant ». Nous sommes actuellement en train de l'observer et de
l'évaluer. Et nous constatons que tout n'est pas
résolu, loin de là. Il y a des problèmes considérables
relatifs aux contenus et aux méthodes. Or l'opération (mathématiques dure déjà depuis quatre ans
pour le 1er cycle, 5 ans pour l'enseignement élémentaire.
De quelle nature doit être cette évaluation ?
— U y a tout d'abord une évaluation qualitative
qui porte sur une description objective des contenus
enseignés et des conduites pédagogiques. Les organigrammes des comptes rendus de la plupart des
équipes de sciences — organigrammes inspirés de
ceux du projet Nuffield pour l'Ecole élémentaire
— sont de ce point de vue très intéressants, tous les
éléments de l'action pédagogique s'y trouvant formalisés. La construction d'un organigramme sup8
pose une vue claire de l'objectif poursuivi. L'effort d'objectivation des conduites est ainsi préparé.
— Les performances des élèves relèvent aussi de
l'évaluation.
Il faut que l'enseignement français essaie de voir
ce qu'il y a de valable dans les questions à choix
multiple ; il faut dépasser la cotation subjective.
On peut contrôler par une interrogation écrite.
Encore faut-il que cette interrogation corresponde
très exactement aux objectifs formulés et qu'elle
soit suffisamment approfondie, à la fois du point
de vue du contenu et du point de vue de la m a nière dont les questions sont posées pour qu'on
puisse en tirer des conclusions valables.
L'analyse des objectifs, la documentation, l'innovation et la recherche de l'instrument d'évaluation à
joindre à la séquence pédagogique ne sont naturellement pas des temps successifs ou séparés, mais
constituent les différents aspects d'un travail d'ensemble qui, la première année, ne donnera peutêtre pas tout à fait satisfaction mais qui sera repris,
approfondi par les autres équipes.
HI. — QUELS SONT LES RAPPORTS
ENTRE LA RECHERCHE PEDAGOGIQUE
ET LA RENOVATION ?
Ces rapports sont très étroits. Sur le plan local, les
chercheurs ont à faire face à des demandes
—• des maîtres venus en recyclage à l'Ecole Normale,
— des participants à des stages d'information.
Il n'est pas possible de ne pas répondre à ces demandes. Mais il faut veiller à ne pas confondre les
deux domaines. La rigueur indispensable à la r e cherche n'intéresse pas les maîtres qui ont des soucis d'utilisation directe.
Il faut faire le départ entre le possible et l'expérimental. D. faut éviter de se laisser « diluer >
dans le développement avant que les choses ne
soient claires du point de vue de la recherche. C'est
très difficile et cela demande beaucoup de temps.
Le travail et l'enthousiasme des équipes ont déjà
vaincu les premières difficultés. Il faut espérer
que ce dynamisme se maintiendra et permettra
de surmonter tous les obstacles.
BRÈVE INTRODUCTION HISTORIQUE
L'ARRETE DU 7 AOUT 1969
LES FINALITES ANTERIEURES
NOUVELLES ORIENTATIONS
— Cycle désenclavé
— Stage d'Orléans
— Recherche I.N.R.D.P.
LES ETAPES DE LA RECHERCHE
A L'I.N.R.D.P.
— Deux plans agréés
— sciences humaines et économiques
— sciences naturelles et sciences classes
élémentaires
— Principes généraux qui ont permis d'organiser la recherche
2) Recherche sur programme
3) Equipes interdisciplinaires d'enseignants volontaires
4) Coordination du travail des équipes
(remarque)
5) Une recherche « en marche »
6) Déboucher sur une synthèse et une
évaluation
7) Les difficultés
— Résumé de la situation en mai 1971
1) Avant le stage de mai 1970
2) Le stage de mai 1970
3) A l'issue du stage de mai 1970
4) Les objectifs du présent stage
— essentiellement
— accessoirement
1) Recherche appliquée
LES FINALITES ANTERIEURES
L'ARRETE DU 7 AOUT 1969
L'arrêté du 7 août 1969 paru dans le bulletin officiel de l'Education Nationale n° 32 ayant pour
objet « l'aménagement de la semaine scolaire et
la répartition de l'horaire hebdomadaire dans les
écoles élémentaires et maternelles » conférait aux
maîtres une grande liberté en affirmant notamment :
« Les 27 heures de classe par semaine sont réparties conformément aux dispositions du tableau suivant :
— Français 10 h,
— Calcul 5 h,
— Discipline d'éveil 6 h,
— Education physique et sportive 6 h ».
Au moment d'utiliser ces nouvelles possibilités
beaucoup de maîtres restèrent perplexes et réclamèrent des instructions plus détaillées. En les attendant, ils se consacrèrent à la rénovation en mathématique d'abord 'puis en français, ces deux matières étant jugées essentielles par opposition à des
matières considérées comme secondaires ou accessoires. Les disciplines d'éveil risquaient alors de
constituer un ensemble confus dans lequel on retrouvait mêlés, travail manuel, histoire, géographie, sciences, morale, instruction civique, dessin
et chant. Certains favorisèrent une ou deux matières au choix, d'autres firent porter tout leur effort
sur les activités de base traditionnelles et négligèrent tout ce qui n'était pas « lire, écrire, compter ».
Un grand nombre de maîtres restaient attachés à
l'idée qu'il fallait donner à l'enfant « tout ce qu'il
n'est pas permis d'ignorer », c'est-à-dire en fin de
compte tout ce que l'adulte avait défini comme tel
9
dans des programmes structurés par des systèmes
d'adultes, qui suivaient un ordre voulu par les
matières elles-mêmes. Il s'agissait de faire acquérir à l'enfant des connaissances jugées indispensables à son « bonheur », à son insertion sociale, à
la formation de son esprit critique. Les programmes choisissaient pour lui « les faits essentiels et
les dates indispensables de notre passé national, les
principaux traits de la géographie de la France... ».
Ils préconisent de lui donner des notions sommaires
sur les éléments de la nature, l'eau, l'air et sur les
êtres vivants avec description du corps humain et
étude de ses principales fonctions. Le maître faisait
des répartitions annuelles de ces programmes, prévoyant pour chaque mois puis pour chaque semaine
des tranches de savoir que les manuels aidaient à
détailler, à préciser et à illustrer. Aux manuels
s'ajoutèrent des images, les diapositives, les disques
mais le plus souvent on ne vit dans les aides audiovisuelles qu'un moyen de faire comprendre et retenir les leçons du maître et l'on compléta le dogmatisme de la parole par le dogmatisme de l'image
et du son. L'étude du milieu local et son histoire
préconisée par l'arrêté du 17 octobre 1945 précisait : « On utilisera au maximum toutes les ressources de la commune ou des communes voisines
(églises, monuments, vestiges, ruines, lieux historiques, monnaies, médailles, etc.) pour initier les
enfants à l'histoire locale au cours de promenades
et de séances d'activités dirigées ». Cette affirmation était suivie d'une liste détaillée de sujets donnée à titre indicatif. Et dans bien des cas on utilisa
en effet les ressources du milieu local : la moindre
ruine de château permettait d'établir la comparaison avec le château de Coucy (pour lequel les manuels semblaient avoir une prédilection spéciale) et
par cette technique pédagogique on réalisait, en
partant de la réalité concrète, sur « le château
féodal » une leçon dogmatique. En fonction des
ressources du milieu local chacun choisissait dans
la liste détaillée, les sujets qui pouvaient profiter
de cette technique ; les autres leçons étaient réalisées avec le manuel ou avec l'aide de gravures.
Toutes ces perspectives laissent le programme au
centre des préoccupations de l'éducateur qui se
donne comme fin d'aider l'enfant à retenir l'ensemble des connaissances arrêtées par des spécialistes.
Ceux-ci, se référant à l'enseignement secondaire,
avaient défini, pour le cycle élémentaire, une version simplifiée des programmes en usage dans les
lycées et collèges.
10
« Par ailleurs, l'école élémentaire, dès sa fondation, s'était vu confier une mission à la fois politique et morale : la géographie, et surtout l'histoire avaient pour fonction de créer chez le jeune
Français l'amour de la France républicaine. Il
s'agissait de lui donner l'idée et l'admiration du
territoire national et de lui montrer comment la
France républicaine était l'aboutissement
heureux
des siècles précédents.
Ces objectifs, très consciemment définis par les
fondateurs de l'école publique française, les Ferry,
les Buisson, les Pécaut, sont encore très muaces
dans la conscience commune des pédagogues actuels. Une étude récente a pu montrer que tels
étaient bien encore les thèmes jugés les plus importants par les instituteurs puisqu'ils constituent
la substance inconsciente, directe ou indirecte des
compositions d'histoire et de géographie données
en cinquième année primaire » (L. Legrand).
Face à ces traditions pédagogiques que le rapport
de la Commission de rénovation de la pédagogie
pour le premier degré (paru dans le n° 42 de la
revue l'Education du 23 octobre 1969) a qualifiées
de « conception caduque », il fallait faire des propositions constructives et définir de nouvelles orientations.
NOUVELLES ORIENTATIONS
LE CYCLE « DESENCLAVE »
L'enseignement primaire était pris entre l'enseignement secondaire qui lui fournissait matières,
méthodes et programmes et l'école maternelle dont
on refusait obstinément de tenir compte. Il formait
une enclave dans laquelle les maîtres se sentaient
de plus en plus isolés.
Dès 1967 Jean Vial avait mis au point dans l'académie de Dijon et en liaison avec le département
de la recherche pédagogique de l'I.P.N. des expériences de « cycle désenclavé » qui avaient prouvé
la nécessité d'assurer, et plus spécialement au C.P.
qu'ailleurs, la liaison avec l'Ecole maternelle (1).
(1) Voir Compte pendu 'de la journée d'information et
d'étude sur l'expérimentation d'un cycle élémentaire désenclavé, 5 décembre 1967, Dijon C.R.D.P.
STAGE D'ORLEANS
Un certain nombre d'idées qui ont depuis fait leur
chemin avaient été émises au cours de stages académiques puis reprises au Stage national d'Orléans
organisé par M. le Recteur Gauthier sur les thèmes « animation de la classe et activités d'éveil »,
en juin 1970.
Les représentants de l'I.P.N. qui participaient à ce
stage ont reçu la mission de coordonner les activités déjà engagées.
RECHERCHE I.N.R.D.P.
Le Département de la Recherche Pédagogique de
l'I.P.N., devenu depuis Service des Etudes et Recherches Pédagogiques de l'I.N.R.D.P., a organisé
la recherche concernant les activités d'éveil dans
le cycle élémentaire dans le cadre de deux sections
distinctes :
la section des « sciences humaines et économiques » et la section « sciences naturelles et
sciences élémentaires », les deux responsables
travaillant en étroite liaison l'un avec l'autre.
A. l'issue du stage d'Orléans, Mme Marbeau écrivait :
« Le besoin de connaître les expériences pratiquées par des équipes de chercheurs ou par
des collègues isolés est ressenti de façon unanime. C'est pourquoi nous avons décidé de
publier dans un bulletin de liaison du Cycle
élémentaire des comptes rendus concrets et les
réflexions méthodologiques de nos collègues
engagés dans la recherche ».
La section à orientation scientifique prit la même
décision.
LES ETAPES DE LA RECHERCHE
Sans chercher à reconstituer par le détail les différentes phases du travail, il faut rappeler que les
équipes de sciences humaines du département de
la Recherche avaient, dès l'année scolaire 19681969 élaboré un plan agréé par la Direction de la
Pédagogie ; celui de la section des sciences naturelles (et sciences à l'école élémentaire) le fut en
1969-70.
LES LIBELLES DE RECHERCHE :
— Celui proposé par la section « Sciences humaines et économiques » est ainsi rédigé :
« Titre » : étude de concepts et expérimentation
dans le but de définir un contenu réaliste et valable en histoire et géographie pour les élèves du
cycle élémentaire »
Objectifs et hypothèses de travail : substituer aux
programmes actuels et factuels d'histoire et de géographie dans l'enseignement du premier degré (cycle élémentaire) un « contenu » élaboré en fonction du développement génétique des enfants et
qui leur donnerait avant l'âge de 11 ans des repères spatiaux et chronologiques ainsi que le vocabulaire de base optima ».
— Celui proposé par la section « sciences naturelles et sciences classes élémentaires » est
intitulé :
« Etude de quelques problèmes théoriques et pratiques posés par l'initiation à l'étude des faits naturels dans le cadre des disciplines d'éveil ».
Nature des établissements et niveaux concernés
Ecoles élémentaires (terrains expérimentaux actuels et quelques classes rurales désignées après
l'enquête 1969-1970).
Chaque unité expérimentale comprendra 3 classes
consécutives.
Objectifs et hypotheses de travail :
1) Définir dans le cadre des activités d'éveil une
initiation scientifique pour l'école élémentaire tenant compte des connaissances actuelles de la psychologie génétique.
2) Etalonner les différents sujets possibles se rapportant à un même thème en vue de faciliter leur
adaptation au niveau de l'enfant et leur répartition
entre les différents niveaux de l'école élémentaire.
3) Etablir un inventaire et une progression relatifs
aux techniques et méthodes employées : initiation
au dessin et aux représentations symboliques, emploi des outils et des instruments de mesure,
conduite du travail de groupe.
4) Déterminer les moyens nécessaires : équipement
de base, documentation, aides audio-visuelles.
11
PRINCIPES GENERAUX QUI ONT PERMIS
D'ORGANISER LA RECHERCHE
1) Il s'agit d'une « recherche appliquée », c'està-dire qu'elle se propose, en utilisant les apports de
recherches fondamentales relevant des sciences de
l'éducation ou des disciplines concernées, de dégager un certain nombre d'hypothèses devant donner
lieu à expérimentation dans des classes afin de
dégager des conclusions qui seraient susceptibles
d'être généralisées.
2) Il s'agit d'une « recherche sur programme »
qui implique un travail en équipes aussi bien à
l'échelon national (coordination du travail des différentes équipes : tel est le rôle du bulletin de liaison
et des stages) qu'à l'échelon local (importance de la
constitution d'équipes interdisciplinaires et inter catégorielles).
3) Equipes interdisciplinaires
Chaque équipe est formée d'enseignants volontaires. Le travail de l'équipe est coordonné par un
animateur pédagogique qui assure la liaison avec
l'I.N.R.D.P. Un directeur d'E.N. ou un I.D.E.N.
assure par ailleurs les fonctions de responsable
administratif.
La collaboration des spécialistes des différentes
disciplines et de psychologues est vite apparue
comme très souhaitable, le psychologue n'étant pas
uniquement chargé des problèmes de validation.
Au moment où l'on voit se développer la psycholinguistique et s'ébaucher une psychologie de l'éducation, il ne peut pas s'en tenir à pronostiquer ou
à diagnostiquer des aptitudes intellectuelles ou scolaires. Présent dans chaque équipe, il peut collaborer avec le spécialiste de telle ou telle discipline.
Par sa connaissance de la psychologie clinique, il
aide à pratiquer l'observation active et systématique des enfants pour savoir « où ils en sont » et
ce qu'ils peuvent faire ; il veille à ce que les enfants soient mis dans des conditions de recherche
et il note quelles solutions ils trouvent si on les
laisse chercher seuls.
Cette psychologie « militante » ne se contente pas
de chercher une explication théorique, elle ajoute
à la connaissance une présence, une expérience personnelle et une intuition qui constituent ce qu'on
appelle le sens clinique. Ce sens lui permet de pratiquer une observation active de l'enfant et du
maître mis en condition de recherche.
12
Par sa connaissance de la psychologie génétique, il
peut déceler les obstacles et imaginer les moyens
d'aider l'enfant à franchir les étapes qui l'amèneront à construire le réel, enfin il peut par sa
connaissance de la psychologie sociale être attentif
aux relations interpersonnelles, aux phénomènes
de structuration des groupes, à la dynamique des
groupes, aux phénomènes de -masse et de socialisation de l'individu.
La commission C.P. a pris conscience que la r e cherche pédagogique ne peut pas être conduite
par un spécialiste se référant à une seule discipline.
La polyvalence de la commission a toujours été
ressentie comme une nécessité.
Au niveau de la recherche, les problèmes se posent
de façon interdisciplinaire. Chaque spécialiste a tendance à voir tout en fonction de sa spécialité, or
les structures mentales à construire au C.P. sont
interdisciplinaires et ce qu'on apporte à l'enfant par
les activités d'éveil sert à toutes les disciplines à
la fois.
Nous devons faire en sorte que toute recherche au
C.P. soit conduite de façon interdisciplinaire par
une équipe polyvalente afin de ne pas privilégier
une seule matière considérée comme plus fondamentale que les autres.
Remarque :
On pourrait regretter le cloisonnement en deux
sections pour conduire une recherche pédagogique
au C.P. car un maître doit pratiquer toutes les
formes d'activités à la fois, pour éveiller l'enfant.
Mais il faut bien admettre comme premier argument que l'instituteur engagé dans une recherche
ne peut pas déployer un effort de création dans
toutes les directions. Comme la recherche pédagogique suppose à la fois une invention de la part des
maîtres et une analyse de cette création par des
spécialistes (psychologues, naturalistes, historiens,
géographes), il est nécessaire de différencier les
équipes de recherche, mais il est aussi nécessaire
de coordonner leurs efforts.
Il n'est pas possible de tout chercher en commun.
Sur proposition de M. Host, les idées suivantes ont
été retenues par une recherche interdisciplinaire •
1) Comment se présente la notion de milieu
pour l'enfant d'aujourd'hui ?
2) Existe-t-il des concepts ou des méthodes
interdisciplinaires, méthodes qui engloberaient
les approches des disciplines particulières ?
3) Comment coordonner des exercices prévus
en activité d'éveil avec l'enseignement du français ou des mathématiques.
4) Coordination du travail des équipes
La nécessité de différencier les équipes en deux
sections de recherche implique une spécialisation,
l'interdisciplinarité exige une coordination entre les
équipes de recherche. Elle a été réalisée grâce :
a) aux bulletins de liaison : 12 ont été publiés
par les deux sections,
b) aux stages nationaux réunissant chercheurs,
coordinateurs et animateurs,
c) à la commission C.P.
Cette « commission Cours Préparatoire » fut créée
à l'issue du stage national de recherche d'octobre
1970. Elle s'est réunie cinq fois de novembre 1970
à mars 1971.
Le but à atteindre pour la commission a été fixé
dès la réunion du 18 novembre : il faut faire à
l'usage des maîtres de C.P. qui vont participer à
notre expérimentation un regroupement des idées
sur lesquelles nous sommes tous d'accord et mettre
en route une pré-expérimentation ; trois équipes
ont accepté de le faire : celles de Saint-Germainen-Laye, Arras et Caen.
Les « plans d'action » définis sous les vocables
« plan de travail », « projets d'exercices », « buts
à atteindre », dans les trois différentes équipes,
seront retouchés, mis au point par chaque équipe et
proposés à la discussion au cours du stage du 26
avril 1971. L'expérience pourra alors s'étendre à
un plus grand nombre de C.P. en 1971-1972, sur
un schéma mis au point collégialement.
5) Il s'agit d'une recherche « en marche » :
Elle comporte au départ, une part de tâtonnement
empirique et de création au contact de la réalité
vivante de la classe. Elle doit tenir compte des
incertitudes concernant le développement psychologique de l'enfant, de la difficulté de définir des
concepts scientifiques fondamentaux. De plus, il
est nécessaire de diversifier les approches à cause
de la grande variété des problèmes posés, d'où la
liberté laissée au départ à chaque équipe pour définir ses objectifs et ses méthodes de travail.
La recherche appliquée par rapport à la recherche
fondamentale est dans la position de Descartes proposant une morale provisoire.
A la lumière des recherches déjà faites, des projets
d'action sont essayés et modifiés afin qu'ils s'adaptent le mieux possible à l'enfant du C.P., point de
référence et le centre de notre inquiétude.
Au fur et à mesure des travaux, il est apparu nettement que les problèmes d'activité d'éveil au
C.P. devaient se régler dans les C.P. avec des élèves et des maîtres de C.P. Les schémas élaborés
par des spécialistes qui réfléchissent ont besoin
d'être éprouvés dans des classes. Les maîtres qui
réalisent au niveau des élèves les idées que nous
leur suggérons font partie intégrante de l'équipe
et il y a une indispensable dialectique qui fait que
l'enfant et le maître proposent à leur tour, à celui
qui réfléchit, d'autres idées auxquelles il n'avait
pas pensé d'abord.
Il y a sans doute quelques dangers à présenter une
recherche inachevée. C'est pourquoi il faut préciser
que les exercices rapportés et analysés ne constituent en aucun cas des modèles. Ils sont mis en
discussion. Ils doivent permettre de juger des résultats obtenus et servir de catalyseur pour trouver d'autres idées mieux appropriées à notre recherche.
C'est toujours ainsi que nous l'avons compris au
sein de la commission C.P. et les travaux de SaintGermain, de Caen et d'Arras ont été passés successivement au crible et discutés point par point.
6) Ces recherches doivent déboucher sur une
synthèse et sur une évaluation.
Elles ne sauraient se limiter à une mosaïque de
suggestions et d'opinions souvent contradictoires.
Pour permettre cette synthèse il fallait mettre en
relation trois séries de données :
a) L'évolution génétique de l'enfant
— à déterminer en se référant à tout ce qui
est fait dans la recherche fondamentale,
— à vérifier sur l'échantillon social sur lequel on travaille.
13
b) Les concepts fondamentaux
— S'ils sont déterminés par les seuls psychologues on revient à la solution du paragraphe a).
— S'ils sont déterminés par les seuls spécialistes on risque de revenir aux anciens programmes. Il faut donc insister sur le fait que
l'idée d'un programme précis, linéaire et impératif, est apparu au groupe de recherche
comme totalement opposé à la notion d'activité d'éveil.
— Il convient donc de faire collaborer psychologues et spécialistes.
c) Les techniques de base (lire, écrire, ranger, classer, manier des opérateurs...) pour
accéder à la créativité, l'enfant doit disposer
d'un certain nombre de techniques qu'il a faites
siennes.
7) Les difficultés
Tout au long de cette recherche nous nous sommes sentis pressés par la masse des enseignants du
Cycle élémentaire qui s'interrogent sur ce qu'il
convient de faire dans le cadre du tiers-temps pédagogique et des disciplines d'éveil. Le danger
était grand de pratiquer prématurément le développement avant que le travail de recherche ne
soit suffisamment avancé. C'est pourquoi, ouvrant
le stage de mai 1970, M. Noël affirmait :
« Les circonstances — notamment en ce qui
concerne les activités d'éveil, la mise en place du
tiers-temps pédagogique — ont provoqué quelque
désarroi parmi les "maîtres et obligent à leur proposer d'urgence des indications et recommandations dans les perspectives de la « rénovation pédagogique » et dans le cadre d'un certain empirisme. Tel est le rôle des stages et réunions de
concertation organisés au titre de l'animation pédagogique présentée par des circulaires ministérielles et qui s'apparentent à des opérations de développement.
Mais au niveau des principes comme des pratiques,
qu'il s'agisse des contenus ou des méthodes, ces
indications véhiculent des présupposés, des hypothèses plus ou moins implicites sur lesquels il est
nécessaire de s'interroger et qu'il convient de formuler puis de soumettre à l'épreuve d'une vérification expérimentale aussi scientifiquement
ri14
goureuse que possible. L'objectif du présent stage
est précisément de définir les bases à un tel travail qui relève de la recherche et qui ne peut être
qu'un travail d'équipe. Il s'agit, dans un premier
temps de circonscrire et préciser les points à propos desquels il convient d'engager une recherche
et de définir les voies et la méthode à mettre en
œuvre à cet effet ».
RESUME DE LA SITUATION EN MAI 1971
1) Avant le stage de mai 1970, M. Noël résumait la situation en ces termes :
Les premières démarches relatives à cette recherche se sont proposées d'étudier les conditions dans
lesquelles des élèves de cours moyen appréhendaient divers concepts historiques ou géographiques, tels que les utilisent les manuels et les pratiques couramment en usage dans les classes. Un
questionnaire d'enquête avait été élaboré à cet
effet et administré à un premier échantillon d'environ 250 élèves ; le stage de mai 1970 a estimé
qu'il y avait lieu de surseoir à l'exploitation du
dépouillement de ces premiers résultats, ce questionnaire étant remis en cause non en son principe, mais quant à la forme qui lui a été initialement donnée.
Parallèlement à cette activité, plusieurs responsables d'équipes ont fait part d'expériences engagées spontanément ou de réflexions, dont les bulletins de liaison ont rendu compte et qui élargissaient le champ des préoccupations et conduisaient à formuler certaines hypothèses, ce dont
le stage de mai 1970 a eu à connaître.
2) Le stage national de recherche de mai 1970
Après l'exposé de M. Legrand, analysant des
points de vue philosophique, épistémologique et
génétique, les problèmes pédagogiques que posent
la pratique de l'observation et ses exploitations,
ainsi que la complexité des données psychologiques
sous-jacentes à l'élaboration des concepts par l'enfant,
et après la communication de M"" Delchet, soulignant l'unité et la continuité des axes des recherches entreprises au niveau pré-élémentaire,
le stage a permis de dégager un certain nombre
de lignes de force, pas nécessairement convergentes, mais significatives de préoccupations et
d'orientations géographiques, mais non en l'absen-
ce, de la part du maître, de tout souci d'une spécification ultérieure de l'emploi de ces concepts ;
la nécessité d'une collaboration interdisciplinaire,
interdisciplinarité indispensable sur le plan de la
recherche parce que de fait sur le plan scolaire :
les activités d'éveil à support scientifique, l'éducation corporelle (et son rôle primordial dans l'élaboration des concepts fondamentaux), l'initiation
mathématique, les activités d'expression, verbales
ou esthétiques ; collaboration aussi avec les psychologues et coordination avec les recherches au
niveau pré-élémentaire.
3) A l'issue du stage de mai 1970
S'il était convenu de poursuivre les pré-expériences en cours au niveau des CE. 2 et CM., il était
décidé de faire porter principalement la recherche,
dans un premier temps, sur les problèmes concernant les activités de C.P. et de C E . 1, et résolument considérés dans les perspectives interdisciplinaires dont il vient d'être question.
4) Ce bref historique permet de mieux définir les objectifs du stage national d'avril 1971
— Essentiellement, mettre l'accent sur les problèmes relatifs aux C.P. et aux CE. :
• préciser les hypothèses en fonction desquelles
on peut concevoir les activités à ce niveau,
• moins dresser un inventaire à prétention exhaustive de telles activités que définir l'esprit dans
lequel les concevoir et déterminer les conditions
de leur mise en œuvre,
• élaborer les modalités de la collaboration et des
échanges entre les équipes, et même si posible,
esquisser les éléments d'épreuves assez largement
communes. Ainsi :
— la nécessité de partir des données du milieu et
de l'environnement pour exploiter la curiosité,
Tâtonnement et les possibilités d'observation directe et de réflexion qu'elles offrent, et tirer parti
de l'intérêt que porte l'enfant au « vécu » et à la
vie des hommes, avec cependant des réserves ou
des précautions à l'égard du caractère « occasionnel » de certaines de ces données.
— la distinction entre l'initiation géographique
(qui permet une observation directe avec ses
techniques d'enquête et de classe-exploration, observation devenant le support d'un élargissement
grâce à l'emploi du document, des moyens audiovisuels, des techniques de représentation) et l'initiation historique (pour laquelle il faut noter les
limites de l'apport du milieu local, et les difficultés
tant d'une mise en place progressive d'une perspective chronologique que de l'attitude d'esprit
requise pour l'analyse des documents, la recherche
de corrélation ou d'enchaînement) ;
—• le soin particulier à apporter à la construction
des concepts fondamentaux, notamment ceux d'espace et de temps entre lesquels un certain parallélisme peut s'établir sur les plans philosophique
et génétique, les nombreuses interférences ne devant pas cependant marquer les différences entre
ces deux concepts ;
— l'importance en conséquence d'une étape préalable à l'étude de la géographie et de l'histoire,
étape jusqu'alors ignorée ou négligée sous ses
formes intentionnelles ou explicites ; elle consiste
en la recherche d'activités scolaires qui, prolongeant celles de l'école maternelle se proposent de
favoriser la genèse de ces concepts fondamentaux
chez les enfants du cours préparatoire et du cours
élémentaire première année, en marge d'intentions
spécifiquement historiques ou d'épreuves normalisées qui seraient à administrer en fin d'année
scolaire.
— Accessoirement :
• échange d'informations et confrontation de points
de vue sur les expériences engagées au C E . 2 et
C M . et qu'il a été convenu de poursuivre, à titre
de « pré-expérimentation », d'ailleurs susceptible d'éclairer la recherche plus spécifiquement
centrée sur les niveaux inférieurs ;
• remise en chantier éventuelle, pour une réalisation à échéance plus lointaine, de l'étude initiale
relative à l'appréhension des concepts spécifiques.
L'examen et un rapide commentaire de l'ordre du
jour envisagé permettent de faire apparaître qu'il
a bien été conçu en fonction de tels objectifs.
15
Chapitre I
GÉNÉRALITÉS, FINALITÉS, MÉTHODES
I. - LA NOTION D'EVEIL
A) La Commission de rénovation pédagogique : activités formatrices et culturelles
B) Stage d'octobre 70 - M. Noël
C) Matrices générales de la pensée rationnelle et concepts explicatifs - L. Legrand
D) Réflexions sur les concepts interdisciplinaires d'espace et de temps - Application aux
activités d'éveil à orientation scientifique
E) Coordonner les compétences autour des
concepts d'espace, temps, vie, causalité
F) Premier point d'accord interdisciplinaire
IL - LES FINALITES
A) Finalités proprement pédagogiques
B) Finalités sociales et philosophiques
C) Propositions pour une définition plus précise des fins
l u . - OUVERTURE SUR LE MILIEU
A) Deux axes de travail
B) Exercices pré-scientifiques et étude du milieu
C) Rôle de l'étude du milieu
I. LA NOTION D'EVEIL
A) La Commission
de rénovation pédagogique
a nettement défini dans son rapport publié dans
la revue « L'Education » n° 42, 23 octobre 1989,
p. 20, les perspectives générales qui permettent de
réaliser l'éveil par des activités formatrices et culturelles.
D) Milieu et découverte de relations
E) Sortir du milieu proche
F) Milieu naturel et milieu humain
IV. - REFLEXIONS SUR LA METHODE
Il s'agit d'un bilan provisoire
A) Chercher à savoir ce que l'enfant peut
faire
B) Rôle dtu maître
C) Schéma d'action pédagogique
1) Phase de recherche pour les maîtres
2) Phase d'observation des élèves ¡mis en
situation
3) Phase de réflexion et de communication
maîtres-élèves et élèves-élèves
4) Phase d'expérimentation :
a) Les idées préconçues
b) Partir d'expériences vécues
c) Représenter l'expérience qui vient
d'être vécue
5) Phase de bilan et contrôle
6) Phase d'extension
D) Organisation pratique des activités
« il n'est plus nécessaire de 6 à 11 ans d'apporter
à l'enfant des connaissances indispensables en matière d'histoire, de géographie, de sciences. S'il en
existe de telles, les quatre années du premier cycle,
voire le second cycle, pourraient facilement y pourvoir à un moment où l'enfant est devenu psychologiquement plus mûr pour les accueillir. Par
contre, il a toujours été nécessaire et il devient
désormais possible à l'école élémentaire et probablement au cycle d'observation, de donner toute
17
spn importance à la préparation de cette maturité.
Or celle-ci ne s'acquiert pas en mémorisant des
connaissances mais en rendant l'esprit curieux de
leur existence et en le faisant participer à leur élaboration.
C'est en effet au cours de cette élaboration, quel
que soit par ailleurs le contenu, que l'enfant peut,
à sa mesure, former des concepts généraux qui lui
permettront de comprendre le monde qui l'entoure : espace, temps, lois régulières et structures
des phénomènes, constantes dans les relations humaines et le fonctionnement des sociétés.
Corrélativement, la mise en œuvre de l'habileté
manuelle et du goût se trouvera libérée des servitudes attachées à la préoccupation exclusive du
savoir. Elles pourront ainsi trouver leur pleine
signification d'activité formatrice et culturelle ».
B) Stage d'octobre 1970
On pourrait donc considérer, comme M. Noël l'a
précisé au stage d'octobre 1970, que les « activités
d'éveil » recouvrent tout ce qui n'est pas strictement apprentissage instrumental des langages fondamentaux, ou encore tout ce qui relève de l'ouverture de l'enfant au monde et à lui-même :
au monde, milieu naturel et milieu humain appréhendés selon les dimensions de l'espace et du
temps ;
à lui-même, en tant qu'élément nécessairement
intégré à ces milieux, qui en subit les influences
et les pressions et qui, devant s'y adapter, réagit
à leurs sollicitations. Ainsi comprises, elles concernent tout ce qui a trait à la découverte et l'étude
du milieu naturel et humain (constituant naguère
l'histoire, la géographie, les sciences d'observation,
mais aussi l'initiation civique et « l'éducation morale »), à l'éducation esthétique (musique, arts
plastiques, activités manuelles) et même à l'éducation physique (qu'il peut sembler préférable de
désigner, dans ces perspectives, par le terme
« d'éducation corporelle ».
Il ne s'agit pas de les opposer aux « disciplines
fondamentales » (français et mathématique) qui
ont également un rôle d'éveil, mais de considérer
que leur domaine se présente à l'enfant sous un
aspect plus global qu'il appréhende initialement
de façon syncrétique. Elles constituent aussi, tout
18
à la fois, la motivation (sur le double plan de la
curiosité et de la créativité), et le champ d'application des activités plus spécifiques que requièrent les apprentissages instrumentaux.
C'est en ce sens que les « activités d'éveil » peuvent devenir l'élément moteur de l'action pédagogique. Elles se groupent directement sur les réactions de l'enfant aux sollicitations de l'environnement. Ainsi conçues, elles paraissent être porteuses ou messagères d'un style pédagogique qui est
typiquement celui dont se réclame la rénovation
pédagogique : authentique méthode active (priorité à l'initiative des élèves, aux activités d'exploration et de découverte, aux travaux de groupes,
etc...) et décloisonnement interdisciplinaire (ce décloisonnement n'étant pas nécessairement, et ne
devant pas être synonyme de confusion informelle).
L'interdisciplinarité ainsi envisagée sur le plan des
activités scolaires retentit d'ailleurs au niveau de
la recherche et l'organisation du stage en témoigne : des réunions communes sont prévues entre
historiens-géographes et naturalistes ; des collègues spécialistes d'autres disciplines (éducation esthétique, mathématiques, français notamment)
participent ou participeront à nos travaux ainsi
d'ailleurs que des professeurs de psychologie et de
psycho-pédagogie.
Il faut donc renoncer à concevoir les activités
d'éveil comme un vaste ensemble de connaissances endettées qu'il faudrait absorber. Si l'on veut
faire un enseignement réellement primaire, c'està-dire « premier » pour l'enfant, on s'aperçoit
qu'avant de faire de la géographie, avant d'apprendre du vocabulaire géographique (différentes
enquêtes et la pré-expérience citée plus haut ont
montré la nocivité des mots appris et non compris
qui se chargent de représentations absurdes faute
d'être assimilables), avant de cartographier des
lieux et des faits, l'enfant doit conquérir lentement la notion d'espace.
On en vient alors à l'idée qu'il faudrait déterminer
les concepts fondamentaux qui constituent les bases de l'esprit scientifique et qui permettent de
poursuivre une formation spécifique et d'autant
plus spécialisée que l'enfant est plus âgé et qu'il
possède mieux les bases communes qui permettent
un éveil à telle ou telle matière (cet éveil ne se
situant pas nécessairement et pour toutes les matières à l'école primaire).
C) Matrices générales de la pensée
rationnelle et concepts explicatifs
Au stage de mai 70, L. Legrand posa le problème
en ces termes :
Pédagogiquement, le problème de l'entraînement
à la pensée scientifique n'est donc pas seulement
celui du dressage à l'objectivité comme on l'a cru
jusqu'ici, mais au contraire celui de la mise en
question de l'évidence sensible et pratique, d'un
ébranlement du système clos de la pensée immédiate pratique en vue d'une restructuration sur
des bases collectives et quantifiées. Une pédagogie
qui négligerait cette remise en question et cet
ébranlement se condamnerait à plaquer des
connaissances scientifiques sur un fonds résistant
d'évidences premières, condamnant par là même
ces connaissances à n'être que des îlots non intégrés, reçus comme certitudes a priori révélées,
par conséquent sans aucun profit pour l'esprit
scientifique qu'elles seraient pourtant supposées
créer.
Dans cette perspective il devient très important de
connaître les attitudes natives de l'enfant face à
l'environnement, de décrire et de recenser les stéréotypes que l'entraînement à la pensée scientifique devra vaincre après les avoir ébranlés dans
l'étonnement.
Deux voies d'approche complémentaires nous sont
offertes pour cet objet : celle de l'histoire des sciences tout d'abord qui nous livre comme interprétations préscientifiques formalisées des interprétations spontanées persistantes, non seulement propres à la pensée enfantine mais qui appartiennent
au fond commun des idées reçues. Bachelard a
montré dans un livre déjà ancien mais toujours
actuel comment l'évidence sensible et l'attitude
naturellement pratique fournissaient à bon compte
des principes généraux d'explication qui constituent autant « d'obstacles épistémologiques » à la
pensée scientifique. La coagulation par exemple,
phénomène familier à un monde de ruraux fabricateurs de fromage et de boudin, devient un principe explicatif général pour les changements d'état
de la matière — congélation, solidification — et
même principe d'explication universelle. Ainsi en
est-il de l'éponge, de la fermentation, de la digestion, etc.. L'accès à la pensée scientifique s'est
fait historiquement contre la pensée naïve dont le
mode d'explication spontané, satisfaisant à bon
compte un besoin de comprendre impatient, est le
principal obstacle à l'objectivité scientifique. Les
études contemporaines de la pensée adulte montrent que ces stéréotypes révélés par l'histoire des
sciences restent très vivants dans la pensée native
de nos contemporains et constituent pour eux l'obstacle principal à l'accès à la connaissance scientifique. Mais c'est montrer du même coup, de façon
évidente, l'inefficacité de la pédagogie scientifique de l'école élémentaire. Par l'observation didactique on plaque un savoir verbal sans racines
véritables faute d'avoir mis à jour, ébranlé par la
discussion et le heurt au réel, et finalement rectifié
les évidences sensibles naturelles que l'enfant emprunte spontanément comme principe d'explication à l'univers pratique immédiat.
L'épistémologie génétique de Piaget nous éclaire
sur l'existence et la nature de ces modes d'appréhension spontanée du réel et sur les voies et
moyens de leur dépassement.
C'est toute l'œuvre du philosophe et psychologue
genevois qu'il conviendrait d'évoquer ici. Aussi
nous bornerons-nous à définir les grandes voies
d'approche du problème telles qu'elles apparaissent
à la lumière de l'œuvre piagétienne. On peut classer les modes d'appréhension de compréhension
de l'environnement selon deux groupes complémentaires et subordonnés. D'une part ce que nous
appellerons les concepts explicatifs : la vie, le
mouvement, la force, la chaleur, etc.. ou encore
l'esclavage, le gouvernement, la production, etc..
Ces concepts sont en nombre considérable et couvrent toute l'étendue du savoir. D'autre part ces
concepts sont eux-mêmes commandés par des cadres plus généraux qui les sous-tendent et qui
constituent ce que la philosophie appelle les catégories temps, espace, causalité
L'épistémologie génétique permet déjà de comprendre de façon satisfaisante comment se spécifient et
évoluent avec l'âge les concepts et les catégories,
ou du moins, certains concepts et à travers eux, les
catégories. Des ouvrages déjà anciens comme « la
représentation du monde chez l'enfant » ou « la
causalité physique chez l'enfant » et des ouvrages
plus récents comme celui de Laurendeau et P i nard : « la pensée causale » nous apportent des
renseignements précieux pour le pédagogue sur
l'évolution des concepts de vie et de mouvement.
Avant d'être réservée aux animaux et aux plantes
ou aux animaux seulement (âge médian 9 ans
19
6 mois L. et P.), la vie est attribuée à tous les objets
qui, en plus d'être utiles ou de posséder des caractères anthropomorphiques, paraissent avoir un
mouvement propre (âge médian 9 ans 8 mois) ou
même, à 7 ans 1 mois, la vie est confondue avec
le mouvement, avec la possession des traits anthropomorphiques ou avec l'utilité. Les trois stades
s'emboîtent régulièrement, tout individu passant
successivement à des âges qui lui sont propres
par les trois stades considérés. Notons que
seulement des enfants de 12 ans ont accédé au
stade 3. Pour prendre un autre exemple étudié par
les mêmes auteurs, le mouvement des nuages avant
d'être expliqué par le vent (âge médian 10 ans
8 mois) est expliqué soit comme un mouvement
autonome, soit comme soumis à l'influence des autres corps célestes (7 ans 8 mois) ou comme produit par les hommes ou par Dieu (6 ans 6 mois).
Notons également que 43 % seulement des enfants de 12 ans parviennent au stade 3.
L'intérêt de ces études est manifeste dans la mesure où elles vérifient et quantifient l'importance
de ce que Piaget et Wallon avaient mis en relief il y a quelque quarante ans : l'animisme et
l'artificialisme comme modes primitifs d'explication enfantine. Malheureusement la seule conséquence pédagogique de ces découvertes fut l'évacuation pure et simple de la pensée enfantine autonome par la pédagogie de l'observation alors
qu'il eût été nécessaire et qu'il l'est plus encore de
chercher à réduire ces obstacles épistémologiques
en en permettant la manifestation et en en cherchant l'élimination dans la ligne naturelle de la
décentration et de l'accès à la réversibilité.
C'est en effet toute l'importance des travaux ultérieurs de Piaget et de ses équipes sur la construction des catégories que d'avoir pu montrer les
conditions générales du dépassement de la pensée
précausale. La construction de l'espace, du temps,
du nombre et de la causalité scientifique relève
d'une aptitude commune qui caractérise l'intelligence humaine parvenue à son plein développement, celle de se déprendre de l'entraînement mécanique de la perception actuelle pour accéder à
la coordination des points de vue. Cette aptitude
suppose à la fois une décentration par rapport à
la visée personnelle actuelle et une indépendance
par rapport à la durée vécue. Ces conditions sont
20
celles d'une pensée capable d'établir des relations
reversibles entre les données de la perception et
de coordonner ces relations.
Tel est le sens profond de la conquête de l'espace
et du temps, matrices générales de la pensée rationnelle.
Il ne saurait être question ici de faire état de tous
les travaux conduits sur ces sujets par les équipes
piagétiennes. Nous nous contenterons de renvoyer
le lecteur aux œuvres elles-mêmes. Tout au plus
rappellerons-nous deux expériences parmi les plus
directement utilisables par les pédagogues. L'apprentissage et l'utilisation du plan sont les points
communs de tout apprentissage géographique. Piaget a montré, par une expérience simple et démonstrative comment l'enfant accède aux schémas topographiques et à la compréhension du plan.
On demande aux sujets de reproduire un villagejouet, soit en disposant des objets semblables, soit
en réalisant un croquis à échelle réduite. Il s'agit
donc de placer un certain nombre d'objets simultanément les uns par rapport aux autres et tous
par rapport au cadre général (modèle ou feuille
de dessin). Nous reproduisons ci-dessous la synthèse que fait Piaget lui-même des observations
relevant du second stade (de 4 à 6-7 ans). Cette
synthèse pose bien en effet la nature des impuissances et par opposition celles des tâches à surmonter pour parvenir à la maîtrise du plan.
« Au cours du stade II le sujet, après avoir mis
en correspondance logique les objets eux-mêmes
avec ceux du modèle, c'est-à-dire après avoir choisi ou dessiné les mêmes que sur le modèle, cherche
à les situer en correspondance spatiale avec eux
mais ne parvient à aucun placement en fonction
d'un système de coordonnées faute de savoir multiplier les relations d'ordre et de distances entre
elles selon les trois dimensions.
Par contre, avec la technique de la construction,
il constitue de petits ensembles d'objets incoordonnés entre eux en tant qu'ensembles, mais ordonnés à leur intérieur, en particulier par couples.
Cet ordre naissant se fonde soit sur l'ordre de
parcours du regard lorsqu'il suit de proche en
proche les éléments du modèle (avec parfois inversion de l'ordre réel lorsque le sujet a regardé
d'abord à droite et commencé son dessin ou sa
construction sur la gauche) ou par un ordre dû aux
ressemblances conceptuelles (les arbres ensemble,
etc.), ou par réunion d'objets séparés et spatialement opposés ; le sujet procède également parfois
par rayonnement dans diverses directions à partir
d'un objet considéré comme central... Au cours
de ce stade, les distances sont naturellement négligées, ainsi que les perspectives. Quant aux systèmes de référence, il y a encore incoordination
entre les systèmes intérieurs des objets (quelquesuns mis en rapport avec d'autres) et le système
extérieur constitué par le cadre rectangulaire. Il
arrive ainsi qu'un ensemble d'objets soit contracté
au mépris des distances relatives et rejeté sur la
gauche, ou vers le bas, etc... mais que quelques
éléments isolés soient déjà situés par rapport au
cadre sans être alors placés avec les autres objets »...
Cette longue citation nous a paru indispensable
pour bien faire comprendre, par sa richesse descriptive, la nature opératoire d'une conception
achevée de l'espace. Celui-ci n'appartient pas au
perçu, mais au conçu, c'est-à-dire à la possibilité
de repérages et d'organisation coordonnée de repérages partiels. L'espace conçu est de l'ordre de
l'activité mentale et non de l'ordre du donné sensible. Il convient d'ailleurs de préciser que l'espace
perçu lui-même relève d'une construction semblable, quoique inconsciente, et prisonnière des entraînements mécaniques. C'est ce qu'ont montré
également les premiers travaux sur la construction
du réel chez le tout jeune enfant. Ces repérages
et ces coordinations doivent se conquérir contre
l'entraînement mécanique de la perception et
contre l'étroitesse d'un champ de conscience qui
ne peut organiser son univers que de façon granulaire. Il faudra attendre 11-12 ans pour accéder enfin au plan respectant non seulement les
rapports de position mais encore les rapports métriques et les proportions. On sait que l'introduction du repérage sur le globe crée des difficultés
nouvelles pour les élèves qui cependant parviennent à dominer la représentation plane. A fortiori est-il prématuré de vouloir introduire cette
représentation chez des élèves non encore parvenus au stade de la compréhension du plan.
C'est pourtant là une des prétentions des programmes de l'enseignement secondaire (classe de
sixième).
Les conséquences pédagogiques de ces études
d'épistémologie génétique sont évidentes : la cons-
truction de l'espace ne relève pas d'une action
de montrer mais d'une construction de relations.
Elle n'est pas de l'ordre du « voir » mais de celui
du « concevoir ». C'est l'entraînement permanent
à la mise en relation par l'usage des coordonnées
qui seul devrait permettre l'accès à la pensée réversible. L'enfant doit construire l'espace en organisant les objets les uns par rapport aux autres
et tous ensemble par rapport à des cadres de référence. Cette organisation sera d'abord topologique (rapport de proximité, situation respective
avant, après, entre, à gauche, à droite, au-dessus,
au-dessous, etc..) avant d'être métrique (repérages par coordonnées quantifiées, par relation avec
un étalon choisi). Il ne saurait donc être suffisant de montrer ou de dire les choses, ou même
de les construire en une leçon introductive. C'est
tout au cours de la scolarité et à toutes occasions
que doivent effectivement s'exercer ces activités
de mise en relation effective ou représentée, et ce
en sachant que l'activité à elle seule n'est pas capable d'engendrer l'aptitude, la réversibilité supposant le passage à l'organisation abstraite où la
maturation semble avoir une part prépondérante.
Ce qui vient d'être dit de l'espace vaut également
pour la construction du temps rationnel. L'organisation temporelle des événements n'est également
possible qu'en les situant les uns par rapport aux
autres et tous ensemble par rapport à un cadre
de référence commun. Or cela ne se peut qu'à
condition de se décentrer par rapport à l'intuition
personnelle de la durée vécue, elle-même prisonnière des données sensibles immédiates. L'essentiel
est, ici encore, de l'ordre de la relation et non de
la perception. Comme pour l'espace il n'est pas
possible ici de faire un exposé complet des travaux multiples et convergents des équipes piagétiennes. Nous renvoyons aux textes eux-mêmes.
Nous nous bornerons à citer une des expériences
les plus significatives.
Deux figurines, l'une jaune, l'autre bleue, représentent deux coureurs devant se mouvoir sur deux
lignes parallèles. Elles sont sur la même ligne de
départ. La jaune se meut plus vite que la bleue.
Sa course durera cependant moins longtemps que
celle de la bleue, de telle sorte que la bleue continue à se mouvoir alors que la jaune est déjà arrêtée. La bleue sera cependant arrêtée après avoir
parcouru un espace moindre que la jaune. A six ans
l'enfant est incapable de dissocier l'ordre temporel supposé. « Ils sont arrivés en même temps ?
21
— Non, le jaune avant l'autre. — Lequel s'est
arrêté le premier ? — Le bleu. — Lequel plus tôt ?
— Le bleu. — Midi, c'est l'heure de quoi faire ?
— De dîner. — On dira que le jaune s'arrête
quand il est midi. Quand s'arrête le bleu ? (on
montre à nouveau les courses). A midi aussi,
avant midi, après-midi ? — Avant midi. — Regarde (on recommence). — Oui, le jaune s'arrête
en premier. Il a marché plus longtemps. — Et
l'autre ? — Il s'arrête avant midi ».
Cette belle expérience met en relief les impuissances et les obstacles. Arriver à une réponse
correcte supposerait la référence à un étalon commun, spatial lui aussi, mais indépendant de l'espace investi dans la perception immédiate. Ce qui
fait le problème est l'adhérence des durées à l'espace parcouru pris comme référence, alors que le
temps conceptuel se définit par la simultanéité,
l'antériorité ou la postériorité d'un événement par
rapport à un mouvement extérieur aux événements à ordonner, celui des horloges décalque du
mouvement apparent des étoiles ou celui du sable
dans le sablier ou de l'eau dans la clepsydre. Ce
qui fait obstacle, c'est l'évidence sensible ; ce qui
permet de la vaincre, c'est la mise en relation et
la coordination des relations. Le temps rationnel
comme l'espace conceptuel appartiennent donc à
la relation et non à la perception immédiate contre
laquelle il doit se construire. Le jeune enfant est
incapable de cette mise en relation et c'est pourquoi
il pense mettre plus de temps à aller à l'école
lorsqu'il marche plus vite, ou devoir rattraper en
âge son frère ou son père en grandissant.
Tels sont donc les obstacles et les tâches qui permettent de définir à grands traits les données actuelles de l'épistémologie génétique. La recherche
du pédagogue doit aller plus avant. Il lui appartient d'étendre à l'ensemble du champ conceptuel
les méthodes d'analyses mises en œuvre jusqu'ici
sur des échantillons particulièrement significatifs
mais tout compte fait susceptibles de recouvrir un
domaine très limité du territoire des études concernées. Un domaine, en particulier, reste peu défriché, celui du monde proprement humain traditionnellement étudié par l'histoire. S'il est déjà
possible d'y voir clair dans le domaine de la biologie ou de la physique nous sommes encore loin du
compte en ce qui regarde la manière dont l'enfant
appréhende les relations interpersonnelles et les
structures sociales et sur les voies et moyens de
ses progrès.
22
La première tâche du pédagogue-chercheur sera
donc de clairement délimiter ses objectifs. Son analyse, sur quelque objet d'étude que ce soit, devra
d'abord passer par une analyse conceptuelle puis
par l'exploration de la génétique des notions mises
en relief.
D) Réflexions sur les concepts
interdisciplinaires d'espace et de temps
(Compte rendu rédigé par M. Hannoun, Directeur
E.N.G. Privas, après le stage de mai 1970).
La commission chargée d'étudier les concepts de
base des activités d'éveil a dû se pencher sur les
problèmes fondamentaux de l'espace et du temps.
Dans cette perspective, il est à noter, dès l'abord,
que ces deux concepts nous apparaissent fondamentalement liés à deux niveaux différents :
1) Sur le plan de l'objectivité scientifique : il
serait vain d'épiloguer longtemps sur cette
liaison à notre époque où la relativité en a
amplement montré l'évidence.
2) Sur le plan psychologique : les travaux
des psychologues comme notre observation
quotidienne montrent que l'enfant ne distingue pas, dans son premier âge, ces deux
concepts. Si, par la suite, et pour des raisons
de méthode de réflexion, cette distinction
s'avère indispensable, elle reste pendant fort
longtemps hors de la portée de nos enfants.
Dans le cadre de ces travaux, et pour ces mêmes
raisons de méthode que nous venons de mentionner, l'espace et le temps seront abordés, dans leurs
concepts respectifs, de façon disjointe. Ils seront
rétablis dans leur liaison intrinsèque en fin d'exposé.
I. — LE CONCEPT D'ESPACE
Dans son appréhension de l'espace, l'enfant puis
l'adulte se situent à trois niveaux successifs :
— l'espace sensori-moteur,
— l'espace topologique,
— l'espace géométrique.
A) L'espace sensori-moteur
— CE QU'IL EST : c'est l'espace que l'enfant appréhende par le biais d'un processus purement sensible, voire biologique. De cette première constatation découlent deux conséquences :
1) L'espace sensori-moteur reste attaché à ce
qui est touché, senti, goûté, même.
2) L'enfant situe les objets dans l'espace relativement à des coordonnées qui ne sont autres que lui-même. C'est là le phénomène très
étudié de l'égocentrisme enfantin. On comprendra, par exemple, les difficultés que rencontre l'enfant du point de vue de la distinction de la droite et la gauche.
— QUELLES TECHNIQUES PEUVENT AIDER
L'ENFANT A SORTIR VICTORIEUX DES DIFFICULTES DE CE STADE ?
La commission a estimé que ces techniques sont
d'abord celles impliquées par l'éducation psychomotrice de l'enfant sous ces différents aspects, à
savoir :
— la latéralisation (prédominance de l'un ou de
l'autre des deux dispositifs d'une main, d'un œil,
d'un pied, e t c . ) ,
— le schéma corporel, autrement dit l'image plus
ou moins intuitive de notre moi physique dans sa
situation et ses différents mouvements dans le
monde extérieur.
— l'organisation spatiale qui est pour chacun de
nous la construction de notre espace d'action, donc,
impliquant les données de nos possibilités d'orientation,
— l'organisation temporelle impliquant l'acquisition de la notion de succession, d'ordre et de qualité
des éléments successifs,
— l'attitude et son éducation, autrement dit les
réactions de l'enfant aux stimulations de la pesanteur.
— QUEL EST LE BUT DE CES TECHNIQUES
Cette aide que nous pouvons apporter à l'enfant
dans cette optique, doit déboucher sur l'objectivation de l'espace sensori-moteur vers l'espace topologique. Il faut que l'enfant parvienne à dépasser le stade où son corps seul peut servir de coordonnée dans sa tentative de situer les objets extérieurs dans l'espace.
B) L'espace topologique
— CE QU'IL EST : C'est l'espace des géographes.
Il implique un dépassement des seules données
sensibles IMMEDIATES. Deux faits sont à noter à
son sujet :
1) L'enfant qui parvient à appréhender l'espace topologique parvient du même coup à
situer les objets relativement à des coordonnées autres que lui-même (méridiens, par
exemple). Il y a donc OBJECTIVATION de
l'espace chez l'enfant dans la même mesure
où il y a dépassement de l'égocentrisme.
2) Bien que l'espace topologique repose sur
des considérations appréhendées de façon sensible (cartes, plans, photographies, etc...) il ne
se présente pas, comme l'espace sensori-moteur, comme un OBJET PHYSIQUE, mais une
simple représentation plus ou moins symbolisée
de cet objet physique.
La question a été posée de savoir vers quel âge
l'enfant s'avère capable de ce passage de l'espace
sensori-moteur vers l'espace topologique. Malgré
les conclusions de Piaget sur cette question, celle-ci
mérite de recevoir une réponse neuve par le biais
d'une nouvelle recherche expérimentale.
— QUELLES TECHNIQUES PEUVENT AIDER
L'ENFANT A SORTIR VICTORIEUX DES DIFFICULTES DE CE STADE ?
Il a été relaté une expérience dans laquelle les
enfants, en dehors de tout apport livresque, ont eu
la possibilité de mener à bien des études expérimentales sur le terrain (types de terrain, types de
reliefs, sites, e t c . ) . Cette question des techniques
pourrait faire l'objet d'une recherche particulière.
— QUEL EST LE BUT DE L'EMPLOI DE TELLES
TECHNIQUES ?
De même que les précédentes techniques proposées
avaient pour but d'aider l'enfant à objectiver l'espace sensori-moteur, les techniques utilisées à présent tendent ou devraient tendre à CONCEPTUALISER l'espace topologique qui parviendrait alors
au stade de l'espace géométrique.
C) L'espace géométrique
— CE QU'IL EST : C'est l'espace qui ne conserve que les seules relations quantitatives de l'espace topologique. Cette première approche appelle plusieurs remarques :
1) Il convient bien de parler d'espace géométrique et non mathématique. En effet,
par rapport à la mathématique proprement
dite, la géométrie reste une physique. En
23
tant que tel, l'espace géométrique est le
premier que doit (et peut) appréhender
l'enfant une fois qu'il a pénétré dans le monde
de l'abstraction mathématique. C'est l'adulte, plus tard, qui, seul, pourra parvenir
à l'appréhension des espaces non-euclidiens
dont la « représentation sensible » ne correspond en rien à notre réalité sensible immédiate.
2) Il convient de noter la nécessité de tenir
l'enfant au courant de la « relativité » de
l'espace euclidien afin que, déjà par ce biais,
il évite de se trouver prisonnier d'absolus
dont la remise en question pourrait faire
problème par la suite.
— QUELLES TECHNIQUES PEUVENT AIDER
L'ENFANT A SORTIR DES DIFFICULTES DE
CE STADE ?
Différents essais ont d'abord porté sur les techniques que l'on pourrait regrouper autour de la
mesure de l'espace. En effet, c'est cette mesure
qui fera graduellement pénétrer l'enfant dans la
monde essentiellement scientifique de l'espace
d'abord géométrique, puis mathématique.
Il est enfin à noter, sur ce point, la nécessité de
tenir l'enfant au courant de la relativité des mesures tant pour l'espace que pour le temps, et
ce, pour les raisons qui viennent d'être évoquées
plus haut.
l'âge, la date, les calendriers), à mesurer le temps
et à prendre conscience d'un temps plus spécifiquement historique.
a) Le temps sensoriel ou temps vécu
Le temps, dès l'abord, est intuitivement vécu par
l'enfant. Il demeure longtemps inséparable de ses
propres rythmes de vie (retour rituel de certains
faits tels que les repas, le coucher, les congés, etc.).
Dans ce cadre, l'enfant ne parvient pas à situer
dans le temps les événements autrement qu'à l'intérieur de coordonnées qui ne sont autres que
celles de sa propre existence. Nous retrouvons ici
les caractéristiques de l'égocentrisme.
L'éducation de l'enfant à ce stade consiste donc
essentiellement à FAIRE PRENDRE CONSCIENCE par l'enfant de ces rythmes qu'il ne fait que
VIVRE ou qu'il appréhende de façon globale. « Ce
n'est que dans la mesure où l'enfant est capable
de se détacher de la fuite des événements qu'il
peut les situer les uns par rapport aux autres »
(Malrieu).
Des techniques telles que la rythmique et la danse
sont tout indiquées dans cette perspective. « Il
n'y a d'ordre temporel que dans la mesure où le
sujet se représente ses gestes au lieu de les accomplir » (Malrieu).
b) Le temps historique
H. — LE CONCEPT DE TEMPS
Il implique donc un dépassement du temps vécu,
de l'immédiateté. Les repères deviennent EXTERIEURS à l'enfant. Il y a OBJECTIVATION.
Il est tout de suite
et plus difficile à
n'a pu se pencher
temps, comme elle
l'espace.
apparu comme plus complexe
cerner. Aussi la commission
sur les problèmes relatifs au
a pu le faire relativement à
Pourtant il est à noter que ce temps ne se sépare
pas totalement d'une réalité vécue qui est justement la réalité historique qu'il appartient à l'éducateur de faire découvrir par l'enfant vivant en
relation avec la société présente.
Néanmoins, certaines orientations de recherches
ont pu être élaborées. Parallèlement à ce qui a
été constaté en ce qui concerne l'espace, on peut
noter que l'enfant n'a pas encore une conscience
exacte du temps. C'est sans doute parce que la
notion de temps n'est pas une donnée immédiate
de la conscience. Elle ne s'élabore pas non plus
toute seule, comme par miracle, mais elle « émerge » après une maturation lente qui s'effectue
au cours d'exercices qu'il convient de déterminer
et qui le conduirait à la fois à acquérir le sens du
rythme, à se repérer dans le temps (l'heure,
Comment faire découvrir cette réalité ? Il semble
à ce sujet que la technique déjà utilisée de la découverte et de l'interprétation des documents et
traces diverses ait fait ses preuves.
24
c) Le temps conçu :
C'est le temps de la science. Celui auquel il est fait
allusion dans la formule e =
temps de la dynamique.
1
— g T2. C'est J*
2
La question a été soulevée de savoir jusqu'à quel
point on pouvait considérer la relativité du temps
conçu. Certes, les découvertes de la science du
XX e siècle nous apportent en ce domaine des éléments neufs. Il conviendra de voir comment or,
peut les exploiter au niveau des enfants. « Le passage du qualitatif au quantitatif s'opère dans le
même temps que s'acquiert progressivement le
sentiment de la multiplicité des perspectives ».
Piaget.
— EN QUOI LE TEMPS PEUT-IL SE DISTINGUER DE L'ESPACE ?
Si, comme l'espace, le temps présente des possibilités de mesure avec la même constatation de
conventionalité que nous avons déjà aperçue, il n'en
reste pas moins que le temps demeure spécifique
sur certains points :
— Il y a une irréversibilité du temps que l'on
ne retrouve nulle part ailleurs.
— Le temps s'inscrit dans le cadre des phénomènes qui peuvent être cycliques, selon certains rythmes tels que ceux que l'on peut observer dans le monde de la biologie.
— Le temps historique pose des problèmes
particuliers qu'il conviendra d'envisager.
III. — CONSIDERATIONS COMMUNES
A L'ESPACE ET AU TEMPS
1) Le passage d'un stade à un autre
En sus du parallélisme que nous avons constaté
entre l'espace et le temps quant à leur construction par étapes successives, il convient de noter
que le passage de chaque stade au stade suivant
s'effectue de façon dialectique et grâce à des activités accomplies par l'enfant.
2) Les recherches possibles
De ces différentes constatations peuvent apparaître certaines perspectives de recherche tant dans
une optique pédagogique que dans une optique
psychologique. Ces recherches pourraient être les
suivantes :
— Dans une option pédagogique
a) Quelles sont les techniques pédagogiques propres à ORGANISER ou à accélérer l'objectivation
de l'espace chez l'enfant (passage de l'espace —
ou du temps — sensoriel à l'espace topologique
— ou au temps historique).
b) Quelles sont les techniques pédagogiques propres à ORGANISER ou à accélérer la conceptualisation de l'espace et du temps chez l'enfant (passage de l'espace topologique à l'espace géométrique — ou du temps vécu au temps conçu).
— Dans une optique psychologique
Recherches relatives aux âges de passage.
Vers quel âge l'enfant est-il capable d'appréhender
• l'espace topologique ?
• l'espace géométrique ?
• le temps vécu ?
• le temps conçu ?
Cette dernière recherche permettrait de répondre
par ailleurs à une question fréquemment posée :
jusqu'à quel degré d'abstraction peut-on mener
l'enfant dans le cadre de l'école élémentaire ?
Application aux activités d'éveil à orientation
scientifique
(Remarques de M. Host)
1) Les exercices diversifiés supposent une certaine maturité psycho-physiologique qui n'est pas
atteinte en général à l'entrée de l'école élémentaire.
Au C.P. la priorité doit être accordée à l'établissement du schéma corporel, à l'éducation du rythme, etc.. Chez certains élèves moyens ou prédisposés, les déficiences dans l'organisation du schéma
corporel, de l'espace sensorimoteur, du temps vécu
entraînent des troubles généraux de la croissance
intellectuelle. Au C.P. la composante intellectuelle
des activités d'éveil sera toujours subordonnée à
cet aspect global ; d'autant plus que l'aptitude à
distinguer les domaines subjectifs et objectifs et
à dépasser le stade du syncrétisme est très peu
développée.
2) Les exercices portant sur l'espace et le temps
ne doivent pas consister d'emblée en mesures et
utilisation de nombres. Le passage du repérage
subjectif au repérage objectif doit faire l'objet
d'exercices systématiques. Les relations d'ordre et
d'équivalence, les relations topologiques permettent de regrouper de nombreux exercices habituellement dispersés en mathématiques, sciences, géographie, dessin, en fonction des notions à étudier.
25
Il est très important que l'enfant jeune structure
systématiquement son univers en ordonnant ce qui
est avant ou après, en situant les objets par les
relations de voisinage ou d'enveloppement, en repérant les positions du soleil au cours de l'année,
e t c . : non seulement il accède à l'idée d'un temps
et d'un espace objectif, mais surtout il parvient à
un palier essentiel de la vie intellectuelle, saisir
et ordonner des relations pour faire de la vie mentale un ensemble unique et cohérent. Cet effort
doit se poursuivre au cours de la scolarité élémentaire : la vitesse ne doit pas apparaître d'abord
comme le quotient espace-temps. Dans combien
de classes établit-on de façon précise le repérage
de la verticale et de l'horizontale, ce qui suppose
que l'on détache la surface libre d'un liquide de
tous les repères constitués par les supports concrets
et que l'on aborde toutes les difficultés (liquides
en (mouvement, bords des récipients, surfaces très
petites, surface de la mer vue d'un satellite, vases
communiquants) ?
3) ¡Les exercices portant sur l'espace et le temps
mesurés pourraient être considérablement diversifiés. Pour éviter de donner par exemple une valeur quasi magique à l'heure de la pendule, il importe de mesurer le temps par les procédés les plus
différents (quantité d'eau écoulée, déplacement de
l'ombre) de façon à aboutir à un étalonnage objectif. De très nombreux phénomènes périodiques
(oscillations, vibrations) ainsi que les rythmes physiologiques (rythme cardiaque et ses variations,
rythme respiratoire) pourraient être comparés et
mesurés. Les observations astronomiques dont l'importance a été décisive dans l'histoire de la pensée
humaine sont trop négligées à l'école élémentaire.
3) à représenter l'espace (maquettes, croquis,
photos, cartes),
4) à analyser toutes les formes de représentation de l'espace (lecture de diapositives, de
cartes, de paysages, e t c . ) .
Mais en déterminant ce premier but, nous avons
sans cesse, en rythmique, en musique, en lecture,
en poésie, dans les contes et les récits, rencontré
le problème du temps, temps présent et restant,
temps vécu qui s'épaissit peu à peu, temps qui
interfère avec l'espace, temps vécu par l'enfant
et représenté par lui, temps vécu par d'autres. Le
deuxième but de notre programme est donc d'amener l'enfant :
1) à se situer dans le temps,
2) à situer les autres et les choses dans un
temps vécu,
3) à analyser et à représenter ce temps vécu,
4) à reconstruire le temps passé
— pour essayer de le comprendre,
— pour mieux comprendre le présent,
— pour se tourner vers l'avenir et envisager des perspectives d'avenir.
Mais l'espace et le temps ne sont pas le centre des
intérêts de l'enfant ou du moins s'ils le sont, c'est
toujours par l'intermédiaire d'un intérêt authentique.
E) Coordonner des compétences
autour des concepts d'espace,
temps, vie, causalité
Si l'on cherche à faire prendre conscience à un
jeune enfant du temps et de l'espace, il se réfère
instinctivement à sa vie et à la vie.
Le temps, c'est le temps qu'il faut à un haricot
pour pousser.
Il faut que le temps s'écoule pour avoir enfin
6 ans.
Le temps où grand-mère était un bébé est
loin.
On en vient donc à l'idée qu'il faut coordonner les
compétences des différents spécialistes autour de
deux centres vitaux pour la pensée de l'enfant :
la notion d'espace et celle de temps.
Si nous imposons à l'enfant une réflexion sur le
temps, il nous ramène au centre de son intérêt : la
vie : « Où j'étais avant d'être un petit bébé ? »... et
il formule sa question en terme d'espace.
Le premier but de notre action pédagogique consiste tout d'abord à demander à l'enfant de nous renseigner sur ce qu'il peut faire, et à l'amener
1) à se situer dans l'espace,
2) à situer les autres et les choses dans l'espace,
Le vivant naît, grandit, évolue, se reproduit,
vieillit, meurt ; ... voilà ce qui intéresse l'enfant.
L'étude de la vie et des vivants, dans l'espace et
dans le temps constitue, non pas une des structures
fondamentales de la pensée, mais un des intérêts
fondamentaux commun à tous les enfants.
26
Pour perpétuer la vie, tout être se nourrit, se repose, s'abrite, lutte contre les agresseurs, communique et certains êtres vivants, communiquent supérieurement, pensent, cherchent à comprendre.
C'est pourquoi, finalement, il nous semble possible
de définir pour les disciplines d'éveil un programme qui se résumerait en trois mots :
l'ESPACE
)
, „„ „
} qui fondent toute pensée
le TEMPS
j
la VIE qui est le centre de tous les intérêts.
LE CONCEPT DE CAUSE que nous avons également envisagé nous a semblé le plus difficile de
tous à aborder au C.P., non seulement parce qu'il
a des résonances métaphysiques et qu'il est difficile
à cerner, mais aussi parce que l'enfant du C.P. retombe instinctivement dans rartificialisme, le finalisme et dans des formes de causalité « magique ».
Les avis restent partagés sur cette question, pourtant l'accord s'est fait, sinon sur la notion de cause,
du moins sur les points suivants :
1) Il faut éviter les extrapolations hâtives et
hasardeuses.
2) Il faut éviter un emploi abusif du « parce
que » qui apparaît dans le vocabulaire du
C.P., mais n'a pas toujours un sens causal.
3) Il faut éviter de fournir le vocabulaire
avant que n'ait été réalisé le contact avec les
choses et la réalité. La relation causale doit
être vécue avant d'être exprimée.
4) On envisagera la causalité comme une RELATION.
Un travail plus précis reste à faire sur ce
sujet (qui tiendrait compte par exemple des
dernières recherches de Piaget sur la genèse
de l'idée de cause).
F) Premier point d'accord interdisciplinaire
Le texte ci-après, proposé par M. Host, mis au
point par Mmes Delchet et Marbeau et MM. Noël
et Satre, puis amendé au cours du stage du 28 octobre 1970, constitue un premier point d'accord interdisciplinaire et il a été le point de départ des réflexions de la commission C.P.
« Activités d'éveil au C.P. »
INTRODUCTION
Il ne s'agit pas de gagner 1 an pour l'initiation
scientifique, géographique ou historique mais d'apporter l'expérience des scientifiques, des psychologues, des spécialistes de l'éducation artistique,
physique et manuelle, des historiens, pour diversifier les exercices permettant de favoriser l'éveil
de l'enfant et permettre l'approche des disciplines
à partir de situations proches du jeu et grâce à
un certain style d'enseignement.
Le développement des activités d'éveil est appelé
à combler le fossé qui sépare l'école maternelle de
l'école primaire et prépare le passage dans le premier cycle.
I. — OBJECTIFS DES ACTIVITES D'EVEO.
AU C.P. ET PRINCIPES DIRECTEURS
RELATIFS A LEUR CHOIX
ET A LEUR CONTENU
Pour éviter la dégradation des exercices en recettes
pédagogiques et permettre leur intégration dans
une formation cohérente il faut définir leurs objectifs avec précision. La liste proposée est incomplète
(prédominance du point de vue du scientifique) et
comporte des affirmations qui ne sont pas vérifiées
par une expérimentation.
1) Favoriser le développement génétique d'un être
qu'il faut considérer comme un tout
a) Dépistage des déficiences sensorimotrices ; éducation sensorielle et motrice. La réussite de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture est parfois compromise par un manque de maturation motrice ou certaines déficiences sensorielles surtout
pour les élèves qui ne sortent pas de l'école maternelle. D'où l'importance des exercices suivants :
— dépistage des déficiences visuelles et auditives,
— dépistage des retards dans l'acquisition du
schéma corporel et la latéralisation,
— recherche de la précision du geste.
Ces exercices concernent l'ensemble des activités
et ne constituent pas un secteur clos étiqueté
« éducation physique » ; il s'agit d'une éducation
sensorimotrice.
b) Prise de conscience du vécu sensorimoteur en
vue de favoriser le développement de la pensée
symbolique :
27
— passage de la perception à la représentation
grâce à l'emploi du dessin et de la langue parlée,
— passage de la manipulation effective à
l'opération mentale conçue ou imaginée ; utiliser cet effort de prévision et d'imagination
pour développer le sens de la réversibilité
opératoire et la perspective de l'avenir, de la
promesse, de l'engagement.
c) Passage progressif de la vision syncrétique à
une étude analytique des objets, des faits de langage. L'apprentissage de la lecture implique le
passage à la pensée analytique et linéaire, la perception intuitive des systèmes et sous-systèmes
hiérarchisés de la langue. Or l'étude des objets
implique la même attitude : décomposition d'un
objet technique en sous-systèmes ou éléments qui
présentent entre eux certaines relations topologiques et fonctionnelles ; il y a isomorphisme entre
les démarches de l'intelligence pratique et de l'intelligence à support verbal. D'où intérêt des exercices qui mettent en évidence la structure d'un système matériel pour le traduire ensuite dans le système de la langue ou par d'autres systèmes de
symboles.
Les activités d'éveil sont d'abord des activités. Elles
doivent aussi permettre par analyse de structurer
le réel en sous-systèmes et en systèmes. Ces opérations sont facilitées par le recours à des représentations symboliques.
d) Développement de l'attitude objectivante grâce
à la régression de l'égocentrisme, de l'anthropomorphisme et de l'artificialisme de l'enfant ; au
lieu de plaquer la mentalité de l'adulte (maître et
média) il faut obtenir une participation active de
l'enfant dans la recherche de l'objectivité.
— La vie sociale conduit à substituer un repérage objectif au repérage subjectif ; elle conduit
à employer un outil suivant sa logique propre au
lieu de la réduire au prolongement instinctif de la
main.
— L'observation continue et précise des êtres vivants conduit à la définition des fonctions, ce qui
permet de distinguer le vivant du non vivant et
préparer l'enfant à se dissocier du vivant au lieu
de s'identifier à lui.
2) Constituer une source de motivation et un
champ d'application des deux disciplines de base
28
Mais les activités d'éveil ne sont pas le prétexte à
des acquisitions en français et en mathématiques,
elles ont leur réalité et leurs langages. Elles facilitent sans doute l'acquisition de certaines structures en raison du transfert d'attitudes mentales
empruntées aux disciplines de base et appliquées
à l'occasion de ces activités. En retour les disciplines de base en tireront profit. Il ne faut pas opposer activités d'éveil et disciplines dites fondamentales, elles contribuent ensemble à la formation de l'enfant en respectant ses rythmes de maturation et sa mentalité.
a) Langue maternelle
En français le mot ne peut être acquis qu'après
avoir été associé au support concret qu'il représente.
— Langue parlée. Exemple : relation entre les
pratiques opératoires et l'acquisition de vocabulaire
abstrait.
— Langue écrite. Les pratiques opératoires conduisent à une traduction graphique accompagnée d'un
texte très court.
b) Mathématiques. Les concepts mathématiques
sont bien assimilés lorsqu' « ils permettent d'associer à un même modèle une pluralité de situations
ou de relier plusieurs modèles à une même situation » : les activités d'éveil permettant d'éviter la
routine et la sclérose liées à un travail sur un matériel artificiel en situation scolaire. De plus l'emploi systématique des relations découvertes en mathématiques permet d'assurer l'unité et la cohérence de la vie mentale par exemple les relations
d'ordre et d'équivalence permettent l'organisation
systématique de l'espace et du temps.
3) Construction progressive de certains concepts
de base (concepts communs à plusieurs disciplines)
(voir ci-avant).
II. — RECHERCHE DE QUELQUES
TYPES D'EXERCICE
De quelles situations concrètes le maître peut-il
partir et comment doit-il les exploiter pour obtenir
des échanges effectifs à l'intérieur du groupe classe
en vue de favoriser la réalisation des objectifs définis ci-dessus ? La classification proposée est incomplète et ne constitue qu'un cadre destiné à
regrouper des propositions concrètes.
1) A l'occasion de jeux, passage de l'exercice sensorimoteur au concept en passant par le dessin et
les autres modes de représentation ; au cours de
ces exercices il importe de solliciter l'enfant pour
qu'il crée sa propre symbolique : exercices rythmiques, jeux de permutation, recherche d'un objet
inconnu ou caché dans la classe ou la cour, etc... :
ces exercices conduisant à la découverte des graphes, aux repérages dans divers systèmes de coordonnées, à la structuration d'une trame temporelle.
2) Exploitation du milieu et de l'événement
— passage du repérage subjectif au repérage objectif : reconstitution d'un trajet,
— passage à un système de repères universels :
observation des mouvements du soleil, du déplacement de l'ombre...,
— passage du temps vécu au temps objectif : situer les événements personnels de chaque enfant
(anniversaire, etc...) par rapport à l'ensemble de
la vie scolaire, au rythme des saisons, e t c . ,
— substitution de la mesure des distances, des
températures (d'abord simplement repérées par des
relations d'ordre) à l'évaluation purement subjective.
3) Exploitation de l'imaginaire
Nécessité d'amener progressivement l'enfant à distinguer l'expression personnelle débouchant sur la
création artistique ou le texte libre et la communication objective impliquant la connaissance d'un
code et d'un système de symboles. Il importe de
ne pas éliminer l'imaginaire de la formation intellectuelle pour ne pas stériliser les aptitudes créatrices.
Les belles histoires (racontées ou vues en images)
ne peuvent-elles pas conduire à une appréhension
du temps historique ?
4) Exploitation de l'intérêt de l'enfant pour son
propre corps et pour les êtres vivants (importances des observations continues).
— prise de conscience du temps objectif : temps
irréversible (croissance repérée ou mesurée) et
phénomènes périodiques (cycles biologiques, rythme cardiaque, respiratoire),
— définition et analyse des fonctions biologiques ;
élimination de la référence subjective.
5) Exercices motivés par des intérêts techniques :
réalisation de projets ou simulation (constructions
par classe ou dans la cour, manipulation d'objets
techniques ou de jouets apportés par les élèves,
etc...) ;
— le tâtonnement expérimental favorise la découverte de la réversibilité opératoire (conservation
de la masse, etc..) et développe l'imagination créatrice ;
— la manipulation des objets permet de dissocier les objets et leurs propriétés ; ces exercices ne
doivent pas être utilisés uniquement dans une perspective mathématique, ils débouchent sur des définitions (dur, dense, dissoudre, masse) et permettent d'établir des relations causales ;
— la précision du geste, son adaptation intelligente
permettent de valoriser l'intelligence pratique et
peut-être de favoriser chez certains élèves le passage à l'intelligence conceptuelle.
II. LES FINALITES
A) Finalités proprement pédagogiques
« Etablir clairement le but à atteindre est le moyen
d'éviter les redoutables dangers et les séductions
faciles de cette pédagogie anarchisante et désordonnée dont l'Ecole nouvelle a trop souvent donné
le spectacle... Le pédagogue, qui sous le prétexte
séduisant de profiter d'un intérêt momentané, introduit dans son enseignement l'incohérence ou la
fantaisie n'a rien compris aux méthodes nouvelles...
Un intérêt fortuit ne peut être exploité méthodologiquement que dans la mesure où il est possible de
l'insérer dans la ligne générale d'une activité et
d'un effort dont la direction doit toujours être
présente à l'esprit ».
A. Clausse, p. 107.
« Philosophie de l'étude du milieu ».
B) Finalités sociales
et philosophiques
La Commission de Rénovation de la Pédagogie
pour le Premier Degré affirmait en s'adressant aux
maîtres :
« Il paraîtra cependant utile d'attirer leur attention
sur les finalités de cet enseignement. L'initiation à
l'étude des faits humains doit profiter de toutes les
29
motivations offertes par l'enfant lui-même pour
le porter à la rencontre de la société et de l'homme,
des hommes saisis en sympathie et compréhension
dans des situations concrètes de vie ou de travail.
Elle doit permettre également de donner à l'enfant
le sens du temps et la possibilité de situer les faits
de civilisation dans une perspective historique ».
Il faut donc chercher à guider l'action pédagogique par une série d'objectifs qui respectent l'enfant, mais qui n'en sont pas moins des objectifs
précis.
C) Propositions pour une définition
plus précise des fins
Les buts que nous cherchons à définir ci-après
s'appliquent tout spécialement à cette pédagogie
qui conçoit l'éducation comme un éveil, mais ils ne
se limitent pas au cours préparatoire, parce que
nous ne pouvons pas commencer par définir nos
buts au C.P. sans savoir où nous voulons aller
après. S'il existe au C.P. des buts à atteindre ils
ne doivent pas contredire les buts plus lointains
que nous nous sommes fixés.
Toute idée d'éducation, et spécialement à l'école
élémentaire, implique que des êtres adultes
« conduisent » (ducere) des êtres jeunes. Comment
doivent-ils les conduire et où doivent-ils les
conduire ?
Les moyens dépendent des fins ; la première question à poser est donc de savoir quelles sont ces
fins, conscientes ou inconscientes poursuivies par
l'éducateur au moment où il exerce son action sur
l'enfant. Seule une étude psycho-sociologique
pourrait déterminer les fins poursuivies par tel
éducateur ou tel groupe.
Nous nous contenterons aujourd'hui de définir les
fins que nous poursuivons comme des projets, basés sur une analyse plus philosophique que scientifique.
1) NOUS ECARTONS D'ABORD LA POSSIBILITE QU'AURAIT L'EDUCATEUR DE RENONCER
A TOUT BUT (dans la perspective d'une non directivité totale). Sans doute fait-il alors confiance à
une nature enfantine qui détiendrait en elle ses
fins comme le germe de blé détient la moisson.
Mais si on laisse le blé pousser naturellement,
c'est-à-dire au hasard, quelques graines germent
et des milliers se perdent. Le cultivateur se donne
30
justement pour but de faire germer toutes les graines. L'idée d'une culture démocratique a plus d'un
rapport avec l'image ci-dessus. Nous ne voulons
pas remplacer les privilèges sociaux par le hasard ;
pour concevoir une démocratisation de l'enseignement, il faut aider plus ceux qui ont le plus besoin
d'être aidés. De plus, la destinée d'un enfant n'est
pas réductible à la réalisation d'une nature. L'enfant ne se réalise pleinement que par l'influence
de tous les autres hommes. « L'homme n'est rien
sans l'œuvre de l'homme ». Toute éducation est
nécessairement sociale, or la société préexiste à
l'enfant.
Nous considérons que toute forme d'abandon de
l'enfant à lui-même est une capitulation de l'adulte
et une condamnation à la médiocrité pour la presque totalité des enfants.
Par contre, nous concevons fort bien que l'éducateur puisse s'effacer progressivement à mesure
que l'enfant construit sa personnalité. Adulte, il
s'est libéré de l'emprise du père et il n'a plus de
maître. Mais dans la famille, le jeune enfant a
besoin d'un père et à l'école élémentaire il doit
trouver des maîtres capables de prendre leurs responsabilités et capables d'exercer avec clairvoyance
(c'est-à-dire avec une claire conscience des fins
qu'ils poursuivent) l'action éducative dont a besoin le jeune enfant pour se réaliser.
2) NOUS DEVONS DONC TENTER DE DEFINIR
LES FINS QUE NOUS NOUS PROPOSONS
D'ATTEINDRE.
a) D'abord, nous refusons d'enfermer l'enfant dans
les limites du donné. La nature, la société constituée, les habitudes, les systèmes d'habitudes sont
des données, nous refusons de les prendre pour
fins. Le but ne peut pas être de perpétuer ce qui
est, on ne peut pas concevoir une éducation qui
refuserait le progrès ou bien elle n'est que dressage,
conditionnement ou « initiation ». Le but est de
créer ce qui n'est pas encore.
b) Nous refusons d'écarteler l'enfant entre différentes disciplines, nous pensons que les disciplines
sont au service de l'éveil de l'enfant, car c'est l'enfant qui est la valeur à défendre et non les disciplines. Cet être a une unité. Il s'agit de former un
être total, non pas un corps, non pas une âme, non
pas un esprit, mais un être en croissance qui vaut
à chacun des stades de son développement.
c) Mais arrivé au terme de ce développement, il
sera l'adulte de demain, c'est-à-dire qu' « il est
aujourd'hui porteur naturel de tous les espoirs
d'une société nouvelle ».
Le but ne peut pas être de le conduire ¡à un refus
systématique de la société et de tout ce qui est social, car tout est social, à commencer par son éducation.
Le fout ne peut pas être non plus d'en faire un
« enfant bien adapté » à la société d'aujourd'hui,
ce ne serait plus l'éduquer, mais le conditionner
pour le mettre au service de la société et du ¡même
coup ce serait figer la société en son état actuel.
Une meilleure connaissance des mécanismes qui
permettent d'intégrer l'enfant à un groupe social
peut aussi permettre d'utiliser l'école pour mieux
contenir l'enfant dans les limites d'un groupe social qui défend ses structures et ses privilèges. (De
la même façon la sémiologie peut être mise au
service de la propagande et les tests psychologiques au service de la sélection sociale). Il faut donc
prendre pour but de rendre cet enfant, devenu
homme, capable de participer à la mutation sociale qu'implique le progrès. L'humanité évolue
par création continue, aussi est-ce la CREATIVITE qu'il faut développer chez l'enfant.
d) Il ne s'agit donc plus de lui inculquer la somme
des connaissances qui éclairaient l'action de la génération qui l'a précédé. Le but n'est plus d'apprendre des connaissances, mais d'amener l'enfant
à construire ses connaissances en partant de ses
besoins et de ses intérêts, ainsi il se construira une
méthode. Et la méthode l'emporte sur les connaissances. C'est elle qui permet une analyse lucide
du vécu et spécialement du social. Si l'on comprend
l'adaptation comme un double processus d'assimilation et d'accommodation, il faut d'une part chercher à comprendre les déterminismes, les pressions, les influences exercées par la nature, par le
milieu, par les groupes sociaux. Et si le progrès
implique la remise en question de valeurs que
chaque société veut éternelles, il faut que la contestation de ces valeurs repose sur une analyse lucide des pressions sociales. La contestation est source de progrès si elle est clairvoyante et constructive.
Mais d'autre part l'adaptation implique une transformation du milieu par le sujet qui en a une
connaissance. Mais peut-il espérer le transformer
seul ? Si l'on s'en tient à comprendre les détermi-
nismes qui pèsent sur l'individu, l'éducation peut
apparaître comme un éveil de l'enfant à lui-mênie,
mais il n'est pas possible qu'il agisse comme un
être solitaire, comme une pure individualité. Il
trouvera son dynamisme dans la possibilité de se
faire comprendre des autres et dans celle de les
comprendre. Cette possibilité de communiquer avec
les autres le conduira à créer avec eux des solutions
permettant leur intervention sur le milieu. La richesse est certes ce que chacun apporte au groupe,
mais c'est aussi et surtout la richesse de ce que
tout le groupe apporte à chacun. Le but est d'apprendre à l'enfant à ne pas se refermer sur luimême. Il faut qu'il sache parler, il faut qu'il sache
écouter et son dynamisme dépend non seulement
de la relation maîtres-élèves, mais aussi et surtout
de la communication qui s'établit entre les élèves
et entre le groupe qu'ils forment et d'autres groupes. Le but de notre action est de transformer la
relation pédagogique et d'amener l'élève à vivre, à
communiquer et à agir au sein du groupe, le maître
s'effaçant chaque fois que cela est possible. Ainsi,
au lieu de subir le groupe, il participera comme
co-responsable, conscient de sa responsabilité, et
c'est dans le groupe qu'il construira sa liberté qui
est à la fois liberté d'esprit comme connaissance
et liberté d'engagement dans l'action.
« La libération de l'esprit n'est plus seulement à
chercher dans l'accès à l'esprit scientifique, fait
d'habitudes, de réflexions théoriques et d'objectivité, mais dans la maîtrise de l'information véhiculée par les mass-média, dans la domination activement vécue des instruments audio-visuels de
l'information. Elle est à chercher également dans
l'habitude de la discussion et de la concertation,
exigence déjà présente dans la recherche d'une
positivité de l'esprit, mais devenue plus impérieuse
encore par la division extrême du travail et les
niveaux extraordinairement distants des capacités.
La curiosité et l'étude désintéressée peuvent devenir l'objet d'un investissement culturel pour l'équilibre des personnes. En bref, à l'homme individuel,
intellectuellement
libre que recherchait la pédagogie positiviste et libérale, doit se substituer
l'idéal d'un homme socialement et affectivement
libre, capable de survivre à l'emprise d'un environnement de plus en plus complexe et oppressant,
et capable de le dominer. Or cet objectif relève
plus de l'action que de la contemplation ».
L. Legrand (Stage mai 70).
31
A) Deux axes de travail
La vie elle-même est saisie comme un ensemble de
relations entre des organes, entre des vivants, et
entre des vivants et des éléments du milieu.
— Premier axe : le milieu
Ces deux axes se complètent et s'appellent l'un
l'autre et semblent être en relation dialectique.
III. OUVERTURE SUR LE MILIEU
Nous pensons que le terme d' « éveil » est lié aux
notions psychologiques d'intérêt et de curiosité.
L'enfant s'éveille peu à peu au monde ; il s'efforce
de comprendre son environnement, d'abord globalement, ensuite de façon de plus en plus analytique,
puis de sous-systèmes en systèmes plus complexes
il arrivera aux structures d'une pensée adulte.
Cette curiosité spontanée de l'enfant, cet éveil permanent au monde sont le point de départ méthodologique de l'étude du milieu qui va permettre à
l'enfant :
1) D'utiliser le milieu comme révélateur : au
contact avec tout ce qui l'entoure, il privilégie certains éléments qui correspondent à ses intérêts et
découvrant le milieu il nous montre qui il est et il
se découvre lui-même.
2) D'acquérir une méthode de connaissance basée
sur une observation active définie par L. Legrand
au stage de mai 70.
« L'observation n'a de sens que par rapport à l'audelà du fait observé, soit qu'elle conduise à l'étonnement, c'est-à-dire à l'impossibilité d'intégrer le
fait dans une structure mentale et à la recherche
d'une nouvelle structuration hypothétique,
soit
qu'elle intervienne comme élément de vérification
d'une hypothèse »... C'est parce que l'enfant découvre une explication que son observation devient
active.
Enfin, l'étude du milieu doit permettre à l'enfant
d'avoir prise sur le milieu social dans lequel il devra vivre et qui le détermine inconsciemment.
Cette approche conduit tôt ou tard à l'étude das
hommes vivant en société et qu'il faut situer dans
des systèmes d'inter-relations.
« Le monde de demain viendra dans la mesure où
nous aurons appris à nos enfants à connaître et
donc à dominer leur milieu pour rester les artisans de son évolution au lieu d'en être les victimes ». A. Clausse.
— Notre deuxième axe de travail concerne une
approche génétique des concepts d'espace et de
temps et de toutes les formes de relation.
32
B) Exercices préscientifiques
et étude du milieu
(texte rédigé par M™ Best, Directrice de l'E.N.F.
de Caen).
Les exercices préscientifiques de structuration nous
paraissent devoir prendre une place importante
tout au long de la scolarité de l'enfant et plus
particulièrement à l'école maternelle, au C.P. et
au C E . 1.
Il conviendra en même temps d'appréhender plus
systématiquement le milieu local. L'aspect méthodologique devrait être prioritaire, l'étude de ce
milieu étant un banc d'essai pour la réflexion, un
tremplin qui doit permettre ultérieurement la
bonne réception d'un enseignement.
Il s'agit tout d'abord d'apprendre à voir le milieu
quotidien, de susciter l'étonnement et d'aider l'enfant à se rendre maître de cet espace.
Ce milieu est le premier fournisseur de vocabulaire
de base. Mais il ne saurait être question de faire
apprendre à l'enfant un vocabulaire géographique,
historique ou scientifique. Posséder le mot avant
de connaître la réalité, c'est être condamné au
verbalisme.
Par contre, si l'on exige que l'enfant formule avec
précision les observations faites, on le conduira
non seulement à utiliser les possibilités que lui
donnent les mathématiques pour faire des tableaux,
des graphiques, mais également les possibilités de
la langue française. Et c'est en parlant la langue
courante correcte qu'il sentira la nécessité d'employer, pour se faire comprendre, un vocabulaire
de plus en plus précis, de plus en plus spécialisé et
adapté aux situations.
Le milieu local permet d'appréhender la réalité
dans sa complexité, l'étude des rapports et des
relations devant être privilégiée. Les éléments de
ce milieu doivent être représentés afin de permettre le passage de la réalité à sa représentation.
Il est difficile de penser des exercices en séparant
espace, temps et vie ; il faut au contraire envisager
les trois concepts à la fois dans leurs relations et
dans leurs relations vécues comme relations. Par
exemple le déplacement des enfants vers un endroit
ou un être vivant qui les intéresse est une occasion
de construire l'espace en partant du vécu et une
activité qui permet d'appréhender à la fois l'espace et le temps dans leurs relations avec la vie.
L'étude des lieux, des paysages, des climats, des
conditions de vie de l'homme, en relation avec son
milieu (comment il se nourrit, comment il s'habille,
comment il se loge, comment il vit en famille,
comment il se divertit, comment il travaille, comment il se défend, comment il crée), ainsi que
l'étude des conditions de vie des plantes, des animaux, dans les différentes régions et aux différentes époques, s'orienteront progressivement vers
une découverte par l'enfant de la géographie physique, de la géographie humaine, de l'économie, des
sciences de la nature, de l'histoire, de l'histoire de
l'art, de la littérature...
lieu, proche puis lointain, la domination, par l'action et la transformation du donné de ce milieu.
Dans cette acceptation très large de l'étude du milieu, cette dernière devient pièce maîtresse de
l'éducation, une véritable finalité (sinon la finalité)
de l'action pédagogique, puisqu'elle va permettre
au futur adulte, et déjà à l'enfant, d'avoir prise
sur son milieu, de ne pas lui rester soumis.
A la longue, la connaissance réelle, celle que l'on
a forgée soi-même, avec l'aide de l'éducation reçue,
est domination du milieu. Rien n'aliène davantage
que l'ignorance des relations existant entre les
hommes et leur « cadre de vie », que la méconnaissance des relations structurant ce milieu (il s'agit
ici aussi bien des relations sociales qu'écologiques,
historiques, géographiques). La connaissance, qui
s'édifie par l'activité intellectuelle, sensorielle, motrice de l'enfant, est nécessaire à l'action qu'il entreprendra, devenu adulte, pour transformer le
monde où il vit.
A une étape ultérieure, au CM. 1 ou au C. M. 2,
l'étude du milieu local devra être approfondie et
élargie.
En définitive, l'étude du milieu (prélude à la
connaissance et à l'action sur le monde) apparaît
à l'éducateur comme une fin autant que comme
une méthode d'acquisition du savoir.
Approfondie : La représentation du milieu devient
plus rigoureuse. Celle-ci sera comparée à la représentation qu'en ont donnée les spécialistes. Aussi
il faudra souligner la relativité des faits observés,
la complexité du milieu, la multiplicité des relations des éléments du milieu et leur interaction.
« Adaptabilité, esprit critique, participation active
de l'individu à sa propre destinée,
contribution
personnelle à la promotion humaine qui entraîne
la société des hommes dans un vaste mouvement
irréversible », telles sont les aptitudes que peut offrir à l'enfant l'étude active du milieu où il vit. On
comprend dès lors que cette étude soit à la fois une
fin et une méthode d'éducation. La citation est
d'Arnould Clausse, dont on lira avec profit la
« Philosophie de l'étude du milieu » (Ed. du Scarabée) ».
Elargie : Par exemple en passant de l'étude du
quartier à celle de la ville, ou à partir de l'étude
du marché, le maître peut apporter d'autres éclairages : un grand centre commercial, un marché
d'Afrique du Nord. Pour cela, les moyens audiovisuels fournissent une aide précieuse. Ils invitent
l'enfant à la démarche inverse à celle utilisée jusqu'alors. Il peut maintenant appréhender la réalité par l'intermédiaire des documents.
L'éducateur pratiquant les activités d'éveil pourra
se donner pour fin l'éveil de l'enfant au monde qui
l'entoure, c'est-à-dire la prise de conscience de
plus en plus lucide de son environnement, la
connaissance progressivement construite de son mi-
C) Rôle de l'étude du milieu
(La totalité des exercices prévus dans les plans de
travail doit s'effectuer à partir du vécu et dans le
milieu familier à l'enfant qui est partie intégrante
du milieu local).
33
L'enfant
VIT DANS LE MILIEU
i
Activités physiques
»
sensorielles
»
psychomotrices
Découvre le milieu
dans lequel il vit
Expression
»
»
»
»
corporelle
orale
manuelle
graphique
écrite
Par l'activité libre
et l'observation active
Tâtonnement
Tâtonnement avec stratégie d'action
l
Expérimentation
Jeux
L'ENFANT
parmi les autres
Influence sociale
nécessaire socialisation
rôle du maître
(centre de nos préoccupations)
Agit
. Pense
.S'exprime en traduisant en
code ce qu'il a vécu, et apprend à décoder pour retrouver le vécu.
Découvre les milieux auxquels
il n'a pas accès
1
par les documents
D) Milieu et découverte de relations
Il faut insister sur le fait que le milieu n'est ni
l'extraordinaire, ni le sensationnel, ni ce qui permet d'illustrer une leçon. Tout est milieu dès que
des êtres y vivent ! Ce qui est intéressant ce n'est
pas la description des lieux mais l'étude des relations entre les êtres et le milieu dans lequel ils
vivent.
34
lecture
*»
»
»
»
de documents
d'images
de textes
de graphiques
de cartes
etc..
Les êtres vivants ne sont pas ces animaux empaillés
qu'on voit dans les musées — et qu'il faudrait décrire —. La vie se manifeste par des actions et
des relations. L'être vivant s'explique par les relations des organes entre eux qui conduisent à
l'idée de fonction, et par les relations de l'être avec
leur milieu qu'étudie l'écologie.
La commission de rénovation pédagogique était arrivée aux mêmes conclusions :
« L'initiation à l'étude des faits naturels doit
conduire l'élève non seulement au sens de l'objectivité mais encore et surtout, dans la mesure du
possible, à l'idée d'ordre, de causalité, de lois quantifiées en permettant le dépassement de l'artificialisme et du syncrétisme spontanés. C'est pourquoi
dans l'étude des faits naturels, les sujets tirés des
intérêts spontanés et de l'actualité devraient être
étudiés de telle sorte qu'on dépasse toujours la description superficielle ou purement verbale pour
chercher à atteindre la précision du croquis, de la
mesure ou la mise en relation ».
La répétition des mêmes types de relation à différents moments conduit à la notion de cycles. La
connaissance des « horloges vivantes » est aussi
un moyen d'appréhender le temps pour l'enfant du
C.P.
Beaucoup d'exercices conduisent soit à l'écologie,
soit à l'écologie humaine qui prendra quelquefois
forme de géographie humaine, quelquefois d'économie et quelquefois d'histoire si on ajoute la dimension temporelle.
pour établir des comparaisons avec d'autres milieux en d'autres lieux et en d'autres temps.
Mais cette opération implique que l'enfant distingue le réel et l'imaginaire, sinon on entre dans le
domaine de la pure fantaisie. Or l'enfant du cours
préparatoire ne fait pas toujours cette distinction.
La compréhension du milieu implique aussi que
l'enfant soit capable de lire un document, une diapositive ainsi que toutes les autres formes de messages : textes réalisés par d'autres, tableaux, émissions de télévision, films, montages...
F) Milieu naturel et milieu humain
Cette étude du milieu n'appelle pas une distinction
entre milieu naturel et imilieu humain ; il n'y a
pour ainsi dire plus de milieu naturel.
On ne peut pas se contenter de nommer les objets
et de les décrire, mais on peut y voir un système de
relations.
« L'environnement de nos écoliers est de plus en
plus technique et de moins en moins « naturel ».
C'est l'univers technique, comme le remarquait déjà Wallon, qui est le milieu naturel de l'enfant et
la Nature est de plus en plus pour lui un ¡monde
lointain de l'évasion, du dépaysement, pour ne pas
dire du mythe ; c'est curieux d'ailleurs de constater
que la civilisation technicienne réinvente la nature
comme objet d'évasion romantique ou lieu privilégié d'un paradis perdu. Mais par là même, il paraît
indispensable de donner à l'univers
technique,
conçu de façon la plus large comme univers humanisé, la place importante qui lui revient dans
nos programmes d'étude. Les sciences naturelles
doivent céder le pas à la technologie ainsi comprise ; l'étude du milieu naturel se confond avec celle
du milieu humain. La science est dans les œuvres
de l'homme et non plus seulement dans la réflexion
sur la nature » (L. Legrand).
On peut trouver des lois de constitution interne
dans tout objet, on peut énumérer des fonctions et
entre ces fonctions exprimer des lois d'action
(exemple : une fonction de translation nécessite
une fonction de guidage).
IV. REFLEXIONS SUR LA METHODE
Une vieille maison est intéressante, non seulement
par son architecture, ou son ornementation mais
surtout parce que des gens y vivent ou y ont vécu,
et qu'elle a été construite en fonction de désirs, de
besoins et de traditions. En retour l'aménagement
détermine dans une certaine mesure leur manière
de vivre. Si l'être agit sur le milieu, le milieu agit
aussi sur l'être.
Une cuisine n'est pas un ensemble d'objets juxtaposés mais ces objets sont en relation avec des
convives, un cuisinier, des fournisseurs, etc.. Elle
est un système d'inter-relations et de fonctions.
IL S'AGIT D'UN BILAN PROVISOIRE
E) Sortir du milieu proche
On voit aussi que comprendre le milieu c'est toujours à quelque moment s'évader du milieu proche
Nous ne perdons pas de vue que les disciplines ont
évolué et il faut prendre conscience de ces changements profonds.
35
— Non pas en cherchant à savoir la masse des
connaissances nouvelles apportées par toutes les
sciences. Un nouveau Pic de la Mirándole ayant
accumulé tout le savoir du monde n'est pas imaginable, d'ailleurs à quoi servirait-il ; les ordinateurs feraient mieux dans ce domaine.
— Mais il sera nécessaire de connaître, pour chaque science sa méthode de recherche et de découverte et c'est pourquoi la recherche pédagogique
reste structurée en fonction d'un groupement disciplinaire.
— Il conviendrait également, pour répondre aux
exigences d'une épistémologie interdisciplinaire de
se livrer à une théorie générale des structures.
Nos ambitions présentes sont plus modestes et nous
ferons simplement une sorte de bilan provisoire
de réflexions communes faites en cherchant à
réaliser, dans des classes: de C.P. des activités respectant les fins que nous avons précisées.
tous les résultats obtenus. Le psychologue et le spécialiste interviendront au moment de faire l'analyse des résultats obtenus.
Ces analyses pourraient porter sur des conversations enregistrées au magnétophone, des comportements enregistrés au magnétoscope ou plus simplement des dessins libres sur thèmes choisis en
fonction des activités prévues :
Dessine un bonhomme.
Dessine ta classe.
Dessine-toi et toute ta famille.
Dessine les deux camarades que tu préfères.
Dessine la cour de récréation.
Dessine le chemin que tu suis pour venir à
l'école.
Dessine une voiture qui va à toute vitesse.
Dessine une plante qui pousse (l'enfant explicite toujours ses dessins par un commentaire
oral).
« Tu te dessines : Avant l'école, pendant
après l'école » sur une même feuille.
A) Chercher à savoir
ce que l'enfant peut faire
IL FAUT D'ABORD CHERCHER A SAVOIR CE
QUE L'ENFANT PEUT FAIRE, non pas ce que
peut faire un enfant ou tel enfant, mais chacun des
enfants de la classe dans laquelle nous travaillons.
Il faut donc commencer par OBSERVER. Il ne
s'agit pas d'entreprendre une recherche de psychologie, mais de pratiquer cet art de l'observation
qui permet grâce à l'intuition, à la compétence, au
respect de l'enfant, de déterminer par tous les
moyens appropriés, où en est l'enfant au moment
où nous nous proposons d'intervenir.
Il faut avoir recours à une psychologie « militante », différente de la psychologie théorique,
mais aussi indispensable qu'elle. Il ne s'agit pas de
faire une étude générale, mais d'analyser objectivement les résultats des actions de nos élèves, dans
tel C.P. et à tel moment, et c'est cette analyse qui
doit guider notre action pédagogique dans ce C.P.
Ces observations sont conduites de façon plus ou
moins précise selon les possibilités de chaque maître. Il importe de conserver, de dater et de classer
36
l'école,
idem avec : « Hier soir, cette nuit, ce matin ».
Tu dessines : « Toi, tes parents et tes
parents ».
grands-
Chaque équipe de recherche peut s'ingénier à trouver avant chaque action pédagogique des « exercices d'essai » qui montrent ce que l'enfant peut
faire seul avant l'intervention de l'adulte.
Il n'est pas impossible d'avoir recours à des tests.
A titre d'exemple, nous indiquons quelques-uns
de ceux que nous avons utilisés, tous choisis dans
« Manuel pour l'examen psychologique de l'enfant », tome I. R. Zazzo : Delachaux.
1) Kohs-Goldstein, p. 263.
2) Droite gauche. Piaget, p. 50.
3) Genèse et formule de la latéralité. GalifretGrandjon, p. 18.
4) Epreuve graphique d'organisation perceptive pour enfants de 6 à 14 ans, p. 292 à 402.
5) Tests de possibilité motrice, p. 178-217.
6) Le style moteur, p. 218.
7) Trois épreuves de rythmes, p. 245.
Certaines observations peuvent être conduites de,
la maternelle au C M . 2.
Exemple (E.N.F. Caen). Nous cherchions à savoir
comment les enfants avec lesquels nous travaillions
représentent l'espace dans lequel ils se déplacent
journellement.
Alors que ces enfants avaient déjà vécu trois mois
dans leurs classes, nous avons demandé à deux maternelles, deux C.P. et deux CM., de réaliser l'exercice : « tu dessines ta classe » (sur une feuille
blanche 21 x 27).
Les dessins obtenus ont été observés, discutés,
comptés, classés en fonction des éléments typiques,
représentatifs d'une solution choisie par les enfants.
Pour une classe, tous les dessins ont été transformés en diapositives, ce qui permit aux enfants,
grâce à une projection, de confronter des opinions, de comparer leurs interprétations, d'inventer des solutions meilleures. Cet exercice fit voir les
problèmes que posait pour eux ce changement de
représentation de leurs propres dessins. Il n'est
pas utile de rendre compte ici de la multiplicité
des enseignements que nous avons tirée de ce travail. Jetons simplement un coup d'œil sur les résultats d'ensemble.
Le même exercice, réalisé par nos collègues de
l'E.N.G. en 1970-71 a donné, sur une autre population scolaire et en suivant d'autres critères de
dépouillement, des résultats très voisins (cf. tableau ci-après).
Il faut créer les conditions, provoquer leurs productions, leurs créations, leurs expériences, il faut
les mettre dans des conditions de recherche et
voir à quelles solutions ils aboutissent. Il faut donc
que ces solutions soient leurs solutions. IL NE
FAUT JAMAIS SE SUBSTITUER A EUX, il ne
faut jamais leur apporter des synthèses ou des
systèmes qu'ils ne sont pas capables de produire.
Sinon, nous aurons l'impression qu'ils savent, ils
répéteront ce que nous leur aurons appris ; mais en
les forçant à répéter nos explications nous ne leur
permettrons pas de construire progressivement
les leurs.
Il y a des étapes à respecter et l'âge importe moins
que l'ordre dans les étapes.
Une telle attitude pédagogique implique que le
maître sache prendre le temps qu'il faut. Le but
est de faire fonctionner le corps et l'esprit de
chaque enfant et cela suppose qu'ils aient le temps
d'essayer et de tâtonner. Mais pour ne pas laisser
dégénérer l'activité il faudra parfois épauler l'enfant. Le maître pourra l'amener à « inventer une
stratégie » qui limite le nombre des tâtonnements,
stratégie qui pour l'adulte se situe au niveau théorique de l'intelligence abstraite mais qui, pour
l'enfant peut prendre forme « d'essais méthodiques » se situant au niveau de l'intelligence pratique.
B) Rôle du maître
L'essentiel est de ne pas oublier que l'enfant n'apprend pas à inarcher en regardant les autres marcher pas plus qu'il n'apprendra le piano en se
contentant d'écouter ou de regarder les autres
jouer. Il doit agir et penser lui-même.
Il ne s'agit pas d'abandonner les enfants à ce
qu'ils sont, il ne s'agit pas non plus de leur apprendre de façon dogmatique ce que nous pensons devoir leur apprendre ; il s'agit de chercher avec
eux toutes les solutions qu'ils sont capables de
proposer pour résoudre tel ou tel problème.
Ce que nous devons rechercher, ce n'est donc pas
un programme (une somme de connaissances indispensables à la pratique de telle ou telle discipline) mais c'est un cheminement qui permette à
l'enfant de s'éveiller à la connaissance par l'activité, par l'expérience sans cesse recommencée, mais
jouée chaque fois sur un registre différent.
Mais nous savons bien que les enfants ne vont pas
faire tout de suite tout ce qu'ils peuvent faire.
C'est en expérimentant avec eux que nous allons
connaître leurs possibilités. Il faut les inciter à
faire ce qu'ils n'avaient pas fait d'abord, il faut
les obliger à chercher toutes les solutions qu'ils
n'avaient pas trouvées dès le premier instant. Il ne
faut pas attendre qu'ils trouvent tout sans aucune aide.
L'enfant se fait très tôt des règles implicites pour
utiliser et conjuguer les verbes que lui fournit le
contexte social, et il avance progressivement dans
une langue en se construisant des « grammaires >
de plus en plus complexes, de même, les structures
qui lui permettent de s'orienter dans l'espace et
de se repérer dans le temps se construisent comme
des systèmes de plus en plus complexes. Tous les
systèmes utilisés par l'adulte dans les disciplines,
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Pour 291 enfants
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CE 2
Classe = maison = contenant
CM1
CM 2
Y////////MVue plongeante
Des éléments à la verticale
Classe dans une maison
Solution « plan »
*• 4. J- +• J.*•
4. i- 4- 4- * .
1
Prédominance d'éléments
vus de profil
?
? ? ?
Indéterminé et confus
aussi bien en linguistique qu'en musique, qu'en
sciences, sont d'une extrême complexité mais l'enfant n'a pas besoin d'être linguiste pour parler, ni
compositeur pour chanter.
gique est encore de tppe purement dogmatique.
L'extension de la rénovation en mathématiques
comme en français pourrait bien dépendre, elle
aussi, du même postulat.
Tout se construit à partir d'un petit nombre de
règles très simples et le système utilisé se complique en se développant, pour arriver par des systèmes de plus en plus complexes au niveau des
disciplines. Mais si l'on veut faire apprendre à un
enfant d'un âge donné certains types d'énoncés
qui valent pour un autre âge ou pour l'adulte, iJ
peut sans doute reproduire d'une certaine façon
ce qu'on lui a appris (un croquis, un plan, une loi)
mais comme il n'a pas été capable de le produire,
il ne sait pas le réutiliser et il fait comme ces enfants qui dessinent « le plan de la classe que leur
a appris le maître ». Le jour où nous demandons :
« dessine ta classe », après un changement de disposition des tables et d'une partie du mobilier,
ceux qui dessinent « le plan appris en classe » ne
tiennent pas compte du changement, ceux qui dessinent avec leur propre méthode en tiennent
compte..
Bien entendu, dans certains cas, ce changement
n'est plus à faire, mais disons nettement que les
activités d'éveil n'ont de sens qu'avec ce changement de style pédagogique.
Pour apprendre, on ne peut pas se contenter de
systèmes répétitifs, le but n'est pas de redire, mais
de produire, de créer, d'inventer.
D'où le rôle primordial que doit jouer la créativité.
Mais de même que l'apprentissage de la langue
exige un contact avec la langue, la « construction
du réel » exige un contact avec les objets et avec
les êtres. Les opérations exécutées réellement puis
assumées mentalement constituent une démarche
caractéristique de la pensée scientifique.
Le rôle du maître est encore d'aider l'enfant de
C.P. (qui définit le réel par rapport à lui), à se
« décentrer ». Il doit passer de l'égocentrisme à
cette idée que les autres existent, qu'ils ont aussi
un point de vue sur les choses qui peut être différent du sien et la différence des points de vue appelle la recherche de l'objectivité. Au C.P., même
Si la concertation est difficile et la constitution des
groupes délicate, le maître devra « viser à une
prise de conscience de l'interdépendance des membres du groupe ».
On voit que la méthode dépend avant tout du rapport maître-élèves et du rapport des élèves entre
eux. Rien ne sera possible, rien ne sera fait, rien
ne sera rénové si nous ne changeons pas d'abord
le rapport maître-élèves là où la relation pédago40
C) Schéma d'action pédagogique
Le maître étant considéré comme animateur de
l'activité des élèves et le sujet étant choisi (nous
verrons ce problème au paragraphe 6), tout acte
pédagogique pourrait peut-être se référer au schéma d'action ci-dessous :
I — PHASE DE RECHERCHE
POUR LES MAITRES
Constitués en équipes, ils cherchent en adultes à
voir quels problèmes posent l'espace, le temps, le
plan, la carte, la girouette ou la dune.
Ils clarifient leurs concepts, font entre adultes l'inventaire de leurs possibilités de leurs lacunes et
formulent des projets d'actes pédagogiques. Mais
tout ce que le maître aura découvert, il saura le
taire et ne cherchera pas à l'enseigner dans la
deuxième ou la troisième phase. Il se contentera
de comparer ce que les enfants trouvent avec ce
qu'il a trouvé et de suivre leur cheminement sans
laisser au hasard le soin de les guider.
H — PHASE D'OBSERVATION DES ELEVES
MIS EN SITUATION
Par exemple exploration sauvage du milieu ou
toute autre situation de la vie courante.
Laissons-les faire et voyons avec eux ce qu'ils
sont capables de faire, quelles sont leurs « certitudes », leurs possibilités, leurs intérêts spontanés, leurs façons de résoudre tel problème, leurs
idées préconçues ; que reste-t-il d'actions pédagogiques antérieures ?
(Le groupement en équipes devrait être facultatif
et les isolés devraient pouvoir travailler en soli-
taire jusqu'à ce qu'ils sentent le besoin de coopérer au sein du groupe. De ce fait, les équipes devraient être ouvertes et susceptibles de varier d'un
exercice à l'autre).
III — PHASE DE REFLEXION
ET DE COMMUNICATION
MAITRE-ELEVES ET ELEVES-ELEVES
Les enfants analysent avec le maître leurs premiers
résultats. Ils prennent conscience de leurs imperfections, de leurs échecs, de la difficulté du travail demandé. Ils commencent à s'étonner, ils mettent leurs certitudes en doute. Ils envisagent les
solutions proposées par les différents groupes ou
individus. Ils les critiquent. Ils voient les problèmes qui restent posés. Ils proposent des solutions
qui doivent permettre d'aller plus loin.
IV — PHASE D'EXPERIMENTATION : pour obliger l'enfant à découvrir toutes les solutions qu'il est
capable de découvrir.
a) Grâce aux questions posées par le maître ou
encore mieux grâce à celles posées par les élèves,
partir en chasse contre les idées préconçues, les
stéréotypes, les « certitudes », les clichés, les mots
vides de sens, les réponses prématurées qui entravent la recherche et l'expérimentation, les jugements de valeur...
b) Partir d'action, d'expériences vécues
pour les analyser :
Il faut aller avec les enfants à la recherche d'outils,
de techniques, de méthodes qui permettent cette
analyse.
L'enfant essaie de comprendre, il compare, il tâtonne plus ou moins astucieusement, il mesure, il
oriente, il note les résultats, il dessine, il photographie, il enregistre, il étalonne, il cherche des explications.
La représentation doit déboucher sur une communication et elle peut, pour cela, utiliser différents
langages : langue parlée, langue écrite, dessin, mathématiques et autres représentations symboliques ;
mais dans ce cas le maître ne doit pas imposer
sa représentation. Lorsque les enfants sont mûrs
pour traduire le temps ou l'espace ou telle relation,
alors et seulement alors ils choisissent leurs propres symboles.
V — PHASE DE BILAN ET CONTROLE :
Réflexion collective sur les résultats obtenus. Les
élèves partent du croquis, du plan, du schéma, du
tableau réalisé et ils vérifient que le réel correspond bien à la transcription qu'ils ont réalisée.
Ils notent les critiques. La réalisation subit donc la
double épreuve des faits et des autres.
C'est à ce moment que les enfants jugent des avantages et des inconvénients du choix de tel ou tel
symbole. Souvent alors ils sont amenés à retoucher leur représentation antérieure soit parce qu'ils
ont constaté que ce qu'ils voulaient dire n'était
pas compréhensible par tous les autres, soit parce
que retournant à l'objet ou à l'enregistrement ils
constatent une contradiction.
C'est également au cours de cette phase que le
maître fait avec les élèves le bilan du travail des
groupes et du travail de chacun ; ils analysent les
méthodes de travail et ils cherchent comment les
améliorer, non pas en formulant des jugements de
valeur mais en montrant des systèmes d'observation qui permettront une plus grande efficacité.
Ainsi l'enfant apprendra à perfectionner ses m é thodes de travail. Il apprendra à collecter une documentation, à organiser sa tâche et il s'initiera au
travail de groupe.
VI — PHASE D'EXTENSION :
c) Représenter l'expérience qui vient d'être vécue :
C'est un moment délicat de l'action pédagogique
et c'est à vrai dire de cette phase que dépend le
choix des sujets à venir.
Pour tout exercice, il faut que l'enfant passe à une
représentation. Il devra s'assurer constamment que
les autres (ceux de la classe, ceux des autres classes qui ne savent pas de quoi il s'agit) puissent
comprendre ce qui est représenté.
Le groupe ayant tiré diverses leçons de ce qu'il
vient de faire, chaque individu ayant découvert
de nouveaux intérêts et le maître étant présent, il
faut formuler des propositions qui sont des points
de départ possibles pour des expériences à venir
41
qui se situent dans le prolongement de l'acte pédagogique présent. Le groupe projette une visite ou
une exploration complémentaire, il cherche à savoir si d'autres groupes d'élèves, d'autres hommes
ont fait un travail semblable, et les résultats obtenus seront comparés.
C'est à ce moment que le maître peut amener les
enfants à retrouver l'expérience des autres qui a
été traduite sous différentes formes (dessins, messages, bandes magnétiques, tableaux, flèches, légende indiquant le sens des symboles choisis).
Ainsi l'enfant cesse d'avoir un point de vue unique
et il sort du milieu proche pour accéder à d'autres lieux, d'autres hommes, d'autres temps.
Mais parfois le maître devra sentir que l'intérêt des
enfants s'est porté brutalement ailleurs. Puisque
nous voulons développer les attitudes permettant
l'intégration de la totalité de l'expérience de l'enfant, en particulier de l'école parallèle, il faut
savoir faire à l'intérêt né de l'actualité, de la
télévision, la place qui lui convient. « il s'agit de
saisir toutes les occasions offertes par le milieu de
vie immédiat ou lointain révélé par les moyens de
communication » (Commission de Rénovation Pédagogique) .
On verra d'ailleurs que les enfants reviendront
d'eux-mêmes, après plusieurs semaines, à des intérêts antérieurs dont l'exploitation avait été temporairement interrompue.
Le danger est de prendre le parti d'exploiter l'occasionnel au jour le jour en suivant les intérêts fugaces et anarchiques des différents éléments du
groupe.
Les enfants en viennent alors à observer superficiellement n'importe quoi, n'importe comment sans
savoir exploiter les intérêts qui se sont dégagés.
Les disciplines d'éveil deviennent alors très vite
bavardage stérile. Si l'on se propose de faire éclater les barrières qui séparent les disciplines, ce
n'est pas pour tomber dans un amateurisme généralisé, c'est pour permettre une formation de l'esprit.
Si les exercices proposés jouent un rôle dans le
développement de l'enfant, leur acquis doit pouvoir
être défini et conduire à un effort d'évaluation : il
importe de distinguer l'agitation, qui tend à cristalliser les conduites enfantines et l'activité authentique qui permet de les faire évoluer.
42
Il arrivera donc que le maître, animateur lucide et
responsable oriente la curiosité des enfants vers
des projets précis ou des objectifs susceptibles
d'être exploités de façon féconde. Il se réservera
le temps indispensable à la préparation et à la réflexion et sans se substituer aux enfants il présidera à l'organisation du choix des sujets.
Ce rôle d'animation est particulièrement difficile
à réduire en consignes précises. Il suppose d'une
part que le maître jouisse de la liberté nécessaire,
d'autre part qu'il ait une formation initiale et permanente de haute qualité et enfin qu'il reste curieux et inquiet.
Il verra alors que ce schéma directeur n'est pas un
plan de leçon ayant un début et une fin, mais la r e cherche d'un ordre qui permet à tout acte pédagogique d'ouvrir les voies à de nouvelles expériences.
L'acte pédagogique est sans cesse à réinventer selon la situation et le groupe et il apparaît non
comme le produit de la seule réflexion du maître,
mais comme la découverte, permise par la communication, qui s'établit au sein du groupe maîtreélèves.
d) Organisation pratique
des activités
Ceux qui souhaitent des renseignements plus pratiques et plus précis sur l'organisation du travail
et le déroulement possible des activités peuvent
les trouver dans le chapitre III et dans les extraits
suivants du rapport de la commission de rénovation
de la pédagogie :
« Les six heures consacrées aux activités d'éveil
comprendront 3 heures d'activités esthétiques (musique, dessin, travail manuel) et trois heures d'initiation à l'étude des faits naturels et humains.
Une grande souplesse sera laissée pour la répartition de ces six heures hebdomadaires.
La classe en « activité d'éveil » n'accepte pas un
découpage artificiel du temps qui brise l'élan et
le rythme du travail et qui disperse les idées.
Quand l'enfant fait, dans un groupe qu'il s'est choisi, une tâche à sa mesure et qu'il a lui-même
voulue, quand ce travail n'exclut pas que l'enfant bouge et qu'il parle à ses camarades de groupe,
quand au surplus cet enfant a eu droit, dans sa
journée scolaire, au repos et à l'activité physique
dont son corps a besoin, il est infatigable à son
travail, et il faut le plus souvent, malgré ses protestations, lui imposer la détente à la sortie de la
classe »...
« Il s'agira essentiellement de permettre des activités qui donnent une signification de langage,
qui établissent le lien entre l'objet ou sa représen-
tation et le mot. Chaque activité, qu'elle soit graphique ou d'observation ou de manipulation sera
une occasion de langage à partir de la chose vue,
touchée, entendue ; il faut, en tout cas, éviter une
rupture avec la liberté de l'école maternelle,
conserver à l'enfant l'usage du pinceau et de la
couleur avec lesquels il s'exprime déjà et lier l'acquisition du mot au dessin et à l'objet ».
43
Chapitre II - Exemples
I - ACTIVITÉS A DOMINANTE HUMAINE
I. — PLANS DE TRAVAIL A L'USAGE DES INSTITUTEURS PARTICIPANT A LA RECHERCHE
A) E.N.G. Arras
B) E.N.F. Saint-Germain
C) E.N.F. Caen
D) E.N.G. Dijon
II. — COMPTES RENDUS D'ACTIVITES REALISEES DANS LES C.P.
A) E.N.F. Saint-Germain
B) E.N.F. Caen
I. PLANS DE TRAVAIL A L'USAGE
DES INSTITUTEURS PARTICIPANT
A LA RECHERCHE
Le but de nos recherches est de servir ultérieurement aux instituteurs. Il convient donc de fournir
des suggestions concrètes aux nouvelles équipes qui
vont participer à la recherche.
Les exemples que nous proposons ci-après ne sont
en rien des modèles mais le point de départ pour
une réflexion critique et une invitation à faire
d'autres essais.
La commission C.P. utilisait les travaux de trois
équipes qui expérimentaient au niveau du Cours
Préparatoire :
E.N.G. Arras
E.N.F. Caen (en liaison avec la maternelle)
E.N.F. Saint-Germain-en-Laye (en liaison
avec la maternelle).
Ces trois équipes ont chacune éprouvé le besoin
de rédiger un plan de travail à l'usage des instituteurs qui participaient à la recherche. Outre des
consignes générales, chaque équipe avait suggéré
aux maîtres des possibilités d'activités. Pour éviter
les redites nous présentons ci-après les suggestions
de chaque équipe amputées des consignes d'ordre
général qui les accompagnaient et nous y ajoutons
le projet de l'E.N.G. de Dijon.
Ce sont ces projets, mis au point par chaque équipe,
retouchés en fonction des réflexions de la commission C.P. qui ont été proposés à la discussion
au cours du stage du 26 avril 1971 et qui ont permis de rédiger un « cadre-contenu ». En 1971-72,
l'expérience pourra alors s'étendre à un plus grand
nombre de C.P. travaillant avec le même schéma
d'action.
A) ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS
D'ARRAS
Responsables de l'expérience :
MM. Longuet et Nolibos
I. — REPRESENTATION DE L'ESPACE
1) Où en est la représentation de l'espace au C.P. ?
C'est la première chose à préciser
Une série de dessins peuvent préciser la structuration de l'espace et la représentation du mouvement, tout au long de l'année :
a) Dessine les « moyens de locomotion » (nous
partons en voyage. On va dessiner par quel moyen.
Un entretien préalable les précisera).
Structuration de l'espace.
45
b) Dessine ta classe
(Après quelques semaines).
Représentation d'un monde en 3 dimensions.
c) Dessine la cour de récréation : intérêt triple.
1) Représentation de l'espace.
2) Lieu où l'on joue.
3) Mais aussi lieu où s'expriment les rapports de
camaraderie et de socialisation.
d) Dessine-toi en train de courir, sauter...
en liaison avec une activité du même type qui
vient d'avoir lieu en éducation physique, pour
comprendre comment l'enfant a conscience de son
schéma corporel et du mouvement.
2) Le concept d'espace :
Il se construit progressivement à partir du schéma
corporel et des exercices sensori-moteurs. Il faut
arriver à l'espace représenté : diapositives ou maquette de l'école, de la classe.
a) Exercices de latéralisation : sur le plateau de
sports dans la classe, doivent amener la définition
d'un grand nombre de notions qui demeurent incertaines ou imprécises : devant, derrière, entre,
le long de...
b) Recherche de repères extérieurs : délimitation
d'un plateau, le maître pouvant constituer ce repère, fixe puis mobile.
c) Changement du point de repère : faire demitour, observer la cour de la classe du 1" étage, du
rez-de-chaussée, observer la classe de la cour.
d) Exercices de sériation portant sur les distances
e) Passage à la
représentation
— Le plateau de sports et les élèves - le maître.
— Exercices dans la classe qu'on transpose
ensuite sur le « dessin » de la classe (cf. aussi
« les commissions de Poucet » proposé par
Mme Wienert, E.N.F. Saint-Germain-en-Laye).
— Diapositives de la classe, de l'école, prises
sous des angles divers. Initiation à la lecture
d'un document.
La maquette de la classe.
46
II.
LE TEMPS
Cette partie a été développée un peu plus longuement, et discutée parce que nous nous sommes attachés principalement aux problèmes de structuration du temps en début d'année.
1) Objectifs :
— Passer du temps personnel, subjectif ou
affectif, au temps conçu, objectif.
— Acquisition d'un certain nombre de mécanismes et notions élémentaires (succession des
jours de la semaine - du mois - distinguer
hier de demain, matin, midi et soir...).
— Socialisation du temps et de l'enfant.
— Prise de conscience du temps qui passe :
comparaison des durées et relation d'ordre entre les événements.
— Prise de conscience du temps écoulé : remise en ordre d'événements passés - d'un récit
(-» en même temps, c'est une approche du
témoignage).
Problème important : comment représenter le
temps qui passe ? Voir si l'on peut arriver à la
frise (cf. exercice d).
2) Exercices
On peut mener, dès le début de l'année, un certain nombre d'exercices qui visent à réaliser les
objectifs ci-dessus définis
A) Prise de conscience du temps. Mécanismes
a) Raconter ce qu'on a fait :
— avant de venir à l'école (exemple : du lever
jusqu'à 9 heures),
— durant la matinée,
—» remise en ordre des souvenirs,
—» I ro forme de représentation du temps qui
s'écoule par des cartons représentant divers
moments du récit - introduit la notion de frise.
(=3
<Q
je dors
je déjeune
je pars
à l'école
b) Le « journal de la classe » au mur : grande
feuille de dessin sur laquelle on porte les principaux événements de la vie de la classe.
c) Frise des jours de la semaine
déroulée pendant plusieurs semaines. 1 carton par
jour, coloré différemment selon qu'on est jour
d'école ou non.
Socialisation.
Répétition au bout de 7 jours.
— les moyens techniques de mesure du temps ;
montre, sablier...
— la vie : cultures et élevages.
C) Le recul dans le passé
d'après les éléments personnels et affectifs : vie
propre (photographies), famille, élèves de la classe
(se situer entre un camarade plus jeune et un autre plus vieux).
d) Observation qualitative du temps.
e) Viennent ensuite les notions de saison, mois,
année.
La difficulté essentielle que nous avons rencontrée
provient des divers types de représentation du
temps auxquels on aboutit.
Exemple : le journal de classe (b) = représentation verticale ; la frise des jours de la semaine (e)
représentation horizontale ; l'observation qualitative du temps (d) représentation horizontale mais
discontinue. Chaque semaine correspond à une rangée.
Enfin il est possible de représenter le déroulement
de la semaine de façon circulaire : 7 enfants en
cercle figurent les 7 jours de la semaine (d'autant
que l'horloge et la montre adoptent cette représentation circulaire).
Il serait donc nécessaire de se tenir à un type,
celui de la frise des jours de la semaine. Sur des
cartons assez grands on pourrait porter le dessin
du temps qu'il fait (d) et l'événement marquant de
la vie de la classe (b). On aboutirait ainsi à montrer des semaines « pleines » et des semaines « vides », notion qu'on retrouve en histoire. Un inconvénient matériel : où mettra-t-on la frise le
dernier jour du trimestre, lorsqu'il faudra juxtaposer 90 cartons ?
III. — RELATIONS ESPACE-TEMPS :
LA VITESSE
Objectifs :
— Prendre conscience de la vitesse, notion
complexe dont les enfants ont déjà une certaine connaissance (sorties en voitures avec
les parents) : dépassements, lecture des cadrans...
— de la relation existant entre temps et espace ; comparer les espaces parcourus pendant
le même temps...
Exercices :
— quand je vais de chez moi à l'école (à l'occasion d'une sortie p. ex.). Voir l'itinéraire.
Je viens à pied ou en voiture.
— les autres moyens de locomotion des hommes,
— la vitesse des animaux.
En éducation physique :
B) La mesure du temps
Course entre 2 élèves. « On va compter pendant ce
temps » ; comment représenter ces différentes courses ? Les enfants chercheront les réponses possibles.
1) Les éléments ci-dessus ont donné un premier
type de repérages.
IV. — SORTIES DANS LE MILIEU
2) Autres approches de la mesure du temps, fournis par différents moyens :
On pourra en pratiquer un certain nombre tout
au long de l'année. Les objectifs sont multiples :
— le corps (rythme cardiaque),
— les notions de rythme,
— Observation d'un phénomène sur une certaine période : végétation.
47
— Prise de contact avec la complexité du milieu ; le milieu c'est à la fois la rue et le trottoir - le problème de la circulation - les maisons qui bordent, le commerce...
On regarde les panneaux indicateurs de la signalisation routière.
... On regarde les arbres, on compare leur hauteur,
leur grosseur —>
— Première approche de la connaissance du
milieu.
Mesures naturelles : avec les pas, les bras étendus,
une farandole. Invention de jeux : l'action s'associant à la compréhension et celle-ci favorisant le
succès du jeu...
V. — RECHERCHE ET CLASSEMENT
DE DOCUMENTS
Les premiers documents ont été soumis aux enfants
à l'occasion d'exercices précédents. On va leur demander ensuite de choisir des documents à propos
de thèmes qui les intéressent particulièrement :
les vacances, les maisons, notre quartier...
Objectifs
•Ces exercices sont déjà pratiqués en maternelle
<« exploration du milieu »). Ils apprennent aux
enfants à réfléchir et à choisir, première approche de la pensée scientifique.
Exemple : au cours d'une sortie dans la forêt,
pendant l'exercice ou après, des enfants choisissent
quelques arbres. Au signal, des groupes successifs
de camarades doivent rejoindre en courant le plus
haut, le plus gros, le moins haut... ou bien l'arbuste,
l'arbre... (le langage exprimant ici d'ailleurs la
différence spatiale).
D'autres vérifications peuvent suivre en faisant intervenir l'éducation physique et l'éducation manuelle, le dessin n'étant pas assez probant.
En éducation physique : jeux de ballons, expression corporelle (extension du bras, de la main —»
loin,
repliement du bras, application de la main sur le
visage —» près
étirement ~» haut, plus haut).
En éducation manuelle, par exemple :
S) ECOLE NORMALE DE JEUNES FILLES
DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
Responsables de l'expérience :
'M"18 Wienert et M"e Priorez
I. — DECOUVERTE ET UTttJSATION DE
REPERES NATURELS ET DE « MODULES »
DANS LES APPRECIATIONS DE GRANDEUR,
DE VOLUME, DE DISTANCES...
1) découpage de silhouettes d'arbres, de maisons de tailles différentes en hauteur, en volume ;
2) disposition des silhouettes sur une feuille
de papier selon l'agrément des enfants. Explication de la disposition choisie avec le langage acquis ;
3) inversement, présentation par le maître
d'une autre disposition qu'il faut reconnaître.
Passage à une perception objective - subjective.
INotion de :
II. — SITUATION DANS L'ESPACE :
SITUATION DE L'ENFANT PAR RAPPORT
A UN OBJET, UNE PERSONNE, UN LHEU.
Plus
haut
moins haut
SITUATION DES OBJETS LES UNS PAR
RAPPORT AUX AUTRES
gros
loin
moins gros près
plus loin que
moins loin que
Une sortie dans la cour de l'école, dans une rue de
la ville, dans un jardin, dans la forêt permet cette
•découverte et cette utilisation. (On regarde les
maisons, on compte les étapes..., comparaisons faciles avec les maisons préfabriquées...).
48
Cette situation s'exprime par des termes comme :
en face de, à côté de, autour de, entre, parmi, à
l'intérieur de, à l'extérieur... le long de, au bord
de... à droite, à gauche... Les études de Decroly
et de ses disciples suggèrent de nombreux exerci-
ces associés : jeu des ordres, jeu d'identification de
dessins, choix de l'étiquette portant le terme adéquat.
Initiation à un repère : par rapport aux jours de
la semaine, à la sonnerie, à la cloche..., aux vacances ; avant, après.
Diverses 'manipulations d'objets (décorations, rangements), des dessins, des mouvements (Education
physique), une histoire mimée peuvent prolonger
cette initiation ou la vérifier, ou encore des photographies prises au cours des promenades, et même
des œuvres d'art.
Le témoignage artistique. L'illustration d'un même
thème (animaux, arbres, fleurs...) et la notion de
coloration personnelle et d'originalité.
— Savoir imaginer les mouvements au lieu de les
constater : marionnettes.
III. — INITIATION A UNE CHRONOLOGIE
OBJECTIVE, PREALABLE D'UNE INITIATION
HISTORIQUE
a) Situation dans le temps : avant, pendant, après ;
et initiation au témoignage et approche de l'art.
Types d'exercices :
Relation exacte d'une promenade dont les observations (plusieurs magasins de même caractère,
plusieurs arrêts, plusieurs reprises), présenteraient
des possibilités de confusion.
Relation d'un événement mémorable de la vie scolaire...
Relation d'un événement survenu à d'autres personnes.
Développement des exercices :
IV. — INITIATION A LA CAUSALITE...
AUX EFFETS D'UN PHENOMENE
Cause naturelle : continuer les calendriers m é téorologiques de la maternelle en les enrichissant
des observations sur les effets de la pluie, du froid,
de la neige, de la chaleur....
Faire regarder ces effets à l'occasion d'une sortie
manquee à cause du mauvais temps, ou facilitée
par le beau temps.
Cause artificielle : Conséquence d'une action des
enfants (artifex). Utiliser par exemple les manipulations des enfants en travail manuel. « Je
coupe... Je colle... J'entoure... ». Conséquences. Travaux manuels dans la rue, dans l'école : leurs
conséquences. Initiation au donc, au parce que...
Notion de responsabilité. Introduction à la faveur
de l'initiation morale et socMe (psychologie de
groupe). Les enfants n'écoutent pas leurs camarades parce qu'ils parlent tous ensemble, en même
temps (retour à la situation dans le temps).
Confrontation des récits des enfants
Etablissement d'une relation conforme enregistrée.
Contrôle ultérieur du souvenir.
Audition de la bande.
V. — INITIATION AUX REPRESENTATIONS
CONVENTIONNELLES
Représentation par une succession d'étiquettes dessinées, de l'itinéraire suivi, des faits observés et
racontés.
Initiation à la flèche (graphe) et à ses possibilités de
représentation d'un itinéraire et d'une succession
d'actions, de faits (cf. Math). Réciproquement découverte d'un itinéraire, d'une histoire par la « lecture » de sa représentation.
b) Constatation des changements au cours d'une
semaine, d'un mois ou d'une année scolaire.
— germination d'une graine, développement d'une
plante...
— observation d'un arbre au cours des saisons,
— une maison qui se construit,
— un travail manuel qui s'accomplit.
— les différentes phases d'une préparation de fête : Noël, la fête des mères, la fête des pères.
Initiation à l'échelle : Il ne s'agit aucunement d'une
explication, encore moins d'une initiation rationnelle, mais d'une sensibilisation ; à la suite d'une
promenade les enfants peuvent éprouver le désir
de construire une maquette ; maisons, arbres, ils
peuvent apporter des jouets miniatures, autos, camions, animaux... Le maître introduit alors Un
objet réel : une vraie feuille d'arbre, une vraie
pomme de terre, un gland, des marrons ; les en48
fants constatent que « ça ne va pas ». (Pour nous
ce n'est pas à la même échelle. Ils cherchent...
et trouvent : ils refont d'eux-mêmes une feuille
plus petite, un gland, des marrons plus petits pour
mettre au pied des arbres, des pommes de terre
pour mettre dans leur camion).
Conclusion. Nous cherchons à éviter des exercices
trop formels et trop inspirés d'un espace ou d'un
temps artificiels, fabriqués pour les besoins scolaires. Les sorties fréquentes, l'observation de la
nature, de l'action des hommes (adultes ou enfants)
sur elle, la prise de conscience du comportement
social de l'enfant (dans ses relations avec ses camarades, ses parents, les autres adultes) nous paraissent offrir suffisamment de possibilités. Elles
permettent l'exploration consciente par les maîtres des concepts de base dont l'acquisition au C.P.
se faisait auparavant de façon anarchique, occasionnelle et incomplète. L'initiation ultérieure à
l'Histoire et à la Géographie pourrait ainsi bénéficier de cette exploration.
C) ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS
DE CAEN
Responsables de l'expérience :
M1" Leboucher et M. Bruneau
ESPACE
Dessins libres sur thèmes
Dessine un bonhomme.
Dessine ta classe.
Dessine-toi tet toute ta famille.
Dessine les deux camarades que tu préfères.
Dessine la cour de récréation.
Dessine le chemin que tu suis pour venir à l'école.
dans le plan horizontal (devant moi, derrière moi,
à côté de moi, près de moi). Groupements d'enfants.
Recherche de repères extérieurs : objets orientables : devant une auto. Situer les objets les uns par
rapport aux autres. Les déplacer sur ordre. Les déplacer et décrire leur déplacement. Personnages
en modèle réduit déplacés dans une maquette.
Essayer si les déplacements en biais sont susceptibles d'être acquis (un pas en arrière et à gauche,
place cet objet en avant et à droite, etc...).
Dans, hors de, le long de, extérieur, borde, frontière, traverse.
Recherche d'un point de vue sur les choses, sur les
autres, sur moi. Situer l'objet par rapport à un
mur éclairé par le soleil à midi. Moi de face, moi
dans la glace. Les autres, les observer et décrire
de dos, de face, de profil, de dessus.
Conceptualisation : maquette.
Eléments essentiels et éléments secondaires, tâtonnement. Coopération. Schématisation. Transfert de
point de vue. Représentation de plus en plus symbolique, d'où exercices sur : en file, premier, dernier, groupements. Points de vue sur les autres,
sur une chose. Exercices de décentration. Je dessine, je photographie, je nomme, je reconstruis un
dDjet vu de face, de profil, d'en haut (selon les rencontres dans le milieu : arbre, ruisseau, butte,
route, maison, château d'eau, écoulement d'eau,
etc.).
Notre classe, comment pourrait-on la représenter
pour que ceux qui ne la connaissent pas puissent
la connaître et que ceux qui la connaissent puissent la reconnaître ?
Reconnaître et décrire sur photos et diapos représentant 4 points de vue différents sur des objets,
la classe, la cour, la rue...
TEMPS
Favoriser la prise de conscience du corps, relaxation. Schéma corporel. A réaliser en liaison avec un
professeur d'éducation physique.
Dessins libres sur thèmes :
« Tu te dessines : avant l'école, pendant
après l'école » sur une même feuille.
Frise de conscience des objets par rapport à soi.
Place des objets par référence à l'enfant : droite,
gauche, milieu, dans le plan vertical (haut-bas) et
Conversation libre enregistrée
50
La vie présente à l'école, dans la famille.
Le présent, aujourd'hui.
l'école,
Evoquer les souvenirs du passé vécu.
Ce qui t'est arrivé d'important depuis que tu es né.
1) Symboliser les jours : 7 rondelles, carrés, et de
couleur différente. Notion d'hier, d'aujourd'hui, demain.
L'instant et la durée :
2) Les construire en semaine (selon les solutions
proposées par les enfants).
3) Au changement de mois, indiquer l'ensemble
des semaines du mois.
4) Continuer cette représentation linéaire du
temps vécu :
a) sur tableau collectif,
b) sur les accordéons individuels.
Le temps qu'il faut pour faire quelque chose : à
l'escargot pour faire un mètre, à un litre d'eau
pour bouillir, pour vider un litre plein.
Comparaisons.
Représentations proposées par les enfants. Représentation linéaire.
début
fin.
Les comparaisons amènent à « plus de temps
que », « moins de temps que », « aussi longtemps >.
Simultanéité. Top de départ.
Repères possibles, recherche de tous les repères
possibles :
Un objet se balance à l'extrémité d'un fil (balancier) .
Une boîte d'eau se vide doucement (clepsydre).
Le sablier.
Le compte-minute (la graduation considérée comme simple repère).
Choix du repère :
Mesurer le temps qu'il faut pour... en se référant
à l'un des repères découverts ci-dessus. Mais si
l'on observe un phénomène qui dure longtemps...
un haricot qui pousse.
Représenter le haricot à différents états instantanés.
Recherche de repères commodes. Une journée : la
repérer avec précision par référence à l'ombre d'un
objet.
Recherche de l'ordre :
Chronologie d'une journée : symboliser les différents moments de la journée : je dors, je déjeune,
je travaille, etc...
Représentation de la journée, recherche de l'ordre
de succession. Approche de notions telles que :
matin, ¡midi, soir, après, avant, pendant.
Construire le tableau du temps à mesure que nous
vivons.
a) tableau collectif au mur,
b) tableaux individuels sur fiches pliées en accordéon.
5) Noter les simultanéités.
Jeudi, il pleut, on a mangé des... Enrichir le tableau selon ce que les enfants vont demander à
noter.
a) Le temps qu'il fait.
b) La plante qui pousse.
c) L'état des arbres : notion de cycle.
d) Les faits marquants de la vie de la classe.
e) Des événements du monde, vus en réalité, à
la télévision (observation ponctuelle).
f) Des événements strictement personnels collectés sur des calendriers individuels.
Dégager les activités principales et les activités
secondaires, les activités publiques, familiales, personnelles.
Organisation du temps à partir de repères qui ne
reviennent pas régulièrement.
L'âge, les générations : la vie, la mort, l'âge. Notion d'année.
Quel âge ont : notre haricot, notre chat, notre lapin...
Situation par rapport aux frères et sœurs.
L'âge des enfants, des frères, des sœurs.
L'âge des parents.
Classer des photos de personnes par rang d'âge.
L'écoulement du temps, début de généalogie :
GM
GM
GP
Père
MOI
51
L'âge des choses.
Si elles ne naissent ni ne meurent, d'où part-on ?
dans la vie, au cinéma : mouvements accélérés des
personnages, poussée accélérée d'une plante, etc...
Dater un écrit, un objet.
Les vitesses :
Pose de première pierre, inauguration.
Prendre conscience de la vitesse sur le plan vécu.
Courses d'élèves, d'automobiles, d'escargots...
Représenter les différentes courses :
1) dans l'espace,
a) espace d'une maquette : trajet + vitesse,
b) si possible sur un espace abstrait linéaire
(essayer si cela est possible au C.P.).
(N.B. Comparer les âges et dater un événement
sont deux opérations mentales différentes).
Liaison temps-espace au niveau vécu :
Les rythmes :
(voir travail parallèle effectué par une partie de
notre équipe dans les classes maternelles).
Tempo spontané, régularité.
Structures rythmiques à reproduire.
Coder des structures rythmiques.
Compréhension du symbole. Recherche de symboles différents. Structures rythmiques à reproduire en partant des symboles. Ralenti. Accéléré :
2) Prendre conscience qu'un élément n'est pas
représenté : le temps qui s'écoule. Quelles solutions les enfants proposent-ils ?
Lecture de documents iconographiques :
1) Lecture purement descriptive : « je vois... ».
2) Projection culturelle : « je vois que... »,
j'interprète ce que je vois.
D) PROJET SYNTHETIQUE D'UNE EXPLORATION ET STRUCTURATION
DE L'ESPACE ET DU TEMPS PROPOSE
PAR MARECHAL - E.N.G. DIJON
éléments topologiques
—
—
—•
—
—
—
—
domaines-frontières
itinéraires
extérieur-dehors
intérieur-dedans
ouvert-fermé
borde-coupe
touche-entre
objets dans l'espace
formes : surface
disposition volume
comparaisons -f- long
+ court
qualités liées
à la position
de l'observateur
Position
dessus-sur vers le haut
dessous-sous «
» bas
devant
en face de
derrière
à côté de
à droite
à gauche
1"' niveau
1
/
de soi dans l'espace et le temps
1/
2" niveau ==,
52
la representation
Déplacement
en avant
en arrière
à droite
à gauche
le temps
durée(-|
=)
chronologie ;
avant après
pendant
Eléments de progression d'une structuration de
l'espace en éducation motrice, et objectivation du
vécu
1. acquisition du schéma corporel,
2. prise de possession de l'espace-classe (place
dans la classe-rangements) puis de l'espace-école
(déplacements),
3 situation de soi-même par rapport à des objets
repères (rôle des jeux saisonniers).
4. situation de soi et d'autres dans l'espace : occuper, utiliser tout l'espace : exercices et jeux de
«dispersion»,
5. exercices de « décentration vécue», jeux de
position, de partenaire, de décisions,
6. notions d'alternance,
7. organisation dynamique et passage au codage
puis au décodage,
8. relation espace-temps = la vitesse.
II. COMPTES RENDUS D'ACTIVITES REALISEES DANS LES C.P.
Nous avons retenu deux comptes rendus d'activités
pour la section sciences humaines et deux pour la
section scientifique.
On remarquera que le concept de temps semble
privilégié par rapport à celui d'espace. La Commission C.P. avait en effet jugé que l'entente était
relativement facile au niveau du concept d'espace
et que de tous côtés les travaux étaient déjà bien
avancés. Par contre le concept de temps pose des
problèmes beaucoup plus difficiles à résoudre. Il
convenait donc de tenter l'exploration de ces difficultés.
Le quartier urbain compris dans le périmètre scolaire associe la périphérie du centre commerçant de
la ville et les débuts d'un quartier résidentiel. Les
professions des familles des enfants se répartissent
ainsi :
Classe
Classe
M""" Vergnolle Mme Vaillant
22 élèves
21 élèves
Cadres supérieurs
ingénieurs
médecins
Cadres moyens
Commerçants
artisans
chefs d'équipe
A) ECOLE NORMALE D'INSTITUTRICES
DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
10
Recherches menées par M"18 Wienert,
M"e Priorez, Mme Vaillard, Mme Vergnolte
LES ACTIVITES PREPARATOIRES
A L'HISTOIRE E T A L A GEOGRAPHIE
Les recherches se sont développées dans deux
Cours Préparatoires comprenant respectivement 22
et 21 fillettes. Les deux institutrices y enseignent
les Mathématiques modernes et font partie l'une
et l'autre d'équipes de recherche en Français.
L'éducation physique est assurée par un professeur spécialisé attaché aux différentes écoles de
la ville et très soucieuse d'interdisciplinarité.
Ouvriers
La plupart des fillettes des deux Cours Préparatoires ont suivi les différentes sections de l'Ecole
maternelle voisine ou d'une Ecole maternelle d'un
groupe scolaire proche. Une enquête dans ces Ecoles ¡maternelles a permis non seulement de prendre
une vision plus précise des objectifs de l'Ecole
maternelle dans leur originalité et dans leur spécificité mais aussi d'établir un inventaire des exercices dont la prolongation et l'approfondissement
pourraient se révéler favorable à l'éveil de l'enfant au monde et au développement de ses compétences sensorimotrices et mentales. L'article de
Mme Delehet dans le Bulletin1 de liaison de la
Section des Sciences Humaines et Economiques
53
n" 2 (Cycle Elémentaire), le compte rendu des
travaux de la Commission « activités préparatoires à l'enseignement de l'histoire et de la géographie (mai 1970), recevaient ainsi déjà une illustration concrète qui ne pouvait que favoriser une r é flexion sur la situation particulière des enfants
au C.P. et sur l'orientation pratique des recherches
dans cette classe, compte tenu des travaux des psychologues rappelés au cours des réunions à
1'I.N.R.D.P. (2 décembre 70, 13 janvier 1971, 24 février, 10 anars).
Nous avons souhaité aussi tenir compte de la r e cherche entreprise au C E . pour mieux profiler ces
activités préparatoires. Nous avons pensé qu'elles
doivent nous permettre de déceler les stades auxquels l'enfant peut parvenir dès le C.P., de voir
si des progressions sont possibles et si elles permettent d'aborder ensuite au C E . l'inventaire de sources d'informations historiques et géographiques offertes par le milieu local, selon les perspectives
de nos recherches actuelles. Des orientations définies dès octobre dans notre projet envoyé à l'I.P.N.,
examiné et discuté en Commission C.P., ont dirigé cette année l'exploration des activités d'éveil
possibles dès le Cours Préparatoire.
Plusieurs difficultés sont apparues dès le début :
1) il convenait d'éviter les abstractions du langage
psychologique pour pouvoir présenter le projet de
recherche aux institutrices associées à l'expérience
et soucieuses des objectifs fondamentaux du C.P.
Mais elles ont très vite considéré l'intérêt d'une
recherche qui s'exprimait déjà dans quelques-uns
de leurs exercices et qui pouvait assurer plus
d'unité à l'action éducative.
2) il convenait aussi de respecter le climat psychologique et éducatif des classes, l'originalité de chaque institutrice, le rythme du travail dans les
autres disciplines et particulièrement dans les disciplines fondamentales.
3) il nous paraissait souhaitable aussi de tenter
des liaisons d'interdisciplinarité différentes afin
de varier et d'approfondir l'expérimentation de
cette première année de recherche appliquée. L'un
des cours préparatoires eut ainsi une tonalité de
recherche plus nettement accordée aux Mathématiques. Le Bulletin de liaison n° 5 a rapporté
l'exemple d'une série d'exercices développés par
Mme Vaillard en liaison (1) avec l'initiation à la
flèche.
54
L'autre cours préparatoire eut une tonalité plus
sensible, l'environnement, le milieu de vie de
l'enfant furent plus largement associés aux activités scolaires. Le même Bulletin n° 5 a publié le
compte rendu d'une série d'exercices réalisés dans
la classe de Mme Vergnolle « Notre place en
classe» (1).
Les exercices suivants témoignent de ces nuances.
En voici le répertoire :
I. Exploration de l'espace ; relations spatiales
et milieu local.
II. Initiation au temps par le déroulement
d'actions successives.
Initiation au témoignage et recherche de représentations objectives.
— « l'histoire » d'une promenade,
— la reconstitution d'un conte,
— l'histoire d'une journée de travail à l'école,
— événements mémorables.
III. Exercices de lecture de photographies de
tableaux.
IV. Début d'une série d'exercices portant sur
« notre vie d'enfants » vue à travers nos dessins et les dessins des autres.
I. — EXPLORATION DE L'ESPACE
RELATIONS SPATIALES ET MILIEU LOCAL
Classe de Mme Vergnolle.
Ces activités se sont développées au cours de
promenades.
1) Comment ont-elles été choisies, où ont-elles
eu lieu ?
L'une de ces promenades a été proposée par l'institutrice : des enfants avaient parlé de leurs maisons d'habitation, remarqué la construction d'immeuibles dans la rue de l'école et dans les rues
avoisinantes. Ce paysage familier en cours de transformations, offrait des possibilités de découvertes
où jouaient le temps et l'espace. Deux autres promenades furent choisies par les enfants qui souhaitaient aller en forêt et dans un petit square planté
d'arbres. Dans ces deux cas des fillettes ont elles(1) Voir chapitre HE.
mêmes guidé leurs camarades et l'institutrice, selon
l'itinéraire qui leur paraissait rejoindre la forêt
ou le square.
« non », « grand », « plus grand ». Des fillettes
ont alors signalé la présence des bulldozers, des
abris pour écarter le terme « petit ».
2) Exercices : latéralisation et orientation
Des repères de temps ont été perçus : différents
immeubles étaient à des stades différents de construction. « Cette maison n'a pas de fenêtres : on
ne peut pas l'habiter ». — « On pourra habiter la
maison (il s'agissait d'un autre immeuble) après
l'autre ».
Les conditions du choix, la nature des lieux ont
stimulé de nombreux exercices de latéralisation nés
du besoin même de poursuivre la promenade jusqu'au but fixé, ou du besoin d'expression et de
communication entre camarades, entre les fillettes
et leur institutrice : « j'habite là-bas dans la
grande maison... Je descends la rue et je tourne à
droite » - « pour aller à la forêt je traverse la
place, la rue, je tourne à gauche... » et... « je
tourne à droite pour rentrer à l'école ». La précision de l'action devenait la condition de la réussite
de la promenade dont les enfants avaient pris la
direction. Les exercices de latéralisation prenaient
ainsi une nouvelle valeur.
Des exercices de repérage ont été favorisés par
l'utilisation des mêmes modules conçus dans la
construction des maisons, par la diversité des objets, des choses, par les échelles variées : échelle
des arbres, des constructions, du milieu scolaire.
Ces repérages fondamentaux dans la localisation
nous ont paru être le point de départ des exercices
ultérieurs de « lecture » correcte de documents
géographiques au CE. et au CM. où persistent
des confusions de langage significatives de confusions dans les relations spatiales.
La promenade dans le quartier proche de l'école a
entraîné l'introduction et l'usage des notions de :
à côté de, près de, le long de, dedans, sur, sous,
plus haut, moins haut.
Les étages comptés par les enfants ont été un début
d'introduction à la compréhension de la mesure
des longueurs et à la pratique de la mesure. Des
discussions entre enfants ont éclaté sur la manière
de compter les étages à partir du rez-de-chaussée.
Le transfert d'attitudes a été nettement observé
lors d'un nouvel arrêt ; les enfants, en regardant les
arbres, ont remarqué la différence de hauteur des
tilleuls et des peupliers et cherché à justifier leur
appréciation « plus haut » ou « moins haut » par la
référence aux étages de l'immeuble.
La même animation a été inspirée par l'examen des
fondations d'une maison : « un trou »... « petit »,
Dans la forêt, et dans le square à deux semaines
d'intervalle les mêmes notions : plus haut, moins
haut, ont trouvé leur réemploi dans un paysage
nouveau plus captivant pour l'enfant, d'autres notions sont intervenues :
gros, plus gros, moins gros,
loin, plus loin, moins loin.
Des jeux de reconnaissance associant perceptions
et motricité conduisant aux concepts, ont été improvisés. Il s'agissait au signal de rejoindre en
courant l'arbre le plus loin, le plus gros, le plus
haut, le moins haut, le moins gros, parmi ceux
qui étaient signalés par la présence à leur pied de
quelques fillettes. Des vérifications dans la comparaison des grosseurs sont intervenues : des fillettes
bras étendus ont entouré les troncs, mais les enfants maîtrisent encore mal ce mouvement, des
tricheries destinées à faire place à deux ou trois
camarades autour de l'arbre rendent difficiles ces
mesures naturelles et ces comparaisons approximatives.
Au cours de cet exercice et de ces jeux, il est
apparu combien le vocabulaire pouvait bénéficier
de ces activités préparatoires (exemple : arbre, arbuste, maison et immeuble,...).
L'expression s'enrichit et se diversifie en même
temps qu'elle se précise dans le besoin multiplié de
la communication.
3) Dans quelle mesure ces activités ont-elles
favorisé la formation de concepts et contribué à
mieux structurer les relations entre les choses ?
Les dessins pouvaient-ils en rendre compte ?
Après la première promenade les enfants ont été
invités à dessiner ce qu'elles avaient vu si elles
le désiraient.
55
17 fillettes ont remis des dessins qui peuvent être
classés en 4 groupes du point de vue de nos préoccupations.
d'une fillette, leur faisaient découvrir dans un paysage différent, une ligne fermée ; la farandole et
l'allée coupant le square, une ligne ouverte.
— 3 représentaient des paysages et des maisons
imaginées sans rapport avec la promenade. Des
maisons aux toits pointus, schémas stéréotypés
correspondant à des souvenirs, des illustrations.
L'aide des rythmes scandant les mouvements, se
révèle très précieuse dans la compréhension du
temps, de la durée, longue ou courte, calme ou
animée.
— 1 représentait des éléments dispersés, fleurs,
fenêtres, nuage aux quatre bords de la feuille.
— 2 avaient retenu des arbres de hauteurs différentes.
— 11 représentaient des maisons et des arbres de
couleurs et de dispositions variées, rappelant les
rapports découverts : « plus haut », « moins haut »
avec des références à une maison et parfois avec
ses étages.
Il nous a semblé que dans certains cas, après explications des fillettes, les difficultés techniques
avaient masqué des représentations mentales correctes. Aussi d'autres moyens d'expression leur ont
été offerts en collaboration avec la maîtresse
d'éducation physique, et une collègue d'éducation
manuelle : Mlle Vallet, professeur à l'Ecole Normale.
En éducation physique, des jeux de grimper à
l'échelle ont eu lieu avec rappel de la promenade.
Grimper,... en haut, plus haut, moins haut, rester
au pied...
Des mouvements avec bâtons, ballons, ont été introduits. Exemple : élever le bâton plus haut...
lancer le ballon plus loin.
Ces exercices se sont révélés très profitables pour
le dépistage des hésitations, des déficiences, ainsi
que pour l'exploration de l'espace et du temps.
D'autres sont venus s'y ajouter ultérieurement en
liaison avec nos activités d'éveil soit avant, soit
après et sans uniformité. « Entre », « dedans »,
< dehors », « à l'intérieur de », « à l'extérieur »,
« au milieu de », « autour de », « en avant », « en
arrière ».
Les enfants retrouvent des situations déjà explorées, mais partiellement différentes. Ainsi la promenade « autour » du square, la ronde « autour »
56
En éducation manuelle, la promenade en forêt a
inspiré la réalisation d'un tableau conçu comme
un jeu de fonds avec des arbres de différentes
grandeurs, découpés par les enfants après les avoir
dessinés sur des papiers de couleurs différentes. La
technique de l'ouverture des ciseaux et le geste dont
dépendent la précision du découpage et la longueur
découpée leur ont été expliqués. Les fillettes ont
disposé d'abord librement leurs arbres découpés
sur leur feuille. Elles ont expliqué cette disposition ; puis elles ont appliqué des consignes et réalisé ainsi d'autres dispositions selon la hauteur et
la grosseur des arbres découpés — « entre »,
« grand », « plus grand », « encore plus grand ».
Au cours de l'exercice, des hésitations étaient apparues avec l'emploi de « plus haut ». S'agissait-il
de la place sur la feuille de papier...
Le recours à ces différents moyens d'expression
nous a donc paru très probant comme possibilité
d'investigations et d'apprentissages dans une recherche comme la nôtre. Leur valeur complémentaire peut favoriser une meilleure formation des
représentations spatiales et temporelles.
4) L'éveil de l'enfant au cours de ces promenades
ne se limite pas au compte rendu de ces exercices.
Les rues de la ville, la forêt, les rencontres, sont
pour l'enfant l'occasion d'ajouter à son expérience
familiale et à son expérience scolaire, celle d'un
milieu de vie dont l'initiation à l'histoire et à la
géographie peut bénéficier au cours élémentaire.
De plus la relation avec l'adulte se fait en dehors
des cadres habituels, ni scolaires, ni familiaux et
la communication entre l'institutrice et les enfants,
ou des enfants entre eux, s'en trouve favorisée. Le
cours préparatoire s'établit ainsi dans la continuité
de l'école maternelle.
H. — INITIATION AU TEMPS PAR LE
DEROULEMENT D'ACTIONS SUCCESSIVES.
INITIATION AU TEMOIGNAGE
ET RECHERCHE DE REPRESENTATIONS
OBJECTIVES
Quatre séries d'exercices, deux chez Mme Vaillard, deux chez Mme Vergnolle, ont pris une coloration « historique >.
A) Première série - Classe de Mme Vaillard
1) Objectif : essayer de reconstituer le développement d'une promenade, et parvenir à sa représentation compréhensible pour tous, promeneuses ou
non.
2) Les différentes phases
a) Le mercredi 2 décembre, une promenade a eu
lieu dans la rue qui longe l'école et dans quelques
rues avoisinantes. Des arrêts ont eu lieu lorsque les
élèves le souhaitaient. Cette promenade vécue avec
plaisir par les enfants offrait la possibilité de souvenirs animés grâce à l'attrait de la poste, des garages (2), des deux places, de la pharmacie ! mais
aussi de confusions dans l'ordre des découvertes
puisqu'il y avait répétitions. Dès le retour de
l'école les enfants échangèrent leurs impressions,
discutèrent de l'itinéraire et des choses qu'elles
avaient vues et s'entendirent avec l'institutrice sur
une relation enregistrée de la promenade vécue.
b) 2 jours plus tard, le vendredi 4, les enfants ont
raconté devant des stagiaires la promenade du
mercredi. Des difficultés leur sont apparues lorsqu'elles ont voulu rappeler les deux garages Ford
et Fiat, dans l'ordre de leur rencontre. Etait-ce
« d'abord »..., ou « après », ou « avant » ou « ensuite »... Des fillettes ont alors senti l'utilité de justifier leur récit « historique » par l'utilisation de
repères précis dans l'espace :
Exemples : la pancarte bleue de l'un des garages,
la pompe à essence de l'autre,
la charrette de la première place,
le banc du square,
la croix verte de la pharmacie.
Mais il subsistait néanmoins des incertitudes : la
charrette était-elle avant ou après la place... La
discussion était vive. La maîtresse proposa d'utiliser l'enregistrement qui permit l'accord entre
les enfants. La charrette était bien « après » le
rond-point !
c) La 3e phrase — ce même vendredi — enchaîne
sur cet accord réalisé par le témoignage de la
bande enregistrée.
Pouvait-on raconter cette histoire et comment ?
Réflexion des enfants... Le dessin « trop long »
est écarté. Les mathématiques ont déjà familiarisé
les enfants avec les « codes ». Les fillettes recherchent donc ces codes qui seront des dessins très
vite faits :
représentation de la poste par une boîte aux
lettres,
représentation des garages,
représentation de la place,
représentation du square,
représentation de la pharmacie.
Le réalisme des détails caractérise de nombreux
dessins, mais l'exposition de ces dessins par l'institutrice conduit les enfants à une autocritique sévère, judicieuse et justifiée.
— Elles éliminent les dessins trop compliqués pour
devenir des codes.
— Elles écartent les dessins où le garage risque
de se confondre avec la poste.
— Elles retiennent pour codes les représentations
faciles à reproduire et « lisibles » pour tous.
Exemple : la pompe à essence pour l'un des garages,
la pancarte bleue pour le second.
L'entente sur le codage ayant été réalisée, une
feuille est alors distribuée aux enfants avec un espace blanc à la partie inférieure et dans la partie
supérieure des cases (8) correspondant au point de
départ et de retour et aux différentes étapes de la
promenade : les enfants ultérieurement pourront y
inscrire les différentes étapes codées de leur itinéraire. C'est alors la 4e phase de l'exercice.
d) 4° phase - la représentation de la promenade
Objectifs : réflexion sur la possibilité de représentations différentes, compréhensibles pour toutes
les fillettes et pour toutes les personnes présentes.
57
Les enfants dessinent — très vite — les différentes
étapes de la promenade dans la partie inférieure
de la feuille, à l'aide du codage choisi. L'ordre
de ces étapes est revécu avec plaisir lorsqu'une fillette est invitée à le rappeler avant que tous les
enfants ne l'indiquent par des lignes fléchées reliant les codes.
met de retrouver des points de repère précis, mais
aussi par la compréhension de la logique interne
de l'histoire.
— déceler si la tentative de représentation du
conte sous la forme d'une frise peut aider à la
structuration du temps et être une initiation au
maniement de la frise historique.
C'est un véritable suspens, l'histoire de la promenade faisant revivre la promenade. Il s'y inêle une
sorte d'inquiétude morale et intellectuelle. Arriverait-elle à bien tout retrouver dans l'ordre ? Le
« ouf » de soulagement et le soupir de plusieurs
fillettes est très significatif.
— l'exercice apporte également sa contribution à
l'acquisition de la notion de relations : il a été
précédé d'exercices mathématiques les précisant
par des termes comme plus haut que, au-dessus
de, plus petit que, juste avant, etc...
Appel à la réflexion pour favoriser la réversibilité :
les personnes qui n'ont pas fait la promenade pourraient-elles en connaître l'histoire grâce à vos
dessins ? Peut-on voir d'où l'on est parti, ce qu'on
a vu d'abord, ensuite.., avant de revenir à l'école.
— Le conte « Les musiciens de la ville de Brème »
de Grimm, a d'abord été dit en classe : c'est un
âne, qui rencontre un chien, puis un chat, puis un
coq le long du chemin. Ils partent l'un derrière
l'autre dans cet ordre, s'installent pour passer la
nuit sur les branches d'un sapin, la place de chacun étant soigneusement précisée (à la cime, audessus ou à droite d'un autre). Ensuite, ils repartent, arrivent près d'une maison, regardent par
la fenêtre ce qui se passe à l'intérieur et pour cela
forment une pyramide : le chien monte sur le dos
de l'âne, le chat sur le chien, le coq au sommet,
chacun très curieux de voir.
Nouvel appel à la réflexion afin de provoquer le
réemploi des mêmes notions. Peut-on raconter
l'histoire de notre promenade plus simplement encore ? Que peut-on dessiner dans les cases, dans
quel ordre ? Une fillette découvre que les dessins
dans l'ordre des arrêts de la promenade ne suffiront pas ! La nécessité d'une ligne fléchée s'impose
pour comprendre d'où l'on est parti : plusieurs fillettes découvrent en même temps cette nécessité.
Ainsi la représentation n'est pas liée à un seul schéma, ce qui peut favoriser de nouvelles et souples
adaptations dont l'apprentissage ultérieur de la
carte, de ses conventions pourrait bénéficier au
CE. et au CM.
Les activités du 4 décembre (phases b, c, d) ont
duré 1 h 30 environ. A aucun moment les fillettes
n'ont paru fatiguées ; l'expression orale, le dessin,
la réflexion mathématique se sont associés dans
cette « histoire » de leur promenade.
B) Exercice de reconstitution d'un conte - classe
de Mme Vaillard, CF., rue Ampère
Saint-Germain-en-Laye - 29 janvier 1971
— Buts de L'exercice :
— vérifier comment les fillettes ont appréhendé
la succession chronologique des événements racontés, non seulement grâce à la mémoire qui leur per58
— ses différentes étapes :
Ils entrent en poussant la fenêtre, mettent en déroute les bandits attablés autour d'un gâteau, les
mordent, les griffent, puis s'installent et dégustent
le plat à leur place.
— Les fillettes ont aussitôt après été priées de
dessiner les faits de l'histoire qu'elles avaient retenus. Cette illustration a surtout montré le défilé
des animaux sur la route, la halte dans l'arbre, les
animaux à la fenêtre observant les bandits puis se
régalant autour de la table. L'institutrice choisit
six de ces dessins qui vont permettre la reconstitution du conte.
— Quatre jours après, ces six dessins ont été
placés au tableau dans un ordre fantaisiste. Il faut
les reclasser en respectant l'ordre chronologique.
Les fillettes y parviennent facilement, identifiant
la place de chaque dessin dans l'histoire à des détails mais nous montrant en même temps que les
relations ont été comprises : l'un des dessins montre trois animaux sur la route au lieu de quatre,
une fillette dit « il faut le mettre au début car
ils n'ont pas encore rencontré le chat ; sur deux
autres apparaît la pyramide des animaux regar-
dant par la fenêtre, mais sur l'un le coq est encore
par terre, sur l'autre la pyramide est achevée : une
fillette nous dit qu'il faut placer sur le tableau
d'abord le premier dessin car le coq n'a pas encore grimpé sur le dos du chat. Les enfants se
plaignent du petit nombre de dessins choisis, proposent d'en introduire d'autres, signalent correctement à quels endroits elles les placeraient sur le
tableau, entre tel ou tel autre, devant ou derrière
tel autre, avant ou après tel autre.
— ce qu'il nous a montré
—• d'abord qu'il était un excellent exercice de langage, les fillettes reconstituant par la discussion les
épisodes successifs de l'histoire, se corrigeant ellesmêmes pour utiliser des termes de plus en plus
précis (l'une d'elles parle du sommet de l'arbre,
une autre de la cime ; l'une dit que les animaux
voient la maison des bandits, une autre qu'ils
l'aperçoivent).
— qu'en même temps que la structuration du
temps se faisait par la mise en place des événements les uns par rapport aux autres, la frise ou tableau amenait la traduction du temps par l'espace et l'utilisation synonyme de avant et devant,
derrière ou après.
— qu'il habituait les fillettes à localiser sur un
dessin, presque « géographiquement » tel ou tel fait
précis (la place des animaux dans l'arbre par
exemple) et que cette activité motrice contribuait
à la structuration de l'espace symbolisé sur le dessin et à une plus grande souplesse de mouvements.
C) Deuxième série d'exercices ; classe de Mme
Vergnolle
Evénements mémorables, événements quotidiens.
« Le temps des fillettes » et « le temps des autres »
« mémoire sociale »
Cette série d'exercices s'est située en décembre et
en janvier, à la charnière de la fin de l'année et
de la nouvelle, de l'école et des vacances, des fêtes
et du quotidien. Pouvait-on observer ce que les
enfants en avaient perçu, pouvait-on ébaucher une
« chronologie » figurée, compte tenu de l'âge de
l'enfant et du stade de son développement. Chaque
matin le nom du jour est inscrit au tableau, une
feuille mobile de l'éphéméride correspondant au
jour est déplacée et imise en évidence par une fillette ; depuis le début de l'année scolaire, comme
à l'Ecole maternelle des jours privilégiés ont été
distingués par les enfants, imais pouvaient-ils commencer à concevoir « l'histoire » d'une de leurs
journées de travail, l'ordre de succession des jours
qui avaient tenu une place importante dans leur
vie scolaire ou dans leur vie familiale.
Les exercices concernant cette investigation ont
comporté plusieurs phases :
1) Des dessins ont été faits à l'école par les fillettes lors de journées mémorables, mais sans aucune obligation.
— l'arrivée du sapin en classe mardi 15 décembre,
— la décoration du sapin mercredi 16 décembre,
— le jour des vacances mardi 22 décembre,
— le jour de la rentrée lundi 4 janvier.
Ces dessins réalisés à l'école ont été faits sur papier
écru. Le jour du départ en vacances l'institutrice
a demandé aux enfants de lui rapporter un dessin
de Noël, jour dont les fillettes avaient beaucoup
parlé ! Une seule a retenu cette demande et remis
son dessin le jour de la rentrée (dessin réalisé sur
papier blanc). Dans l'entretien sur les vacances, les
fêtes de Noël et du jour de l'an furent rappelées,
et des fillettes dessinèrent alors le « Premier Janvier » sur papier blanc, d'autres la rentrée sur
papier écru pour distinguer les vacances des jours
de classe.
L'ensemble des dessins, rejoignant les précédents,
fut placé dans une pochette au nom de chaque enfant, et toutes les pochettes rangées dans le placard.
2) Le 12 janvier (durée 1 h ) , un premier exercice est tenté. Réflexion sur le travail fait à l'école
« hier •».
But : reconstituer dans
les différentes activités
représentation possible
mander à chaque enfant
l'école « hier ».
l'ordre de leur succession,
de la veille, chercher une
et non pas seulement dede dessiner ce qu'il a fait à
Déroulement de l'exercice
— Pendant 10 minutes environ les propos des fillettes ne sont qu'un puzzle coloré où se mêlent les
59
souvenirs. L'exercice est l'occasion d'une expression orale dont l'intérêt psychologique est grand ;
sans doute devrons-nous renoncer aux buts que
nous nous proposions. L'institutrice se garde d'intervenir. Les discussions sont animées : elles sont
provoquées par les oublis, la superposition des activités d'autres journées à celles du lundi 11, les
interférences entre le matin et l'après-midi. Le
temps vécu et les souvenirs qu'il laisse à chacune
ne peuvent rallier l'unanimité des enfants.
— Brusquement plusieurs fillettes découvrent des
jalons : « on a tourné » (le lundi est en effet le
jour où les enfants changent de place et tournent
de droite à gauche autour de leurs tables groupées) ; « On a parlé de la lune », « on a raconté
une histoire ». Ces jalons sont reconnus par l'ensemble de la classe. Ils permettent à un plus grand
nombre de fillettes de retrouver et d'ordonner les
souvenirs « d'hier », c'est-à-dire la rentrée en
classe, « on tourne », « on fait le cahier de cantine », « on parle de la lune », « on lit »...
— Comment ne plus oublier ce que nous avons fait
hier ? demande l'institutrice. Cette question conduit
à deux solutions : l'écrire, le dessiner. Les enfants
préfèrent dessiner. « Mais il y a eu des récréations », «les moments où on ne travaille pas »,
remarquent deux fillettes. L'institutrice propose
alors de prendre une feuille de couleur différente
pour les présenter. Chaque fillette dessine alors
selon son choix l'une des activités de la journée de
lundi.
— Ce sont ces dessins qui servent de point de départ à un essai de reconstitution de l'emploi du
temps de lundi, « d'hier » sous forme de frise en
partant de la gauche et de la scène de rentrée en
classe. L'ordre chronologique n'est pas correctement reconstitué dès le début.
La frise est enfin réalisée. « On peut retrouver ce
qu'on a fait », remarque l'une d'elles.
— C'est le point de départ de sa lecture — à laquelle s'ajoutent quelques questions de l'institutrice : qu'avez-vous fait juste avant la récréation,...
après la lecture,... après l'écriture.
Ce que nous avons constaté ?
— Des difficultés : la première phase de l'exercice a témoigné d'oublis, de confusions normales
dans les souvenirs des enfants. L'ensemble de la
classe semble avoir ressenti cette confusion et
pris conscience des oublis. Le déroulement de
l'exercice a montré ensuite comment cette première phase, perçue comme un échec, a stimulé :
a) leur attention aux souvenirs des camarades - la
satisfaction de la découverte des jalons était évidente,
b) leur recherche d'un moyen de fixer le déroulement de leurs activités,
c) l'élaboration des concepts « avant », après »,
« plus tard ».
La notion objective de durée, de mesure, « autant
de temps », « a duré autant », « combien de temps »,
n'est pas apparue. Les enfants commencent seulement en mars, à remarquer en inscrivant au tableau les noms de chaque jour, « qu'il y a toujours
7 jours dans la semaine » ; et l'une d'elle observe
« qu'il y aura 4 semaines dans le mois ».
3) Le 13 janvier, c'est-à-dire le lendemain, mais
9 jours après la rentrée et un mois environ après
l'arrivée du sapin en classe, les pochettes de dessin
sont sorties du placard et remises à chaque enfant
sans aucune explication.
Un deuxième exercice est tenté.
Les fillettes constatent :
Déroulement
a) que des scènes manquent,
— Chaque fillette revoit avec plaisir ses dessins et
échange aussitôt ses impressions et ses explications
avec ses voisines de table. Le même événement
dessiné est reconnu malgré les différences et commenté.
b) que le même travail est représenté par plusieurs
dessins, elles choisissent donc l'un d'eux,
c) que des scènes sont mal placées, « avant », ou
« après » la récréation.
Elis corrigent donc les erreurs en déplaçant les
dessins mal placés, dans la matinée, dans l'aprèsmidi, avant, après..., plus tard.
60
— Que voulez-vous faire de ces dessins ? propose
l'institutrice — « les regarder », «on va les ranger », répond une autre — et elle les place les uns
au-dessous des autres, ce qui peut signifier « clos-
ser » (automatisme scolaire, semble-t-il, influencé
par les mathématiques, ou suggéré par l'exercice de
la veille). Les fillettes adoptent la proposition avant
l'approbation de l'institutrice.
— Le Classement par chaque fillette
La moitié des enfants ordonne les dessins correctement. D'autres ne savent où placer Noël et le
Jour de l'An. Les fêtes de vacances semblent être
à part sans qu'elles soient oubliées ainsi qu'on peut
le constater lorsque l'institutrice interroge ces fillettes. « Il y a eu Noël » ; « il y a eu le Jour de
l'An » — oui, pour les grandes personnes, ajouta
l'une des fillettes.
Celles qui ont classé correctement expliquent ce
qu'elles ont voulu faire, « c'est l'ordre de toutes
les fêtes qui se sont passées »... « Il y a eu le sapin », « après » le sapin décoré, après les vacances... Des repères sont trouvés avant, après les
vacances, la couleur blanche représente les vacances et doit faciliter le repérage, une fillette le remarque.
— Au tableau :
Des dessins illustrant chaque fête au jour mémorable sont choisis parmi tous ceux de la classe. Ils
sont placés au tableau par une fillette selon la
disposition suivante :
LA RENTREE
JANVIER
LE SAPIN
DECORE
L'ARRIVEE
DU SAPIN
LE JOUR
DE L'AN
VIVE LES
VACANCES
NOËL
D'autres fillettes comprendront-elles notre histoire ? demande l'institutrice. « Non », répond aussitôt une petit fille. Elles croient que Noël c'est le
sapin bien décoré. Une autre fillette propose de
réunir les dessins par des flèches. Elle vient les
dessiner au tableau. L'histoire est lue grâce à la
flèche.
Nouvel appel à la recherche : peut-on trouver une
autre façon de présenter les dessins afin d'occuper
moins de place au tableau ? Une fillette propose
de les mettre sur le côté et vient les placer les uns
au-dessous des autres. « Tout est en ordre » constate une autre petite fille. Mais plusieurs enfants
souhaitent réunir les dessins par des flèches qui
diront que « la première fête : l'arrivée du sapin
c'est en haut ».
l r e proposition
2" proposition « une grande flèche, grande comme ça » . Cette
T proposition réalisee au t a bleau suscite l'admirât on des
enfants.
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Observations
Ces exercices ont montré
a) que les enfants peuvent arriver à établir des
relations d'ordre entre des événements vécus par
SI
toute la classe. Elles y sont entraînées par les mathématiques. Ces relations d'ordre qui permettent
d'arriver à l'abstraction, peuvent garder à « l'histoire » du vécu enfantin son originalité. Le danger
serait de l'éliminer.
— Tenter de prospecter le contenu des représentations déjà accumulées par les fillettes du fait de
leur contact avec le milieu familial ou scolaire.
b) Elles peuvent trouver différentes manières de
représenter ces relations et constater que ces représentations peuvent éviter l'oubli des événements
vécus, et peuvent être comprises par d'autres fillettes ou d'autres personnes. C'est le point de départ d'une mémoire sociale.
— Dans les deux cas la classe a tout de suite identifié chaque diapositive comme une photographie
de tableau en même temps que son sujet : une
mairie (d'abord confondue quelques courts instants avec la police, sans doute par mimétisme
avec Saint-Germain où l'une et l'autre occupent le
même bâtiment) reconnue aux drapeaux qui la
décorent, et que l'on a située un jour de fête, un
village traversé par un chemin où marchent des
personnages.
c) D'autres relations sont apparues : ébauche de
la conscience des rapports entre les faits : le sapin est arrivé non décoré, les fillettes ont découpé
des guirlandes, elles les ont fixées ; le sapin décoré
dont elles ont gardé le souvenir heureux a été le
résultat de leur travail. Elles ont très clairement
rappelé leur rôle dans la transformation du sapin.
DI. — EXERCICES DE LECTURE DE
PHOTOGRAPHIES DE TABLEAUX - CLASSE
DE Mme VERGNOLLE, C.P. RUE AMBRE
SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
9 FEVRIER 1971 - 3 MARS 1971
Deux séances, séparées par un intervalle de quinze
jours, ont été consacrées à cette lecture : - le premier a duré environ trente minutes et a porté sur
« la mairie d'Auvers-sur-Oise le 14 juillet » par
Van Gogh
— Le second a occupé près d'une heure pour
« Auvers-sur-Oise
». Van Gogh a peint sur ce
tableau un chemin où marchent quatre femmes,
un escalier qui descend vers le chemin et où se
trouve un homme, des groupes de maisons à droite
et à gauche.
Buts des exercices
— Aborder une initiation précoce à la lecture de
l'image.
— Essayer d'obtenir des enfants une structuration
de l'espace que le peintre a voulu représenter, ceci
en limitant au maximum les interventions de l'institutrice de façon à cerner aussi exactement que
possible l'intérêt apporté par les enfants à ce travail nouveau pour elles.
62
Leur déroulement
— Les fillettes ont ensuite décrit un élément essentiel de chaque tableau, le bâtiment dont elles
ont remarqué la forme, la hauteur, le clocher, le
cadran de l'horloge, ou, sur la seconde diapositive, les personnages s'intéressant aux vêtements,
à leur couleur, aux coiffures.
— Lors de la première séance, il a fallu une question de l'institutrice pour que l'on aborde la structuration de l'espace : « que voyez-vous devant » ?
Cela a suffi pour que les enfants mènent une
observation rigoureuse des divers plans représentés sur le tableau : elles ont vu en premier plan
une chaîne placée devant un banc (car la borne
qui porte la chaîne cache une partie du banc),
une ligne de lampions tendue entre deux arbres,
la maison qui se trouve devant la rivière et la
rangée d'arbres qui la borde, car elle en cache
une partie, une seconde ligne de lampions accrochée devant la mairie (si elle avait été derrière,
cinq lampions, nous dit-on, auraient été cachés) ;
elles ont également repéré ce qui était plus près
d'elles, ou plus loin, ce qui était plus haut ou moins
haut, que certains bancs étaient en face de la mairie ou sur le côté.
Lors du second exercice, les enfants ont d'ellesmêmes abordé cette structuration avec une précision de vocabulaire étonnante : elles ont vu deux
dames, en blanc, sur le chemin, dans le coin, en
bas, à gauche, nous ont indiqué que l'homme qui
descend l'escalier porte une canne dans sa main
droite, que de la gauche il tient la rampe, qu'on
le voit de profil. Elles ont aussi noté ce qui était
en haut, plus près, ou plus loin d'elles, ont vu
que le chemin tournait à gauche, passait derrière
une maison L'institutrice a demandé où devait être
placé Van Gogh pour peindre ce paysage. Elles
ont dit « à peu près à notre place, derrière les
dames qui marchent car on les voit de dos, s'il
avait été devant on les aurait vues de face ». Elles
ont senti là, sans formuler exactement leur impression, l'idée que ce que l'on voit change avec la
place d'où on le voit, ce qui est une forme d'approche de la vision des autres et de l'objectivité.
— Dans les deux séances les fillettes ont touché au
problème du temps : sur la première image elles
ont essayé d'identifier la fête représentée, ont renoncé à Noël faute de neige, ont pensé à une fête l'été.
Sur la seconde c'est la succession des événements,
en même temps que le mouvement des personnages,
qui les a préoccupées : « quand le Monsieur aura
fini de descendre l'escalier, les dames en noir auront-elles aussi avancé et il sera juste en face
d'elles ». Les enfants ont d'ailleurs été sensibles
à tous les mouvements suggérés par le peintre,
notant en particulier le vent sur le premier tableau
grâce aux drapeaux qui se tordent, aux branches
et aux feuilles qui paraissent remuer.
— Une question de notre part a introduit, lors du
premier exercice, une dernière série de notations :
une fillette avait remarqué l'herbe autour de la
mairie, nous leur avons suggéré le caractère anormal de sa couleur jaune. Elles ont hésité ; cela
pouvait être l'été, l'herbe était sèche a dit l'une ;
une autre, vigoureusement soutenue par ses camarades, a mis une sorte de passion à nous dire que
lorsque l'on peint ou que l'on dessine, on a le droit
d'inventer, d'imaginer, que pour sa part elle pouvait fort bien peindre un écureuil rose ou un kangourou vert, que Van Gogh avait donc pu peindre
l'herbe jaune. Lors de la seconde séance, elles ont
également mis sur le compte de « l'imaginaire » ce
qui était difficile à observer et à identifier. Il
semble qu'elles soient très sensibles à l'originalité
de l'artiste, qu'elles comprennent une vision et une
interprétation autre que la leur. Elles ont aussi été
intéressées par la technique du peintre, repérant
les coups de pinceau sur le tableau, supposant que
Van Gogh s'était servi d'un « gros pinceau ».
Ce qu'ils nous ont montré
— que ces enfants laissés libres de s'exprimer,
faisaient preuve de beaucoup d'aisance dans la
discussion, se corrigeant réciproquement à chaque
observation, réussissant à progresser de façon collective.
— que l'observation se révélait
coup plus méthodique et plus
l'avions supposé au départ, le
toujours introduit comme un
côté de l'espace.
à chaque fois beauriche que nous ne
temps se trouvant
cadre d'analyse à
— que l'intérêt de la classe pour cette activité nouvelle était très grand, les fillettes manifestant leur
contrariété de n'être pas certaines de ce qu'elles
voyaient lorsque le tableau était peu lisible.
— que la seconde observation offrait plus de difficulté, l'exercice s'étant révélé un peu trop long
par la tension collective qu'il entraînait et l'inconvénient de maintenir la classe dans le noir pendant toute sa durée.
IV. — SERIE D'EXERCICES PORTANT SUR
« NOTRE VIE D'ENFANTS » VUE A TRAVERS
NOS DESSINS ET LES DESSINS DES AUTRES
Classe de Mme Vergnolle, C.P., rue Ampère
Saint-Germain-en-Laye, 16-17 mars 1971
Au moment où nous établissons le compte rendu
de nos recherches en C.P., nous n'avons vu encore
que le début de cette série qui doit se prolonger au
début du dernier trimestre de l'année scolaire.
Buts de l'ensemble des exercices
Chaque enfant est sollicitée de représenter par le
dessin quelques-unes de ses activités quotidiennes,
d'abord à l'école, puis chez elle. Ces dessins doivent permettre de repérer les activités fréquentes,
communes à un grand nombre de fillettes, puis
celles qui restent relativement rares, d'établir ainsi
les convergences et les différences dans l'organisation de l'existence des petites filles. L'observation
d'une série de photographies de tableaux concernant ou montrant des enfants dans leur parure (Vélasquez-Renoir), leurs jeux (une ronde chinoise
par Maï-Thu, l'enfant au mouton de Picasso, l'enfant au toton de Chardin), leurs travaux (la charrette de foin de Le Nain) doit permettre d'enrichir
cette analyse du degré de socialisation, d'affiner
encore l'entraînement des fillettes à "observation
et à la perception des différences introduites par
le temps.
63
Déroulement de la première étape
— Une leçon d'éducation physique sous le préau
de l'école en a été le point de départ. Les fillettes
se donnant la main ont d'abord décrit une farandole, un « serpent » a-t-on dit, puis une ronde, la
tête et la queue de la farandole se rejoignant. Puis
des enfants ont quitté la ronde, par groupes de
cinq, pour aller se placer au milieu de celle-ci, ou
en dehors. D'autre part des bâtons ont été distribués à un certain nombre de fillettes pour que dans
la farandole une sur deux en ait un, pour que,
au moment où la farandole se transforme en cercle,
l'alternance soit respectée, pour que l'on constitue
d'autre part des groupes de trois avec au milieu
une fillette tenant un bâton. Celui-ci change de
mains et le groupe doit se reconstituer puisque la
fillette qui le tient doit toujours être au milieu.
— Les dessins traduisant ces jeux ont été faits
l'après-midi même et leurs commentaires en classe
quelques jours après. Ils nous ont montré d'abord
qu'une moitié de la classe environ reproduit « le
serpent » avec la succession des fillettes ayant
ou non un bâton. On nous a dit que l'enfant qui
en tient un est entre deux qui n'en ont pas, que la
fillette sans bâton est entre deux qui en ont un,
que si la première de la file en tient un, la dernière ne doit pas en avoir pour que l'alternance soit
respectée quand la ronde se forme. Certaines se
sont trompées, leurs camarades les corrigent en
expliquant pourquoi.
groupes de trois fillettes formant des ensembles
dans des cercles fermés, les flèches indiquant les
sens de déplacement de la farandole ou symbolisant
les foras des fillettes qui se rejoignent.
— Nous avons noté aussi les tentatives pour traduire le mouvement (par ces flèches en particulier)
et le temps : une des fillettes dessine un groupe
de trois où l'enfant au bâton n'est pas au milieu :
« c'est parce qu'elles sont en train de changer et
qu'elle n'est pas encore arrivée au milieu » nous
dit-elle. Le temps apparaît également dans l'utilisation des couleurs : sur son dessin de la ronde
l'une des fillettes explique qu'elle a utilisé des couleurs différentes pour indiquer les fillettes déjà
sorties de la ronde, puis celles qui sont prêtes à
en sortir, puis celles qui vont la quitter après,
chaque groupe de cinq se trouvant ainsi identifié.
— Ensuite a été projetée une photographie d'une
peinture chinoise, « la ronde » par Maï Thu, une
ronde de garçons et de fillettes, un petit garçon au
milieu. La joie des élèves en retrouvant là un de
leurs jeux a été évidente, l'une en particulier s'est
souvenue avoir déjà vu ce tableau l'an dernier,
au mur de sa classe à l'école maternelle. On a identifié des enfants chinois (j'en ai vus à la terrasse,
j'en ai vus à la télévision), reconnu une ronde,
montré qui l'on voit de dos, de face, de côté, qui
est au milieu ; on a aussi repéré le sens dans lequel
tourne la ronde à la direction des pieds en nous
disant que l'on avançait en mettant un pied devant
l'autre, les costumes, les couleurs ont aussi suscité
beaucoup d'intérêt.
— La représentation de la ronde a soulevé de
nombreuses difficultés : l'enfant qui la dessine voit
des fillettes en face, d'autres de dos, d'autres de
profil. Certaines ont tourné la difficulté en ne dessinant que les fillettes que l'on voit de face et en
terminant la ronde par une simple ligne, d'autres
en plaçant tout le monde de face. Près de la moitié
ont dessiné la tête en bas et les pieds en l'air les
fillettes qu'elles étaient censées représenter de
dos. Lors de la discussion elles ont souligné la
difficulté, conclu qu'il fallait bien représenter certaines fillettes de dos, d'autres de face, mais que
tout le monde avait les pieds par terre. Ce problème réglé on a encore, avec beaucoup de facilité, montré qui était au milieu du cercle, à l'intérieur ou à l'extérieur, qui était face à face, à côté
d'une autre, à sa droite, à sa gauche.
— Nous avons noté encore le goût très grand des
fillettes pour cette observation, la joie devant certains tableaux, le goût des couleurs.
— Nous avons noté au passage la place tenue dans
ces dessins par les schémas de mathématiques, les
— Une nouvelle fois le fait que la structuration du
temps et de l'espace ne peuvent pratiquement se
€4
— L'exercice doit se poursuivre avec un autre tableau, la « récréation » du même peintre. On ne
l'a encore regardée que le temps d'identifier les
jeux : deux enfants jouent au ballon, un autre se
balance après un arbre, deux autres se battent (ou
font du judo nous dit une fillette), d'autres forment
une ronde, ou jouent avec un masque. L'identification a été très rapide, l'analyse dans le cadre da
la structuration de l'espace représenté sera reprise
ensuite.
Ce que nous avons appris
dissocier et que ces concepts se construisent en
même temps nous est apparu nettement.
— La maîtrise du vocabulaire caractérisant les
principales relations d'espace semble certaine tandis que la moitié de la classe ne sait pas, par le
dessin, représenter des fillettes vues de dos et en
a conscience.
Conclusion
Nous tenons à rappeler encore qu'est resté pour
nous primordial le fait que la recherche menée
était appliquée et non fondamentale.
Nous nous sommes souciées sans cesse de rester
près des enfants, à leur niveau, de conserver à ces
exercices ce qui pouvait séduire les fillettes, même
s'ils ont, assez tôt, suscité plus de résonances que
nous ne l'avions imaginé. Ils ont toujours entraîné
beaucoup d'intérêt, d'activité, de passion même.
Ce souci constant a peut-être limité certaines de
nos investigations : par exemple nous avons pu
repérer le rôle des mass média, de la télévision en
particulier, dans la formation de certains concepts
(l'enfant chinois, la maison japonaise reconnue à
travers Van Gogh). De même nous avons pu entrevoir le rapport entre l'acquis de la formation personnelle et familiale et la rencontre de certaines
activités concernant directement les fillettes, par
exemple le judo identifié sur l'un des tableaux chinois parce que l'on en avait vu, qu'un des membres de la famille en faisait, que l'on espérait aussi
en faire quand on aurait l'âge requis. Par contre
nous n'avons pas essayé de voir cet acquis par des
termes utilisés en histoire comme ceux de gouvernement ou de démocratie, qui nous avaient été suggérés, ne sachant pas comment les introduire au
C.P. Nous nous sommes intéressés surtout à multiplier les situations scolaires, en rapport avec l'expérience des enfants, qui permettraient de structurer temps et espace et de préparer à l'observation
correcte des documents.
Les maîtresses des cours préparatoires nous ont fait
part de leurs observations : dans les classes concernées par ces exercices, l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, des mathématiques, a paru
plus facile. Peut-être les situations concrètes, lors
des promenades par exemple, ont-elles permis de
mieux s'exprimer et de communiquer, ont fait
naître un souci plus grand de convaincre les autres, le dialogue dans la classe est devenu réel et
permanent. Peut-être s'agit-il d'une coïncidence
seulement ? Il faudrait que la recherche de l'année
prochaine réussît à préciser ce point et s'il y a,
ou non, lien de cause à effet.
D'autre part, nous avons noté que l'on est parvenu
dans nos C.P. à un stade de structuration du temps
et de l'espace, étroitement associés, qui permet le
maniement correct du vocabulaire fondamental associé à ces concepts et une approche, par ce moyen,
de représentations lisibles par tous, ce qui est une
forme de socialisation. Pour la première fois les
institutrices ont vu apparaître sur les dessins des
fillettes (rondes, cirque, cour d'école) une sensibilité, sans uniformité d'ailleurs, à la profondeur.
Dans un autre ordre d'idées, la précocité de
certaines activités d'observation en particulier, nous
paraît offrir l'avantage que l'enfant apprenne à
regarder avant que l'imagination favorisée par
la lecture, n'intervienne et n'introduise ses schémas entre l'image et l'observation ; or cette attitude, source de dramatisation et d'erreurs, est
fréquemment observée au C E . : par exemple, la
vue d'Auvers-sur-Oise par Van Gogh, n'a entraînée au C.P. qu'une observation de caractère
Objectif. Dans un CE., la même photographie a
fait naître les impressions suivantes : le chemin est
dur à gauche, les dames ont de la peine à avancer,
les maisons que l'on aperçoit sont vieilles, pauvres,
on doit y être malheureux : cette attitude nous
paraît dangereuse, nous observons souvent en CE.
et C M . des affabulations de ce genre capables
d'être le point de départ de mythes persistants qui
paralysent le développement de l'objectivité et le
travail de l'historien.
Par contre ces exercices nous ont amenées à penser qu'il pourrait être dangereux de concevoir
d'une façon trop systématique leur réalisation,
les enfants ayant du mal à renoncer longtemps
après, à des images privilégiées : ainsi les arbres
de la forêt sont réapparus de longues semaines
dans leurs dessins, ce mode d'expression a également impressionné leurs cartes de Noël. Il est vrai
que les signes mathématiques, les ensembles, les
flèches, reviennent aussi assez systématiquement
dans les dessins. Nous croyons d'autre part qu'une
objectivation prématurée peut risquer de tarir la
fantaisie et l'originalité propres à chaque enfant
et génératrices de poésie et de personnalité. Ainsi,
pendant la promenade en forêt, les fillettes ont dit
à plusieurs reprises « ce n'est pas la même forêt »
65
comme s'il y avait pour chacune la sienne propre,
à laquelle elle tenait, qu'elle connaissait par ses
jeux antérieurs et refusait d'identifier avec celle
des autres. Le recours à l'art nous paraît susceptible d'être l'antidote à ce risque de déshumanisation.
La modestie de l'ensemble d'exercices que nous
présentons ici peut paraître les situer seulement
au niveau de schémas directement utilisables. Nous
pensons qu'il appartient aux psychologues d'en
faire le point de départ d'une recherche fondamentale, nous souhaitons qu'ils nous aident à en
préciser les lacunes et à en percevoir l'extension
et l'approfondissement possibles.
Madame Wienert - Mademoiselle Priorez
II. En partant de la photographie d'un manuscrit du XVe.
1) J'observe et je dessine une rue de mon
quartier (centre commercial).
2) J'observe le dessin de la rue d'une ville
fait par un homme il y a très longtemps.
a) Commentaires oraux. Description et
analyse de ce qui est perçu.
b) Des enfants dessinent ce qu'ils ont
observé.
c) Retour au document initial.
6) Comment ces enfants de C.P. découvrent le
musée de Normandie.
I. Limiter les objectifs à atteindre.
II. La visite, les enfants découvrent les objets ; ils observent et traduisent par des dessins et des commentaires oraux ce qu'ils ont
vu.
B) ECOLE NORMALE
D'INSTITUTEURS DE CAEN
1) Il faut d'abord observer les enfants.
2) Comment passer de l'observation à l'exercice
pédagogique.
3) Exercice fait en liaison avec l'enseignement des
mathématiques (voir chap. III).
4) Comment ces enfants de C.P. perçoivent et
traduisent les notions de « jeune, récent, vieux,
ancien ».
I. L'enfant se réfère librement à ce qu'il sait
ou croit savoir. Il dessine animaux, plantes,
personnes, maisons.
II. Il distingue récent et ancien en partant de
documents photographiques qu'il observe.
5) Comment des enfants de C.P. lisent un document iconographique.
I. En partant de représentations préhistoriques d'animaux.
Il observe, il décrit, il dessine, il compare, il
se renseigne sur les auteurs des dessins.
66
III. Projet permettant de perfectionner le même exercice et de déboucher sur l'étude
comparative d'un intérieur ancien et d'un intérieur moderne.
Conclusion.
1) IL FAUT D'ABORD OBSERVER
LES ENFANTS
Travaillant sur plusieurs C.P., ce qui nous a frappé
au premier abord, c'est la différence entre les
cours préparatoires. Et nous étions sur le point de
nous dire : « autant de C.P., autant de résultats
différents ». Mais si on propose systématiquement
la même difficulté à plusieurs C.P., on voit que les
solutions apportées par les enfants sont du même
type.
Prenons un exemple : nous donnons à deux C.P.
différents exactement la même consigne : « Tu
dessines sur la même feuille ce que tu fais le
matin, le midi, le soir ». Le maître se contente de
donner la consigne et de ramasser les feuilles, il
a cependant expliqué aux enfants : « en voyant
votre dessin, il faut qu'on puisse comprendre ce
que vous avez fait ».
Beaucoup de dessins n'étants pas nets, on a ensuite
demandé à chaque enfant de dire ce qu'il avait
représenté et on a identifié les actions, ce qui
prouve qu'au C.P. un grand nombre d'enfants ne
sont pas spontanément capables de traduire un
élément vécu qu'ils connaissent bien par une représentation symbolique compréhensible par tous.
L'étude des résultats obtenus nous amène aux
résultats suivants :
SOLUTION I : Les de:;ins les plus riches représentent matin, midi et soir comme trois groupes,
trois ensembles différents ordonnés. Les éléments
qui se trouvent à l'intérieur des ensembles (jusqu'à
18) sont eux-mêmes ordonnés, soit à l'aide de
flèches, soit à l'aide d'un chemin, soit sur une ligne
horizontale.
Ces dessins sont donc structurés ainsi :
Je pars de l'école
Je me déshabille»
Je joue
/ Papa arrive»'
l
Vje mange et je me couche*
Dans un C.P., appelons le C.P. 1, 4 élèves sur 30
ont choisi cette solution.
Dans le C.P. 2, 1 élève sur 30 a choisi cette solution.
Trois élèves sur les deux C.P. aboutissent à une
représentation cyclique en triangle :
Matin
Soir
SOIR
MIDI
MATIN
Midi
SOLUTION II : L'enfant représente trois actions
et trois actions seulement, ordonnées en fonction du
temps :
soit verticalement : C.P. 1 : 0/15, C.P. 2 : 0/14,
soit reliés par un chemin : C.P. 1 : 3/15, C.P. 2 :
0/14.
(Au C.P. 2 on trouve 9 fois la solution : trois éléments juxtaposés sans ordre.)
S'il arrive que l'enfant dessine sa maison, il ne
représente plus alors des lieux mais trois moments
dans une maison qui est un cadre temporel. En
fait, une étude plus approfondie montrerait qu'il y
a alors de nombreux cas intermédiaires, car l'enfant qui divise sa maison en trois moments peut
par exemple continuer à opposer intérieur et extérieur si bien que les deux structures spatiales
et temporelles interfèrent, ce qui donne par exemple :
n
Le matin je déjeune
A midi je mange
Le soir je me couche
Au C.P. 1, 15/30 ont choisi cette solution.
Au C.P. 2, 14/30 ont choisi cette solution.
Les éléments sont ordonnés :
soit horizontalement de gauche à droite : C.P. 1 :
12/15, C.P. 2 : 10/14,
soit horizontalement de droite à gauche : C.P. 1 :
0/15, C.P. 2 : 4/14,
Je déjeune je mange et je regarde
la télé
HN. ^
. [~>je joue
dehors
avec mes
Soir
Matin
Midi
avions
dedans
67
SOLUTION l u : L'enfant figure 2 ou 4 actions qui
se situent dans des lieux mais qui ne sont pas
reliées par un ordre temporel. En fait il représente un espace.
Exemple type : l'enfant dessine sa maison avec
une seule pièce dans laquelle il y a une table et
un escalier en haut duquel il y a un lit. Sur la
table il place trois repas (matin au milieu de la
table, midi à droite, soir à gauche du côté du lit)
et il dit : « le matin je mange, à midi je mange,
le soir, je mange et je me couche ».
7/30 ont choisi cette solution dans le C.P. 1,
6/30 ont choisi cette solution dans le CP 2.
SOLUTION IV : Enfin nous avons trouvé un certain nombre de dessins extrêmement confus et
non structurés. Une rapide information nous a
appris chaque fois, soit que l'enfant était débile,
soit qu'il avait des troubles affectifs très marqués.
Les enfants en question avaient déjà été remarqués par les institutrices pour leur faiblesse et
presque tous avaient été signalés au service de
psychologie scolaire.
Si petit que soit le nombre des enfants de l'échantillon (60 pour deux C.P.), on peut, sans avoir à
faire une étude statistique, retrouver les solutions
qu'ils proposent à un problème.
Bien entendu, d'un C.P. à l'autre, le nombre des
sujets ayant choisi telle ou telle solution varie et
c'est ce qui fait la différence entre les deux C.P.
Dans le C.P. 1, les quatre qui ont choisi la solution
n° 1 sont aussi ceux qui trouvent le plus d'idées
dans l'exercice que nous rapportons ci-après.
Si l'on étudie ce qui se passe dans un CE. 1, on
a des résultats à peu près semblables mais la notion de trois éléments à représenter est devenue
plus imperative : 23/24 au C E . 1 au lieu de 19/30
au C.P. 1 et 23/30 au C.P. 2. Au CE. 1 on trouve
8 dessins sans ordre temporel et un dessin non
structuré.
Ces premières remarques ont été complétées par
l'étude des relations interpersonnelles au sein des
C.P.
Par exemple, nous avons demandé à chaque enfant : « Tu dessines sur une feuille tes deux
camarades préférées.
Nous avons dépouillé les dessins et cons'ruit le
psychogramme ci-après,
Sans l'analyser ici en détail, chacun verra qu'il
révèle une « étoile », Carole, deux petits groupes
formés l'un autour d'Axelle, l'autre autour de
Véronique G., l'une est la nièce de la maîtresse et
l'autre la fille d'une institutrice de la même école.
Apparaissent également des isolés que personne
n'a choisi.
D'autres observations du même genre ont été
conduites sur les relations orales au cours d'une
leçon, relations entre élèves et relations maître
élèves.
Dans le C.P. 2, avant d'entreprendre toute action
pédagogique, nous avons également cherché comment les 30 enfants entendaient les notions :
« avant, pendant, après ».
Dans une première phase, les enfants ont dessiné
librement sur le thème : « tu dessines ce que tu
fais avant, pendant et après l'école ».
Dans une deuxième phase, elles ont commeiré
individuellement leurs dessins.
Dans une troisième phase nous avons observé ces
dessins et effectué une sorte de classement qui
nous a permis de dégager une « base de départ »
pour fonder les actes pédagogiques.
14 dessins sur 30 (à peine la moitié) représentent
trois actions ou trois lieux, mais seulement 4 sont
ordonnés dans l'espace de la feuille. Une seule
enfant a divisé sa feuille en trois parties à peu
près égales et a dessiné deux actions dans chacune
d'elles. Son commentaire a été le suivant :
Cette façon de poser la question : « Tu dessines
ce que tu fais le matin, le midi, le soir » conduit
la majorité des enfants à penser aux repas.
« Avant l'école je me balance sur les barres, là
c'est l'école. »
C.P. 1
Je mange 44 fois
Je dors 10 fois
Je me lave 7 fois
— Pourquoi ne te voit-on pas ?
68
C.P. 2
Je mange 45 fois
Je dors 6 fois
J e me lave 4 fois
« Parce que je suis dans l'école et là (3* partie),
je joue dans te bac à sable et je vais sur le toboggan. »
Isabelle»^ J
(absente)/
5ophie. R
O
Valérie
>0—*C\
Q
Evelyne/^
a ^ /
>>'> Sophie B
\
Véronique
MaKe- P|ascale
Christine
Florenci
C-P, Nov. 70
69
— Que fais-tu encore après l'école ?
« Je m'amuse avec des petites camarades à courir
ou à sauter. »
— Et puis ?
« C'est tout ! »
Elle a donc bien intégré les notions d'avant, pendant, après. Elle symbolise les notions temporelles
par des actions réductibles à un verbe.
Pour 10 sur 14 qui ont représenté trois actions,
l'ordre n'apparaît pas. Exemple :
AVANT
je vais à l'école
PENDANT
on travaille
APRES
je joue au ballon
Dans ce cas il arrive souvent que le dessin, revu
huit jours après par la même enfant symbolise
autre chose.
Les trois notions d'avant, pendant, après ne sont
donc pas acquises par l'ensemble de la classe, pas
même la moitié de la classe, on voit aussi que
presque tous les enfants sous-entendent que leur
dessin est compréhensible, mais en fait, il ne le
devient qu'avec des explications. L'ordre dans la
représentation n'importe que pour quatre élèves
et enfin à une exception près, « avant », « pendant » et « après » ne sont pas saisis comme des
moments pendavt lesquels peuvent se dérouler
plusieurs actions qui se succèdent.
Pour 11/30 de ceux qui n'entrent pas dans les
catégories déjà envisagées, le dessin représente
deux ou quatre lieux ou actions
(7/11 en comportent 2),
(4/11 en comportent 4).
Exemple : L'un d'entre eux juxtapose des balançoires, l'école, une cage et une maison. Commentaire : « Là, c'était le matin quand je me balance
à la balançoire, là, c'était le soir avec mon petit
oiseau, là c'est une petite cage. Pendant l'école
quand on a eu la petite poupée Caroline, on va la
voir, on écrit sur notre cahier : Caroline va bientôt
arriver. »
70
« le soir ma sœur fait ses
leçons,
et là... (la maison)
là, la chambre de mon
/ père,
. _ _ _ / _ l à , la cuisine
y — la cuisine est au-dessus des chambres ?
« Non et elle fait un geste
pour indiquer qu' « elle
a représenté à la verti
cale ce qui était à l'horizontale dans sa maison ».
n
Cette même enfant a donc à la fois des difficultés
pour représenter trois moments, pour conjuguer
les verbes dans un récit et pour représenter l'espace dans lequel elle vit.
Pour ce groupe de 11/30 les notions d'avant, pendant, après donc donc encore plus floues. Ces enfants procèdent par association d'idées plus que
par référence au temps. Ils n'ont pas pu réaliser la
consigne qu'on leur avait donnée. Tout est structuré sur la distinction maison-école, on joue à la
maison, on travaille à l'école. Il faudra tenir
compte de tout cela dans notre action pédagogique.
Enfin, pour les S derniers dessins : la représentation est très confuse.
L'une de ces enfants a des difficultés d'élocution,
les autres présentent des troubles divers.
L'une d'entre elles, qui a sans doute aussi fait des
mathématiques modernes qu'elle n'a pas assimilées
commente :
« là, c'est des courbes avant l'école, je fais des
courbes fermées et des courbes ouvertes. »
— Et après l'école ?
« c'est une courbe qui est accrochée. »
— Et là ?
« c'est ma sœur qui part à l'école avec moi. »
— Quand ?
« Après l'école. »
Pour ces 5 enfants, les notions ne sont donc pas du
tout intégrées. Ces enfants ne sont pas au même
stade de maturation que les autres. Toutefois ils
ont mieux réussi l'exercice « matin, midi, soir »,
parce qu'au lieu de structurer sur la distinction
maison-école, ils se sont référés aux repas et au
sommeil.
En faisant ce travail d'observation, on rencontre
également des vérités qui n'ont rien à voir avec la
structuration du temps mais qui n'en sont pas
moins importantes pour favoriser une meilleure
relation maître-élève.
2) COMMENT PASSER DE L'OBSERVATION
A L'EXERCICE PEDAGOGIQUE ?
Février 1971
Activités pédagogiques réalisées au C.P.II (classe
de M"" fiioult).
(Les dessins sur < avant, pendant et après » ont
été utilisés pour fonder une activité pédagogique).
Dans ce C.P., nous avons tout d'abord cherché à
voir comment les trente enfants entendaient les
notions « avant, pendant, après ».
Ces élèves ont été invités à dessiner sur le thème :
« tu dessines ce que tu fais avant, pendant et
après l'école ». Un commentaire oral de leurs
dessins leur a été demandé.
L'observation de ces dessins nous a donné un certain nombre d'indications et une « base de départ » pour fonder les « actes pédagogiques ».
Le tableau suivant permet de dégager l'essentiel :
14/30 élèves ont représenté
3 lieux, 3 moments, 3 actions dont :
4/14 ordonnés dans l'espace
10/14 sans ordre
11/30 élèves ont représenté
2 lieux ou moments, 4 actions dont
2 éléments : 7/11
4 éléments : 4/11
avoni* 1 école
5/30 élèves ont
confus.
représenté
des
éléments
Les activités suivantes ont eu pour but principalement :
— l'intégration des notions avant, pendant,
après ;
— la recherche d'un ordre, d'une succession
organisée dans les activités vécues par les enfants durant la journée scolaire.
LES NOTIONS
L'ECOLE :
AVANT,
PENDANT,
APRES
La maîtresse a tout d'abord glissé les trois mots
dans les textes de lecture pour que les enfants
apprennent à les lire. Ces mots ont été inscrits
sur de grandes étiquettes séparées. Toute la classe
a joué avec ces étiquettes. Il s'agissait de les reconnaître ou bien de composer des phrases avec d'autres mots aoquis qui se trouvaient au tableau ou
sur des bandes accrochées aux murs de la classe, ou
enfin des phrases orales qui comportaient un ou
plusieurs des trois mots. Par exemple : « avant
l'école on a déjeuné chez maman. »
Un jeu de ces trois étiquettes a ensuite été distribué à chaque élève, et à l'appel de l'un des
mots, chacune devait lever le signe correspondant.
Après la connaissance des trois mots, chaque élève a été invité à disposer les trois étiquettes dans
un espace organisé.
L'étiquette : « à l'école » avait été jointe aux
précédentes. L'élève qui trouvait une solution, allait l'exposer à ses camarades à l'aide de trois
grandes étiquettes qui pouvaient être déplacées sur
le tableau.
Plusieurs propositions furent avancées, elles furent
critiquées et acceptées dans la mesure où un ordre
était respecté :
pendant* I école
après l'école
71
yj
r)
avant
après
pendant
pendant
après
l'école
Après avoir joué avec les étiquettes, chaque enfant
retrouvait le dessin qu'elle avait fait dix jours
auparavant et qui nous avait servi à l'observation
des élèves.
Sur leur dessin, les élèves devaient placer le mot
« avant », « pendant » et « après » sur la scène
représentée qui convenait.
Les 5 élèves qui avaient réalisé un dessin confus,
posèrent leurs étiquettes n'importe où.
En revanche, les 7 qui n'avaient dessiné que deux
lieux, moments ou actions se montrèrent beaucoup
plus préoccupées parce qu'elles se voyaient obligées d'exclure une étiquette (l'une d'elles de
commenter : « il aurait fallu que je me fasse »).
Pour ces 12 enfants, cette phase de l'exercice avait
pour but de leur faire prendre conscience que leur
représentation ne correspondait pas ou insuffisamment à la consigne donnée, et que seul, sans explication de leur part, leur dessin n'était pas ou imparfaitement compréhensible.
Les 4 élèves qui ont représenté quatre lieux, moments ou actions, ne se posent aucune question
(elles ont placé l'une des étiquettes à cheval audessus de deux scènes).
Enfin les 14 autres, qui ont dessiné trois scènes,
n'éprouvent aucune difficulté mais une enfant fait
remarquer qu'elle ne peut ranger ses étiquettes
dans l'ordre. (Cette préoccupation n'est apparue
que chez l'une d'elles.) Une autre lui répond que
l'on pourrait découper chaque scène et les ordonner. Cette solution est acceptée par toutes avec enthousiasme, à la fois parce qu'elles aiment se servir des ciseaux, mais aussi parce qu'elles voient la
possibilité d'établir un rangement dont l'imperfection donnait du souci à beaucoup d'entre elles semble-t-il.
72
avant
I école
Nous avons remarqué que pour découper, la plupart ont entouré leurs scènes d'un trait de crayon
qu'elles ont essayé de suivre avec plus ou moins
de succès. Ce qui montre les difficultés qu'elles
rencontrent encore à maîtriser leurs gestes. D'elles
même, les enfants rangent les morceaux de leurs
dessins représentant les différents moments et disposent les étiquettes « avant, pendant, après »
qui correspondent.
Dans cette dernière phase, il semble que les notions commencent à être intégrées par plus de la
moitié des élèves, grâce à leurs recherches et à
leurs propre activité. Mais le problème est loin
d'être résolu pour les 5 élèves qui ne paraissent
pas être au même stade de maturation que les
autres.
Aussi, pour éviter que certaines enfants restent dans
une situation d'échec et pour développer chez toutes l'esprit de coopération, la maîtresse a proposé
de composer trois panneaux.
Sur le premier panneau, est placée l'étiquette
« avant l'école ».
Sur le second panneau, est placée l'étiquette
dant l'école ».
pen-
Sur le troisième, l'étiquette « après l'école ».
Chaque élève vient alors accrocher les parties de
son dessin sur la ou les plaques de son choix et
doit justifier ce choix.
Une fois les panneaux remplis, les enfants leur ont
choisi une place et un ordre.
Cette disposition des panneaux dans la classe permet aux élèves qui ont des difficultés de pouvoir
associer à tout moment le dessin et le support
verbal.
Enfin grâce à l'apport de toutes, les élèves retracent leurs différentes activités, par exemple :
« avant l'école, nous déjeunons toutes, les unes
jouent au ballon, deux autres courent pour aller à
l'école, trois autres se suspendent aux barres... »
Nous voyons alors clairement les activités les plus
valorisées (les repas, les récréations et les déplacements). Les enfants constatent qu'elles ont à
elles toutes représenté beaucoup plus de choses,
qu'elles n'en ont chacune dessinées, soulignant ainsi d'elles-même, la richesse du groupe par rapport
à celle de l'individu seul, mais aussi elles se montrent sensibles au fait que leurs représentations
ne sont pas toujours compréhensibles par toutes
puisqu'il leur est demandé des précisions par les
autres.
-^
^
LE CODAGE ET L'APPROCHE
DE LA SUCCESSION :
Dans les exercices suivants, il a été proposé aux
enfants de chercher des représentations qui leur
permettraient de traduire leurs activités pendant
l'école (c'est-à-dire pendant un moment où leurs
activités sont communes). Le but était de se faire
comprendre d'une personne étrangère à la classe
(en l'occurence de Mme Noël, Directrice de l'Ecole).
Après la récréation du milieu de la matinée, les
élèves sont invitées à retrouver tout ce qu'elles
ont fait depuis qu'elles sont entrées dans l'école
et à chercher des représentations. Elles énumèrent
leurs activités et proposent des dessins qui ont
été discutés et schématisés au tableau.
•
^
/
£
A : le chef de groupe range les cartables.
B : nous lisons au tableau, nous jouons avec
le texte.
C : nous écrivons sur notre ardoise.
D : nous pendons ou dépendons notre manteau.
E : nous jouons.
La maîtresse rappelle la règle du jeu que les
enfants ont tendance à oublier ; « Mme Noël pourra-t-elle comprendre avec nos dessins ce que nous
avons fait depuis que nous sommes entrées dans
l'école. » Une élève propose alors de flécher (notion qui a été acquise par les mathématiques antérieurement) pour indiquer l'ordre dans lequel les
activités ont été effectuées. Elle vient alors expliquer son idée aux autres et commence à construire
un itinéraire spatial qui représente un ordre chro-
^/E
nologique (voir l'itinéraire en pointillé). Mais une
autre élève signale qu'elles ont aussi joué avant
d'entrer en classe, qu'elles ont pendu plusieurs fois
leur manteau et qu'il faudrait plusieurs dessins
de manteaux semblables. Une enfant propose alors
de modifier l'itinéraire pour être plus précise.
Peu à peu le schéma s'élabore avec toutes les idées
émises et un fléchage définitif est établi, voir l'itinéraire en trait plein. (Ce qui ne veut d'ailleurs
pas dire que la notion mathématique est intégrée
par toutes, ni celle de succession.)
Quand la classe estime avoir retracé complètement
la succession des activités scolaires de cette partie
de la matinée, nous demandons à Mme Noël d'éprouver notre codage.
Cette phase s'effectue dans un silence impressionnant. Le « suspense » est total. Les élèves, prises
73
au jeu, surveillent toutes les paroles de la personne étrangère à la classe. Elles se sentent responsables de l'échec ou de la réussite. Le code
s'avéra suffisamment clair dans l'ensemble, mais la
maîtresse signala que tout n'avait pas été représenté. Les enfants avaient chanté, or cela n'avait
pu être trouvé par M™ Noël, puisque ce n'était pas
traduit par un symbole.
Ces premiers dessins furent reproduits sur des
étiquettes et distribués à chaque enfant. Au même
moment d'une autre matinée où les activités avaient
été semblables mais faites dans un ordre différent,
les élèves sont invitées individuellement à ranger
leurs dessins dans l'ordre où les activités se sont
déroulées. Avec un morceau de craie, elles recherchent la succession :
16 ont réussi,
15 ont commis de nombreuses erreurs.
Au fil des jours, le nombre d'étiquettes dans les
enveloppes se multipliait. Chaque enfant dispose
d'un jeu de 12 dessins.
Deux exercices leur sont alors proposés, l'un
consiste, à la fin d'une après-midi, à aligner leurs
Avanl" le c a l c u l
( placé en second)
Jr (chante)
étiquettes afin de retracer chronologiquement les
activités de la journée, or certaines étiquettes portaient les symboles d'activités n'ayant pas eu lieu ;
ce qui devait permettre de distinguer les élèves
qui avaient une conduite stéréotypée et celles qui
avaient vraiment compris et qui élimineraient les
signes inutiles (10 dessins étaient à ranger).
21
3
1
1
3
ont eu moins de trois erreurs,
ont eu entre 3 et 5 erreurs,
a commis une erreur de fléchage,
n'a pas éliminé les étiquettes inutiles,
n'ont rien fait.
Le dernier exercice sur ce thème a consisté à
prendre une séquence de travail comme repère et
à ranger ce qui avait été fait avant, pendant et
après. Ce qui devait permettre de voir comment les
enfants allaient mettre en relation les activités pédagogiques successives.
La séquence choisie a été celle du calcul. Les deux
jeux d'étiquettes sont distribués. Il s'agissait d'ordonner des symboles représentants ce que les élèves avaient fait avant, pendant et après le calcul
dans la matinée.
Pendanh
( p l a c é en premier)
Après lecalcul
(placé le troisième)
( poésie)
Les résultats ont été les suivants :
19
4
3
2
1
ont
ont
ont
ont
n'a
réussi
fait une erreur
fait moins de trois erreurs
fait plus de trois erreurs
rien fait.
Ces derniers résultats montrent que toutes les élèves de la classe n'ont pas acquis les notions pour
lesquelles ces exercices ont été conçus. Elles devront être reprises ultérieurement sous d'autres
formes, sinon nous risquons d'installer un mécanisme répétitif.
Cet exemple permet de concevoir les difficultés
d'un enfant du cours préparatoire pour prendre
conscience des moments qu'il vient de vivre et pour
les organiser. Il lui est encore plus difficile de
représenter ces réalités pour les communiquer aux
autres. Des exercices appropriés nous semblent
être nécessaires pour l'aider à intégrer des notions
(qu'elles soient mathématiques, prégéographiques,
ou pré-historiques), mais ces exercices ne doivent
pas devenir un entraînement systématique et quotidien, ils doivent se réaliser à l'occasion d'activités
qui naissent de l'intérêt des enfants. Ils doivent lui
permettre de chercher et d'inventer des solutions.
4) COMMENT LES ENFANTS DE C.P.
PERÇOIVENT ET TRADUISENT LES NOTIONS
DE « JEUNE », « RECENT » ET
« VIEUX », « ANCIEN »
I. L'ENFANT SE REFERE LIBREMENT
A CE QU'IL SAIT OU CROIT SAVOIR
Il est nécessaire que l'éducateur ait connaissance
du système de repérage de l'enfant pour agir en
tenant compte des idées qu'il possède déjà.
me
Dans un C.P. d'Hérouville (M Mondiegt, 22 élèves), nous avons demandé aux enfants de dessiner :
un animal jeune
une plante jeune
une personne jeune
une maison récente
un vieil animal
une vieille plante
une vieille personne
une maison ancienne
Il fut convenu que tous les dessins seraient placés
sur une même feuille, après quoi, les enfants ont
travaillé librement.
L'observation permet de faire ressortir les critères
suivants :
ANIMAUX
Jeunes
Vieux
Petits
12/22
Plus gros
1
Les oiseaux volent
3
Queue et oreilles dressées . .
2
Foncé
3
Clair
1
Gros
12/22
Plus petit
1
Oiseaux à terre
3
Oreilles basses.
2
Avec des taches
Clair
Foncé
2
3
1
PLANTES (arbres)
15
Gros et grands
1
Petit
Beaucoup
de
Peu de feuilles
10
feuilles
Tronc foncé . .
1
Tronc clair . . . .
10
1
PERSONNES
Sont représentés avec des objets
marquant
la
vieillesse
pour
l'enfant
(canne,
lunet11
11
Petits
Gros
Sont représentées avec des
objets ou par
des actions liées
à l'enfance (berceau,
voiture
d'enfant, jeu) . .
Vêtements
Petits
Cheveux raides
5
4
2
Blanches, claires
Avec
antenne
Vêtements longs
Grands
Indications : papa, maman . .
MAISONS
Sombres, déla15
brées, avec fissures et trous . .
Sans
antenne
1
télé
Avec de nombreuses ouvertures, petites et
compliquées,
œil de bœuf,
fronton
15
1
3
4
2
18
1
1
75
Des critères à peu près semblables seront retrouvés dans deux autres C.P. à propos des notions
de « récent » et « ancien » (voir ci-après).
IL IL DISTINGUE JEUNE ET VIEUX
EN PARTANT DE DOCUMENTS
PHOTOGRAPHIQUES QU'EU OBSERVE
On remarquera que l'enfant de C.P. différencie
les éléments du couple jeune-vieux en se référant
à d'autres couples : gros-petit, clair-foncé, en l'airà terre, avec feuilles-sans feuilles, etc.
(C.P. garçons Calvaire-Saint-Pierre, Mu" Parey,
Mme Touzé.)
Quelques-uns ont fait des remarques plus personnelles : les taches comme marque de vieillesse,
petites fenêtres et œil de bœuf sur les maisons
anciennes.
D'autres se réfèrent à des stéréotypes : les personnes âgées ont une canne et des lunettes, elles
ont des habits longs, etc.
Partant de ces dessins, l'éducateur amènera les
enfants à constater la contradiction qui existe entre les diverses solutions proposées :
Jeune
Vieux
Gros
Petit
Petit
Gros
Foncé
Clair
Clair
Foncé
Et il les amènera :
1) à douter et à se demander par exemple si les
enfants qui ont des lunettes sont plus vieux que
les autres et si les lunettes sont nécessairement
une marque de vieillesse ;
2) à observer : il les conduira visiter une maison
récente et une maison ancienne, il fera également
comparer un jeune chien et un vieux chien, etc. ;
3) il s'efforcera de leur faire dépasser la distinction simpliste « jeune », « vieux ». La poussée
d'une plante l'aidera sans doute à montrer qu'il y
a passage continu. On pourra alors amener l'enfant à reconstituer des séries évolutives, à classer
du plus jeune au plus vieux des séries de dix
photos (par exemple du poussin qui vient de naître
au coq adulte, etc.) ;
4) il leur fera enfin saisir la relativité de la notion
de vieillesse. Mon chien a 12 ans et mon voisin
aussi, mon voisin est jeune et mon chien est
vieux.
76
Les enfants ont acquis les mots : jeune, vieux,
récent, ancien, ils savent les lire, les écrire, les
employer dans le langage oral.
Ils disposent chacun de deux cartes postales :
1) Rue dans un quartief neuf du CalvaireSaint-Pierre.
2) Ancienne maison à colombages (Maison des
Quatrans).
Ils ont également à leur disposition quatre étiquettes : jeune, récent, vieux, ancien. Ils doivent •
1) Placer les étiquettes sous les cartes qui
correspondent.
2) Expliquer oralement leur choix.
Résultats :
a) Tous les enfants sauf un placent les étiquettes convenablement.
b) Les justifications qui permettent la distinction sont les suivantes :
RECENT
Blanc, neuf, propre, rien de démoli
15
Beau
6
Tous affirment sans
savoir décrire ce qui
est typique.
Carreaux, fenêtres
Route,
voitures,
lampadaires . . . . 10
Il n'y avait pas de
H.L.M. dans le
temps
ANCIEN
Sale, noir, cassé,
avec des trous . .
Pas beau
Bois avec torchis,
X en bois
Herbes sur le toit,
sur le mur, mur
un peu brûlé
Portes, volets, fenêtres,
carreaux
C'est pas comme
maintenant . . . .
Bien qu'on parte de documents précis, il y a très
peu de notations objectives caractéristiques, les
seules que l'on note sont relatives aux colombages d'une part, pour caractériser l'ancien et aux
lampadaires caractéristiques du récent.
Dans tous les autres cas, l'enfant fait la distinction en se référant à une impression globale qu'il
a beaucoup de peine à analyser et qui se traduit
le plus souvent par un raisonnement tautologique
du type : « c'est vieux parce que ce n'est pas récent » (sous-entendu : « Ça se voit bien »). L'enfant justifie alors ce qui lui semble évident en
notant :
soit un élément perçu sur le document : blanc,
clair, neuf, noir ;
A propos du bison, elles ne posent pas de questions
et l'identifient sans hésiter comme « sanglier ».
Elles ne portèrent aucun jugement de valeur sur
les documents présentés.
b) Dessines ce que tu as vu : à l'issue de cette
séance, la maîtresse demanda aux élèves de dessiner ce qu'elles avaient vu. Elle obtint 29 dessins.
soit un élément projeté qui n'existe pas sur le
document : sale, cassé, avec des trous, rien de
démoli, beau, pas beau.
20 représentent un seul document
3 représentent les trois documents
6 sont d'une extrême confusion.
Il faudra donc apprendre à l'enfant à lire un
document comme il lit un texte et en particulier,
veiller à ce qu'il ne fasse pas dire à une photographie ce qui n'y est pas : la maison des Quatrans
est sombre, mais elle est propre, elle n'est ni
trouée, ni cassée, ni démolie.
— Dans 13 dessins les détails ont été soigneusement notés (sabots, crinière du cheval) et on pouvait reconnaître les animaux observés.
5) COMMENT DES ENFANTS DE C.P.
LISENT UN DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE
I) EN PARTANT DE REPRESENTATIONS HISTORIQUES D'ANIMAUX peints ou gravés sur les
parois des grottes.
Trois diapositives avaient été retenues :
1) Le cheval « chinois » de Lascaux (couvrant
toute la diapo.).
2) Deux chevaux de Lascaux (dont le cheval
chinois).
3) Un bison sculpté (d'une forme assez incertaine).
a) La première séance n'a duré qu'une quinzaine
de minute. Les fillettes du C.P. de Mme Rioult
(Calvaire-Saint-Pierre) ont d'abord dit tout ce
qu'elles voulaient.
Leur intérêt s'est tout de suite porté sur des détails
et rapidement elles ont apporté des explications :
les traits verticaux qui se trouvent à côté du
cheval représentent « une barrière », elles voient
également « de l'herbe agitée par le vent » et
« de l'eau ».
— Mais dans 19 dessins il y avait des éléments
imaginaires.
13 ont peint le ciel
3 une rivière
3 le soleil.
Les commentaires oraux aussi bien que les dessins prouvent que les enfants de cet âge se laissent facilement emporter par leur imagination et
qu'ils projettent sur les documents des éléments
mythiques.
Sans brimer leur imagination (car nous lui trouverons d'autres occasions de se développer), nous
amènerons les élèves de C.P. à confronter leurs
dessins avec le document :
— Ils constatent qu'ils ne peuvent jamais tout
dessiner (le dessin est toujours plus pauvre que la
réalité).
— Nous posons comme règle qu'on ne peut pas
dessiner ce qu'on n'a pas vu. (Celui qui a vu une
barrière peut dessiner une barrière... on discutera ensuite pour savoir si c'est bien une barrière,
mais personne n'a vu un soleil.)
c) Un seconde séance d'une vingtaine de minutes
à une semaine de la première est réalisée en projetant :
1) les deux chevaux de Lascaux dont le cheval « chinois »
2) le cheval « chinois » seul
3) cerfs, taureaux et chevaux de Lascaux.
77
Les deux premières photographies ont été reconnues d'emblée et identifiées. Les premières interprétations ont été immédiatement reprises par les
enfants, mais au cours de la séance, certaines d¿
ces affirmations ont été spontanément mises en
doute.
Sur la deuxième photographie, des enfants
« voyaient » des pattes de chien, en revenant à
la première qui donne une vue d'ensemble, elles
constatèrent qu'il n'y avait pas de chien et il fallut
alors interpréter autrement ce qu'elles avaient
d'abord cru être une patte de chien.
Parfois les enfants trouvent sur l'image une justification de ce qu'elles ont vu, mais la justification n'est pas celle que l'on pouvait attendre.
Par exemple les enfants identifient un taureau, on
demande si elles sont certaines que c'est un taureau : « oui, parce qu'il a des cornes » ont-elles
répondu.
Dans ce cas, on peut tout simplement se taire, « en
attendant »..., mais dans d'autres cas, il faut savoir
refuser la réponse. Il n'est pas possible d'accepter
que l'enfant parle de « fusil » en évoquant les
scènes de chasse préhistorique.
D'une façon générale, les enfants de C.P. ont tendance à remarquer des détails qui servent de support à leur imagination. Mais ensuite, les interprétations imaginaires restent attachées aux détails
et réapparaissent dans la discussion.
Les commentaires que les enfants ont faits à propos des diapos 1 et 2 nous ont encore permis de
voir comment elles s'expliquaient que le même
animal (cheval chinois) figure sur les deux vues :
— Certaines propositions reflètent un « conditionnement d'élève » qui traduit peut-être des « options pédagogiques » du maître. Passant de la
vue 1 (chevaux dont le cheval chinois) à la vue 2
(cheval chinois seul en gros plan) l'enfant dit :
« quand on en voit un plus gros, alors c'est celui-là qui doit compter le plus, on doit s'en occuper ».
— Beaucoup d'enfants hésitent et ne savent pas
pourquoi on voit deux fois le même cheval et
pourquoi il est plus gros la deuxième fois.
— Pourtant il y eut une et une seule réponse faisant
appel à la façon de photographier : « le cheval
est plus petit sur la première parce qu'on l'a pho78
tographié de plus loin ». Si les enfants étaient habitués à prendre des vues ou du moins à regarder
à travers le viseur d'un appareil photographique,
elles auraient certainement été plus nombreuses à
faire cette remarque.
Interrogées sur la technique qui avait été employée par ceux qui avaient fait les dessins, il
y eut trois groupes de réponses :
a) l'enfant imagine une solution : « un monsieur
a peint sur des petites bouts de papier et quand
ça a été sec, on les a mis dans une petite niche » ;
b) l'enfant ne sait pas mais propose une démarche
intéressante : « il faudrait le demander au monsieur qui l'a dessiné » ;
c) enfin, il y a des enfants qui « savent » : « le
cheval est peint sur la pierre, je l'ai vu à la
télévision ».
Cette dernière remarque nous amène à réaffirmer
que le maître peut et doit jouer un rôle d'informateur éclairé. Il ne peut pas laisser à la télévision
seule le soin de former les enfants. Il ne peut pas
leur laisser tout deviner ni tout reconstruire.
Enfin, nous avons voulu savoir comment les enfants se représentaient les auteurs de ces dessins.
Tous conviennent que ce sont des hommes. Pourquoi ont-ils peint cela ? « parce qu'ils aimaient
les animaux », « ils ont peint des animaux gentils », « mais pas des animaux vilains comme le
renard par exemple »... ce point fut discuté. Il a
depuis été l'objet dans un CE. d'une autre expérience sur la distinction « animaux utiles, animaux
nuisibles... » pour qui ?
Nous savions qu'une élève avait, pendant les vacances, visité des grottes ornées de peintures préhistoriques. A aucun moment elle ne fit le rapprochement entre les vues que nous regardions et ce
qu'elle avait vu.
Sans tirer de conclusions hâtives, constatons du
moins que l'émission de télévision a laissé des
traces plus certaines que la réalité elle-même. On
pourrait aussi dire qu'il ne suffit pas d'avoir vu
la réalité, il faut passer du vécu au représenté et
établir un lien entre les deux : ce serait une
illusion de sous-entendre que cela se fait naturellement.
d) Une dernière séance tenta de leur apprendre
quelque chose sur les hommes qui avaient fait de
tels dessins.
La classe fut divisée en groupes de quatre élèves
et chaque groupe eut à sa disposition des photographies de peintures préhistoriques d'animaux et
une B.T. où se trouvaient des reproductions de
gravures de l'âge des métaux où les hommes ont
représenté leurs travaux, leur vie et leurs croyances.
— Les enfants devaient d'abord reconnaître, nommer et compter les animaux vus sur les documents. Le travail se fit sans difficulté et aboutit
pour chaque équipe à dresser une sorte de tableau
de fréquence de la représentation des différents
animaux :
Mammouth x
etc.
On notera tout de suite l'échec de celles qui comptent parmi les animaux des photographies d'animaux réels qui se trouvaient dans un autre article
de la B.T. Elles n'avaient pas remarqué qu'elles
passaient de la reproduction de dessins préhistoriques à la photographie d'animaux réels. Elles
n'étaient pas capables de choisir, dans la documentation mise à leur disposition, ce qui se rapportait
au sujet traité.
— Enfin les enfants eurent à chercher comment
s'étaient représentés les hommes sur ces gravures (scènes de pêche, de chasse, hommes se servant d'animaux pour tirer une araire).
Les enfants d'un groupe réussissent à dégager des
relations homme-animal-nourriture-pêche.
Un autre groupe aboutit à la notion de chasse et
de culture. C'est dans ce groupe qu'on vit des enfants s'imaginer que les hommes chassaient alors
avec des fusils. Ce qui fut refusé par la maîtresse
car « le document apportait une réponse qui n'était
pas celle-là. »
Une fois de plus, on vit que les enfants de C.P.
interprètent les documents qu'on leur propose selon
leurs intérêts et par référence à ce qu'elles vivent
dans le présent. L'imagination les conduit à des
anachronismes grossiers parce qu'elles manquent
de critères pour arrêter leur interprétation à la
limite du possible. Sans leur fournir les critères,
on peut du moins les encourager à en chercher.
Ces différents exercices ont montré que toute la
classe prenait un vif intérêt à observer et à décrire les différentes photographies, mais seulement
une moitié continuait à s'intéresser si on cherchait à leur faire découvrir des notions plus
complexes en rapprochant plusieurs vues pour les
comparer.
L'intérêt, né à l'occasion de ces exercices devait
cependant être profond. Quand les enfants écrivirent à leurs correspondants de Montauban, l'une
des questions posées (entre autres questions relatives au mardi-gras) fut la suivante : « nous avons
regardé des diapositives d'animaux préhistoriques.
Y a-t-il des petits enfants qui ont visité des grottes
dans votre région ? »
II) EN PARTANT DE LA PHOTOGRAPHIE
D'UN MANUSCRIT DU XVo
(2 C.P., M"e Parey, 24 garçons ; Mm8 Touzé, 20 garçons.)
Après avoir vu les critères employés spontanément
par les enfants pour qualifier une maison récente
ou ancienne, après avoir saisi un certain nombre de
difficultés rencontrées dans un autre C.P. pour
observer des peintures et sculptures préhistoriques
d'animaux, nous avons cherché comment on pouvait améliorer cette approche du document iconographique.
L'objectif consistait à faire retrouver ce que pouvait être une rue du Moyen Age, d'après un manuscrit du XVe.
La stratégie d'approche du document a été la suivante :
1) Les enfants ont appris à distinguer, jeune,
vieux, récent, ancien, selon la technique indiquée
au § A.
2) Ils ont visité, puis dessiné une rue du centre
commercial de leur quartier, de telle sorte que les
enfants d'une autre quartier puissent connaître leur
rue en regardant leurs dessins.
3) Autrefois, des hommes avaient visité, puis dessiné, comme eux, une rue de leur quartier. Pourrait-on savoir, d'après l'un de leurs dessins
comment était faite une de leurs rues ?
79
1) J'observe et je dessine une rue de mon quartier : les enfants ont été conduits au petit centre
commercial qui longe l'école et qui leur est familier. Nous avons déjà analysé la façon de conduire
une telle activité chaque fois que, parlant de l'étude du milieu, nous avons défini la notion de « visite de sensibilisation ».
Au retour, les enfants ont été invités à dessiner
ce qu'ils avaient vu. Les résultats sont les suivants :
3/39 ont représenté un sorte de plan, presque
juste
12/39 ont représenté une double rangée de
boutiques superposées
16/39 ont représenté une seule rangée de boutiques
8/39 étaient des dessins très pauvres et très
incomplets.
Les boutiques les plus représentées sont :
Le coiffeur (30)
Le tabac (28)
Le poissonnier (22)
(charcuterie 19, boucherie 17, primeurs 16, droguerie 13, crémerie 11).
Les boutiques les moins représentées sont :
La teinturerie (9)
Le bureau de banque (4).
La moitié des dessins comporte des personnages.
Puis, selon une pratique que nous avons déjà décrite, la maîtresse a choisi l'un des dessins et l'a
présenté au reste de la classe. Les élèves ont
posé des questions, ils ont formulé des critiques, ils
ont complété ce qui manquait. Le but était de leur
faire sentir qu'un « bon dessin » doit dire à des
enfants d'une autre école tout ce qu'il y a en réalité dans notre rue, en essayant de ne rien oublier.
Ils prirent conscience qu'ils n'avaient ni tout dit,
ni tout vu et que même le meilleur dessin n'était
pas intégralement fidèle à la réalité. Nous avons
insisté sur ce point pour qu'ils puissent lire plus
facilement ce qu'un auteur de manuscrit avait produit sur le même thème, cinq siècles auparavant.
2) J'observe le dessin de la rue d'une ville fait
par un homme il y a très longtemps
80
La maîtresse a projeté aux enfants « la rue d'une
ville au X V » avec cette présentation : «Il y a
longtemps, un homme a dessiné une rue et des boutiques comme nous l'avons fait nous-mêmes. »
a) Commentaires oraux : description et analyse de
ce qui est perçu. Les enfants se sont exprimés
librement. Le rôle de la maîtresse a consisté à
faire préciser les questions et à favoriser les échanges.
« On voit beaucoup de personnages. »
« Les maisons n'ont pas de carreaux », « les
gens sont dehors. »
« C'est un marché, les gens achètent. »
« On voit des assiettes jaunes qui décorent. »
etc.
Les commentaires oraux ont été transcrits et classés.
Dans un C.P. les enfants ont tenu 49 propos qui
expriment 67 remarques, dont 53 justes et 14 faus
ses (ex. : je vois des avions).
Observations exactes : 53 - Observ. fausses : 14
Relatives :
aux maisons
aux magasins
aux gens et animaux . .
aux rues
à l'habillement
20
14
8
6
5
4
3
5
0
2
Dans l'autre C.P. on relève 38 observations :
maisons
gens, animaux
magasins
rues
habillement
13
6
11
5
3
On remarquera le parallélisme des résultats.
Dans les remarques exactes, on note que les enfants font des rapprochements avec le connu :
« les gens ne sont pas habillés comme nous »
« c'est comme dans nos marchés »
Ils sont capables d'observations et de descriptions objectives exactes :
« la rue est pauée »
« les gens ont tous des chapeaux ».
Leur intérêt se porte d'abord sur les choses : maisons et magasins.
Leurs remarques prouvent qu'ils ne se contentent
pas de décrire ce qu'ils voient sur la gravure,
mais :
— Ils font appel à des éléments extérieurs :
La boutique du drapier.
Les marchands.
Les maisons à colombages.
• comparaison avec la rue du « Gros Horloge » à Rouen,
Les détails anachroniques ont subsisté sur les dessins ; l'écriture et les enseignes ne semblent pas
avoir été remarquées.
• allusion à la télévision : Quentin du Roi, ils
se battent avec des épées,
c) Retour au document initial :
• allusion à la vie familiale : « Chez
les murs de l'écurie... »,
Tonton,
• référence à des faits :
« c'était avant la guerre avec les Allemands
« c'était du temps de Jeanne d'Arc ».
»,
— Ils projettent sur la gravure leurs désirs enfantins :
« Il y a un marchand de gâteaux » (le barbier).
« Il y a des bougies sur des gâteaux » (apothicaire) .
Ils projettent leurs sentiments :
« Ça doit être triste ».
Ils laissent aller leur imagination :
« il y a des cages », « il y a des avions dans
le ciel».
On tombe alors dams l'anachronisme et dans la
fantaisie. Un retour à la gravure devait permettre
de refuser ces réponses.
b) Les enfants dessinent ce qu'ils ont observé sur
la gravure (un intérêt n'est qu'une invitation à
l'activité, sinon, il meurt rapidement).
Si l'on admet que le premier plan de la gravure
est constitué par :
à gauche
La boutique du drapier
à droite
Le marchand d'épices
au centre
La rue avec deux personnages et un chien
35/43 ont représenté tout ou partie du 1er plan.
7/43 ont représenté une partie de l'arrière-plan.
4/43 ont fait une représentation confuse.
Ces dessins reproduisent par ordre de préférence :
La rue pavée.
Dans une phase ultérieure, et après avoir examiné
les dessins réalisés comme nous le leur avions demandé, les institutrices des deux C.P. concernés,
sont revenues à la gravure, mais cette fois-ci de
façon plus directive. Il s'agissait de corriger les
anachronismes par une observation plus rigoureuse, il s'agissait de poser aux enfants les questions
qu'ils ne s'étaient pas posées : « pourquoi avait-on
suspendu 4 plats au-dessus de la boutique du barbier ? » Découvrant ainsi les enseignes, ils demandèrent s'il en existait encore et l'on convint de
regarder dans les rues de Caen et au Centre
commercial.
La comparaison fut faite entre la gravure et le
Centre commercial et la conclusion exprimée sous
différentes formes, fut qu'il y avait beaucoup de
différences : « autrefois, ce n'était pas comme
maintenant ! ».
Cette série d'exercices confirme ce que nous avons
déjà rapporté dans plusieurs comptes rendus. Pour
conduire les enfants de C.P. à faire une observation
rigoureuse, il ne faut pas être pressé, il faut laisser
les enfants faire leurs propres commentaires (mais
ne pas leur laisser dire n'importe quoi). Le dessin
est plus difficile à réaliser que le commentaire oral
mais il permet de repérer rapidement les 6 ou 7
éléments du groupe qui n'ont aucune prise sur
la réalité qu'on observe. Ils juxtaposent des détails
mais ne perçoivent pas un ensemble. Wallon disait de l'enfant qui en est à ce stade : « Il semble
qu'il ne sache qu'accoler entre eux les objets
faute d'une intuition mentale de l'espace qui lui
permettrait de les distribuer et de les ajuster suivant les directions exigées par les buts de son
activité. » Encycl. 8.28.
Les jugements de valeur disparaissent si l'on habitue les enfants à justifier chacune de leurs affirmations en montrant sur l'image l'élément probant.
81
Enfin, dans cet exercice comme dans les précédents l'enfant approche mieux l'image, s'il ne se
contente pas de la regarder et de la décrire de
façon plus ou moins passive (cette partie de l'exercice devient rapidement lassante et il ne convient
pas de la prolonger par des artifices). Mais on peut
amener l'enfant à participer à une re-construction
de l'image. Cette reconstruction, tant individuelle
que collective, nous place dans le sillage de l'histoire et elle permet au maître d'aider l'enfant à
découvrir certaines limites que l'imagination n'a
pas le droit de franchir, car je ne suis pas libre de
faire dire au document ce qu'il ne dit pas. Par
expérience, l'enfant apprend que le document ne
dit probablement pas tout.
6) COMMENT LES ENFANTS DE C.P.
DECOUVRENT LE «MUSEE
DE NORMANDIE 7
Nous étions quelque peu réticents à conduire des
enfants de C.P. au Musée de Normandie qui est
pourtant très proche de l'école, d'abord parce qu'on
y trouve une grande diversité d'objets allant de
sépultures et bijoux mérovingiens j u s q u e l'artisanat au XIXe, et ensuite parce que ces objets ne
sont que des Objets et que dans un musée on ne
les perçoit plus comme objets en relation avec un
milieu et avec des hommes.
La visite fut malgré tout organisée, mais pour éviter la dispersion, il fallut résister à la tentation
de tout voir. Les enfants n'ont donc visité que
deux salles et la première visite a été limitée à
30 minutes. Les salles ont été choisies en fonction
des intérêts témoignés par les enfants au cours de
la visite d'une ferme. Ces intérêts correspondent
aux résultats trouvés dans les deux autres C.P.
La première salle regroupe l'équipement domestique traditionnel qui est évoqué à partir de plusieurs thèmes.
1) Le foyer : équipement de la cheminée, ustensibles divers.
2) La galette de sarrasin. Autour de la grande
galette sont groupés les objets servant à la confectionner.
3) La vaisselle.
82
4) Le luminaire : porte-chandelles, lampe à huile,
lanternes.
5) Le chauffage individuel : bassinoires, bouillottes, chaufferettes.
La deuxième salle consacrée à l'agriculture et à
l'élevage est organisée sur le thème : « De l'herbe...
au lait. »
1) Outils pour la fauchaison et la fenaison.
2) Traite et transport du lait.
3) Ecrémage et fabrication du 'beurre.
Dans cette salle on peut voir quelques photographies montrant les cultivateurs utilisant les outils.
Nous aurions voulu que les enfants redonnent vie
à tous les outils du passé qui avaient cessé de
servir.
Devant les objets de la première salle, certains
enfants ont spontanément évoqué la maison de leur
grand-mère et aussi ce qu'elles avaient observé sur
des B.T. (outils de l'âge des métaux). Elles ont
reconnu sans peine les assiettes, les palettes pour
retourner les galettes (« c'est pour décoller endessous »). Elle ont été très intriguées par l'ensemble « chauffage individuel ». Devant les bouillottes en terre cuite elles ont dit : « maintenant
elles sont en plastiques » et elles ont tiré de tout
cela une curieuse conclusion qui mériterait d'être
analysée et reprise avec elles : « Dans le temps, il
devait faire froid, il y avait beaucoup de choses
pour se chauffer ».
Dans la salle II (pour un groupe). Les charrues ont
été le centre d'intérêt. Il y en avait trois. Les
enfants ont commencé par observer la plus grande
et la plus perfectionnée. Elles parlèrent successivement des roues qui ressemblaient à des roues
de charrettes, des chevaux qui avaient du tirer
cette charrue, du soc et du versoir qu'elles ne
savaient pas nommer, mais l'une d'elles dit : « les
chevaux avancent, ça roule et ça coupe la terre »,
une autre poursuivit : « comme ça » (et elle fit
le geste de retourner. Elles placèrent également
devant la charrue un laboureur imaginaire et
conclurent qu'il devait avoir de grands bras (l'écartement des mancherons était en effet considérable).
Ensuite elles ont comparé cette charrue aux autres ; elles constatèrent qu'un des socs était pres-
que entièrement en bois et discutèrent pour savoir
laquelle des trois était la plus ancienne. « Il n'y
a pas beaucoup de choses sur celle-là, elle est plus
vieille ». C'était exact.
« Celle-là est la première qu'on a inventée, cellelà est la deuxième, et la plus grande, c'est la troisième qu'on a inventée ».
« C'est la plus grande qui est la plus jeune ».
Elles témoignent plus d'intérêt à des charrues anciennes et réelles qu'à des photographies, mais tes
photographies deviendraient intéressantes si les enfants y retrouvaient les objets observés en réalité
au musée.
Dans la seconde salle, elles furent également intriguées par la baratte et la façon de faire le
beurre, par le râteau à foin, par la faux, par le van
qu'elles prenaient pour un berceau.
Au retour de la visite les enfants ont dessiné ce
qu'elles avaient vu. Sur 28 dessins, 25 furent riches
et on constata que les objets étaient représentés
avec un souci de netteté et de précision.
Les activités qui ont suivi à partir des dessins,
conduisirent comme nous le faisons habituellement,
à situer correctement les objets dans l'espace, à
préciser le vocabulaire, à les classer selon des
thèmes.
Mais il semble que l'expérience soit à recommencer avec une autre classe en limitant la première
visite à la salle I. Puis, comme nous avons étudié
« maison ancienne, maison moderne, centre commercial, boutiques du Moyen Age, il serait possible d'étudier un intérieur moderne et un intérieur
ancien et l'on se fixerait comme but d'amener
l'enfant :
1) A observer et traduire par le dessin, par
des photos, par des récits oraux, comment est
fait un intérieur moderne.
2) Et en parlant de la salle I du musée de
Normandie, l'amener à reconstruire, par le dessin et tout autre moyen à inventer, un intérieur d'autrefois, en plaçant la vie, les personnes, les animaux, les bruits (reconstitués à
l'aide d'autres documents), dans le monde mort
et silencieux d'objets que nous restitue le musée, et en choisissant parmi ces objets (on
n'utilise pas une lanterne dans une cuisine,
bien qu'au musée on trouve une lanterne à
côté d'une lampe à huile).
A côté d'une construction du temps de type astronomique et mathématique, que nous avons analysée dans le C.P. de Mme Villedieu (cf. chapitre IV) à côté d'un temps physiologique scandé
par des rythmes organiques observables dans des
êtres vivants en perpétuelle transformation (que
nous avons analysé dans le C.P. de Mme Agnès),
cf. chap. Ill, 2" partie, nous avons cette fois tenté
l'approche d'un temps qui pourrait être considéré
comme structure sociale de la mémoire, en attendant d'être structuration de cette mémoire sociale
du passé qu'est l'histoire.
Nous savons qu'il faudra remettre le problème de
l'histoire en question.
Dans la mesure où rien ne se fait jusqu'à maintenant au niveau du C.P. en histoire, nous sommes
obligés d'apporter aux instituteurs quelque chose
qui est déjà de la recherche appliquée alors que
nous n'avons pas en main les résultats de la recherche fondamentale.
Mais nous nous adressons à des éducateurs qui sont
en situation de recherche, nous leur proposons des
instruments qu'ils vont, de leur côté, dans leur
perspective, expérimenter aussi. Il ne paraît pas
tellement grave de leur proposer des documents
qui ne soient pas pleinement élaborés puisque c'est
à la lumière de leurs observations et des réactions
des enfants, que seront confirmées ou infirmées
certaines de nos hypothèses (commission C.P.-Maternelle du 26 juin 1970).
Nous demandons d'abord à l'histoire d'apporter ce
qui correspond à l'étymologie même du mot qui
sert à désigner cette discipline.
La première démarche de l'histoire consiste à chercher.
La relation de ce qu'on a appris ne vient qu'ensuite. Au C.P. il faut amener l'enfant à cette recherche d'information. Il pourra ainsi acquérir une
méthode qui lui permette de commencer à construire son information et qui l'aide ultérieurement
à contrôler et à analyser de façon critique l'information que lui apportent déjà ses parents, la
télévision, la radio et le maître même.
En apprenant à manier une méthode de recherche,
il aura appris aussi que les êtres et les choses ont
un âge, que leur vieillesse est relative, que les
choses et les êtres changent avec le temps, il aura
appris qu'en observant bien des dessins faits par
83
d'autres hommes il y a longtemps, il pourrait savoir comment les êtres vivaient « dans le temps »
comme dit l'enfant, c'est-à-dire autrefois.
Sans apprendre le mot document, il a appris à
noter ce qu'il voyait dans la rue, au centre commercial, comme d'autres l'avaient fait avant lui. Et
il a appris qu'on ne peut jamais traduire toute la
complexité du réel, même si l'on observe bien,
même si l'on est nombreux, car on oublie toujours
quelque chose, on commet toujours de petites
inexactitudes. La règle vaut pour les témoignages
du passé. Mais s'ils ne nous apprennent pas tout,
ils nous permettent du moins de retrouver une
grande partie de ce qui avait été noté par l'auteur
du moment. Enfin l'enfant du C.P. a constaté que
les choses d'un passé lointain demeuraient mais
que les hommes n'étaient plus. Il nous reste à lui
faire voir que les choses ne sont rien sans l'homme
qui les utilisait ; elles ne sont qu'un souvenir si
elles ne servent plus (mais elles ont servi et elles
étaient faites pour cela).
Nous avons incité l'enfant à dépasser l'égocentrisme des fictions imaginaires qui rendent tout
84
possible, pour l'amener à considérer qu'il ne peut
pas dire n'importe quoi : il doit montrer ce qu'il
voit, il doit justifier ce qu'il dit, il lui faut distinguer possible et impossible, peut-être même estil devenu capable de distinguer des « possibles »
sociaux et des « possibles » logiques : « çà serait
possible, mais chez les marchands çà n'existe pas ».
Les fins que nous nous étions fixées : information,
formation et éducation pour la liberté, se trouvent
résumées par A. Clausse dans « Philosophie de
l'étude du milieu ».
« L'information portant sur tous les aspects du
milieu et formation destinée à développer l'aptitude à analyser, à comprendre et à juger pour
édifier des synthèses nouvelles et personnelles et
développer l'esprit critique. »
« L'éducation pour la liberté, loin de permettre
l'activité « libre » c'est-à-dire livrée au hasard,
non contrôlée et non organisée, loin de tolérer le
contact fortuit avec le milieu, comportera une sélection critique des éléments réalisant de véritables situations d'apprentissage. »
Chapitre II - Exemples (suite)
Il - ACTIVITÉS A PRÉDOMINANCE BIOLOGIQUE
A) PROPOSITIONS DE RECHERCHE
AU C.P.
— entre deux ou trois animaux (notion simple
de chaîne alimentaire),
— dépendance d'un animal et d'une plante.
B) RAPPEL DES CONCLUSIONS
DE LA COMMISSION DE RENOVATION
DE LA PEDAGOGIE
B. Eelation de compétition :
attaque, défense, nourriture, protection.
Protection :
contre les autres êtres vivants,
contre le milieu physique.
C) COMPTES RENDUS D'ACTIVITES
REALISEES DANS DES C.P.
a) E.N.F. Caen
b) E.N.G. Arras
A) PROPOSITIONS DE RECHERCHES
AU C.P.
en activités d'éveil à orientation scientifique.
Les directions de recherche suivantes ont été proposées à titre temporaire :
I. Les étapes et les fonctions de la vie d'animaux
abordées au cours d'élevages : naissance, croissance, mort ; alimentation, respiration, multiplication, soins aux jeunes.
Les constatations de l'enfant seront à rapprocher
des observations faites sur lui-même et son entourage.
II. Cycle (réalisé en classe) de développement d'un
animal. Ex. papillon.
III. La plante : observée à l'aide de cultures simples, par comparaison avec l'animal et l'objet inerte : extension de la notion de vivant.
IV. Notion de relation.
A. Kelation alimentaire
V. Les variations saisonnières des éléments vivants du milieu environnant en relation avec une
approche de la notion de climat et des éléments
naturels (air, eau, sol).
VI. Les richesses du monde vivant : exercices de
classement ; établissement de clés (relation avec
les mathématiques).
VII. Initiation à la causalité.
Préalable : dissocier les objets et leurs propriétés
par des exercices de manipulation des objets, de
classement, de sériation, dans le cadre du tâtonnement expérimental.
•— La notion de propriété conduit à celle de substance (métal, plastique, bois) indépendante des
changements de forme ou d'état ; ex. : classer des
corps flottants d'après la substance et non la fonction de l'objet.
>— Dans le cadre du tâtonnement expérimental,
on peut chercher à déterminer les conditions minima qui permettent de provoquer nécessairement un
changement (mise en évidence d'interactions à l'intérieur d'un système en faisant abstraction de la
volonté de l'homme et des objets extérieurs au
système).
Au cours de l'année, ces concepts pourront s'élaV>rer progressivement à travers un ou plusieurs
85
thèmes portant sur l'étude et la manipulation des
éléments du milieu environnant. Ceci se fait dans
le cadre général des activités d'éveil, en liaison
étroite avec l'acquisition du langage ou de la mathématique et de l'éducation esthétique.
Voir chapitre III : organisation des recherches au
C.P. à partir de 71-72.
•quantifiées en permettant le dépassement de l'artificialisme et du syncrétisme spontanés. C'est pourquoi, dans l'étude des faits naturels, les sujets tirés
des intérêts spontanés et de l'actualité devraient
être étudiés de telle sorte qu'on dépasse toujours
la description superficielle ou purement verbale
pour chercher à atteindre la précision du croquis,
de la mesure, ou de la mise en relation » (revue
l'Education, n" 42).
B) RAPPEL DES CONCLUSIONS DE LA
COMMISSION DE RENOVATION
DE LA PEDAGOGIE POUR
L'ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE
C) COMPTES RENDUS D'ACTIVITES
REALISEES DANS DES C.P.
« L'initiation à l'étude des faits naturels doit
conduire l'élève non seulement au sens de l'objectivité, mais encore et surtout, dans la mesure
du possible, à l'idée d'ordre, de causalité, de lois
'Enfin, comme nous l'avons fait pour les activités
'à tendance humaine nous avons retenu deux exeraet c'est parce qu'ils sont susceptibles d'alimenter
une discussion que nous les avons choisis.
1. — E.N.F. Caen
Compte rendu d'expérience
rédigé par Mme Roger et M. Bruneau.
Projet proposé par le groupe à tendance scientifique
Objectifs
Hypothèse ou
critères supposés
1. Dégager la notion
d'animal et de végétal
pour aboutir à la notion d'ETRE VIVANT
par comparaison avec
des phénomènes naturels ou des objets techniques.
UN ANIMAL se déplace, il
marche, il court, il saute, il vole, il nage (il ne s'agit pas
d'étudier la morphologie en général mais les fonctions qui
conduisent à l'étude des organes en relation avec les fonctions) .
il mange pour grandir (s'il est
jeune), pour vivre
il se reproduit
il meurt.
86
Exercices pédagogiques
Partir du milieu environnant, en faire
l'INVENTAIRE et aboutir ultérieurement avec des critères propres aux enfants, à un classement. Faire l'inventaire, ce n'est pas récolter pour rapporter dans la classe, mais c'est faire
représenter par chaque enfant ce qui
l'a frappé sous forme de récit enregistré, de dessin, peut-être de photos
Possibilité de réorganiser la multiplicité
des dessins soit en fonction de l'espace
prospecté au cours de la sortie, soit en
fonction de la chronologie de la sortie.
Objectifs
Hypothèse ou
critères supposés
UNE PLANTE ne se déplace
pas (sauf dans de très rares
cas), elle pousse dans la terre,
elle a besoin d'eau sinon elle
meurt,
elle fleurit, donne des graines
qui redonnent des plantes.
Elle meurt.
LES ANIMAUX comme les VEGETAUX grandissent, vieillissent, meurent. CARACTERISTIQUES DE LA VIE.
Exercices pédagogiques
On étudie ainsi ce qui vit, ce qui pousse
autour de l'école, à la maison.
Variations au cours des saisons.
ELEVAGES indispensables
— pour observer les déplacements, la
nutrition, les naissances,
— pour effectuer par comparaison à des
referents divers des MESURES : tailles,
poids,
— pour observer les transformations.
Ex. : insectes. Aboutir à un tableau avec
signes.
CULTURES dans des pots ou observation sur place, aspect des arbres (décomposition en un système organisé : il
y a des branches, des tiges, des racines
qui ne sont pas dans n'importe quel ordre) Variations avec les saisons conduisant à UN CALENDRIER avec signes
trouvés par les enfants.
Semer des graines : CYCLES.
Ex. : radis, croissance rapide,
marron, érable, croissance lente.
Plantes à fleurs.
Bulbes de jacinthes, tulipes, etc...
Dans tous les cas DESSINER sur papier et sur papier calque (toujours datés), les différentes étapes. Tableaux
et diapositives permettant de regrouper
tout ce qui aura été vu en le situant
dans l'espace et dans le temps.
3. L'homme ou plutôt
l'enfant parmi les êtres
vivants.
L'enfant grandit. Son poids
augmente, ses cheveux, ses ongles poussent. Ses dents tombent.
Il respire.
Son cœur bat.
Il mange, il boit, il dort.
Taille de chacun tous les mois.
Comparaisons
Faire un TABLEAU.
Idem pour le poids.
Signes de changement.
Rythmes. Variation après exercice.
Rythmes biologiques.
Hygiène.
87
Hypothèse ou
critères supposés
Objectifs
4. L'homme et l'enfant
agissent sur l'environnement.
Exercices pédagogiques
Conséquences criantes.
Dépôts d'ordures, détritus dans les rues,
papiers dans la cour.
Soins aux animaux, protection
des oiseaux, etc...
Les exercices sont multiples et faciles à
imaginer.
Planter ce qui nous plaît, ce qui
nous sert...
Arracher les « mauvaises herbes».
I. CADRE DE L'EXPERIENCE :
Le compte rendu ci-après vise à montrer à l'aide
d'un exemple comment se réalise le projet de
travail que nous avions formulé dès la rentrée 1970.
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Cour
Le C.P. mixte de Mme Agnès à Caen se situe à
la périphérie de la ville dans un groupe scolaire
neuf qui comprend une école de garçons, une école
de filles à 5 classes et une école maternelle, séparées par des haies vives. La cour est limitée du
côté de la rue par des gazons plantés d'arbres, d'arbustes et de parterres. La rue qui donne accès aux
écoles est à sens unique.
L'institutrice ne dispose d'aucun équipement spécial, mais elle a aménagé quelques tables pour des
plantations.
II. POINT DE DEPART : intérêt des enfants pour
les êtres vivants (janv. 1971)
Quels sont les êtres vivants dans la classe ? — « La
maîtresse, les enfants, la plante que Nadine a
apportée, le philodendron, le bouquet de cyclamens
(artificiels). La discussion s'engage : « c'est pas
des vrais cyclamens, ils ne poussent pas ».
On cherche alors tout ce que fait un être vivant et
qui prouve qu'il est en vie : il mange, il fait sa toilette, il grandit, il bouge, il se repose, il est malade.
Aucun enfant ne pense au vieillissement, ni à la
mort, ni à la reproduction.
Ils retournent aux cyclamens, les observent de
près et concluent : « c'est du plastique ». L'accord se fait, les cyclamens en plastique ne sont
pas vivants, mais les deux autres plantes sont vivantes. Il serait intéressant d'observer comment
elles vivent. Il faudrait aussi voir d'autres plantes.
Où les trouver ?
« Au jardin des plantes ! ». C'est trop loin.
« Dans notre jardin à nous ». Tout le monde n'a
pas un jardin.
Il faut chercher longtemps avant de trouver :
« Dans le jardin de l'école ». Les enfants qui côtoient chaque jour ces plantation entretenues par
la mairie n'y prêtent aucune attention. Il n'est pas
étonnant que ce soit la dernière idée trouvée. Si
elles participaient aux plantations, elles y auraient
pensé immédiatement.
Organisation d'une sortie dans et autour du groupe
scolaire.
Les 25 élèves font donc une première visite des
lieux, elles observent l'école des garçons, l'école
des filles, l'école maternelle. Elles repèrent la situation de leur classe, des préaux, des jardins, vus
de la rue. A la sortie de l'école des filles, elles
tournent à gauche et longent les écoles en restant
sur le trottoir, puis elles font demi-tour, repassent devant l'entrée de l'école, longent le jardin
des garçons, font à nouveau demi-tour. L'institutrice les amène à exprimer oralement ce qu'elles
sont en train de faire : « nous tournons à gauche,
nous faisons demi-tour ». Elles disent ce qu'elles
observent, elles cherchent des repères car elles savent qu'il faudra raconter cette promenade. L'une
remarque que les portes sont entre les deux jardins,
d'autres remarquent que les arbres ont été taillés,
qu'il y a des autos dans la rue, etc...
A la suite de cette promenade, le premier exercice
va consister à mettre en place sur une plaque de
contreplaqué les éléments d'une maquette que
l'institutrice met à leur disposition. Les élèves
disposent d'un bloc « école de garçons », d'un bloc
« école de filles », de rectangles de feutrine verts,
d'une barrière, de petites autos miniatures. Tout
doit être construit par référence à la rue qui est
figurée sur la « plaque de base ».
Il n'est pas possible de décrire par le détail ce long
et intéressant jeu de construction qui permet à
toutes les enfants de faire des essais de représentation de l'espace dans lequel elles ont évolué. Il ne
s'agissait pas de leur faire construire une maquette
comme nous l'avions fait l'an dernier au CE.,
mais de les conduire de la réalité à un schéma topographique puis à une première idée de plan, reprenant ainsi les idées exprimées par Piaget dans le
Ch. XV de « La représentation de l'espace chez
l'enfant ».
Dès cet instant on s'aperçut que quelques enfants
se montraient incapables de disposer les éléments
qu'on leur proposait, par référence à la rue. Toutes
ces enfants ont des difficultés pour l'apprentissage
de la lecture et spécialement pour écrire les mots.
Les dessins dont nous parlerons ci-après nous permettront d'étudier qualitativement et quantitativement les traces laissées par ces premières activités.
Si l'on veut bien considérer que le jeu de construction de la maquette n'est pas un exercice terminé,
mais une activité toujours possible pour celles que
cela intéresse, on peut espérer que d'ici la fin de
l'année, même les moins douées auront fait quelques progrès.
89
Il y aurait quantité de remarques annexes à faire :
ainsi c'est en plaçant les petites voitures sur la
maquette que les enfants ont compris que la rue
était à sens unique et qu'elles ont établi une r e lation avec la plaque qui, pour elles, n'avait pas
de valeur significative.
Représentation par le dessin des lieux
et de l'itinéraire
L'exercice demandé était sans doute un peu audessus des possibilités des enfants puisque, en fait,
seulement six enfants sur 25 ont réussi à tracer
un itinéraire correct dans des lieux visiblement
reconstitués à l'aide de l'image mentale qu'elles
avaient gardée de la maquette.
On pourrait à la rigueur compter 8 réussites en
ajoutant deux dessins où la seule erreur d'itinéraire
est d'avoir fait le tour des voitures, ce qui est
inexact.
Les résultats d'ensemble sont les suivants :
Espace structuré, lieux reconnaissables
Itinéraire correct
Pensent avoir fait le tour des voitures alors
qu'ils n'ont pas traversé la rue
Lieux reconnaissables, mais inversion droite
gauche dans l'itinéraire et dans la représentation de certains éléments
Les lieux sont difficilement reconnaissables,
l'itinéraire est fantaisiste
Eléments juxtaposés, espace non structuré.
Aucune représentation de l'itinéraire suivi
6/25
2/25
L'exercice de 'mathématiques conduisait à construire un « arbre » permettant de classer des enfants ayant différents vêtements, coiffures, lunettes, de couleurs variées.
Le travail de mise en ordre qui nous intéresse ici
aboutit à 1' « arbre » ci-après qui est à la fois un
essai de classification des vivants rencontrés et
surtout des intérêts des enfants.
(les enfants ont affirmé que la terre était vivante,
il faudra revenir sur cette question un autre jour).
Cinq enfants se sont montrés capables d'effectuer
cette mise en ordre (bien que cela soit difficile à
affirmer, l'institutrice ayant à ce moment guidé
les enfants au lieu de les suivre). Une quinzaine
d'autres ont plus ou moins assimilé le schéma ainsi
construit, en fait ils sont simplement capables de
faire une liste.
Les conversations qui ont eu lieu à l'occasion de
cet exercice ont amené l'utilisation d'un vocabulaire nouveau qui permettait de désigner les choses observées : (gazon, pelouses, arbustes, haie,
épine, piquant, baie, bourgeon, massif, parterre,
plate-bande).
Mais les enfants constatent alors qu'ils n'ont encore
rien appris sur les êtres vivants qui mangent,
grandissent, etc...
3/25
7/25
7/25
Dans une séance ultérieure, chaque dessin a été
commenté par son auteur et discuté par l'ensemble
de la classe.
HI. INVENTAIRE DES ETRES VIVANTS
RENCONTRES DANS LE JARDIN SCOLAD1E :
3. On envisage donc une stratégie d'approche de
la réalité vivante.
Comment fallait-il s'y prendre pour voir vivre tout
cela ?
Pour les giroflées, pâquerettes, herbes..., il faudrait
en « faire pousser ». Qu'est-ce que cela veut
dire au juste ? Il faut semer des graines.
Pour les animaux, ce sera plus difficile, mais on
pourrait chercher des vers dans le sol.
1. Il y eut d'abord un inventaire oral « en vrac ».
Pour les arbres par contre, le problème leur semble
facile, il suffit de regarder par la fenêtre de la
classe.
2. Puis, en liaison avec un exercice fait en mathématiques, il y eut un essai de mise en ordre de
tous les êtres vivants remarqués lors de la promenade.
Pour les arbustes, c'est plus compliqué, il y en a
beaucoup. « ÍÍ faudrait en observer un seul ».
« Non, chacune un ». Idée séduisante. Mais y aurait-il assez d'arbustes ? Comment le savoir ?
90
avec feuilles
haie
avec bourgeons
sons feuilles m bourgeons
Ce q u i v i l " d a n s
le jardin
des écoles
fleurs
l"erre....?
Chaque élève se place devant un arbuste et comme
elles ne connaissent que les sept premiers nombres,
elles comptent par sept, ce qui n'était pas prévu
dans l'exercice d'observation du jardin.
L'intérêt porté au nombre des arbustes donne à
l'institutrice l'idée de faire construire par les élèves une maquette du jardin et de ses plantations.
Le jardin est un rectangle et les plantations y sont
faites sans fantaisie. Cette réalisation devrait être
possible si toutefois on peut résoudre un problème :
il y a plus d'arbres que d'élèves, comment savoir
combien il y a d'arbres en utilisant 26 élèves qui
peuvent compter jusqu'à sept.
IV. CONSTRUCTION COLLECTIVE
DE LA MAQUETTE DU JARDIN
1) La solution du problème précédent est trouvée
en partie à cause de la pluie qui avait rendu le
terrain très boueux. Il n'était pas possible que chaque élève aille se placer devant un arbre ; seules,
celles qui avaient des bottes le pouvaient. Une enfant proposa alors qu'une élève ayant des bottes
compte sept arbustes et qu'elle attende là pour
marquer le septième arbre, puis une autre élève
ayant des bottes continuerait, etc...
Ludovic, Philippe, Nathalie, Véronique et Isabelle
sont ainsi délégués pour marquer les « septièmes
arbres », jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 5 arbres.
On sait donc que :
nombre des arbres = 5 groupes de 7 et un groupe
de 5.
Les enfants observent également l'emplacement du
massif de rosiers, du parterre de giroflées et des
tilleuls (un rang de 4 et un rang de 5).
2) Confection de la maquette du jardin.
Les enfants ont à choisir entre des carrés, des
rectangles très allongés et des rectangles propor«1
tionnels aux dimensions du jardin, la plaque de
polystyrène « qui ira le mieux » pour représenter le jardin. Presque tous les enfants reconnaissent
intuitivement la « bonne » forme.
que nous soyons là pour lui expliquer ce que nous
avons fait, il se demanderait ce que représente
notre maquette, ces bâtons, ces poinçons ».
Ils placent alors autour du jardin, la rue, la cour
et l'école maternelle. Les élèves qui avaient eu des
difficultés lors du travail fait sur la maquette
n° 1, semblent alors beaucoup plus à l'aise et réussissent alors presque toutes à faire les manipulations correctes. Ce fait peut s'expliquer d'une part
parce que le jardin couvre un espace beaucoup
plus restreint et plus simple, dont l'enfant fait le
tour d'un seul coup d'ceil.
— « Il n'y a qu'à écrire au tableau : un poinçon
c'est un arbre ». La solution s'avère trop longue
et on ne sait pas écrire « poinçon de travail manuel ». Il faut simplifier : il suffit de dessiner un
poinçon et d'écrire à côté : « arbre ». Même chose
pour les autres éléments. Ils venaient de trouver
l'idée de légende.
Pour représenter les arbustes et les arbres, il a
fallu envisager de nombreuses solutions. Les enfants voulaient d'abord reproduire dans leur forme
exacte de petits arbres, mais ils pensent que ce
sera long et difficile.
Les mathématiques viennent une fois de plus à
leur secours. Comment avait-on fait, tel jour pour
représenter des élèves, des animaux ? Les élèves
étaient des croix, les animaux des ronds. Pour les
arbres il fallut choisir entre plusieurs propositions :
punaises, épingles, bâtons de sucettes, bouchons,
cure-dents. Ces derniers furent retenus.
Les enfants mirent d'abord en place tous les septièmes arbustes et ils choisirent même une couleur différente pour chaque septième arbre repéré
sur le terrain par un enfant ayant des bottes. Il
fallut ensuite placer les arbustes qui étaient entre
les « septièmes ». Une fillette fit aussitôt remarquer : « il en faut seulement six, parce que si on
en mettait sept, ça ferait sept plus un et ça serait
faux ».
Le plus difficile fut de disposer les six cure-dents
équidistants et occupant tout l'espace qu'ils devaient occuper. La structuration mathématique par
groupes de sept l'emporta sur une structuration
spatiale correcte.
Pour symboliser les arbres, les poinçons de travail manuel furent choisis et placés assez facilement par référence à une symétrie (un au milieu et
deux de chaque côté).
Les parterres furent placés avec aisance par référence intuitive à ce qui était déjà placé.
La maquette terminée, l'institutrice fit une objection : « Si quelqu'un entrait dans la classe sans
92
— « Il n'y a qu'à mettre les noms ».
3) Chaque enfant, par référence à la maquette et à
la réalité place sur une feuille de papier à dessin
rectangulaire des croix (arbustes), des gommettes
(tilleuls), un ovale orange (parterre), une bande
rose (plate-bande de rosier).
24 enfants ont fait ce travail. Le dépouillement des
résultats obtenus prouve d'indiscutables progrès
par rapport au travail réalisé sur la maquette
n° 1. Toutefois, deux élèves très faibles, ayant fait
un dessin non structuré font un travail où l'espace
n'est toujours pas structuré mais où le nombre des
tilleuls est juste.
Les résultats d'ensemble sont les suivants :
X K K X
o
K X K K
o
K X X K
o
M»
of]
K
I
lo o
o
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o
U
o
Wpo^rre
* ajuste
i "i pía he bonde
LEGENDE
non indiquée
les mots sont marqués sur les choses
correcte
2
5
17
ARBUSTES
équidistants
groupés par 7
5
19
nombre correct d'arbustes
nombre faux
9
15
TILLEULS
nombre correct
nombre faux
en deux rangs et en quinconce (solution juste)
en deux rangs alignés
en deux rangs plus ou moins droits . .
par paquets confus
22
2
11
2
9
2
PARTERRE
bien placé par rapport aux tilleuls
mal placé
16
8
PLATE-BANDE ROSIERS
bien placée
mal placée
16
S
On peut remarquer que les enfants sont noyés
par le nombre trop grand d'arbustes, le comptage
l'emporte sur la structuration spatiale, par contre
les neuf tilleuls, le parterre et la plate-bande sont
beaucoup mieux perçus et transcrits.
Arrivé à ce moment de l'exercice, chaque élève
prend la responsabilité de l'observation d'un seul
arbuste : « son » arbuste.
Choix et marquage de l'arbuste : Le choix est facile, mais comment repérer l'arbuste ? — « Y
mettre une étiquette ». Il fallut confectionner ces
étiquettes et choisir un matériau qui résiste au
mauvais temps. Chacun fixa à l'arbuste cette marque personnelle en ayant bien soin de ne pas blesser
la branche.
Ensuite chacun chercha à marquer son arbuste sur
la maquette. Ce fut un échec. Il fallut revenir sur
le terrain, nouer un foulard (rouge, vert, bleu...)
sur les T' arbustes, placer le symbole de ces foulards sur la maquette. Alors, chacun se plaçant
mentalement à l'intérieur du jardin repéra son
arbuste sur la maquette... « c'est le troisième à
droite après le foulard jaune... », etc.
Tous ces exercices préliminaires à l'observation
proprement dite des plantes, ne sont pas des exercices de structuration de l'espace isolés d'un
contexte, mais ils sont les conditions d'une observation plus méthodique et plus précise. Nous avons
ainsi acquis la conviction que des enfants qui sont
invités à tout observer au cours d'une longue promenade, font nécessairement des observations parcellaires et incohérentes. Les êtres vivants observés sont liés à un milieu, il faut d'abord être capable de les situer dans le milieu.
V. OBSERVATION PROPREMENT DITE
DES PLANTES
Chaque élève a maintenant un dossier d'observation à son nom. On y trouve les différentes réalisations évoquées ci-dessus. Le dossier va s'enrichir
tout au long de l'année.
Observation des arbustes : Chaque enfant a fait
un dessin de son arbuste, la consigne étant toujours
de dessiner cet arbuste de façon qu'on puisse le reconnaître, même si on ne l'avait jamais vu.
Puis elles ont rédigé chacune un petit texte pour
décrire l'arbuste. Il y en a de pittoresques : « mon
arbuste a des bourgeons avec des moustaches ». Il
est plus grand que madame Agnès. Il n'a pas de
feuilles. Il a de grosses branches marron foncé.
Il y en a de très courts : « Mon arbuste est minuscule. Il a des bourgeons rouges ».
Quatre ou cinq élèves n'ont rien écrit ou ont écrit
des phrases incompréhensibles. Dans tous les cas,
l'institutrice est intervenue pour corriger les fautes
d'orthographe. Le texte recopié et placé dans le
dossier est donc sans fautes.
Chaque élève a également enchâssé un rameau de
son arbuste dans une pellicule de plastique.
Tous ces exercices sont datés par les enfants et
placés dans leur dossier d'observation.
Bien entendu, l'observation des arbustes va se
poursuivre tout au long de l'année afin de suivre
l'évolution de la végétation dans le temps.
Les plantations : Les enfants ont reconnu dans le
jardin : du gazon, des giroflées, des pâquerettes,
des pensées. Ils savaient déjà par ouï dire et par
les discussions antérieures que les plante» provenaient des graines.
Ils ont donc acheté des graines de gazon, de giroflées, de pâquerettes et de pensées. Ils ont observé ces graines et constaté qu'elles n'étaient pas
toutes semblables.
93
cinquième jour les graines de gazon et de giroflées
étaient germées.
Puis ils ont empli des pots de terre en prenant soin
de bien la piocher au couteau. Les semis furent
faits, chaque pot portant une étiquette : « gazon ».
« pâquerettes »...
Toutes les constatations « importantes » sont consignées par les enfants sur un calendrier collectif
qu'elles construisent au jour le jour et qui se présente ainsi :
Chaque matin les enfants allaient voir le résultat.
Pendant quatre jours il ne se passa rien mais dès le
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•etc...
Les plantations ont été l'occasion de faire de nombreuses remarques :
Les jeunes plantes sont très fragiles. Si on arrose
en se plaçant trop haut, elles se couchent ou se
déterrent.
Si on arrache avec précaution une jeune plante, on
découvre une fine racine qui s'enfonce dans la
terre. Discussion sur le rôle de la racine.
et si on les enfermait dans un placard tout noir ?
Elles viennent d'essayer et chaque matin elles se
hâtent d'aller voir s'il s'est produit quelque chose
de notable à consigner sur le calendrier (au passage, on remarquera que les activités d'éveil peuvent respecter le cadre du tiers-temps sans se situer nécessairement l'après-midi).
Si on oublie d'arroser, les tiges s'abaissent et deviennent molles. On essaya avec la plante apportée
par Nadine. Si on ne l'arrose plus, ses tiges s'abaissent, elle perd ses fleurs, elle devient molle, elle
est malade. On lui redonne de l'eau, elle retrouve
la santé. Une fillette fit une remarque intéressante
qui resta inexploitée : « Et si on mettait trop d'eau,
qu'arriverait-il ? ». Ces formes de curiosité et ces
essais représentent le début de l'expérimentation.
Nous avons également essayé d'obtenir des enfants
de C.P. des observations plus méthodiques et des
dessins plus précis. Elles acceptent assez facilement de repérer sur une bande de carton la longueur d'une plante arrachée (longueur de la racine,
longueur de la tige), pour la reporter ensuite à côté
du dessin qu'elles font faire en grandeur réelle,
mais très vite, les exercices qu'on leur propose deviennent fastidieux et elles reviennent à des dessins qui sont la projection de ce qu'elles imaginent
plus que l'observation de ce qu'elles voient.
Très vite, les enfants remarquent que toutes les tiges se tournent vers la fenêtre. Elles tournent les
pots. En deux jours, les tiges se sont redressées
puis elles se penchent à nouveau vers la lumière...
Une fois de plus on constate que la réalité enfantine passe avant les exigences du spécialiste. Le
difficile est de savoir suivre le rythme de l'enfant
sans oublier une certaine rigueur scientifique.
94
R e n e d'observation
nom-. yi£dúu£|Ui2/
de tilleul qu'on a réussi à retrouver. Leur poussée
sera observée comme est observée la poussée des
pâquerettes et du gazon.
p\anïe¡^¿cuqmiüuddso
3té«taa».qtwú*
v: I
Observation des arbres : Les arbres sont examinés
attentivement, tronc, branches, rameaux. Puis ils
sont dessinés. On dessine même un rameau isolé de
l'arbre. Puis, pour répondre à nos inquiétudes sur
la notion de temps, une discussion est organisée :
d'où vient ce tilleul ?
Réponse unanime : « il vient de ses racines ». Cette
origine spatiale est acceptée temporairement. Pourtant, si on ne plantait que des racines, il ne pousserait pas un arbre. Une fillette raconte comment
son papa a planté un cerisier : « il a fait un trou
et il a planté les racines dedans ». Oui, mais ce
petit cerisier va devenir grand. Avant, il était
plus petit ? Comment-est-il né ? Personne ne
sait.
On reparle des plantes déjà connues, comment
naissent-elles, on pense aux graines. Alors un enfant « invente » une solution : « Pour faire un
cerisier, alors on doit planter une très grosse graine
d'arbre ». Il ne pense évidemment pas à la cerise,
mais à une « grosse graine » parce qu'il s'agit d'un
« grand arbre ». Toutefois les enfants savent tous
que sur les cerisiers « poussent » les cerises, il leur
faudra encore se souvenir que dans la cerise il y a
un noyau. Et leur réponse est comme une question : « Alors, si on plante une cerise, il pousse un
cerisier ! ? » et d'autres continuent, « et si l'on
plante une prune il pousse un prunier, une pêche
un pêcher, une châtaigne, un châtaigner ». L'une
même se souvient que si l'on plante un gland, il
pousse un chêne, on l'a déjà fait en classe, affirme-t-elle (tout ceci montre la nécessité de relier
entre elles diverses expériences antérieurement faites par les enfants).
Mais on ne resta pas au niveau des suppositions.
Comment voir si cela était vrai... Il est décidé de
semer des glands, des marrons et même une graine
Une visite aux pépinières :
Quelques enfants dirent qu'ils avaient remarqué
tout près de l'école, un grand champ planté d'arbres, certains même savaient que cela s'appelait
les pépinières, qu'on y voyait des hommes arracher de l'herbe, etc...
Une visite aux pépinières fut donc décidée. Au
cours de cette visite, l'institutrice eut sans cesse
une attitude d'observatrice, elle se posa des questions, elle en posa aux enfants, chacun fit ses r e marques : « ça, c'est le jardin aux dahlias » (observé en automne), « dans la rue, il y a beaucoup
de chiens », etc.. Chacun exprimait à haute voix
ce qu'il remarquait.
Le lendemain, on reparle de la sortie. D'abord les
enfants cherchent à reconstituer le trajet suivi sur
un document simplifié réalisé par l'institutrice (voir
ci-après).
Les enfants durent d'abord reconnaître ce qu'ils
voyaient sur le document : l'école, le jardin aux
dahlias, les peupliers, la maison de la maîtresse...
Puis chacun vint tracer sous l'œil vigilant des autres une partie de l'itinéraire suivi. Le tracé fut
critiqué et corrigé. « Là, on traverse la rue de travers parce qu'il y a un camion sur le trottoir au
passage clouté », etc...
Au cours de cet exercice, on vit que Frédérique qui
avait inversé droite et gauche dans le premier
dessin dont nous avons parlé, était capable de bien
repérer l'itinéraire si les éléments essentiels du
plan étaient mis en place. Elle avait alors des
points de référence solides.
On vit d'autres enfants venir situer le C.E.G., leur
maison, etc...
Le second exercice qui vint se greffer sur cette
visite est un dialogue.
Des élèves absentes sont revenues. Elles n'ont parfait la visite. Celles qui l'ont faites, racontent ce
qu'elles ont observé. Si les « absentes » ne comprennent pas, elles posent des questions complémentaires. L'intérêt réside dans cet essai de
95
communication d'une expérience par des enfants
à d'autres enfants. Il réside aussi dans le fait que
les enfants ont compris que le pépiniériste faisait
pousser des arbres pour les vendre, qu'il lui fallait
labourer la terre, arracher les mauvaises herbes,
repiquer les arbres et finalement les échanger
contre de l'argent à des personnes qui n'avaient
pas le temps d'attendre que les graines poussent.
Nous irons sur le marché, puis en ville voir les
« marchands de plantes vivantes ».
p é p i n lères
A
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maîtresse
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de la récréation,
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En conclusion, nous insisterons sur le fait que
l'étude des êtres vivants ne peut pas se ramener
à une nomenclature ni â une description morphologique. Les êtres vivants vivent dans un milieu
duquel ils dépendent et sur lequel ils agissent. Tout
l'intérêt réside dans l'étude des relations des êtres
avec le milieu et avec les autres êtres.
L'approche du concept de vie au C.P. est lente et
difficile. Il était nécessaire de préparer les conditions de l'expérience, il faudra beaucoup de temps
avant de voir fleurir les plantes qui sont en train
de germe. Elles permettront sans doute l'approche
de la notion de reproduction.
La véritable étude est à construire sur les bases qui
viennent d'être jetées. Rien n'a encore été fait à
propos des animaux, c'est une lacune que le printemps permettra sans doute de combler. L'étude
d'animaux permettrait d'étudier plus facilement
qu'avec les plantes certaines fonctions caractéristiques de la vie : mouvement, nourriture par exemple.
Les deux grandes difficultés rencontrées sont, d'une
part la nécessité de disposer d'un temps d'Observation long, d'autre part, la nécessité de lutter
contre cette tendance qu'ont les enfants de répéter
ce qu'ils ont entendu dire au lieu de chercher à
découvrir ce qui est. Les enseignants sont certainement responsables de cette erreur et ils ont souvent
tendance à répondre trop tôt et trop vite aux
questions posées par les enfants.
LA CLASSE :
C.P. M. Piétrucha - Niveau des élèves faible, beaucoup d'élèves d'origine étrangère.
L'ENCHAINEMENT
AU COURS DE L'ANNEE
(à titre d'exemple)
1) Les activités d'éveil y sont inséparablement associées du français.
Tout en ayant leurs finalités propres (structuration
de l'esprit, début de la construction des connaissances, développement de la communication orale et
esthétique, éveil moral, les activités d'éveil sont
un moteur puissant des autres activités, surtout le
langage.
2) Au premier trimestre, l'élève-maître en stage
(M. Desailly) (stage en situation) a axé les activités sur la chasse.
— l'équipement du chasseur,
— les chiens (animaux chasseurs),
— les animaux en général. Les enfants ont ramené
quantité de photos en couleurs et ont été amenés
spontanément à effectuer un classement.
•— animaux à poils,
— animaux à plumes,
•— animaux à écailles (les poissons avaient été
classés en vertu de ce critère, avec les reptiles).
2. — Ecole Normale de Garçons
d'Arras
Réflexions sur une visite au cours préparatoire de
l'école Mermoz à Méricourt (février 1971) - M.
Fauquet, E.N.G. Arras.
SITUATION DE L'ECOLE : Méricourt-sous-Lens
(Pas-de-Calais).
Au cœur du pays minier, coron, terril, baraquement, toutefois on peut apercevoir des champs.
Parcs à proximité, arbres dans la cour de l'école.
Le maître n'a pas « forcé » ; il a accepté ce classement spontané, correspondant donc au niveau
d'âge des enfants.
Les insectes et crustacés ont été classés à part.
Des panneaux muraux ont été constitués (activités
esthétiques) avec ces gravures classées.
Ceci se faisait en liaison avec les exercices de langage. Les enfants étaient puissamment incités à
parler. Les activités esthétiques (dessins, panneaux
muraux), s'en trouvaient également promues.
En accompagnement l'élève-maître lisait des extraits de « Frou le lièvre ». Cette lecture a débouché sur d'autres activités spontanées faisant
prendre conscience des relations alimentaires du
97
lièvre avec le milieu ; des activités de classement
de gravures tirées de catalogues de jardinage et
illustrant le repas du lièvre.
N.B. : Au début du premier trimestre, le maître
M. Piétrucha a récolté avec ses élèves des chenilles
qu'il a nourries et qui actuellement sont à l'état de
chrysalides. Ce premier trimestre s'est terminé par
la préparation de l'arbre de Noël (activités manuelles) , mais on en a profité pour attirer l'attention sur « l'arbre «{l'épicéa, qui sera le thème
de la rentrée de janvier).
2) 2" trimestre 1970-71
Tout a commencé par une sortie au parc (janvier
1971) pour étudier la faune, les bourgeons, les écorces de quatre types d'arbres : érable, platane, bouleau, peuplier. On a récolté des branches, on a
observé les bourgeons, leur taille, leur couleur, on
a mis les branches dans l'eau.
Au pied d'un peuplier, les enfants ont trouvé des
« bêtes » qu'ils ont ramassées à l'état inerte.
A l'école on les a mises sur les tables pour les dessiner, par cette simple action deux points intéressants nous sont apparus :
1
— le réalisme enfantin : les insectes sont dessinés
avec leurs trois paires de pattes, leurs deux antennes,
•— une découverte a pu être faite par les enfants :
les insectes sur les tables ont repris « connaissance », mouvement — les enfants ont pu les toucher du doigt, ils ont perçu l'influence du facteur
température sur la vie des animaux ; et ceci va
déboucher sur l'étude d'animaux qui « dorment
l'hiver » (hibernation) et sur une lecture (Bourru,
l'ours brun),
— l'idée d'élever des animaux est née de cette récolte (nécessité de conserver vivants les animaux
•rapportés). Le maître, à ce stade, avait donc réuni
dans sa classe sous forme d'exposition.
a) Des panneaux avec rameaux, et leurs bourgeons d'hiver non éclos.
to) Des rameaux dans des vases.
c) Panneau mural avec les dessins d'insectes ou
autres invertébrés, fait par les enfants.
d) Des panneaux constitués de gravures de mammifères, d'insectes hibernant l'hiver.
98
Il avait ainsi mis ses jeunes élèves en situation de
découverte.
Les élèves avaient vu les insectes ou les cloportes
se réveiller à la chaleur de la classe ; ils ont ressenti alors la nécessité de les élever, c'est-à-dire
de les nourrir. D'autre part, un fait occasionnel (les
insectes rapportés avaient été placés dans des locaux contenant de la terre ; mais dans l'un d'entre
eux la terre avait séché et tout était mort à l'intérieur) a amené les élèves à constater les exigences en humidité.
Les rameaux qui étaient dans l'eau et à la chaleur
de la classe ont rapidement éclos leurs bourgeons
(avec apparition des premières feuilles).
Ces deux séries de faits ont fertilisé les échanges,
les conversations maîtres-élèves d'où il est ressorti que chaleur et humidité étaient nécessaires
à la vie (animale et végétale).
Une seconde sortie s'est imposée (février) pour verifier si les animaux qui étaient morts dans le bocal où la terre avait séché vivaient toujours là où
les enfants les avaient trouvés, au pied d'un peuplier.
Au cours de cette sortie, la rencontre fortuite d'un
jardinier qui transplantait un arbre ; une conversation s'engage. Rentré en classe une sorte de déballage a été opéré, et un texte non structuré, retenant les principales idées dégagées de la conversation a été écrit au tableau : « Il faut du soleil
pour que les arbres poussent. Nous pouvons déplacer les arbres de novembre à mars car ils dorment — arrêt de sève — « semer ».
Avec la première phrase on retrouve une idée déjà
rencontrée au cours du trimestre : la nécessité de
chaleur — et les élèves la retrouvent facilement.
Avec la deuxième phrase, on retrouve l'idée d'hibernation (déjà vue, mais sans que le mot ait
été prononcé). Il apparaît ici une nouvelle idée,
c'est la durée de cette hibernation. Un élève a
spontanément dit « cela fait cinq mois » — Le
maître a exploité cette idée et a essayé de faire
représenter ces cinq mois en recourant à des faits
vécus. Puis il a lu un texte de Pluche, l'ourse brune, qui justement dort de novembre à mars ( « cinq
mois passés sous la terre sans rien manger »), et un
texte sur les bourgeons (« les bourgeons baillent
et s'étirent »). Le maître met donc les enfants en
situation de comparer : les arbres, comme certains
animaux, ont dormi cinq mois (structuration du
temps). Mais une autre notion peut se raccrocher :
animaux et plantes sont soumis aux mêmes conditions :
— froid,
— absence de nourriture.
Tout ceci évidemment a supposé une conversation
très riche, où tous les élèves intéressés ont participé par le langage, par le mime.
On voit également le rôle du maître :
•— recherche de documents,
— apport de matériel simple,
— recherche de textes circonstanciés,
— utilisations d'exemples vécus, mettant les élèves
dans les conditions les plus favorables pour s'exprimer et découvrir.
Petit détail pratique (le maître en cette fin de
mars envisage de semer des carottes en pot en prévision du nourrissage des chenilles de machaon au
troisième trimestre.
3) Troisième trimestre
— Prévisions de M. Piétrucha :
1) Réaliser le cycle de développement du machaon :
• ce qui aura l'avantage de favoriser la structuration du temps,
• ce qui fera constater l'étroite relation entre les
animaux et les végétaux (la chenille avec les
feuilles de carottes, par exemple).
hiver
chrysalides
^ ^ eclosión en mai au moment du
lilas, sous une grande cage
/
accouplement
juin a
octobre |
mai
chenilles •*—•
vivant sur feuillage
de carottes cultivées
en pots et fréquemment
arrosées, sous une
cage en classe.
•— ponte
• contact spontané et naturel avec tous les événements de la vie (naissance, croissance, métamorphoses, multiplication, mort).
2) Un thème : « le retour des oiseaux ».
3) Un thème : « l'éveil des insectes », « têtards
et tritons ».
Conclusion :
Par cette méthode et cette attitude, il apparaît
qu'il est possible de faire des activités d'éveil au
cours préparatoire, sans rien imposer, en suivant
attentivement les cheminements de l'enfant, en
le laissant atteindre ce qui est à sa portée, en le
mettant simplement en situation de découvrir, en
développant chez lui l'intérêt naturel pour les
réalités du monde vivant ; en en développant par
la même occasion ses facultés d'expression, sa
structuration mentale et son apprentissage du langage.
99
Chapitre III
ORIENTATIONS ET GRILLE
POUR L'ORGANISATION DES RECHERCHES
AU COURS PRÉPARATOIRE
A PARTIR DE 1971-1972
I. — IL FAUT PARTIR DE L'ECOLE MATERNELLE
H. — MODALITES PRATIQUES d'organisation du
travail de recherche
i n . — CADRE-CONTENU adopté lors du stage
d'avril 1971 pour la poursuite de recherche pédagogique appliquée sur programme en 1971-1972 :
— les orientations ;
— les objectifs.
IV. — ORGANIGRAMME DE LA GRILLE C.P.
de l'E.N.F. de Caen amendée par la Commission
C.P.
V. — « ACTIVITES D'EVEIL A ORDENTATION
SCIENTIFIQUE ».
I. IL FAUT PARTIR
DE L'ECOLE MATERNELLE
Puisque l'enfant est au centre de nos préoccupations, il n'est pas possible de définir certaines
formes de son activité au cours préparatoire sans
tenir compte à la fois de son passé et de son avenir.
Les activités d'éveil impliquent une philosophie
de la continuité éducative car il n'y a pas pour
l'enfant d'expérience isolée. Toute expérience se
rattache à une expérience antérieure et prépare
une expérience à venir. L'éducation est, comme
l'écrivait Dewey, une « reconstitution ou réorganisation de l'expérience qui accroît la signification
de l'expérience et la capacité de diriger l'expérience future •» (Dewey. Démocratie d'éducation,
p. 101-102 - Cf. La Pédagogie de Dewey, Gérard
Deledalle, Ed. du Scarabée, 1965).
Pour prendre conscience de la place des activités
d'éveil au C.P., il faut donc partir de l'école maternelle et de là, ouvrir des perspectives pour
l'avenir en prenant conscience des fins générales
qu'on se propose d'atteindre et des buts particuliers qu'on peut définir pour le C.P.
Nos recherches s'inscrivent donc comme la suite
naturelle de celles qui sont engagées dans les écoles maternelles afin que nos schémas n'introduisent
aucune rupture entre l'école maternelle et l'école
élémentaire.
On consultera donc les numéros de « Recherche
Pédagogique » consacrés à l'Ecole Maternelle. Le
dernier numéro est consacré à la « Mathématique
vivante » (n° 45) et l'on y verra que les équipes se
sont engagées à approfondir les problèmes relatifs
à la structuration de l'espace et du temps. En ce
qui concerne les activités d'éveil Madame Delchet,
Inspectrice départementale des Ecoles maternelles,
Chef de la Division pré-élémentaire au Département de la Recherche pédagogique, a défini le
point de vue propre à l'école maternelle.
L'ECOLE MATERNELLE
ET LES « ACTIVITES D'EVEIL »
(Communication de M"1* M. Delchet, chef de
travaux, responsable I.N.R.D.P. des recherches
au niveau pré-élémentaire, mai 1970)
J'essaierai de dégager rapidement d'une part, ce
qui fait l'originalité, la spécificité des points de
vue de l'Ecole Maternelle, d'autre part ce qui
101
pourrait devenir perspective commune et peutêtre plan d'action concertée aux différents niveaux
de la RECHERCHE.
A l'Ecole Maternelle, TOUT EST
MATIERE D'EVEIL
Pour l'enfant de 2 à 6 ans, la relation essentielle
au monde est une relation d'éveil, une relation vitale. Toute réalité est alors abordée, non point
sous le signe de l'observation, mais dans un esprit
de découverte, sous le signe de l'étonnement, de
l'émerveillement. « Le monde est beau avant d'être
vrai » (Bachelard). Il s'agit donc, à tout moment,
d'aider l'enfant à construire cette relation essentielle où l'univers vécu se transforme, se structure
et se densifie en même temps que le moi enfantin,
dans un rapport de réciprocité. Double mouvement de créativité, c'est en ce sens qu'on peut
considérer l'Ecole maternelle comme une « cellule
créatrice ». Dans ce nouvel environnement, chacun doit pouvoir vivre son rapport au monde de
manière singulière. Pour chacun d'ailleurs, l'expérience se colore de ses relations affectives antérieures ; chacun vit globalement ses tentatives et ses
projets, « ses prises » sur l'environnement, et ses
relations s'établissent aussi bien sur des champs
perceptifs apparemment neutres qu'avec son entourage humain et social. Dans cette perspective
tout est objet d'éveil, tout est raison d'éveil.
A l'Ecole Maternelle, pas de disciplines
« majeures » et « mineures »
Nous ne distinguerons donc pas comme au niveau
du cycle élémentaire et au-delà, des disciplines
fondamentales et des disciplines d'éveil, — des
disciplines « majeures » et « mineures ». Ce schéma d'activités ainsi construit ne répond pas à nos
finalités. Si nous visons essentiellement au développement harmonieux de l'enfant, dans sa réalité biologique, psychologique et fonctionnelle, —
sociale et fonctionnelle, — si les mots « relation »,
«émancipation»,
«autonomie» ont un sens, il
s'agit avant tout de donner à l'activité de l'enfant
se plénitude dans le champ où elle se manifeste et
dans le moment même où elle le requiert impérieusement. — Il s'agit aussi de la faire lucidement
évoluer vers des plans d'activités plus différenciés
qui favoriseront le passage aux étapes successi102
ves de la croissance enfantine et en assureront la
continuité, sans oublier que l'expérience de l'enfant est constamment portée ou affectée par ses
relations interhumaines. Ainsi, pour nous, toute
activité devient fondamentale en ce sens qu'elle
concourt à l'édification de ce « nœud de relations »
qui définit l'enfant dans le monde qu'il construit
et où il se construit.
A l'Ecole Maternelle, les activités ne se juxtaposent
pas. Elles sont toutes convergentes
En raison même de ce « nœud », les activités proposées à l'enfant ne se développent pas selon des
cadres cloisonnés ni dans une perspective de juxtaposition. Elles devront se dérouler sans rupture
et cette exigence s'inscrit bien dans notre tradition.
Il s'agit non seulement de prévoir, mais de créer
un enchaînement logique et fonctionnel des activités de la journée qui s'insérera lui-même dans
un mouvement plus large où les projets individuels
et les projets communs pourront s'approfondir dans
une durée plus vaste. Cette dynamique mentale
requise des institutrices maternelles pour répondre
aux lois du développement enfantin constitue la
base d'une pédagogie dialectique qui se propose de
rompre avec un savoir figé qui dogmatise les
connaissances pour introduire l'enfant à l'esprit de
découverte (exploration et aventure), sans le frustrer des démarches informatrices bénéfiques à
l'égard des êtres et des choses rendues à leur vie
dans un monde en perpétuel mouvement, en perpétuelle transformation. Ceci suppose de la part de
l'éducatrice meneuse de jeu une mobilité spirituelle
des capacités d'invention créatrice, un pouvoir de
synthèse qui ne s'improvisent pas mais qui sont le
fruit d'une expérience mûrie au contact quotidien
des enfants. Cette maîtrise n'est jamais donnée, elle
est toujours conquise. La trame d'activités que
l'institutrice propose et crée alors par le dialogue
avec le groupe enfantin, est une trame essentiellement flexible qui lui permet de choisir une stratégie en fonction d'une ambiance de vie toujours
mouvante. Chaque moment éducatif devient alors
complémentaire de tous les autres et le projet
initial ou « thème » peut se déployer par le jeu
des convergences qu'elle propose. L'observateur
étranger se perd le plus souvent dans les faisceaux
de convergences ainsi construits où les notions apparaissent et sont approchées, où les concepts sont
mis à l'épreuve dans des perspectives multiples et
différenciées. Ici et maintenant, l'on danse certes ;
mais déjà l'exercice rythmique dépasse son but
et les questions et les échanges qui s'instaurent sur
un pied d'égalité et de réciprocité pour réaliser les
« figures » de la danse contiennent et induisent un
nouveau versant de l'action et de l'expérience.
C'est l'espace ainsi habité, « la géométrie vécue »
qui favoriseront dans l'heure prochaine, et pour
certains, le passage au signe et à la représentation
dans un espace conventionnel ; pour d'autres, la
création jubilante de formes et de jeux colorés.
Chaque moment peut être ainsi saisi dans ses développements et enroulements possibles et ouvre
aux enfants de nouvelles expériences élargies, approfondies dans un enchaînement toujours cohérent cependant. Cette interdépendance des activités, cette convergence permettent l'approche des
notions et la formation progressive des concepts
grâce à la multiplicité de perspective ainsi créée.
Elles favorisent aussi l'émergence de l'attitude objectivante par la remise en question des évidences
et des apparences sans léser l'élan créatif des enfants ni leur appétit de découverte.
Privilège du LANGAGE à l'Ecole Maternelle
C'est à l'Ecole Maternelle que s'opère le passage capital, l'accès au symbole. Au plan de la pure action succède et s'oppose (selon Wallon) celui de la
représentation. A « l'espace des choses » se superpose « l'espace mental », « dans lequel l'image
peut être considérée comme le premier degré du
symbole parce qu'elle tend vers le langage, support
nécessaire de la représentation, clé de la fonction
symbolique ».
Ainsi se structure l'intelligence conceptuelle, l'intelligence discursive qui opère sur des représentations ou par le moyen des représentations et
dont le langage est le « substrat indispensable ».
Il s'agit bien ici d'un seuil capital que l'enfant doit
franchir et à ce titre, le crédit accordé au langage
à l'Ecole Maternelle serait amplement justifié. Un
tel crédit s'inscrit dans une tradition qui, depuis
Pauline Kergomard ne cesse de s'affirmer et fait
l'originalité de notre système éducatif au regard
des autres systèmes pré-scolaires.
Au moment où la fonction éclate et achève de se
constituer, l'enfant réclame en outre une prodigalité, une ouverture et « un crédit sans bornes »
qui donne un sens à tout. Car c'est le désir d'une
communication vivante qui définit bien avant ce
moment même l'attitude foncière du jeune enfant,
désir qu'il faut nourrir, encourager, et bien souvent aussi réparer. « C'est au niveau de la parole
échangée que les existences étrangères (en même
temps que la nôtre) nous apparaissent ordonnées
au monde vrai. » L'outil relationnel, sa solidité, son
efficacité préparent déjà l'outil de conceptualisation que devient très vite le langage.
Toutes les activités langagières, — et elles sont
multiples et étonnamment diversifiées dans nos
meilleures classes, — sont des activités privilégiées
d'éveil, éveil à soi, éveil à autrui, aux choses, au
monde et favorisent la constitution de « l'ZJNIVERS ORIENTE ». Je reviendrai sur ce point
important dans la seconde partie de mon rapide
exposé.
UNITE ET CONTINUITE
Il est clair qu'une telle pédagogie est essentiellement novatrice, — au moins dans ses intentions —•
et que l'Ecole Maternelle apparaît le plus souvent,
au regard des autres niveaux d'enseignement
comme u n terrain privilégié d'innovation et de
recherche. Pourtant entre les finalités et la réalité
vécue sur le plan quotidien, les distorsions existent et tendent à se multiplier et les problèmes
sont loin d'être résolus. Dans ce domaine, il nous
faut résister à la séduction d'un mythe facile et ne
point laisser croire qu'ayant trouvé ses solutions,
l'Ecole Maternelle peut fonctionner en vase clos,
privilégié, à l'écart des autres cycles à l'heure
même où ceux-ci se remettent en question. Une
telle tentation qui tendrait à isoler l'Ecole Maternelle du mouvement actuel de rénovation ne ferait
que la confiner dans un rôle mineur où elle s'asphyxierait rapidement. Il nous faut affirmer, de
principe, l'unité et la continuité des perspectives
éducatives. Si les méthodes se différencient en
fonction des niveaux de maturation des enfants,
leurs finalités et leurs objectifs coïncident.
C'est en ce sens que le Département de la Recherche Pédagogique organise ses coordinations
aux différents niveaux, la concertation la plus
large qui peut évoluer vers la formulation et l'expérimentation d'une trame d'hypothèses commune
dans le domaine qui nous rassemble ce matin.
103
LANGUE PARLÉE
LANGUE ÉCRITE
«itf
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&¿*;¿:
>v c/ <
>l<f
«>
I
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BILINGUISME
stf*>
4R*
LA STRUCTURATION SPATIO-TEMPORELLE
104
Les axes de la Recherche
au niveau pré-élémentaire
sent fonctionnefllement entre les axes d'activité.
Actuellement ce réseau se construit sur le schéma
suivant.
Compte tenu des moyens qui nous sont accordés à
ce niveau, l'économie, la prudence et la modestie
eussent commandé une orientation à mon sens restreinte de la recherche à l'Ecole Maternelle. Nous
aurions pu nous limiter à un seul axe de recherche
et porter nos efforts sur un champ volontairement
réduit à seules fins d'éviter la dispersion et l'épuisement. Pour ma part, et avec l'accord de
M. Legrand, pour rester fidèle aux finalités de
l'Ecole Maternelle et à cette pédagogie dialectique
que j'ai tenté d'esquisser, j'ai résolu de « vivre
au-dessus de mes moyens » et construit un plan
de recherche qui fait apparaître en miroir les
convergences et les complémentarités qui s'établis-
—
—
—
—
La structuration spatio-temporelle
Dans ces différentes directions considérées comme
complémentaires, très vite des nœuds de convergences sont apparus découvrant une dimension nouvelle et des hypothèses communes de recherche
(figure 2).
Ainsi, le problème de la « formation de l'univers
orienté »(1) s'est imposé à toutes nos équipes
avec ses 4 réalités solidaires.
Schema corporel
Orientation spatio-temporelle
Structuration spatio-temporelle
Stabilisation des repères et des valeurs vécues.
avènement
de l'intelligence analytique
• activité symbolique
capacité d'objectivation
des relations et des rapports
(analyse - abstraction - généralisation)
Cet exemple, choisi à dessin, éclaire cette unité
et cette continuité qui peuvent et doivent s'instaurer dans tous les ordres et à tous les niveaux de
la Recherche Pédagogique.
— un éclairage meilleur et un approfondissement
de la perspective génétique qui sous-tend toutes
les stratégies pédagogiques {respect de l'unité et
des lois du développement) ;
Conclusion
— un meilleur ajustement de nos hypothèses en
fonction de finalités de l'éducation repensées en
commun ;
Que peut-on attendre des recherche conduites au
niveau de l'Ecole Maternelle sur le problème des
« activités d'éveil » ? L'on pourrait risquer :
(1) Expression empruntée à MuochieUi.
105
— un meilleur ajustement de nos démarches et
de nos méthodes pédagogiques ;
— une réduction des différences et des ruptures qui
existent encore à la charnière de chaque cycle
d'enseignement (de l'Ecole maternelle au Cycle
élémentaire, du Cycle élémentaire au 1er cycle,
etc.) ;
— la possibilité d'élaborer des instruments susceptibles de nous aider à mieux situer les capacités
réelles d'un enfant au moment où il passe d'un
cycle à l'autre.
subsistent, l'élaboration et la maîtrise d'un réseau
clair d'hypothèses dont il faut simultanément saisir la spécificité et ses interférences au niveau de
la stratégie pédagogique globale déployée sur nos
terrains dits « expérimentaux ».
Ainsi se retrouvent, mis en perspective, différents
types et niveaux de recherche, la réinsertion de
recherches fondamentales dans la recherche descriptive et analyique et dans la recherche pédagogique
d'innovation et de validation.
Il nous reste à approfondir ces perspectives et à
les « vivre » sur nos terrains d'expérience.
Objectifs communs à toutes nos recherches
dans le cycle pré-élémentaire
Mme M. Laurent-Delchet a bien voulu nous confier
pour insertion dans cette publication le diagramme
des recherches tel qu'il s'est structuré depuis notre
Stage d'avril 1971. Elle nous précise ce qui suit :
Il s'agit d'un schéma organisateur des recherches,
essentiellement dynamique, donc ouvert et évolutif. Il s'élabore tant au niveau interdisciplinaire de
la conception et de la coordination qu'au niveau
d'une pratique maîtrisée et contrôlable sur les
terrains dits « expérimentaux ». Ce passage d'une
recherche empirique et tâtonnante à une recherche
expérimentale qui appelle la validation des hypothèses déployées par les chercheurs ne pourra
s'opérer que si les terrains obtiennent un véritable
statut expérimental.
Le diagramme ainsi conçu et construit peut, nous
semble-t-il, faire apparaître assez clairement qu'au
niveau pré-élémentaire, la sectorisation des recherches en fonction d'activités strictement spécifiées s'efface en fonction et au bénéfice d'une prise
de conscience globale des problèmes éducatifs qui
ont pour objet l'enfant, dont le développement
est envisagé dans son unité indivise, dans une
perspective génétique, mais aussi dans sa dimension
socio-morale (c'est-à-dire dans les relations que les
enfants construisent avec les adultes dans les différents milieux de vie et groupes humains dont
chacun est « partie »).
L'orientation donnée à nos recherches, la manière
dont elles se structurent et s'interpénétrent peut
être explicitée provisoirement par ce schéma. Ceci
n'exclut nullement, pour chacun des secteurs qui
106
Les stratégies pédagogiques induites par un tel
schéma tendent dans tous les cas :
— à réduire et compenser les handicaps de départ ;
— prévenir les « inadaptations » et les « échecs »
dans l'étape suivante de la scolarité ;
— développer chez tous les enfants :
— les capacités relationnelles
— l'appétence à la communication
— les attitudes d'initiative et d'autonomie
— le goût et les capacités de créativité
—• l'exigence de l'activité et de l'effort productif.
— favoriser, dans un souci constant d'équilibration
et dans une perspective résolument génétique :
— leur développement biologique
— leur équilibre affectif
— leur insertion active dans leurs milieux de
vie (fonction d'ouverture)
— leur développement cognitif (passage de
l'opératif au conceptuel)
— leur disposition et potentiel à « transformer leurs inventions en habitudes ».
C'est
nous
dans
avec
en fonction de ces finalités très précises que
avons construit nos hypothèses envisagées
leurs spécificités et dans leurs interférences
celles des autres secteurs.
I.N.D.R.P. : SERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES
DIVISION PRE-ELEM.
établi par Mme Laurent-Delchet, tous droits réservés
diagramme des recherches 1971.72.
établi par Mme Laurent-Delchet
tous droits réservés
II. MODALITES PRATIQUES
D'ORGANISATION DU TRAVAIL
DE RECHERCHE
(rappelées après l'ouverture du stage
des 26-29 avril 1971, par Mme L. Marbeau)
« Il apparaît nécessaire de fixer une doctrine claire
et ferme en ce qui concerne l'interdisciplinarité
pour notre groupe de recherche. La concertation
est nécessaire pour les recherches dans le Cycle
Elémentaire, mais rigoureusement indispensable
pour le C.P. Il s'agit d'une concertation entre spécialistes, y compris les psycho-pédagogues qui sont
des spécialistes (professeurs des E.N., I.D.E.N. ou
animateurs de l'I.N.R.D.P.), avec des enseignants
polyvalents, les instituteurs, en vue de préparer
des activités d'éveil et de permettre à l'enfant
d'accéder plus tard, mais plus facilement, aux disciplines intellectuelles telles qu'elles seront abordées en 6", et peut-être au CM. Les exercices,
jeux, activités d'éveil au C.P. sont fort éloignés
de nos disciplines au sens traditionnel du terme.
Les collègues qui ont travaillé au niveau du C.P.
diront cependant comment les activités qu'ils ont
imaginées, ou conduites, préparent l'enfant de 6
ou 7 ans à l'histoire, la géographie, l'initiation
économique, sociale et politique et les sciences,
sans négliger pour autant le développement de sa
sensibilité (art), de l'expression graphique (dessin)
et de ses progrès verbaux (expression orale). Nous
avons tout particulièrement regretté l'absence d'un
spécialiste de mathématiques. Par contre l'aspect
Vie (biologique), mais aussi les éléments de physique n'ont jamais été absents des discussions autour des concepts interdisciplinaires d'espace, de
temps et de relation.
Il serait souhaitable que dans chaque E.N. puisse
se constituer une équipe interdisciplinaire autour
d'une recherche. Cela ne doit pas conduire à une
confusion (une seule équipe pratiquant toutes les
recherches) mais chaque spécialiste, ou groupe de
spécialistes en histoire et géographie, a intérêt à
s'assurer le concours non seulement du psychopédagogue (nécessité de ne jamais oublier la dimension psychologique) mais encore celui des collègues spécialisés dans les « langages », dans les
autres disciplines d'éveil, et l'éducation physique.
Il est non moins souhaitable que l'historien-géographe intervienne de façon spécifique dans la
recherche menée par d'autres spécialistes. Dans le
108
premier cas, les collègues des autres disciplines
interviennent auprès de nous à titre complémentaire ; dans le second cas ce sont les historiensgéographes qui apportent une simple contribution
à une recherche appliquée sur programme qui se
déroule dans le cadre d'autres disciplines.
Le travail interdisciplinaire des professeurs-chercheurs est utile pour la phase d'analyse mais également nécessaire au moment des synthèses : il
faut que les instituteurs conduisent les enfants jusqu'à la synthèse.
Cet aspect interdisciplinaire introduit dans nos r e cherches vise à permettre que soient réellement
abattues les cloisons entre les disciplines mais ne
doit pas nuire à la spécificité de chacune d'entre
elles. Dans cette phase de recherche une réelle
maîtrise des disciplines (méthodes et contenus) est
indispensable pour construire schémas généraux,
exercices, jeux, expériences... L'instituteur ne peut
être spécialiste dans tous les domaines ; il convient
par contre qu'il prenne conscience de l'exigence des
diverses disciplines ; une recherche pédagogique
appliquée qui se veut scientifique ne saurait être
menée avec des hésitations ou confusions concernant méthodes et contenus : il en est ainsi pour le
C.P. et de même aux CE. et CM.
Rappelons que la commission C.P. proposera un
texte, sorte de charte méthodologique, utilisable
pour les recherches au C.P. en 1971-1972. Il
conviendra d'étudier ce texte soigneusement, de
le discuter, l'amender et l'adopter comme cadre de
recherches au C.P. pour toutes les équipes. »
III. CADRE-CONTENU ADOPTE
LORS DU STAGE D'AVRIL 1971
POUR LA POURSUITE
DE RECHERCHE PEDAGOGIQUE
APPLIQUEE SUR PROGRAMME
EN 1971-72
LES ACTIVITES D'EVEIL AU C.P.
La commission C.P. du stage national d'avril 1971
a travaillé sur un texte, qui rassemblait des considérations des 3 équipes qui avaient particulière-
ment expérimenté au niveau du C.P. en 1970-1971
(E.N.F. de Caen, Saint-Germain-en-Laye, E.N.G.
d'Arras). Après la discussion un accord s'est dégagé sur le texte suivant, qui est apparu comme un
énoncé d'intentions fondamentales, et il est complété par une grille (1) plus précise suggérant des thèmes d'activité.
I - LES ORIENTATIONS
Le but de l'éducation consiste à aider l'enfant à
se former et les activités d'éveil contribuent à favoriser sa croissance tant physique que mentale.
Certes à l'Ecole Maternelle, toutes les activités
sont matières d'éveil et elles doivent continuer à
l'être au C.P. Néanmoins les activités d'éveil peuvent commencer à avoir leur langage propre au
Cours Préparatoire.
Quel que soit ce langage, elles doivent suivre le
développement génétique de l'enfant. Il conviendra
donc de ne pas rompre l'unité éducative favorable
au développement de l'enfant et aux apprentissages fondamentaux de la lecture, de la langue et
de l'initiation mathématique. Les maîtres expérimentés avaient déjà le souci intuitif de cet éveil,
mais ce souci apparaissait à l'intérieur des différentes activités figurant au C.P.
Or, il convient de se référer non pas à un ordre
voulu par la matière structurée par des systèmes
d'adultes, mais de se référer à un ordre dans les
étapes, imposé par la croissance de l'enfant.
II ne paraît donc pas souhaitable de prévoir une
succession méthodique a priori des exercices, mais
seulement des orientations possibles qui se développeraient de manière polyphonique tout en respectant les circonstances et les intérêts de l'enfant,
la valeur polyvalente des exercices et l'indispensable « transfert des attitudes acquises à l'occasion
des autres activités ».
d'activités corporelles et manuelles, d'exploration
du milieu dans des perspectives géographiques,
biologiques, technologiques et aussi d'exercices
d'expression verbale et mathématique. Ce qui montre le nécessaire décloisonnement dans l'organisation du tiers temps pédagogique mais surtout
dans les mentalités et au niveau de la recherche,
la collaboration étroite des différents spécialistes.
Il ne s'agit donc pas d'introduire l'histoire, la géographie ou les sciences au C.P., mais de développer certaines attitudes et aptitudes utiles au développement de l'enfant, comme à la pratique à
échéance plus lointaine de diverses disciplines.
Quatre concepts ont été jugés fondamentaux :
l° r — l'espace
2* — le temps, cadres de la pensée
3e — la vie, centre des intérêts de l'enfant
4e — les relations, en particulier les relations
causales.
Simultanément à la construction de ces concepts
l'enfant doit accéder à une meilleure appréhension
des notions telles que celles de substance, de changement, etc.
II - LES OBJECTIFS
— Le premier objectif consiste à connaître l'enfant,
celui-ci n'étant pas considéré comme un objet de
curiosité mais comme un être dont nous avons la
responsabilité et qu'il s'agit d'observer avant de lui
apporter notre aide. Il faut que le maître soit à
l'écoute de l'enfant, qu'il le laisse s'exprimer, chercher et proposer ses solutions, se tromper, expérimenter. Il faut vouloir bien perdre u n peu de
temps pour que l'enfant en gagne.
— Le second objectif vise :
— à assurer la continuité avec l'enseignement
reçu à l'Ecole Maternelle en ce qui concerne
la construction de l'espace et du temps dans
leur relation avec la vie ;
Au C.P., il semble nécessaire d'abandonner l'idée
d'éveil à une discipline (car l'idée sous-jacente de
discipline pourrait fausser l'orientation de l'acte
pédagogique) et de retenir celle d'éveil par l'activité poursuivie en dehors ou au sein des disciplines. Par exemple la construction de l'espace
implique des expériences qui relèvent à la fois
— à prévoir la continuité avec l'enseignement
donné au C E . où l'on exploite de façon plus
spécifique l'apport du milieu.
(1) Cf. organigramme page suivante et grlie détaillée
en fin de brochure.
— Le troisième objectif vise par des manipulations,
des explorations à initier l'enfant à des démarches
109
o
S
Il crée
Il découvre
Il reflète et
véhicule
Il s'é tonne
1
II agit
^
\
^
ESPACE
TEMPS
VIE
OBJETS
et P R O P R I E T E S
Il utilise des
documents. Il lit
des documents créés
par les autres
•
II crée
•
Langages
Il s'exprime
COMMISSION C.P.
16 juin 1971
Action de
l'éducation
Socialisation
P a r m i les autres
Y
P E R C E P T I O N GLOBALE
Dans un milieu
L ' E N F A N T VIT
IL CONSTRUIT SA PENSEE
par action sur le réel pour communication avec les autres
^
_ ^ _
AU C O U R S PREPARATOIRE
DE L'E.N.F. DE CAEN, AMENDEE PAR LA COMMISSION C.P.
IV. - ORGANIGRAMME DE LA GRILLE C.P.
opératoires et à aider l'enfant non seulement à
étendre le champ de l'expérience vécue imais à
commencer à prendre conscience des réalités sensori-imotrices.
— Le quatrième objectif vise à aider l'enfant à
prendre des attitudes « objectivantes » : il doit
prendre conscience que ses explications du monde,
ses conceptions, stéréotypes, préjugés... ne sont pas
forcément ceux de son voisin et qu'ils n'expliquent
peut-être pas les choses. Cette remise en cause
est le point de départ d'une pensée scientifique.
L'ensemble des activités d'éveil permet la décentration de l'enfant et développe ses possibilités de
coopération. Non content d'avoir vécu des expériences, il faut le rendre capable de construire, de
sous-systèmes en systèmes, des structures plus
complexes qui lui permettent de traduire le vécu
et de lire le non^vécu codé par d'autres. Il faut
accoutumer l'enfant aux premières formes de représentation ou aux premiers types de documents.
Les activités d'éveil ne viennent donc pas s'ajouter
comme un surcroît de travail au C.P. Ainsi partant
du vécu l'enfant maîtrisera progressivement les
structures spatiales et temporelles s'aidant de l'apport des mathématiques et du français. Son éveil
à lui-même, aux choses, à la société, au monde se
poursuivra au sein des disciplines, l'important
n'étant pas la somme de ce qu'il faut connaître,
mais l'acquisition de méthodes qui permettent de
suivre un monde en évolution.
On conçoit ainsi que ces orientations et objectifs
impliquent un changement d'attitude et de style
pédagogique.
Dans cette perspective il est utile de préciser
comment les recherches « Activités d'éveil au
C.P. » s'articulent avec les recherches « Activités
d'éveil à orientations scientifiques » aux autres
niveaux de l'école élémentaire.
I - OBJECTIF DES ACTIVITES D'EVEIL
A ORIENTATION SCIENTIFIQUE
Elles se proposent de donner une initiation scientifique qui est non seulement en accord avec le développement de l'enfant mais qui le favorise : passage à l'objectivité, développement de la pensée
logique, à partir de l'expérience, connaissance et
maîtrise de l'environnement. En d'autres termes :
la réalisation des objectifs généraux des activités
d'éveil à l'école élémentaire suppose que la composante initiation d'éveil expérimentale et technologique soit dégagée correctement au cours des
exercices.
A) Nature de la pensée scientifique
et implications pédagogiques
Toute formation scientifique valable suppose une
chasse (la démarche scientifique) débouchant sur
une prise (les concepts scientifiques) ; d'autre part
elle ne doit pas constituer une activité autonome
et artificielle mais se répercuter sur le vécu et les
comportements individuels.
1) La démarche scientifique
V. RECHERCHE « ACTIVITES
D'EVEIL A ORIENTATION
SCIENTIFIQUE »
EXPOSE DE V. HOST
AUX PARTICIPANTS DU STAGE
SCIENCES HUMAINES
DES 27-29 AVRIL 1971
La convergence des recherches relatives aux activités d'éveil préoccupe avec raison ceux qui sont
attachés à la rénovation de l'école élémentaire.
II ne s'agit pas de découvrir un réel préétabli mais
de construire un système de relations à partir de
l'expérience d'une part et des cadres mentaux du
sujet d'autre part.
Il n'y a pas de démarche scientifique sans problème. L'esprit de l'enfant n'est pas un terrain vide
qui doit être meublé par des observations mais
l'enfant a toujours construit un système d'explications et de représentation spontanées. Le problème scientifique nait de la réaction d'étonnement
provoquée par l'échec des évidences du réalisme
naïf. Une pédagogie qui ne permet pas à l'enfant
d'exprimer son système d'explications est vouée
111
à l'échec : elle juxtapose un savoir factice aux représentations anthropomorphiques et magiques de
l'enfant et de la société.
La démarche scientifique s'appuie sur l'observation et l'expérimentation. La première ne doit pas
être considérée comme une simple perception qui
précède le raisonnement ; elle est la réponse à
une question qui n'est pas la même pour le chasseur et le savant ; elle est organisée par les cadres
logiques, topologiques, scientifiques du sujet. D'autre part, l'observation seule ne permet pas de
résoudre un problème dans la plupart des cas :
l'expérience est souvent indispensable pour limiter
le nombre de paramètres et les faire varier de
façon indépendante : le laboratoire est inséparable
de la démarche scientifique. Il implique la maîtrise
d'un certain nombre de techniques et une pratique
instrumentale rigoureuse. Exemple : Lavoisier s'est
détourné du caractère pittoresque de la flamme
pour peser avec précision en vase clos les corps
en réaction et les produits formés.
L'objectivité scientifique ne résulte pas de l'application d'une méthode standardisée et infaillible :
la confrontation grâce à la communication constitue une étape indispensable du passage à l'objectivité. Elle suppose la mise au point d'un langage
commun précis qui traduit une démarche opératoire. De plus elle fait appel aux autres systèmes
de symboles et de codes : dessins, graphiques,
symboles mathématiques. Enfin la recherche de
l'objectivité implique aussi l'emploi d'une documentation soit pour chercher une confirmation des
résultats de la démarche expérimentale soit pour
trouver une information (construction d'un aquarium, détermination, extension à d'autres milieux).
Par les aspects indiqués ci-dessus la démarche
scientifique se présente comme un jeu de société
qui obéit à certaines règles et qui exige par ailleurs
beaucoup d'imagination ; mais cet aspect nécessaire n'est pas suffisant : si la pensée scientifique
se détourne des applications, elle se transforme en
système fermé et devient une scolastique abstraite ; c'est l'application au milieu, la résolution de
problèmes de vie qui permettent de découvrir le
domaine de validité d'un concept et de poser de
nouveaux problèmes ; il suffit d'observer les floraisons dans la nature pour savoir que certains
facteurs connus (nutrition) ne suffisent pas à expliquer la floraison simultanée de tous les chrysantèmes fin octobre.
112
2) Les concepts scientifiques
La démarche scientifique ne dégage jamais des faits
bruts mais elle fait apparaître des relations même
dans les disciplines descriptives : plan d'organisation et classifications, relations causales qui sont
exprimées par des définitions abstraites (dissolution, respiration, chaîne alimentaire) ou des lois.
Les concepts scientifiques sont des relations dégagées par une voie opératoire et exprimées à l'aide
d'un vocabulaire spécifique ; pour les imaginer il
est utile de s'appuyer sur un exemple concret. Une
connaissance scientifique se définit donc par une
relation, le vocabulaire qui permet de l'exprimer
et le fait concret qui sert de support : la fleur est
caractérisée par la possibilité de transporter le
pollen sur un pistil ; ces notions fondamentales
déterminent le vocabulaire de base et la fleur de
tulipe permet de fixer ces notions.
Il n'y a pas de pensée scientifique sans connaissances et la formation scientifique, même au cours
d'une 1" étape, ne saurait se limiter à une simple
démarche s'exerçant à vide. Mais en réalité il
suffit d'établir et de connaître un petit nombre de
concepts de base pour pouvoir résoudre un problème ou exploiter une documentation ; il appartient à la recherche de les définir. Au contraire
l'accumulation de connaissances facturelles stérilise la formation scientifique ultérieure. De plus la
transmisison dogmatique de connaissances masque
deux exigences essentielles :
— la science constitue un corps cohérent de
concepts organisés par un effort actif du sujet ;
cette structure n'a aucun point commun avec
la succession des feuillets d'un livre ;
—. la formulation d'un concept dépend du niveau de développement du sujet et de l'ensemble de ses connaissances ; il n'y a jamais
de formulation rigoureuse et définitive et un
aspect essentiel d'une démarche pédagogique
individualisée est de trouver le mode de formulation qui correspond à une situation donnée et à un élève donné. La respiration par
exemple peut d'abord être définie comme un
mouvement de ventilation (air ou eau aérée),
puis un échange gazeux entre l'individu et
l'atmosphère, portant sur l'oxygène et le gaz
carbonique, enfin comme une oxydation de
matières organiques.
3) Application à la connaissance
de l'environnement et à l'action sur le milieu
Les problèmes qui se trouvent au départ de toute
démarche scientifique sont posés soit par le milieu — défini ici au sens étroit par le domaine
perçu de façon globale grâce à une exploration
sensori-motrice directe et active — soit par les
média qui apportent des informations très diversifiées et susceptibles de résonances affectives réelles mais parcellaires, découpées et partiellement
interprétées par le producteur. Malgré le rétrécissement du milieu pour les enfants transférés
dans les grands ensembles, il est essentiel de leur
faire explorer leur environnement naturel, technologique et humain en particulier pour leur permettre d'interpréter les média. Mais la démarche
scientifique ne saurait se réduire à une simple
étude du milieu sous prétexte d'éviter une orientation disciplinaire prématurée et de permettre une
approche globale même à l'école élémentaire : un
stade d'élaboration de concepts de type disciplinaire est indispensable avant le retour au milieu.
C'est après ce stade seulement qu'il est possible de
revenir au milieu, non seulement pour découvrir
la véritable portée des notions établies mais aussi
pour lier la connaissance au vécu et à l'action et
éviter la dégradation des activités scolaires à l'acquisition d'une panoplie de connaissances abstraites, verbales, cloisonnées, sans rapport avec l'expérience personnelle de l'élève. Lorsqu'un scientifique parle de milieu, il est moins préoccupé par
les problèmes d'extension dans l'espace et le temps,
problèmes fondamentaux en histoire et géographie,
que par les problèmes des rapports entre le vécu
et le conçu, entre expériences et concepts, entre la
simplicité des situations de laboratoire et la
complexité du réel.
L'intégration de l'information apportée par les média est fondamentale à condition de ne pas régresser vers une pédagogie de la perception mais d'intégrer l'emploi de média dans une pédagogie centrée sur une démarche opératoire et expérimentale.
De plus les élèves sont amenés à produire des
documents (photographies par exemple), ce qui
facilite leur examen critique.
B) Initiation scientifique et éveil
A l'école élémentaire l'initiation scientifique ne
se justifie que dans la mesure où elle contribue au
développement général de l'enfant.
1) Par leur nature même, les activités scientifiques
(au sens large) permettent de stimuler l'éveil de
l'enfant et de donner une signification objective à
cette attitude. A partir de situations proches du jeu
elles font appel à la curiosité et à la créativité de
l'enfant et elles s'appuient sur la communication.
Mais la règle du jeu impose une décentration du
sujet, un effort d'objectivité, d'analyse et d'abstraction qui permettent de dépasser le stade de
l'agitation informelle et stérile pour déboucher sur
une formation.
2) Si on admet les théories de Piaget sur les stades de développement et le rôle des opérations
(manipulations) effectuées par le sujet dans le
développement de la pensée logique, il apparaît
clairement qu'un enseignement ne doit pas être
uniquement verbal, que les possibilités de tâtonnement expérimental et de recours à l'expérience
jouent un rôle important dans la maturation de
l'enfant.
II - LES DIFFERENTES ETAPES
DE LA RECHERCHE
Il n'a pas été possible d'étendre la recherche année par année à partir du C.P. comme en sciences
humaines pour 2 raisons :
— la démarche pédagogique a d'abord dû être
dégagée à partir d'expériences ponctuelles, la
définition des différents niveaux ne peut se
faire que par différenciation progressive. D'où
la distinction de 2 étapes différentes de la
recherche.
A) Préexpérience
Année scolaire 70-71. La réflexion des équipes a
porté d'une part sur les méthodes pédagogiques —
attitude du maître dans la classe — et d'autre part
sur les modalités du travail des équipes.
1) Méthode pédagogique
Comment concilier les exigences d'une démarche
active, motivée de l'enfant et la nécessité de déboucher sur un acquis précis et organisé ? Il n'est
plus question de suivre un programme imposé à
l'avance mais il est indispensable d'expliciter un
problème défini et d'orienter la démarche en fonction d'intentions pédagogiques précises au lieu de
113
rester sur le plan des motivations anarchiques et
des thèmes informels. Il faut dégager la véritable
signification de la méthode de découverte, éviter
de faire des esprits faux par une découverte illusoire, trouver l'articulation entre les données apportées par l'observation ou l'expérimentation et
les informations tirées d'une documentation. Il faut
situer la place du travail de groupe et définir les
conditions qui permettent d'orienter l'expression
spontanée de l'enfant vers une communication objective utilisant le vocabulaire scientifique et les
autres systèmes de symboles ; cette communication
doit laisser une trace qui est une création de la
classe ayant une valeur objective donc également
éloignée du résumé imposé ou du texte libre qui
n'exprime que les représentations spontanées de
l'enfant. Enfin les différents problèmes ne doivent pas conduire à des apports parcellaires mais
l'élève doit construire avec l'aide du maître une
trame cohérente qui intègre son expérience personnelle et qui surmonte le cloisonnement disciplinaire.
2) Modalités du travail de l'équipe pédagogique
(cf. chapitre II - exemples)
La recherche suppose une équipe pédagogique qui
est le point de rencontre et de dialogue entre le
maître, seul responsable de la classe, et les observateurs extérieurs qui permettent une analyse objective de ce qui se passe dans la classe. L'explication des représentations spontanées de l'enfant aux différents stades de l'exercice est fonda-
114
mentale ; l'enregistrement au magnétophone est
pratiqué chaque fois que les circonstances le permettent. La collaboration du spécialiste est indispensable pour définir les objectifs et composer les
exercices de contrôle permettant de vérifier si ces
derniers ont été atteints. La recherche exige une
formation et information des maîtres qui ne peut
se faire que dans le cadre de l'équipe pédagogique.
B) Expérience : 71-74
1) L'analyse de 200~sujets traités par les équipes
au cours de l'année, confrontée aux données des
expériences étrangères, permet de dresser un tableau des objectifs possibles (méthodes, techniques,
concepts) : il ne s'agit pas d'établir un nouveau
programme mais de donner des instruments de
travail aux maîtres pour voir ce qu'il est possible
de faire et faciliter la répartition de sujets entre
les différentes classes.
2) Cette progression sera évaluée si possible à
l'issue d'une expérimentation de 3 ans. En particulier il sera indispensable de définir un niveau
d'entrée en 6* non pas par une liste de connaissances factuelles mais par certaines méthodes de
travail (niveau de pratique instrumentale, aptitude
à faire un compte rendu de longueur donnée, aptitude à exprimer certaines situations et relations
par des graphiques, etc.) et par un certain vocabulaire scientifique exprimant des démarches opératoires effectivement assimilées.
Chapitre IV
LES ACTIVITÉS D'ÉVEIL
ET LES DISCIPLINES AU C. P.
I. LIAISONS INTERDISCIPLINAIRES
A) Activités d'éveil et disciplines dans le cadre du tiers-temps.
B) Les disciplines et la formation de l'esprit
de l'enfant.
C) Réflexions sur l'interdisciplinarité.
II. LIAISONS AVEC LES MATHEMATIQUES ET
LE FRANÇAIS
A) Mathématiques :
— la structuration de l'espace et du temps,
— approche de la notion de temps,
(compte rendu d'activités E.N.F. Caen)
— repérage dans l'espace.
(compte rendu d'activités : E.N.F. SaintGermain-en-Laye)
B) Français.
m . HISTOIRE ET SOCIALISATION
A) Le problème de la socialisation de l'enfant.
B) L'évolution des sciences humaines peutelle modifier l'action éducative ?
— qui est socialisé,
— qui socialise,
— le contenu traditionnel.
I. LIAISONS INTERDISCIPLINAIRES
A) ACTIVITES D'EVEIL ET DISCIPLINES
DANS LE CADRE DU TIERS-TEMPS
On notera d'abord que le mot discipline a au moins
cinq sens différents. Puisque nous n'acceptons pas
de considérer une science comme une simple somme
de connaissances qu'il faudrait enseigner, nous
dirons que le terme discipline, conformément au
sens qui est le plus près de son étymologie désigne
une démarche en vue d'une formation Nous admettons donc qu'il y a une spécificité disciplinaire
et il faudra (par des démarches appropriées, que
nous recherchons) former les enfants par la pratique de telle ou telle science.
Dans la présente expérience, nous nous sommes
d'abord inquiétés des sciences qui permettent l'étude des « faits naturels et humains », mais cette
étude est inséparable au C.P. des problèmes posés
par les « activités esthétiques » et par « l'éducation physique et sportive ».
Reprenons les conclusions pratiques auxquelles
était arrivée la commission de rénovation de la
pédagogie :
« Les six heures consacrées aux activités d'éveil
comprennent trois heures d'activités
esthétiques
(musique, dessin, travail manuel) et trois heures
d'initiation à l'étude des faits naturels et humains ».
Le texte du B.O. du 7 août prévoyait en outre,
dans le cadre du tiers-temps, 6 heures d'éducation
physique et sportive.
Si l'on recherche à voir comment l'acquisition des
concepts communs s'organise, dans le cadre du
115
Maternelle
Concepts communs
(domaine de l'éveil)
CP
CE 1
CM1
CM 2
(Inspiré d'un schéma proposé par Mlle Fleûry
directrice E.N.F. Alençon)
Spécificité disciplinaire
CE 2
DANS LE CADRE DU TIERS TEMPS
ACTIVITES D'EVEIL ET « DISCIPLINES »
tiers-temps, sans exclure la spécificité disciplinaire, on peut se référer au schéma provisoire suivant :
concernant la formation de la pensée logique : on
continue souvent à confondre la construction d'un
concept avec l'acquisition de connaissances.
On voit que si « tout est matière d'éveil » à la maternelle, presque tout l'est au C.P.
Pour chaque discipline, il faudrait distinguer :
B) LES DISCIPLINES ET LA FORMATION
DE L'ESPRIT DE L'ENFANT
Au niveau des enfants le problème de l'initiation
aux disciplines rattachées aux sciences humaines
ou biologiques ne s'est pas posé, nous sommes restés dans le domaine de l'antédisciplinarité, et si
le français et les mathématiques au C.P. sont considérées comme des disciplines, il n'en reste pas
moins qu'elles sont en grande partie activités
d'éveil
Autrement dit, les activités d'éveil au C.P. sont
l'élément dominant de l'action pédagogique. Messagères d'un style, elles apportent leur appui à
l'enseignement des mathématiques et du français.
Elles obligent l'éducateur à un effort tout particulier pour établir un certain type de relation
maître-élève. C'est dans ces activités et par elles
que cette relation risque de changer là où cela est
nécessaire et c'est au travers des activités d'éveil
que pourra changer l'esprit de renseignement des
mathématiques et du français. Sans ce changement,
il n'y aura pas de rénovation possible.
Il faut donc faire prévaloir l'idée que toute recherche au C.P. se fasse sous une forme interdisciplinaire par une équipe polyvalente, en dessin et
en travaux manuels.
En effet au C.P. on ne fait pas de l'histoire ou de
la géographie, on met l'histoire et la géographie au
service de la formation de l'esprit de l'enfant, ce
qui signifie qu'on doit former l'esprit de l'enfant
pour qu'il acquière solidement les mécanismes intellectuels fondamentaux. Qu'il sache observer,
analyser, comparer, déduire... comme il sait marcher et courir avant de pratiquer un sport.
La formation de l'esprit de l'enfant est d'abord
globale, l'histoire, la géographie, les mathématiques, les sciences, l'éducation physique, la lecture,
l'écriture, le dessin ont tous besoin que l'enfant
apprenne à dominer l'espace, le temps et à structurer le réel. Il faudrait lever les malentendus
1) Un point de départ global qui pose le problème de l'acquisition de structures communes
(nous devrons nous tourner pour ce problème
vers la recherche fondamentale).
2) Le niveau des apprentissages qui implique
la définition de notions scientifiques correctes
et la pratique d'activités qui excluent les expériences qui fourvoient l'enfant et compromettent ses possibilités à venir. Il faut prendre
garde de ne pas déformer irrémédiablement
les esprits.
3) La part qui revient à la créativité.
C) REFLEXIONS SUR
L'INTERDISCIPLINARITE
Au niveau des apprentissages, il n'est pas question,
dans l'interdisciplinarité, d'assujettir une discipline
à l'autre. Le travail manuel ne saurait être mis au
service des mathématiques et les activités d'éveil
ne sauraient se réduire à la recherche de « situations mathématisables ».
Il ne faut pas croire non plus que l'une est nécessairement avant l'autre. Faire passer l'apprentissage de la lecture avant l'initiation mathématique
c'est refuser d'admettre que les notions de relation
et d'ordre en mathématiques peuvent aider à la
découverte des relations structurant l'espace qui
elles-mêmes facilitent la lecture tout autant que la
construction du schéma corporel.
Des professeurs d'histoire-géographie ont noté par
exemple le grand intérêt qu'il y avait pour eux,
au moment où ils envisageaient les possibilités de
l'enfant de C.P. pour explorer l'espace environnant, de consulter le livre de Dienes (2P) et Golding (EW) :
« Les premiers pas en mathématique logique et
jeux logiques. O.C.D.L. - Paris, 1966. »
On note aussi qu'il y a chez l'enfant un transfert
d'attitudes mentales et le fait d'avoir appris en
mathématiques à construire des ensembles permet
en biologie d'envisager autrement l'approche de
117
telle ou telle notion ; par exemple on aurait pu,
en guise d'initiation à la biologie apprendre à
l'enfant de C.P. le nom des différentes parties d'une
feuille, il aurait peut-être su les mots « limbe >
et « pétiole » et il les aurait placé sur un croquis.
Cela s'appelait une « leçon sur la feuille ».
On aurait aussi pu distribuer aux enfants des
feuilles et leur demander de les « observer ».
Dans ce cas ils se contentent le plus souvent de
regarder ce que le maître demande de regarder,
puis ils dessinent ce qu'il faut dessiner, cela s'appelle une leçon d'observation.
Mais on pourrait enfin distribuer des feuilles, des
tiges, des pétales, des racines, des fruits et leur
demander de former des ensembles en définissant les principes retenus pour grouper différents
éléments. Les principes qu'ils auraient retenus seraient discutés et peut-être modifiés. Des relations entre les différents éléments pourraient apparaître. Cela s'appellerait « Activités d'éveil à
prédominance biologique ». Dans ce cas les mathématiques, la biologie, le langage et le dessin s'apportent un appui mutuel, ce qui ne veut pas dire
qu'on ne fera rien d'autre en mathématiques. Les
activités d'éveil ne veulent pas être subordonnées
à l'enseignement des mathématiques, elles ne doivent pas davantage se substituer à cet enseignement, niais on constate que « l'éveil » implique un
emploi incessant d'instruments fondamentaux : il
faut s'exprimer, lire, séparer, ordonner, comparer,
dessiner.
Certaines recherches ont abouti à faire une progression organisant l'interdisciplinarité autour de
thèmes ou autour d'intérêts de l'enfant. Mais organiser sciemment une progression « en trois étapes » pour pratiquer l'interdisciplinarité n'est-ce
pas courir le risque de mettre à nouveau les enfants dans un état de réceptivité plus ou moins
passive au lieu de les habituer à se poser des
questions et à quêter les réponses en s'aidant, de
façon imprévisible pour nous, de l'apport des mathématiques, du français et du dessin. N'est-ce
pas faire de l'interdisciplinarité un but en soi alors
qu'elle est une nécessité pour l'enfant. En effet s'il
cherche par exemple à s'orienter dans le monde
familier de la classe il réemploie ce qu'il a bien
acquis pour résoudre les problèmes qui se posent
à lui. Les solutions qu'il trouvera seront peut-être
différentes de celles de son voisin, il faudra qu'il
s'habitue à comparer ces solutions avec celle des
118
autres. Et il verra alors que chaque problème a
plusieurs solutions et qu'on peut choisir la solution
la mieux adaptée au contexte dans lequel il se
trouve. Il verra ainsi qu'on peut choisir pour traduire une expérience un langage plutôt qu'un autre. Il cessera alors d'être le contenant qu'on cherche à remplir selon un plan et des directives préétablis.
II. LIAISONS AVEC LES
MATHEMATIQUES ET
LE FRANÇAIS
A) MATHEMATIQUES
1. - La structuration de l'espace et du temps
est l'une des finalités du C.P. Aussi toute une partie
du nouveau programme de mathématiques au C.P.
se rattache-t-elle directement aux activités d'éveil :
« Repérage sur des réseaux, topologie, labyrinthe,
intérieur, extérieur, ouvert, fermé, frontière à droite de, à gauche de, au-dessous de, au-dessus de, à
l'avant de, à l'arrière de, schématisation de situations par les diagrammes, ensembles de flèches, tableaux, activités préparatoires à la mesure, plus
grand que, plus petit que ».
Mais les suggestions qui sont faites se rapportent
toutes à l'espace, aussi avons-nous cherché à savoir si l'enfant était capable de construire des r e lations d'ordre dans le temps.
Nous avons déjà rapporté des observations sur la
façon dont l'enfant comprenait « avant, pendant,
après », l'exemple qui suit répond en partie à la
question : « les attitudes acquises au cours des
exercices spécifiquement mathématiques,
permettent-elles, à l'enfant de C.P. de comprendre ce
qu'est un calendrier et d'en construire un ? ».
2. - Approche de la notion de temps
(M. Bruneau — M"1* Villedieu — Ecole annexe
E.N.F. — Caen.)
EN SEPTEMBRE
les enfants ont appris par
audition un court poème (il fallait bien partir du
temps que la société fournit à l'enfant).
« Le premier jour de la semaine,
c'est lundi, couleur rose clair...
mardi, vert comme un fruit vert
mercredi bleu, jeudi rouge, vendredi
samedi jaune, dimanche blanc. »
viennent capables de lire tous ces mots sur des
étiquettes.
violet,
Ils ont essayé de traduire le poème en tenant
compte des couleurs et bientôt ils furent capables
d'aligner des papiers, dans l'ordre rose, vert, bleu,
rouge, violet, jaune, blanc.
En outre, chaque ¡matin ils effeuillaient l'éphéméride pour le mettre à la date du jour et très rapidement ils ont su écrire sur leurs ronds de couleur, lundi, mardi... Chaque matin le premier exercice consistait à écrire la date. A ce moment, l'institutrice constitua un matériel collectif : sept gros
ovales de contreplaqué peints en rose, verts, etc.,
avec l'indication : « lundi », « mardi, etc. ». Un
trou dans la plaque permet de la fixer sur une
longue bande placée sous le tableau (bande de
contreplaqué de 6 m munie de crochets de fixation
tous les 10 cm.
Tout au long du
MOIS D'OCTOBRE,
Ils discutent de ces notions à peu près chaque
jour, parfois à l'occasion du texte de lecture, parfois à l'occasion des anniversaires.
Ils deviennent capables de résoudre, puis de fabriquer des devinettes à poser à ceux qui n'étaient
pas là pour l'anniversaire :
Exemple :
« Catherine a dit mercredi, demain, j'aurai 7 ans.
Vendredi, elle a dit, hier j'ai eu sept ans.
Quel jour a-t-elle
eu sept ans ? »
Quelques-uns réussissent même à faire une représentation spatiale de la devinette :
C a t h e r i n e a 7ans
on fait
fonctionner les calendriers.
— Quel jour est-ce aujourd'hui ?
« mercredi »
— Comment faire pour l'indiquer sur le grand
calendrier qui est sous le tableau.
« on
faut
« on
« on
fait une croix »... mais le lendemain, il
l'effacer
met un papier avec une punaise »
écrit aujourd'hui sur le papier ».
Très vite, « hier et demain » viennent s'ajouter
à aujourd'hui et chaque jour on déplace alors
trois index.
Tout au long du MOIS DE NOVEMBRE, continue
cette prise de conscience de « hier, aujourd'hui, demain » et de « avant et après ». Les enfants de-
Mais, les exercices habituels continuent et chaque
lundi, un « ennui » se précise :
© © © © © © ©
« avant lundi, c'est dimanche, mais sur le tableau
des jours, dimanche n'est pas avant lundi ».
Nombreuses discussions sur l'ordre.
« On pourrait commencer par dimanche, mais alors
lundi ne serait plus le premier jour. »
« Il faut mettre des jours avant et après ! »
Partant de cette idée, on réalise alors deux types
de calendriers ¡mensuels. Les enfants proposent
d'abord une solution visiblement influencée par le
désir de mettre de l'ordre », elle se présente ainsi :
119
Novembre
et ils trouvent que c'est « bien
mieux », parce que les dimanches
sont sous les dimanches.
D'autres proposent de « continuer les jours de chaque côté de la ligne horizontale ». Avec l'aide de
la maîtresse, ils réalisent une grande « bande » qui
constitue maintenant un calendrier « en accordéon », avec un pli à la fin de chaque semaine.
Chaque jour, le travail devient de plus en plus
compliqué pour tenir à jour tous ces calendriers.
Déception générale et cri unanime : « elle est trop
petite », « il en faut une plus longue ! ».
Mais le carton était trop souple, il fallut remettre
l'essai.
Une leçon de math, vint se greffer sur cet entretien : approche de la relation de mesure.
Un mercredi, au moment de la prise de conscience
de la date,
On revint au problème posé. Après de nombreux
essais relatifs à la matière on préféra le polystyrène expansé au carton.
Laurence dit : « aujourd'hui, c'est mercredi, hier,
c'était mardi, demain, ce sera jeudi. Je déplace les
trois étiquettes » et elle place aussi l'index du
jour.
Marc (car c'est lui qui continuait la réalisation de
son idée) dit : « il faut une bande qui ait juste
la même longueur que la place de trois jours ».
Valérie effeuille l'éphéméride et dit :
hier, mardi 24 novembre
aujourd'hui, mercredi 25 novembre
demain, jeudi 26 novembre
L'institutrice lui donne une grande bande qu'il
place sous les jours. Il fait des marques au stylo
feutre puis coupe à la dimension voulue et il
inscrit : « hier » « aujourd'hui » « demain » dans
les trois cases.
Anne : « est-ce que je peux compléter les autres
calendriers ? » et elle fouille dans une « provision
de jours roses, bleus, verts mis en vrac dans une
boite. Elle complète, colle et dit ce qu'elle fait.
Marc : « Moi, je trouve qu'on perd du temps à
déplacer trois étiquettes. Il faudrait les mettre sur
une grande bande. »
L'institutrice lui donne une bande de carton pour
essayer son idée et voir si elle « est bonne ».
Marc divise sans aucune précaution sa bande en
trois parties à peu près égales. Dans chaque partie,
il écrit : « hier » « aujourd'hui » « demain » et
il place le tout sous l'alignement des jours, placé
sous le tableau.
© ® ® © © © ©
H AD
120
Il essaie.
Cris de joie : « ça marche ! ».
Un enfant pourtant restait prudent et demande :
« essaie si ça va pour tous les jours ».
On essaya :
L
Hier
M
J
V
M
M
Auj.
M
V
S
De.
J
S
D
« ça va »
« ça va »
: « ça va »
« ça va »
Décidément, c'était parfait ! Temporairement parfait !
Ultérieurement, on en vint encore à simplifier les
choses en remplaçant
Hier par H
Aujourd'hui par A
Demain par D
A vrai dire, il y eut deux écoles, les uns optant
pour la solution H, A, D, les autres réclamant Hi,
Au, De, parce qu'au début des mots on entendait
« HI », « AU », « DE ». La première solution
l'emporta car elle simplifiait davantage et on reconnaissait aussi bien Hier, Aujourd'hui, Demain.
Mais un vendredi, alors que nous enregistrions
l'exercice sur bande magnétique, les activités relatives à cette recherche recommencèrent comme chaque jour. Les différentes phases de la découverte
sont rapidement reprises : la date du jour est
trouvée, référence est faite à la veille et au lendemain, tous les calendriers sont mis à jour et les
index sont mis en place. Comme on le voit, nous
n'avons pas affaire à une série d'exercices, l'un
chassant l'autre, mais à un recommencement qui
permet aux hésitants de refaire des expériences
déjà faites. On utilisa donc le « système de Marc ».
Un enfant prétendit alors qu'avec le système de
Marc, ça n'allait encore pas. Il revenait à l'idée
trouvée dès le début de l'année et s'expliqua :
« Si je mets aujourd'hui à dimanche, hier est à
samedi, mais dimanche n'a pas de demain ».
Un autre répondit : « Le demain de dimanche,
c'est lundi, alors le dimanche a un demain ! »
Oui mais on ne le voit pas au tableau.
Une première solution fut trouvée, on déplaça le
lundi
M M J V S D L
H A D
Trois élèves protestèrent avec force : « Ça ne va
pas, parce que les jours de la semaine ne sont
plus en ordre ! »
— Pourquoi ?
« Parce que alors la semaine commence par un
mardi. »
Une fillette trouva à ce moment un argument qui
jeta le trouble chez les contestataires : « si, ça va !
la semaine de décembre, elle a commencé par un
mardi », et elle fit voir sur les calendriers : mardi 1er.
Tout le monde convint un temps qu'une semaine
pouvait commencer un mardi.
Pourtant, les contestataires se défendirent : ce qui
est vrai pour le « demain de dimanche » est vrai
aussi pour le « hier » de lundi.
L M
H A D
M J
V
S
D
Alors, il va falloir toujours déplacer les jours. Le
lundi, on placera le dimanche en tête de semaine
et le dimanche, la semaine commencera par u n
mardi !
Ça ne va pas.
Une première réponse fut trouvée à cette objection : « il n'y a qu'à mettre une ficelle ».
On perfectionna même la solution en y ajoutant
une flèche et en reliant les jours.
M
Un enfant qui essayait
sur sa table, plaça ses
jours ainsi :
et dit : « Alors ça serait
mieux de les mettre en
ronde ».
O ®
On essaya individuellement sur les tables et collectivement en utilisant un tableau aimanté.
On rencontra des problèmes mineurs faciles à résoudre :
1) Certains jours étaient écrits à l'envers... Il a
suffi de retourner les étiquettes : tous n'y avaient
pas pensé.
2) Il fallait placer les jours « bien en rond »...
On plaça donc d'abord un gros disque vert qui
servit de guide.
On rencontra des problèmes plus sérieux :
121
On rencontra des problèmes plus sérieux :
D
l_
M
fallait-il mettre S
M
V
M
J
solution i
L'un proposa d'abord des flèches pour savoir le
sens, ce qui fut fait.
Pour choisir entre la solution I et la solution II,
un argument fut avancé qui l'emporta sans contestation. La solution I est meilleure parce que c'est
comme les montres et les horloges.
Alors tout naturellement, et comme si cela allait
de soi, un enfant dit : « il n'y a plus qu'à écrire
« hier », « aujourd'hui », « demain ».
L'institutrice lui donna une feuille de papier, des
ciseaux et un feutre. Suivant le bord du cercle, il
trace un arc de cercle correspondant à trois jours,
il repère le début, la fin et les limites de chaque
jour et découpe un arc qu'il termine en pointe.
Il place son arc sans avoir écrit H. A. D.
D
ou
M
J
S
V
solution II
« Tourne pour voir si ça va pour les autres jours. »
Les contestations sont alors nombreuses, unanimes
et inattendues : « Ça ne va pas parce que des fois
les lettres sont couchées, des fois elles sont les pattes en l'air. »
Les enfants inventent alors une série de solutions :
on obtient alors :
1) On reprend une nouvelle flèche blanche chaque
fois (ce n'est pas pratique).
2) On met des lettres dans tous les sens :
Quelques enfants protestent, il faut écrire H. A. D.
Un enfant fait alors remarquer (ce qui prouve sans
doute une intelligence plus fine : « il n'y a pas
besoin d'écrire puisqu'il y a une flèche et trois division. Ça marche toujours. »
Mais sa remarque n'est pas retenue par les autres
et il cède à l'argument : « Si quelqu'un entre
dans la classe, il ne comprendra rien ». Et conclut :
« c'est vrai, il faut expliquer ».
On inscrit donc H.A.D. ainsi : _
122
(cela est très confus).
3) On met un petit carré sur la flèche, fixé avec
une épingle et on tourne le carré quand la flèche
tourne. Comme cela, la lettre est toujours du bon
sens.
Cette solution est retenue comme valable.
4) Enfin une élève trouve une solution qui rappelle
la solution 2, mais avec une prospection systématique de quatre points de l'espace :
A
< >
V
H
I
I
H
Mais elle se montra incapacable d'écrire 4 D selon
la même méthode.
D'autres enfants tentèrent en retournant la flèche
dans l'espace, mais se trouvèrent vite perdus.
On attaqua donc ce problème particulier et à la
veille de rédiger ce compte rendu, nous en étions
à cette représentation :
D
S
Le dernier numéro du Courrier de l'Unesco (janv.
71) nous montrait l'énorme calendrier aztèque
Nahua du Musée national de Mexico. La chronologie y apparaît également comme un cycle perpétuel, très proche de ce que nous ont conduit à
faire nos enfants de C.P.
Sur cet exemple, nous montrons avec évidence que
notre plan de travail n'est pas un programme, puisque la solution temporaire à laquelle les enfants
sont arrivés ne figurait pas dans ce que nous avions
prévu.
Il nous faut maintenant retoucher et approfondir
nos idées. Nous devons voir si les enfants sauront
sortir du cycle infernal des calendriers perpétuels,
le temps n'étant qu'un éternel recommencement.
Dès que nous les sentirons sensibles à un temps
qui s'écoule, nous chercherons avec eux à traduire
leur expérience nouvelle du temps.
Pour préparer cette évolution, nous nous contentons de continuer à noter sur le « calendrier en
accordéon », en dessous de chaque jour, les événements « importants »... mais les enfants ne
considèrent comme marquants que les anniversaires, les intempéries, les maladies. Toutefois ils ont
noté la mort du Général de Gaulle, c'est le seul
fait à retentissement international qui semble les
avoir atteint.
Cet exemple illustre également l'idée : « il faut
que le maître sache prendre le temps qu'il faut ».
L'an passé, nous avons montré que se déplacer
dans l'espace est une chose et représenter les déplacements qu'on est capable d'effectuer est autre
chose. Pour passer de l'un à l'autre, il faut du
temps. L'expérience que nous menons cette année
nous permet de conclure avec Piaget : « autre
chose est donc d'apprendre un résultat et autre
chose est de former un instrument intellectuel, de
former une logique, nécessaire à la construction
d'un tel résultat. On ne formera pas un instrument
nouveau de raisonnement en quelques jours. »
Février 1971 : l'exercice s'est poursuivi au C.P.
et a été tenté au C E . et au C M . Les premiers
résultats ont montré que ces élèves étaient capables de produire une grande variété de solutions
plus riches et plus complexes que celles du C.P.
Chaque solution trouvée reflète les qualités propres à son auteur.
EN MARS
suite de l'exercice : le mois,
l'année.
Les enfants sont habitués à noter leur anniversaire sur la bande chronologique, à exprimer leur
âge en années et ils connaissent presque tous leur
date de naissance. En plus, depuis le début de
l'année scolaire, ces enfants ont devant eux leur
« carte de visite », avec leurs nom, prénom et date
de naissance.
Marc L.
né le 5 mars 1964
Ainsi, lorsque les enfants annoncent leur anniversaire, ils lisent le jour et le mois, mais pas
l'année qu'ils ne savent pas encore déchiffrer.
123
Les questions sur l'année ne sont arrivées qu'au
début du mois de mars quand un enfant a fait la
réflexion suivante :
« nous sommes au mois de mars, mais il y a plusieurs mois de mars. »
l r e SEANCE
Lundi 15 mars 1971
Qui est né au mois de décembre ?
Qui est né au mois de janvier ?
né (e) en janvier
AVANT, APRES
Point de départ : le carnaval des enfants prévu
le 6 mars.
La maîtresse parle de cette date à ses élèves, alors
deux enfants donnent leur date de naissance par
rapport au 6 mars mais sans nommer l'année.
Avant
Marc a eu son
anniversaire la
VEILLE du 6
mars, le 5 mars
6 mars
CARNAVAL
Après
Laurence a eu
son anniversaire
le LENDEMAIN
du 6 mars, le 7
imars
Qui est né au mois de juillet ?
Qui est né au mois de février ?
Frédéric
Alors, Marc a dit :
« J'ai 2 jours de différence avec Laurence, je suis
avant elle, elle est née après moi ».
Les autres enfants sont vivement intéressés par
ce « jeu » et veulent tous donner leur date de
naissance.
C'est le second point de départ qui motive les enfants.
Qui est né aussi au mois de mars ?
Pierre
Qui est né au mois de mai ?
né (e) en mai
Laurence L. Carole
[Dominique L.
Jëan-François
Qui est né au mois de novembre ?
Alors, on peut former un ensemble.
Qui est né au mois de juin ?
Les enfants ont chacun leur carte de visite, ils regardent, et ils donnent leur mois de naissance.
Qui est né au mois d'avril ?
né (e) en avril
Didier
Janick
124
Anne
Qui est né au mois de septembre ?
Véronique
-s^-—•] n é (e) en septembre
Pascale
Jean-Yves
Qui est né au mois d'août ?
Les jours ont été ordonnés, il faut ordonner les
mois.
Les mois sont ordonnés avec l'aide d'un calendrier
témoin, chaque enfant ayant entre les mains des
étiquettes individuelles sur lesquelles sont notés
les noms des 12 mois. En plaçant les noms, écrits
sur des étiquettes, les enfants font leurs remarques.
JANVIER
« c'est le 1er mois de l'année
parce qu'on réveillonne le
1" janvier ».
FEVRIER
Qui est né au mois d'octobre ?
|MARS
« c'est le mois dans lequel
nous sommes ».
AVRIL
MAI
JUIN
JUILLET
« les 2 noms se ressemblent ».
AOUT
Combien y a-t-il d'ensembles ?
— « il y a douze ensembles, un ensemble par
mois, il y a 12 mois ».
E
IL Y A 12 MOIS DANS UNE ANNEE
« Dans une semaine, il y al jours, dans une année,
il y a 12 mois, donc il faudra plus de place pour
les écrire » dit un enfant.
SEPTEMBRE
OCTOBRE
NOVEMBRE
DECEMBRE]
« Après décembre, ça recommence, on repart en
janvier : ce sont les mêmes mois. C'est pareil que
la semaine, mais cela s'appelle une année. »
125
DISPOSITION ORDONNEE DES MOIS SUR UNE TABLE
(JANVIER)
(FEVRIER^) (MARS}
(£VRIL)
(MÂT)
( J U I L L E T ) ( A O Û T ) (^SEPTEMBRE) (OCTOBRE) (NOVEMBRE) (DÉCEMBRE)
Comment former la chaîne des mois ?
Propositions des enfants :
FIN DE LA PREMIERE SEANCE.
126
« Sur une seule ligne, on voit mieux l'ordre. >
« Oui, mais on ne voit pas que ça recommence. »
« Alors, on peut faire le COLLIER des mois. >
2e SEANCE
Mardi 16 mars
TABLEAU RECAPITULATIF (réalisé comme toujours par les enfants)
Anne
née en juin
Carole Dominique
Jean-François
.Laurence L
né (e) en avril
Catherine Cécile
Pierre Valérie Franck,
né (e) en novembre I
OBJECTION de l'institutrice : « les élèves absents
ou une autre maîtresse ne savent pas ce qu'on a fait
comme jeu ».
Didier : « il -faut écrire une règle du jeu ». Grouper les enfants de la classe nés le même mois.
Laurence : « On peut faire un autre jeu ».
« Grouper tous les enfants nés
en été
en automne
en hiver
au printemps ».
Institutrice : « donc, les enfants nés pendant la
même saison ».
Enfants : « Quand sommes-nous en hiver ?
en décembre
en janvier
en février
pendant une partie du mois de mars ».
(ici, les enfants ont des difficultés à comprendre la
« saison » et la maîtresse n'insiste pas).
Institutrice : « les enfants nés au mois de mai
ont-ils tous le même âge ?
REPONSES DES ENFANTS
« Ils auront tous 7 ans au mois de mai ».
« Ce ne sont pas des jumeaux (il y en a dans la
classe) parce qu'ils ne sont pas nés le même jour ».
« Dominique est né le 16 mai,
Laurence, le 1" mai ;
donc, elle est née AVANT
Dominique,
127
Carole, le 24 mai ;
donc, elle est née APRES Dominique
J.-François, le 8 mai,
donc, il est né AVANT
APRES Laurence ».
« On peut faire un autre jeu » :
;
« On est le 16 mars, choisir la bonne réponse :
— J'ai 7 ans AUJOURD'HUI
Carole mais,
« On peut faire un jeu » : chaque jeu est proposé
p a r un enfant qui explique son idée et la réalise.
« Du plus âgé au plus jeune ».
J'ai eu 7 ans AVANT
— J'ai eu 7 ans HIER
le 16 mars.
— J'aurai 7 ans DEMAIN . . . . J'aurai 7 ans
APRES le 16 mars.
« Les enfants sont nés en décembre ».
— « Michel, le 10 décembre, il a 6 ans ».
LAURENCE
DOMINIQUE
J.-FRANÇOIS
^
— « Robert, le 18 décembre, il a 10 ans ».
CAROLE
« on peut faire la même chose avec les enfants
nés au mois d'avril »
.
.
/ Didier, le 4 avril \
\Janick, le 24 avril j
DIDIER
s^i
JANICK
— « Pascal, le 9 décembre, il a 7 ans ».
Robert a 10 ans, Pascal a 7 ans, Michel a 6 ans,
pourquoi ?
« Robert est né AVANT Michel et Pascal parce
qu'il n'est pas né le « même décembre » et on
arrive à l'idée :
il y a UN « DECEMBRE » DANS CHAQUE ANNEE.
ROBERT, PASCAL, MICHEL NE SONT PAS NES LA MEME ANNEE
PASCAL
Institutrice : « Qui n'est pas né en 1964 ? » (les
enfants consultent leur carte de visite).
Pascal (né en 1963) : « Catherine et moi, en a le
même numéro d'année, on a TOUS LES DEUX
-4963
7 ans ; Catherine aura 8 ans AVANT moi parce
qu'elle est née en NOVEMBRE et moi en DECEMBRE ».
nés en novembre
128
On peut former des ensembles par années :
(S)
né en 1960
^Catherine ]
VwTascaT/
nés en 1963
I
Pierre, Michel, Valerie, Marc
J
J.-François, Cécile, Laurence,
j Franck, Dominique, Hélène, Anne,
I Isabelle, Franca, Olivier, Carole,
V
Laurence, Patrick, Pierre
/
nés en 1964
Mme VILLEDIEU : « Lequel est le plus âgé des
enfants nés en 1963 ? ».
COMMENT DISPOSER MIEUX LA CHAINE, LE
COLLIER DES MOIS ?
« C'est Catherine, parce qu'elle est née en novembre et Pascal en décembre ; dans la chaîne
des mois, NOVEMBRE EST AVANT DECEMBRE ».
« en rond parce que ça recommence ».
Les enfants prennent les étiquettes des mois et
montrent leur mois de naissance.
« Les années, c'est un CIRCUIT FERME » affirme
un enfant. L'institutrice écoute et sait se taire.
Dessin des enfants nés en 1963 : 2 possibilités.
2" solution trouvée
1"' solution trouvée
tfrç
/-v
CJ tnxxju
nés en -1963
mais les ronds sont trop petits
pour écrire, les noms des enfants.,
129
On peut faire la même chose avec ceux qui sont
nés en 1960 et en 1964.
« Pour ceux qui sont nés en 1964, cela va être
plus difficile parce qu'ils sont plus nombreux ».
Proposition de Mme Villedieu : « on peut mettre
des croix à la place des noms ».
nés en I964J
Mercredi 17 mars
3e SEANCE
--iamArUUL
Les enfants font à nouveau la liste des mois.
PASCAL : « avec les 12 mois, on pourrait faire
une fleur ». Il a trouvé cette technique en activités
manuelles (il assemble des pétales autour d'une
grosse pastille de couleur). Combien de pétales ?
Il faut 12 pétales puisqu'UNE année a 12 mois.
1™ fleur : « il faut mettre le nom de l'année dans
le cœur de la fleur ».
« Il faut écrire le nom des mois autour de la fleur ».
Après la construction de la première fleur, tous les
enfants découpent une étoile dans laquelle ils écrivent leur nom. Avec les étiquettes individuelles
portant le nom des mois, dis continuent à chercher
d'autres dispositions pour représenter l'année.
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Les trois dispositions découvertes par les enfants :
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Pour représenter avec des fleurs les dates de naissance de tous les enfants de la classe.
Le travail des fleurs s'est fait en 2 temps :
1" temps: construction collective de 3 grosses
fleurs.
Robert est né en I960, Pascal et Catherine en
1963 et tous les autres en 1964, donc, il faut 3
fleurs : une fleur par année.
Disposition des mois.
2" temps : les enfants placent les étoiles dans lesquelles spnt inscrits leur nom.
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3. - Repérage dans l'espace
Il va sans dire que l'effort des mathématiques est
une aide directe pour permettre à l'enfant de
se repérer dans l'espace.
Nous ne retenons qu'un exemple :
E.N.F. DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE
1" THEME DE REFLEXION : « NOTRE PLACE
EN CLASSE » (C.P. de Mme Vergnolle, école rue
Ampère à Saint-Germain).
1. - D'abord observation de la disposition des tables de la classe.
Ensuite un premier problème est abordé : pourquoi
cette disposition ? Pour la majorité des fillettes
cela doit permettre de circuler plus facilement.
Elles ont une certaine peine à admettre que les
fillettes les plus proches du mur sont un peu gênées
pour quitter leur place, qu'une disposition en colonnes serait plus favorable au mouvement. La
maîtresse souligne la nécessité de l'assemblage des
tables pour le travail en groupe sans que l'on perde
de vue pour autant le tableau.
La disposition une fois admise permet de toucher
la notion de en face : les élèves assises à la table C
et à la table F sont en face du tableau, celles de la
table A en face des élèves de la table B, etc...
132
La notion de à côté : les deux élèves assises à la
même table sont à côté l'une de l'autre.
Le repérage est complété par un exercice moteur :
il faut aller se placer en face de la maîtresse, en
face de l'élève-maîtresse qui se trouve dans la
classe : les difficultés éprouvées par certaines fillettes semblent venir autant de facteurs psychologiques liés à l'attitude de la personne en face
de laquelle il faut se placer que d'insuffisances
d'appréhension de l'espace.
Au stade suivant la distribution de blocs logiques
permet de reproduire la disposition des groupes
de tables. Il n'y a pas eu de difficultés : les fillettes qui refusent de se séparer de leur bloc sont
les mêmes qui, au début du jeu, ont affirmé préférer être seules à leur table et ne se sont pas aisément convaincues de l'intérêt du travail de groupe : leur résistance semble surtout liée à cette
attitude.
Enfin chaque enfant doit repérer sa place autour
du groupe de tables représenté par les blocs, dire
s'il est en face d'un autre, et de qui, ou à côté
d'un autre, lever la main s'il n'a personne en face
de lui. Tout cela s'est fait très facilement.
L'ensemble de ces activités avait duré à peu près
3/4 d'heure. Elles ont été interrompues, complétées les jours suivants lors d'exercices d'initiation
à la lecture où l'on a demandé un effort de présentation ordonnée des réponses en insistant sur
la notion de à côté, à la ligne c'est-à-dire endessous, etc... Il apparaît alors que cela n'est pas
encore parfaitement acquis pour cinq fillettes sur
vingt-deux.
2. - L'exercice sur le plan de la classe a été repris
trois ou quatre jours plus tard à la demande des
enfants. Il comporte cette fois-ci quatre étapes
différentes :
— d'abord choix sur le bureau de la maîtresse de
blocs de taille différente destinés à représenter les
tables ; aucune fillette ne se trompe, celles qui
sont à des petites tables choisissent des petits
blocs, etc...
— puis choix de x schémas dessinés représentant
les divers groupements de tables. Là non plus il
n'y a pas eu d'erreur, chaque enfant a correctement choisi son groupement de tables,
— il a fallu ensuite orienter chaque schéma suivant la disposition effective des tables. Il n'y a pas
eu d'erreurs.
— enfin chaque enfant a dessiné :
• d'abord son siège (il n'y a pas eu d'erreurs
mais des hésitations avant de repérer le bord de
la table où l'on se trouve ; certaines fillettes ont
commencé par dessiner leur siège au milieu de la
table puis ont rectifié seules) ;
• puis dessin de la rainure de chaque table, des
encriers pour lesquels sont apparues des difficultés
de localisation.
Apparaissent donc là la difficulté à reconnaître sa
droite et la tendance à l'imitation qui entraîne une
symétrisation automatique. Les deux efforts demandés, celui de latéralisation et celui de rotation pour se mettre à la place de l'autre ne sont pas
obtenus immédiatement ;
c
c
)
>
emplacement réel
des encriers
à la droite
de chaque enfant
dessins obtenus
10 dessins sur 27
-T"*»^— _
- «i^
Tr représentent les
mains sur la table
-X., ,Jr~ 7 dessins représen*K %*""^ tent les pieds en
même temps que
les mains
• puis l'enfant se dessine sur le schéma de son
bloc de tables, on a demandé de représenter les
mains sur la table quand on est assis. Nous avons
obtenu les résultats suivants :
Les derniers dessins représentent des personnages
minuscules, informes. Ils ne sont pas ceux de
fillettes présentant en apparence des difficultés
particulières.
3. - Dans un dernier stade de l'exercice, huit jours
plus tard, on a tenté une représentation par un
plan de la place en classe. Une grande feuille de
papier blanc posée à plat sert de support ; elle correspond à l'espace-classe. Les fillettes établissent
des conventions : l'un des côtés sera celui de la
fenêtre, l'autre celui de la cour. Tout ce qui est en
dehors du papier, « c'est comme si c'était pas en
classe » dit une fillette. L'institutrice a préparé
des points de repère mobiles représentant son bureau, les deux tables ovales qui sont au fond de
la classe, les deux placards qui se trouvent sur les
côtés, en respectant les formes et les couleurs de
133
ces objets. Les enfants les identifient très bien, sauf
pour les placards dont l'un est plus grand qu'elles
et qu'elles « ne peuvent pas voir d'en haut », disent-elles !
Une fois ces conventions adoptées, la mise en place
sur le papier blanc n'a pas posé de problèmes pour
ces meubles. Par contre celle des schémas de papier représentant les groupes de tables a rencontré
des difficultés d'orientation ; elle a suscité beaucoup de discussions ; on a eu de la peine à respecter
les intervalles entre tables et mur mais les enfants
ont rectifié, d'elles-mêmes le plus souvent, en
constatant qu'on ne pourrait plus passer à tel ou
tel endroit ou s'asseoir à telle ou telle table.
4. - Ce même jour on a tenté d'accrocher le plan
ainsi réalisé au mur, à la verticale : l'échec a été
complet la première fois puis on a recommencé par
la suite : le plan est maintenant accroché au mur de
la classe, les fillettes ont admis cette position pour
le rangement, on le décroche encore à chaque fois
que l'on veut s'en servir.
II* EXERCICE : « POUCET FAIT LES COURSES
DE SA MAMAN » (C.P. de Mme Vaillard, école rue
Ampère, à Saint-Germain).
Là encore nous avons affaire à une situation proche du jeu. Poucet est un petit garçon dont l'histoire quotidienne suit celle de la classe et avec lequel chaque fillette peut s'identifier à chacune de
ses aventures. Donc Poucet a faim ; que va-t-il
manger ce midi ? Dans quel ordre prend-on un
repas ? Les fillettes proposent une entrée (des radis), du poisson, des haricots verts, du fromage
et une pomme : voilà le menu de Poucet établi.
Sa maman l'envoie donc acheter le nécessaire et,
afin qu'il n'oublie rien, lui recommande d'acheter
ces denrées dans l'ordre où il doit les manger.
Pour jouer au jeu de Poucet faisant ses courses,
il a fallu partir d'un plan de la classe où les enfants ont mis d'elles-mêmes en place les meubles
principaux.
poisson
fenêtres côté
de la gendarmerie
dites fenêtres
des gendarmes
fenêtres'
vers
la cour
' radis
placard
3 fromage
Le jeu comporte d'abord un exercice moteur : il
faut partir du bureau qui représente la maison de
Poucet pour aljer vers chacune des boutiques symbolisées sur chaque mur par autant de dessins (de
134
lavabo
radis, de fromage, e t c . ) . Plusieurs fillettes parcourent sans peine l'itinéraire défini au départ par
l'ordre des commissions.
Puis un exercice de dessin suit : on distribue à chaque groupe d'enfants une feuille blanche matérialisant les contours de la classe et des images ¡mobiles à mettre en place sur la feuille pour représenter le bureau-maison de Poucet et les principales boutiques comme on les a localisées au mur
de la classe : il n'y a pas d'erreur. Il faut ensuite
matérialiser au crayon feutre l'itinéraire suivi : il
n'y a pas non plus d'erreur.
Un exercice d'élocution accompagne ces différentes
étapes, pour décrire l'ordre suivi et surtout pour
localiser l'emplacement exact de chacune des boutiques : les radis sont sur le mur des gendarmes
entre les deux fenêtres, la pomme est dans le coin
du tableau du côté de la cour, etc.. La notion de
r-i
radis
poisson
droite et de gauche, notamment par rapport au tableau ou au bureau n'a pas été introduite.
Puis la maîtresse fait remarquer qu'elle connaît
l'histoire et qu'elle peut donc comprendre le dessin mais que l'on ne peut y voir, en fait, dans
quel ordre Poucet est parti : l'une des fillettes
suggère qu'il faudrait une flèche, on en fabrique
immédiatement une en précisant que la pointe indique la direction vers laquelle on va et les fillettes la font circuler sur leur plan sans erreur.
Le travail a été complété par une bande du type
frise sur laquelle les enfants ont matérialisé l'ordre
des boutiques fréquentées par Poucet, également
sans erreur.
haricots verts
fromage
pomme
Maison de
Poucet
Après la suggestion faite par un collègue le 30
octobre, la matérialisation sur une frise verticale
a été envisagée sans plus de difficultés. Le premier exercice sur la place en classe a occupé environ quatre séances d'un peu plus d'une demiheure chacune, le second sur les courses de Poucet à peu près 3/4 d'heure. Chacun a été suivi avec
beaucoup d'intérêt par l'ensemble des classes. Dans
les deux cas, les exercices de structuration des notions de temps et d'espace en liaison avec le dessin,
l'expression orale, la morale (je préférerais être
seule à ma place), les math (l'initiation à la flèche)
seront continués en s'éloignant petit à petit de la
classe, dans l'école puis dans la rue.
Madame WIENEET,
Professeur à l'E.N.F. d e
SAINT-GERMAIN-EN-LAYE.
B) FRANÇAIS
Les points de convergence entre cette recherche
et celles qui sont faites en français paraissent évidentes mais restent à approfondir.
D'une part la linguistique et la psycho-linguistique
nous apportent des perspectives complexes mais
essentielles quant à la construction des structures.
D'autre part la Commission du 28-10-70 : « Communication, apprentissage de la langue et activités d'éveil » était arrivée à la conclusion qu'il n'y a
pas d'apprentissage du langage sans support.
La communication n'est pas un but en soi, aussi
les activités d'éveil apparaissent-elles comme une
motivation essentielle. Elle ne se contente pas d'utiliser le langage oral et écrit, mais elle fait de la
langue française comme des autres langages un
besoin et une nécessité.
Evidemment il y a un lien étroit entre la formation des concepts et la mise en place d'un vocabulaire adéquat, ce vocabulaire permettant de faire
le point sur l'acquis, mais n'étant jamais apporté à
l'enfant comme pur vocabulaire, détaché de toute
expérience ou espérant remplacer l'expérience.
Apprendre des mots ne peut conduire qu'au verbalisme. Traduire une expérience scientifique ou
135
affective en cherchant le mot précis, le mot « juste » c'est ce que veulent à la fois les disciplines
d'éveil et l'enseignement du français.
centrique explique que notre préoccupation première ne soit pas la rénovation de l'enseignement
des disciplines.
Il conviendrait toutefois de bien distinguer en ce
qui concerne les disciplines d'éveil, le plan affectif,
esthétique, imaginaire et le plan objectif, scientifique, social.
Au C.P., il existe d'abord des enfants. Nous savons
que ces enfants ont une mentalité prélogique, nous
voulons les aider à passer à une mentalité logique.
Ce passage implique une observation des interprétations spontanées de l'enfant, il implique le
contact direct avec les choses et une concertation
avec autrui mais il implique aussi, une analyse
épistémologique de chaque science. Toutefois le
problème ne se pose pas de la même façon en physique et en histoire.
L'enfant peut imaginer des chevaux verts broutant
des étoiles de feu et commencer un poème, un
dessin ou un rêve, mais on doit exiger de lui qu'il
construise le réel en suivant d'autres voies. Il pourrait sans doute « imaginer » de quoi se nourrit
l'escargot, mais l'y inciter, ce serait le fourvoyer.
Aux escargots qu'il élève, il donnera en guise de
nourriture du sel, de la farine, de la semoule, de la
salade, du poireau... et il verra ce que les escargots
préfèrent.
Parfois sans l'inciter à imaginer le réel, il faudra
simplement se taire en attendant qu'il ait pu faire
telle ou telle expérience. On ne le fera pas sortir
par des « explications » prématurées de l'égocentrisme et de ce qui en est la conséquence : l'artificialisme et l'animisme ; mais ce serait l'y enfermer
que de perpétuer la confusion entre le réel et
l'imaginaire.
Le problème de la créativité en français ne se pose
pas dans les mêmes termes qu'en activités d'éveil
à dominante humaine ou biologique, du moins en
ce qui concerne la place de l'imaginaire.
Par les activités d'éveil à tendance scientifique et
humaine, l'imagination est créatrice de solutions
répondant à des problèmes posés par la réalité
objective. C'est pourquoi, sans nier au scientifique
'« le droit de rêver » (1), nous voulons distinguer
l'imagination créatrice du rêve, de la rêverie et de
la projection de phantasmes.
III. HISTOIRE ET SOCIALISATION
A) LE PROBLEME DE LA SOCIALISATION
DE L'ENFANT
Nous avons dès le début choisi de mettre l'enfant
au centre de nos recherches. Cette attitude puéro(1) Cf. Bachelard, « Le droit de ¡rêvier », P.UJT.
136
Avec l'histoire il semble que les préoccupations
purement logiques passent au second plan. C'est
que par elle on touche au domaine social. Certains enseignants-historiens ont affirmé ne pouvoir travailler que sur un être en cours de socialisation. Mais en fait, une certaine forme de socialisation commence dès le berceau. L'enfant subit
l'influence de la société dès son plus jeune âge et la
plupart de ses habitudes sont le témoignage de cette
forme de socialisation. Si l'on veut parler de faire
accéder l'enfant à la connaissance du social comme
on parle de le faire accéder à une mentalité logique, il faut d'abord distinguer dans ce que la
sociologie pour adultes appelle les pressions sociales :
1) Celles que l'enfant ne subit pas parce qu'il
en est protégé (par sa nature enfantine ou
par la volonté des adultes).
2) Celles qu'il subit et dont il n'a pas conscience.
3) Celles qu'il subit et dont il peut prendre
conscience compte tenu de sa maturité.
La « socialisation » qui nous intéresse se présente
donc comme la prise de conscience d'une influence
jusque-là inconsciemment subie par l'enfant et
l'on voit qu'il ne suffit pas de s'assurer qu'il est
en relation avec l'autre, avec les autres et avec la
société, mais il faut encore qu'il puisse prendre
connaissance de ces relations.
Il s'agirait donc de savoir, comment au C.P. l'enfant saisit ses relations avec l'autre, avec les autres
et avec la société, quelles sont les pressions qu'il
subit. Les ressent-il et comment les ressent-il ?
Pour répondre sérieusement à ces questions il
conviendra de faire appel à la recherche fondamentale.
Il serait sans doute possible d'imaginer un certain
nombre d'exercices qui étudieraient les enfants
sur le plan sociologique comme on en trouve sur le
plan psychologique. C'est ce qui a été essayé en
cherchant à voir quels événements étaient considérés comme « importants » par les enfants. Mais
on se condamne à rester au niveau d'une microsociologie.
Ne faut-il pas dès maintenant poser le problème
de la sociologie car s'en tenir à l'étude de systèmes de relations ou d'interrelations observables
(et peut-on faire autrement avec des enfants ?)
nous conduit à un structuralisme global.
Faut-il au contraire chercher sous chaque système
une structuration sous-jacente qui permet de l'interpréter de façon deductive ?
Dans ce cas :
« La structure sociale doit être reconstituée déductivement et ne peut pas être constatée à titre
de donnée, ce qui signifie qu'elle est aux relations
observables comme est en physique la causalité
par rapport aux lois... la structure
n'appartient
pas à la conscience mais au comportement et l'individu n'en acquiert qu'une connaissance restreinte
par des prises de conscience incomplètes s'effectuant à l'occasion de désadaptation ». « Le structuralisme », Piaget, p. 83.
B) L'EVOLUTION DES SCIENCES HUMAINES
PEUT-ELLE MODIFIER L'ACTION
EDUCATIVE ?
Mais, dira-t-on, il n'est pas question de faire de
la sociologie au C.P., il n'est pas même question
de demander au maître d'être le sociologue de sa
classe. Et pourtant un des moyens de socialiser
l'enfant consistait à lui inculquer par un enseignement de l'histoire un certain nombre de modèles. Faut-il remettre cette forme de l'histoire
en question ? Tout au long des travaux de la
commission C.P. M. Lemaire a insisté sur le fait
qu'il faudrait bien tenir compte un jour, si ce n'est
au C.P., ce sera au C E . ou au CM., des changements profonds qui s'opèrent en histoire comme
dans les autres disciplines. Ces changements devraient retentir sur la pédagogie et guider nos essais au niveau des classes.
« Or il est bien certain que le mouvement de réflexion historiographique menée depuis 50 ans n'a
pas encore provoqué de remous dans les définitions des contenus pédagogiques à l'école élémentaire. Il n'en reste pas moins que le problème
existe ».
Ne serait-il pas utile d'examiner sérieusement la
source de notre savoir historique et géographique !
Qu'est l'histoire aujourd'hui ? Il ne convient pas
que nous nous arrêtions aux simples querelles du
politique et du social, de l'événementiel ou des
structures, c'est important mais encore tout pétri
de contenu, donc d'idéologie. Etre pour ou contre
l'histoire bataille, c'est choisir ou refuser une interprétation de l'histoire ; l'histoire totale, à la
Lucien Febvre ne peut recueillir l'accord unanime
des historiens car elle aussi reste engagée. C'est
donc au-delà de querelles apparemment méthodologiques mais en fait idéologiques qu'il faut se situer. Il en fut de même pour la linguistique que l'on
sait déchirée entre de multiples tendances, comme
pour la mathématique : c'est à la recherche d'un
accord profond sur la pure méthodologie qu'il
convient en premier lieu de s'orienter. En un mot,
pour mieux faire notre classe, ce qui est notre but,
approfondissons l'épistémologie historique, ce sera
notre principe.
Tout est à faire chez nous, découvrons l'historiographie. Ni Aran, ni Croce, ni Sartre, ni Marrou,
ni Granger n'ont été cités, que seraient-ils venus
faire dans le travail pragmatique auquel nous procédions ? Or, le domaine est riche, les matériaux
abondants, la place de l'histoire très enviable. Au
milieu des « sciences humaines » : droit, sociologie, ethnographie, psychologie, l'histoire assume le
temps que ses sœurs conjointes cherchent à transcender. De l'historien qui établit la stratégie de ses
découvertes et de l'historien qui écrit, qui dicte ou
qui professe ses conclusions, nous ne retenons que
l'œuvre achevée, le signifié, la face apparente. Il
est temps de découvrir le signifiant et d'abandonner provisoirement Phistoricisme à ses triomphes
souvent commerciaux. Certes l'historien n'est rien
sans le savoir, mais reconnaissons qu'il n'est rien
non plus sans la conscience de ce savoir. D'énormes
progrès ont été réalisés dans ce domaine depuis
50 ans et il y a fort à penser que c'est le même
courant profond qui porte la linguistique rénovée,
la mathématique moderne et l'historiographie
contemporaine ; nous sommes habitués à ces struc137
tures globales de l'histoire de la pensée. Si nous
voulons sauver du traditionnel usagé et sans efficacité, notre enseignement de l'histoire c'est peutêtre par l'exploration des fondements épistémologiques de notre discipline qu'il nous faut commencer.
(M. Lemaire).
Et nous verrions alors que le professeur d'histoire
peut peut-être répondre aux deux questions :
« qui est socialisé, qui socialise ».
•Le problème est posé : « que doit être l'enseignement de l'histoire à l'école élémentaire ? ».
La réponse à cette question nous amènera sans
doute à trouver d'autres activités permettant dès
le C.P. d'assurer la charnière entre l'individu et le
social et permettant le passage entre une société
faite et une société à faire.
138
Mais ce passage se fera grâce à des actions. Il ne
suffit donc pas de chercher à construire des structures mentales, il faut encore se demander : les
structures mentales étant construites au niveau de
l'intellect, l'enfant est-il armé ? Ces structures
sont-elles capables de lui permettre de trier parmi
les valeurs, non seulement pour en juger sur le
plan théorique, mais pour lutter contre certaines
valeurs reçues et pour en assumer d'autres comme
un être responsable à la fois lucide et prêt à agir.
Sur le plan de la socialisation l'enfant pourrait
être créatif si on lui permettait de construire, et
si on l'aidait à construire avec les autres enfants et
avec les adultes des relations sociales. La coopération dans l'action implique que le groupe enfantin crée ses structures et qu'il en assume la responsabilité. Dès le C.P. les enfants peuvent, à leur
niveau devenir créateurs de structures sociales.
Ainsi ils apprendraient très tôt à devenir les artisans de l'évolution sociale au lieu de se résigner
à la subir.
Chapitre V
ACTIVITÉS D'ÉVEIL A ORIENTATION
GÉOGRAPHIQUE ET SCIENTIFIQUE AU C. P.
ÉTUDE
DE QUELQUES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES
En attendant la publication prochaine d'un document relatif aux activités d'éveil à l'étranger, il
est intéressant de signaler brièvement quelques
expériences étrangères qui se situent au niveau du
C.P.
GRANDE-BRETAGNE
Bibliographie sommaire
1) Children and their Primary School (Rapport du
Central Advisory Council of Education sous la direction de Plowden), MMSO, 1967, 2 vol. grand
format.
2) Children at School : Primary Education of England, ouvrage collectif publié par Center for Curriculum Renewal et Educational Development
Overseas, Heinemann, London 1968, 200 p.
3) Nuffield Junior Science Projet, Collins 1967
(en cours de traduction), 4 volumes.
— Teacher's Guide 1 et 2.
— Source Book - Apparatus Source Book.
— Animals and Plants.
Généralités
1) L'enseignement élémentaire anglais comprend
2 niveaux :
— Infant Schools de 5 à 7 ans (ou 4 à 8 ans) : elles
assurent l'apprentissage de la lecture dans le cadre des méthodes pédagogiques de l'école maternelle.
— Junior Schools de 7 à 11 ans (ou 8 à 12 ans).
2) L'école anglaise présente un caractère spécifique : depuis 1926 les maîtres sont totalement libres du choix des programmes, des méthodes et de
l'établissement de la progression dans le cadre
d'une école donnée. « La seule uniformité de la
pratique que le Board of Education désire réaliser
dans la pédagogie de l'école primaire c'est que chaque éducateur doit penser par lui-même et mettre
en œuvre les méthodes qui semblent le mieux
convenir aux besoins du milieu... mais cette liberté implique aussi responsabilité ». L'avancement des maîtres ne dépend plus des inspecteurs
qui sont devenus des conseillers et des animateurs ;
les maîtres subissent uniquement la pression indirecte des parents et des autorités locales en particulier à cause des problèmes posés par l'entrée
dans le 2* degré.
3) Les pratiques pédagogiques courantes accordent habituellement plus de place qu'en France au
jeu, à l'exploration libre de l'élève, à la participation des élèves à l'organisation de la vie scolaire, à
la recherche documentaire. Les bibliothèques des
Junior Schools (qui possèdent souvent 4 000 à
5 000 livres) sont accessibles tant pendant les heures de cours que pendant les récréations.
4) Depuis la 2* guerre mondiale, un important
mouvement de renouvellement pédagogique s'est
développé à partir de la base, dans un cadre de
recherche libre et empirique ; il s'appuie principa139
lement sur les organisations de maîtres. Grâce à
l'appui de l'administration, ce mouvement tend à
se généraliser au lieu de se limiter à l'intérieur de
petits groupes ; les parents ont été rassurés. Avec
l'aide des universités un effort d'évaluation objective des résultats a été entrepris dans le cadre de
projets cohérents.
Projets concernant en partie les activités d'éveil du
C.P.
1) Projet Nuffield Sciences classes élémentaires :
projet au stade du développement (5 à 11 ans).
Il se propose de donner des suggestions et des instruments de travail aux maîtres : méthodes et
moyens, exemples de réalisations, cultures et élevages, construction de matériel avec la collaboration des élèves. L'accent est mis sur l'exploration
de l'élève dans le cadre du tâtonnement expérimental. Les documents rappellent les publications
des mouvements français d'éducation nouvelle (Bibliothèque de Travail).
2) Science 5 à 13 a n s : projet en cours d'expérimentation.
Le but recherché est le même mais le projet met
davantage l'accent sur la nécessité de fixer des
objectifs précis et de faire un bilan de Paoquis
pour pouvoir orienter efficacement le travail des
élèves.
Cf. Annexe I. Extrait du Nuffield Sciences Junior
Teacher's guide 2.
ETATS-UNIS
3) Science. — A Process Approach. Projet de
1' « American Association for Advancement of
Science », Washington, 1963.
Source Book.
14 volumes d'application.
4) Revues. The Science Teacher.
Science and Children, à consulter au Département
de la Recherche.
Généralités. Depuis le lancement du Spoutnik, plusieurs millions de dollars ont été consacrés à des
recherches portant sur l'enseignement des sciences
à l'école élémentaire (6 à 12 ans). Dans tous les
projets l'accent est mis sur l'importance du travail libre de l'élève (travail individuel ou travail
de groupe) dans le cadre de la méthode de découverte ; le maître cherche à éveiller la curiosité de
l'élève, son aptitude à inventer et à communiquer. Certains projets (S.C.I.S.) sont centrés sur
l'acquisition des concepts de base ; d'autres
(A.A.A.S.) sur l'acquisition des méthodes de travail.
Etude d'un exemple S.C.I.S. Une adaptation de langue française réalisée par l'Institut de Recherches
psychologiques, 34 Ouest rue de Fleury, Montréal
357 est en cours d'expérimentation au Québec.
Le projet met l'accent sur la nécessité de proposer à l'élève des situations favorables (matériel
adapté, nombre de paramètres limité) pour orienter son travail de façon positive. Il s'appuie sur
une recherche des concepts de base réalisée par
une équipe de scientifiques connus. Il s'inspire des
travaux de Piaget (notion de stade, rôle des opérations dans le développement de la pensée logique) .
1) Pédagogie des sciences à l'école élémentaire par
la méthode de découverte : de nombreux ouvrages
destinés aux maîtres ont été édités depuis 1960. Ils
peuvent être consultés à l'I.N.R.D.P., Département
de la Recherche Pédagogique.
Le maître laisse d'abord tâtonner les enfants ; il les
observe avant de les orienter ; il ne poursuit l'exercice que s'il obtient une motivation suffisante. Le
matériel choisi permet de dégager plus facilement
un principe scientifique qui fait l'objet d'une définition opératoire ; ensuite les élèves sont amenés
à chercher autour d'eux des applications du principe établi.
2) S.C.I.S. Elementary Science, University of California Berkeley, 94 720 Source Book.
12 unités comprenant chacune livre du maître et
livret de l'élève.
Le plan d'études prévoit 2 unités en 1™ année (6 à
7 ans) : l'univers des objets et le vivant. La 1™
unité a pour objet de dégager la notion de propriétés, de substance à la suite de la manipulation
Bibliographie
140
d'objets divers, les uns familiers, les autres moins
communs ; les actions exercées sur les objets, les
comparaisons, les exercices de classement et de
sériation permettent de dégager les notions de base
de proche en proche.
Dans la 2° unité l'enfant commence par monter un
aquarium (guppys, limnées, daphnies, plantes
aquatiques) ; il découvre l'origine, la croissance et
la mort de quelques êtres vivants ; l'alimentation
de l'élevage et l'étude des déchets conduit à la
notion de cycle alimentaire ; la comparaison permet
de dégager la notion d'habitat.
Cf. Annexe II. Exercice sur l'identité génétique
(enfants de 7 ans).
U.R.S.S.
Documentation
1) Manuel à l'usage des directeurs des organismes
d'enseignement populaire et des écoles (1968). Traduction manuscrite assurée sous la direction de
Mme Wormser-Migot (I.N.R.D.P., Département de
la Documentation).
2) Revue Internationale de Pédagogie. On y trouve
un certain nombre d'articles précis sur les problèmes posés par la réforme de l'école élémentaire
en U.R.S.S. en particulier 1969 n° 1, 3, 4.
Généralités. Un important mouvement de recherche pédagogique a conduit à la réforme de 1966
caractérisée par un renouvellement total des programmes. Le cycle élémentaire a été ramené de
4 à 3 ans pour éviter que le progrès scientifique
et technique ne se traduise par une augmentation
de la durée de scolarité. L'enseignement dogmatique est apparu comme un facteur important de
blocage : l'école élémentaire ne doit pas se limiter
à l'enseignement des rudiments et des techniques
mais porter son effort sur l'acquisition des concepts
de base et des méthodes, en classe et en dehors de
l'école. Le changement de méthodes pédagogiques
ne supprime pas la notion de programmes : les
disciplines doivent être traitées suivant un ordre
logique et didactique strict. Le caractère pratique
et social de l'activité de l'enfant ne doit pas être
perdu de vue.
1
Exercices à orientation scientifique en Ira année
5 à 10 mn par jour sont consacrées à des exercices
d'observation portant sur la nature et le travail des
hommes ; l'observation du temps doit être quotidienne et systématique, elle se prolonge pendant
les vacances et ses résultats sont vérifiés au début
de l'année suivante. Ces exercices sont exploités
ensuite pour l'apprentissage de la lecture et de
l'écriture ; ils font d'autre part l'objet de synthèses
mensuelles rapprochant les données physiques, astronomiques, biologiques, sociales observées. A la
fin de l'année les élèves doivent savoir exécuter
des observations suivant un plan donné par le maître, faire un compte rendu oral, savoir s'orienter.
40 heures annuelles sont consacrées à l'étude du
globe et de la terre, à celle de l'eau, de l'air, des
plantes, des animaux, soit au cours d'excursions, de
leçons, de présentation de films. Elles se prolongent par des travaux pratiques (herbier, collection de fruits et de graines, cultures réalisées en
classe ou à la maison, parrainage d'un arbre, nourrissage d'oiseaux). L'hygiène individuelle ou collective fait l'objet d'un enseignement quotidien.
BELGIQUE
L'histoire de l'école primaire est marquée par le
plan d'études 1936 inspiré par l'école Decroly et
qui présente un caractère novateur très accentué.
Les plans d'études ultérieurs de 1957, 1963 ont
conservé l'esprit du plan de 1936 en s'efforçant de
définir avec plus de précision les connaissances
indispensables et les techniques à maîtriser ; ila
mettent l'accent sur l'importance de la langue parlée et de l'expression, la motivation des activités
scolaires grâce à l'exploitation des données fournies par le milieu et le souci de l'association en
particulier grâce à l'utilisation des centres d'intérêt qui sont maintenus pour les premières années
de l'école élémentaire. La démarche pédagogique
dès la première année est très proche de c e l e qui
a été développée dans ce fascicule. « Pour l'éducateur le milieu est tout ce qui, dans l'environnement de l'enfant, peut l'amener à des activités scolaires motivées... L'école primaire n'étudie pas systématiquement le milieu, elle ne l'étudié pas pour
lui-même ; elle l'utilise à des fins essentiellement
éducatives et didactiques... » (Plan d'études de
1957).
141
« C'est le déroulement du centre d'intérêt, l'exploitation des classes promenades, les apports des
élèves ou le coin vivant de la classe qui détermineront le sujet d'observation du jour... Faire des
observations sur commande sur un animal ou une
plante imposés, lire une leçon de manuel... est une
conception étrangère au plan belge ». M. Salengros,
journées franco-'belges de Couvin : les sciences à
l'école primaire (20 au 23 avril 67), compte rendu
publié par le C.R.D.P. de Lille.
Dans le Nord-Ouest de
l'Angleterre. Au cœur
d'une cité industrielle entourée par des entreprises
de toute sorte et des maisons construites après la
guerre sur des zones rasées par les bombardements.
La découverte par les enfants des couleurs de
l'arc-en-ciel sur le sol du hall et dans l'aquarium
de la classe les conduisit à d'autres recherches.
ANNEXE I
Le matériel suivant fut mis sur une table :
Nuffield Sciences Junior
Teacher's guide 2-Collins ed. p. 69
— rouleaux de papier de cellophane de couleur,
(traduction en cours à PO.C.D.L.)
— parallélépipède de verre,
— prisme de verre,
— miroirs,
LES COULEURS DE L'ARC-EN-CIEL
— savon liquide,
— fils de fer.
6-7 ans. Tous les niveaux
d'intelligence.
Effectif
de la classe . . . .
de l'école
22 garçons et filles.
156.
Construit en 1877. Bâtiment en ¡briques à 2 étages avec escaliers de pierre et couloirs sombres.
Salle de classe . .
Environnement
142
Pièce ancienne avec de
hautes fenêtres, mais rendue agréable et claire par
des couleurs pastel. Les
espaces de
rangement
sont très limités, mais il
y a assez de place pour
cet effectif relativement
réduit.
L'école donne directement
sur une route très importante.
Quelques enfants déroulèrent les feuilles de cellophane et furent très intéressés : ils se regardaient
les uns les autres à travers ces feuilles ou les posaient sur différents objets.
Barbara portait un cardigan bleu mais elle plaça
une feuille de cellophane jaune contre lui et il parut vert.
Sandra, qui regardait ses mains à travers la cellophane constata qu'elles étaient d'abord jaunes, puis
vertes. Elle dessina une de ses mains et appliqua
les différents papiers de couleur sur le dessin
Par hasard les enfants découvrirent qu'ils pouvaient obtenir une nouvelle couleur en posant l'une
sur l'autre deux feuilles transparentes. Quelquesuns firent des masques plaquant sur chaque œil
un papier de couleur différente, puis regardant
images et objets et se racontant les uns et les autres à quoi cela ressemblait. Pauline et Thérèse
gardèrent un bon moment leurs lunettes colorées,
essayant de retirer d'une boîte des jetons colorés
en devinant leur couleur.
Tony prit le prisme, le tenant dans sa main comme
s'il voulait le soupeser. Il ne disait rien mais par-
courait la classe en regardant les objets à travers
le prisme. Puis il dit à l'instituteur : « Est-ce que
vous voyez la 'boutique, là-bas ? « Eh bien avec
le premier prisme elle est tout près ». Il découvrit
aussi que s'il regardait dans le prisme d'une certaine façon, « tout ce qu'il voyait était entouré par
les couleurs de l'arc-en-ciel ». Stéphane était intrigué par le parallélépipède de verre et sortit, le
tournant et le retournant et regardant à travers lui
divers objets. Il fut surpris quand, regardant toujours à travers ce bloc de verre, il essaya de poser
quelque chose sur la table. « La table avait bougé ». Il dit aussi que les objets étaient renversés
si l'on regardait à travers le bord du verre.
L'instituteur avait laissé tout plein de matériel
pour faire des bulles de savon sur une table, quand
un enfant commença à l'utiliser, les autres furent
très vite intéressés, et bientôt, toute la classe était
en train de faire des bulles. Ils courbèrent le fil
de fer pour obtenir des tailles et des formes différentes. Si le cadre était trop grand, le film d'eau
savonneuse ne tenait pas, mais quelle que soit la
forme, les foullesi étaient toujours des sphères. Les
enfants virent que les fenêtres se reflétaient dans
les bulles et furent ravis d'y retrouver les couleurs de l'arc-en-ciel. Quelquefois deux bulles
étaient attachées l'une à l'autre et ils remarquèrent, « c'est à plat, là où elles se touchent ». Barbara trouva qu'elle pouvait attraper une bulle avec
un fil de fer, mais seulement si ce fil de fer était
mouillé. L'intérêt pour l'arc-en-ciel et les couleurs
captiva toute la classe. Des enfants demandèrent
s'ils pouvaient apprendre la chanson « Quelque
part, au-dessus de l'arc-en-ciel ». Ils aménagèrent
leur « table de l'arc-en-ciel », et chaque jour ils
y ajoutaient quelque chose.
Tony trouva une lame de verre et un miroir ovale
dans la collection d'objets de la classe. Il les apporta sur la table de l'arc-en-ciel. Le père de
Joan lui fit un périscope et les enfants découvrirent
comment les miroirs étaient placés et firent des
expériences avec d'autres miroirs, découvrant qu'ils
pouvaient voir leurs oreilles et même le derrière
de leur tête. L'instituteur ajouta une cuiller, des
billes aux couleurs de l'arc-en-ciel et des boules de
plastique coloré.
Quelques-uns des enfants peignirent des arcs-enciel (ils ne voulurent pas prendre lés crayons qui
ne donnaient pas d'assez bons résultats), ils disposèrent les couleurs dans l'ordre, après une dis-
cussion pour savoir quelle couleur venait en premier lieu. A la fin, ils regardèrent dans le prisme et
décidèrent que c'était le rouge.
Ils furent très contents du résultat.
Par un beau matin ensoleillé, alors que toute la
classe était dans le hall, ils découvrirent la forme
des fenêtres sur le sol, et leur ombre à eux dans
celle des fenêtres. Ils comprirent que l'ombre est
faite en arrêtant les rayons du soleil. Ils sortirent,
virent que les fenêtres laissaient passer le soleil
tandis que le mur ne le laissait pas passer ; leur
corps aussi arrêtait les rayons du soleil. Après cela,
ils jouèrent avec les miroirs et les vitres et les prismes, renvoyant là une lumière sautillante à travers
la salle comprenant maintenant pourquoi l'on voit
à travers une vitre et non à travers un miroir. De
nouveaux mots furent appris et compris : transparent, opaque, reflection, réfléchi, opposé, nuageux.
Dans la salle de classe, quelques-uns des enfants
allèrent voir si l'arc-en-ciel de l'aquarium y était
toujours. Nous n'avons que deux poissons, pourtant
quand je regarde d'ki, je peux en voir six dit Joan.
Certain pouvaient en voir encore plus. Puis ils
s'exclamèrent « l'arc-en-ciel y est toujours ».
John faisait un arc-en-ciel avec le prisme et comme
il le déplaçait, il atteignit sur le bureau des feuilles de cellophane de différentes couleurs. Les enfants remarquèrent que quelques couleurs « disparaissaient ». Ils suivirent des yeux cet arc-enciel mouvant et trouvèrent qu'il était plus brillant
quand il se formait sur le cardigan blanc de Thérèse ou sur le plafond.
Stéphane trouva dans un livre un dessin représentant une goutte d'eau jouant le rôle d'une loupe.
Pouvait-il essayer d'en utiliser une ? Il fit tomber
une goutte d'eau sur un journal. « Elle est partie »
dit-il. Ensuite, il essaya sur la surface du bloc de
verre. « Elle s'est étalée ». Puis, il essaya du papier
paraffiné. « Elle fait comme une perle maintenant ». Il crayonna le journal pour le glacer et il
constata que la goutte d'eau grossissait les lettres
imprimées. Plus tard, on le vit avec le carton d'un
emballage de lait. Il le penchait dans différentes
positions pour faire se réunir les gouttes de lait.
Ce travail fut fait pendant les deux ou trois semaines de la fin du 2* trimestre (printemps) et il
prit fin aux vacances. Ce serait intéressant de savoir comment les enfants réagiraient si on leur présentait de nouveau ce matériel plus tard.
143
où peut-on voir
des arcs-en-ciel ?
réflexions
des poissons
Renversement des images
réflexion
réfraction
« Disparition » des couleurs
le prisme
\
dans l'aquarium
Peinture
(Arc-en-ciel Arche de Noé)
L'ARC-EN-CIEL
Réflexions
vocabulaire
feuilles de
cellophane
colorées
/
changement
de couleurs
parallélépipède de verre
X
lunettes
coloriées
Réfraction images
renversées
luminosité des images
réfléchies
mélange de couleurs
BULLES DE
SAVON
surfaces réfléchissantes
réflexion des couleurs
taille dimension
et forme du cadre
tension superficielle
concentration
de la solution '
savonneuse
144
goutte d'eau sur
différentes surfaces
surfaces courbes
cuillers
miroirs concaves
ANNEXE II
— Aucune autre espèce de plante ne produit cette
graine-là.
— Une graine produit seulement une plante.
Extrait du S.C.I.S. - Les cycles
L'IDENTITE GENETIQUE
Quelquefois les enfants pensent que deux ou plusieurs graines plantées côte à côte très près l'une
de l'autre, peuvent produire une plante plus grande
que celle qui provient d'une seule graine...
Objectifs :
Inversement, une graine ne germe pas toujours.
— identifier plusieurs espèces de plantes en les
comparant à des plantes connues,
Cela contribue à maintenir une confusion au niveau
de l'acquisition de la notion.
— appliquer le concept d'identité génétique à des
graines et des plantes,
— préciser la relation graine-plante.
Matériel :
— plantes en pots coupés,
— 15 graines de tournesol,
— 15 graines de blé,
une graine —» une plante, une seule.
— Allez doucement. Avant de commencer une
activité, discutez avec les enfants.
I. - Identifions les plantes.
Divisez la classe en 6 groupes. Cf. au chapitre 2.
Donnez à chaque groupe un pot de fleurs qu'il étiquettera à son nom.
Expliquez aux enfants que vous souhaitez que
chaque groupe identifie les plantes de son pot.
— 15 graines de souci.
II. - Nous associons les plantes et leurs graines.
Préparation :
Travail par groupe (6 groupes).
Les groupes plantent des graines (soit 2 ou 3 espèces) .
S'organiser pour que les 6 pots soient différents.
On note soigneusement le nombre de graines de
chaque sorte plantées.
On laisse les pots dans la classe, bien accessibles
pour que les enfants puissent faire des comparaisons.
Quand les enfants ont fini d'identifier leurs plantes, donnez à chaque groupe un plateau de graines
mélangées préparées à l'avance.
Les enfants mettent dans une petite enveloppe les
graines qui redonneront la plante du pot.
III. - Nous plantons les graines.
IV. - Résultats.
V. - Feedback.
VI - Expériences supplémentaires.
SUGGESTIONS PEDAGOGIQUES
La notion n'est pas toujours claire pour les enfants.
— Une espèce donnée de plante pousse à partir
d'une graine donnée.
— Cette graine ne donne aucune autre espèce de
plante.
Remplir plusieurs coupes de terre. Planter des
graines assez grosses (pois ou haricots). En planter
un nombre différent dans chaque coupe.
1
2 ou 3
5 ou 6
9 ou 10
145
Etiqueter les coupes en indiquant le nombre de
graines qui y ont été mises. Planter un cure-dent
au-dessus de chaque graine.
Quand une plante apparaît au-dessus du sol, enlever le cure-dent qui marquait remplacement de la
graine. Quand la plupart des plantes prévues ont
poussé, déterrer les graines pour lesquelles le curedent est toujours en place. Les enfants verront
qu'elles n'ont pas germé ou qu'elles n'ont pas encore atteint la surface.
Ceci montrera, au moins dans ces coupes, que chaque plante est produite par une seule graine.
IDEES ET HYPOTHESES
EMISES AUX ETATS-UNIS
SUR LES « ETUDES SOCIALES »
LA STRUCTURE ET LES « ETUDES
SOCIALES » D'APRES W.T. LOWE
CORNELL UNIVERSITY PRESS, 1969
Ce livre a été écrit après une série de séances de
groupes de travail réunis à l'Université de Cornell,
autour de l'étude du mouvement de révision des
programmes des « social studies » pour les enseignements élémentaire et secondaire.
W. T. LOWE recommande de lire un ouvrage fondamental « The process of Education par Jerome
S. BRUNER (Harvard), publié à New York en
1960. Il rappelle les quatre hypothèses principales
de BRUNER.
1) Toutes les disciplines peuvent être réduites à
des idées fondamentales et « developmental » : « ee
qui est la structure ». BRUNER pense qu'il faut
« donner à l'élève aussi vite que possible un sens
des idées fondamentales d'une discipline... c'est
le corps des idées d'un sujet qui doit être compris
pour atteindre une compréhension ultérieure du
domaine concerné »... « il faudra diminuer la coupure entre étudiant et chercheur... les élèves commenceront par penser à propos des idées significatives au lieu de terminer par elles ».
146
2) La seconde des quatre hypothèses de BRUNER concerne la maturité, « readiness » ; il pense
qu' « à peu près n'importe quoi peut être enseigné
à n'importe quel enfant à tous les âges et tous les
niveaux de façon honnête intellectuellement ».
Ceci paraît rejeter des années de travail des psychologues généticiens ; en fait cela semble contraire
à l'école de Genève, particulièrement Piaget et
Inhelder. Mais est-ce contradictoire ?
L'explication de BRUNER suggère que ce ne l'est
pas. La plupart des éducateurs professionnels pensent qu'il y a des stades dans le développement des
enfants et que l'on peut prévoir assez bien les degrés du développement de l'enfant « moyen ». On
croyait qu'on avait intérêt à attendre que l'enfant soit prêt intellectuellement, émotionnellement,
physiquement et par son expérience à recevoir
quelque chose de nouveau.
BRUNER ne nie pas que l'enfant mûrisse en grandissant ; en fait toute l'idée de structure repose sur
ce fait. Mais il pense aussi que les jeunes enfants
perçoivent les idées significatives à leur propre
manière dans leur « propre grammaire » et dans
leurs propres systèmes logiques. Les idées de base
et les méthodes — structure d'une discipline —
peuvent et doivent être introduites tôt, avec les
langages appropriés aux stades de développement
de l'enfant. Les chefs de file des nouveaux programmes pensent que la maturité (readiness) a été
utilisée de façon impropre pour enlever les idées
aux enfants. Les éducateurs ont essayé de remplir
la tête des élèves d'une masse de faits dans l'idée
que les connections, les relations et les « grandes
idées » devaient venir plus tard. « Mais l'organisation des programmes dont nous avons besoin
est celle qui met l'accent sur les idées dès le début
et retourne à nouveau encore aux idées dans des
contextes divers et toujours plus complexes —
des programmes en spirale ».
BRUNER dit que les jeunes enfants, au moins la
plupart du temps, doivent recevoir les idées à travers l'action, ce qui est l'opposé de la pensée abstraite ; ils ont à mettre en œuvre l'idée, l'expérimenter (on retrouve ici les activités d'éveil).
3) L'intuition
La plupart des partisans de la révision des programmes pensent que le programme des études
dans le passé a été presque exclusivement organi-
sé sur une base analytique et formelle... les nouveaux programmes devraient mettre l'action sur
l'intuition ; importance du phénomène d'étonnement : the « ah-ah phenomenon ».
Le mouvement de réforme des programmes souligne l'idée suivante : « il est de première importance d'établir une compréhension intuitive de la
matière (des matériaux) avant d'exposer nos élèves à des méthodes plus traditionnelles et formelles
de déduction et de preuve ».
On encourage l'intuition en enseignant la structure ; en posant les questions les chercheurs discutent et en même temps provoquent un climat
intellectuel stimulant, ouvert. D'une façon fascinante Bruner voit l'intuition comme une fin et des
moyens, une cause et un effet de l'enseignement
de la structure. Un enseignant encourage les élèves à être intuitifs de telle sorte qu'ils puissent
arriver à comprendre les idées structurales et, en
retour, l'acquisition de ces idées développe leurs
facultés intuitives. On commence à enseigner sur la
base des possibilités naturelles mais non développées de l'enfant et on les développe.
L'idée de recourir à l'intuition est, bien sûr, ellemême intuitive. Bruner sait que les psychologues
n'ont pas encore fini de tester cette notion d'intuition. « Quel enseignant peut ne pas être attiré
par une position qui consiste à encourager l'individualité, la liberté, la créativité et à décourager le
formalisme... Penser à une école dans laquelle les
élèves sont motivés à découvrir les principes et les
relations entre les idées avec la même sûreté que
des chercheurs mûrs ?... »
4) La découverte est la 4e hypothèse de Bruner.
Cette idée n'est pas nouvelle ; selon cette hypothèse les enseignants doivent utiliser les techniques
qui conduisent les élèves à trouver les généralisations par eux-mêmes. Phénix (1) appelle ce
de directivité du maître ? Les élèves doivent-ils
processus « la redécouverte guidée ». Quelle devrait être la part de liberté pour l'enfant et celle
être encouragés à découvrir ou surtout à redécouvrir ? Doivent-ils être encouragés à développer
leurs propres méthodes de recherche ou — le jeune
enfant surtout — être obligés d'apprendre à suivre
les voies traditionnelles ?
(1) Realms of Meaning, pp. 336-337.
Pour Bruner l'activité intellectuelle est partout
la même, qu'il s'agisse du front pionnier du savoir
ou de la classe de 3* grade (3 e année primaire).
Pour lui un des buts des nouveaux programmes
est de mettre un pont sur la coupure qui existe
entre les chercheurs et la saille de classe. L'enfant
doit être un savant, un historien, un auteur ; il
doit pratiquer la recherche. C'est ainsi qu'il apprend à apprendre. C'est l'essence du transfert.
Les méthodes de recherche sont plus durables
que les faits et même les généralisations.
*
**
W.-T. Lowe termine cette longue réflexion en revenant à nouveau sur une analyse de la structure
telle que la majorité de son groupe de travail la
conçoit. Ce groupe de recherche pour les nouveaux
programmes de sciences sociales se pose des questions : « l'idée de structure apporte-t-elle une base
théorique pour tous les programmes ou est-elle
trop vague et incomplète ? Cette idée est-elle valable pour tous les domaines ?» Le groupe de
recherche est cependant unanime sur quatre
points :
— L'explosion du savoir. Il y a en ce moment de
nombreuses recherches en « histoire, géographie
et sciences sociales » ; il faut surveiller ce qui va
être écrit dans ces domaines.
— Les aires traditionnelles du savoir connaissent
une crise identique. Des questions fondamentales
sont posées à propos de la nature, des buts et des
méthodes des diverses disciplines.
— Il y a véritablement un mouvement pour les
nouveaux programmes. Certes il n'est pas complètement cohérent et unifié dans son développement.
Les réformateurs ne sont pas non plus organisés
en un groupe ; W.-T. Lowe pense cependant que
les points de convergence, les similarités, sont de
beaucoup plus importants que les désaccords.
— Un programme doit être fondé sur une théorie.
Le groupe de réflexion réuni par W.-T. Lowe en
est certain.
L'aspect le plus négatif des anciens programmes est
pour lui l'absence de perspective, de fil directeur,
de direction. L'idée de structure peut être cette
base théorique pour élaborer un programme. « Un
147
programme structuré ou mieux un essai de structurer un programme de sciences sociales, histoire et
géographie serait un grand pas en avant >.
Ainsi pour W.-T. Lowe « notre enthousiasme pour
le concept de structure comme fondement pour
construire les nouveaux programmes repose sur
cinq points » :
— Bien que la définition de la structure soit peu
précise, il ne peut y avoir aucun essai de structurer un programme sans consulter les chercheurs
des diverses disciplines. Ce sont les seuls qui
puissent nous dire ce qu'il y a à enseigner. Les
éducateurs (« educationists »), administrateurs, comités d'enseignants et manuels ne peuvent pas
déterminer ce qui est à enseigner.
— Le concept de structure donne nécessairement
aux études sociales une perspective intellectuelle,
met l'accent sur les idées fondamentales et les
méthodes de recherche. Le groupe pense que les
priorités doivent être intellectuelles (développement intellectuel des élèves) (1).
— La structure introduit une façon d'enseigner qui
permet le transfert dans des situations extérieures
à la salle de classe. Les méthodes de recherche et
les idées fondamentales ont plus de permanence et
donc sont plus « transférables », plus opératoires,
que les faits isolés ou même les généralisations
— La structure permet rationnellement de faire
passer un contenu intellectuel significatif dans les
programmes scolaires des petits classes. Le groupe
de travail considère que la plupart des élèves de
l'école élémentaire peuvent être mis au contact
de plus d'abstractions et de plus d'idées de base
qu'ils ne l'ont été jusqu'à maintenant.
— Enfin la structure et les idées qui lui sont associées suggèrent une méthode d'enseignement qui
(1) L'auteur et ses collègues ont développé leurs idées
à ce sujet dans : Mauritz Johnson Jr, Gordon F., Vars,
William T. Lowe and Osoar G. Mink, Intellectual Purposes of the Junior High School (Ithaca, N.Y. : Junior
High School Project, Cornell University, 1967).
148
est conforme avec ce que nous savons des études
humaines : active participation des élèves à la
classe ; développement de l'amour de l'étude, fort
désir de savoir ; l'importance de percevoir les
relations entre lies choses et l'organisation sont
avec soin associées avec les possibilités d'apprendre
et de retenir.
W.-T. Lowe n'entend pas nier les problèmes : les
concepts de découverte, intuition et structure ne
sont pas précis.
Il y a par ailleurs peu de recherches déjà effectuées
qui puissent étayer les assertions de Bruner et de
ses disciples. Quel jeune âge « est trop jeune »
pour que soient introduites des abstractions ? On
ne sait pas. Quelle part est-il possible et souhaitable de donner à la découverte ? On ne sait pas.
Quelle doit être la part des divers modes de pensée : analytique et intuitive ? On ne sait pas.
Des programmes structurés omettront toujours
quelque chose. Les pressions extérieures à l'école
permettront-elles de laisser des choses hors des
programmes ? (groupes de pression économiques:
et idéologiques, examens, collectivités diverses...).
Toutes ces forces et un programme structuré sontils conciliables ? Quelle structure enseigner, qui
décidera celle qui doit être choisie ?
Enfin, le concept de structure est-il une idée v a lable pour tous les domaines ?... l'art... l'histoire ?
Cet élément de compte rendu contient des hypothèses à vérifier tant parmi des élèves du Cycle
Elémentaire qu'auprès des enfants et pré-adolescents du 1er cycle. Il n'empêche qu'elles peuvent
être fructueuses dès le C.P.
(Extrait du compte rendu de l'ouvrage américain
« Structure and the social Studies » de W. T.
Lowe (Cornell University erPress, 1969) publié dans
le Bulletin de Maison de 1 cycle de la Section des
Soienoes Humaines et Economiques n° 18, octobre
1970, par M"" L. Marbeaiu).
EN GUISE DE CONCLUSION
Conclure, c'est achever, arrêter, résoudre définitivement, or la présente recherche commence, elle
est en marche, rien n'est définitivement résolu.
Il n'est donc pas question de conclure.
Mais, jetant un coup d'œil rétrospectif sur le travail déjà accompli, il semble possible de sortir
de la contradiction initiale dans laquelle la rénovation pédagogique se trouvait prise en matière
d'activité d'éveil : il fallait chercher longuement et
répondre vite. Certes, le problème demeure : il
faudra étendre la recherche à un plus grand nombre de C.P., la conduite parallèlement au CE.
puis au CM. et valider les résultats obtenus. Il
serait donc sage de prévoir une période expérimentale durant encore ces trois ou quatre ans.
Or, les besoins sont pressants, les instituteurs veulent savoir ce qu'ils peuvent faire. La liberté qui
leur a été donnée et leur bonne volonté ne suffisent pas. Ils réclament une aide.
Cette aide, nous l'apportons aujourd'hui aux maîtres de C.P. qui ont la volonté et la possibilité de
participer à la recherche ou à la rénovation pédagogique. Que chaque équipe analyse les propos et
les essais rapportés dans les pays qui précèdent,
qu'elle discute du problème des fins, du problème
de la méthode et du rôle du milieu dans lequel
vit l'enfant ; qu'elle essaie de conduire au C.P.
des activités d'éveil en respectant l'esprit et les
consignes définies pour conduire une recherche
commune en 1971-1972.
Des recherches fondamentales sont en cours, d'autres seront indispensables. Un travail d'information
et de diffusion des résultats de ces recherches
devrait permettre à chaque groupe de travail d'al-
ler plus avant dans la connaissance de l'enfant en
relation avec son milieu de vie et avec la société,
et devrait faciliter l'approche des grands courants
novateurs qui modifient profondément, dans chaque spécialité, les disciplines jusque là enseignées.
Il faut puiser la méthodologie aux sources de la
science et y ajouter une réflexion épistémologique,
mais il faut aussi trouver les moyens de mettre
tout cela au service de l'enfant. Or le plus sûr
moyen c'est encore de mettre l'enfant en état
d'accéder à la science et de participer à l'action.
Présentement, nous avons mis l'accent sur ce qui
apparaît être le plus urgent c'est-à-dire la d é marche et le style pédagogiques. Rien ne sera possible sans l'accomplissement de cette « révolution
copernicienne » en pédagogie qui mettrait l'enfant
au centre des préoccupations de tous les éducateurs
et qui placerait l'activité de l'enfant au centre de
sa propre formation.
Nous venons de faire le point, et nous avons le
sentiment qu'il n'est plus possible ni de reculer,
ni de s'arrêter. La rénovation pédagogique aura
lieu dans tous les domaines. Mais notre inquiétude
est grande en mesurant les obstacles qui restent à
franchir tant sur le plan pratique que sur le plan
théorique. Et notre responsabilité d'éducateurs est
lourde car nous n'expérimentons pas sur des c o bayes mais nous travaillons pour et avec des enfants. Nous ne saurions admettre qu'une génération
soit sacrifiée à faire des essais incohérents, nous n e
pourrions davantage accepter qu'elle soit sacrifiée
en ne faisant rien.
Il faut donc que le changement d'orientation se
fasse en marche et que la recherche continue pour
aller bien au-delà des incertitudes présentes.
14»
BIBLIOGRAPHIE
Textes officiels et commentaires autorisés.
Arrêté du 7-8-69, B.O. 32.
Circulaire du 2-9-69, B.O. 35.
Rapport de la Commission de rénovation pédagogique pour le premier
degré : les activités d'éveil — Revue l'Education du 23-7-69.
1) L'ENFANT
DEWEY (J.). — L'école et l'enfant. — Delachaux Niestlé (spécialement p. 39
à 40. L'intérêt et l'effort), 1922.
DEWEY (J.). — Expérience et éducation. — A. Colin, 1968.
GESELL ET ILG. — L'enfant de 5 à 10 ans. — P.U.F., 1963.
Etude descriptive par année d'âge :
5 ans c'est le présent,
6 ans : comprend fête, anniversaire,
« l'ensuite»,
7 ans est conscient de la succession du temps (p. 156), s'intéresse à
8 ans : s'intéresse moins à l'heure (p. 189), sait les mois, ponctuel :
dessine des cartes,
9 ans : il a beaucoup de choses à faire, accède aux concepts internationaux.
GUILLAUMIN (J.). — La genèse du souvenir. Essai sur les fondements de la
psychologie de l'enfant. — P.U.F., 1968,
accorde une grande place à l'école « qui transforme l'héritage collectif en un inconscient individuel et commun »,
définit la position du psychologue par rapport au pédagogue, le premier voit dans l'enfant une modification de l'essence de l'adulte qui
lui parle, il utilise le souvenir de son enfance pour penser celle des
autres {p. 265), la conscience construit donc « l'enfance comme
genre ». Le second vit une communication pratique et spontanée.
MALRIEU (P.). — Les origines de la conscience du temps. — P.U.F., 1953.
PIAGET (J.). — Six études de psychologie (Gauthier. Coll. Médiation) (introduction à la pensée de Piaget).
PIAGET (J.). — La représentation du monde chez l'enfant. — Paris, Alean,
1926.
PIAGET (J.). — Le développement de la notion de temps chez l'enfant.
PIAGET et INHELDER. — La représentation de l'espace chez l'enfant. —
P.U.F. (épuisé), 1948.
151
SUPER (D.E.). — Psychologie des intérêts. — Paris, P.U.F., 1964.
cite Dewey, Claparede, Larcebeau {Binop, 1955, 11 et 1958), 14, et
fait l'inventaire des valeurs.
ZAZZO René. — Manuel pour l'examen psychologique de l'enfant. — Delachaux et Niestlé, 1969.
2) LE MILIEU
CLAUSSE (A.). — Philosophie de l'étude du milieu. — Edition du Scarabée,
1961.
DEBESSE-ARVTSET. — La géographie à l'école. — P.U.F. (Coll. Sup.), 1969.
VUELLET (J.). — La notion de milieu en pédagogie. — P.U.F., 1962.
3) LES SCIENCES
BACHELARD. — Le nouvel esprit scientifique (spécialement ch. VI). — P.U.F.,
1941.
BACHELARD. — La formation de l'esprit scientifique. — Vrin, 1947.
BURGELIN. — La communication de masse. — S.G.P.P., 1970
étudie les valeurs véhiculées par les mass media : la violence et
ses effets par exemple.
JACOB (A.). — Temps et Langage. — Colin, 1967.
La tendance structuraliste : « il faut savoir de quoi et pourquoi l'on
parle avant de s'intéresser aux modalités historiques » (p. 37). La
diachronie n'est que structures en évolution. La synchronisation est
le lien d'actualisation de l'histoire (p. 95), c'est la prise du monde.
Y a-t-il une leçon de l'histoire ? par Roland N. Stromberg. — Diogène n° 66,
1969, p. 3 à 19. Les développements de l'historiographie contemporaine
depuis Dilthey, interdisent de croire que l'on puisse tirer des leçons
de l'histoire. Il n'y a pas de lois historiques, le présent n'est pas un
retour au passé. Il n'y a plus de fonction prophétique de l'historien.
Ceci ne veut pas dire que la tâche de l'historien soit inutile : il a pour
fonction de corriger les mythes qui se créent sans contrôle, de coordonner les projets car l'histoire n'a pas de domaine propre, elle les
englobe tous, mais à une condition : celle de ne pas s'enfermer dans
l'étude du temps présent. Toute l'histoire est présente à l'historien.
MAC LUHAN. — Pour comprendre les media. Les prolongements technologiques de l'homme. — Le Seuil, 1968.
La télévision est plus apte à montrer les changements que les produits.
Paris, Pion (p. 128), elle dit le diachronique, ignore le synchronique,
elle est myopie culturelle (p. 364). Que devient l'histoire si la galaxie
Gutenberg cesse de vivre ? (cf. Message et Massage, le reste de l'œuvre
de Mac Luhan) et tous les commentaires intéressés : notamment
« Pour ou contre Mac Luhan ».
152
MOLLO (S.). — L'école dans la société. — Dunod, 1970.
OZOUF (J. et M.). — Le thème du patriotisme dans les manuels primaires.
Le mouvement social n° 49, octobre-décembre 1964.
Les manuels d'histoire vont chercher par le récit historique une
justification de l'idéologie dominante. Avant la guerre de 1914 et
après 1900 les manuels essaient de trouver dans l'histoire des leçons
pour dire à la fois l'horreur et la nécessité des guerres défensives.
L'analyse est très fine et nous convie à découvrir l'idéologie de nos
propres manuels. Mais au-delà, quel rôle joue le manuel dans la
« fabrication » de l'idéologie de l'enseignement ?
PIAGET (Jean). — Le structuralisme. — P.U.F. — Que sais-je ? 1968.
PIAGET (J.). — Stéréotypes nationaux et compréhension internationale. Automne 1951, vol. HI, n° 3. Bulletin des sciences sociales.
L'auteur étudie la genèse de l'idée de patrie : observe 3 stades pour
parvenir à celui de la réciprocité à la suite de questionnaires.
« Le problème central n'est pas à rechercher dans ce qu'il faut ou ne
faut pas inculquer à l'enfant, il est à situer dans le mode même de
formation de cet instrument indispensable d'objectivité et de compréhension affective qu'est la réciprocité pensée et vécue > (p. 621).
4) PROBLEMES, METHODES ET OUTILSPEDAGOGIQUES
ALMERAS (J.). — Psychologie et disciplines d'éveil. — Revue l'Education,
18-12-1969.
BEAUDOT (Alain). — La créativité à l'école. — Paris, P.U.F., 1969.
CLAPAREDE (Ed.). — L'éducation fonctionnelle. — Delaehaux Niestté, 1964.
COUSINET (R.). — Une méthode de travail libre par groupe. — Editions du
Cerf, 1949.
FREINET. — Le tâtonnement expérimental. — Ecole Moderne Française.
HAMAIDE (A.). — La méthode Decroly. — Delaehaux Niestlé, 1956.
JOLIVET (Michel). — En regardant vivre les plantes. — Editions de l'école,
1970.
LEGRAND (L.). — Pour une pédagogie de l'étonnement. — Delaehaux Niestlé,
1960.
PAUMIER (M.). — Bêtes et plantes au fil des saisons. — Bourrelier, 1963.
PIAGET (J.). — Psychologie et pédagogie. — Denoël, 1969.
SEAGOE (M.). — Pédagogie et motivation. Expériences américaines. — Paris.
— Ed. d'Organisation, 1965.
Livre bien présenté, avec exercices, lui-même motivant. La motivation
est examinée dans sa nature psychologique (et non didactique).
153
Revues
Coopération et autogestion scolaire par Vial. — Bulletin de la société française
de pédagogie tf 163, janvier 1968, p. 36 à 62.
Ecole et la Vie, n° 3, dossiers pédagogiques.
Cahiers de l'école et la Vie, n° 2. — A. Colin.
L'éducateur, n° 49 : Discussion sur la formation scientifique ;
n° 38 : La méthode naturelle en histoire, géographie, sciences ;
n° 39-40 : L'étude du milieu.
Eveil à l'expression plastique. — Cahiers de pédagogie moderne, n° 36.
Enseignement individuel et travail par groupe. — Cahiers de documentation.
— Paris, I.P.N., 1969.
154
Dépôt légal n° 4923 - 1 " trim. 1974 - Imp. BIALEC, NANCY
AU COURS PREPARATOIRE
L'ENFANT
VIT
ACTIVITES D'EVEIL A CARACTERE GEOGRAPHIQUE,
HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE
COMMISSION
C.P
16 juin 1971
(d'après le tableau préparé en mai 1971 à l'E.N.F. de CAEN)
Le milieu agit
sur lui
IL A G I T
PARMI LES AUTRES
DANS UN MILIEU
« ¡l s'agit donc à tout moment
d'aider l'enfant
à construire cetfc
même temps que le mot enfantin, dans un rapport de réciprocité »
relation essentielle où le vécu se transforme,
(B.L. 2, p. 8)
(enfants et adultes)
se structure et de densifie
en
<S
PERCEPTION
GLOBALE
Il n'y a pus comme croyait l'asacatiannisme, composition à partir d'éléments
simples mais au contraire un Iravail de décomposition pour aboutir à de
nouveaux emembles mieux spécifiés.
IL S ' É T O N N E
NECESSITE
DE
BESOIN
DE
COMMUNIQUER
Communication objective
COMMUNIQUER
Expression au sens de création
— Obtenir une représentation lisible pour tous.
« Une objectiration prématurée peut risquer de tarir
la fantaisie
et
l'originalité
propre
à chaque
enfant,
fantaisie génératrice de poésie et de personnalité.
»
.„, «í.'w.íVt-
ACTION
Qu'est-ce que c'est.
I L C O N S T R U I T SA PENSEE
A quoi ça sert.
Qui est-ce qui l'a fait.
DE L'EDUCATION
— par action sur le réel — pour communication avec les autres.
IL REFLÈTE ET V É H I C U L E
(Notamment utilisation d u langage
Un certain nombre de données et de valeurs sociales.
ESPACE
IL DÉCOUVRE
z:
3
O
— •
• Occuper et utiliser tout l'espace — jeux de dispersion, de position,
de partenaire, de décision — découpage de silhouettes — disposition de silhouettes — utilisation des couleurs, des formes.
û
• Vivre les rythmes — temps spontané — structures rythmiques
exprimées par la danse naturelle, ralenti, accéléré...
O
IL CRÉE
— Il invente des jeux : l'action s'associe à la compréhension et
elles favorisent le succès du jeu.
— Il invente des moyens d'action sur l'environnement :
• soins aux animaux, protection des oiseaux ;
• plantations ;
X
htu
2
C£
LU
• repiquage, décoration.
— Il mime une histoire.
>
— Il crée une histoire.
ÛÉ
— 11 crée des attitudes — expression corporelle.
LU
•— Il crée des personnages — marionnettes.
0)
ai
3
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S
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'
n
J
2.
«
J
.J
Recherche d'un point de vue sur
3
g
J
3
•g
Repérage sur des réseaux : découverte et utilisation d e repères
naturels et de « modules » dans les appréciations de grandeur,
de volume, de distance — plus haut, moins haut, loin, près, plus
loin, moins loin que — gros, moins gros. Mesures naturelles avec
pas. bras... Activités préparatoires à la mesure — plus grand que
— plus petit que.
î
3
•K
les choses
les autres
moi
Je dessine, je photographie, je nomme, je reconstruis un objet vu
de face, de profil, d'en haut (selon les rencontres dans le milieu :
arbre, ruisseau, butte, route, maison, château d'eau...).
Reconnaître et décrire sur photos et diapos différents objets, la
classe, etc., pris sous des angles très différents.
Moi de profil, de face, de dos — photos — glaces. Imaginer le
point d e vue des autres sur moi.
Apprendre à l'enfant à situer dans l'espace
{exercices de décentration)
CÛ
c
a>
• Des choses ou des personnes les unes par rapport aux autres —
en file — premier — dernier — groupements — comparaisons —
construction de maquette par juxtaposition convenable d'éléments
miniatures. Approche de la notion d'échelle.
O
ur agi
— Il crée des formes — découpages, modelages, collages...
civili satio
LU
< Les rues, la utile, la forêt, les rencontres,
sont p o u r
l'enfant
l'occasion d'ajouter n son expérience
familiale
et scolaire
celle
des autres- «Wérneuts du milieu de vie. »
Eléments de topologie
Recherche de repères extérieurs — objets orientables (devant une
auto).
Situer les objets les uns par rapport aux autres. Manipulation
d'objets, rangements — les déplacer sur ordre — décrire leur
déplacement — personnages en modèles réduits déplacés dans une
maquette — essayer si les déplacements en biais sont susceptibles
d'être acquis (un pas en arrière et à gauche).
Dans — hors de — le long de — extérieur — borde — frontière
— traverse — en face de — à côté de — autour — entre — parmi
— à l'intérieur de — touche — coupe — faire demi-tour.
'influ ence
Possibilité d'aller voir un spectacle en commun, puis de le raconter.
en di
Les commerçants.
• Assurer la liaison temps-espace au niveau du vécu et de l'action
— les vitesses — courses d'élèves, d'automobiles, d'escargots...
Prise de conscience des objets par rapport à soi : place des objets
par référence à l'enfant : droite, gauche, milieu, d a n s le plan
vertical (haut, bas) (sur, dessus) {sous, dessous) et dans le plan
horizontal (devant moi, derrière moi) (à côté de moi, près de m o i ) .
Groupements d'enfants.
LU
2
— AU COURS DE JEUX OU D'ACTIVITES PROPOSEES
Favoriser la prise de conscience du corps — (schéma corporel).
Exercices de latéralisation — relaxation. A réaliser en liaison
avec un professeur d'éducation physique.
fonct on de ses poss ibili
AL' COURS DES SOKT1ES : le jardin public, la forêt, la nature
et l'action des hommes sut elle, une ferme, un super-marché.
h-
• A se situer par rapport aux choses et parmi les autres {par
exemple, qu'il trouve sa place entre plus 'grand et plus petit que
lui).
•*
û
o
a
Apprendre à se mouvoir dans l'espace.
'enfant
SON ECOLE, SA CLASSE, les autres, la rue. les maisons, la
circulation, 1rs panneaux indicateurs, les hommes en action, les
animaux.
Dans la pratique, la structuration du temps et. celle de
l'espace ne peuvent pas être
dissociées.
UJ
• Les moyens divers :
•— marche — sauts... ;
.— m o y e n s de locomotion.
H
• Notion de lieu orienté (par exemple par rapport à la sortie,
au départ, à l'arrivée...).
—
Imaginer des mouvements au lieu de les réaliser pu de les constater
(/>
• Prévoir.
(/>
LU
Ü
UJ
z
^r
— Rechercher un accord.
mathématique pour exprimer l'ensemble des relations découvertes par l'enfant).
VIE
O B J E T S ET P R O P R I É T É S
LE T E M P S V É C U
A partir du milieu environnant, amorcer la distinction entre ce qui
est vivant et c e qui est inanimé (le monde des objets).
— L'INSTANT — L A DUREE : Le temps qu'il faut pour faire
quelque chose (à un enfant pour traverser la cour, à une escargot
pour parcourir un pas d'enfant, à un litre d'eau pour bouillir...)
.— Comparaisons — Représentations proposées par les enfants —
•Représentation linéaire —> « Plus de temps que », * moins de temps
que », « aussi longtemps que » — simultanéité — top de départ.
A) A partir de sorties dans le milieu, de cultures et d'élevages
commencer la construction des notions d'animal et de végétal
et mise en évidence des relations entre êtres vivants et avec le
milieu.
OBJETS ET PROPRIETES : INITIATION A LA CAUSALITE
Comme à l'école maternelle les élèves auront la possibilité de
manipuler librement les objets et les matériaux en dehors de toute
perspective utilitaire, d'opérer des transvasements, des changements
de température, d e s mélanges d e liquides et de solides. En orientant le tâtonnement expérimental des enfants, le maître facilitera
l'acquisition d'un certain nombre de concepts de base.
TEMPS
— REPERES POSSIBLES : Recherche de tous les repères possibles:
le sommeil, les repas, le jour, la nuit, sonneries, cloches, vacances
.— Notion d'alternance — Les rythmes d u corps (rythme cardiaque
— respiration) — U n objet se balance à l'extrémité d'un fil
(balancier) — U n e boîte d'eau se vide doucement (clepsydre) — le
sablier — le compte-minute.
— CHOIX D U REPERE : Mesurer le temps qu'il faut pour faire
quelque chose en se référant à l'un des repères ci-dessus. Mais si
l'on observe un phénomène qui dure longtemps (exemple : un
haricot qui pousse) il faut trouver un autre moyen. Recherche
de repères commodes — préparation à la mesure du temps (CE.)
— relativité des échelles de référence.
— RECHERCHE DE L'ORDRE : Reconstituer les différentes activités de la journée — mise en ordre des souvenirs — chronologie
d'une journée : symboliser les différents moments de la journée :
j e dors, j e déjeune, je joue, je travaille... représentation de la
journée — recherche de l'ordre de succession — notions de matin.
midi, soir, après, avant, pendant.
Construire le tableau du temps à mesure que nous vivons , (tableaux
individuels -f- tableau collectif):
1) Symboliser les jours — notions d'hier — aujourd'hui — demain.
2) Les construire en semaines (selon les solutions proposées par
les enfants).
3) Au changement de mois, indiquer l'ensemble des semaines du
mois.
4) Représentation linéaire du temps vécu.
5) Noter les simultanéités
(jeudi il pleut et on mange des crêpes...).
6) Constatation des changements au cours d'une semaine (d'un mois,
d'une année), variations du temps : le temps qu'il fait — la maison
que l'on construit — la plante qui pousse — variation saisonnière
des éléments vivants du milieu — notion de cycle.
LE T E M P S DES
ENFANTS
Notre vie d'enfant 'vue à travers nos dessins :
— les faits marquants de la vie de la
1) strictement individuels ;
classe
2) événements quoti— les événements du monde vus par les
diens ;
enfants — rue — journal — télévision (observation ponctuelle) ;
3) événements mémorables ;
— organisation du temps vécu à partir
dégager les activités
de repères qui ne reviennent pas régulièrement — journal des é v é n e m e n t s de
principales et les actila classe ;
vités secondaires, les
activités personnelles,
— l'âge : de notre haricot, de notre lapin,
familiales, publiques.
des enfants — Situation par rapport aux
frères et sœurs, aux enfants de la classe
classer du plus vieux au plus jeune.
1) Un animal se déplace {marche, nage, vole) ; il naît, grandit,
so reproduit e t meurt. Il vit dans un milieu précis et n e peut
survivre que dans des conditions physiques déterminées (importance
des saisons et du climat).
2) Une plante pousse le plus souvent dans la terre ; elle a 'besoin
d'eau sinon elle meurt. Elle se reproduit : observation de plantes
qui fleurissent ; formation d e fruits et d e graines ; observation de
germinations et d e croissance rapide {radis) ou lente (érable).
Elle sert d'aliment aux animaux (base des pyramides alimentaires).
La variation suivant les saisons conduit à un calendrier traduit par
des signes trouvés par le» enfants : vie d'un aribre, développement
d'un semis ou d'une plantation de bulbes.
3) Les sorties dans le milieu comportent sur le terrain un travail
d'observation ; elles peuvent déboucher sur un inventaire puis
des travaux de classement. Faire l'inventaire ce n'est pas seulement récolter pour rapporter dans la classe ; c'est aussi faire
représenter par chaque enfant ce qui l'a frappé sous forme de
récit enregistré, d e dessin, peut-être de photographie.
Les élevages sont indispensables pour définir les fonctions biologiques de façon précise et observer certains comportements (attaque, défense, compétition).
Elevages et cultures conduisent peu à p e u à une définition objective des caractères des êtres vivants ; de plus ils contribuent à
lui donner la notion de responsabilités v i s - à - v i s de ces derniers :
la négligence ou le manque de soins peuvent être irréparables.
B) L'étude du vivant se complète par celle de l'enfant et des
hommes et par l'explicitation de sa place parmi les vivants.
A l'occasion des mensurations (poids, taille), des exercices p h y siques (battements du coeur), d'événements physiologiques ( r e m placement des dents, croissance des cheveux) l'enfant découvre les
fonctions définies chez les animaux. La lutte contre la chaleur et
le froid, les règles d'hygiène mettent en évidence l'importance du
milieu.
L'homme et l'enfant agissent sur l'environnement, quelquefois f a v o rablement, quelquefois de façon catastrophique ; notions simples
de protection de la nature : propreté des sites, protection d e certains
animaux (oiseaux en hiver).
C) L'ensemble des travaux permet d'objectiver la notion d'être
vivant par l'analyse des fonctions et des comportements. L'étude
des développements conduit à préciser un aspect de la notion de
temps. Enfin l'enfant est amené à la fois à se situer parmi les êtres
vivants par s a biologie et en face de la vie par son action sur la
nature.
1
Elle
consiste
à faire passer
l'enfant
du
point de vue
égocentrique
ACQUISITION DE
TECHNIQUES
RIGOUREUSES
1) Grâce à des exercices d e classement et de sériation l'enfant s'est
déjà habitué à dissocier propriétés et objets (sur des blocs logiques,
par e x e m p l e ) . En diversifiant les opérations, l'enfant peut découvrir des propriétés ou des attributs de moins en moins accessibles
à la perception immédiate et globale : poids, température, dureté,
flexibilité par exemple. L'existence de propriétés communes à un
grand nombre d'objets conduit à la notion «de substance : lorsqu'on
jette des objets divers dans l'eau on constate que le fait de flotter
ne dépend pas d e la fonction, de la forme ou de la couleur des
objets mais de la matière qui les constitue (bois ou fer).
2) A la suite de son intervention, l'enfant observe des changements
de propriétés. « Le plaisir d'être cause » s'il est bien orienté dans
le cadre du travail de groupe permet à l'élève de découvrir de
nombreuses relations entre propriétés ou entre éléments d'un s y s tème et d'éliminer les facteurs contingents qui n'ont aucun rapport
avec la transformation. Une telle démarche correspond à la maîtrise
d'un 1" niveau du principe de causalité.
3) D'autre part, à l'occasion de changements d'état ou de forme —
déformations élastiques, transvasements de liquides ou de solides
meubles, ebullition, fusion, dissolution, l'enfant s'habitue à la réversibilité opératoire qui tend à devenir un outil mental. Par ailleurs
il est amené à se poser le problème de la permanence de la matière
au cours des transformations.
IL CRÉE
LANGAGES
un
point de
vue
ANTHROPOCENTRIQUE
(pour l'enfant,
toute chose
existe en vue
de l ' h o m m e
cf. a r t i f i c i a lisme et finalisme).
i
Par des e x e r cices d e « décentration
»
l'éducateur va
chercher
à
faire sortir
l ' e n f a n t du
point de vue
unique fourni
par l'égocentrisme pour
l'amener
a
envisager les
points de vue
des autres et
découvrir dès
que p o s s i b l e
Il traduit en codes ce qu'il a v é cu.
Il schématise des
situations par des
tableaux,des e n sembles de flèches , des
diagrammes.
En réutilisant des
techniques
acquises,
Il s'explique oralement
puis par des t e x tes écrits.
Il invente des solutions.
Il invente des
expressions
— graphiques
— orales
— écrites
— etc.
« L'expression s'enrichit et se diversifie en même temps qu'elle
se précise dans le besoin multiplié de la communication. »
Il
réalise
des
DOCUMENTS
(enregistrements,
photographies,
collections, bandes dessinées).
et
Il lit des
Il choisit ce qui
est représentatif,
c e qu'il veut e x primer. « Notre
classe, comment
pourrait-on
la
représenter pour
que ceux qui ne
la
connaissent
• pas puissent la
connaître et que
ceux
qui
la
connaissent puissent la reconnaître. »
I
Il interprète
11 explique
Il invente ses
propres techniques.
I
DOCUMENTS (diapos - images - diagrammes maquettes - plans - textes) relatifs au milieu dans
lequel il vit et
LE T E M P S DES A U T R E S
— L'âge des parents — classer des photos de personnes par runf,'
d'âge.
GP
GM
GP
GM
'v'P^-__^
^•M > ""
: début d e généalogie.
— moi
*—
— Initiation au témoignage
Relation exacte d'une promenade complexe.
Relation d'un événement survenu à d'autres personnes.
(Confrontation des récits d'enfants — établissement d'une relation
conforme enregistrée — contrôle ultérieur du souvenir — audition
de la bande. Représentation par une succession d'étiquettes dessinées de l'itinéraire suivi et des faits observés.)
SUITE
CONCEPT TEMPS (SUITE)
MÉMOIRE SOCIALE
a) Prise de conscience du comportement social de l'enfant (relations
avec camarades, parents, adultes.
b) Trouver différentes manières de représenter des relations d'ordre
entre des événements vécus pour ne pas oublier le vécu et permettre à d'autres personnes de retrouver c e vécu.
l'universalité
de la pensée
LOGIQUE.
il découvre des milieux auxquels il n'a pas accès
directement grâce à des DOCUMENTS réalisés par
d'autres.