LES ACTIVITÉS D`EVEIL à DOMINANTE INTELLECTUELLE
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LES ACTIVITÉS D`EVEIL à DOMINANTE INTELLECTUELLE
INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE ET DE DOCUMENTATION PÉDAGOGIQUES SERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES LES ACTIVITÉS D'EVEIL à DOMINANTE INTELLECTUELLE au COURS PRÉPARATOIRE nr Brochure n° 51 RP 1974 Enquête nationale dans les classes spéciales de l'Education nationale (1966) L'orientation scolaire et la recherche des aptitudes (1969) Organisation des établissements et individualisation de l'enseignement dans les collèges d'enseignement secondaire (1970) Organisation des collèges d'enseignement secondaire - Structure et pédagogie différenciée (1971). A paraître Répertoire des recherches et études en cours en 1962 Répertoire des recherches et études en cours en 1965 Enquête nationale sur la scolarisation des débiles mentaux (1966) SOMMAIRE Réflexions sur la méthodologie générale de la recherche pédagogique par L. LEGRAND, Directeur de Recherches 5 Brève introduction historique 9 Chapitre I - Généralités, finalités, méthodes I. II. III. IV. La notion d'éveil Les finalités Ouverture sur le milieu Réflexions sur la méthode 17 29 32 35 Chapitre II - Exemples I. Activités à dominante humaine II. Activités à prédominance biologique 45 85 Chapitre l u - Orientations et grille pour l'organisation des recherches au C.P. à partir de 1971-1972 I. II. III. IV. V. Il faut partir de l'école maternelle Modalités pratiques Cadre-contenu Organigramme de la grille C.P Activités d'éveil à orientation scientifique 101 108 108 110 Chapitre IV - Les activités d'éveil et les disciplines au C.P. I. Liaisons interdisciplinaires II. Liaisons avec les mathématiques et le français III. Histoire et socialisation 115 118 Chapitre V - Les activités d'éveil à l'étranger : quelques exemples 139 En guise de conclusion 149 Bibliographie 151 Document de recherche à l'usage des établissements chargés d'expérimentation Tous droits réservés Cette publication est le fruit d'une réflexion collégiale (une soixantaine de professeurs d'Ecole Normale et quelques I.D.E.N.) et de « pré-expériences » réalisées au cours de l'année scolaire 1970-71 par quelques équipes de professeurs et d'instituteurs de C.P. dans le cadre des décisions prises par le groupe de recherche lors du stage national de 1970. Ces recherches sont animées et coordonnées à l'I.N.R.D.P. par M"" L. Marbeau, chef de la Section des Sciences Humaines et Economiques et M. V. Host, chef de la Section des Sciences Naturelles (et Sciences pour le Cycle Elémentaire). Cette synthèse a été rédigée par M. Bruneau, inspecteur-professeur et animateur de l'équipe de recherche de l'Ecole Normale d'Institutrices de Caen. Ce numéro de « Recherche Pédagogique » rend compte de l'état des recherches effectuées avant le mois de juillet 1971 ; son contenu devrait être une source de réflexion, de discussions et de réalisations ultérieures. RÉFLEXIONS SUR LA MÉTHODOLOGIE GÉNÉRALE DE LA RECHERCHE PÉDAGOGIQUE Transcription d'une intervention orale faite devant les animateurs de recherche par Louis LEGRAND, Directeur de Recherches, Chef du Service des Etudes et Recherches pédagogiques INTRODUCTION Comment la recherche pédagogique peut-elle se concevoir par rapport à l'innovation pédagogique ou par rapport à la rénovation et au développement ? Du point de vue des activités d'éveil, une grande confusion règne actuellement dans l'enseignement élémentaire. Depuis l'instauration du tiers-temps pédagogique, les seuls textes (non officiels) mis à la disposition des maîtres sont ceux de la commission du 1er degré sous le ministère de M. Faure. Ces textes ne prétendaient pas légiférer mais ouvrir des voies et poser des problèmes. L'ensemble de l'enseignement élémentaire français actuel est censé travailler au niveau des matières d'éveil sur des problèmes posés et non pas dans des perspectives précises. La totalité des enseignants de 1er degré sont dans une situation qu'on peut dire de recherche. Or, c'est là toute l'ambiguïté. Je souhaite qu'il soit bien précisé dans votre esprit ce qui caractérise une recherche pédagogique de façon à tendre à une situation de recherche à partir d'une situation d'innovation. I. — EN EFFET, QU'EST-CE QU'UNE INNOVATION PEDAGOGIQUE ? Elle découle toujours d'une insatisfaction vécue au niveau de la classe par les maîtres qui enseignent, et quelquefois aussi par ceux qui, ayant cessé d'enseigner, sont chargés de l'animation pédagogique et de la formation (professeurs d'école normale et inspecteurs). La racine de l'innovation, c'est l'insatisfaction. Mais la plupart du temps, cette insatisfaction n'est pas rationalisée. Elle reste assez spontanée, confuse et se nourrit d'un certain refus (« cela ne va plus »), d'un certain goût de la mode. L'histoire de la pédagogie nous montre la succession de ces modes comme dans un mouvement de balancier ; les méthodes actives succèdent aux méthodes didactiques, qui renaissent à leur tour. Mais l'innovation peut provenir aussi d'une connaissance plus précise de la matière qu'on enseigne. On ne peut plus enseigner la géographie comme on le faisait autrefois ; l'évolution de cette discipline même, en mettant l'accent sur les phénomènes humains, économiques, sur toute une infrastructure de concepts interdisciplinaires aboutit à concevoir la géographie d'une autre façon... L'évolution des finalités implicites conduit également à remettre en cause l'enseignement. La géographie introduite dans les programmes du temps de J. Ferry l'était dans des perspectives idéologiques qui ne sont plus les nôtres. Il en est de même pour l'histoire. Dans les sciences, le décalage entre la science, ou les sciences, de niveau universitaire et ce que l'on en attend au niveau élémentaire, est encore plus patent puisque pratiquement cette évolution extraordinaire que nous avons vécue n'a jusqu'à présent pas eu de retombées dans le domaine pédagogique élémentaire. Il y a aussi ce sentiment d'un déphasage par rapport aux élèves : les élèves arrivent à l'école après avoir subi un bombardement considérable d'informations. Ils ne sont plus « ceux qui étaient les élèves d'autrefois » ; la leçon de choses de type 1830 n'intéresse plus personne. Qu'est-ce qu'observer une pomme qu'on découpe en morceaux pour un élève qui vit sa vie dans un univers merveilleux, plein de techniques extraordinaires... 5 L'innovation peut porter d'abord sur les méthodes ; on n'ose pas mettre en cause les contenus (il y a les programmes, les inspections). Puis, si l'on travaille en équipes, on met en cause les contenus eux-mêmes... C'est ainsi que naissent spontanément des tendances, des nouveautés. Cette phase est très importante. Il faut la dépasser certes, mais il n'est pas question de la rejeter. C'est l'innovation pédagogique qui est à la source du mouvement Freinet, des écoles nouvelles, du groupe français d'éducation nouvelle, etc. Dans le contexte français, si l'innovation était supprimée il n'y aurait pas de progrès pédagogique possible. Mais si l'innovation est fondamentale et absolument nécessaire, elle ne saurait être confondue avec la recherche pédagogique. Il faut inclure l'une dans l'autre : la recherche dépasse l'innovation. L'innovation a un caractère non démonstratif et non convaincant. Bile définit des contenus et des styles pédagogiques nouveaux mais elle ne parvient pas à la connaissance objective et scientifique. Analysons des exemples précis : — pas de programme ou un programme ? — étude occasionnelle ou étude sur programme ? — étude du milieu local ou étude des milieux ? —• utilisation du milieu conçu comme l'ensemble de ce qui apporte une information sur les milieux lointains, etc... ou milieu proche, ce que l'on peut toucher, mesurer..., — histoire de type progressif — de l'homme de Cro-Magnon à la Révolution de 68 — ou histoire régressive à partir d'un récit, approfondissements, retours en arrière (comme l'ont envisagé certaines équipes de recherche et les équipes Freinet) ? —- méthode de lecture : synthétique, globale ou mixte ? — langues vivantes : méthodes audio-visuelles ou non ? — français - imprégnation par les textes ou exercices structuraux ou communication... Qui en décidera ? Qui vérifiera l'efficacité, le caractère nécessaire d'une méthode ?... 6 Le problème est posé ainsi depuis longtemps, depuis plus de 100 ans, analysé par Binet, Claparède, par tous ceux qui ont travaillé en pédagogie expérimentale, puis par les béhavioristes américains. Il est nécessaire de dépasser l'évidence individuelle, les croyances spontanées, le sentiment de la réussite (on a dit et répété : « Montrez-moi une expérience qui n'a pas réussi » ; effectivement, elles réussissent toutes parce que ce ne sont pas des expériences) . Pour qu'une expérience pédagogique soit véritablement une expérience, il faut qu'elle soit : 1) démonstrative : qu'elle aboutisse à des données « publiques » (Reuchlin), objectives, si possible quantifiées (mais tout n'est pas quantifiable), analysée, hiérarchisée dans ses concepts. 2) Transmissible : qu'elle ne soit pas seulement le fait de l'innovateur (passionné ou non), mais qu'elle puisse faire l'objet d'un développement. Il faut donc intégrer l'innovation de façon qu'elle devienne scientifique. Nous devons utiliser les techniques de la pédagogie expérimentale dans une dynamique qui intègre l'innovation afin d'être féconds et efficaces dans des perspectives de développement. Si l'on voulait être rigoureux immédiatement, nous serions conduits à formaliser les démarches de l'expérimentation, élaborer : — un contenu nouveau, — les instruments qui permettent d'évaluer ce qui a été fait. Puis, après avoir pensé ce dispositif, l'appliquer dans un certain nombre de classes où les maîtres, bien formés, mettraient en oeuvre d'une façon contraignante et précise, ce qui a été préalablement pensé par quelques spécialistes. Mais les maîtres, hommes libres et conscients, répugnent à appliquer ce qui a été pensé en dehors d'eux. Dans certaines écoles de pédagogie expérimentale, on va jusqu'à éliminer le maître, à le remplacer par une matière organisée de façon systématique dans un enseignement programmé. L'élève est confronté de façon pure à la matière, indépendamment d'un contexte humain et affectif qui introduit trop de variables dans l'expérimentation. Il faut tirer profit de tout ce que nous a appris la pédagogie expérimentale (de Landshere, Reuch- lin, Mialaret) mais il faut l'intégrer dans une perspective productive de recherche pédagogique féconde. II. — UNE RECHERCHE PEDAGOGIQUE EFFICACE INVENTIVE Comporte quatre volets essentiels : 1) une réflexion sur les objectifs, 2) un travail de documentation, 3) une innovation concertée et contrôlée, 4) une évaluation. 1 - Les objectifs doivent être définis avec précision : Il n'y a pas un objectif, mais une hiérarchie d'objectifs. a) Les objectifs de l'enseignement de l'histoire ont certainement changé depuis l'époque de Jules Ferry : — histoire nationale... formation de la nation ; — ou compréhension des faits humains et du temps... ce qui est beaucoup plus instrumental et plus psychologique. Actuellement, les seconds objectifs paraissent plus importants que les premiers, qui dans certains cas sont purement et simplement biffés. Cependant ce premier aspect n'est-il pas encore valable, et sinon y en a-t-il un autre à mettre à la place ? C'est le problème des valeurs et des fins de l'enseignement... b) En ce qui concerne la géographie, le problème est le même... La géographie c'était d'abord le territoire national. Est-ce encore valable ? c) L'enseignement scientifique a été pensé par la 3e République dans une perspective positiviste liée à une certaine conception de la société. Est-ce encore valable, indépendamment de tout ce qui peut nous venir des connaissances nouvelles de la psychologie génétique et de l'évolution même de la science ? 2 - Après avoir défini clairement les objectifs, la recherche doit fait le point des connaissances mises en œuvre : la pédagogie, c'est toujours une synthèse. C'est une technique, au sens noble du terme : elle met en œuvre des finalités en utilisant des connaissances que les différentes sciences lui apportent. Il est indispensable que les chercheurs commencent à savoir ce qui se fait ailleurs et essayent de faire le tour des connaissances qui gravitent dans leur sphère. D'autres chercheurs dans d'autres pays ont fait le travail de nos équipes. Dans certains cas, on ne peut éviter de reprendre les cheminements par lesquels ils sont passés... Mais on peut peut-être gagner du temps. Le progrès en pédagogie peut être considéré comme une spirale. H y a une intégration des méthodes actives à faire suivant les perspectives ouvertes par la psychologie génétique et le développement de la science. Le travail de documentation est donc capital. Il doit être fait en équipes. Le travail de commissions nationales (Lichnerovicz, Lagarrigue, Emmanuel) peut jouer un rôle capital à ce stade. 3 - Une recherche pédagogique efficace et inventive comporte également une phase d'innovation : il n'y a pas de recherche pédagogique possible sans cette innovation mais il faut la magnifier, la rendre plus efficace par la concertation au niveau local et au niveau national. Au niveau national, les stages permettent aux animateurs d'échanger leurs points de vue, mais il faut qu'au niveau local, de véritables équipes se constituent, avec des instituteurs, des professeurs, si possible de plusieurs spécialités et particulièrement le psycho-pédagogue et des membres de l'enseignement supérieur. En mathématiques et en français, ont été vraiment productives les équipes qui ont associé l'enseignement supérieur. En ce qui concerne les contenus disciplinaires, les problèmes de pédagogie et de psychologie génétique, l'apport de l'enseignement supérieur est strictement indispensable. 4 - L'innovation par équipes verticales et horizontales {celles que nous constituons ou que nous sommes amenés à constituer progressivement...) doit être suivie par une évaluation. La phase d'évaluation a des effets rétroactifs sur l'ensemble de la dynamique. Pour que l'expérience soit démonstrative, et que l'on puisse tirer des conclusions valables, il faut qu'elle concerne un nombre de classes suffisant. Il n'est pas possible de tirer des conclusions valables sur ce qui se passe dans une classe avec un maître. Une recherche 7 doit être implantée dans un nombre d'établissements assez grand. Mais il faut éviter aussi la dilution par suite d'une trop grande dispersion des équipes. Il doit y avoir en principe une équipe par acadéimie — une équipe solide — qui constitue, par le nombre des maîtres et des élèves un échantillon valable. J e ne dis pas représentatif ; il ne le sera jamais parce qu'il est composé de maîtres qui font de la recherche. L'évaluation commence réellement lors du passage au semi-développement, c'est-à-dire lors de la dispersion des produits de cette recherche sur un nombre de terrains limité également, mais nouveaux, de telle sorte qu'on puisse voir effectivement ce qui se passe... Mais nous n'en sommes pas là. Ce que nous souhaitons pour l'instant, c'est que le nombre des écoles concernées soit suffisant pour permettre une évaluation. Car, en réalité, si nous voulons dépasser la simple impression subjective, il faut tenir compte aussi des exigences de la statistique, du fait que des élèves « tout-venant > sont nécessaires à l'expérimentation : ce qui réussit dans une école annexe où toute la quintessence intellectuelle du secteur envoie ses enfants n'est pas forcément généralisable. C'est ce qui arrive actuellement avec les mathématiques. L'expérience a été conduite dans des classes de lycées par des professeurs de haut niveau et si possible agrégés ; il s'agit maintenant de voir ce qu'il advient de ces contenus et de ces méthodes lorsque nous les insérons dans des C.E.S. « tout-venant ». Nous sommes actuellement en train de l'observer et de l'évaluer. Et nous constatons que tout n'est pas résolu, loin de là. Il y a des problèmes considérables relatifs aux contenus et aux méthodes. Or l'opération (mathématiques dure déjà depuis quatre ans pour le 1er cycle, 5 ans pour l'enseignement élémentaire. De quelle nature doit être cette évaluation ? — U y a tout d'abord une évaluation qualitative qui porte sur une description objective des contenus enseignés et des conduites pédagogiques. Les organigrammes des comptes rendus de la plupart des équipes de sciences — organigrammes inspirés de ceux du projet Nuffield pour l'Ecole élémentaire — sont de ce point de vue très intéressants, tous les éléments de l'action pédagogique s'y trouvant formalisés. La construction d'un organigramme sup8 pose une vue claire de l'objectif poursuivi. L'effort d'objectivation des conduites est ainsi préparé. — Les performances des élèves relèvent aussi de l'évaluation. Il faut que l'enseignement français essaie de voir ce qu'il y a de valable dans les questions à choix multiple ; il faut dépasser la cotation subjective. On peut contrôler par une interrogation écrite. Encore faut-il que cette interrogation corresponde très exactement aux objectifs formulés et qu'elle soit suffisamment approfondie, à la fois du point de vue du contenu et du point de vue de la m a nière dont les questions sont posées pour qu'on puisse en tirer des conclusions valables. L'analyse des objectifs, la documentation, l'innovation et la recherche de l'instrument d'évaluation à joindre à la séquence pédagogique ne sont naturellement pas des temps successifs ou séparés, mais constituent les différents aspects d'un travail d'ensemble qui, la première année, ne donnera peutêtre pas tout à fait satisfaction mais qui sera repris, approfondi par les autres équipes. HI. — QUELS SONT LES RAPPORTS ENTRE LA RECHERCHE PEDAGOGIQUE ET LA RENOVATION ? Ces rapports sont très étroits. Sur le plan local, les chercheurs ont à faire face à des demandes —• des maîtres venus en recyclage à l'Ecole Normale, — des participants à des stages d'information. Il n'est pas possible de ne pas répondre à ces demandes. Mais il faut veiller à ne pas confondre les deux domaines. La rigueur indispensable à la r e cherche n'intéresse pas les maîtres qui ont des soucis d'utilisation directe. Il faut faire le départ entre le possible et l'expérimental. D. faut éviter de se laisser « diluer > dans le développement avant que les choses ne soient claires du point de vue de la recherche. C'est très difficile et cela demande beaucoup de temps. Le travail et l'enthousiasme des équipes ont déjà vaincu les premières difficultés. Il faut espérer que ce dynamisme se maintiendra et permettra de surmonter tous les obstacles. BRÈVE INTRODUCTION HISTORIQUE L'ARRETE DU 7 AOUT 1969 LES FINALITES ANTERIEURES NOUVELLES ORIENTATIONS — Cycle désenclavé — Stage d'Orléans — Recherche I.N.R.D.P. LES ETAPES DE LA RECHERCHE A L'I.N.R.D.P. — Deux plans agréés — sciences humaines et économiques — sciences naturelles et sciences classes élémentaires — Principes généraux qui ont permis d'organiser la recherche 2) Recherche sur programme 3) Equipes interdisciplinaires d'enseignants volontaires 4) Coordination du travail des équipes (remarque) 5) Une recherche « en marche » 6) Déboucher sur une synthèse et une évaluation 7) Les difficultés — Résumé de la situation en mai 1971 1) Avant le stage de mai 1970 2) Le stage de mai 1970 3) A l'issue du stage de mai 1970 4) Les objectifs du présent stage — essentiellement — accessoirement 1) Recherche appliquée LES FINALITES ANTERIEURES L'ARRETE DU 7 AOUT 1969 L'arrêté du 7 août 1969 paru dans le bulletin officiel de l'Education Nationale n° 32 ayant pour objet « l'aménagement de la semaine scolaire et la répartition de l'horaire hebdomadaire dans les écoles élémentaires et maternelles » conférait aux maîtres une grande liberté en affirmant notamment : « Les 27 heures de classe par semaine sont réparties conformément aux dispositions du tableau suivant : — Français 10 h, — Calcul 5 h, — Discipline d'éveil 6 h, — Education physique et sportive 6 h ». Au moment d'utiliser ces nouvelles possibilités beaucoup de maîtres restèrent perplexes et réclamèrent des instructions plus détaillées. En les attendant, ils se consacrèrent à la rénovation en mathématique d'abord 'puis en français, ces deux matières étant jugées essentielles par opposition à des matières considérées comme secondaires ou accessoires. Les disciplines d'éveil risquaient alors de constituer un ensemble confus dans lequel on retrouvait mêlés, travail manuel, histoire, géographie, sciences, morale, instruction civique, dessin et chant. Certains favorisèrent une ou deux matières au choix, d'autres firent porter tout leur effort sur les activités de base traditionnelles et négligèrent tout ce qui n'était pas « lire, écrire, compter ». Un grand nombre de maîtres restaient attachés à l'idée qu'il fallait donner à l'enfant « tout ce qu'il n'est pas permis d'ignorer », c'est-à-dire en fin de compte tout ce que l'adulte avait défini comme tel 9 dans des programmes structurés par des systèmes d'adultes, qui suivaient un ordre voulu par les matières elles-mêmes. Il s'agissait de faire acquérir à l'enfant des connaissances jugées indispensables à son « bonheur », à son insertion sociale, à la formation de son esprit critique. Les programmes choisissaient pour lui « les faits essentiels et les dates indispensables de notre passé national, les principaux traits de la géographie de la France... ». Ils préconisent de lui donner des notions sommaires sur les éléments de la nature, l'eau, l'air et sur les êtres vivants avec description du corps humain et étude de ses principales fonctions. Le maître faisait des répartitions annuelles de ces programmes, prévoyant pour chaque mois puis pour chaque semaine des tranches de savoir que les manuels aidaient à détailler, à préciser et à illustrer. Aux manuels s'ajoutèrent des images, les diapositives, les disques mais le plus souvent on ne vit dans les aides audiovisuelles qu'un moyen de faire comprendre et retenir les leçons du maître et l'on compléta le dogmatisme de la parole par le dogmatisme de l'image et du son. L'étude du milieu local et son histoire préconisée par l'arrêté du 17 octobre 1945 précisait : « On utilisera au maximum toutes les ressources de la commune ou des communes voisines (églises, monuments, vestiges, ruines, lieux historiques, monnaies, médailles, etc.) pour initier les enfants à l'histoire locale au cours de promenades et de séances d'activités dirigées ». Cette affirmation était suivie d'une liste détaillée de sujets donnée à titre indicatif. Et dans bien des cas on utilisa en effet les ressources du milieu local : la moindre ruine de château permettait d'établir la comparaison avec le château de Coucy (pour lequel les manuels semblaient avoir une prédilection spéciale) et par cette technique pédagogique on réalisait, en partant de la réalité concrète, sur « le château féodal » une leçon dogmatique. En fonction des ressources du milieu local chacun choisissait dans la liste détaillée, les sujets qui pouvaient profiter de cette technique ; les autres leçons étaient réalisées avec le manuel ou avec l'aide de gravures. Toutes ces perspectives laissent le programme au centre des préoccupations de l'éducateur qui se donne comme fin d'aider l'enfant à retenir l'ensemble des connaissances arrêtées par des spécialistes. Ceux-ci, se référant à l'enseignement secondaire, avaient défini, pour le cycle élémentaire, une version simplifiée des programmes en usage dans les lycées et collèges. 10 « Par ailleurs, l'école élémentaire, dès sa fondation, s'était vu confier une mission à la fois politique et morale : la géographie, et surtout l'histoire avaient pour fonction de créer chez le jeune Français l'amour de la France républicaine. Il s'agissait de lui donner l'idée et l'admiration du territoire national et de lui montrer comment la France républicaine était l'aboutissement heureux des siècles précédents. Ces objectifs, très consciemment définis par les fondateurs de l'école publique française, les Ferry, les Buisson, les Pécaut, sont encore très muaces dans la conscience commune des pédagogues actuels. Une étude récente a pu montrer que tels étaient bien encore les thèmes jugés les plus importants par les instituteurs puisqu'ils constituent la substance inconsciente, directe ou indirecte des compositions d'histoire et de géographie données en cinquième année primaire » (L. Legrand). Face à ces traditions pédagogiques que le rapport de la Commission de rénovation de la pédagogie pour le premier degré (paru dans le n° 42 de la revue l'Education du 23 octobre 1969) a qualifiées de « conception caduque », il fallait faire des propositions constructives et définir de nouvelles orientations. NOUVELLES ORIENTATIONS LE CYCLE « DESENCLAVE » L'enseignement primaire était pris entre l'enseignement secondaire qui lui fournissait matières, méthodes et programmes et l'école maternelle dont on refusait obstinément de tenir compte. Il formait une enclave dans laquelle les maîtres se sentaient de plus en plus isolés. Dès 1967 Jean Vial avait mis au point dans l'académie de Dijon et en liaison avec le département de la recherche pédagogique de l'I.P.N. des expériences de « cycle désenclavé » qui avaient prouvé la nécessité d'assurer, et plus spécialement au C.P. qu'ailleurs, la liaison avec l'Ecole maternelle (1). (1) Voir Compte pendu 'de la journée d'information et d'étude sur l'expérimentation d'un cycle élémentaire désenclavé, 5 décembre 1967, Dijon C.R.D.P. STAGE D'ORLEANS Un certain nombre d'idées qui ont depuis fait leur chemin avaient été émises au cours de stages académiques puis reprises au Stage national d'Orléans organisé par M. le Recteur Gauthier sur les thèmes « animation de la classe et activités d'éveil », en juin 1970. Les représentants de l'I.P.N. qui participaient à ce stage ont reçu la mission de coordonner les activités déjà engagées. RECHERCHE I.N.R.D.P. Le Département de la Recherche Pédagogique de l'I.P.N., devenu depuis Service des Etudes et Recherches Pédagogiques de l'I.N.R.D.P., a organisé la recherche concernant les activités d'éveil dans le cycle élémentaire dans le cadre de deux sections distinctes : la section des « sciences humaines et économiques » et la section « sciences naturelles et sciences élémentaires », les deux responsables travaillant en étroite liaison l'un avec l'autre. A. l'issue du stage d'Orléans, Mme Marbeau écrivait : « Le besoin de connaître les expériences pratiquées par des équipes de chercheurs ou par des collègues isolés est ressenti de façon unanime. C'est pourquoi nous avons décidé de publier dans un bulletin de liaison du Cycle élémentaire des comptes rendus concrets et les réflexions méthodologiques de nos collègues engagés dans la recherche ». La section à orientation scientifique prit la même décision. LES ETAPES DE LA RECHERCHE Sans chercher à reconstituer par le détail les différentes phases du travail, il faut rappeler que les équipes de sciences humaines du département de la Recherche avaient, dès l'année scolaire 19681969 élaboré un plan agréé par la Direction de la Pédagogie ; celui de la section des sciences naturelles (et sciences à l'école élémentaire) le fut en 1969-70. LES LIBELLES DE RECHERCHE : — Celui proposé par la section « Sciences humaines et économiques » est ainsi rédigé : « Titre » : étude de concepts et expérimentation dans le but de définir un contenu réaliste et valable en histoire et géographie pour les élèves du cycle élémentaire » Objectifs et hypothèses de travail : substituer aux programmes actuels et factuels d'histoire et de géographie dans l'enseignement du premier degré (cycle élémentaire) un « contenu » élaboré en fonction du développement génétique des enfants et qui leur donnerait avant l'âge de 11 ans des repères spatiaux et chronologiques ainsi que le vocabulaire de base optima ». — Celui proposé par la section « sciences naturelles et sciences classes élémentaires » est intitulé : « Etude de quelques problèmes théoriques et pratiques posés par l'initiation à l'étude des faits naturels dans le cadre des disciplines d'éveil ». Nature des établissements et niveaux concernés Ecoles élémentaires (terrains expérimentaux actuels et quelques classes rurales désignées après l'enquête 1969-1970). Chaque unité expérimentale comprendra 3 classes consécutives. Objectifs et hypotheses de travail : 1) Définir dans le cadre des activités d'éveil une initiation scientifique pour l'école élémentaire tenant compte des connaissances actuelles de la psychologie génétique. 2) Etalonner les différents sujets possibles se rapportant à un même thème en vue de faciliter leur adaptation au niveau de l'enfant et leur répartition entre les différents niveaux de l'école élémentaire. 3) Etablir un inventaire et une progression relatifs aux techniques et méthodes employées : initiation au dessin et aux représentations symboliques, emploi des outils et des instruments de mesure, conduite du travail de groupe. 4) Déterminer les moyens nécessaires : équipement de base, documentation, aides audio-visuelles. 11 PRINCIPES GENERAUX QUI ONT PERMIS D'ORGANISER LA RECHERCHE 1) Il s'agit d'une « recherche appliquée », c'està-dire qu'elle se propose, en utilisant les apports de recherches fondamentales relevant des sciences de l'éducation ou des disciplines concernées, de dégager un certain nombre d'hypothèses devant donner lieu à expérimentation dans des classes afin de dégager des conclusions qui seraient susceptibles d'être généralisées. 2) Il s'agit d'une « recherche sur programme » qui implique un travail en équipes aussi bien à l'échelon national (coordination du travail des différentes équipes : tel est le rôle du bulletin de liaison et des stages) qu'à l'échelon local (importance de la constitution d'équipes interdisciplinaires et inter catégorielles). 3) Equipes interdisciplinaires Chaque équipe est formée d'enseignants volontaires. Le travail de l'équipe est coordonné par un animateur pédagogique qui assure la liaison avec l'I.N.R.D.P. Un directeur d'E.N. ou un I.D.E.N. assure par ailleurs les fonctions de responsable administratif. La collaboration des spécialistes des différentes disciplines et de psychologues est vite apparue comme très souhaitable, le psychologue n'étant pas uniquement chargé des problèmes de validation. Au moment où l'on voit se développer la psycholinguistique et s'ébaucher une psychologie de l'éducation, il ne peut pas s'en tenir à pronostiquer ou à diagnostiquer des aptitudes intellectuelles ou scolaires. Présent dans chaque équipe, il peut collaborer avec le spécialiste de telle ou telle discipline. Par sa connaissance de la psychologie clinique, il aide à pratiquer l'observation active et systématique des enfants pour savoir « où ils en sont » et ce qu'ils peuvent faire ; il veille à ce que les enfants soient mis dans des conditions de recherche et il note quelles solutions ils trouvent si on les laisse chercher seuls. Cette psychologie « militante » ne se contente pas de chercher une explication théorique, elle ajoute à la connaissance une présence, une expérience personnelle et une intuition qui constituent ce qu'on appelle le sens clinique. Ce sens lui permet de pratiquer une observation active de l'enfant et du maître mis en condition de recherche. 12 Par sa connaissance de la psychologie génétique, il peut déceler les obstacles et imaginer les moyens d'aider l'enfant à franchir les étapes qui l'amèneront à construire le réel, enfin il peut par sa connaissance de la psychologie sociale être attentif aux relations interpersonnelles, aux phénomènes de structuration des groupes, à la dynamique des groupes, aux phénomènes de -masse et de socialisation de l'individu. La commission C.P. a pris conscience que la r e cherche pédagogique ne peut pas être conduite par un spécialiste se référant à une seule discipline. La polyvalence de la commission a toujours été ressentie comme une nécessité. Au niveau de la recherche, les problèmes se posent de façon interdisciplinaire. Chaque spécialiste a tendance à voir tout en fonction de sa spécialité, or les structures mentales à construire au C.P. sont interdisciplinaires et ce qu'on apporte à l'enfant par les activités d'éveil sert à toutes les disciplines à la fois. Nous devons faire en sorte que toute recherche au C.P. soit conduite de façon interdisciplinaire par une équipe polyvalente afin de ne pas privilégier une seule matière considérée comme plus fondamentale que les autres. Remarque : On pourrait regretter le cloisonnement en deux sections pour conduire une recherche pédagogique au C.P. car un maître doit pratiquer toutes les formes d'activités à la fois, pour éveiller l'enfant. Mais il faut bien admettre comme premier argument que l'instituteur engagé dans une recherche ne peut pas déployer un effort de création dans toutes les directions. Comme la recherche pédagogique suppose à la fois une invention de la part des maîtres et une analyse de cette création par des spécialistes (psychologues, naturalistes, historiens, géographes), il est nécessaire de différencier les équipes de recherche, mais il est aussi nécessaire de coordonner leurs efforts. Il n'est pas possible de tout chercher en commun. Sur proposition de M. Host, les idées suivantes ont été retenues par une recherche interdisciplinaire • 1) Comment se présente la notion de milieu pour l'enfant d'aujourd'hui ? 2) Existe-t-il des concepts ou des méthodes interdisciplinaires, méthodes qui engloberaient les approches des disciplines particulières ? 3) Comment coordonner des exercices prévus en activité d'éveil avec l'enseignement du français ou des mathématiques. 4) Coordination du travail des équipes La nécessité de différencier les équipes en deux sections de recherche implique une spécialisation, l'interdisciplinarité exige une coordination entre les équipes de recherche. Elle a été réalisée grâce : a) aux bulletins de liaison : 12 ont été publiés par les deux sections, b) aux stages nationaux réunissant chercheurs, coordinateurs et animateurs, c) à la commission C.P. Cette « commission Cours Préparatoire » fut créée à l'issue du stage national de recherche d'octobre 1970. Elle s'est réunie cinq fois de novembre 1970 à mars 1971. Le but à atteindre pour la commission a été fixé dès la réunion du 18 novembre : il faut faire à l'usage des maîtres de C.P. qui vont participer à notre expérimentation un regroupement des idées sur lesquelles nous sommes tous d'accord et mettre en route une pré-expérimentation ; trois équipes ont accepté de le faire : celles de Saint-Germainen-Laye, Arras et Caen. Les « plans d'action » définis sous les vocables « plan de travail », « projets d'exercices », « buts à atteindre », dans les trois différentes équipes, seront retouchés, mis au point par chaque équipe et proposés à la discussion au cours du stage du 26 avril 1971. L'expérience pourra alors s'étendre à un plus grand nombre de C.P. en 1971-1972, sur un schéma mis au point collégialement. 5) Il s'agit d'une recherche « en marche » : Elle comporte au départ, une part de tâtonnement empirique et de création au contact de la réalité vivante de la classe. Elle doit tenir compte des incertitudes concernant le développement psychologique de l'enfant, de la difficulté de définir des concepts scientifiques fondamentaux. De plus, il est nécessaire de diversifier les approches à cause de la grande variété des problèmes posés, d'où la liberté laissée au départ à chaque équipe pour définir ses objectifs et ses méthodes de travail. La recherche appliquée par rapport à la recherche fondamentale est dans la position de Descartes proposant une morale provisoire. A la lumière des recherches déjà faites, des projets d'action sont essayés et modifiés afin qu'ils s'adaptent le mieux possible à l'enfant du C.P., point de référence et le centre de notre inquiétude. Au fur et à mesure des travaux, il est apparu nettement que les problèmes d'activité d'éveil au C.P. devaient se régler dans les C.P. avec des élèves et des maîtres de C.P. Les schémas élaborés par des spécialistes qui réfléchissent ont besoin d'être éprouvés dans des classes. Les maîtres qui réalisent au niveau des élèves les idées que nous leur suggérons font partie intégrante de l'équipe et il y a une indispensable dialectique qui fait que l'enfant et le maître proposent à leur tour, à celui qui réfléchit, d'autres idées auxquelles il n'avait pas pensé d'abord. Il y a sans doute quelques dangers à présenter une recherche inachevée. C'est pourquoi il faut préciser que les exercices rapportés et analysés ne constituent en aucun cas des modèles. Ils sont mis en discussion. Ils doivent permettre de juger des résultats obtenus et servir de catalyseur pour trouver d'autres idées mieux appropriées à notre recherche. C'est toujours ainsi que nous l'avons compris au sein de la commission C.P. et les travaux de SaintGermain, de Caen et d'Arras ont été passés successivement au crible et discutés point par point. 6) Ces recherches doivent déboucher sur une synthèse et sur une évaluation. Elles ne sauraient se limiter à une mosaïque de suggestions et d'opinions souvent contradictoires. Pour permettre cette synthèse il fallait mettre en relation trois séries de données : a) L'évolution génétique de l'enfant — à déterminer en se référant à tout ce qui est fait dans la recherche fondamentale, — à vérifier sur l'échantillon social sur lequel on travaille. 13 b) Les concepts fondamentaux — S'ils sont déterminés par les seuls psychologues on revient à la solution du paragraphe a). — S'ils sont déterminés par les seuls spécialistes on risque de revenir aux anciens programmes. Il faut donc insister sur le fait que l'idée d'un programme précis, linéaire et impératif, est apparu au groupe de recherche comme totalement opposé à la notion d'activité d'éveil. — Il convient donc de faire collaborer psychologues et spécialistes. c) Les techniques de base (lire, écrire, ranger, classer, manier des opérateurs...) pour accéder à la créativité, l'enfant doit disposer d'un certain nombre de techniques qu'il a faites siennes. 7) Les difficultés Tout au long de cette recherche nous nous sommes sentis pressés par la masse des enseignants du Cycle élémentaire qui s'interrogent sur ce qu'il convient de faire dans le cadre du tiers-temps pédagogique et des disciplines d'éveil. Le danger était grand de pratiquer prématurément le développement avant que le travail de recherche ne soit suffisamment avancé. C'est pourquoi, ouvrant le stage de mai 1970, M. Noël affirmait : « Les circonstances — notamment en ce qui concerne les activités d'éveil, la mise en place du tiers-temps pédagogique — ont provoqué quelque désarroi parmi les "maîtres et obligent à leur proposer d'urgence des indications et recommandations dans les perspectives de la « rénovation pédagogique » et dans le cadre d'un certain empirisme. Tel est le rôle des stages et réunions de concertation organisés au titre de l'animation pédagogique présentée par des circulaires ministérielles et qui s'apparentent à des opérations de développement. Mais au niveau des principes comme des pratiques, qu'il s'agisse des contenus ou des méthodes, ces indications véhiculent des présupposés, des hypothèses plus ou moins implicites sur lesquels il est nécessaire de s'interroger et qu'il convient de formuler puis de soumettre à l'épreuve d'une vérification expérimentale aussi scientifiquement ri14 goureuse que possible. L'objectif du présent stage est précisément de définir les bases à un tel travail qui relève de la recherche et qui ne peut être qu'un travail d'équipe. Il s'agit, dans un premier temps de circonscrire et préciser les points à propos desquels il convient d'engager une recherche et de définir les voies et la méthode à mettre en œuvre à cet effet ». RESUME DE LA SITUATION EN MAI 1971 1) Avant le stage de mai 1970, M. Noël résumait la situation en ces termes : Les premières démarches relatives à cette recherche se sont proposées d'étudier les conditions dans lesquelles des élèves de cours moyen appréhendaient divers concepts historiques ou géographiques, tels que les utilisent les manuels et les pratiques couramment en usage dans les classes. Un questionnaire d'enquête avait été élaboré à cet effet et administré à un premier échantillon d'environ 250 élèves ; le stage de mai 1970 a estimé qu'il y avait lieu de surseoir à l'exploitation du dépouillement de ces premiers résultats, ce questionnaire étant remis en cause non en son principe, mais quant à la forme qui lui a été initialement donnée. Parallèlement à cette activité, plusieurs responsables d'équipes ont fait part d'expériences engagées spontanément ou de réflexions, dont les bulletins de liaison ont rendu compte et qui élargissaient le champ des préoccupations et conduisaient à formuler certaines hypothèses, ce dont le stage de mai 1970 a eu à connaître. 2) Le stage national de recherche de mai 1970 Après l'exposé de M. Legrand, analysant des points de vue philosophique, épistémologique et génétique, les problèmes pédagogiques que posent la pratique de l'observation et ses exploitations, ainsi que la complexité des données psychologiques sous-jacentes à l'élaboration des concepts par l'enfant, et après la communication de M"" Delchet, soulignant l'unité et la continuité des axes des recherches entreprises au niveau pré-élémentaire, le stage a permis de dégager un certain nombre de lignes de force, pas nécessairement convergentes, mais significatives de préoccupations et d'orientations géographiques, mais non en l'absen- ce, de la part du maître, de tout souci d'une spécification ultérieure de l'emploi de ces concepts ; la nécessité d'une collaboration interdisciplinaire, interdisciplinarité indispensable sur le plan de la recherche parce que de fait sur le plan scolaire : les activités d'éveil à support scientifique, l'éducation corporelle (et son rôle primordial dans l'élaboration des concepts fondamentaux), l'initiation mathématique, les activités d'expression, verbales ou esthétiques ; collaboration aussi avec les psychologues et coordination avec les recherches au niveau pré-élémentaire. 3) A l'issue du stage de mai 1970 S'il était convenu de poursuivre les pré-expériences en cours au niveau des CE. 2 et CM., il était décidé de faire porter principalement la recherche, dans un premier temps, sur les problèmes concernant les activités de C.P. et de C E . 1, et résolument considérés dans les perspectives interdisciplinaires dont il vient d'être question. 4) Ce bref historique permet de mieux définir les objectifs du stage national d'avril 1971 — Essentiellement, mettre l'accent sur les problèmes relatifs aux C.P. et aux CE. : • préciser les hypothèses en fonction desquelles on peut concevoir les activités à ce niveau, • moins dresser un inventaire à prétention exhaustive de telles activités que définir l'esprit dans lequel les concevoir et déterminer les conditions de leur mise en œuvre, • élaborer les modalités de la collaboration et des échanges entre les équipes, et même si posible, esquisser les éléments d'épreuves assez largement communes. Ainsi : — la nécessité de partir des données du milieu et de l'environnement pour exploiter la curiosité, Tâtonnement et les possibilités d'observation directe et de réflexion qu'elles offrent, et tirer parti de l'intérêt que porte l'enfant au « vécu » et à la vie des hommes, avec cependant des réserves ou des précautions à l'égard du caractère « occasionnel » de certaines de ces données. — la distinction entre l'initiation géographique (qui permet une observation directe avec ses techniques d'enquête et de classe-exploration, observation devenant le support d'un élargissement grâce à l'emploi du document, des moyens audiovisuels, des techniques de représentation) et l'initiation historique (pour laquelle il faut noter les limites de l'apport du milieu local, et les difficultés tant d'une mise en place progressive d'une perspective chronologique que de l'attitude d'esprit requise pour l'analyse des documents, la recherche de corrélation ou d'enchaînement) ; —• le soin particulier à apporter à la construction des concepts fondamentaux, notamment ceux d'espace et de temps entre lesquels un certain parallélisme peut s'établir sur les plans philosophique et génétique, les nombreuses interférences ne devant pas cependant marquer les différences entre ces deux concepts ; — l'importance en conséquence d'une étape préalable à l'étude de la géographie et de l'histoire, étape jusqu'alors ignorée ou négligée sous ses formes intentionnelles ou explicites ; elle consiste en la recherche d'activités scolaires qui, prolongeant celles de l'école maternelle se proposent de favoriser la genèse de ces concepts fondamentaux chez les enfants du cours préparatoire et du cours élémentaire première année, en marge d'intentions spécifiquement historiques ou d'épreuves normalisées qui seraient à administrer en fin d'année scolaire. — Accessoirement : • échange d'informations et confrontation de points de vue sur les expériences engagées au C E . 2 et C M . et qu'il a été convenu de poursuivre, à titre de « pré-expérimentation », d'ailleurs susceptible d'éclairer la recherche plus spécifiquement centrée sur les niveaux inférieurs ; • remise en chantier éventuelle, pour une réalisation à échéance plus lointaine, de l'étude initiale relative à l'appréhension des concepts spécifiques. L'examen et un rapide commentaire de l'ordre du jour envisagé permettent de faire apparaître qu'il a bien été conçu en fonction de tels objectifs. 15 Chapitre I GÉNÉRALITÉS, FINALITÉS, MÉTHODES I. - LA NOTION D'EVEIL A) La Commission de rénovation pédagogique : activités formatrices et culturelles B) Stage d'octobre 70 - M. Noël C) Matrices générales de la pensée rationnelle et concepts explicatifs - L. Legrand D) Réflexions sur les concepts interdisciplinaires d'espace et de temps - Application aux activités d'éveil à orientation scientifique E) Coordonner les compétences autour des concepts d'espace, temps, vie, causalité F) Premier point d'accord interdisciplinaire IL - LES FINALITES A) Finalités proprement pédagogiques B) Finalités sociales et philosophiques C) Propositions pour une définition plus précise des fins l u . - OUVERTURE SUR LE MILIEU A) Deux axes de travail B) Exercices pré-scientifiques et étude du milieu C) Rôle de l'étude du milieu I. LA NOTION D'EVEIL A) La Commission de rénovation pédagogique a nettement défini dans son rapport publié dans la revue « L'Education » n° 42, 23 octobre 1989, p. 20, les perspectives générales qui permettent de réaliser l'éveil par des activités formatrices et culturelles. D) Milieu et découverte de relations E) Sortir du milieu proche F) Milieu naturel et milieu humain IV. - REFLEXIONS SUR LA METHODE Il s'agit d'un bilan provisoire A) Chercher à savoir ce que l'enfant peut faire B) Rôle dtu maître C) Schéma d'action pédagogique 1) Phase de recherche pour les maîtres 2) Phase d'observation des élèves ¡mis en situation 3) Phase de réflexion et de communication maîtres-élèves et élèves-élèves 4) Phase d'expérimentation : a) Les idées préconçues b) Partir d'expériences vécues c) Représenter l'expérience qui vient d'être vécue 5) Phase de bilan et contrôle 6) Phase d'extension D) Organisation pratique des activités « il n'est plus nécessaire de 6 à 11 ans d'apporter à l'enfant des connaissances indispensables en matière d'histoire, de géographie, de sciences. S'il en existe de telles, les quatre années du premier cycle, voire le second cycle, pourraient facilement y pourvoir à un moment où l'enfant est devenu psychologiquement plus mûr pour les accueillir. Par contre, il a toujours été nécessaire et il devient désormais possible à l'école élémentaire et probablement au cycle d'observation, de donner toute 17 spn importance à la préparation de cette maturité. Or celle-ci ne s'acquiert pas en mémorisant des connaissances mais en rendant l'esprit curieux de leur existence et en le faisant participer à leur élaboration. C'est en effet au cours de cette élaboration, quel que soit par ailleurs le contenu, que l'enfant peut, à sa mesure, former des concepts généraux qui lui permettront de comprendre le monde qui l'entoure : espace, temps, lois régulières et structures des phénomènes, constantes dans les relations humaines et le fonctionnement des sociétés. Corrélativement, la mise en œuvre de l'habileté manuelle et du goût se trouvera libérée des servitudes attachées à la préoccupation exclusive du savoir. Elles pourront ainsi trouver leur pleine signification d'activité formatrice et culturelle ». B) Stage d'octobre 1970 On pourrait donc considérer, comme M. Noël l'a précisé au stage d'octobre 1970, que les « activités d'éveil » recouvrent tout ce qui n'est pas strictement apprentissage instrumental des langages fondamentaux, ou encore tout ce qui relève de l'ouverture de l'enfant au monde et à lui-même : au monde, milieu naturel et milieu humain appréhendés selon les dimensions de l'espace et du temps ; à lui-même, en tant qu'élément nécessairement intégré à ces milieux, qui en subit les influences et les pressions et qui, devant s'y adapter, réagit à leurs sollicitations. Ainsi comprises, elles concernent tout ce qui a trait à la découverte et l'étude du milieu naturel et humain (constituant naguère l'histoire, la géographie, les sciences d'observation, mais aussi l'initiation civique et « l'éducation morale »), à l'éducation esthétique (musique, arts plastiques, activités manuelles) et même à l'éducation physique (qu'il peut sembler préférable de désigner, dans ces perspectives, par le terme « d'éducation corporelle ». Il ne s'agit pas de les opposer aux « disciplines fondamentales » (français et mathématique) qui ont également un rôle d'éveil, mais de considérer que leur domaine se présente à l'enfant sous un aspect plus global qu'il appréhende initialement de façon syncrétique. Elles constituent aussi, tout 18 à la fois, la motivation (sur le double plan de la curiosité et de la créativité), et le champ d'application des activités plus spécifiques que requièrent les apprentissages instrumentaux. C'est en ce sens que les « activités d'éveil » peuvent devenir l'élément moteur de l'action pédagogique. Elles se groupent directement sur les réactions de l'enfant aux sollicitations de l'environnement. Ainsi conçues, elles paraissent être porteuses ou messagères d'un style pédagogique qui est typiquement celui dont se réclame la rénovation pédagogique : authentique méthode active (priorité à l'initiative des élèves, aux activités d'exploration et de découverte, aux travaux de groupes, etc...) et décloisonnement interdisciplinaire (ce décloisonnement n'étant pas nécessairement, et ne devant pas être synonyme de confusion informelle). L'interdisciplinarité ainsi envisagée sur le plan des activités scolaires retentit d'ailleurs au niveau de la recherche et l'organisation du stage en témoigne : des réunions communes sont prévues entre historiens-géographes et naturalistes ; des collègues spécialistes d'autres disciplines (éducation esthétique, mathématiques, français notamment) participent ou participeront à nos travaux ainsi d'ailleurs que des professeurs de psychologie et de psycho-pédagogie. Il faut donc renoncer à concevoir les activités d'éveil comme un vaste ensemble de connaissances endettées qu'il faudrait absorber. Si l'on veut faire un enseignement réellement primaire, c'està-dire « premier » pour l'enfant, on s'aperçoit qu'avant de faire de la géographie, avant d'apprendre du vocabulaire géographique (différentes enquêtes et la pré-expérience citée plus haut ont montré la nocivité des mots appris et non compris qui se chargent de représentations absurdes faute d'être assimilables), avant de cartographier des lieux et des faits, l'enfant doit conquérir lentement la notion d'espace. On en vient alors à l'idée qu'il faudrait déterminer les concepts fondamentaux qui constituent les bases de l'esprit scientifique et qui permettent de poursuivre une formation spécifique et d'autant plus spécialisée que l'enfant est plus âgé et qu'il possède mieux les bases communes qui permettent un éveil à telle ou telle matière (cet éveil ne se situant pas nécessairement et pour toutes les matières à l'école primaire). C) Matrices générales de la pensée rationnelle et concepts explicatifs Au stage de mai 70, L. Legrand posa le problème en ces termes : Pédagogiquement, le problème de l'entraînement à la pensée scientifique n'est donc pas seulement celui du dressage à l'objectivité comme on l'a cru jusqu'ici, mais au contraire celui de la mise en question de l'évidence sensible et pratique, d'un ébranlement du système clos de la pensée immédiate pratique en vue d'une restructuration sur des bases collectives et quantifiées. Une pédagogie qui négligerait cette remise en question et cet ébranlement se condamnerait à plaquer des connaissances scientifiques sur un fonds résistant d'évidences premières, condamnant par là même ces connaissances à n'être que des îlots non intégrés, reçus comme certitudes a priori révélées, par conséquent sans aucun profit pour l'esprit scientifique qu'elles seraient pourtant supposées créer. Dans cette perspective il devient très important de connaître les attitudes natives de l'enfant face à l'environnement, de décrire et de recenser les stéréotypes que l'entraînement à la pensée scientifique devra vaincre après les avoir ébranlés dans l'étonnement. Deux voies d'approche complémentaires nous sont offertes pour cet objet : celle de l'histoire des sciences tout d'abord qui nous livre comme interprétations préscientifiques formalisées des interprétations spontanées persistantes, non seulement propres à la pensée enfantine mais qui appartiennent au fond commun des idées reçues. Bachelard a montré dans un livre déjà ancien mais toujours actuel comment l'évidence sensible et l'attitude naturellement pratique fournissaient à bon compte des principes généraux d'explication qui constituent autant « d'obstacles épistémologiques » à la pensée scientifique. La coagulation par exemple, phénomène familier à un monde de ruraux fabricateurs de fromage et de boudin, devient un principe explicatif général pour les changements d'état de la matière — congélation, solidification — et même principe d'explication universelle. Ainsi en est-il de l'éponge, de la fermentation, de la digestion, etc.. L'accès à la pensée scientifique s'est fait historiquement contre la pensée naïve dont le mode d'explication spontané, satisfaisant à bon compte un besoin de comprendre impatient, est le principal obstacle à l'objectivité scientifique. Les études contemporaines de la pensée adulte montrent que ces stéréotypes révélés par l'histoire des sciences restent très vivants dans la pensée native de nos contemporains et constituent pour eux l'obstacle principal à l'accès à la connaissance scientifique. Mais c'est montrer du même coup, de façon évidente, l'inefficacité de la pédagogie scientifique de l'école élémentaire. Par l'observation didactique on plaque un savoir verbal sans racines véritables faute d'avoir mis à jour, ébranlé par la discussion et le heurt au réel, et finalement rectifié les évidences sensibles naturelles que l'enfant emprunte spontanément comme principe d'explication à l'univers pratique immédiat. L'épistémologie génétique de Piaget nous éclaire sur l'existence et la nature de ces modes d'appréhension spontanée du réel et sur les voies et moyens de leur dépassement. C'est toute l'œuvre du philosophe et psychologue genevois qu'il conviendrait d'évoquer ici. Aussi nous bornerons-nous à définir les grandes voies d'approche du problème telles qu'elles apparaissent à la lumière de l'œuvre piagétienne. On peut classer les modes d'appréhension de compréhension de l'environnement selon deux groupes complémentaires et subordonnés. D'une part ce que nous appellerons les concepts explicatifs : la vie, le mouvement, la force, la chaleur, etc.. ou encore l'esclavage, le gouvernement, la production, etc.. Ces concepts sont en nombre considérable et couvrent toute l'étendue du savoir. D'autre part ces concepts sont eux-mêmes commandés par des cadres plus généraux qui les sous-tendent et qui constituent ce que la philosophie appelle les catégories temps, espace, causalité L'épistémologie génétique permet déjà de comprendre de façon satisfaisante comment se spécifient et évoluent avec l'âge les concepts et les catégories, ou du moins, certains concepts et à travers eux, les catégories. Des ouvrages déjà anciens comme « la représentation du monde chez l'enfant » ou « la causalité physique chez l'enfant » et des ouvrages plus récents comme celui de Laurendeau et P i nard : « la pensée causale » nous apportent des renseignements précieux pour le pédagogue sur l'évolution des concepts de vie et de mouvement. Avant d'être réservée aux animaux et aux plantes ou aux animaux seulement (âge médian 9 ans 19 6 mois L. et P.), la vie est attribuée à tous les objets qui, en plus d'être utiles ou de posséder des caractères anthropomorphiques, paraissent avoir un mouvement propre (âge médian 9 ans 8 mois) ou même, à 7 ans 1 mois, la vie est confondue avec le mouvement, avec la possession des traits anthropomorphiques ou avec l'utilité. Les trois stades s'emboîtent régulièrement, tout individu passant successivement à des âges qui lui sont propres par les trois stades considérés. Notons que seulement des enfants de 12 ans ont accédé au stade 3. Pour prendre un autre exemple étudié par les mêmes auteurs, le mouvement des nuages avant d'être expliqué par le vent (âge médian 10 ans 8 mois) est expliqué soit comme un mouvement autonome, soit comme soumis à l'influence des autres corps célestes (7 ans 8 mois) ou comme produit par les hommes ou par Dieu (6 ans 6 mois). Notons également que 43 % seulement des enfants de 12 ans parviennent au stade 3. L'intérêt de ces études est manifeste dans la mesure où elles vérifient et quantifient l'importance de ce que Piaget et Wallon avaient mis en relief il y a quelque quarante ans : l'animisme et l'artificialisme comme modes primitifs d'explication enfantine. Malheureusement la seule conséquence pédagogique de ces découvertes fut l'évacuation pure et simple de la pensée enfantine autonome par la pédagogie de l'observation alors qu'il eût été nécessaire et qu'il l'est plus encore de chercher à réduire ces obstacles épistémologiques en en permettant la manifestation et en en cherchant l'élimination dans la ligne naturelle de la décentration et de l'accès à la réversibilité. C'est en effet toute l'importance des travaux ultérieurs de Piaget et de ses équipes sur la construction des catégories que d'avoir pu montrer les conditions générales du dépassement de la pensée précausale. La construction de l'espace, du temps, du nombre et de la causalité scientifique relève d'une aptitude commune qui caractérise l'intelligence humaine parvenue à son plein développement, celle de se déprendre de l'entraînement mécanique de la perception actuelle pour accéder à la coordination des points de vue. Cette aptitude suppose à la fois une décentration par rapport à la visée personnelle actuelle et une indépendance par rapport à la durée vécue. Ces conditions sont 20 celles d'une pensée capable d'établir des relations reversibles entre les données de la perception et de coordonner ces relations. Tel est le sens profond de la conquête de l'espace et du temps, matrices générales de la pensée rationnelle. Il ne saurait être question ici de faire état de tous les travaux conduits sur ces sujets par les équipes piagétiennes. Nous nous contenterons de renvoyer le lecteur aux œuvres elles-mêmes. Tout au plus rappellerons-nous deux expériences parmi les plus directement utilisables par les pédagogues. L'apprentissage et l'utilisation du plan sont les points communs de tout apprentissage géographique. Piaget a montré, par une expérience simple et démonstrative comment l'enfant accède aux schémas topographiques et à la compréhension du plan. On demande aux sujets de reproduire un villagejouet, soit en disposant des objets semblables, soit en réalisant un croquis à échelle réduite. Il s'agit donc de placer un certain nombre d'objets simultanément les uns par rapport aux autres et tous par rapport au cadre général (modèle ou feuille de dessin). Nous reproduisons ci-dessous la synthèse que fait Piaget lui-même des observations relevant du second stade (de 4 à 6-7 ans). Cette synthèse pose bien en effet la nature des impuissances et par opposition celles des tâches à surmonter pour parvenir à la maîtrise du plan. « Au cours du stade II le sujet, après avoir mis en correspondance logique les objets eux-mêmes avec ceux du modèle, c'est-à-dire après avoir choisi ou dessiné les mêmes que sur le modèle, cherche à les situer en correspondance spatiale avec eux mais ne parvient à aucun placement en fonction d'un système de coordonnées faute de savoir multiplier les relations d'ordre et de distances entre elles selon les trois dimensions. Par contre, avec la technique de la construction, il constitue de petits ensembles d'objets incoordonnés entre eux en tant qu'ensembles, mais ordonnés à leur intérieur, en particulier par couples. Cet ordre naissant se fonde soit sur l'ordre de parcours du regard lorsqu'il suit de proche en proche les éléments du modèle (avec parfois inversion de l'ordre réel lorsque le sujet a regardé d'abord à droite et commencé son dessin ou sa construction sur la gauche) ou par un ordre dû aux ressemblances conceptuelles (les arbres ensemble, etc.), ou par réunion d'objets séparés et spatialement opposés ; le sujet procède également parfois par rayonnement dans diverses directions à partir d'un objet considéré comme central... Au cours de ce stade, les distances sont naturellement négligées, ainsi que les perspectives. Quant aux systèmes de référence, il y a encore incoordination entre les systèmes intérieurs des objets (quelquesuns mis en rapport avec d'autres) et le système extérieur constitué par le cadre rectangulaire. Il arrive ainsi qu'un ensemble d'objets soit contracté au mépris des distances relatives et rejeté sur la gauche, ou vers le bas, etc... mais que quelques éléments isolés soient déjà situés par rapport au cadre sans être alors placés avec les autres objets »... Cette longue citation nous a paru indispensable pour bien faire comprendre, par sa richesse descriptive, la nature opératoire d'une conception achevée de l'espace. Celui-ci n'appartient pas au perçu, mais au conçu, c'est-à-dire à la possibilité de repérages et d'organisation coordonnée de repérages partiels. L'espace conçu est de l'ordre de l'activité mentale et non de l'ordre du donné sensible. Il convient d'ailleurs de préciser que l'espace perçu lui-même relève d'une construction semblable, quoique inconsciente, et prisonnière des entraînements mécaniques. C'est ce qu'ont montré également les premiers travaux sur la construction du réel chez le tout jeune enfant. Ces repérages et ces coordinations doivent se conquérir contre l'entraînement mécanique de la perception et contre l'étroitesse d'un champ de conscience qui ne peut organiser son univers que de façon granulaire. Il faudra attendre 11-12 ans pour accéder enfin au plan respectant non seulement les rapports de position mais encore les rapports métriques et les proportions. On sait que l'introduction du repérage sur le globe crée des difficultés nouvelles pour les élèves qui cependant parviennent à dominer la représentation plane. A fortiori est-il prématuré de vouloir introduire cette représentation chez des élèves non encore parvenus au stade de la compréhension du plan. C'est pourtant là une des prétentions des programmes de l'enseignement secondaire (classe de sixième). Les conséquences pédagogiques de ces études d'épistémologie génétique sont évidentes : la cons- truction de l'espace ne relève pas d'une action de montrer mais d'une construction de relations. Elle n'est pas de l'ordre du « voir » mais de celui du « concevoir ». C'est l'entraînement permanent à la mise en relation par l'usage des coordonnées qui seul devrait permettre l'accès à la pensée réversible. L'enfant doit construire l'espace en organisant les objets les uns par rapport aux autres et tous ensemble par rapport à des cadres de référence. Cette organisation sera d'abord topologique (rapport de proximité, situation respective avant, après, entre, à gauche, à droite, au-dessus, au-dessous, etc..) avant d'être métrique (repérages par coordonnées quantifiées, par relation avec un étalon choisi). Il ne saurait donc être suffisant de montrer ou de dire les choses, ou même de les construire en une leçon introductive. C'est tout au cours de la scolarité et à toutes occasions que doivent effectivement s'exercer ces activités de mise en relation effective ou représentée, et ce en sachant que l'activité à elle seule n'est pas capable d'engendrer l'aptitude, la réversibilité supposant le passage à l'organisation abstraite où la maturation semble avoir une part prépondérante. Ce qui vient d'être dit de l'espace vaut également pour la construction du temps rationnel. L'organisation temporelle des événements n'est également possible qu'en les situant les uns par rapport aux autres et tous ensemble par rapport à un cadre de référence commun. Or cela ne se peut qu'à condition de se décentrer par rapport à l'intuition personnelle de la durée vécue, elle-même prisonnière des données sensibles immédiates. L'essentiel est, ici encore, de l'ordre de la relation et non de la perception. Comme pour l'espace il n'est pas possible ici de faire un exposé complet des travaux multiples et convergents des équipes piagétiennes. Nous renvoyons aux textes eux-mêmes. Nous nous bornerons à citer une des expériences les plus significatives. Deux figurines, l'une jaune, l'autre bleue, représentent deux coureurs devant se mouvoir sur deux lignes parallèles. Elles sont sur la même ligne de départ. La jaune se meut plus vite que la bleue. Sa course durera cependant moins longtemps que celle de la bleue, de telle sorte que la bleue continue à se mouvoir alors que la jaune est déjà arrêtée. La bleue sera cependant arrêtée après avoir parcouru un espace moindre que la jaune. A six ans l'enfant est incapable de dissocier l'ordre temporel supposé. « Ils sont arrivés en même temps ? 21 — Non, le jaune avant l'autre. — Lequel s'est arrêté le premier ? — Le bleu. — Lequel plus tôt ? — Le bleu. — Midi, c'est l'heure de quoi faire ? — De dîner. — On dira que le jaune s'arrête quand il est midi. Quand s'arrête le bleu ? (on montre à nouveau les courses). A midi aussi, avant midi, après-midi ? — Avant midi. — Regarde (on recommence). — Oui, le jaune s'arrête en premier. Il a marché plus longtemps. — Et l'autre ? — Il s'arrête avant midi ». Cette belle expérience met en relief les impuissances et les obstacles. Arriver à une réponse correcte supposerait la référence à un étalon commun, spatial lui aussi, mais indépendant de l'espace investi dans la perception immédiate. Ce qui fait le problème est l'adhérence des durées à l'espace parcouru pris comme référence, alors que le temps conceptuel se définit par la simultanéité, l'antériorité ou la postériorité d'un événement par rapport à un mouvement extérieur aux événements à ordonner, celui des horloges décalque du mouvement apparent des étoiles ou celui du sable dans le sablier ou de l'eau dans la clepsydre. Ce qui fait obstacle, c'est l'évidence sensible ; ce qui permet de la vaincre, c'est la mise en relation et la coordination des relations. Le temps rationnel comme l'espace conceptuel appartiennent donc à la relation et non à la perception immédiate contre laquelle il doit se construire. Le jeune enfant est incapable de cette mise en relation et c'est pourquoi il pense mettre plus de temps à aller à l'école lorsqu'il marche plus vite, ou devoir rattraper en âge son frère ou son père en grandissant. Tels sont donc les obstacles et les tâches qui permettent de définir à grands traits les données actuelles de l'épistémologie génétique. La recherche du pédagogue doit aller plus avant. Il lui appartient d'étendre à l'ensemble du champ conceptuel les méthodes d'analyses mises en œuvre jusqu'ici sur des échantillons particulièrement significatifs mais tout compte fait susceptibles de recouvrir un domaine très limité du territoire des études concernées. Un domaine, en particulier, reste peu défriché, celui du monde proprement humain traditionnellement étudié par l'histoire. S'il est déjà possible d'y voir clair dans le domaine de la biologie ou de la physique nous sommes encore loin du compte en ce qui regarde la manière dont l'enfant appréhende les relations interpersonnelles et les structures sociales et sur les voies et moyens de ses progrès. 22 La première tâche du pédagogue-chercheur sera donc de clairement délimiter ses objectifs. Son analyse, sur quelque objet d'étude que ce soit, devra d'abord passer par une analyse conceptuelle puis par l'exploration de la génétique des notions mises en relief. D) Réflexions sur les concepts interdisciplinaires d'espace et de temps (Compte rendu rédigé par M. Hannoun, Directeur E.N.G. Privas, après le stage de mai 1970). La commission chargée d'étudier les concepts de base des activités d'éveil a dû se pencher sur les problèmes fondamentaux de l'espace et du temps. Dans cette perspective, il est à noter, dès l'abord, que ces deux concepts nous apparaissent fondamentalement liés à deux niveaux différents : 1) Sur le plan de l'objectivité scientifique : il serait vain d'épiloguer longtemps sur cette liaison à notre époque où la relativité en a amplement montré l'évidence. 2) Sur le plan psychologique : les travaux des psychologues comme notre observation quotidienne montrent que l'enfant ne distingue pas, dans son premier âge, ces deux concepts. Si, par la suite, et pour des raisons de méthode de réflexion, cette distinction s'avère indispensable, elle reste pendant fort longtemps hors de la portée de nos enfants. Dans le cadre de ces travaux, et pour ces mêmes raisons de méthode que nous venons de mentionner, l'espace et le temps seront abordés, dans leurs concepts respectifs, de façon disjointe. Ils seront rétablis dans leur liaison intrinsèque en fin d'exposé. I. — LE CONCEPT D'ESPACE Dans son appréhension de l'espace, l'enfant puis l'adulte se situent à trois niveaux successifs : — l'espace sensori-moteur, — l'espace topologique, — l'espace géométrique. A) L'espace sensori-moteur — CE QU'IL EST : c'est l'espace que l'enfant appréhende par le biais d'un processus purement sensible, voire biologique. De cette première constatation découlent deux conséquences : 1) L'espace sensori-moteur reste attaché à ce qui est touché, senti, goûté, même. 2) L'enfant situe les objets dans l'espace relativement à des coordonnées qui ne sont autres que lui-même. C'est là le phénomène très étudié de l'égocentrisme enfantin. On comprendra, par exemple, les difficultés que rencontre l'enfant du point de vue de la distinction de la droite et la gauche. — QUELLES TECHNIQUES PEUVENT AIDER L'ENFANT A SORTIR VICTORIEUX DES DIFFICULTES DE CE STADE ? La commission a estimé que ces techniques sont d'abord celles impliquées par l'éducation psychomotrice de l'enfant sous ces différents aspects, à savoir : — la latéralisation (prédominance de l'un ou de l'autre des deux dispositifs d'une main, d'un œil, d'un pied, e t c . ) , — le schéma corporel, autrement dit l'image plus ou moins intuitive de notre moi physique dans sa situation et ses différents mouvements dans le monde extérieur. — l'organisation spatiale qui est pour chacun de nous la construction de notre espace d'action, donc, impliquant les données de nos possibilités d'orientation, — l'organisation temporelle impliquant l'acquisition de la notion de succession, d'ordre et de qualité des éléments successifs, — l'attitude et son éducation, autrement dit les réactions de l'enfant aux stimulations de la pesanteur. — QUEL EST LE BUT DE CES TECHNIQUES Cette aide que nous pouvons apporter à l'enfant dans cette optique, doit déboucher sur l'objectivation de l'espace sensori-moteur vers l'espace topologique. Il faut que l'enfant parvienne à dépasser le stade où son corps seul peut servir de coordonnée dans sa tentative de situer les objets extérieurs dans l'espace. B) L'espace topologique — CE QU'IL EST : C'est l'espace des géographes. Il implique un dépassement des seules données sensibles IMMEDIATES. Deux faits sont à noter à son sujet : 1) L'enfant qui parvient à appréhender l'espace topologique parvient du même coup à situer les objets relativement à des coordonnées autres que lui-même (méridiens, par exemple). Il y a donc OBJECTIVATION de l'espace chez l'enfant dans la même mesure où il y a dépassement de l'égocentrisme. 2) Bien que l'espace topologique repose sur des considérations appréhendées de façon sensible (cartes, plans, photographies, etc...) il ne se présente pas, comme l'espace sensori-moteur, comme un OBJET PHYSIQUE, mais une simple représentation plus ou moins symbolisée de cet objet physique. La question a été posée de savoir vers quel âge l'enfant s'avère capable de ce passage de l'espace sensori-moteur vers l'espace topologique. Malgré les conclusions de Piaget sur cette question, celle-ci mérite de recevoir une réponse neuve par le biais d'une nouvelle recherche expérimentale. — QUELLES TECHNIQUES PEUVENT AIDER L'ENFANT A SORTIR VICTORIEUX DES DIFFICULTES DE CE STADE ? Il a été relaté une expérience dans laquelle les enfants, en dehors de tout apport livresque, ont eu la possibilité de mener à bien des études expérimentales sur le terrain (types de terrain, types de reliefs, sites, e t c . ) . Cette question des techniques pourrait faire l'objet d'une recherche particulière. — QUEL EST LE BUT DE L'EMPLOI DE TELLES TECHNIQUES ? De même que les précédentes techniques proposées avaient pour but d'aider l'enfant à objectiver l'espace sensori-moteur, les techniques utilisées à présent tendent ou devraient tendre à CONCEPTUALISER l'espace topologique qui parviendrait alors au stade de l'espace géométrique. C) L'espace géométrique — CE QU'IL EST : C'est l'espace qui ne conserve que les seules relations quantitatives de l'espace topologique. Cette première approche appelle plusieurs remarques : 1) Il convient bien de parler d'espace géométrique et non mathématique. En effet, par rapport à la mathématique proprement dite, la géométrie reste une physique. En 23 tant que tel, l'espace géométrique est le premier que doit (et peut) appréhender l'enfant une fois qu'il a pénétré dans le monde de l'abstraction mathématique. C'est l'adulte, plus tard, qui, seul, pourra parvenir à l'appréhension des espaces non-euclidiens dont la « représentation sensible » ne correspond en rien à notre réalité sensible immédiate. 2) Il convient de noter la nécessité de tenir l'enfant au courant de la « relativité » de l'espace euclidien afin que, déjà par ce biais, il évite de se trouver prisonnier d'absolus dont la remise en question pourrait faire problème par la suite. — QUELLES TECHNIQUES PEUVENT AIDER L'ENFANT A SORTIR DES DIFFICULTES DE CE STADE ? Différents essais ont d'abord porté sur les techniques que l'on pourrait regrouper autour de la mesure de l'espace. En effet, c'est cette mesure qui fera graduellement pénétrer l'enfant dans la monde essentiellement scientifique de l'espace d'abord géométrique, puis mathématique. Il est enfin à noter, sur ce point, la nécessité de tenir l'enfant au courant de la relativité des mesures tant pour l'espace que pour le temps, et ce, pour les raisons qui viennent d'être évoquées plus haut. l'âge, la date, les calendriers), à mesurer le temps et à prendre conscience d'un temps plus spécifiquement historique. a) Le temps sensoriel ou temps vécu Le temps, dès l'abord, est intuitivement vécu par l'enfant. Il demeure longtemps inséparable de ses propres rythmes de vie (retour rituel de certains faits tels que les repas, le coucher, les congés, etc.). Dans ce cadre, l'enfant ne parvient pas à situer dans le temps les événements autrement qu'à l'intérieur de coordonnées qui ne sont autres que celles de sa propre existence. Nous retrouvons ici les caractéristiques de l'égocentrisme. L'éducation de l'enfant à ce stade consiste donc essentiellement à FAIRE PRENDRE CONSCIENCE par l'enfant de ces rythmes qu'il ne fait que VIVRE ou qu'il appréhende de façon globale. « Ce n'est que dans la mesure où l'enfant est capable de se détacher de la fuite des événements qu'il peut les situer les uns par rapport aux autres » (Malrieu). Des techniques telles que la rythmique et la danse sont tout indiquées dans cette perspective. « Il n'y a d'ordre temporel que dans la mesure où le sujet se représente ses gestes au lieu de les accomplir » (Malrieu). b) Le temps historique H. — LE CONCEPT DE TEMPS Il implique donc un dépassement du temps vécu, de l'immédiateté. Les repères deviennent EXTERIEURS à l'enfant. Il y a OBJECTIVATION. Il est tout de suite et plus difficile à n'a pu se pencher temps, comme elle l'espace. apparu comme plus complexe cerner. Aussi la commission sur les problèmes relatifs au a pu le faire relativement à Pourtant il est à noter que ce temps ne se sépare pas totalement d'une réalité vécue qui est justement la réalité historique qu'il appartient à l'éducateur de faire découvrir par l'enfant vivant en relation avec la société présente. Néanmoins, certaines orientations de recherches ont pu être élaborées. Parallèlement à ce qui a été constaté en ce qui concerne l'espace, on peut noter que l'enfant n'a pas encore une conscience exacte du temps. C'est sans doute parce que la notion de temps n'est pas une donnée immédiate de la conscience. Elle ne s'élabore pas non plus toute seule, comme par miracle, mais elle « émerge » après une maturation lente qui s'effectue au cours d'exercices qu'il convient de déterminer et qui le conduirait à la fois à acquérir le sens du rythme, à se repérer dans le temps (l'heure, Comment faire découvrir cette réalité ? Il semble à ce sujet que la technique déjà utilisée de la découverte et de l'interprétation des documents et traces diverses ait fait ses preuves. 24 c) Le temps conçu : C'est le temps de la science. Celui auquel il est fait allusion dans la formule e = temps de la dynamique. 1 — g T2. C'est J* 2 La question a été soulevée de savoir jusqu'à quel point on pouvait considérer la relativité du temps conçu. Certes, les découvertes de la science du XX e siècle nous apportent en ce domaine des éléments neufs. Il conviendra de voir comment or, peut les exploiter au niveau des enfants. « Le passage du qualitatif au quantitatif s'opère dans le même temps que s'acquiert progressivement le sentiment de la multiplicité des perspectives ». Piaget. — EN QUOI LE TEMPS PEUT-IL SE DISTINGUER DE L'ESPACE ? Si, comme l'espace, le temps présente des possibilités de mesure avec la même constatation de conventionalité que nous avons déjà aperçue, il n'en reste pas moins que le temps demeure spécifique sur certains points : — Il y a une irréversibilité du temps que l'on ne retrouve nulle part ailleurs. — Le temps s'inscrit dans le cadre des phénomènes qui peuvent être cycliques, selon certains rythmes tels que ceux que l'on peut observer dans le monde de la biologie. — Le temps historique pose des problèmes particuliers qu'il conviendra d'envisager. III. — CONSIDERATIONS COMMUNES A L'ESPACE ET AU TEMPS 1) Le passage d'un stade à un autre En sus du parallélisme que nous avons constaté entre l'espace et le temps quant à leur construction par étapes successives, il convient de noter que le passage de chaque stade au stade suivant s'effectue de façon dialectique et grâce à des activités accomplies par l'enfant. 2) Les recherches possibles De ces différentes constatations peuvent apparaître certaines perspectives de recherche tant dans une optique pédagogique que dans une optique psychologique. Ces recherches pourraient être les suivantes : — Dans une option pédagogique a) Quelles sont les techniques pédagogiques propres à ORGANISER ou à accélérer l'objectivation de l'espace chez l'enfant (passage de l'espace — ou du temps — sensoriel à l'espace topologique — ou au temps historique). b) Quelles sont les techniques pédagogiques propres à ORGANISER ou à accélérer la conceptualisation de l'espace et du temps chez l'enfant (passage de l'espace topologique à l'espace géométrique — ou du temps vécu au temps conçu). — Dans une optique psychologique Recherches relatives aux âges de passage. Vers quel âge l'enfant est-il capable d'appréhender • l'espace topologique ? • l'espace géométrique ? • le temps vécu ? • le temps conçu ? Cette dernière recherche permettrait de répondre par ailleurs à une question fréquemment posée : jusqu'à quel degré d'abstraction peut-on mener l'enfant dans le cadre de l'école élémentaire ? Application aux activités d'éveil à orientation scientifique (Remarques de M. Host) 1) Les exercices diversifiés supposent une certaine maturité psycho-physiologique qui n'est pas atteinte en général à l'entrée de l'école élémentaire. Au C.P. la priorité doit être accordée à l'établissement du schéma corporel, à l'éducation du rythme, etc.. Chez certains élèves moyens ou prédisposés, les déficiences dans l'organisation du schéma corporel, de l'espace sensorimoteur, du temps vécu entraînent des troubles généraux de la croissance intellectuelle. Au C.P. la composante intellectuelle des activités d'éveil sera toujours subordonnée à cet aspect global ; d'autant plus que l'aptitude à distinguer les domaines subjectifs et objectifs et à dépasser le stade du syncrétisme est très peu développée. 2) Les exercices portant sur l'espace et le temps ne doivent pas consister d'emblée en mesures et utilisation de nombres. Le passage du repérage subjectif au repérage objectif doit faire l'objet d'exercices systématiques. Les relations d'ordre et d'équivalence, les relations topologiques permettent de regrouper de nombreux exercices habituellement dispersés en mathématiques, sciences, géographie, dessin, en fonction des notions à étudier. 25 Il est très important que l'enfant jeune structure systématiquement son univers en ordonnant ce qui est avant ou après, en situant les objets par les relations de voisinage ou d'enveloppement, en repérant les positions du soleil au cours de l'année, e t c . : non seulement il accède à l'idée d'un temps et d'un espace objectif, mais surtout il parvient à un palier essentiel de la vie intellectuelle, saisir et ordonner des relations pour faire de la vie mentale un ensemble unique et cohérent. Cet effort doit se poursuivre au cours de la scolarité élémentaire : la vitesse ne doit pas apparaître d'abord comme le quotient espace-temps. Dans combien de classes établit-on de façon précise le repérage de la verticale et de l'horizontale, ce qui suppose que l'on détache la surface libre d'un liquide de tous les repères constitués par les supports concrets et que l'on aborde toutes les difficultés (liquides en (mouvement, bords des récipients, surfaces très petites, surface de la mer vue d'un satellite, vases communiquants) ? 3) ¡Les exercices portant sur l'espace et le temps mesurés pourraient être considérablement diversifiés. Pour éviter de donner par exemple une valeur quasi magique à l'heure de la pendule, il importe de mesurer le temps par les procédés les plus différents (quantité d'eau écoulée, déplacement de l'ombre) de façon à aboutir à un étalonnage objectif. De très nombreux phénomènes périodiques (oscillations, vibrations) ainsi que les rythmes physiologiques (rythme cardiaque et ses variations, rythme respiratoire) pourraient être comparés et mesurés. Les observations astronomiques dont l'importance a été décisive dans l'histoire de la pensée humaine sont trop négligées à l'école élémentaire. 3) à représenter l'espace (maquettes, croquis, photos, cartes), 4) à analyser toutes les formes de représentation de l'espace (lecture de diapositives, de cartes, de paysages, e t c . ) . Mais en déterminant ce premier but, nous avons sans cesse, en rythmique, en musique, en lecture, en poésie, dans les contes et les récits, rencontré le problème du temps, temps présent et restant, temps vécu qui s'épaissit peu à peu, temps qui interfère avec l'espace, temps vécu par l'enfant et représenté par lui, temps vécu par d'autres. Le deuxième but de notre programme est donc d'amener l'enfant : 1) à se situer dans le temps, 2) à situer les autres et les choses dans un temps vécu, 3) à analyser et à représenter ce temps vécu, 4) à reconstruire le temps passé — pour essayer de le comprendre, — pour mieux comprendre le présent, — pour se tourner vers l'avenir et envisager des perspectives d'avenir. Mais l'espace et le temps ne sont pas le centre des intérêts de l'enfant ou du moins s'ils le sont, c'est toujours par l'intermédiaire d'un intérêt authentique. E) Coordonner des compétences autour des concepts d'espace, temps, vie, causalité Si l'on cherche à faire prendre conscience à un jeune enfant du temps et de l'espace, il se réfère instinctivement à sa vie et à la vie. Le temps, c'est le temps qu'il faut à un haricot pour pousser. Il faut que le temps s'écoule pour avoir enfin 6 ans. Le temps où grand-mère était un bébé est loin. On en vient donc à l'idée qu'il faut coordonner les compétences des différents spécialistes autour de deux centres vitaux pour la pensée de l'enfant : la notion d'espace et celle de temps. Si nous imposons à l'enfant une réflexion sur le temps, il nous ramène au centre de son intérêt : la vie : « Où j'étais avant d'être un petit bébé ? »... et il formule sa question en terme d'espace. Le premier but de notre action pédagogique consiste tout d'abord à demander à l'enfant de nous renseigner sur ce qu'il peut faire, et à l'amener 1) à se situer dans l'espace, 2) à situer les autres et les choses dans l'espace, Le vivant naît, grandit, évolue, se reproduit, vieillit, meurt ; ... voilà ce qui intéresse l'enfant. L'étude de la vie et des vivants, dans l'espace et dans le temps constitue, non pas une des structures fondamentales de la pensée, mais un des intérêts fondamentaux commun à tous les enfants. 26 Pour perpétuer la vie, tout être se nourrit, se repose, s'abrite, lutte contre les agresseurs, communique et certains êtres vivants, communiquent supérieurement, pensent, cherchent à comprendre. C'est pourquoi, finalement, il nous semble possible de définir pour les disciplines d'éveil un programme qui se résumerait en trois mots : l'ESPACE ) , „„ „ } qui fondent toute pensée le TEMPS j la VIE qui est le centre de tous les intérêts. LE CONCEPT DE CAUSE que nous avons également envisagé nous a semblé le plus difficile de tous à aborder au C.P., non seulement parce qu'il a des résonances métaphysiques et qu'il est difficile à cerner, mais aussi parce que l'enfant du C.P. retombe instinctivement dans rartificialisme, le finalisme et dans des formes de causalité « magique ». Les avis restent partagés sur cette question, pourtant l'accord s'est fait, sinon sur la notion de cause, du moins sur les points suivants : 1) Il faut éviter les extrapolations hâtives et hasardeuses. 2) Il faut éviter un emploi abusif du « parce que » qui apparaît dans le vocabulaire du C.P., mais n'a pas toujours un sens causal. 3) Il faut éviter de fournir le vocabulaire avant que n'ait été réalisé le contact avec les choses et la réalité. La relation causale doit être vécue avant d'être exprimée. 4) On envisagera la causalité comme une RELATION. Un travail plus précis reste à faire sur ce sujet (qui tiendrait compte par exemple des dernières recherches de Piaget sur la genèse de l'idée de cause). F) Premier point d'accord interdisciplinaire Le texte ci-après, proposé par M. Host, mis au point par Mmes Delchet et Marbeau et MM. Noël et Satre, puis amendé au cours du stage du 28 octobre 1970, constitue un premier point d'accord interdisciplinaire et il a été le point de départ des réflexions de la commission C.P. « Activités d'éveil au C.P. » INTRODUCTION Il ne s'agit pas de gagner 1 an pour l'initiation scientifique, géographique ou historique mais d'apporter l'expérience des scientifiques, des psychologues, des spécialistes de l'éducation artistique, physique et manuelle, des historiens, pour diversifier les exercices permettant de favoriser l'éveil de l'enfant et permettre l'approche des disciplines à partir de situations proches du jeu et grâce à un certain style d'enseignement. Le développement des activités d'éveil est appelé à combler le fossé qui sépare l'école maternelle de l'école primaire et prépare le passage dans le premier cycle. I. — OBJECTIFS DES ACTIVITES D'EVEO. AU C.P. ET PRINCIPES DIRECTEURS RELATIFS A LEUR CHOIX ET A LEUR CONTENU Pour éviter la dégradation des exercices en recettes pédagogiques et permettre leur intégration dans une formation cohérente il faut définir leurs objectifs avec précision. La liste proposée est incomplète (prédominance du point de vue du scientifique) et comporte des affirmations qui ne sont pas vérifiées par une expérimentation. 1) Favoriser le développement génétique d'un être qu'il faut considérer comme un tout a) Dépistage des déficiences sensorimotrices ; éducation sensorielle et motrice. La réussite de l'apprentissage de la lecture et de l'écriture est parfois compromise par un manque de maturation motrice ou certaines déficiences sensorielles surtout pour les élèves qui ne sortent pas de l'école maternelle. D'où l'importance des exercices suivants : — dépistage des déficiences visuelles et auditives, — dépistage des retards dans l'acquisition du schéma corporel et la latéralisation, — recherche de la précision du geste. Ces exercices concernent l'ensemble des activités et ne constituent pas un secteur clos étiqueté « éducation physique » ; il s'agit d'une éducation sensorimotrice. b) Prise de conscience du vécu sensorimoteur en vue de favoriser le développement de la pensée symbolique : 27 — passage de la perception à la représentation grâce à l'emploi du dessin et de la langue parlée, — passage de la manipulation effective à l'opération mentale conçue ou imaginée ; utiliser cet effort de prévision et d'imagination pour développer le sens de la réversibilité opératoire et la perspective de l'avenir, de la promesse, de l'engagement. c) Passage progressif de la vision syncrétique à une étude analytique des objets, des faits de langage. L'apprentissage de la lecture implique le passage à la pensée analytique et linéaire, la perception intuitive des systèmes et sous-systèmes hiérarchisés de la langue. Or l'étude des objets implique la même attitude : décomposition d'un objet technique en sous-systèmes ou éléments qui présentent entre eux certaines relations topologiques et fonctionnelles ; il y a isomorphisme entre les démarches de l'intelligence pratique et de l'intelligence à support verbal. D'où intérêt des exercices qui mettent en évidence la structure d'un système matériel pour le traduire ensuite dans le système de la langue ou par d'autres systèmes de symboles. Les activités d'éveil sont d'abord des activités. Elles doivent aussi permettre par analyse de structurer le réel en sous-systèmes et en systèmes. Ces opérations sont facilitées par le recours à des représentations symboliques. d) Développement de l'attitude objectivante grâce à la régression de l'égocentrisme, de l'anthropomorphisme et de l'artificialisme de l'enfant ; au lieu de plaquer la mentalité de l'adulte (maître et média) il faut obtenir une participation active de l'enfant dans la recherche de l'objectivité. — La vie sociale conduit à substituer un repérage objectif au repérage subjectif ; elle conduit à employer un outil suivant sa logique propre au lieu de la réduire au prolongement instinctif de la main. — L'observation continue et précise des êtres vivants conduit à la définition des fonctions, ce qui permet de distinguer le vivant du non vivant et préparer l'enfant à se dissocier du vivant au lieu de s'identifier à lui. 2) Constituer une source de motivation et un champ d'application des deux disciplines de base 28 Mais les activités d'éveil ne sont pas le prétexte à des acquisitions en français et en mathématiques, elles ont leur réalité et leurs langages. Elles facilitent sans doute l'acquisition de certaines structures en raison du transfert d'attitudes mentales empruntées aux disciplines de base et appliquées à l'occasion de ces activités. En retour les disciplines de base en tireront profit. Il ne faut pas opposer activités d'éveil et disciplines dites fondamentales, elles contribuent ensemble à la formation de l'enfant en respectant ses rythmes de maturation et sa mentalité. a) Langue maternelle En français le mot ne peut être acquis qu'après avoir été associé au support concret qu'il représente. — Langue parlée. Exemple : relation entre les pratiques opératoires et l'acquisition de vocabulaire abstrait. — Langue écrite. Les pratiques opératoires conduisent à une traduction graphique accompagnée d'un texte très court. b) Mathématiques. Les concepts mathématiques sont bien assimilés lorsqu' « ils permettent d'associer à un même modèle une pluralité de situations ou de relier plusieurs modèles à une même situation » : les activités d'éveil permettant d'éviter la routine et la sclérose liées à un travail sur un matériel artificiel en situation scolaire. De plus l'emploi systématique des relations découvertes en mathématiques permet d'assurer l'unité et la cohérence de la vie mentale par exemple les relations d'ordre et d'équivalence permettent l'organisation systématique de l'espace et du temps. 3) Construction progressive de certains concepts de base (concepts communs à plusieurs disciplines) (voir ci-avant). II. — RECHERCHE DE QUELQUES TYPES D'EXERCICE De quelles situations concrètes le maître peut-il partir et comment doit-il les exploiter pour obtenir des échanges effectifs à l'intérieur du groupe classe en vue de favoriser la réalisation des objectifs définis ci-dessus ? La classification proposée est incomplète et ne constitue qu'un cadre destiné à regrouper des propositions concrètes. 1) A l'occasion de jeux, passage de l'exercice sensorimoteur au concept en passant par le dessin et les autres modes de représentation ; au cours de ces exercices il importe de solliciter l'enfant pour qu'il crée sa propre symbolique : exercices rythmiques, jeux de permutation, recherche d'un objet inconnu ou caché dans la classe ou la cour, etc... : ces exercices conduisant à la découverte des graphes, aux repérages dans divers systèmes de coordonnées, à la structuration d'une trame temporelle. 2) Exploitation du milieu et de l'événement — passage du repérage subjectif au repérage objectif : reconstitution d'un trajet, — passage à un système de repères universels : observation des mouvements du soleil, du déplacement de l'ombre..., — passage du temps vécu au temps objectif : situer les événements personnels de chaque enfant (anniversaire, etc...) par rapport à l'ensemble de la vie scolaire, au rythme des saisons, e t c . , — substitution de la mesure des distances, des températures (d'abord simplement repérées par des relations d'ordre) à l'évaluation purement subjective. 3) Exploitation de l'imaginaire Nécessité d'amener progressivement l'enfant à distinguer l'expression personnelle débouchant sur la création artistique ou le texte libre et la communication objective impliquant la connaissance d'un code et d'un système de symboles. Il importe de ne pas éliminer l'imaginaire de la formation intellectuelle pour ne pas stériliser les aptitudes créatrices. Les belles histoires (racontées ou vues en images) ne peuvent-elles pas conduire à une appréhension du temps historique ? 4) Exploitation de l'intérêt de l'enfant pour son propre corps et pour les êtres vivants (importances des observations continues). — prise de conscience du temps objectif : temps irréversible (croissance repérée ou mesurée) et phénomènes périodiques (cycles biologiques, rythme cardiaque, respiratoire), — définition et analyse des fonctions biologiques ; élimination de la référence subjective. 5) Exercices motivés par des intérêts techniques : réalisation de projets ou simulation (constructions par classe ou dans la cour, manipulation d'objets techniques ou de jouets apportés par les élèves, etc...) ; — le tâtonnement expérimental favorise la découverte de la réversibilité opératoire (conservation de la masse, etc..) et développe l'imagination créatrice ; — la manipulation des objets permet de dissocier les objets et leurs propriétés ; ces exercices ne doivent pas être utilisés uniquement dans une perspective mathématique, ils débouchent sur des définitions (dur, dense, dissoudre, masse) et permettent d'établir des relations causales ; — la précision du geste, son adaptation intelligente permettent de valoriser l'intelligence pratique et peut-être de favoriser chez certains élèves le passage à l'intelligence conceptuelle. II. LES FINALITES A) Finalités proprement pédagogiques « Etablir clairement le but à atteindre est le moyen d'éviter les redoutables dangers et les séductions faciles de cette pédagogie anarchisante et désordonnée dont l'Ecole nouvelle a trop souvent donné le spectacle... Le pédagogue, qui sous le prétexte séduisant de profiter d'un intérêt momentané, introduit dans son enseignement l'incohérence ou la fantaisie n'a rien compris aux méthodes nouvelles... Un intérêt fortuit ne peut être exploité méthodologiquement que dans la mesure où il est possible de l'insérer dans la ligne générale d'une activité et d'un effort dont la direction doit toujours être présente à l'esprit ». A. Clausse, p. 107. « Philosophie de l'étude du milieu ». B) Finalités sociales et philosophiques La Commission de Rénovation de la Pédagogie pour le Premier Degré affirmait en s'adressant aux maîtres : « Il paraîtra cependant utile d'attirer leur attention sur les finalités de cet enseignement. L'initiation à l'étude des faits humains doit profiter de toutes les 29 motivations offertes par l'enfant lui-même pour le porter à la rencontre de la société et de l'homme, des hommes saisis en sympathie et compréhension dans des situations concrètes de vie ou de travail. Elle doit permettre également de donner à l'enfant le sens du temps et la possibilité de situer les faits de civilisation dans une perspective historique ». Il faut donc chercher à guider l'action pédagogique par une série d'objectifs qui respectent l'enfant, mais qui n'en sont pas moins des objectifs précis. C) Propositions pour une définition plus précise des fins Les buts que nous cherchons à définir ci-après s'appliquent tout spécialement à cette pédagogie qui conçoit l'éducation comme un éveil, mais ils ne se limitent pas au cours préparatoire, parce que nous ne pouvons pas commencer par définir nos buts au C.P. sans savoir où nous voulons aller après. S'il existe au C.P. des buts à atteindre ils ne doivent pas contredire les buts plus lointains que nous nous sommes fixés. Toute idée d'éducation, et spécialement à l'école élémentaire, implique que des êtres adultes « conduisent » (ducere) des êtres jeunes. Comment doivent-ils les conduire et où doivent-ils les conduire ? Les moyens dépendent des fins ; la première question à poser est donc de savoir quelles sont ces fins, conscientes ou inconscientes poursuivies par l'éducateur au moment où il exerce son action sur l'enfant. Seule une étude psycho-sociologique pourrait déterminer les fins poursuivies par tel éducateur ou tel groupe. Nous nous contenterons aujourd'hui de définir les fins que nous poursuivons comme des projets, basés sur une analyse plus philosophique que scientifique. 1) NOUS ECARTONS D'ABORD LA POSSIBILITE QU'AURAIT L'EDUCATEUR DE RENONCER A TOUT BUT (dans la perspective d'une non directivité totale). Sans doute fait-il alors confiance à une nature enfantine qui détiendrait en elle ses fins comme le germe de blé détient la moisson. Mais si on laisse le blé pousser naturellement, c'est-à-dire au hasard, quelques graines germent et des milliers se perdent. Le cultivateur se donne 30 justement pour but de faire germer toutes les graines. L'idée d'une culture démocratique a plus d'un rapport avec l'image ci-dessus. Nous ne voulons pas remplacer les privilèges sociaux par le hasard ; pour concevoir une démocratisation de l'enseignement, il faut aider plus ceux qui ont le plus besoin d'être aidés. De plus, la destinée d'un enfant n'est pas réductible à la réalisation d'une nature. L'enfant ne se réalise pleinement que par l'influence de tous les autres hommes. « L'homme n'est rien sans l'œuvre de l'homme ». Toute éducation est nécessairement sociale, or la société préexiste à l'enfant. Nous considérons que toute forme d'abandon de l'enfant à lui-même est une capitulation de l'adulte et une condamnation à la médiocrité pour la presque totalité des enfants. Par contre, nous concevons fort bien que l'éducateur puisse s'effacer progressivement à mesure que l'enfant construit sa personnalité. Adulte, il s'est libéré de l'emprise du père et il n'a plus de maître. Mais dans la famille, le jeune enfant a besoin d'un père et à l'école élémentaire il doit trouver des maîtres capables de prendre leurs responsabilités et capables d'exercer avec clairvoyance (c'est-à-dire avec une claire conscience des fins qu'ils poursuivent) l'action éducative dont a besoin le jeune enfant pour se réaliser. 2) NOUS DEVONS DONC TENTER DE DEFINIR LES FINS QUE NOUS NOUS PROPOSONS D'ATTEINDRE. a) D'abord, nous refusons d'enfermer l'enfant dans les limites du donné. La nature, la société constituée, les habitudes, les systèmes d'habitudes sont des données, nous refusons de les prendre pour fins. Le but ne peut pas être de perpétuer ce qui est, on ne peut pas concevoir une éducation qui refuserait le progrès ou bien elle n'est que dressage, conditionnement ou « initiation ». Le but est de créer ce qui n'est pas encore. b) Nous refusons d'écarteler l'enfant entre différentes disciplines, nous pensons que les disciplines sont au service de l'éveil de l'enfant, car c'est l'enfant qui est la valeur à défendre et non les disciplines. Cet être a une unité. Il s'agit de former un être total, non pas un corps, non pas une âme, non pas un esprit, mais un être en croissance qui vaut à chacun des stades de son développement. c) Mais arrivé au terme de ce développement, il sera l'adulte de demain, c'est-à-dire qu' « il est aujourd'hui porteur naturel de tous les espoirs d'une société nouvelle ». Le but ne peut pas être de le conduire ¡à un refus systématique de la société et de tout ce qui est social, car tout est social, à commencer par son éducation. Le fout ne peut pas être non plus d'en faire un « enfant bien adapté » à la société d'aujourd'hui, ce ne serait plus l'éduquer, mais le conditionner pour le mettre au service de la société et du ¡même coup ce serait figer la société en son état actuel. Une meilleure connaissance des mécanismes qui permettent d'intégrer l'enfant à un groupe social peut aussi permettre d'utiliser l'école pour mieux contenir l'enfant dans les limites d'un groupe social qui défend ses structures et ses privilèges. (De la même façon la sémiologie peut être mise au service de la propagande et les tests psychologiques au service de la sélection sociale). Il faut donc prendre pour but de rendre cet enfant, devenu homme, capable de participer à la mutation sociale qu'implique le progrès. L'humanité évolue par création continue, aussi est-ce la CREATIVITE qu'il faut développer chez l'enfant. d) Il ne s'agit donc plus de lui inculquer la somme des connaissances qui éclairaient l'action de la génération qui l'a précédé. Le but n'est plus d'apprendre des connaissances, mais d'amener l'enfant à construire ses connaissances en partant de ses besoins et de ses intérêts, ainsi il se construira une méthode. Et la méthode l'emporte sur les connaissances. C'est elle qui permet une analyse lucide du vécu et spécialement du social. Si l'on comprend l'adaptation comme un double processus d'assimilation et d'accommodation, il faut d'une part chercher à comprendre les déterminismes, les pressions, les influences exercées par la nature, par le milieu, par les groupes sociaux. Et si le progrès implique la remise en question de valeurs que chaque société veut éternelles, il faut que la contestation de ces valeurs repose sur une analyse lucide des pressions sociales. La contestation est source de progrès si elle est clairvoyante et constructive. Mais d'autre part l'adaptation implique une transformation du milieu par le sujet qui en a une connaissance. Mais peut-il espérer le transformer seul ? Si l'on s'en tient à comprendre les détermi- nismes qui pèsent sur l'individu, l'éducation peut apparaître comme un éveil de l'enfant à lui-mênie, mais il n'est pas possible qu'il agisse comme un être solitaire, comme une pure individualité. Il trouvera son dynamisme dans la possibilité de se faire comprendre des autres et dans celle de les comprendre. Cette possibilité de communiquer avec les autres le conduira à créer avec eux des solutions permettant leur intervention sur le milieu. La richesse est certes ce que chacun apporte au groupe, mais c'est aussi et surtout la richesse de ce que tout le groupe apporte à chacun. Le but est d'apprendre à l'enfant à ne pas se refermer sur luimême. Il faut qu'il sache parler, il faut qu'il sache écouter et son dynamisme dépend non seulement de la relation maîtres-élèves, mais aussi et surtout de la communication qui s'établit entre les élèves et entre le groupe qu'ils forment et d'autres groupes. Le but de notre action est de transformer la relation pédagogique et d'amener l'élève à vivre, à communiquer et à agir au sein du groupe, le maître s'effaçant chaque fois que cela est possible. Ainsi, au lieu de subir le groupe, il participera comme co-responsable, conscient de sa responsabilité, et c'est dans le groupe qu'il construira sa liberté qui est à la fois liberté d'esprit comme connaissance et liberté d'engagement dans l'action. « La libération de l'esprit n'est plus seulement à chercher dans l'accès à l'esprit scientifique, fait d'habitudes, de réflexions théoriques et d'objectivité, mais dans la maîtrise de l'information véhiculée par les mass-média, dans la domination activement vécue des instruments audio-visuels de l'information. Elle est à chercher également dans l'habitude de la discussion et de la concertation, exigence déjà présente dans la recherche d'une positivité de l'esprit, mais devenue plus impérieuse encore par la division extrême du travail et les niveaux extraordinairement distants des capacités. La curiosité et l'étude désintéressée peuvent devenir l'objet d'un investissement culturel pour l'équilibre des personnes. En bref, à l'homme individuel, intellectuellement libre que recherchait la pédagogie positiviste et libérale, doit se substituer l'idéal d'un homme socialement et affectivement libre, capable de survivre à l'emprise d'un environnement de plus en plus complexe et oppressant, et capable de le dominer. Or cet objectif relève plus de l'action que de la contemplation ». L. Legrand (Stage mai 70). 31 A) Deux axes de travail La vie elle-même est saisie comme un ensemble de relations entre des organes, entre des vivants, et entre des vivants et des éléments du milieu. — Premier axe : le milieu Ces deux axes se complètent et s'appellent l'un l'autre et semblent être en relation dialectique. III. OUVERTURE SUR LE MILIEU Nous pensons que le terme d' « éveil » est lié aux notions psychologiques d'intérêt et de curiosité. L'enfant s'éveille peu à peu au monde ; il s'efforce de comprendre son environnement, d'abord globalement, ensuite de façon de plus en plus analytique, puis de sous-systèmes en systèmes plus complexes il arrivera aux structures d'une pensée adulte. Cette curiosité spontanée de l'enfant, cet éveil permanent au monde sont le point de départ méthodologique de l'étude du milieu qui va permettre à l'enfant : 1) D'utiliser le milieu comme révélateur : au contact avec tout ce qui l'entoure, il privilégie certains éléments qui correspondent à ses intérêts et découvrant le milieu il nous montre qui il est et il se découvre lui-même. 2) D'acquérir une méthode de connaissance basée sur une observation active définie par L. Legrand au stage de mai 70. « L'observation n'a de sens que par rapport à l'audelà du fait observé, soit qu'elle conduise à l'étonnement, c'est-à-dire à l'impossibilité d'intégrer le fait dans une structure mentale et à la recherche d'une nouvelle structuration hypothétique, soit qu'elle intervienne comme élément de vérification d'une hypothèse »... C'est parce que l'enfant découvre une explication que son observation devient active. Enfin, l'étude du milieu doit permettre à l'enfant d'avoir prise sur le milieu social dans lequel il devra vivre et qui le détermine inconsciemment. Cette approche conduit tôt ou tard à l'étude das hommes vivant en société et qu'il faut situer dans des systèmes d'inter-relations. « Le monde de demain viendra dans la mesure où nous aurons appris à nos enfants à connaître et donc à dominer leur milieu pour rester les artisans de son évolution au lieu d'en être les victimes ». A. Clausse. — Notre deuxième axe de travail concerne une approche génétique des concepts d'espace et de temps et de toutes les formes de relation. 32 B) Exercices préscientifiques et étude du milieu (texte rédigé par M™ Best, Directrice de l'E.N.F. de Caen). Les exercices préscientifiques de structuration nous paraissent devoir prendre une place importante tout au long de la scolarité de l'enfant et plus particulièrement à l'école maternelle, au C.P. et au C E . 1. Il conviendra en même temps d'appréhender plus systématiquement le milieu local. L'aspect méthodologique devrait être prioritaire, l'étude de ce milieu étant un banc d'essai pour la réflexion, un tremplin qui doit permettre ultérieurement la bonne réception d'un enseignement. Il s'agit tout d'abord d'apprendre à voir le milieu quotidien, de susciter l'étonnement et d'aider l'enfant à se rendre maître de cet espace. Ce milieu est le premier fournisseur de vocabulaire de base. Mais il ne saurait être question de faire apprendre à l'enfant un vocabulaire géographique, historique ou scientifique. Posséder le mot avant de connaître la réalité, c'est être condamné au verbalisme. Par contre, si l'on exige que l'enfant formule avec précision les observations faites, on le conduira non seulement à utiliser les possibilités que lui donnent les mathématiques pour faire des tableaux, des graphiques, mais également les possibilités de la langue française. Et c'est en parlant la langue courante correcte qu'il sentira la nécessité d'employer, pour se faire comprendre, un vocabulaire de plus en plus précis, de plus en plus spécialisé et adapté aux situations. Le milieu local permet d'appréhender la réalité dans sa complexité, l'étude des rapports et des relations devant être privilégiée. Les éléments de ce milieu doivent être représentés afin de permettre le passage de la réalité à sa représentation. Il est difficile de penser des exercices en séparant espace, temps et vie ; il faut au contraire envisager les trois concepts à la fois dans leurs relations et dans leurs relations vécues comme relations. Par exemple le déplacement des enfants vers un endroit ou un être vivant qui les intéresse est une occasion de construire l'espace en partant du vécu et une activité qui permet d'appréhender à la fois l'espace et le temps dans leurs relations avec la vie. L'étude des lieux, des paysages, des climats, des conditions de vie de l'homme, en relation avec son milieu (comment il se nourrit, comment il s'habille, comment il se loge, comment il vit en famille, comment il se divertit, comment il travaille, comment il se défend, comment il crée), ainsi que l'étude des conditions de vie des plantes, des animaux, dans les différentes régions et aux différentes époques, s'orienteront progressivement vers une découverte par l'enfant de la géographie physique, de la géographie humaine, de l'économie, des sciences de la nature, de l'histoire, de l'histoire de l'art, de la littérature... lieu, proche puis lointain, la domination, par l'action et la transformation du donné de ce milieu. Dans cette acceptation très large de l'étude du milieu, cette dernière devient pièce maîtresse de l'éducation, une véritable finalité (sinon la finalité) de l'action pédagogique, puisqu'elle va permettre au futur adulte, et déjà à l'enfant, d'avoir prise sur son milieu, de ne pas lui rester soumis. A la longue, la connaissance réelle, celle que l'on a forgée soi-même, avec l'aide de l'éducation reçue, est domination du milieu. Rien n'aliène davantage que l'ignorance des relations existant entre les hommes et leur « cadre de vie », que la méconnaissance des relations structurant ce milieu (il s'agit ici aussi bien des relations sociales qu'écologiques, historiques, géographiques). La connaissance, qui s'édifie par l'activité intellectuelle, sensorielle, motrice de l'enfant, est nécessaire à l'action qu'il entreprendra, devenu adulte, pour transformer le monde où il vit. A une étape ultérieure, au CM. 1 ou au C. M. 2, l'étude du milieu local devra être approfondie et élargie. En définitive, l'étude du milieu (prélude à la connaissance et à l'action sur le monde) apparaît à l'éducateur comme une fin autant que comme une méthode d'acquisition du savoir. Approfondie : La représentation du milieu devient plus rigoureuse. Celle-ci sera comparée à la représentation qu'en ont donnée les spécialistes. Aussi il faudra souligner la relativité des faits observés, la complexité du milieu, la multiplicité des relations des éléments du milieu et leur interaction. « Adaptabilité, esprit critique, participation active de l'individu à sa propre destinée, contribution personnelle à la promotion humaine qui entraîne la société des hommes dans un vaste mouvement irréversible », telles sont les aptitudes que peut offrir à l'enfant l'étude active du milieu où il vit. On comprend dès lors que cette étude soit à la fois une fin et une méthode d'éducation. La citation est d'Arnould Clausse, dont on lira avec profit la « Philosophie de l'étude du milieu » (Ed. du Scarabée) ». Elargie : Par exemple en passant de l'étude du quartier à celle de la ville, ou à partir de l'étude du marché, le maître peut apporter d'autres éclairages : un grand centre commercial, un marché d'Afrique du Nord. Pour cela, les moyens audiovisuels fournissent une aide précieuse. Ils invitent l'enfant à la démarche inverse à celle utilisée jusqu'alors. Il peut maintenant appréhender la réalité par l'intermédiaire des documents. L'éducateur pratiquant les activités d'éveil pourra se donner pour fin l'éveil de l'enfant au monde qui l'entoure, c'est-à-dire la prise de conscience de plus en plus lucide de son environnement, la connaissance progressivement construite de son mi- C) Rôle de l'étude du milieu (La totalité des exercices prévus dans les plans de travail doit s'effectuer à partir du vécu et dans le milieu familier à l'enfant qui est partie intégrante du milieu local). 33 L'enfant VIT DANS LE MILIEU i Activités physiques » sensorielles » psychomotrices Découvre le milieu dans lequel il vit Expression » » » » corporelle orale manuelle graphique écrite Par l'activité libre et l'observation active Tâtonnement Tâtonnement avec stratégie d'action l Expérimentation Jeux L'ENFANT parmi les autres Influence sociale nécessaire socialisation rôle du maître (centre de nos préoccupations) Agit . Pense .S'exprime en traduisant en code ce qu'il a vécu, et apprend à décoder pour retrouver le vécu. Découvre les milieux auxquels il n'a pas accès 1 par les documents D) Milieu et découverte de relations Il faut insister sur le fait que le milieu n'est ni l'extraordinaire, ni le sensationnel, ni ce qui permet d'illustrer une leçon. Tout est milieu dès que des êtres y vivent ! Ce qui est intéressant ce n'est pas la description des lieux mais l'étude des relations entre les êtres et le milieu dans lequel ils vivent. 34 lecture *» » » » de documents d'images de textes de graphiques de cartes etc.. Les êtres vivants ne sont pas ces animaux empaillés qu'on voit dans les musées — et qu'il faudrait décrire —. La vie se manifeste par des actions et des relations. L'être vivant s'explique par les relations des organes entre eux qui conduisent à l'idée de fonction, et par les relations de l'être avec leur milieu qu'étudie l'écologie. La commission de rénovation pédagogique était arrivée aux mêmes conclusions : « L'initiation à l'étude des faits naturels doit conduire l'élève non seulement au sens de l'objectivité mais encore et surtout, dans la mesure du possible, à l'idée d'ordre, de causalité, de lois quantifiées en permettant le dépassement de l'artificialisme et du syncrétisme spontanés. C'est pourquoi dans l'étude des faits naturels, les sujets tirés des intérêts spontanés et de l'actualité devraient être étudiés de telle sorte qu'on dépasse toujours la description superficielle ou purement verbale pour chercher à atteindre la précision du croquis, de la mesure ou la mise en relation ». La répétition des mêmes types de relation à différents moments conduit à la notion de cycles. La connaissance des « horloges vivantes » est aussi un moyen d'appréhender le temps pour l'enfant du C.P. Beaucoup d'exercices conduisent soit à l'écologie, soit à l'écologie humaine qui prendra quelquefois forme de géographie humaine, quelquefois d'économie et quelquefois d'histoire si on ajoute la dimension temporelle. pour établir des comparaisons avec d'autres milieux en d'autres lieux et en d'autres temps. Mais cette opération implique que l'enfant distingue le réel et l'imaginaire, sinon on entre dans le domaine de la pure fantaisie. Or l'enfant du cours préparatoire ne fait pas toujours cette distinction. La compréhension du milieu implique aussi que l'enfant soit capable de lire un document, une diapositive ainsi que toutes les autres formes de messages : textes réalisés par d'autres, tableaux, émissions de télévision, films, montages... F) Milieu naturel et milieu humain Cette étude du milieu n'appelle pas une distinction entre milieu naturel et imilieu humain ; il n'y a pour ainsi dire plus de milieu naturel. On ne peut pas se contenter de nommer les objets et de les décrire, mais on peut y voir un système de relations. « L'environnement de nos écoliers est de plus en plus technique et de moins en moins « naturel ». C'est l'univers technique, comme le remarquait déjà Wallon, qui est le milieu naturel de l'enfant et la Nature est de plus en plus pour lui un ¡monde lointain de l'évasion, du dépaysement, pour ne pas dire du mythe ; c'est curieux d'ailleurs de constater que la civilisation technicienne réinvente la nature comme objet d'évasion romantique ou lieu privilégié d'un paradis perdu. Mais par là même, il paraît indispensable de donner à l'univers technique, conçu de façon la plus large comme univers humanisé, la place importante qui lui revient dans nos programmes d'étude. Les sciences naturelles doivent céder le pas à la technologie ainsi comprise ; l'étude du milieu naturel se confond avec celle du milieu humain. La science est dans les œuvres de l'homme et non plus seulement dans la réflexion sur la nature » (L. Legrand). On peut trouver des lois de constitution interne dans tout objet, on peut énumérer des fonctions et entre ces fonctions exprimer des lois d'action (exemple : une fonction de translation nécessite une fonction de guidage). IV. REFLEXIONS SUR LA METHODE Une vieille maison est intéressante, non seulement par son architecture, ou son ornementation mais surtout parce que des gens y vivent ou y ont vécu, et qu'elle a été construite en fonction de désirs, de besoins et de traditions. En retour l'aménagement détermine dans une certaine mesure leur manière de vivre. Si l'être agit sur le milieu, le milieu agit aussi sur l'être. Une cuisine n'est pas un ensemble d'objets juxtaposés mais ces objets sont en relation avec des convives, un cuisinier, des fournisseurs, etc.. Elle est un système d'inter-relations et de fonctions. IL S'AGIT D'UN BILAN PROVISOIRE E) Sortir du milieu proche On voit aussi que comprendre le milieu c'est toujours à quelque moment s'évader du milieu proche Nous ne perdons pas de vue que les disciplines ont évolué et il faut prendre conscience de ces changements profonds. 35 — Non pas en cherchant à savoir la masse des connaissances nouvelles apportées par toutes les sciences. Un nouveau Pic de la Mirándole ayant accumulé tout le savoir du monde n'est pas imaginable, d'ailleurs à quoi servirait-il ; les ordinateurs feraient mieux dans ce domaine. — Mais il sera nécessaire de connaître, pour chaque science sa méthode de recherche et de découverte et c'est pourquoi la recherche pédagogique reste structurée en fonction d'un groupement disciplinaire. — Il conviendrait également, pour répondre aux exigences d'une épistémologie interdisciplinaire de se livrer à une théorie générale des structures. Nos ambitions présentes sont plus modestes et nous ferons simplement une sorte de bilan provisoire de réflexions communes faites en cherchant à réaliser, dans des classes: de C.P. des activités respectant les fins que nous avons précisées. tous les résultats obtenus. Le psychologue et le spécialiste interviendront au moment de faire l'analyse des résultats obtenus. Ces analyses pourraient porter sur des conversations enregistrées au magnétophone, des comportements enregistrés au magnétoscope ou plus simplement des dessins libres sur thèmes choisis en fonction des activités prévues : Dessine un bonhomme. Dessine ta classe. Dessine-toi et toute ta famille. Dessine les deux camarades que tu préfères. Dessine la cour de récréation. Dessine le chemin que tu suis pour venir à l'école. Dessine une voiture qui va à toute vitesse. Dessine une plante qui pousse (l'enfant explicite toujours ses dessins par un commentaire oral). « Tu te dessines : Avant l'école, pendant après l'école » sur une même feuille. A) Chercher à savoir ce que l'enfant peut faire IL FAUT D'ABORD CHERCHER A SAVOIR CE QUE L'ENFANT PEUT FAIRE, non pas ce que peut faire un enfant ou tel enfant, mais chacun des enfants de la classe dans laquelle nous travaillons. Il faut donc commencer par OBSERVER. Il ne s'agit pas d'entreprendre une recherche de psychologie, mais de pratiquer cet art de l'observation qui permet grâce à l'intuition, à la compétence, au respect de l'enfant, de déterminer par tous les moyens appropriés, où en est l'enfant au moment où nous nous proposons d'intervenir. Il faut avoir recours à une psychologie « militante », différente de la psychologie théorique, mais aussi indispensable qu'elle. Il ne s'agit pas de faire une étude générale, mais d'analyser objectivement les résultats des actions de nos élèves, dans tel C.P. et à tel moment, et c'est cette analyse qui doit guider notre action pédagogique dans ce C.P. Ces observations sont conduites de façon plus ou moins précise selon les possibilités de chaque maître. Il importe de conserver, de dater et de classer 36 l'école, idem avec : « Hier soir, cette nuit, ce matin ». Tu dessines : « Toi, tes parents et tes parents ». grands- Chaque équipe de recherche peut s'ingénier à trouver avant chaque action pédagogique des « exercices d'essai » qui montrent ce que l'enfant peut faire seul avant l'intervention de l'adulte. Il n'est pas impossible d'avoir recours à des tests. A titre d'exemple, nous indiquons quelques-uns de ceux que nous avons utilisés, tous choisis dans « Manuel pour l'examen psychologique de l'enfant », tome I. R. Zazzo : Delachaux. 1) Kohs-Goldstein, p. 263. 2) Droite gauche. Piaget, p. 50. 3) Genèse et formule de la latéralité. GalifretGrandjon, p. 18. 4) Epreuve graphique d'organisation perceptive pour enfants de 6 à 14 ans, p. 292 à 402. 5) Tests de possibilité motrice, p. 178-217. 6) Le style moteur, p. 218. 7) Trois épreuves de rythmes, p. 245. Certaines observations peuvent être conduites de, la maternelle au C M . 2. Exemple (E.N.F. Caen). Nous cherchions à savoir comment les enfants avec lesquels nous travaillions représentent l'espace dans lequel ils se déplacent journellement. Alors que ces enfants avaient déjà vécu trois mois dans leurs classes, nous avons demandé à deux maternelles, deux C.P. et deux CM., de réaliser l'exercice : « tu dessines ta classe » (sur une feuille blanche 21 x 27). Les dessins obtenus ont été observés, discutés, comptés, classés en fonction des éléments typiques, représentatifs d'une solution choisie par les enfants. Pour une classe, tous les dessins ont été transformés en diapositives, ce qui permit aux enfants, grâce à une projection, de confronter des opinions, de comparer leurs interprétations, d'inventer des solutions meilleures. Cet exercice fit voir les problèmes que posait pour eux ce changement de représentation de leurs propres dessins. Il n'est pas utile de rendre compte ici de la multiplicité des enseignements que nous avons tirée de ce travail. Jetons simplement un coup d'œil sur les résultats d'ensemble. Le même exercice, réalisé par nos collègues de l'E.N.G. en 1970-71 a donné, sur une autre population scolaire et en suivant d'autres critères de dépouillement, des résultats très voisins (cf. tableau ci-après). Il faut créer les conditions, provoquer leurs productions, leurs créations, leurs expériences, il faut les mettre dans des conditions de recherche et voir à quelles solutions ils aboutissent. Il faut donc que ces solutions soient leurs solutions. IL NE FAUT JAMAIS SE SUBSTITUER A EUX, il ne faut jamais leur apporter des synthèses ou des systèmes qu'ils ne sont pas capables de produire. Sinon, nous aurons l'impression qu'ils savent, ils répéteront ce que nous leur aurons appris ; mais en les forçant à répéter nos explications nous ne leur permettrons pas de construire progressivement les leurs. Il y a des étapes à respecter et l'âge importe moins que l'ordre dans les étapes. Une telle attitude pédagogique implique que le maître sache prendre le temps qu'il faut. Le but est de faire fonctionner le corps et l'esprit de chaque enfant et cela suppose qu'ils aient le temps d'essayer et de tâtonner. Mais pour ne pas laisser dégénérer l'activité il faudra parfois épauler l'enfant. Le maître pourra l'amener à « inventer une stratégie » qui limite le nombre des tâtonnements, stratégie qui pour l'adulte se situe au niveau théorique de l'intelligence abstraite mais qui, pour l'enfant peut prendre forme « d'essais méthodiques » se situant au niveau de l'intelligence pratique. B) Rôle du maître L'essentiel est de ne pas oublier que l'enfant n'apprend pas à inarcher en regardant les autres marcher pas plus qu'il n'apprendra le piano en se contentant d'écouter ou de regarder les autres jouer. Il doit agir et penser lui-même. Il ne s'agit pas d'abandonner les enfants à ce qu'ils sont, il ne s'agit pas non plus de leur apprendre de façon dogmatique ce que nous pensons devoir leur apprendre ; il s'agit de chercher avec eux toutes les solutions qu'ils sont capables de proposer pour résoudre tel ou tel problème. Ce que nous devons rechercher, ce n'est donc pas un programme (une somme de connaissances indispensables à la pratique de telle ou telle discipline) mais c'est un cheminement qui permette à l'enfant de s'éveiller à la connaissance par l'activité, par l'expérience sans cesse recommencée, mais jouée chaque fois sur un registre différent. Mais nous savons bien que les enfants ne vont pas faire tout de suite tout ce qu'ils peuvent faire. C'est en expérimentant avec eux que nous allons connaître leurs possibilités. Il faut les inciter à faire ce qu'ils n'avaient pas fait d'abord, il faut les obliger à chercher toutes les solutions qu'ils n'avaient pas trouvées dès le premier instant. Il ne faut pas attendre qu'ils trouvent tout sans aucune aide. L'enfant se fait très tôt des règles implicites pour utiliser et conjuguer les verbes que lui fournit le contexte social, et il avance progressivement dans une langue en se construisant des « grammaires > de plus en plus complexes, de même, les structures qui lui permettent de s'orienter dans l'espace et de se repérer dans le temps se construisent comme des systèmes de plus en plus complexes. Tous les systèmes utilisés par l'adulte dans les disciplines, 37 <? „. g Enfants inadaptés C P . 63' ( Í !» ^ ^% S CP enfants inadaptés S 2. i;^ • 3 w *-. - ' "du 3 3 T CP enfants inadaptés a3 S § CP enfants inadaptés 3 3" lu a« t3 ffi. 8l 3 3 (S JU ES o 3- ? S ET V 3 o' § é'éll CP enfants inadaptés f i«tg. rt> (D f+ ^ «; sSfS 5IH Mai SU £•" fC- g * a S [A § Pour 291 enfants CP CEI CE 2 Classe = maison = contenant CM1 CM 2 Y////////MVue plongeante Des éléments à la verticale Classe dans une maison Solution « plan » *• 4. J- +• J.*• 4. i- 4- 4- * . 1 Prédominance d'éléments vus de profil ? ? ? ? Indéterminé et confus aussi bien en linguistique qu'en musique, qu'en sciences, sont d'une extrême complexité mais l'enfant n'a pas besoin d'être linguiste pour parler, ni compositeur pour chanter. gique est encore de tppe purement dogmatique. L'extension de la rénovation en mathématiques comme en français pourrait bien dépendre, elle aussi, du même postulat. Tout se construit à partir d'un petit nombre de règles très simples et le système utilisé se complique en se développant, pour arriver par des systèmes de plus en plus complexes au niveau des disciplines. Mais si l'on veut faire apprendre à un enfant d'un âge donné certains types d'énoncés qui valent pour un autre âge ou pour l'adulte, iJ peut sans doute reproduire d'une certaine façon ce qu'on lui a appris (un croquis, un plan, une loi) mais comme il n'a pas été capable de le produire, il ne sait pas le réutiliser et il fait comme ces enfants qui dessinent « le plan de la classe que leur a appris le maître ». Le jour où nous demandons : « dessine ta classe », après un changement de disposition des tables et d'une partie du mobilier, ceux qui dessinent « le plan appris en classe » ne tiennent pas compte du changement, ceux qui dessinent avec leur propre méthode en tiennent compte.. Bien entendu, dans certains cas, ce changement n'est plus à faire, mais disons nettement que les activités d'éveil n'ont de sens qu'avec ce changement de style pédagogique. Pour apprendre, on ne peut pas se contenter de systèmes répétitifs, le but n'est pas de redire, mais de produire, de créer, d'inventer. D'où le rôle primordial que doit jouer la créativité. Mais de même que l'apprentissage de la langue exige un contact avec la langue, la « construction du réel » exige un contact avec les objets et avec les êtres. Les opérations exécutées réellement puis assumées mentalement constituent une démarche caractéristique de la pensée scientifique. Le rôle du maître est encore d'aider l'enfant de C.P. (qui définit le réel par rapport à lui), à se « décentrer ». Il doit passer de l'égocentrisme à cette idée que les autres existent, qu'ils ont aussi un point de vue sur les choses qui peut être différent du sien et la différence des points de vue appelle la recherche de l'objectivité. Au C.P., même Si la concertation est difficile et la constitution des groupes délicate, le maître devra « viser à une prise de conscience de l'interdépendance des membres du groupe ». On voit que la méthode dépend avant tout du rapport maître-élèves et du rapport des élèves entre eux. Rien ne sera possible, rien ne sera fait, rien ne sera rénové si nous ne changeons pas d'abord le rapport maître-élèves là où la relation pédago40 C) Schéma d'action pédagogique Le maître étant considéré comme animateur de l'activité des élèves et le sujet étant choisi (nous verrons ce problème au paragraphe 6), tout acte pédagogique pourrait peut-être se référer au schéma d'action ci-dessous : I — PHASE DE RECHERCHE POUR LES MAITRES Constitués en équipes, ils cherchent en adultes à voir quels problèmes posent l'espace, le temps, le plan, la carte, la girouette ou la dune. Ils clarifient leurs concepts, font entre adultes l'inventaire de leurs possibilités de leurs lacunes et formulent des projets d'actes pédagogiques. Mais tout ce que le maître aura découvert, il saura le taire et ne cherchera pas à l'enseigner dans la deuxième ou la troisième phase. Il se contentera de comparer ce que les enfants trouvent avec ce qu'il a trouvé et de suivre leur cheminement sans laisser au hasard le soin de les guider. H — PHASE D'OBSERVATION DES ELEVES MIS EN SITUATION Par exemple exploration sauvage du milieu ou toute autre situation de la vie courante. Laissons-les faire et voyons avec eux ce qu'ils sont capables de faire, quelles sont leurs « certitudes », leurs possibilités, leurs intérêts spontanés, leurs façons de résoudre tel problème, leurs idées préconçues ; que reste-t-il d'actions pédagogiques antérieures ? (Le groupement en équipes devrait être facultatif et les isolés devraient pouvoir travailler en soli- taire jusqu'à ce qu'ils sentent le besoin de coopérer au sein du groupe. De ce fait, les équipes devraient être ouvertes et susceptibles de varier d'un exercice à l'autre). III — PHASE DE REFLEXION ET DE COMMUNICATION MAITRE-ELEVES ET ELEVES-ELEVES Les enfants analysent avec le maître leurs premiers résultats. Ils prennent conscience de leurs imperfections, de leurs échecs, de la difficulté du travail demandé. Ils commencent à s'étonner, ils mettent leurs certitudes en doute. Ils envisagent les solutions proposées par les différents groupes ou individus. Ils les critiquent. Ils voient les problèmes qui restent posés. Ils proposent des solutions qui doivent permettre d'aller plus loin. IV — PHASE D'EXPERIMENTATION : pour obliger l'enfant à découvrir toutes les solutions qu'il est capable de découvrir. a) Grâce aux questions posées par le maître ou encore mieux grâce à celles posées par les élèves, partir en chasse contre les idées préconçues, les stéréotypes, les « certitudes », les clichés, les mots vides de sens, les réponses prématurées qui entravent la recherche et l'expérimentation, les jugements de valeur... b) Partir d'action, d'expériences vécues pour les analyser : Il faut aller avec les enfants à la recherche d'outils, de techniques, de méthodes qui permettent cette analyse. L'enfant essaie de comprendre, il compare, il tâtonne plus ou moins astucieusement, il mesure, il oriente, il note les résultats, il dessine, il photographie, il enregistre, il étalonne, il cherche des explications. La représentation doit déboucher sur une communication et elle peut, pour cela, utiliser différents langages : langue parlée, langue écrite, dessin, mathématiques et autres représentations symboliques ; mais dans ce cas le maître ne doit pas imposer sa représentation. Lorsque les enfants sont mûrs pour traduire le temps ou l'espace ou telle relation, alors et seulement alors ils choisissent leurs propres symboles. V — PHASE DE BILAN ET CONTROLE : Réflexion collective sur les résultats obtenus. Les élèves partent du croquis, du plan, du schéma, du tableau réalisé et ils vérifient que le réel correspond bien à la transcription qu'ils ont réalisée. Ils notent les critiques. La réalisation subit donc la double épreuve des faits et des autres. C'est à ce moment que les enfants jugent des avantages et des inconvénients du choix de tel ou tel symbole. Souvent alors ils sont amenés à retoucher leur représentation antérieure soit parce qu'ils ont constaté que ce qu'ils voulaient dire n'était pas compréhensible par tous les autres, soit parce que retournant à l'objet ou à l'enregistrement ils constatent une contradiction. C'est également au cours de cette phase que le maître fait avec les élèves le bilan du travail des groupes et du travail de chacun ; ils analysent les méthodes de travail et ils cherchent comment les améliorer, non pas en formulant des jugements de valeur mais en montrant des systèmes d'observation qui permettront une plus grande efficacité. Ainsi l'enfant apprendra à perfectionner ses m é thodes de travail. Il apprendra à collecter une documentation, à organiser sa tâche et il s'initiera au travail de groupe. VI — PHASE D'EXTENSION : c) Représenter l'expérience qui vient d'être vécue : C'est un moment délicat de l'action pédagogique et c'est à vrai dire de cette phase que dépend le choix des sujets à venir. Pour tout exercice, il faut que l'enfant passe à une représentation. Il devra s'assurer constamment que les autres (ceux de la classe, ceux des autres classes qui ne savent pas de quoi il s'agit) puissent comprendre ce qui est représenté. Le groupe ayant tiré diverses leçons de ce qu'il vient de faire, chaque individu ayant découvert de nouveaux intérêts et le maître étant présent, il faut formuler des propositions qui sont des points de départ possibles pour des expériences à venir 41 qui se situent dans le prolongement de l'acte pédagogique présent. Le groupe projette une visite ou une exploration complémentaire, il cherche à savoir si d'autres groupes d'élèves, d'autres hommes ont fait un travail semblable, et les résultats obtenus seront comparés. C'est à ce moment que le maître peut amener les enfants à retrouver l'expérience des autres qui a été traduite sous différentes formes (dessins, messages, bandes magnétiques, tableaux, flèches, légende indiquant le sens des symboles choisis). Ainsi l'enfant cesse d'avoir un point de vue unique et il sort du milieu proche pour accéder à d'autres lieux, d'autres hommes, d'autres temps. Mais parfois le maître devra sentir que l'intérêt des enfants s'est porté brutalement ailleurs. Puisque nous voulons développer les attitudes permettant l'intégration de la totalité de l'expérience de l'enfant, en particulier de l'école parallèle, il faut savoir faire à l'intérêt né de l'actualité, de la télévision, la place qui lui convient. « il s'agit de saisir toutes les occasions offertes par le milieu de vie immédiat ou lointain révélé par les moyens de communication » (Commission de Rénovation Pédagogique) . On verra d'ailleurs que les enfants reviendront d'eux-mêmes, après plusieurs semaines, à des intérêts antérieurs dont l'exploitation avait été temporairement interrompue. Le danger est de prendre le parti d'exploiter l'occasionnel au jour le jour en suivant les intérêts fugaces et anarchiques des différents éléments du groupe. Les enfants en viennent alors à observer superficiellement n'importe quoi, n'importe comment sans savoir exploiter les intérêts qui se sont dégagés. Les disciplines d'éveil deviennent alors très vite bavardage stérile. Si l'on se propose de faire éclater les barrières qui séparent les disciplines, ce n'est pas pour tomber dans un amateurisme généralisé, c'est pour permettre une formation de l'esprit. Si les exercices proposés jouent un rôle dans le développement de l'enfant, leur acquis doit pouvoir être défini et conduire à un effort d'évaluation : il importe de distinguer l'agitation, qui tend à cristalliser les conduites enfantines et l'activité authentique qui permet de les faire évoluer. 42 Il arrivera donc que le maître, animateur lucide et responsable oriente la curiosité des enfants vers des projets précis ou des objectifs susceptibles d'être exploités de façon féconde. Il se réservera le temps indispensable à la préparation et à la réflexion et sans se substituer aux enfants il présidera à l'organisation du choix des sujets. Ce rôle d'animation est particulièrement difficile à réduire en consignes précises. Il suppose d'une part que le maître jouisse de la liberté nécessaire, d'autre part qu'il ait une formation initiale et permanente de haute qualité et enfin qu'il reste curieux et inquiet. Il verra alors que ce schéma directeur n'est pas un plan de leçon ayant un début et une fin, mais la r e cherche d'un ordre qui permet à tout acte pédagogique d'ouvrir les voies à de nouvelles expériences. L'acte pédagogique est sans cesse à réinventer selon la situation et le groupe et il apparaît non comme le produit de la seule réflexion du maître, mais comme la découverte, permise par la communication, qui s'établit au sein du groupe maîtreélèves. d) Organisation pratique des activités Ceux qui souhaitent des renseignements plus pratiques et plus précis sur l'organisation du travail et le déroulement possible des activités peuvent les trouver dans le chapitre III et dans les extraits suivants du rapport de la commission de rénovation de la pédagogie : « Les six heures consacrées aux activités d'éveil comprendront 3 heures d'activités esthétiques (musique, dessin, travail manuel) et trois heures d'initiation à l'étude des faits naturels et humains. Une grande souplesse sera laissée pour la répartition de ces six heures hebdomadaires. La classe en « activité d'éveil » n'accepte pas un découpage artificiel du temps qui brise l'élan et le rythme du travail et qui disperse les idées. Quand l'enfant fait, dans un groupe qu'il s'est choisi, une tâche à sa mesure et qu'il a lui-même voulue, quand ce travail n'exclut pas que l'enfant bouge et qu'il parle à ses camarades de groupe, quand au surplus cet enfant a eu droit, dans sa journée scolaire, au repos et à l'activité physique dont son corps a besoin, il est infatigable à son travail, et il faut le plus souvent, malgré ses protestations, lui imposer la détente à la sortie de la classe »... « Il s'agira essentiellement de permettre des activités qui donnent une signification de langage, qui établissent le lien entre l'objet ou sa représen- tation et le mot. Chaque activité, qu'elle soit graphique ou d'observation ou de manipulation sera une occasion de langage à partir de la chose vue, touchée, entendue ; il faut, en tout cas, éviter une rupture avec la liberté de l'école maternelle, conserver à l'enfant l'usage du pinceau et de la couleur avec lesquels il s'exprime déjà et lier l'acquisition du mot au dessin et à l'objet ». 43 Chapitre II - Exemples I - ACTIVITÉS A DOMINANTE HUMAINE I. — PLANS DE TRAVAIL A L'USAGE DES INSTITUTEURS PARTICIPANT A LA RECHERCHE A) E.N.G. Arras B) E.N.F. Saint-Germain C) E.N.F. Caen D) E.N.G. Dijon II. — COMPTES RENDUS D'ACTIVITES REALISEES DANS LES C.P. A) E.N.F. Saint-Germain B) E.N.F. Caen I. PLANS DE TRAVAIL A L'USAGE DES INSTITUTEURS PARTICIPANT A LA RECHERCHE Le but de nos recherches est de servir ultérieurement aux instituteurs. Il convient donc de fournir des suggestions concrètes aux nouvelles équipes qui vont participer à la recherche. Les exemples que nous proposons ci-après ne sont en rien des modèles mais le point de départ pour une réflexion critique et une invitation à faire d'autres essais. La commission C.P. utilisait les travaux de trois équipes qui expérimentaient au niveau du Cours Préparatoire : E.N.G. Arras E.N.F. Caen (en liaison avec la maternelle) E.N.F. Saint-Germain-en-Laye (en liaison avec la maternelle). Ces trois équipes ont chacune éprouvé le besoin de rédiger un plan de travail à l'usage des instituteurs qui participaient à la recherche. Outre des consignes générales, chaque équipe avait suggéré aux maîtres des possibilités d'activités. Pour éviter les redites nous présentons ci-après les suggestions de chaque équipe amputées des consignes d'ordre général qui les accompagnaient et nous y ajoutons le projet de l'E.N.G. de Dijon. Ce sont ces projets, mis au point par chaque équipe, retouchés en fonction des réflexions de la commission C.P. qui ont été proposés à la discussion au cours du stage du 26 avril 1971 et qui ont permis de rédiger un « cadre-contenu ». En 1971-72, l'expérience pourra alors s'étendre à un plus grand nombre de C.P. travaillant avec le même schéma d'action. A) ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS D'ARRAS Responsables de l'expérience : MM. Longuet et Nolibos I. — REPRESENTATION DE L'ESPACE 1) Où en est la représentation de l'espace au C.P. ? C'est la première chose à préciser Une série de dessins peuvent préciser la structuration de l'espace et la représentation du mouvement, tout au long de l'année : a) Dessine les « moyens de locomotion » (nous partons en voyage. On va dessiner par quel moyen. Un entretien préalable les précisera). Structuration de l'espace. 45 b) Dessine ta classe (Après quelques semaines). Représentation d'un monde en 3 dimensions. c) Dessine la cour de récréation : intérêt triple. 1) Représentation de l'espace. 2) Lieu où l'on joue. 3) Mais aussi lieu où s'expriment les rapports de camaraderie et de socialisation. d) Dessine-toi en train de courir, sauter... en liaison avec une activité du même type qui vient d'avoir lieu en éducation physique, pour comprendre comment l'enfant a conscience de son schéma corporel et du mouvement. 2) Le concept d'espace : Il se construit progressivement à partir du schéma corporel et des exercices sensori-moteurs. Il faut arriver à l'espace représenté : diapositives ou maquette de l'école, de la classe. a) Exercices de latéralisation : sur le plateau de sports dans la classe, doivent amener la définition d'un grand nombre de notions qui demeurent incertaines ou imprécises : devant, derrière, entre, le long de... b) Recherche de repères extérieurs : délimitation d'un plateau, le maître pouvant constituer ce repère, fixe puis mobile. c) Changement du point de repère : faire demitour, observer la cour de la classe du 1" étage, du rez-de-chaussée, observer la classe de la cour. d) Exercices de sériation portant sur les distances e) Passage à la représentation — Le plateau de sports et les élèves - le maître. — Exercices dans la classe qu'on transpose ensuite sur le « dessin » de la classe (cf. aussi « les commissions de Poucet » proposé par Mme Wienert, E.N.F. Saint-Germain-en-Laye). — Diapositives de la classe, de l'école, prises sous des angles divers. Initiation à la lecture d'un document. La maquette de la classe. 46 II. LE TEMPS Cette partie a été développée un peu plus longuement, et discutée parce que nous nous sommes attachés principalement aux problèmes de structuration du temps en début d'année. 1) Objectifs : — Passer du temps personnel, subjectif ou affectif, au temps conçu, objectif. — Acquisition d'un certain nombre de mécanismes et notions élémentaires (succession des jours de la semaine - du mois - distinguer hier de demain, matin, midi et soir...). — Socialisation du temps et de l'enfant. — Prise de conscience du temps qui passe : comparaison des durées et relation d'ordre entre les événements. — Prise de conscience du temps écoulé : remise en ordre d'événements passés - d'un récit (-» en même temps, c'est une approche du témoignage). Problème important : comment représenter le temps qui passe ? Voir si l'on peut arriver à la frise (cf. exercice d). 2) Exercices On peut mener, dès le début de l'année, un certain nombre d'exercices qui visent à réaliser les objectifs ci-dessus définis A) Prise de conscience du temps. Mécanismes a) Raconter ce qu'on a fait : — avant de venir à l'école (exemple : du lever jusqu'à 9 heures), — durant la matinée, —» remise en ordre des souvenirs, —» I ro forme de représentation du temps qui s'écoule par des cartons représentant divers moments du récit - introduit la notion de frise. (=3 <Q je dors je déjeune je pars à l'école b) Le « journal de la classe » au mur : grande feuille de dessin sur laquelle on porte les principaux événements de la vie de la classe. c) Frise des jours de la semaine déroulée pendant plusieurs semaines. 1 carton par jour, coloré différemment selon qu'on est jour d'école ou non. Socialisation. Répétition au bout de 7 jours. — les moyens techniques de mesure du temps ; montre, sablier... — la vie : cultures et élevages. C) Le recul dans le passé d'après les éléments personnels et affectifs : vie propre (photographies), famille, élèves de la classe (se situer entre un camarade plus jeune et un autre plus vieux). d) Observation qualitative du temps. e) Viennent ensuite les notions de saison, mois, année. La difficulté essentielle que nous avons rencontrée provient des divers types de représentation du temps auxquels on aboutit. Exemple : le journal de classe (b) = représentation verticale ; la frise des jours de la semaine (e) représentation horizontale ; l'observation qualitative du temps (d) représentation horizontale mais discontinue. Chaque semaine correspond à une rangée. Enfin il est possible de représenter le déroulement de la semaine de façon circulaire : 7 enfants en cercle figurent les 7 jours de la semaine (d'autant que l'horloge et la montre adoptent cette représentation circulaire). Il serait donc nécessaire de se tenir à un type, celui de la frise des jours de la semaine. Sur des cartons assez grands on pourrait porter le dessin du temps qu'il fait (d) et l'événement marquant de la vie de la classe (b). On aboutirait ainsi à montrer des semaines « pleines » et des semaines « vides », notion qu'on retrouve en histoire. Un inconvénient matériel : où mettra-t-on la frise le dernier jour du trimestre, lorsqu'il faudra juxtaposer 90 cartons ? III. — RELATIONS ESPACE-TEMPS : LA VITESSE Objectifs : — Prendre conscience de la vitesse, notion complexe dont les enfants ont déjà une certaine connaissance (sorties en voitures avec les parents) : dépassements, lecture des cadrans... — de la relation existant entre temps et espace ; comparer les espaces parcourus pendant le même temps... Exercices : — quand je vais de chez moi à l'école (à l'occasion d'une sortie p. ex.). Voir l'itinéraire. Je viens à pied ou en voiture. — les autres moyens de locomotion des hommes, — la vitesse des animaux. En éducation physique : B) La mesure du temps Course entre 2 élèves. « On va compter pendant ce temps » ; comment représenter ces différentes courses ? Les enfants chercheront les réponses possibles. 1) Les éléments ci-dessus ont donné un premier type de repérages. IV. — SORTIES DANS LE MILIEU 2) Autres approches de la mesure du temps, fournis par différents moyens : On pourra en pratiquer un certain nombre tout au long de l'année. Les objectifs sont multiples : — le corps (rythme cardiaque), — les notions de rythme, — Observation d'un phénomène sur une certaine période : végétation. 47 — Prise de contact avec la complexité du milieu ; le milieu c'est à la fois la rue et le trottoir - le problème de la circulation - les maisons qui bordent, le commerce... On regarde les panneaux indicateurs de la signalisation routière. ... On regarde les arbres, on compare leur hauteur, leur grosseur —> — Première approche de la connaissance du milieu. Mesures naturelles : avec les pas, les bras étendus, une farandole. Invention de jeux : l'action s'associant à la compréhension et celle-ci favorisant le succès du jeu... V. — RECHERCHE ET CLASSEMENT DE DOCUMENTS Les premiers documents ont été soumis aux enfants à l'occasion d'exercices précédents. On va leur demander ensuite de choisir des documents à propos de thèmes qui les intéressent particulièrement : les vacances, les maisons, notre quartier... Objectifs •Ces exercices sont déjà pratiqués en maternelle <« exploration du milieu »). Ils apprennent aux enfants à réfléchir et à choisir, première approche de la pensée scientifique. Exemple : au cours d'une sortie dans la forêt, pendant l'exercice ou après, des enfants choisissent quelques arbres. Au signal, des groupes successifs de camarades doivent rejoindre en courant le plus haut, le plus gros, le moins haut... ou bien l'arbuste, l'arbre... (le langage exprimant ici d'ailleurs la différence spatiale). D'autres vérifications peuvent suivre en faisant intervenir l'éducation physique et l'éducation manuelle, le dessin n'étant pas assez probant. En éducation physique : jeux de ballons, expression corporelle (extension du bras, de la main —» loin, repliement du bras, application de la main sur le visage —» près étirement ~» haut, plus haut). En éducation manuelle, par exemple : S) ECOLE NORMALE DE JEUNES FILLES DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE Responsables de l'expérience : 'M"18 Wienert et M"e Priorez I. — DECOUVERTE ET UTttJSATION DE REPERES NATURELS ET DE « MODULES » DANS LES APPRECIATIONS DE GRANDEUR, DE VOLUME, DE DISTANCES... 1) découpage de silhouettes d'arbres, de maisons de tailles différentes en hauteur, en volume ; 2) disposition des silhouettes sur une feuille de papier selon l'agrément des enfants. Explication de la disposition choisie avec le langage acquis ; 3) inversement, présentation par le maître d'une autre disposition qu'il faut reconnaître. Passage à une perception objective - subjective. INotion de : II. — SITUATION DANS L'ESPACE : SITUATION DE L'ENFANT PAR RAPPORT A UN OBJET, UNE PERSONNE, UN LHEU. Plus haut moins haut SITUATION DES OBJETS LES UNS PAR RAPPORT AUX AUTRES gros loin moins gros près plus loin que moins loin que Une sortie dans la cour de l'école, dans une rue de la ville, dans un jardin, dans la forêt permet cette •découverte et cette utilisation. (On regarde les maisons, on compte les étapes..., comparaisons faciles avec les maisons préfabriquées...). 48 Cette situation s'exprime par des termes comme : en face de, à côté de, autour de, entre, parmi, à l'intérieur de, à l'extérieur... le long de, au bord de... à droite, à gauche... Les études de Decroly et de ses disciples suggèrent de nombreux exerci- ces associés : jeu des ordres, jeu d'identification de dessins, choix de l'étiquette portant le terme adéquat. Initiation à un repère : par rapport aux jours de la semaine, à la sonnerie, à la cloche..., aux vacances ; avant, après. Diverses 'manipulations d'objets (décorations, rangements), des dessins, des mouvements (Education physique), une histoire mimée peuvent prolonger cette initiation ou la vérifier, ou encore des photographies prises au cours des promenades, et même des œuvres d'art. Le témoignage artistique. L'illustration d'un même thème (animaux, arbres, fleurs...) et la notion de coloration personnelle et d'originalité. — Savoir imaginer les mouvements au lieu de les constater : marionnettes. III. — INITIATION A UNE CHRONOLOGIE OBJECTIVE, PREALABLE D'UNE INITIATION HISTORIQUE a) Situation dans le temps : avant, pendant, après ; et initiation au témoignage et approche de l'art. Types d'exercices : Relation exacte d'une promenade dont les observations (plusieurs magasins de même caractère, plusieurs arrêts, plusieurs reprises), présenteraient des possibilités de confusion. Relation d'un événement mémorable de la vie scolaire... Relation d'un événement survenu à d'autres personnes. Développement des exercices : IV. — INITIATION A LA CAUSALITE... AUX EFFETS D'UN PHENOMENE Cause naturelle : continuer les calendriers m é téorologiques de la maternelle en les enrichissant des observations sur les effets de la pluie, du froid, de la neige, de la chaleur.... Faire regarder ces effets à l'occasion d'une sortie manquee à cause du mauvais temps, ou facilitée par le beau temps. Cause artificielle : Conséquence d'une action des enfants (artifex). Utiliser par exemple les manipulations des enfants en travail manuel. « Je coupe... Je colle... J'entoure... ». Conséquences. Travaux manuels dans la rue, dans l'école : leurs conséquences. Initiation au donc, au parce que... Notion de responsabilité. Introduction à la faveur de l'initiation morale et socMe (psychologie de groupe). Les enfants n'écoutent pas leurs camarades parce qu'ils parlent tous ensemble, en même temps (retour à la situation dans le temps). Confrontation des récits des enfants Etablissement d'une relation conforme enregistrée. Contrôle ultérieur du souvenir. Audition de la bande. V. — INITIATION AUX REPRESENTATIONS CONVENTIONNELLES Représentation par une succession d'étiquettes dessinées, de l'itinéraire suivi, des faits observés et racontés. Initiation à la flèche (graphe) et à ses possibilités de représentation d'un itinéraire et d'une succession d'actions, de faits (cf. Math). Réciproquement découverte d'un itinéraire, d'une histoire par la « lecture » de sa représentation. b) Constatation des changements au cours d'une semaine, d'un mois ou d'une année scolaire. — germination d'une graine, développement d'une plante... — observation d'un arbre au cours des saisons, — une maison qui se construit, — un travail manuel qui s'accomplit. — les différentes phases d'une préparation de fête : Noël, la fête des mères, la fête des pères. Initiation à l'échelle : Il ne s'agit aucunement d'une explication, encore moins d'une initiation rationnelle, mais d'une sensibilisation ; à la suite d'une promenade les enfants peuvent éprouver le désir de construire une maquette ; maisons, arbres, ils peuvent apporter des jouets miniatures, autos, camions, animaux... Le maître introduit alors Un objet réel : une vraie feuille d'arbre, une vraie pomme de terre, un gland, des marrons ; les en48 fants constatent que « ça ne va pas ». (Pour nous ce n'est pas à la même échelle. Ils cherchent... et trouvent : ils refont d'eux-mêmes une feuille plus petite, un gland, des marrons plus petits pour mettre au pied des arbres, des pommes de terre pour mettre dans leur camion). Conclusion. Nous cherchons à éviter des exercices trop formels et trop inspirés d'un espace ou d'un temps artificiels, fabriqués pour les besoins scolaires. Les sorties fréquentes, l'observation de la nature, de l'action des hommes (adultes ou enfants) sur elle, la prise de conscience du comportement social de l'enfant (dans ses relations avec ses camarades, ses parents, les autres adultes) nous paraissent offrir suffisamment de possibilités. Elles permettent l'exploration consciente par les maîtres des concepts de base dont l'acquisition au C.P. se faisait auparavant de façon anarchique, occasionnelle et incomplète. L'initiation ultérieure à l'Histoire et à la Géographie pourrait ainsi bénéficier de cette exploration. C) ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS DE CAEN Responsables de l'expérience : M1" Leboucher et M. Bruneau ESPACE Dessins libres sur thèmes Dessine un bonhomme. Dessine ta classe. Dessine-toi tet toute ta famille. Dessine les deux camarades que tu préfères. Dessine la cour de récréation. Dessine le chemin que tu suis pour venir à l'école. dans le plan horizontal (devant moi, derrière moi, à côté de moi, près de moi). Groupements d'enfants. Recherche de repères extérieurs : objets orientables : devant une auto. Situer les objets les uns par rapport aux autres. Les déplacer sur ordre. Les déplacer et décrire leur déplacement. Personnages en modèle réduit déplacés dans une maquette. Essayer si les déplacements en biais sont susceptibles d'être acquis (un pas en arrière et à gauche, place cet objet en avant et à droite, etc...). Dans, hors de, le long de, extérieur, borde, frontière, traverse. Recherche d'un point de vue sur les choses, sur les autres, sur moi. Situer l'objet par rapport à un mur éclairé par le soleil à midi. Moi de face, moi dans la glace. Les autres, les observer et décrire de dos, de face, de profil, de dessus. Conceptualisation : maquette. Eléments essentiels et éléments secondaires, tâtonnement. Coopération. Schématisation. Transfert de point de vue. Représentation de plus en plus symbolique, d'où exercices sur : en file, premier, dernier, groupements. Points de vue sur les autres, sur une chose. Exercices de décentration. Je dessine, je photographie, je nomme, je reconstruis un dDjet vu de face, de profil, d'en haut (selon les rencontres dans le milieu : arbre, ruisseau, butte, route, maison, château d'eau, écoulement d'eau, etc.). Notre classe, comment pourrait-on la représenter pour que ceux qui ne la connaissent pas puissent la connaître et que ceux qui la connaissent puissent la reconnaître ? Reconnaître et décrire sur photos et diapos représentant 4 points de vue différents sur des objets, la classe, la cour, la rue... TEMPS Favoriser la prise de conscience du corps, relaxation. Schéma corporel. A réaliser en liaison avec un professeur d'éducation physique. Dessins libres sur thèmes : « Tu te dessines : avant l'école, pendant après l'école » sur une même feuille. Frise de conscience des objets par rapport à soi. Place des objets par référence à l'enfant : droite, gauche, milieu, dans le plan vertical (haut-bas) et Conversation libre enregistrée 50 La vie présente à l'école, dans la famille. Le présent, aujourd'hui. l'école, Evoquer les souvenirs du passé vécu. Ce qui t'est arrivé d'important depuis que tu es né. 1) Symboliser les jours : 7 rondelles, carrés, et de couleur différente. Notion d'hier, d'aujourd'hui, demain. L'instant et la durée : 2) Les construire en semaine (selon les solutions proposées par les enfants). 3) Au changement de mois, indiquer l'ensemble des semaines du mois. 4) Continuer cette représentation linéaire du temps vécu : a) sur tableau collectif, b) sur les accordéons individuels. Le temps qu'il faut pour faire quelque chose : à l'escargot pour faire un mètre, à un litre d'eau pour bouillir, pour vider un litre plein. Comparaisons. Représentations proposées par les enfants. Représentation linéaire. début fin. Les comparaisons amènent à « plus de temps que », « moins de temps que », « aussi longtemps >. Simultanéité. Top de départ. Repères possibles, recherche de tous les repères possibles : Un objet se balance à l'extrémité d'un fil (balancier) . Une boîte d'eau se vide doucement (clepsydre). Le sablier. Le compte-minute (la graduation considérée comme simple repère). Choix du repère : Mesurer le temps qu'il faut pour... en se référant à l'un des repères découverts ci-dessus. Mais si l'on observe un phénomène qui dure longtemps... un haricot qui pousse. Représenter le haricot à différents états instantanés. Recherche de repères commodes. Une journée : la repérer avec précision par référence à l'ombre d'un objet. Recherche de l'ordre : Chronologie d'une journée : symboliser les différents moments de la journée : je dors, je déjeune, je travaille, etc... Représentation de la journée, recherche de l'ordre de succession. Approche de notions telles que : matin, ¡midi, soir, après, avant, pendant. Construire le tableau du temps à mesure que nous vivons. a) tableau collectif au mur, b) tableaux individuels sur fiches pliées en accordéon. 5) Noter les simultanéités. Jeudi, il pleut, on a mangé des... Enrichir le tableau selon ce que les enfants vont demander à noter. a) Le temps qu'il fait. b) La plante qui pousse. c) L'état des arbres : notion de cycle. d) Les faits marquants de la vie de la classe. e) Des événements du monde, vus en réalité, à la télévision (observation ponctuelle). f) Des événements strictement personnels collectés sur des calendriers individuels. Dégager les activités principales et les activités secondaires, les activités publiques, familiales, personnelles. Organisation du temps à partir de repères qui ne reviennent pas régulièrement. L'âge, les générations : la vie, la mort, l'âge. Notion d'année. Quel âge ont : notre haricot, notre chat, notre lapin... Situation par rapport aux frères et sœurs. L'âge des enfants, des frères, des sœurs. L'âge des parents. Classer des photos de personnes par rang d'âge. L'écoulement du temps, début de généalogie : GM GM GP Père MOI 51 L'âge des choses. Si elles ne naissent ni ne meurent, d'où part-on ? dans la vie, au cinéma : mouvements accélérés des personnages, poussée accélérée d'une plante, etc... Dater un écrit, un objet. Les vitesses : Pose de première pierre, inauguration. Prendre conscience de la vitesse sur le plan vécu. Courses d'élèves, d'automobiles, d'escargots... Représenter les différentes courses : 1) dans l'espace, a) espace d'une maquette : trajet + vitesse, b) si possible sur un espace abstrait linéaire (essayer si cela est possible au C.P.). (N.B. Comparer les âges et dater un événement sont deux opérations mentales différentes). Liaison temps-espace au niveau vécu : Les rythmes : (voir travail parallèle effectué par une partie de notre équipe dans les classes maternelles). Tempo spontané, régularité. Structures rythmiques à reproduire. Coder des structures rythmiques. Compréhension du symbole. Recherche de symboles différents. Structures rythmiques à reproduire en partant des symboles. Ralenti. Accéléré : 2) Prendre conscience qu'un élément n'est pas représenté : le temps qui s'écoule. Quelles solutions les enfants proposent-ils ? Lecture de documents iconographiques : 1) Lecture purement descriptive : « je vois... ». 2) Projection culturelle : « je vois que... », j'interprète ce que je vois. D) PROJET SYNTHETIQUE D'UNE EXPLORATION ET STRUCTURATION DE L'ESPACE ET DU TEMPS PROPOSE PAR MARECHAL - E.N.G. DIJON éléments topologiques — — —• — — — — domaines-frontières itinéraires extérieur-dehors intérieur-dedans ouvert-fermé borde-coupe touche-entre objets dans l'espace formes : surface disposition volume comparaisons -f- long + court qualités liées à la position de l'observateur Position dessus-sur vers le haut dessous-sous « » bas devant en face de derrière à côté de à droite à gauche 1"' niveau 1 / de soi dans l'espace et le temps 1/ 2" niveau ==, 52 la representation Déplacement en avant en arrière à droite à gauche le temps durée(-| =) chronologie ; avant après pendant Eléments de progression d'une structuration de l'espace en éducation motrice, et objectivation du vécu 1. acquisition du schéma corporel, 2. prise de possession de l'espace-classe (place dans la classe-rangements) puis de l'espace-école (déplacements), 3 situation de soi-même par rapport à des objets repères (rôle des jeux saisonniers). 4. situation de soi et d'autres dans l'espace : occuper, utiliser tout l'espace : exercices et jeux de «dispersion», 5. exercices de « décentration vécue», jeux de position, de partenaire, de décisions, 6. notions d'alternance, 7. organisation dynamique et passage au codage puis au décodage, 8. relation espace-temps = la vitesse. II. COMPTES RENDUS D'ACTIVITES REALISEES DANS LES C.P. Nous avons retenu deux comptes rendus d'activités pour la section sciences humaines et deux pour la section scientifique. On remarquera que le concept de temps semble privilégié par rapport à celui d'espace. La Commission C.P. avait en effet jugé que l'entente était relativement facile au niveau du concept d'espace et que de tous côtés les travaux étaient déjà bien avancés. Par contre le concept de temps pose des problèmes beaucoup plus difficiles à résoudre. Il convenait donc de tenter l'exploration de ces difficultés. Le quartier urbain compris dans le périmètre scolaire associe la périphérie du centre commerçant de la ville et les débuts d'un quartier résidentiel. Les professions des familles des enfants se répartissent ainsi : Classe Classe M""" Vergnolle Mme Vaillant 22 élèves 21 élèves Cadres supérieurs ingénieurs médecins Cadres moyens Commerçants artisans chefs d'équipe A) ECOLE NORMALE D'INSTITUTRICES DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE 10 Recherches menées par M"18 Wienert, M"e Priorez, Mme Vaillard, Mme Vergnolte LES ACTIVITES PREPARATOIRES A L'HISTOIRE E T A L A GEOGRAPHIE Les recherches se sont développées dans deux Cours Préparatoires comprenant respectivement 22 et 21 fillettes. Les deux institutrices y enseignent les Mathématiques modernes et font partie l'une et l'autre d'équipes de recherche en Français. L'éducation physique est assurée par un professeur spécialisé attaché aux différentes écoles de la ville et très soucieuse d'interdisciplinarité. Ouvriers La plupart des fillettes des deux Cours Préparatoires ont suivi les différentes sections de l'Ecole maternelle voisine ou d'une Ecole maternelle d'un groupe scolaire proche. Une enquête dans ces Ecoles ¡maternelles a permis non seulement de prendre une vision plus précise des objectifs de l'Ecole maternelle dans leur originalité et dans leur spécificité mais aussi d'établir un inventaire des exercices dont la prolongation et l'approfondissement pourraient se révéler favorable à l'éveil de l'enfant au monde et au développement de ses compétences sensorimotrices et mentales. L'article de Mme Delehet dans le Bulletin1 de liaison de la Section des Sciences Humaines et Economiques 53 n" 2 (Cycle Elémentaire), le compte rendu des travaux de la Commission « activités préparatoires à l'enseignement de l'histoire et de la géographie (mai 1970), recevaient ainsi déjà une illustration concrète qui ne pouvait que favoriser une r é flexion sur la situation particulière des enfants au C.P. et sur l'orientation pratique des recherches dans cette classe, compte tenu des travaux des psychologues rappelés au cours des réunions à 1'I.N.R.D.P. (2 décembre 70, 13 janvier 1971, 24 février, 10 anars). Nous avons souhaité aussi tenir compte de la r e cherche entreprise au C E . pour mieux profiler ces activités préparatoires. Nous avons pensé qu'elles doivent nous permettre de déceler les stades auxquels l'enfant peut parvenir dès le C.P., de voir si des progressions sont possibles et si elles permettent d'aborder ensuite au C E . l'inventaire de sources d'informations historiques et géographiques offertes par le milieu local, selon les perspectives de nos recherches actuelles. Des orientations définies dès octobre dans notre projet envoyé à l'I.P.N., examiné et discuté en Commission C.P., ont dirigé cette année l'exploration des activités d'éveil possibles dès le Cours Préparatoire. Plusieurs difficultés sont apparues dès le début : 1) il convenait d'éviter les abstractions du langage psychologique pour pouvoir présenter le projet de recherche aux institutrices associées à l'expérience et soucieuses des objectifs fondamentaux du C.P. Mais elles ont très vite considéré l'intérêt d'une recherche qui s'exprimait déjà dans quelques-uns de leurs exercices et qui pouvait assurer plus d'unité à l'action éducative. 2) il convenait aussi de respecter le climat psychologique et éducatif des classes, l'originalité de chaque institutrice, le rythme du travail dans les autres disciplines et particulièrement dans les disciplines fondamentales. 3) il nous paraissait souhaitable aussi de tenter des liaisons d'interdisciplinarité différentes afin de varier et d'approfondir l'expérimentation de cette première année de recherche appliquée. L'un des cours préparatoires eut ainsi une tonalité de recherche plus nettement accordée aux Mathématiques. Le Bulletin de liaison n° 5 a rapporté l'exemple d'une série d'exercices développés par Mme Vaillard en liaison (1) avec l'initiation à la flèche. 54 L'autre cours préparatoire eut une tonalité plus sensible, l'environnement, le milieu de vie de l'enfant furent plus largement associés aux activités scolaires. Le même Bulletin n° 5 a publié le compte rendu d'une série d'exercices réalisés dans la classe de Mme Vergnolle « Notre place en classe» (1). Les exercices suivants témoignent de ces nuances. En voici le répertoire : I. Exploration de l'espace ; relations spatiales et milieu local. II. Initiation au temps par le déroulement d'actions successives. Initiation au témoignage et recherche de représentations objectives. — « l'histoire » d'une promenade, — la reconstitution d'un conte, — l'histoire d'une journée de travail à l'école, — événements mémorables. III. Exercices de lecture de photographies de tableaux. IV. Début d'une série d'exercices portant sur « notre vie d'enfants » vue à travers nos dessins et les dessins des autres. I. — EXPLORATION DE L'ESPACE RELATIONS SPATIALES ET MILIEU LOCAL Classe de Mme Vergnolle. Ces activités se sont développées au cours de promenades. 1) Comment ont-elles été choisies, où ont-elles eu lieu ? L'une de ces promenades a été proposée par l'institutrice : des enfants avaient parlé de leurs maisons d'habitation, remarqué la construction d'immeuibles dans la rue de l'école et dans les rues avoisinantes. Ce paysage familier en cours de transformations, offrait des possibilités de découvertes où jouaient le temps et l'espace. Deux autres promenades furent choisies par les enfants qui souhaitaient aller en forêt et dans un petit square planté d'arbres. Dans ces deux cas des fillettes ont elles(1) Voir chapitre HE. mêmes guidé leurs camarades et l'institutrice, selon l'itinéraire qui leur paraissait rejoindre la forêt ou le square. « non », « grand », « plus grand ». Des fillettes ont alors signalé la présence des bulldozers, des abris pour écarter le terme « petit ». 2) Exercices : latéralisation et orientation Des repères de temps ont été perçus : différents immeubles étaient à des stades différents de construction. « Cette maison n'a pas de fenêtres : on ne peut pas l'habiter ». — « On pourra habiter la maison (il s'agissait d'un autre immeuble) après l'autre ». Les conditions du choix, la nature des lieux ont stimulé de nombreux exercices de latéralisation nés du besoin même de poursuivre la promenade jusqu'au but fixé, ou du besoin d'expression et de communication entre camarades, entre les fillettes et leur institutrice : « j'habite là-bas dans la grande maison... Je descends la rue et je tourne à droite » - « pour aller à la forêt je traverse la place, la rue, je tourne à gauche... » et... « je tourne à droite pour rentrer à l'école ». La précision de l'action devenait la condition de la réussite de la promenade dont les enfants avaient pris la direction. Les exercices de latéralisation prenaient ainsi une nouvelle valeur. Des exercices de repérage ont été favorisés par l'utilisation des mêmes modules conçus dans la construction des maisons, par la diversité des objets, des choses, par les échelles variées : échelle des arbres, des constructions, du milieu scolaire. Ces repérages fondamentaux dans la localisation nous ont paru être le point de départ des exercices ultérieurs de « lecture » correcte de documents géographiques au CE. et au CM. où persistent des confusions de langage significatives de confusions dans les relations spatiales. La promenade dans le quartier proche de l'école a entraîné l'introduction et l'usage des notions de : à côté de, près de, le long de, dedans, sur, sous, plus haut, moins haut. Les étages comptés par les enfants ont été un début d'introduction à la compréhension de la mesure des longueurs et à la pratique de la mesure. Des discussions entre enfants ont éclaté sur la manière de compter les étages à partir du rez-de-chaussée. Le transfert d'attitudes a été nettement observé lors d'un nouvel arrêt ; les enfants, en regardant les arbres, ont remarqué la différence de hauteur des tilleuls et des peupliers et cherché à justifier leur appréciation « plus haut » ou « moins haut » par la référence aux étages de l'immeuble. La même animation a été inspirée par l'examen des fondations d'une maison : « un trou »... « petit », Dans la forêt, et dans le square à deux semaines d'intervalle les mêmes notions : plus haut, moins haut, ont trouvé leur réemploi dans un paysage nouveau plus captivant pour l'enfant, d'autres notions sont intervenues : gros, plus gros, moins gros, loin, plus loin, moins loin. Des jeux de reconnaissance associant perceptions et motricité conduisant aux concepts, ont été improvisés. Il s'agissait au signal de rejoindre en courant l'arbre le plus loin, le plus gros, le plus haut, le moins haut, le moins gros, parmi ceux qui étaient signalés par la présence à leur pied de quelques fillettes. Des vérifications dans la comparaison des grosseurs sont intervenues : des fillettes bras étendus ont entouré les troncs, mais les enfants maîtrisent encore mal ce mouvement, des tricheries destinées à faire place à deux ou trois camarades autour de l'arbre rendent difficiles ces mesures naturelles et ces comparaisons approximatives. Au cours de cet exercice et de ces jeux, il est apparu combien le vocabulaire pouvait bénéficier de ces activités préparatoires (exemple : arbre, arbuste, maison et immeuble,...). L'expression s'enrichit et se diversifie en même temps qu'elle se précise dans le besoin multiplié de la communication. 3) Dans quelle mesure ces activités ont-elles favorisé la formation de concepts et contribué à mieux structurer les relations entre les choses ? Les dessins pouvaient-ils en rendre compte ? Après la première promenade les enfants ont été invités à dessiner ce qu'elles avaient vu si elles le désiraient. 55 17 fillettes ont remis des dessins qui peuvent être classés en 4 groupes du point de vue de nos préoccupations. d'une fillette, leur faisaient découvrir dans un paysage différent, une ligne fermée ; la farandole et l'allée coupant le square, une ligne ouverte. — 3 représentaient des paysages et des maisons imaginées sans rapport avec la promenade. Des maisons aux toits pointus, schémas stéréotypés correspondant à des souvenirs, des illustrations. L'aide des rythmes scandant les mouvements, se révèle très précieuse dans la compréhension du temps, de la durée, longue ou courte, calme ou animée. — 1 représentait des éléments dispersés, fleurs, fenêtres, nuage aux quatre bords de la feuille. — 2 avaient retenu des arbres de hauteurs différentes. — 11 représentaient des maisons et des arbres de couleurs et de dispositions variées, rappelant les rapports découverts : « plus haut », « moins haut » avec des références à une maison et parfois avec ses étages. Il nous a semblé que dans certains cas, après explications des fillettes, les difficultés techniques avaient masqué des représentations mentales correctes. Aussi d'autres moyens d'expression leur ont été offerts en collaboration avec la maîtresse d'éducation physique, et une collègue d'éducation manuelle : Mlle Vallet, professeur à l'Ecole Normale. En éducation physique, des jeux de grimper à l'échelle ont eu lieu avec rappel de la promenade. Grimper,... en haut, plus haut, moins haut, rester au pied... Des mouvements avec bâtons, ballons, ont été introduits. Exemple : élever le bâton plus haut... lancer le ballon plus loin. Ces exercices se sont révélés très profitables pour le dépistage des hésitations, des déficiences, ainsi que pour l'exploration de l'espace et du temps. D'autres sont venus s'y ajouter ultérieurement en liaison avec nos activités d'éveil soit avant, soit après et sans uniformité. « Entre », « dedans », < dehors », « à l'intérieur de », « à l'extérieur », « au milieu de », « autour de », « en avant », « en arrière ». Les enfants retrouvent des situations déjà explorées, mais partiellement différentes. Ainsi la promenade « autour » du square, la ronde « autour » 56 En éducation manuelle, la promenade en forêt a inspiré la réalisation d'un tableau conçu comme un jeu de fonds avec des arbres de différentes grandeurs, découpés par les enfants après les avoir dessinés sur des papiers de couleurs différentes. La technique de l'ouverture des ciseaux et le geste dont dépendent la précision du découpage et la longueur découpée leur ont été expliqués. Les fillettes ont disposé d'abord librement leurs arbres découpés sur leur feuille. Elles ont expliqué cette disposition ; puis elles ont appliqué des consignes et réalisé ainsi d'autres dispositions selon la hauteur et la grosseur des arbres découpés — « entre », « grand », « plus grand », « encore plus grand ». Au cours de l'exercice, des hésitations étaient apparues avec l'emploi de « plus haut ». S'agissait-il de la place sur la feuille de papier... Le recours à ces différents moyens d'expression nous a donc paru très probant comme possibilité d'investigations et d'apprentissages dans une recherche comme la nôtre. Leur valeur complémentaire peut favoriser une meilleure formation des représentations spatiales et temporelles. 4) L'éveil de l'enfant au cours de ces promenades ne se limite pas au compte rendu de ces exercices. Les rues de la ville, la forêt, les rencontres, sont pour l'enfant l'occasion d'ajouter à son expérience familiale et à son expérience scolaire, celle d'un milieu de vie dont l'initiation à l'histoire et à la géographie peut bénéficier au cours élémentaire. De plus la relation avec l'adulte se fait en dehors des cadres habituels, ni scolaires, ni familiaux et la communication entre l'institutrice et les enfants, ou des enfants entre eux, s'en trouve favorisée. Le cours préparatoire s'établit ainsi dans la continuité de l'école maternelle. H. — INITIATION AU TEMPS PAR LE DEROULEMENT D'ACTIONS SUCCESSIVES. INITIATION AU TEMOIGNAGE ET RECHERCHE DE REPRESENTATIONS OBJECTIVES Quatre séries d'exercices, deux chez Mme Vaillard, deux chez Mme Vergnolle, ont pris une coloration « historique >. A) Première série - Classe de Mme Vaillard 1) Objectif : essayer de reconstituer le développement d'une promenade, et parvenir à sa représentation compréhensible pour tous, promeneuses ou non. 2) Les différentes phases a) Le mercredi 2 décembre, une promenade a eu lieu dans la rue qui longe l'école et dans quelques rues avoisinantes. Des arrêts ont eu lieu lorsque les élèves le souhaitaient. Cette promenade vécue avec plaisir par les enfants offrait la possibilité de souvenirs animés grâce à l'attrait de la poste, des garages (2), des deux places, de la pharmacie ! mais aussi de confusions dans l'ordre des découvertes puisqu'il y avait répétitions. Dès le retour de l'école les enfants échangèrent leurs impressions, discutèrent de l'itinéraire et des choses qu'elles avaient vues et s'entendirent avec l'institutrice sur une relation enregistrée de la promenade vécue. b) 2 jours plus tard, le vendredi 4, les enfants ont raconté devant des stagiaires la promenade du mercredi. Des difficultés leur sont apparues lorsqu'elles ont voulu rappeler les deux garages Ford et Fiat, dans l'ordre de leur rencontre. Etait-ce « d'abord »..., ou « après », ou « avant » ou « ensuite »... Des fillettes ont alors senti l'utilité de justifier leur récit « historique » par l'utilisation de repères précis dans l'espace : Exemples : la pancarte bleue de l'un des garages, la pompe à essence de l'autre, la charrette de la première place, le banc du square, la croix verte de la pharmacie. Mais il subsistait néanmoins des incertitudes : la charrette était-elle avant ou après la place... La discussion était vive. La maîtresse proposa d'utiliser l'enregistrement qui permit l'accord entre les enfants. La charrette était bien « après » le rond-point ! c) La 3e phrase — ce même vendredi — enchaîne sur cet accord réalisé par le témoignage de la bande enregistrée. Pouvait-on raconter cette histoire et comment ? Réflexion des enfants... Le dessin « trop long » est écarté. Les mathématiques ont déjà familiarisé les enfants avec les « codes ». Les fillettes recherchent donc ces codes qui seront des dessins très vite faits : représentation de la poste par une boîte aux lettres, représentation des garages, représentation de la place, représentation du square, représentation de la pharmacie. Le réalisme des détails caractérise de nombreux dessins, mais l'exposition de ces dessins par l'institutrice conduit les enfants à une autocritique sévère, judicieuse et justifiée. — Elles éliminent les dessins trop compliqués pour devenir des codes. — Elles écartent les dessins où le garage risque de se confondre avec la poste. — Elles retiennent pour codes les représentations faciles à reproduire et « lisibles » pour tous. Exemple : la pompe à essence pour l'un des garages, la pancarte bleue pour le second. L'entente sur le codage ayant été réalisée, une feuille est alors distribuée aux enfants avec un espace blanc à la partie inférieure et dans la partie supérieure des cases (8) correspondant au point de départ et de retour et aux différentes étapes de la promenade : les enfants ultérieurement pourront y inscrire les différentes étapes codées de leur itinéraire. C'est alors la 4e phase de l'exercice. d) 4° phase - la représentation de la promenade Objectifs : réflexion sur la possibilité de représentations différentes, compréhensibles pour toutes les fillettes et pour toutes les personnes présentes. 57 Les enfants dessinent — très vite — les différentes étapes de la promenade dans la partie inférieure de la feuille, à l'aide du codage choisi. L'ordre de ces étapes est revécu avec plaisir lorsqu'une fillette est invitée à le rappeler avant que tous les enfants ne l'indiquent par des lignes fléchées reliant les codes. met de retrouver des points de repère précis, mais aussi par la compréhension de la logique interne de l'histoire. — déceler si la tentative de représentation du conte sous la forme d'une frise peut aider à la structuration du temps et être une initiation au maniement de la frise historique. C'est un véritable suspens, l'histoire de la promenade faisant revivre la promenade. Il s'y inêle une sorte d'inquiétude morale et intellectuelle. Arriverait-elle à bien tout retrouver dans l'ordre ? Le « ouf » de soulagement et le soupir de plusieurs fillettes est très significatif. — l'exercice apporte également sa contribution à l'acquisition de la notion de relations : il a été précédé d'exercices mathématiques les précisant par des termes comme plus haut que, au-dessus de, plus petit que, juste avant, etc... Appel à la réflexion pour favoriser la réversibilité : les personnes qui n'ont pas fait la promenade pourraient-elles en connaître l'histoire grâce à vos dessins ? Peut-on voir d'où l'on est parti, ce qu'on a vu d'abord, ensuite.., avant de revenir à l'école. — Le conte « Les musiciens de la ville de Brème » de Grimm, a d'abord été dit en classe : c'est un âne, qui rencontre un chien, puis un chat, puis un coq le long du chemin. Ils partent l'un derrière l'autre dans cet ordre, s'installent pour passer la nuit sur les branches d'un sapin, la place de chacun étant soigneusement précisée (à la cime, audessus ou à droite d'un autre). Ensuite, ils repartent, arrivent près d'une maison, regardent par la fenêtre ce qui se passe à l'intérieur et pour cela forment une pyramide : le chien monte sur le dos de l'âne, le chat sur le chien, le coq au sommet, chacun très curieux de voir. Nouvel appel à la réflexion afin de provoquer le réemploi des mêmes notions. Peut-on raconter l'histoire de notre promenade plus simplement encore ? Que peut-on dessiner dans les cases, dans quel ordre ? Une fillette découvre que les dessins dans l'ordre des arrêts de la promenade ne suffiront pas ! La nécessité d'une ligne fléchée s'impose pour comprendre d'où l'on est parti : plusieurs fillettes découvrent en même temps cette nécessité. Ainsi la représentation n'est pas liée à un seul schéma, ce qui peut favoriser de nouvelles et souples adaptations dont l'apprentissage ultérieur de la carte, de ses conventions pourrait bénéficier au CE. et au CM. Les activités du 4 décembre (phases b, c, d) ont duré 1 h 30 environ. A aucun moment les fillettes n'ont paru fatiguées ; l'expression orale, le dessin, la réflexion mathématique se sont associés dans cette « histoire » de leur promenade. B) Exercice de reconstitution d'un conte - classe de Mme Vaillard, CF., rue Ampère Saint-Germain-en-Laye - 29 janvier 1971 — Buts de L'exercice : — vérifier comment les fillettes ont appréhendé la succession chronologique des événements racontés, non seulement grâce à la mémoire qui leur per58 — ses différentes étapes : Ils entrent en poussant la fenêtre, mettent en déroute les bandits attablés autour d'un gâteau, les mordent, les griffent, puis s'installent et dégustent le plat à leur place. — Les fillettes ont aussitôt après été priées de dessiner les faits de l'histoire qu'elles avaient retenus. Cette illustration a surtout montré le défilé des animaux sur la route, la halte dans l'arbre, les animaux à la fenêtre observant les bandits puis se régalant autour de la table. L'institutrice choisit six de ces dessins qui vont permettre la reconstitution du conte. — Quatre jours après, ces six dessins ont été placés au tableau dans un ordre fantaisiste. Il faut les reclasser en respectant l'ordre chronologique. Les fillettes y parviennent facilement, identifiant la place de chaque dessin dans l'histoire à des détails mais nous montrant en même temps que les relations ont été comprises : l'un des dessins montre trois animaux sur la route au lieu de quatre, une fillette dit « il faut le mettre au début car ils n'ont pas encore rencontré le chat ; sur deux autres apparaît la pyramide des animaux regar- dant par la fenêtre, mais sur l'un le coq est encore par terre, sur l'autre la pyramide est achevée : une fillette nous dit qu'il faut placer sur le tableau d'abord le premier dessin car le coq n'a pas encore grimpé sur le dos du chat. Les enfants se plaignent du petit nombre de dessins choisis, proposent d'en introduire d'autres, signalent correctement à quels endroits elles les placeraient sur le tableau, entre tel ou tel autre, devant ou derrière tel autre, avant ou après tel autre. — ce qu'il nous a montré —• d'abord qu'il était un excellent exercice de langage, les fillettes reconstituant par la discussion les épisodes successifs de l'histoire, se corrigeant ellesmêmes pour utiliser des termes de plus en plus précis (l'une d'elles parle du sommet de l'arbre, une autre de la cime ; l'une dit que les animaux voient la maison des bandits, une autre qu'ils l'aperçoivent). — qu'en même temps que la structuration du temps se faisait par la mise en place des événements les uns par rapport aux autres, la frise ou tableau amenait la traduction du temps par l'espace et l'utilisation synonyme de avant et devant, derrière ou après. — qu'il habituait les fillettes à localiser sur un dessin, presque « géographiquement » tel ou tel fait précis (la place des animaux dans l'arbre par exemple) et que cette activité motrice contribuait à la structuration de l'espace symbolisé sur le dessin et à une plus grande souplesse de mouvements. C) Deuxième série d'exercices ; classe de Mme Vergnolle Evénements mémorables, événements quotidiens. « Le temps des fillettes » et « le temps des autres » « mémoire sociale » Cette série d'exercices s'est située en décembre et en janvier, à la charnière de la fin de l'année et de la nouvelle, de l'école et des vacances, des fêtes et du quotidien. Pouvait-on observer ce que les enfants en avaient perçu, pouvait-on ébaucher une « chronologie » figurée, compte tenu de l'âge de l'enfant et du stade de son développement. Chaque matin le nom du jour est inscrit au tableau, une feuille mobile de l'éphéméride correspondant au jour est déplacée et imise en évidence par une fillette ; depuis le début de l'année scolaire, comme à l'Ecole maternelle des jours privilégiés ont été distingués par les enfants, imais pouvaient-ils commencer à concevoir « l'histoire » d'une de leurs journées de travail, l'ordre de succession des jours qui avaient tenu une place importante dans leur vie scolaire ou dans leur vie familiale. Les exercices concernant cette investigation ont comporté plusieurs phases : 1) Des dessins ont été faits à l'école par les fillettes lors de journées mémorables, mais sans aucune obligation. — l'arrivée du sapin en classe mardi 15 décembre, — la décoration du sapin mercredi 16 décembre, — le jour des vacances mardi 22 décembre, — le jour de la rentrée lundi 4 janvier. Ces dessins réalisés à l'école ont été faits sur papier écru. Le jour du départ en vacances l'institutrice a demandé aux enfants de lui rapporter un dessin de Noël, jour dont les fillettes avaient beaucoup parlé ! Une seule a retenu cette demande et remis son dessin le jour de la rentrée (dessin réalisé sur papier blanc). Dans l'entretien sur les vacances, les fêtes de Noël et du jour de l'an furent rappelées, et des fillettes dessinèrent alors le « Premier Janvier » sur papier blanc, d'autres la rentrée sur papier écru pour distinguer les vacances des jours de classe. L'ensemble des dessins, rejoignant les précédents, fut placé dans une pochette au nom de chaque enfant, et toutes les pochettes rangées dans le placard. 2) Le 12 janvier (durée 1 h ) , un premier exercice est tenté. Réflexion sur le travail fait à l'école « hier •». But : reconstituer dans les différentes activités représentation possible mander à chaque enfant l'école « hier ». l'ordre de leur succession, de la veille, chercher une et non pas seulement dede dessiner ce qu'il a fait à Déroulement de l'exercice — Pendant 10 minutes environ les propos des fillettes ne sont qu'un puzzle coloré où se mêlent les 59 souvenirs. L'exercice est l'occasion d'une expression orale dont l'intérêt psychologique est grand ; sans doute devrons-nous renoncer aux buts que nous nous proposions. L'institutrice se garde d'intervenir. Les discussions sont animées : elles sont provoquées par les oublis, la superposition des activités d'autres journées à celles du lundi 11, les interférences entre le matin et l'après-midi. Le temps vécu et les souvenirs qu'il laisse à chacune ne peuvent rallier l'unanimité des enfants. — Brusquement plusieurs fillettes découvrent des jalons : « on a tourné » (le lundi est en effet le jour où les enfants changent de place et tournent de droite à gauche autour de leurs tables groupées) ; « On a parlé de la lune », « on a raconté une histoire ». Ces jalons sont reconnus par l'ensemble de la classe. Ils permettent à un plus grand nombre de fillettes de retrouver et d'ordonner les souvenirs « d'hier », c'est-à-dire la rentrée en classe, « on tourne », « on fait le cahier de cantine », « on parle de la lune », « on lit »... — Comment ne plus oublier ce que nous avons fait hier ? demande l'institutrice. Cette question conduit à deux solutions : l'écrire, le dessiner. Les enfants préfèrent dessiner. « Mais il y a eu des récréations », «les moments où on ne travaille pas », remarquent deux fillettes. L'institutrice propose alors de prendre une feuille de couleur différente pour les présenter. Chaque fillette dessine alors selon son choix l'une des activités de la journée de lundi. — Ce sont ces dessins qui servent de point de départ à un essai de reconstitution de l'emploi du temps de lundi, « d'hier » sous forme de frise en partant de la gauche et de la scène de rentrée en classe. L'ordre chronologique n'est pas correctement reconstitué dès le début. La frise est enfin réalisée. « On peut retrouver ce qu'on a fait », remarque l'une d'elles. — C'est le point de départ de sa lecture — à laquelle s'ajoutent quelques questions de l'institutrice : qu'avez-vous fait juste avant la récréation,... après la lecture,... après l'écriture. Ce que nous avons constaté ? — Des difficultés : la première phase de l'exercice a témoigné d'oublis, de confusions normales dans les souvenirs des enfants. L'ensemble de la classe semble avoir ressenti cette confusion et pris conscience des oublis. Le déroulement de l'exercice a montré ensuite comment cette première phase, perçue comme un échec, a stimulé : a) leur attention aux souvenirs des camarades - la satisfaction de la découverte des jalons était évidente, b) leur recherche d'un moyen de fixer le déroulement de leurs activités, c) l'élaboration des concepts « avant », après », « plus tard ». La notion objective de durée, de mesure, « autant de temps », « a duré autant », « combien de temps », n'est pas apparue. Les enfants commencent seulement en mars, à remarquer en inscrivant au tableau les noms de chaque jour, « qu'il y a toujours 7 jours dans la semaine » ; et l'une d'elle observe « qu'il y aura 4 semaines dans le mois ». 3) Le 13 janvier, c'est-à-dire le lendemain, mais 9 jours après la rentrée et un mois environ après l'arrivée du sapin en classe, les pochettes de dessin sont sorties du placard et remises à chaque enfant sans aucune explication. Un deuxième exercice est tenté. Les fillettes constatent : Déroulement a) que des scènes manquent, — Chaque fillette revoit avec plaisir ses dessins et échange aussitôt ses impressions et ses explications avec ses voisines de table. Le même événement dessiné est reconnu malgré les différences et commenté. b) que le même travail est représenté par plusieurs dessins, elles choisissent donc l'un d'eux, c) que des scènes sont mal placées, « avant », ou « après » la récréation. Elis corrigent donc les erreurs en déplaçant les dessins mal placés, dans la matinée, dans l'aprèsmidi, avant, après..., plus tard. 60 — Que voulez-vous faire de ces dessins ? propose l'institutrice — « les regarder », «on va les ranger », répond une autre — et elle les place les uns au-dessous des autres, ce qui peut signifier « clos- ser » (automatisme scolaire, semble-t-il, influencé par les mathématiques, ou suggéré par l'exercice de la veille). Les fillettes adoptent la proposition avant l'approbation de l'institutrice. — Le Classement par chaque fillette La moitié des enfants ordonne les dessins correctement. D'autres ne savent où placer Noël et le Jour de l'An. Les fêtes de vacances semblent être à part sans qu'elles soient oubliées ainsi qu'on peut le constater lorsque l'institutrice interroge ces fillettes. « Il y a eu Noël » ; « il y a eu le Jour de l'An » — oui, pour les grandes personnes, ajouta l'une des fillettes. Celles qui ont classé correctement expliquent ce qu'elles ont voulu faire, « c'est l'ordre de toutes les fêtes qui se sont passées »... « Il y a eu le sapin », « après » le sapin décoré, après les vacances... Des repères sont trouvés avant, après les vacances, la couleur blanche représente les vacances et doit faciliter le repérage, une fillette le remarque. — Au tableau : Des dessins illustrant chaque fête au jour mémorable sont choisis parmi tous ceux de la classe. Ils sont placés au tableau par une fillette selon la disposition suivante : LA RENTREE JANVIER LE SAPIN DECORE L'ARRIVEE DU SAPIN LE JOUR DE L'AN VIVE LES VACANCES NOËL D'autres fillettes comprendront-elles notre histoire ? demande l'institutrice. « Non », répond aussitôt une petit fille. Elles croient que Noël c'est le sapin bien décoré. Une autre fillette propose de réunir les dessins par des flèches. Elle vient les dessiner au tableau. L'histoire est lue grâce à la flèche. Nouvel appel à la recherche : peut-on trouver une autre façon de présenter les dessins afin d'occuper moins de place au tableau ? Une fillette propose de les mettre sur le côté et vient les placer les uns au-dessous des autres. « Tout est en ordre » constate une autre petite fille. Mais plusieurs enfants souhaitent réunir les dessins par des flèches qui diront que « la première fête : l'arrivée du sapin c'est en haut ». l r e proposition 2" proposition « une grande flèche, grande comme ça » . Cette T proposition réalisee au t a bleau suscite l'admirât on des enfants. •\ Ck •> •> • n D a a a a • Observations Ces exercices ont montré a) que les enfants peuvent arriver à établir des relations d'ordre entre des événements vécus par SI toute la classe. Elles y sont entraînées par les mathématiques. Ces relations d'ordre qui permettent d'arriver à l'abstraction, peuvent garder à « l'histoire » du vécu enfantin son originalité. Le danger serait de l'éliminer. — Tenter de prospecter le contenu des représentations déjà accumulées par les fillettes du fait de leur contact avec le milieu familial ou scolaire. b) Elles peuvent trouver différentes manières de représenter ces relations et constater que ces représentations peuvent éviter l'oubli des événements vécus, et peuvent être comprises par d'autres fillettes ou d'autres personnes. C'est le point de départ d'une mémoire sociale. — Dans les deux cas la classe a tout de suite identifié chaque diapositive comme une photographie de tableau en même temps que son sujet : une mairie (d'abord confondue quelques courts instants avec la police, sans doute par mimétisme avec Saint-Germain où l'une et l'autre occupent le même bâtiment) reconnue aux drapeaux qui la décorent, et que l'on a située un jour de fête, un village traversé par un chemin où marchent des personnages. c) D'autres relations sont apparues : ébauche de la conscience des rapports entre les faits : le sapin est arrivé non décoré, les fillettes ont découpé des guirlandes, elles les ont fixées ; le sapin décoré dont elles ont gardé le souvenir heureux a été le résultat de leur travail. Elles ont très clairement rappelé leur rôle dans la transformation du sapin. DI. — EXERCICES DE LECTURE DE PHOTOGRAPHIES DE TABLEAUX - CLASSE DE Mme VERGNOLLE, C.P. RUE AMBRE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE 9 FEVRIER 1971 - 3 MARS 1971 Deux séances, séparées par un intervalle de quinze jours, ont été consacrées à cette lecture : - le premier a duré environ trente minutes et a porté sur « la mairie d'Auvers-sur-Oise le 14 juillet » par Van Gogh — Le second a occupé près d'une heure pour « Auvers-sur-Oise ». Van Gogh a peint sur ce tableau un chemin où marchent quatre femmes, un escalier qui descend vers le chemin et où se trouve un homme, des groupes de maisons à droite et à gauche. Buts des exercices — Aborder une initiation précoce à la lecture de l'image. — Essayer d'obtenir des enfants une structuration de l'espace que le peintre a voulu représenter, ceci en limitant au maximum les interventions de l'institutrice de façon à cerner aussi exactement que possible l'intérêt apporté par les enfants à ce travail nouveau pour elles. 62 Leur déroulement — Les fillettes ont ensuite décrit un élément essentiel de chaque tableau, le bâtiment dont elles ont remarqué la forme, la hauteur, le clocher, le cadran de l'horloge, ou, sur la seconde diapositive, les personnages s'intéressant aux vêtements, à leur couleur, aux coiffures. — Lors de la première séance, il a fallu une question de l'institutrice pour que l'on aborde la structuration de l'espace : « que voyez-vous devant » ? Cela a suffi pour que les enfants mènent une observation rigoureuse des divers plans représentés sur le tableau : elles ont vu en premier plan une chaîne placée devant un banc (car la borne qui porte la chaîne cache une partie du banc), une ligne de lampions tendue entre deux arbres, la maison qui se trouve devant la rivière et la rangée d'arbres qui la borde, car elle en cache une partie, une seconde ligne de lampions accrochée devant la mairie (si elle avait été derrière, cinq lampions, nous dit-on, auraient été cachés) ; elles ont également repéré ce qui était plus près d'elles, ou plus loin, ce qui était plus haut ou moins haut, que certains bancs étaient en face de la mairie ou sur le côté. Lors du second exercice, les enfants ont d'ellesmêmes abordé cette structuration avec une précision de vocabulaire étonnante : elles ont vu deux dames, en blanc, sur le chemin, dans le coin, en bas, à gauche, nous ont indiqué que l'homme qui descend l'escalier porte une canne dans sa main droite, que de la gauche il tient la rampe, qu'on le voit de profil. Elles ont aussi noté ce qui était en haut, plus près, ou plus loin d'elles, ont vu que le chemin tournait à gauche, passait derrière une maison L'institutrice a demandé où devait être placé Van Gogh pour peindre ce paysage. Elles ont dit « à peu près à notre place, derrière les dames qui marchent car on les voit de dos, s'il avait été devant on les aurait vues de face ». Elles ont senti là, sans formuler exactement leur impression, l'idée que ce que l'on voit change avec la place d'où on le voit, ce qui est une forme d'approche de la vision des autres et de l'objectivité. — Dans les deux séances les fillettes ont touché au problème du temps : sur la première image elles ont essayé d'identifier la fête représentée, ont renoncé à Noël faute de neige, ont pensé à une fête l'été. Sur la seconde c'est la succession des événements, en même temps que le mouvement des personnages, qui les a préoccupées : « quand le Monsieur aura fini de descendre l'escalier, les dames en noir auront-elles aussi avancé et il sera juste en face d'elles ». Les enfants ont d'ailleurs été sensibles à tous les mouvements suggérés par le peintre, notant en particulier le vent sur le premier tableau grâce aux drapeaux qui se tordent, aux branches et aux feuilles qui paraissent remuer. — Une question de notre part a introduit, lors du premier exercice, une dernière série de notations : une fillette avait remarqué l'herbe autour de la mairie, nous leur avons suggéré le caractère anormal de sa couleur jaune. Elles ont hésité ; cela pouvait être l'été, l'herbe était sèche a dit l'une ; une autre, vigoureusement soutenue par ses camarades, a mis une sorte de passion à nous dire que lorsque l'on peint ou que l'on dessine, on a le droit d'inventer, d'imaginer, que pour sa part elle pouvait fort bien peindre un écureuil rose ou un kangourou vert, que Van Gogh avait donc pu peindre l'herbe jaune. Lors de la seconde séance, elles ont également mis sur le compte de « l'imaginaire » ce qui était difficile à observer et à identifier. Il semble qu'elles soient très sensibles à l'originalité de l'artiste, qu'elles comprennent une vision et une interprétation autre que la leur. Elles ont aussi été intéressées par la technique du peintre, repérant les coups de pinceau sur le tableau, supposant que Van Gogh s'était servi d'un « gros pinceau ». Ce qu'ils nous ont montré — que ces enfants laissés libres de s'exprimer, faisaient preuve de beaucoup d'aisance dans la discussion, se corrigeant réciproquement à chaque observation, réussissant à progresser de façon collective. — que l'observation se révélait coup plus méthodique et plus l'avions supposé au départ, le toujours introduit comme un côté de l'espace. à chaque fois beauriche que nous ne temps se trouvant cadre d'analyse à — que l'intérêt de la classe pour cette activité nouvelle était très grand, les fillettes manifestant leur contrariété de n'être pas certaines de ce qu'elles voyaient lorsque le tableau était peu lisible. — que la seconde observation offrait plus de difficulté, l'exercice s'étant révélé un peu trop long par la tension collective qu'il entraînait et l'inconvénient de maintenir la classe dans le noir pendant toute sa durée. IV. — SERIE D'EXERCICES PORTANT SUR « NOTRE VIE D'ENFANTS » VUE A TRAVERS NOS DESSINS ET LES DESSINS DES AUTRES Classe de Mme Vergnolle, C.P., rue Ampère Saint-Germain-en-Laye, 16-17 mars 1971 Au moment où nous établissons le compte rendu de nos recherches en C.P., nous n'avons vu encore que le début de cette série qui doit se prolonger au début du dernier trimestre de l'année scolaire. Buts de l'ensemble des exercices Chaque enfant est sollicitée de représenter par le dessin quelques-unes de ses activités quotidiennes, d'abord à l'école, puis chez elle. Ces dessins doivent permettre de repérer les activités fréquentes, communes à un grand nombre de fillettes, puis celles qui restent relativement rares, d'établir ainsi les convergences et les différences dans l'organisation de l'existence des petites filles. L'observation d'une série de photographies de tableaux concernant ou montrant des enfants dans leur parure (Vélasquez-Renoir), leurs jeux (une ronde chinoise par Maï-Thu, l'enfant au mouton de Picasso, l'enfant au toton de Chardin), leurs travaux (la charrette de foin de Le Nain) doit permettre d'enrichir cette analyse du degré de socialisation, d'affiner encore l'entraînement des fillettes à "observation et à la perception des différences introduites par le temps. 63 Déroulement de la première étape — Une leçon d'éducation physique sous le préau de l'école en a été le point de départ. Les fillettes se donnant la main ont d'abord décrit une farandole, un « serpent » a-t-on dit, puis une ronde, la tête et la queue de la farandole se rejoignant. Puis des enfants ont quitté la ronde, par groupes de cinq, pour aller se placer au milieu de celle-ci, ou en dehors. D'autre part des bâtons ont été distribués à un certain nombre de fillettes pour que dans la farandole une sur deux en ait un, pour que, au moment où la farandole se transforme en cercle, l'alternance soit respectée, pour que l'on constitue d'autre part des groupes de trois avec au milieu une fillette tenant un bâton. Celui-ci change de mains et le groupe doit se reconstituer puisque la fillette qui le tient doit toujours être au milieu. — Les dessins traduisant ces jeux ont été faits l'après-midi même et leurs commentaires en classe quelques jours après. Ils nous ont montré d'abord qu'une moitié de la classe environ reproduit « le serpent » avec la succession des fillettes ayant ou non un bâton. On nous a dit que l'enfant qui en tient un est entre deux qui n'en ont pas, que la fillette sans bâton est entre deux qui en ont un, que si la première de la file en tient un, la dernière ne doit pas en avoir pour que l'alternance soit respectée quand la ronde se forme. Certaines se sont trompées, leurs camarades les corrigent en expliquant pourquoi. groupes de trois fillettes formant des ensembles dans des cercles fermés, les flèches indiquant les sens de déplacement de la farandole ou symbolisant les foras des fillettes qui se rejoignent. — Nous avons noté aussi les tentatives pour traduire le mouvement (par ces flèches en particulier) et le temps : une des fillettes dessine un groupe de trois où l'enfant au bâton n'est pas au milieu : « c'est parce qu'elles sont en train de changer et qu'elle n'est pas encore arrivée au milieu » nous dit-elle. Le temps apparaît également dans l'utilisation des couleurs : sur son dessin de la ronde l'une des fillettes explique qu'elle a utilisé des couleurs différentes pour indiquer les fillettes déjà sorties de la ronde, puis celles qui sont prêtes à en sortir, puis celles qui vont la quitter après, chaque groupe de cinq se trouvant ainsi identifié. — Ensuite a été projetée une photographie d'une peinture chinoise, « la ronde » par Maï Thu, une ronde de garçons et de fillettes, un petit garçon au milieu. La joie des élèves en retrouvant là un de leurs jeux a été évidente, l'une en particulier s'est souvenue avoir déjà vu ce tableau l'an dernier, au mur de sa classe à l'école maternelle. On a identifié des enfants chinois (j'en ai vus à la terrasse, j'en ai vus à la télévision), reconnu une ronde, montré qui l'on voit de dos, de face, de côté, qui est au milieu ; on a aussi repéré le sens dans lequel tourne la ronde à la direction des pieds en nous disant que l'on avançait en mettant un pied devant l'autre, les costumes, les couleurs ont aussi suscité beaucoup d'intérêt. — La représentation de la ronde a soulevé de nombreuses difficultés : l'enfant qui la dessine voit des fillettes en face, d'autres de dos, d'autres de profil. Certaines ont tourné la difficulté en ne dessinant que les fillettes que l'on voit de face et en terminant la ronde par une simple ligne, d'autres en plaçant tout le monde de face. Près de la moitié ont dessiné la tête en bas et les pieds en l'air les fillettes qu'elles étaient censées représenter de dos. Lors de la discussion elles ont souligné la difficulté, conclu qu'il fallait bien représenter certaines fillettes de dos, d'autres de face, mais que tout le monde avait les pieds par terre. Ce problème réglé on a encore, avec beaucoup de facilité, montré qui était au milieu du cercle, à l'intérieur ou à l'extérieur, qui était face à face, à côté d'une autre, à sa droite, à sa gauche. — Nous avons noté encore le goût très grand des fillettes pour cette observation, la joie devant certains tableaux, le goût des couleurs. — Nous avons noté au passage la place tenue dans ces dessins par les schémas de mathématiques, les — Une nouvelle fois le fait que la structuration du temps et de l'espace ne peuvent pratiquement se €4 — L'exercice doit se poursuivre avec un autre tableau, la « récréation » du même peintre. On ne l'a encore regardée que le temps d'identifier les jeux : deux enfants jouent au ballon, un autre se balance après un arbre, deux autres se battent (ou font du judo nous dit une fillette), d'autres forment une ronde, ou jouent avec un masque. L'identification a été très rapide, l'analyse dans le cadre da la structuration de l'espace représenté sera reprise ensuite. Ce que nous avons appris dissocier et que ces concepts se construisent en même temps nous est apparu nettement. — La maîtrise du vocabulaire caractérisant les principales relations d'espace semble certaine tandis que la moitié de la classe ne sait pas, par le dessin, représenter des fillettes vues de dos et en a conscience. Conclusion Nous tenons à rappeler encore qu'est resté pour nous primordial le fait que la recherche menée était appliquée et non fondamentale. Nous nous sommes souciées sans cesse de rester près des enfants, à leur niveau, de conserver à ces exercices ce qui pouvait séduire les fillettes, même s'ils ont, assez tôt, suscité plus de résonances que nous ne l'avions imaginé. Ils ont toujours entraîné beaucoup d'intérêt, d'activité, de passion même. Ce souci constant a peut-être limité certaines de nos investigations : par exemple nous avons pu repérer le rôle des mass média, de la télévision en particulier, dans la formation de certains concepts (l'enfant chinois, la maison japonaise reconnue à travers Van Gogh). De même nous avons pu entrevoir le rapport entre l'acquis de la formation personnelle et familiale et la rencontre de certaines activités concernant directement les fillettes, par exemple le judo identifié sur l'un des tableaux chinois parce que l'on en avait vu, qu'un des membres de la famille en faisait, que l'on espérait aussi en faire quand on aurait l'âge requis. Par contre nous n'avons pas essayé de voir cet acquis par des termes utilisés en histoire comme ceux de gouvernement ou de démocratie, qui nous avaient été suggérés, ne sachant pas comment les introduire au C.P. Nous nous sommes intéressés surtout à multiplier les situations scolaires, en rapport avec l'expérience des enfants, qui permettraient de structurer temps et espace et de préparer à l'observation correcte des documents. Les maîtresses des cours préparatoires nous ont fait part de leurs observations : dans les classes concernées par ces exercices, l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, des mathématiques, a paru plus facile. Peut-être les situations concrètes, lors des promenades par exemple, ont-elles permis de mieux s'exprimer et de communiquer, ont fait naître un souci plus grand de convaincre les autres, le dialogue dans la classe est devenu réel et permanent. Peut-être s'agit-il d'une coïncidence seulement ? Il faudrait que la recherche de l'année prochaine réussît à préciser ce point et s'il y a, ou non, lien de cause à effet. D'autre part, nous avons noté que l'on est parvenu dans nos C.P. à un stade de structuration du temps et de l'espace, étroitement associés, qui permet le maniement correct du vocabulaire fondamental associé à ces concepts et une approche, par ce moyen, de représentations lisibles par tous, ce qui est une forme de socialisation. Pour la première fois les institutrices ont vu apparaître sur les dessins des fillettes (rondes, cirque, cour d'école) une sensibilité, sans uniformité d'ailleurs, à la profondeur. Dans un autre ordre d'idées, la précocité de certaines activités d'observation en particulier, nous paraît offrir l'avantage que l'enfant apprenne à regarder avant que l'imagination favorisée par la lecture, n'intervienne et n'introduise ses schémas entre l'image et l'observation ; or cette attitude, source de dramatisation et d'erreurs, est fréquemment observée au C E . : par exemple, la vue d'Auvers-sur-Oise par Van Gogh, n'a entraînée au C.P. qu'une observation de caractère Objectif. Dans un CE., la même photographie a fait naître les impressions suivantes : le chemin est dur à gauche, les dames ont de la peine à avancer, les maisons que l'on aperçoit sont vieilles, pauvres, on doit y être malheureux : cette attitude nous paraît dangereuse, nous observons souvent en CE. et C M . des affabulations de ce genre capables d'être le point de départ de mythes persistants qui paralysent le développement de l'objectivité et le travail de l'historien. Par contre ces exercices nous ont amenées à penser qu'il pourrait être dangereux de concevoir d'une façon trop systématique leur réalisation, les enfants ayant du mal à renoncer longtemps après, à des images privilégiées : ainsi les arbres de la forêt sont réapparus de longues semaines dans leurs dessins, ce mode d'expression a également impressionné leurs cartes de Noël. Il est vrai que les signes mathématiques, les ensembles, les flèches, reviennent aussi assez systématiquement dans les dessins. Nous croyons d'autre part qu'une objectivation prématurée peut risquer de tarir la fantaisie et l'originalité propres à chaque enfant et génératrices de poésie et de personnalité. Ainsi, pendant la promenade en forêt, les fillettes ont dit à plusieurs reprises « ce n'est pas la même forêt » 65 comme s'il y avait pour chacune la sienne propre, à laquelle elle tenait, qu'elle connaissait par ses jeux antérieurs et refusait d'identifier avec celle des autres. Le recours à l'art nous paraît susceptible d'être l'antidote à ce risque de déshumanisation. La modestie de l'ensemble d'exercices que nous présentons ici peut paraître les situer seulement au niveau de schémas directement utilisables. Nous pensons qu'il appartient aux psychologues d'en faire le point de départ d'une recherche fondamentale, nous souhaitons qu'ils nous aident à en préciser les lacunes et à en percevoir l'extension et l'approfondissement possibles. Madame Wienert - Mademoiselle Priorez II. En partant de la photographie d'un manuscrit du XVe. 1) J'observe et je dessine une rue de mon quartier (centre commercial). 2) J'observe le dessin de la rue d'une ville fait par un homme il y a très longtemps. a) Commentaires oraux. Description et analyse de ce qui est perçu. b) Des enfants dessinent ce qu'ils ont observé. c) Retour au document initial. 6) Comment ces enfants de C.P. découvrent le musée de Normandie. I. Limiter les objectifs à atteindre. II. La visite, les enfants découvrent les objets ; ils observent et traduisent par des dessins et des commentaires oraux ce qu'ils ont vu. B) ECOLE NORMALE D'INSTITUTEURS DE CAEN 1) Il faut d'abord observer les enfants. 2) Comment passer de l'observation à l'exercice pédagogique. 3) Exercice fait en liaison avec l'enseignement des mathématiques (voir chap. III). 4) Comment ces enfants de C.P. perçoivent et traduisent les notions de « jeune, récent, vieux, ancien ». I. L'enfant se réfère librement à ce qu'il sait ou croit savoir. Il dessine animaux, plantes, personnes, maisons. II. Il distingue récent et ancien en partant de documents photographiques qu'il observe. 5) Comment des enfants de C.P. lisent un document iconographique. I. En partant de représentations préhistoriques d'animaux. Il observe, il décrit, il dessine, il compare, il se renseigne sur les auteurs des dessins. 66 III. Projet permettant de perfectionner le même exercice et de déboucher sur l'étude comparative d'un intérieur ancien et d'un intérieur moderne. Conclusion. 1) IL FAUT D'ABORD OBSERVER LES ENFANTS Travaillant sur plusieurs C.P., ce qui nous a frappé au premier abord, c'est la différence entre les cours préparatoires. Et nous étions sur le point de nous dire : « autant de C.P., autant de résultats différents ». Mais si on propose systématiquement la même difficulté à plusieurs C.P., on voit que les solutions apportées par les enfants sont du même type. Prenons un exemple : nous donnons à deux C.P. différents exactement la même consigne : « Tu dessines sur la même feuille ce que tu fais le matin, le midi, le soir ». Le maître se contente de donner la consigne et de ramasser les feuilles, il a cependant expliqué aux enfants : « en voyant votre dessin, il faut qu'on puisse comprendre ce que vous avez fait ». Beaucoup de dessins n'étants pas nets, on a ensuite demandé à chaque enfant de dire ce qu'il avait représenté et on a identifié les actions, ce qui prouve qu'au C.P. un grand nombre d'enfants ne sont pas spontanément capables de traduire un élément vécu qu'ils connaissent bien par une représentation symbolique compréhensible par tous. L'étude des résultats obtenus nous amène aux résultats suivants : SOLUTION I : Les de:;ins les plus riches représentent matin, midi et soir comme trois groupes, trois ensembles différents ordonnés. Les éléments qui se trouvent à l'intérieur des ensembles (jusqu'à 18) sont eux-mêmes ordonnés, soit à l'aide de flèches, soit à l'aide d'un chemin, soit sur une ligne horizontale. Ces dessins sont donc structurés ainsi : Je pars de l'école Je me déshabille» Je joue / Papa arrive»' l Vje mange et je me couche* Dans un C.P., appelons le C.P. 1, 4 élèves sur 30 ont choisi cette solution. Dans le C.P. 2, 1 élève sur 30 a choisi cette solution. Trois élèves sur les deux C.P. aboutissent à une représentation cyclique en triangle : Matin Soir SOIR MIDI MATIN Midi SOLUTION II : L'enfant représente trois actions et trois actions seulement, ordonnées en fonction du temps : soit verticalement : C.P. 1 : 0/15, C.P. 2 : 0/14, soit reliés par un chemin : C.P. 1 : 3/15, C.P. 2 : 0/14. (Au C.P. 2 on trouve 9 fois la solution : trois éléments juxtaposés sans ordre.) S'il arrive que l'enfant dessine sa maison, il ne représente plus alors des lieux mais trois moments dans une maison qui est un cadre temporel. En fait, une étude plus approfondie montrerait qu'il y a alors de nombreux cas intermédiaires, car l'enfant qui divise sa maison en trois moments peut par exemple continuer à opposer intérieur et extérieur si bien que les deux structures spatiales et temporelles interfèrent, ce qui donne par exemple : n Le matin je déjeune A midi je mange Le soir je me couche Au C.P. 1, 15/30 ont choisi cette solution. Au C.P. 2, 14/30 ont choisi cette solution. Les éléments sont ordonnés : soit horizontalement de gauche à droite : C.P. 1 : 12/15, C.P. 2 : 10/14, soit horizontalement de droite à gauche : C.P. 1 : 0/15, C.P. 2 : 4/14, Je déjeune je mange et je regarde la télé HN. ^ . [~>je joue dehors avec mes Soir Matin Midi avions dedans 67 SOLUTION l u : L'enfant figure 2 ou 4 actions qui se situent dans des lieux mais qui ne sont pas reliées par un ordre temporel. En fait il représente un espace. Exemple type : l'enfant dessine sa maison avec une seule pièce dans laquelle il y a une table et un escalier en haut duquel il y a un lit. Sur la table il place trois repas (matin au milieu de la table, midi à droite, soir à gauche du côté du lit) et il dit : « le matin je mange, à midi je mange, le soir, je mange et je me couche ». 7/30 ont choisi cette solution dans le C.P. 1, 6/30 ont choisi cette solution dans le CP 2. SOLUTION IV : Enfin nous avons trouvé un certain nombre de dessins extrêmement confus et non structurés. Une rapide information nous a appris chaque fois, soit que l'enfant était débile, soit qu'il avait des troubles affectifs très marqués. Les enfants en question avaient déjà été remarqués par les institutrices pour leur faiblesse et presque tous avaient été signalés au service de psychologie scolaire. Si petit que soit le nombre des enfants de l'échantillon (60 pour deux C.P.), on peut, sans avoir à faire une étude statistique, retrouver les solutions qu'ils proposent à un problème. Bien entendu, d'un C.P. à l'autre, le nombre des sujets ayant choisi telle ou telle solution varie et c'est ce qui fait la différence entre les deux C.P. Dans le C.P. 1, les quatre qui ont choisi la solution n° 1 sont aussi ceux qui trouvent le plus d'idées dans l'exercice que nous rapportons ci-après. Si l'on étudie ce qui se passe dans un CE. 1, on a des résultats à peu près semblables mais la notion de trois éléments à représenter est devenue plus imperative : 23/24 au C E . 1 au lieu de 19/30 au C.P. 1 et 23/30 au C.P. 2. Au CE. 1 on trouve 8 dessins sans ordre temporel et un dessin non structuré. Ces premières remarques ont été complétées par l'étude des relations interpersonnelles au sein des C.P. Par exemple, nous avons demandé à chaque enfant : « Tu dessines sur une feuille tes deux camarades préférées. Nous avons dépouillé les dessins et cons'ruit le psychogramme ci-après, Sans l'analyser ici en détail, chacun verra qu'il révèle une « étoile », Carole, deux petits groupes formés l'un autour d'Axelle, l'autre autour de Véronique G., l'une est la nièce de la maîtresse et l'autre la fille d'une institutrice de la même école. Apparaissent également des isolés que personne n'a choisi. D'autres observations du même genre ont été conduites sur les relations orales au cours d'une leçon, relations entre élèves et relations maître élèves. Dans le C.P. 2, avant d'entreprendre toute action pédagogique, nous avons également cherché comment les 30 enfants entendaient les notions : « avant, pendant, après ». Dans une première phase, les enfants ont dessiné librement sur le thème : « tu dessines ce que tu fais avant, pendant et après l'école ». Dans une deuxième phase, elles ont commeiré individuellement leurs dessins. Dans une troisième phase nous avons observé ces dessins et effectué une sorte de classement qui nous a permis de dégager une « base de départ » pour fonder les actes pédagogiques. 14 dessins sur 30 (à peine la moitié) représentent trois actions ou trois lieux, mais seulement 4 sont ordonnés dans l'espace de la feuille. Une seule enfant a divisé sa feuille en trois parties à peu près égales et a dessiné deux actions dans chacune d'elles. Son commentaire a été le suivant : Cette façon de poser la question : « Tu dessines ce que tu fais le matin, le midi, le soir » conduit la majorité des enfants à penser aux repas. « Avant l'école je me balance sur les barres, là c'est l'école. » C.P. 1 Je mange 44 fois Je dors 10 fois Je me lave 7 fois — Pourquoi ne te voit-on pas ? 68 C.P. 2 Je mange 45 fois Je dors 6 fois J e me lave 4 fois « Parce que je suis dans l'école et là (3* partie), je joue dans te bac à sable et je vais sur le toboggan. » Isabelle»^ J (absente)/ 5ophie. R O Valérie >0—*C\ Q Evelyne/^ a ^ / >>'> Sophie B \ Véronique MaKe- P|ascale Christine Florenci C-P, Nov. 70 69 — Que fais-tu encore après l'école ? « Je m'amuse avec des petites camarades à courir ou à sauter. » — Et puis ? « C'est tout ! » Elle a donc bien intégré les notions d'avant, pendant, après. Elle symbolise les notions temporelles par des actions réductibles à un verbe. Pour 10 sur 14 qui ont représenté trois actions, l'ordre n'apparaît pas. Exemple : AVANT je vais à l'école PENDANT on travaille APRES je joue au ballon Dans ce cas il arrive souvent que le dessin, revu huit jours après par la même enfant symbolise autre chose. Les trois notions d'avant, pendant, après ne sont donc pas acquises par l'ensemble de la classe, pas même la moitié de la classe, on voit aussi que presque tous les enfants sous-entendent que leur dessin est compréhensible, mais en fait, il ne le devient qu'avec des explications. L'ordre dans la représentation n'importe que pour quatre élèves et enfin à une exception près, « avant », « pendant » et « après » ne sont pas saisis comme des moments pendavt lesquels peuvent se dérouler plusieurs actions qui se succèdent. Pour 11/30 de ceux qui n'entrent pas dans les catégories déjà envisagées, le dessin représente deux ou quatre lieux ou actions (7/11 en comportent 2), (4/11 en comportent 4). Exemple : L'un d'entre eux juxtapose des balançoires, l'école, une cage et une maison. Commentaire : « Là, c'était le matin quand je me balance à la balançoire, là, c'était le soir avec mon petit oiseau, là c'est une petite cage. Pendant l'école quand on a eu la petite poupée Caroline, on va la voir, on écrit sur notre cahier : Caroline va bientôt arriver. » 70 « le soir ma sœur fait ses leçons, et là... (la maison) là, la chambre de mon / père, . _ _ _ / _ l à , la cuisine y — la cuisine est au-dessus des chambres ? « Non et elle fait un geste pour indiquer qu' « elle a représenté à la verti cale ce qui était à l'horizontale dans sa maison ». n Cette même enfant a donc à la fois des difficultés pour représenter trois moments, pour conjuguer les verbes dans un récit et pour représenter l'espace dans lequel elle vit. Pour ce groupe de 11/30 les notions d'avant, pendant, après donc donc encore plus floues. Ces enfants procèdent par association d'idées plus que par référence au temps. Ils n'ont pas pu réaliser la consigne qu'on leur avait donnée. Tout est structuré sur la distinction maison-école, on joue à la maison, on travaille à l'école. Il faudra tenir compte de tout cela dans notre action pédagogique. Enfin, pour les S derniers dessins : la représentation est très confuse. L'une de ces enfants a des difficultés d'élocution, les autres présentent des troubles divers. L'une d'entre elles, qui a sans doute aussi fait des mathématiques modernes qu'elle n'a pas assimilées commente : « là, c'est des courbes avant l'école, je fais des courbes fermées et des courbes ouvertes. » — Et après l'école ? « c'est une courbe qui est accrochée. » — Et là ? « c'est ma sœur qui part à l'école avec moi. » — Quand ? « Après l'école. » Pour ces 5 enfants, les notions ne sont donc pas du tout intégrées. Ces enfants ne sont pas au même stade de maturation que les autres. Toutefois ils ont mieux réussi l'exercice « matin, midi, soir », parce qu'au lieu de structurer sur la distinction maison-école, ils se sont référés aux repas et au sommeil. En faisant ce travail d'observation, on rencontre également des vérités qui n'ont rien à voir avec la structuration du temps mais qui n'en sont pas moins importantes pour favoriser une meilleure relation maître-élève. 2) COMMENT PASSER DE L'OBSERVATION A L'EXERCICE PEDAGOGIQUE ? Février 1971 Activités pédagogiques réalisées au C.P.II (classe de M"" fiioult). (Les dessins sur < avant, pendant et après » ont été utilisés pour fonder une activité pédagogique). Dans ce C.P., nous avons tout d'abord cherché à voir comment les trente enfants entendaient les notions « avant, pendant, après ». Ces élèves ont été invités à dessiner sur le thème : « tu dessines ce que tu fais avant, pendant et après l'école ». Un commentaire oral de leurs dessins leur a été demandé. L'observation de ces dessins nous a donné un certain nombre d'indications et une « base de départ » pour fonder les « actes pédagogiques ». Le tableau suivant permet de dégager l'essentiel : 14/30 élèves ont représenté 3 lieux, 3 moments, 3 actions dont : 4/14 ordonnés dans l'espace 10/14 sans ordre 11/30 élèves ont représenté 2 lieux ou moments, 4 actions dont 2 éléments : 7/11 4 éléments : 4/11 avoni* 1 école 5/30 élèves ont confus. représenté des éléments Les activités suivantes ont eu pour but principalement : — l'intégration des notions avant, pendant, après ; — la recherche d'un ordre, d'une succession organisée dans les activités vécues par les enfants durant la journée scolaire. LES NOTIONS L'ECOLE : AVANT, PENDANT, APRES La maîtresse a tout d'abord glissé les trois mots dans les textes de lecture pour que les enfants apprennent à les lire. Ces mots ont été inscrits sur de grandes étiquettes séparées. Toute la classe a joué avec ces étiquettes. Il s'agissait de les reconnaître ou bien de composer des phrases avec d'autres mots aoquis qui se trouvaient au tableau ou sur des bandes accrochées aux murs de la classe, ou enfin des phrases orales qui comportaient un ou plusieurs des trois mots. Par exemple : « avant l'école on a déjeuné chez maman. » Un jeu de ces trois étiquettes a ensuite été distribué à chaque élève, et à l'appel de l'un des mots, chacune devait lever le signe correspondant. Après la connaissance des trois mots, chaque élève a été invité à disposer les trois étiquettes dans un espace organisé. L'étiquette : « à l'école » avait été jointe aux précédentes. L'élève qui trouvait une solution, allait l'exposer à ses camarades à l'aide de trois grandes étiquettes qui pouvaient être déplacées sur le tableau. Plusieurs propositions furent avancées, elles furent critiquées et acceptées dans la mesure où un ordre était respecté : pendant* I école après l'école 71 yj r) avant après pendant pendant après l'école Après avoir joué avec les étiquettes, chaque enfant retrouvait le dessin qu'elle avait fait dix jours auparavant et qui nous avait servi à l'observation des élèves. Sur leur dessin, les élèves devaient placer le mot « avant », « pendant » et « après » sur la scène représentée qui convenait. Les 5 élèves qui avaient réalisé un dessin confus, posèrent leurs étiquettes n'importe où. En revanche, les 7 qui n'avaient dessiné que deux lieux, moments ou actions se montrèrent beaucoup plus préoccupées parce qu'elles se voyaient obligées d'exclure une étiquette (l'une d'elles de commenter : « il aurait fallu que je me fasse »). Pour ces 12 enfants, cette phase de l'exercice avait pour but de leur faire prendre conscience que leur représentation ne correspondait pas ou insuffisamment à la consigne donnée, et que seul, sans explication de leur part, leur dessin n'était pas ou imparfaitement compréhensible. Les 4 élèves qui ont représenté quatre lieux, moments ou actions, ne se posent aucune question (elles ont placé l'une des étiquettes à cheval audessus de deux scènes). Enfin les 14 autres, qui ont dessiné trois scènes, n'éprouvent aucune difficulté mais une enfant fait remarquer qu'elle ne peut ranger ses étiquettes dans l'ordre. (Cette préoccupation n'est apparue que chez l'une d'elles.) Une autre lui répond que l'on pourrait découper chaque scène et les ordonner. Cette solution est acceptée par toutes avec enthousiasme, à la fois parce qu'elles aiment se servir des ciseaux, mais aussi parce qu'elles voient la possibilité d'établir un rangement dont l'imperfection donnait du souci à beaucoup d'entre elles semble-t-il. 72 avant I école Nous avons remarqué que pour découper, la plupart ont entouré leurs scènes d'un trait de crayon qu'elles ont essayé de suivre avec plus ou moins de succès. Ce qui montre les difficultés qu'elles rencontrent encore à maîtriser leurs gestes. D'elles même, les enfants rangent les morceaux de leurs dessins représentant les différents moments et disposent les étiquettes « avant, pendant, après » qui correspondent. Dans cette dernière phase, il semble que les notions commencent à être intégrées par plus de la moitié des élèves, grâce à leurs recherches et à leurs propre activité. Mais le problème est loin d'être résolu pour les 5 élèves qui ne paraissent pas être au même stade de maturation que les autres. Aussi, pour éviter que certaines enfants restent dans une situation d'échec et pour développer chez toutes l'esprit de coopération, la maîtresse a proposé de composer trois panneaux. Sur le premier panneau, est placée l'étiquette « avant l'école ». Sur le second panneau, est placée l'étiquette dant l'école ». pen- Sur le troisième, l'étiquette « après l'école ». Chaque élève vient alors accrocher les parties de son dessin sur la ou les plaques de son choix et doit justifier ce choix. Une fois les panneaux remplis, les enfants leur ont choisi une place et un ordre. Cette disposition des panneaux dans la classe permet aux élèves qui ont des difficultés de pouvoir associer à tout moment le dessin et le support verbal. Enfin grâce à l'apport de toutes, les élèves retracent leurs différentes activités, par exemple : « avant l'école, nous déjeunons toutes, les unes jouent au ballon, deux autres courent pour aller à l'école, trois autres se suspendent aux barres... » Nous voyons alors clairement les activités les plus valorisées (les repas, les récréations et les déplacements). Les enfants constatent qu'elles ont à elles toutes représenté beaucoup plus de choses, qu'elles n'en ont chacune dessinées, soulignant ainsi d'elles-même, la richesse du groupe par rapport à celle de l'individu seul, mais aussi elles se montrent sensibles au fait que leurs représentations ne sont pas toujours compréhensibles par toutes puisqu'il leur est demandé des précisions par les autres. -^ ^ LE CODAGE ET L'APPROCHE DE LA SUCCESSION : Dans les exercices suivants, il a été proposé aux enfants de chercher des représentations qui leur permettraient de traduire leurs activités pendant l'école (c'est-à-dire pendant un moment où leurs activités sont communes). Le but était de se faire comprendre d'une personne étrangère à la classe (en l'occurence de Mme Noël, Directrice de l'Ecole). Après la récréation du milieu de la matinée, les élèves sont invitées à retrouver tout ce qu'elles ont fait depuis qu'elles sont entrées dans l'école et à chercher des représentations. Elles énumèrent leurs activités et proposent des dessins qui ont été discutés et schématisés au tableau. • ^ / £ A : le chef de groupe range les cartables. B : nous lisons au tableau, nous jouons avec le texte. C : nous écrivons sur notre ardoise. D : nous pendons ou dépendons notre manteau. E : nous jouons. La maîtresse rappelle la règle du jeu que les enfants ont tendance à oublier ; « Mme Noël pourra-t-elle comprendre avec nos dessins ce que nous avons fait depuis que nous sommes entrées dans l'école. » Une élève propose alors de flécher (notion qui a été acquise par les mathématiques antérieurement) pour indiquer l'ordre dans lequel les activités ont été effectuées. Elle vient alors expliquer son idée aux autres et commence à construire un itinéraire spatial qui représente un ordre chro- ^/E nologique (voir l'itinéraire en pointillé). Mais une autre élève signale qu'elles ont aussi joué avant d'entrer en classe, qu'elles ont pendu plusieurs fois leur manteau et qu'il faudrait plusieurs dessins de manteaux semblables. Une enfant propose alors de modifier l'itinéraire pour être plus précise. Peu à peu le schéma s'élabore avec toutes les idées émises et un fléchage définitif est établi, voir l'itinéraire en trait plein. (Ce qui ne veut d'ailleurs pas dire que la notion mathématique est intégrée par toutes, ni celle de succession.) Quand la classe estime avoir retracé complètement la succession des activités scolaires de cette partie de la matinée, nous demandons à Mme Noël d'éprouver notre codage. Cette phase s'effectue dans un silence impressionnant. Le « suspense » est total. Les élèves, prises 73 au jeu, surveillent toutes les paroles de la personne étrangère à la classe. Elles se sentent responsables de l'échec ou de la réussite. Le code s'avéra suffisamment clair dans l'ensemble, mais la maîtresse signala que tout n'avait pas été représenté. Les enfants avaient chanté, or cela n'avait pu être trouvé par M™ Noël, puisque ce n'était pas traduit par un symbole. Ces premiers dessins furent reproduits sur des étiquettes et distribués à chaque enfant. Au même moment d'une autre matinée où les activités avaient été semblables mais faites dans un ordre différent, les élèves sont invitées individuellement à ranger leurs dessins dans l'ordre où les activités se sont déroulées. Avec un morceau de craie, elles recherchent la succession : 16 ont réussi, 15 ont commis de nombreuses erreurs. Au fil des jours, le nombre d'étiquettes dans les enveloppes se multipliait. Chaque enfant dispose d'un jeu de 12 dessins. Deux exercices leur sont alors proposés, l'un consiste, à la fin d'une après-midi, à aligner leurs Avanl" le c a l c u l ( placé en second) Jr (chante) étiquettes afin de retracer chronologiquement les activités de la journée, or certaines étiquettes portaient les symboles d'activités n'ayant pas eu lieu ; ce qui devait permettre de distinguer les élèves qui avaient une conduite stéréotypée et celles qui avaient vraiment compris et qui élimineraient les signes inutiles (10 dessins étaient à ranger). 21 3 1 1 3 ont eu moins de trois erreurs, ont eu entre 3 et 5 erreurs, a commis une erreur de fléchage, n'a pas éliminé les étiquettes inutiles, n'ont rien fait. Le dernier exercice sur ce thème a consisté à prendre une séquence de travail comme repère et à ranger ce qui avait été fait avant, pendant et après. Ce qui devait permettre de voir comment les enfants allaient mettre en relation les activités pédagogiques successives. La séquence choisie a été celle du calcul. Les deux jeux d'étiquettes sont distribués. Il s'agissait d'ordonner des symboles représentants ce que les élèves avaient fait avant, pendant et après le calcul dans la matinée. Pendanh ( p l a c é en premier) Après lecalcul (placé le troisième) ( poésie) Les résultats ont été les suivants : 19 4 3 2 1 ont ont ont ont n'a réussi fait une erreur fait moins de trois erreurs fait plus de trois erreurs rien fait. Ces derniers résultats montrent que toutes les élèves de la classe n'ont pas acquis les notions pour lesquelles ces exercices ont été conçus. Elles devront être reprises ultérieurement sous d'autres formes, sinon nous risquons d'installer un mécanisme répétitif. Cet exemple permet de concevoir les difficultés d'un enfant du cours préparatoire pour prendre conscience des moments qu'il vient de vivre et pour les organiser. Il lui est encore plus difficile de représenter ces réalités pour les communiquer aux autres. Des exercices appropriés nous semblent être nécessaires pour l'aider à intégrer des notions (qu'elles soient mathématiques, prégéographiques, ou pré-historiques), mais ces exercices ne doivent pas devenir un entraînement systématique et quotidien, ils doivent se réaliser à l'occasion d'activités qui naissent de l'intérêt des enfants. Ils doivent lui permettre de chercher et d'inventer des solutions. 4) COMMENT LES ENFANTS DE C.P. PERÇOIVENT ET TRADUISENT LES NOTIONS DE « JEUNE », « RECENT » ET « VIEUX », « ANCIEN » I. L'ENFANT SE REFERE LIBREMENT A CE QU'IL SAIT OU CROIT SAVOIR Il est nécessaire que l'éducateur ait connaissance du système de repérage de l'enfant pour agir en tenant compte des idées qu'il possède déjà. me Dans un C.P. d'Hérouville (M Mondiegt, 22 élèves), nous avons demandé aux enfants de dessiner : un animal jeune une plante jeune une personne jeune une maison récente un vieil animal une vieille plante une vieille personne une maison ancienne Il fut convenu que tous les dessins seraient placés sur une même feuille, après quoi, les enfants ont travaillé librement. L'observation permet de faire ressortir les critères suivants : ANIMAUX Jeunes Vieux Petits 12/22 Plus gros 1 Les oiseaux volent 3 Queue et oreilles dressées . . 2 Foncé 3 Clair 1 Gros 12/22 Plus petit 1 Oiseaux à terre 3 Oreilles basses. 2 Avec des taches Clair Foncé 2 3 1 PLANTES (arbres) 15 Gros et grands 1 Petit Beaucoup de Peu de feuilles 10 feuilles Tronc foncé . . 1 Tronc clair . . . . 10 1 PERSONNES Sont représentés avec des objets marquant la vieillesse pour l'enfant (canne, lunet11 11 Petits Gros Sont représentées avec des objets ou par des actions liées à l'enfance (berceau, voiture d'enfant, jeu) . . Vêtements Petits Cheveux raides 5 4 2 Blanches, claires Avec antenne Vêtements longs Grands Indications : papa, maman . . MAISONS Sombres, déla15 brées, avec fissures et trous . . Sans antenne 1 télé Avec de nombreuses ouvertures, petites et compliquées, œil de bœuf, fronton 15 1 3 4 2 18 1 1 75 Des critères à peu près semblables seront retrouvés dans deux autres C.P. à propos des notions de « récent » et « ancien » (voir ci-après). IL IL DISTINGUE JEUNE ET VIEUX EN PARTANT DE DOCUMENTS PHOTOGRAPHIQUES QU'EU OBSERVE On remarquera que l'enfant de C.P. différencie les éléments du couple jeune-vieux en se référant à d'autres couples : gros-petit, clair-foncé, en l'airà terre, avec feuilles-sans feuilles, etc. (C.P. garçons Calvaire-Saint-Pierre, Mu" Parey, Mme Touzé.) Quelques-uns ont fait des remarques plus personnelles : les taches comme marque de vieillesse, petites fenêtres et œil de bœuf sur les maisons anciennes. D'autres se réfèrent à des stéréotypes : les personnes âgées ont une canne et des lunettes, elles ont des habits longs, etc. Partant de ces dessins, l'éducateur amènera les enfants à constater la contradiction qui existe entre les diverses solutions proposées : Jeune Vieux Gros Petit Petit Gros Foncé Clair Clair Foncé Et il les amènera : 1) à douter et à se demander par exemple si les enfants qui ont des lunettes sont plus vieux que les autres et si les lunettes sont nécessairement une marque de vieillesse ; 2) à observer : il les conduira visiter une maison récente et une maison ancienne, il fera également comparer un jeune chien et un vieux chien, etc. ; 3) il s'efforcera de leur faire dépasser la distinction simpliste « jeune », « vieux ». La poussée d'une plante l'aidera sans doute à montrer qu'il y a passage continu. On pourra alors amener l'enfant à reconstituer des séries évolutives, à classer du plus jeune au plus vieux des séries de dix photos (par exemple du poussin qui vient de naître au coq adulte, etc.) ; 4) il leur fera enfin saisir la relativité de la notion de vieillesse. Mon chien a 12 ans et mon voisin aussi, mon voisin est jeune et mon chien est vieux. 76 Les enfants ont acquis les mots : jeune, vieux, récent, ancien, ils savent les lire, les écrire, les employer dans le langage oral. Ils disposent chacun de deux cartes postales : 1) Rue dans un quartief neuf du CalvaireSaint-Pierre. 2) Ancienne maison à colombages (Maison des Quatrans). Ils ont également à leur disposition quatre étiquettes : jeune, récent, vieux, ancien. Ils doivent • 1) Placer les étiquettes sous les cartes qui correspondent. 2) Expliquer oralement leur choix. Résultats : a) Tous les enfants sauf un placent les étiquettes convenablement. b) Les justifications qui permettent la distinction sont les suivantes : RECENT Blanc, neuf, propre, rien de démoli 15 Beau 6 Tous affirment sans savoir décrire ce qui est typique. Carreaux, fenêtres Route, voitures, lampadaires . . . . 10 Il n'y avait pas de H.L.M. dans le temps ANCIEN Sale, noir, cassé, avec des trous . . Pas beau Bois avec torchis, X en bois Herbes sur le toit, sur le mur, mur un peu brûlé Portes, volets, fenêtres, carreaux C'est pas comme maintenant . . . . Bien qu'on parte de documents précis, il y a très peu de notations objectives caractéristiques, les seules que l'on note sont relatives aux colombages d'une part, pour caractériser l'ancien et aux lampadaires caractéristiques du récent. Dans tous les autres cas, l'enfant fait la distinction en se référant à une impression globale qu'il a beaucoup de peine à analyser et qui se traduit le plus souvent par un raisonnement tautologique du type : « c'est vieux parce que ce n'est pas récent » (sous-entendu : « Ça se voit bien »). L'enfant justifie alors ce qui lui semble évident en notant : soit un élément perçu sur le document : blanc, clair, neuf, noir ; A propos du bison, elles ne posent pas de questions et l'identifient sans hésiter comme « sanglier ». Elles ne portèrent aucun jugement de valeur sur les documents présentés. b) Dessines ce que tu as vu : à l'issue de cette séance, la maîtresse demanda aux élèves de dessiner ce qu'elles avaient vu. Elle obtint 29 dessins. soit un élément projeté qui n'existe pas sur le document : sale, cassé, avec des trous, rien de démoli, beau, pas beau. 20 représentent un seul document 3 représentent les trois documents 6 sont d'une extrême confusion. Il faudra donc apprendre à l'enfant à lire un document comme il lit un texte et en particulier, veiller à ce qu'il ne fasse pas dire à une photographie ce qui n'y est pas : la maison des Quatrans est sombre, mais elle est propre, elle n'est ni trouée, ni cassée, ni démolie. — Dans 13 dessins les détails ont été soigneusement notés (sabots, crinière du cheval) et on pouvait reconnaître les animaux observés. 5) COMMENT DES ENFANTS DE C.P. LISENT UN DOCUMENT ICONOGRAPHIQUE I) EN PARTANT DE REPRESENTATIONS HISTORIQUES D'ANIMAUX peints ou gravés sur les parois des grottes. Trois diapositives avaient été retenues : 1) Le cheval « chinois » de Lascaux (couvrant toute la diapo.). 2) Deux chevaux de Lascaux (dont le cheval chinois). 3) Un bison sculpté (d'une forme assez incertaine). a) La première séance n'a duré qu'une quinzaine de minute. Les fillettes du C.P. de Mme Rioult (Calvaire-Saint-Pierre) ont d'abord dit tout ce qu'elles voulaient. Leur intérêt s'est tout de suite porté sur des détails et rapidement elles ont apporté des explications : les traits verticaux qui se trouvent à côté du cheval représentent « une barrière », elles voient également « de l'herbe agitée par le vent » et « de l'eau ». — Mais dans 19 dessins il y avait des éléments imaginaires. 13 ont peint le ciel 3 une rivière 3 le soleil. Les commentaires oraux aussi bien que les dessins prouvent que les enfants de cet âge se laissent facilement emporter par leur imagination et qu'ils projettent sur les documents des éléments mythiques. Sans brimer leur imagination (car nous lui trouverons d'autres occasions de se développer), nous amènerons les élèves de C.P. à confronter leurs dessins avec le document : — Ils constatent qu'ils ne peuvent jamais tout dessiner (le dessin est toujours plus pauvre que la réalité). — Nous posons comme règle qu'on ne peut pas dessiner ce qu'on n'a pas vu. (Celui qui a vu une barrière peut dessiner une barrière... on discutera ensuite pour savoir si c'est bien une barrière, mais personne n'a vu un soleil.) c) Un seconde séance d'une vingtaine de minutes à une semaine de la première est réalisée en projetant : 1) les deux chevaux de Lascaux dont le cheval « chinois » 2) le cheval « chinois » seul 3) cerfs, taureaux et chevaux de Lascaux. 77 Les deux premières photographies ont été reconnues d'emblée et identifiées. Les premières interprétations ont été immédiatement reprises par les enfants, mais au cours de la séance, certaines d¿ ces affirmations ont été spontanément mises en doute. Sur la deuxième photographie, des enfants « voyaient » des pattes de chien, en revenant à la première qui donne une vue d'ensemble, elles constatèrent qu'il n'y avait pas de chien et il fallut alors interpréter autrement ce qu'elles avaient d'abord cru être une patte de chien. Parfois les enfants trouvent sur l'image une justification de ce qu'elles ont vu, mais la justification n'est pas celle que l'on pouvait attendre. Par exemple les enfants identifient un taureau, on demande si elles sont certaines que c'est un taureau : « oui, parce qu'il a des cornes » ont-elles répondu. Dans ce cas, on peut tout simplement se taire, « en attendant »..., mais dans d'autres cas, il faut savoir refuser la réponse. Il n'est pas possible d'accepter que l'enfant parle de « fusil » en évoquant les scènes de chasse préhistorique. D'une façon générale, les enfants de C.P. ont tendance à remarquer des détails qui servent de support à leur imagination. Mais ensuite, les interprétations imaginaires restent attachées aux détails et réapparaissent dans la discussion. Les commentaires que les enfants ont faits à propos des diapos 1 et 2 nous ont encore permis de voir comment elles s'expliquaient que le même animal (cheval chinois) figure sur les deux vues : — Certaines propositions reflètent un « conditionnement d'élève » qui traduit peut-être des « options pédagogiques » du maître. Passant de la vue 1 (chevaux dont le cheval chinois) à la vue 2 (cheval chinois seul en gros plan) l'enfant dit : « quand on en voit un plus gros, alors c'est celui-là qui doit compter le plus, on doit s'en occuper ». — Beaucoup d'enfants hésitent et ne savent pas pourquoi on voit deux fois le même cheval et pourquoi il est plus gros la deuxième fois. — Pourtant il y eut une et une seule réponse faisant appel à la façon de photographier : « le cheval est plus petit sur la première parce qu'on l'a pho78 tographié de plus loin ». Si les enfants étaient habitués à prendre des vues ou du moins à regarder à travers le viseur d'un appareil photographique, elles auraient certainement été plus nombreuses à faire cette remarque. Interrogées sur la technique qui avait été employée par ceux qui avaient fait les dessins, il y eut trois groupes de réponses : a) l'enfant imagine une solution : « un monsieur a peint sur des petites bouts de papier et quand ça a été sec, on les a mis dans une petite niche » ; b) l'enfant ne sait pas mais propose une démarche intéressante : « il faudrait le demander au monsieur qui l'a dessiné » ; c) enfin, il y a des enfants qui « savent » : « le cheval est peint sur la pierre, je l'ai vu à la télévision ». Cette dernière remarque nous amène à réaffirmer que le maître peut et doit jouer un rôle d'informateur éclairé. Il ne peut pas laisser à la télévision seule le soin de former les enfants. Il ne peut pas leur laisser tout deviner ni tout reconstruire. Enfin, nous avons voulu savoir comment les enfants se représentaient les auteurs de ces dessins. Tous conviennent que ce sont des hommes. Pourquoi ont-ils peint cela ? « parce qu'ils aimaient les animaux », « ils ont peint des animaux gentils », « mais pas des animaux vilains comme le renard par exemple »... ce point fut discuté. Il a depuis été l'objet dans un CE. d'une autre expérience sur la distinction « animaux utiles, animaux nuisibles... » pour qui ? Nous savions qu'une élève avait, pendant les vacances, visité des grottes ornées de peintures préhistoriques. A aucun moment elle ne fit le rapprochement entre les vues que nous regardions et ce qu'elle avait vu. Sans tirer de conclusions hâtives, constatons du moins que l'émission de télévision a laissé des traces plus certaines que la réalité elle-même. On pourrait aussi dire qu'il ne suffit pas d'avoir vu la réalité, il faut passer du vécu au représenté et établir un lien entre les deux : ce serait une illusion de sous-entendre que cela se fait naturellement. d) Une dernière séance tenta de leur apprendre quelque chose sur les hommes qui avaient fait de tels dessins. La classe fut divisée en groupes de quatre élèves et chaque groupe eut à sa disposition des photographies de peintures préhistoriques d'animaux et une B.T. où se trouvaient des reproductions de gravures de l'âge des métaux où les hommes ont représenté leurs travaux, leur vie et leurs croyances. — Les enfants devaient d'abord reconnaître, nommer et compter les animaux vus sur les documents. Le travail se fit sans difficulté et aboutit pour chaque équipe à dresser une sorte de tableau de fréquence de la représentation des différents animaux : Mammouth x etc. On notera tout de suite l'échec de celles qui comptent parmi les animaux des photographies d'animaux réels qui se trouvaient dans un autre article de la B.T. Elles n'avaient pas remarqué qu'elles passaient de la reproduction de dessins préhistoriques à la photographie d'animaux réels. Elles n'étaient pas capables de choisir, dans la documentation mise à leur disposition, ce qui se rapportait au sujet traité. — Enfin les enfants eurent à chercher comment s'étaient représentés les hommes sur ces gravures (scènes de pêche, de chasse, hommes se servant d'animaux pour tirer une araire). Les enfants d'un groupe réussissent à dégager des relations homme-animal-nourriture-pêche. Un autre groupe aboutit à la notion de chasse et de culture. C'est dans ce groupe qu'on vit des enfants s'imaginer que les hommes chassaient alors avec des fusils. Ce qui fut refusé par la maîtresse car « le document apportait une réponse qui n'était pas celle-là. » Une fois de plus, on vit que les enfants de C.P. interprètent les documents qu'on leur propose selon leurs intérêts et par référence à ce qu'elles vivent dans le présent. L'imagination les conduit à des anachronismes grossiers parce qu'elles manquent de critères pour arrêter leur interprétation à la limite du possible. Sans leur fournir les critères, on peut du moins les encourager à en chercher. Ces différents exercices ont montré que toute la classe prenait un vif intérêt à observer et à décrire les différentes photographies, mais seulement une moitié continuait à s'intéresser si on cherchait à leur faire découvrir des notions plus complexes en rapprochant plusieurs vues pour les comparer. L'intérêt, né à l'occasion de ces exercices devait cependant être profond. Quand les enfants écrivirent à leurs correspondants de Montauban, l'une des questions posées (entre autres questions relatives au mardi-gras) fut la suivante : « nous avons regardé des diapositives d'animaux préhistoriques. Y a-t-il des petits enfants qui ont visité des grottes dans votre région ? » II) EN PARTANT DE LA PHOTOGRAPHIE D'UN MANUSCRIT DU XVo (2 C.P., M"e Parey, 24 garçons ; Mm8 Touzé, 20 garçons.) Après avoir vu les critères employés spontanément par les enfants pour qualifier une maison récente ou ancienne, après avoir saisi un certain nombre de difficultés rencontrées dans un autre C.P. pour observer des peintures et sculptures préhistoriques d'animaux, nous avons cherché comment on pouvait améliorer cette approche du document iconographique. L'objectif consistait à faire retrouver ce que pouvait être une rue du Moyen Age, d'après un manuscrit du XVe. La stratégie d'approche du document a été la suivante : 1) Les enfants ont appris à distinguer, jeune, vieux, récent, ancien, selon la technique indiquée au § A. 2) Ils ont visité, puis dessiné une rue du centre commercial de leur quartier, de telle sorte que les enfants d'une autre quartier puissent connaître leur rue en regardant leurs dessins. 3) Autrefois, des hommes avaient visité, puis dessiné, comme eux, une rue de leur quartier. Pourrait-on savoir, d'après l'un de leurs dessins comment était faite une de leurs rues ? 79 1) J'observe et je dessine une rue de mon quartier : les enfants ont été conduits au petit centre commercial qui longe l'école et qui leur est familier. Nous avons déjà analysé la façon de conduire une telle activité chaque fois que, parlant de l'étude du milieu, nous avons défini la notion de « visite de sensibilisation ». Au retour, les enfants ont été invités à dessiner ce qu'ils avaient vu. Les résultats sont les suivants : 3/39 ont représenté un sorte de plan, presque juste 12/39 ont représenté une double rangée de boutiques superposées 16/39 ont représenté une seule rangée de boutiques 8/39 étaient des dessins très pauvres et très incomplets. Les boutiques les plus représentées sont : Le coiffeur (30) Le tabac (28) Le poissonnier (22) (charcuterie 19, boucherie 17, primeurs 16, droguerie 13, crémerie 11). Les boutiques les moins représentées sont : La teinturerie (9) Le bureau de banque (4). La moitié des dessins comporte des personnages. Puis, selon une pratique que nous avons déjà décrite, la maîtresse a choisi l'un des dessins et l'a présenté au reste de la classe. Les élèves ont posé des questions, ils ont formulé des critiques, ils ont complété ce qui manquait. Le but était de leur faire sentir qu'un « bon dessin » doit dire à des enfants d'une autre école tout ce qu'il y a en réalité dans notre rue, en essayant de ne rien oublier. Ils prirent conscience qu'ils n'avaient ni tout dit, ni tout vu et que même le meilleur dessin n'était pas intégralement fidèle à la réalité. Nous avons insisté sur ce point pour qu'ils puissent lire plus facilement ce qu'un auteur de manuscrit avait produit sur le même thème, cinq siècles auparavant. 2) J'observe le dessin de la rue d'une ville fait par un homme il y a très longtemps 80 La maîtresse a projeté aux enfants « la rue d'une ville au X V » avec cette présentation : «Il y a longtemps, un homme a dessiné une rue et des boutiques comme nous l'avons fait nous-mêmes. » a) Commentaires oraux : description et analyse de ce qui est perçu. Les enfants se sont exprimés librement. Le rôle de la maîtresse a consisté à faire préciser les questions et à favoriser les échanges. « On voit beaucoup de personnages. » « Les maisons n'ont pas de carreaux », « les gens sont dehors. » « C'est un marché, les gens achètent. » « On voit des assiettes jaunes qui décorent. » etc. Les commentaires oraux ont été transcrits et classés. Dans un C.P. les enfants ont tenu 49 propos qui expriment 67 remarques, dont 53 justes et 14 faus ses (ex. : je vois des avions). Observations exactes : 53 - Observ. fausses : 14 Relatives : aux maisons aux magasins aux gens et animaux . . aux rues à l'habillement 20 14 8 6 5 4 3 5 0 2 Dans l'autre C.P. on relève 38 observations : maisons gens, animaux magasins rues habillement 13 6 11 5 3 On remarquera le parallélisme des résultats. Dans les remarques exactes, on note que les enfants font des rapprochements avec le connu : « les gens ne sont pas habillés comme nous » « c'est comme dans nos marchés » Ils sont capables d'observations et de descriptions objectives exactes : « la rue est pauée » « les gens ont tous des chapeaux ». Leur intérêt se porte d'abord sur les choses : maisons et magasins. Leurs remarques prouvent qu'ils ne se contentent pas de décrire ce qu'ils voient sur la gravure, mais : — Ils font appel à des éléments extérieurs : La boutique du drapier. Les marchands. Les maisons à colombages. • comparaison avec la rue du « Gros Horloge » à Rouen, Les détails anachroniques ont subsisté sur les dessins ; l'écriture et les enseignes ne semblent pas avoir été remarquées. • allusion à la télévision : Quentin du Roi, ils se battent avec des épées, c) Retour au document initial : • allusion à la vie familiale : « Chez les murs de l'écurie... », Tonton, • référence à des faits : « c'était avant la guerre avec les Allemands « c'était du temps de Jeanne d'Arc ». », — Ils projettent sur la gravure leurs désirs enfantins : « Il y a un marchand de gâteaux » (le barbier). « Il y a des bougies sur des gâteaux » (apothicaire) . Ils projettent leurs sentiments : « Ça doit être triste ». Ils laissent aller leur imagination : « il y a des cages », « il y a des avions dans le ciel». On tombe alors dams l'anachronisme et dans la fantaisie. Un retour à la gravure devait permettre de refuser ces réponses. b) Les enfants dessinent ce qu'ils ont observé sur la gravure (un intérêt n'est qu'une invitation à l'activité, sinon, il meurt rapidement). Si l'on admet que le premier plan de la gravure est constitué par : à gauche La boutique du drapier à droite Le marchand d'épices au centre La rue avec deux personnages et un chien 35/43 ont représenté tout ou partie du 1er plan. 7/43 ont représenté une partie de l'arrière-plan. 4/43 ont fait une représentation confuse. Ces dessins reproduisent par ordre de préférence : La rue pavée. Dans une phase ultérieure, et après avoir examiné les dessins réalisés comme nous le leur avions demandé, les institutrices des deux C.P. concernés, sont revenues à la gravure, mais cette fois-ci de façon plus directive. Il s'agissait de corriger les anachronismes par une observation plus rigoureuse, il s'agissait de poser aux enfants les questions qu'ils ne s'étaient pas posées : « pourquoi avait-on suspendu 4 plats au-dessus de la boutique du barbier ? » Découvrant ainsi les enseignes, ils demandèrent s'il en existait encore et l'on convint de regarder dans les rues de Caen et au Centre commercial. La comparaison fut faite entre la gravure et le Centre commercial et la conclusion exprimée sous différentes formes, fut qu'il y avait beaucoup de différences : « autrefois, ce n'était pas comme maintenant ! ». Cette série d'exercices confirme ce que nous avons déjà rapporté dans plusieurs comptes rendus. Pour conduire les enfants de C.P. à faire une observation rigoureuse, il ne faut pas être pressé, il faut laisser les enfants faire leurs propres commentaires (mais ne pas leur laisser dire n'importe quoi). Le dessin est plus difficile à réaliser que le commentaire oral mais il permet de repérer rapidement les 6 ou 7 éléments du groupe qui n'ont aucune prise sur la réalité qu'on observe. Ils juxtaposent des détails mais ne perçoivent pas un ensemble. Wallon disait de l'enfant qui en est à ce stade : « Il semble qu'il ne sache qu'accoler entre eux les objets faute d'une intuition mentale de l'espace qui lui permettrait de les distribuer et de les ajuster suivant les directions exigées par les buts de son activité. » Encycl. 8.28. Les jugements de valeur disparaissent si l'on habitue les enfants à justifier chacune de leurs affirmations en montrant sur l'image l'élément probant. 81 Enfin, dans cet exercice comme dans les précédents l'enfant approche mieux l'image, s'il ne se contente pas de la regarder et de la décrire de façon plus ou moins passive (cette partie de l'exercice devient rapidement lassante et il ne convient pas de la prolonger par des artifices). Mais on peut amener l'enfant à participer à une re-construction de l'image. Cette reconstruction, tant individuelle que collective, nous place dans le sillage de l'histoire et elle permet au maître d'aider l'enfant à découvrir certaines limites que l'imagination n'a pas le droit de franchir, car je ne suis pas libre de faire dire au document ce qu'il ne dit pas. Par expérience, l'enfant apprend que le document ne dit probablement pas tout. 6) COMMENT LES ENFANTS DE C.P. DECOUVRENT LE «MUSEE DE NORMANDIE 7 Nous étions quelque peu réticents à conduire des enfants de C.P. au Musée de Normandie qui est pourtant très proche de l'école, d'abord parce qu'on y trouve une grande diversité d'objets allant de sépultures et bijoux mérovingiens j u s q u e l'artisanat au XIXe, et ensuite parce que ces objets ne sont que des Objets et que dans un musée on ne les perçoit plus comme objets en relation avec un milieu et avec des hommes. La visite fut malgré tout organisée, mais pour éviter la dispersion, il fallut résister à la tentation de tout voir. Les enfants n'ont donc visité que deux salles et la première visite a été limitée à 30 minutes. Les salles ont été choisies en fonction des intérêts témoignés par les enfants au cours de la visite d'une ferme. Ces intérêts correspondent aux résultats trouvés dans les deux autres C.P. La première salle regroupe l'équipement domestique traditionnel qui est évoqué à partir de plusieurs thèmes. 1) Le foyer : équipement de la cheminée, ustensibles divers. 2) La galette de sarrasin. Autour de la grande galette sont groupés les objets servant à la confectionner. 3) La vaisselle. 82 4) Le luminaire : porte-chandelles, lampe à huile, lanternes. 5) Le chauffage individuel : bassinoires, bouillottes, chaufferettes. La deuxième salle consacrée à l'agriculture et à l'élevage est organisée sur le thème : « De l'herbe... au lait. » 1) Outils pour la fauchaison et la fenaison. 2) Traite et transport du lait. 3) Ecrémage et fabrication du 'beurre. Dans cette salle on peut voir quelques photographies montrant les cultivateurs utilisant les outils. Nous aurions voulu que les enfants redonnent vie à tous les outils du passé qui avaient cessé de servir. Devant les objets de la première salle, certains enfants ont spontanément évoqué la maison de leur grand-mère et aussi ce qu'elles avaient observé sur des B.T. (outils de l'âge des métaux). Elles ont reconnu sans peine les assiettes, les palettes pour retourner les galettes (« c'est pour décoller endessous »). Elle ont été très intriguées par l'ensemble « chauffage individuel ». Devant les bouillottes en terre cuite elles ont dit : « maintenant elles sont en plastiques » et elles ont tiré de tout cela une curieuse conclusion qui mériterait d'être analysée et reprise avec elles : « Dans le temps, il devait faire froid, il y avait beaucoup de choses pour se chauffer ». Dans la salle II (pour un groupe). Les charrues ont été le centre d'intérêt. Il y en avait trois. Les enfants ont commencé par observer la plus grande et la plus perfectionnée. Elles parlèrent successivement des roues qui ressemblaient à des roues de charrettes, des chevaux qui avaient du tirer cette charrue, du soc et du versoir qu'elles ne savaient pas nommer, mais l'une d'elles dit : « les chevaux avancent, ça roule et ça coupe la terre », une autre poursuivit : « comme ça » (et elle fit le geste de retourner. Elles placèrent également devant la charrue un laboureur imaginaire et conclurent qu'il devait avoir de grands bras (l'écartement des mancherons était en effet considérable). Ensuite elles ont comparé cette charrue aux autres ; elles constatèrent qu'un des socs était pres- que entièrement en bois et discutèrent pour savoir laquelle des trois était la plus ancienne. « Il n'y a pas beaucoup de choses sur celle-là, elle est plus vieille ». C'était exact. « Celle-là est la première qu'on a inventée, cellelà est la deuxième, et la plus grande, c'est la troisième qu'on a inventée ». « C'est la plus grande qui est la plus jeune ». Elles témoignent plus d'intérêt à des charrues anciennes et réelles qu'à des photographies, mais tes photographies deviendraient intéressantes si les enfants y retrouvaient les objets observés en réalité au musée. Dans la seconde salle, elles furent également intriguées par la baratte et la façon de faire le beurre, par le râteau à foin, par la faux, par le van qu'elles prenaient pour un berceau. Au retour de la visite les enfants ont dessiné ce qu'elles avaient vu. Sur 28 dessins, 25 furent riches et on constata que les objets étaient représentés avec un souci de netteté et de précision. Les activités qui ont suivi à partir des dessins, conduisirent comme nous le faisons habituellement, à situer correctement les objets dans l'espace, à préciser le vocabulaire, à les classer selon des thèmes. Mais il semble que l'expérience soit à recommencer avec une autre classe en limitant la première visite à la salle I. Puis, comme nous avons étudié « maison ancienne, maison moderne, centre commercial, boutiques du Moyen Age, il serait possible d'étudier un intérieur moderne et un intérieur ancien et l'on se fixerait comme but d'amener l'enfant : 1) A observer et traduire par le dessin, par des photos, par des récits oraux, comment est fait un intérieur moderne. 2) Et en parlant de la salle I du musée de Normandie, l'amener à reconstruire, par le dessin et tout autre moyen à inventer, un intérieur d'autrefois, en plaçant la vie, les personnes, les animaux, les bruits (reconstitués à l'aide d'autres documents), dans le monde mort et silencieux d'objets que nous restitue le musée, et en choisissant parmi ces objets (on n'utilise pas une lanterne dans une cuisine, bien qu'au musée on trouve une lanterne à côté d'une lampe à huile). A côté d'une construction du temps de type astronomique et mathématique, que nous avons analysée dans le C.P. de Mme Villedieu (cf. chapitre IV) à côté d'un temps physiologique scandé par des rythmes organiques observables dans des êtres vivants en perpétuelle transformation (que nous avons analysé dans le C.P. de Mme Agnès), cf. chap. Ill, 2" partie, nous avons cette fois tenté l'approche d'un temps qui pourrait être considéré comme structure sociale de la mémoire, en attendant d'être structuration de cette mémoire sociale du passé qu'est l'histoire. Nous savons qu'il faudra remettre le problème de l'histoire en question. Dans la mesure où rien ne se fait jusqu'à maintenant au niveau du C.P. en histoire, nous sommes obligés d'apporter aux instituteurs quelque chose qui est déjà de la recherche appliquée alors que nous n'avons pas en main les résultats de la recherche fondamentale. Mais nous nous adressons à des éducateurs qui sont en situation de recherche, nous leur proposons des instruments qu'ils vont, de leur côté, dans leur perspective, expérimenter aussi. Il ne paraît pas tellement grave de leur proposer des documents qui ne soient pas pleinement élaborés puisque c'est à la lumière de leurs observations et des réactions des enfants, que seront confirmées ou infirmées certaines de nos hypothèses (commission C.P.-Maternelle du 26 juin 1970). Nous demandons d'abord à l'histoire d'apporter ce qui correspond à l'étymologie même du mot qui sert à désigner cette discipline. La première démarche de l'histoire consiste à chercher. La relation de ce qu'on a appris ne vient qu'ensuite. Au C.P. il faut amener l'enfant à cette recherche d'information. Il pourra ainsi acquérir une méthode qui lui permette de commencer à construire son information et qui l'aide ultérieurement à contrôler et à analyser de façon critique l'information que lui apportent déjà ses parents, la télévision, la radio et le maître même. En apprenant à manier une méthode de recherche, il aura appris aussi que les êtres et les choses ont un âge, que leur vieillesse est relative, que les choses et les êtres changent avec le temps, il aura appris qu'en observant bien des dessins faits par 83 d'autres hommes il y a longtemps, il pourrait savoir comment les êtres vivaient « dans le temps » comme dit l'enfant, c'est-à-dire autrefois. Sans apprendre le mot document, il a appris à noter ce qu'il voyait dans la rue, au centre commercial, comme d'autres l'avaient fait avant lui. Et il a appris qu'on ne peut jamais traduire toute la complexité du réel, même si l'on observe bien, même si l'on est nombreux, car on oublie toujours quelque chose, on commet toujours de petites inexactitudes. La règle vaut pour les témoignages du passé. Mais s'ils ne nous apprennent pas tout, ils nous permettent du moins de retrouver une grande partie de ce qui avait été noté par l'auteur du moment. Enfin l'enfant du C.P. a constaté que les choses d'un passé lointain demeuraient mais que les hommes n'étaient plus. Il nous reste à lui faire voir que les choses ne sont rien sans l'homme qui les utilisait ; elles ne sont qu'un souvenir si elles ne servent plus (mais elles ont servi et elles étaient faites pour cela). Nous avons incité l'enfant à dépasser l'égocentrisme des fictions imaginaires qui rendent tout 84 possible, pour l'amener à considérer qu'il ne peut pas dire n'importe quoi : il doit montrer ce qu'il voit, il doit justifier ce qu'il dit, il lui faut distinguer possible et impossible, peut-être même estil devenu capable de distinguer des « possibles » sociaux et des « possibles » logiques : « çà serait possible, mais chez les marchands çà n'existe pas ». Les fins que nous nous étions fixées : information, formation et éducation pour la liberté, se trouvent résumées par A. Clausse dans « Philosophie de l'étude du milieu ». « L'information portant sur tous les aspects du milieu et formation destinée à développer l'aptitude à analyser, à comprendre et à juger pour édifier des synthèses nouvelles et personnelles et développer l'esprit critique. » « L'éducation pour la liberté, loin de permettre l'activité « libre » c'est-à-dire livrée au hasard, non contrôlée et non organisée, loin de tolérer le contact fortuit avec le milieu, comportera une sélection critique des éléments réalisant de véritables situations d'apprentissage. » Chapitre II - Exemples (suite) Il - ACTIVITÉS A PRÉDOMINANCE BIOLOGIQUE A) PROPOSITIONS DE RECHERCHE AU C.P. — entre deux ou trois animaux (notion simple de chaîne alimentaire), — dépendance d'un animal et d'une plante. B) RAPPEL DES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DE RENOVATION DE LA PEDAGOGIE B. Eelation de compétition : attaque, défense, nourriture, protection. Protection : contre les autres êtres vivants, contre le milieu physique. C) COMPTES RENDUS D'ACTIVITES REALISEES DANS DES C.P. a) E.N.F. Caen b) E.N.G. Arras A) PROPOSITIONS DE RECHERCHES AU C.P. en activités d'éveil à orientation scientifique. Les directions de recherche suivantes ont été proposées à titre temporaire : I. Les étapes et les fonctions de la vie d'animaux abordées au cours d'élevages : naissance, croissance, mort ; alimentation, respiration, multiplication, soins aux jeunes. Les constatations de l'enfant seront à rapprocher des observations faites sur lui-même et son entourage. II. Cycle (réalisé en classe) de développement d'un animal. Ex. papillon. III. La plante : observée à l'aide de cultures simples, par comparaison avec l'animal et l'objet inerte : extension de la notion de vivant. IV. Notion de relation. A. Kelation alimentaire V. Les variations saisonnières des éléments vivants du milieu environnant en relation avec une approche de la notion de climat et des éléments naturels (air, eau, sol). VI. Les richesses du monde vivant : exercices de classement ; établissement de clés (relation avec les mathématiques). VII. Initiation à la causalité. Préalable : dissocier les objets et leurs propriétés par des exercices de manipulation des objets, de classement, de sériation, dans le cadre du tâtonnement expérimental. •— La notion de propriété conduit à celle de substance (métal, plastique, bois) indépendante des changements de forme ou d'état ; ex. : classer des corps flottants d'après la substance et non la fonction de l'objet. >— Dans le cadre du tâtonnement expérimental, on peut chercher à déterminer les conditions minima qui permettent de provoquer nécessairement un changement (mise en évidence d'interactions à l'intérieur d'un système en faisant abstraction de la volonté de l'homme et des objets extérieurs au système). Au cours de l'année, ces concepts pourront s'élaV>rer progressivement à travers un ou plusieurs 85 thèmes portant sur l'étude et la manipulation des éléments du milieu environnant. Ceci se fait dans le cadre général des activités d'éveil, en liaison étroite avec l'acquisition du langage ou de la mathématique et de l'éducation esthétique. Voir chapitre III : organisation des recherches au C.P. à partir de 71-72. •quantifiées en permettant le dépassement de l'artificialisme et du syncrétisme spontanés. C'est pourquoi, dans l'étude des faits naturels, les sujets tirés des intérêts spontanés et de l'actualité devraient être étudiés de telle sorte qu'on dépasse toujours la description superficielle ou purement verbale pour chercher à atteindre la précision du croquis, de la mesure, ou de la mise en relation » (revue l'Education, n" 42). B) RAPPEL DES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DE RENOVATION DE LA PEDAGOGIE POUR L'ENSEIGNEMENT DU PREMIER DEGRE C) COMPTES RENDUS D'ACTIVITES REALISEES DANS DES C.P. « L'initiation à l'étude des faits naturels doit conduire l'élève non seulement au sens de l'objectivité, mais encore et surtout, dans la mesure du possible, à l'idée d'ordre, de causalité, de lois 'Enfin, comme nous l'avons fait pour les activités 'à tendance humaine nous avons retenu deux exeraet c'est parce qu'ils sont susceptibles d'alimenter une discussion que nous les avons choisis. 1. — E.N.F. Caen Compte rendu d'expérience rédigé par Mme Roger et M. Bruneau. Projet proposé par le groupe à tendance scientifique Objectifs Hypothèse ou critères supposés 1. Dégager la notion d'animal et de végétal pour aboutir à la notion d'ETRE VIVANT par comparaison avec des phénomènes naturels ou des objets techniques. UN ANIMAL se déplace, il marche, il court, il saute, il vole, il nage (il ne s'agit pas d'étudier la morphologie en général mais les fonctions qui conduisent à l'étude des organes en relation avec les fonctions) . il mange pour grandir (s'il est jeune), pour vivre il se reproduit il meurt. 86 Exercices pédagogiques Partir du milieu environnant, en faire l'INVENTAIRE et aboutir ultérieurement avec des critères propres aux enfants, à un classement. Faire l'inventaire, ce n'est pas récolter pour rapporter dans la classe, mais c'est faire représenter par chaque enfant ce qui l'a frappé sous forme de récit enregistré, de dessin, peut-être de photos Possibilité de réorganiser la multiplicité des dessins soit en fonction de l'espace prospecté au cours de la sortie, soit en fonction de la chronologie de la sortie. Objectifs Hypothèse ou critères supposés UNE PLANTE ne se déplace pas (sauf dans de très rares cas), elle pousse dans la terre, elle a besoin d'eau sinon elle meurt, elle fleurit, donne des graines qui redonnent des plantes. Elle meurt. LES ANIMAUX comme les VEGETAUX grandissent, vieillissent, meurent. CARACTERISTIQUES DE LA VIE. Exercices pédagogiques On étudie ainsi ce qui vit, ce qui pousse autour de l'école, à la maison. Variations au cours des saisons. ELEVAGES indispensables — pour observer les déplacements, la nutrition, les naissances, — pour effectuer par comparaison à des referents divers des MESURES : tailles, poids, — pour observer les transformations. Ex. : insectes. Aboutir à un tableau avec signes. CULTURES dans des pots ou observation sur place, aspect des arbres (décomposition en un système organisé : il y a des branches, des tiges, des racines qui ne sont pas dans n'importe quel ordre) Variations avec les saisons conduisant à UN CALENDRIER avec signes trouvés par les enfants. Semer des graines : CYCLES. Ex. : radis, croissance rapide, marron, érable, croissance lente. Plantes à fleurs. Bulbes de jacinthes, tulipes, etc... Dans tous les cas DESSINER sur papier et sur papier calque (toujours datés), les différentes étapes. Tableaux et diapositives permettant de regrouper tout ce qui aura été vu en le situant dans l'espace et dans le temps. 3. L'homme ou plutôt l'enfant parmi les êtres vivants. L'enfant grandit. Son poids augmente, ses cheveux, ses ongles poussent. Ses dents tombent. Il respire. Son cœur bat. Il mange, il boit, il dort. Taille de chacun tous les mois. Comparaisons Faire un TABLEAU. Idem pour le poids. Signes de changement. Rythmes. Variation après exercice. Rythmes biologiques. Hygiène. 87 Hypothèse ou critères supposés Objectifs 4. L'homme et l'enfant agissent sur l'environnement. Exercices pédagogiques Conséquences criantes. Dépôts d'ordures, détritus dans les rues, papiers dans la cour. Soins aux animaux, protection des oiseaux, etc... Les exercices sont multiples et faciles à imaginer. Planter ce qui nous plaît, ce qui nous sert... Arracher les « mauvaises herbes». I. CADRE DE L'EXPERIENCE : Le compte rendu ci-après vise à montrer à l'aide d'un exemple comment se réalise le projet de travail que nous avions formulé dès la rentrée 1970. groupe s c o l a i r e î Caen - V e n o í x wc GARÇONS Préau x BILLES X X |7 X X X X Cour Maternelles CP N Cour y *x X X X X X X X X X •x X V o o o V o <» -Y Y & o v o o v y O O O O t O • o v —O X o y K i O O O O —> Sens uníojue =1 88 r" x ^ X -CED. * K Cour Le C.P. mixte de Mme Agnès à Caen se situe à la périphérie de la ville dans un groupe scolaire neuf qui comprend une école de garçons, une école de filles à 5 classes et une école maternelle, séparées par des haies vives. La cour est limitée du côté de la rue par des gazons plantés d'arbres, d'arbustes et de parterres. La rue qui donne accès aux écoles est à sens unique. L'institutrice ne dispose d'aucun équipement spécial, mais elle a aménagé quelques tables pour des plantations. II. POINT DE DEPART : intérêt des enfants pour les êtres vivants (janv. 1971) Quels sont les êtres vivants dans la classe ? — « La maîtresse, les enfants, la plante que Nadine a apportée, le philodendron, le bouquet de cyclamens (artificiels). La discussion s'engage : « c'est pas des vrais cyclamens, ils ne poussent pas ». On cherche alors tout ce que fait un être vivant et qui prouve qu'il est en vie : il mange, il fait sa toilette, il grandit, il bouge, il se repose, il est malade. Aucun enfant ne pense au vieillissement, ni à la mort, ni à la reproduction. Ils retournent aux cyclamens, les observent de près et concluent : « c'est du plastique ». L'accord se fait, les cyclamens en plastique ne sont pas vivants, mais les deux autres plantes sont vivantes. Il serait intéressant d'observer comment elles vivent. Il faudrait aussi voir d'autres plantes. Où les trouver ? « Au jardin des plantes ! ». C'est trop loin. « Dans notre jardin à nous ». Tout le monde n'a pas un jardin. Il faut chercher longtemps avant de trouver : « Dans le jardin de l'école ». Les enfants qui côtoient chaque jour ces plantation entretenues par la mairie n'y prêtent aucune attention. Il n'est pas étonnant que ce soit la dernière idée trouvée. Si elles participaient aux plantations, elles y auraient pensé immédiatement. Organisation d'une sortie dans et autour du groupe scolaire. Les 25 élèves font donc une première visite des lieux, elles observent l'école des garçons, l'école des filles, l'école maternelle. Elles repèrent la situation de leur classe, des préaux, des jardins, vus de la rue. A la sortie de l'école des filles, elles tournent à gauche et longent les écoles en restant sur le trottoir, puis elles font demi-tour, repassent devant l'entrée de l'école, longent le jardin des garçons, font à nouveau demi-tour. L'institutrice les amène à exprimer oralement ce qu'elles sont en train de faire : « nous tournons à gauche, nous faisons demi-tour ». Elles disent ce qu'elles observent, elles cherchent des repères car elles savent qu'il faudra raconter cette promenade. L'une remarque que les portes sont entre les deux jardins, d'autres remarquent que les arbres ont été taillés, qu'il y a des autos dans la rue, etc... A la suite de cette promenade, le premier exercice va consister à mettre en place sur une plaque de contreplaqué les éléments d'une maquette que l'institutrice met à leur disposition. Les élèves disposent d'un bloc « école de garçons », d'un bloc « école de filles », de rectangles de feutrine verts, d'une barrière, de petites autos miniatures. Tout doit être construit par référence à la rue qui est figurée sur la « plaque de base ». Il n'est pas possible de décrire par le détail ce long et intéressant jeu de construction qui permet à toutes les enfants de faire des essais de représentation de l'espace dans lequel elles ont évolué. Il ne s'agissait pas de leur faire construire une maquette comme nous l'avions fait l'an dernier au CE., mais de les conduire de la réalité à un schéma topographique puis à une première idée de plan, reprenant ainsi les idées exprimées par Piaget dans le Ch. XV de « La représentation de l'espace chez l'enfant ». Dès cet instant on s'aperçut que quelques enfants se montraient incapables de disposer les éléments qu'on leur proposait, par référence à la rue. Toutes ces enfants ont des difficultés pour l'apprentissage de la lecture et spécialement pour écrire les mots. Les dessins dont nous parlerons ci-après nous permettront d'étudier qualitativement et quantitativement les traces laissées par ces premières activités. Si l'on veut bien considérer que le jeu de construction de la maquette n'est pas un exercice terminé, mais une activité toujours possible pour celles que cela intéresse, on peut espérer que d'ici la fin de l'année, même les moins douées auront fait quelques progrès. 89 Il y aurait quantité de remarques annexes à faire : ainsi c'est en plaçant les petites voitures sur la maquette que les enfants ont compris que la rue était à sens unique et qu'elles ont établi une r e lation avec la plaque qui, pour elles, n'avait pas de valeur significative. Représentation par le dessin des lieux et de l'itinéraire L'exercice demandé était sans doute un peu audessus des possibilités des enfants puisque, en fait, seulement six enfants sur 25 ont réussi à tracer un itinéraire correct dans des lieux visiblement reconstitués à l'aide de l'image mentale qu'elles avaient gardée de la maquette. On pourrait à la rigueur compter 8 réussites en ajoutant deux dessins où la seule erreur d'itinéraire est d'avoir fait le tour des voitures, ce qui est inexact. Les résultats d'ensemble sont les suivants : Espace structuré, lieux reconnaissables Itinéraire correct Pensent avoir fait le tour des voitures alors qu'ils n'ont pas traversé la rue Lieux reconnaissables, mais inversion droite gauche dans l'itinéraire et dans la représentation de certains éléments Les lieux sont difficilement reconnaissables, l'itinéraire est fantaisiste Eléments juxtaposés, espace non structuré. Aucune représentation de l'itinéraire suivi 6/25 2/25 L'exercice de 'mathématiques conduisait à construire un « arbre » permettant de classer des enfants ayant différents vêtements, coiffures, lunettes, de couleurs variées. Le travail de mise en ordre qui nous intéresse ici aboutit à 1' « arbre » ci-après qui est à la fois un essai de classification des vivants rencontrés et surtout des intérêts des enfants. (les enfants ont affirmé que la terre était vivante, il faudra revenir sur cette question un autre jour). Cinq enfants se sont montrés capables d'effectuer cette mise en ordre (bien que cela soit difficile à affirmer, l'institutrice ayant à ce moment guidé les enfants au lieu de les suivre). Une quinzaine d'autres ont plus ou moins assimilé le schéma ainsi construit, en fait ils sont simplement capables de faire une liste. Les conversations qui ont eu lieu à l'occasion de cet exercice ont amené l'utilisation d'un vocabulaire nouveau qui permettait de désigner les choses observées : (gazon, pelouses, arbustes, haie, épine, piquant, baie, bourgeon, massif, parterre, plate-bande). Mais les enfants constatent alors qu'ils n'ont encore rien appris sur les êtres vivants qui mangent, grandissent, etc... 3/25 7/25 7/25 Dans une séance ultérieure, chaque dessin a été commenté par son auteur et discuté par l'ensemble de la classe. HI. INVENTAIRE DES ETRES VIVANTS RENCONTRES DANS LE JARDIN SCOLAD1E : 3. On envisage donc une stratégie d'approche de la réalité vivante. Comment fallait-il s'y prendre pour voir vivre tout cela ? Pour les giroflées, pâquerettes, herbes..., il faudrait en « faire pousser ». Qu'est-ce que cela veut dire au juste ? Il faut semer des graines. Pour les animaux, ce sera plus difficile, mais on pourrait chercher des vers dans le sol. 1. Il y eut d'abord un inventaire oral « en vrac ». Pour les arbres par contre, le problème leur semble facile, il suffit de regarder par la fenêtre de la classe. 2. Puis, en liaison avec un exercice fait en mathématiques, il y eut un essai de mise en ordre de tous les êtres vivants remarqués lors de la promenade. Pour les arbustes, c'est plus compliqué, il y en a beaucoup. « ÍÍ faudrait en observer un seul ». « Non, chacune un ». Idée séduisante. Mais y aurait-il assez d'arbustes ? Comment le savoir ? 90 avec feuilles haie avec bourgeons sons feuilles m bourgeons Ce q u i v i l " d a n s le jardin des écoles fleurs l"erre....? Chaque élève se place devant un arbuste et comme elles ne connaissent que les sept premiers nombres, elles comptent par sept, ce qui n'était pas prévu dans l'exercice d'observation du jardin. L'intérêt porté au nombre des arbustes donne à l'institutrice l'idée de faire construire par les élèves une maquette du jardin et de ses plantations. Le jardin est un rectangle et les plantations y sont faites sans fantaisie. Cette réalisation devrait être possible si toutefois on peut résoudre un problème : il y a plus d'arbres que d'élèves, comment savoir combien il y a d'arbres en utilisant 26 élèves qui peuvent compter jusqu'à sept. IV. CONSTRUCTION COLLECTIVE DE LA MAQUETTE DU JARDIN 1) La solution du problème précédent est trouvée en partie à cause de la pluie qui avait rendu le terrain très boueux. Il n'était pas possible que chaque élève aille se placer devant un arbre ; seules, celles qui avaient des bottes le pouvaient. Une enfant proposa alors qu'une élève ayant des bottes compte sept arbustes et qu'elle attende là pour marquer le septième arbre, puis une autre élève ayant des bottes continuerait, etc... Ludovic, Philippe, Nathalie, Véronique et Isabelle sont ainsi délégués pour marquer les « septièmes arbres », jusqu'à ce qu'il ne reste plus que 5 arbres. On sait donc que : nombre des arbres = 5 groupes de 7 et un groupe de 5. Les enfants observent également l'emplacement du massif de rosiers, du parterre de giroflées et des tilleuls (un rang de 4 et un rang de 5). 2) Confection de la maquette du jardin. Les enfants ont à choisir entre des carrés, des rectangles très allongés et des rectangles propor«1 tionnels aux dimensions du jardin, la plaque de polystyrène « qui ira le mieux » pour représenter le jardin. Presque tous les enfants reconnaissent intuitivement la « bonne » forme. que nous soyons là pour lui expliquer ce que nous avons fait, il se demanderait ce que représente notre maquette, ces bâtons, ces poinçons ». Ils placent alors autour du jardin, la rue, la cour et l'école maternelle. Les élèves qui avaient eu des difficultés lors du travail fait sur la maquette n° 1, semblent alors beaucoup plus à l'aise et réussissent alors presque toutes à faire les manipulations correctes. Ce fait peut s'expliquer d'une part parce que le jardin couvre un espace beaucoup plus restreint et plus simple, dont l'enfant fait le tour d'un seul coup d'ceil. — « Il n'y a qu'à écrire au tableau : un poinçon c'est un arbre ». La solution s'avère trop longue et on ne sait pas écrire « poinçon de travail manuel ». Il faut simplifier : il suffit de dessiner un poinçon et d'écrire à côté : « arbre ». Même chose pour les autres éléments. Ils venaient de trouver l'idée de légende. Pour représenter les arbustes et les arbres, il a fallu envisager de nombreuses solutions. Les enfants voulaient d'abord reproduire dans leur forme exacte de petits arbres, mais ils pensent que ce sera long et difficile. Les mathématiques viennent une fois de plus à leur secours. Comment avait-on fait, tel jour pour représenter des élèves, des animaux ? Les élèves étaient des croix, les animaux des ronds. Pour les arbres il fallut choisir entre plusieurs propositions : punaises, épingles, bâtons de sucettes, bouchons, cure-dents. Ces derniers furent retenus. Les enfants mirent d'abord en place tous les septièmes arbustes et ils choisirent même une couleur différente pour chaque septième arbre repéré sur le terrain par un enfant ayant des bottes. Il fallut ensuite placer les arbustes qui étaient entre les « septièmes ». Une fillette fit aussitôt remarquer : « il en faut seulement six, parce que si on en mettait sept, ça ferait sept plus un et ça serait faux ». Le plus difficile fut de disposer les six cure-dents équidistants et occupant tout l'espace qu'ils devaient occuper. La structuration mathématique par groupes de sept l'emporta sur une structuration spatiale correcte. Pour symboliser les arbres, les poinçons de travail manuel furent choisis et placés assez facilement par référence à une symétrie (un au milieu et deux de chaque côté). Les parterres furent placés avec aisance par référence intuitive à ce qui était déjà placé. La maquette terminée, l'institutrice fit une objection : « Si quelqu'un entrait dans la classe sans 92 — « Il n'y a qu'à mettre les noms ». 3) Chaque enfant, par référence à la maquette et à la réalité place sur une feuille de papier à dessin rectangulaire des croix (arbustes), des gommettes (tilleuls), un ovale orange (parterre), une bande rose (plate-bande de rosier). 24 enfants ont fait ce travail. Le dépouillement des résultats obtenus prouve d'indiscutables progrès par rapport au travail réalisé sur la maquette n° 1. Toutefois, deux élèves très faibles, ayant fait un dessin non structuré font un travail où l'espace n'est toujours pas structuré mais où le nombre des tilleuls est juste. Les résultats d'ensemble sont les suivants : X K K X o K X K K o K X X K o M» of] K I lo o o <8ZB> o U o Wpo^rre * ajuste i "i pía he bonde LEGENDE non indiquée les mots sont marqués sur les choses correcte 2 5 17 ARBUSTES équidistants groupés par 7 5 19 nombre correct d'arbustes nombre faux 9 15 TILLEULS nombre correct nombre faux en deux rangs et en quinconce (solution juste) en deux rangs alignés en deux rangs plus ou moins droits . . par paquets confus 22 2 11 2 9 2 PARTERRE bien placé par rapport aux tilleuls mal placé 16 8 PLATE-BANDE ROSIERS bien placée mal placée 16 S On peut remarquer que les enfants sont noyés par le nombre trop grand d'arbustes, le comptage l'emporte sur la structuration spatiale, par contre les neuf tilleuls, le parterre et la plate-bande sont beaucoup mieux perçus et transcrits. Arrivé à ce moment de l'exercice, chaque élève prend la responsabilité de l'observation d'un seul arbuste : « son » arbuste. Choix et marquage de l'arbuste : Le choix est facile, mais comment repérer l'arbuste ? — « Y mettre une étiquette ». Il fallut confectionner ces étiquettes et choisir un matériau qui résiste au mauvais temps. Chacun fixa à l'arbuste cette marque personnelle en ayant bien soin de ne pas blesser la branche. Ensuite chacun chercha à marquer son arbuste sur la maquette. Ce fut un échec. Il fallut revenir sur le terrain, nouer un foulard (rouge, vert, bleu...) sur les T' arbustes, placer le symbole de ces foulards sur la maquette. Alors, chacun se plaçant mentalement à l'intérieur du jardin repéra son arbuste sur la maquette... « c'est le troisième à droite après le foulard jaune... », etc. Tous ces exercices préliminaires à l'observation proprement dite des plantes, ne sont pas des exercices de structuration de l'espace isolés d'un contexte, mais ils sont les conditions d'une observation plus méthodique et plus précise. Nous avons ainsi acquis la conviction que des enfants qui sont invités à tout observer au cours d'une longue promenade, font nécessairement des observations parcellaires et incohérentes. Les êtres vivants observés sont liés à un milieu, il faut d'abord être capable de les situer dans le milieu. V. OBSERVATION PROPREMENT DITE DES PLANTES Chaque élève a maintenant un dossier d'observation à son nom. On y trouve les différentes réalisations évoquées ci-dessus. Le dossier va s'enrichir tout au long de l'année. Observation des arbustes : Chaque enfant a fait un dessin de son arbuste, la consigne étant toujours de dessiner cet arbuste de façon qu'on puisse le reconnaître, même si on ne l'avait jamais vu. Puis elles ont rédigé chacune un petit texte pour décrire l'arbuste. Il y en a de pittoresques : « mon arbuste a des bourgeons avec des moustaches ». Il est plus grand que madame Agnès. Il n'a pas de feuilles. Il a de grosses branches marron foncé. Il y en a de très courts : « Mon arbuste est minuscule. Il a des bourgeons rouges ». Quatre ou cinq élèves n'ont rien écrit ou ont écrit des phrases incompréhensibles. Dans tous les cas, l'institutrice est intervenue pour corriger les fautes d'orthographe. Le texte recopié et placé dans le dossier est donc sans fautes. Chaque élève a également enchâssé un rameau de son arbuste dans une pellicule de plastique. Tous ces exercices sont datés par les enfants et placés dans leur dossier d'observation. Bien entendu, l'observation des arbustes va se poursuivre tout au long de l'année afin de suivre l'évolution de la végétation dans le temps. Les plantations : Les enfants ont reconnu dans le jardin : du gazon, des giroflées, des pâquerettes, des pensées. Ils savaient déjà par ouï dire et par les discussions antérieures que les plante» provenaient des graines. Ils ont donc acheté des graines de gazon, de giroflées, de pâquerettes et de pensées. Ils ont observé ces graines et constaté qu'elles n'étaient pas toutes semblables. 93 cinquième jour les graines de gazon et de giroflées étaient germées. Puis ils ont empli des pots de terre en prenant soin de bien la piocher au couteau. Les semis furent faits, chaque pot portant une étiquette : « gazon ». « pâquerettes »... Toutes les constatations « importantes » sont consignées par les enfants sur un calendrier collectif qu'elles construisent au jour le jour et qui se présente ainsi : Chaque matin les enfants allaient voir le résultat. Pendant quatre jours il ne se passa rien mais dès le mciotech 3 fîêvutX/ cet •noUÓ eurniA s¡)+m¿ ceta on,. 7¿op&*t, venofaedo s ¡ •ácuntedu 6 nmxuuùts 9 £évu&i> TfiMIVOtaUo SO £¿VUJVt/ *4e*LC¿¿ -f-i £¿*/U£&> cui4_Q£oE**e¿á o¿9icAaXa**p*ed, g1a*n.e4 oía g-Jurfce^ et oii'saajtorv aaxicm, onCy/i ont gwrtvt X' *4ewwut¿i&më. / JM jia,a4C&t.ette4 &i Jien4et4 ont on€qe»mé ae**n& •etc... Les plantations ont été l'occasion de faire de nombreuses remarques : Les jeunes plantes sont très fragiles. Si on arrose en se plaçant trop haut, elles se couchent ou se déterrent. Si on arrache avec précaution une jeune plante, on découvre une fine racine qui s'enfonce dans la terre. Discussion sur le rôle de la racine. et si on les enfermait dans un placard tout noir ? Elles viennent d'essayer et chaque matin elles se hâtent d'aller voir s'il s'est produit quelque chose de notable à consigner sur le calendrier (au passage, on remarquera que les activités d'éveil peuvent respecter le cadre du tiers-temps sans se situer nécessairement l'après-midi). Si on oublie d'arroser, les tiges s'abaissent et deviennent molles. On essaya avec la plante apportée par Nadine. Si on ne l'arrose plus, ses tiges s'abaissent, elle perd ses fleurs, elle devient molle, elle est malade. On lui redonne de l'eau, elle retrouve la santé. Une fillette fit une remarque intéressante qui resta inexploitée : « Et si on mettait trop d'eau, qu'arriverait-il ? ». Ces formes de curiosité et ces essais représentent le début de l'expérimentation. Nous avons également essayé d'obtenir des enfants de C.P. des observations plus méthodiques et des dessins plus précis. Elles acceptent assez facilement de repérer sur une bande de carton la longueur d'une plante arrachée (longueur de la racine, longueur de la tige), pour la reporter ensuite à côté du dessin qu'elles font faire en grandeur réelle, mais très vite, les exercices qu'on leur propose deviennent fastidieux et elles reviennent à des dessins qui sont la projection de ce qu'elles imaginent plus que l'observation de ce qu'elles voient. Très vite, les enfants remarquent que toutes les tiges se tournent vers la fenêtre. Elles tournent les pots. En deux jours, les tiges se sont redressées puis elles se penchent à nouveau vers la lumière... Une fois de plus on constate que la réalité enfantine passe avant les exigences du spécialiste. Le difficile est de savoir suivre le rythme de l'enfant sans oublier une certaine rigueur scientifique. 94 R e n e d'observation nom-. yi£dúu£|Ui2/ de tilleul qu'on a réussi à retrouver. Leur poussée sera observée comme est observée la poussée des pâquerettes et du gazon. p\anïe¡^¿cuqmiüuddso 3té«taa».qtwú* v: I Observation des arbres : Les arbres sont examinés attentivement, tronc, branches, rameaux. Puis ils sont dessinés. On dessine même un rameau isolé de l'arbre. Puis, pour répondre à nos inquiétudes sur la notion de temps, une discussion est organisée : d'où vient ce tilleul ? Réponse unanime : « il vient de ses racines ». Cette origine spatiale est acceptée temporairement. Pourtant, si on ne plantait que des racines, il ne pousserait pas un arbre. Une fillette raconte comment son papa a planté un cerisier : « il a fait un trou et il a planté les racines dedans ». Oui, mais ce petit cerisier va devenir grand. Avant, il était plus petit ? Comment-est-il né ? Personne ne sait. On reparle des plantes déjà connues, comment naissent-elles, on pense aux graines. Alors un enfant « invente » une solution : « Pour faire un cerisier, alors on doit planter une très grosse graine d'arbre ». Il ne pense évidemment pas à la cerise, mais à une « grosse graine » parce qu'il s'agit d'un « grand arbre ». Toutefois les enfants savent tous que sur les cerisiers « poussent » les cerises, il leur faudra encore se souvenir que dans la cerise il y a un noyau. Et leur réponse est comme une question : « Alors, si on plante une cerise, il pousse un cerisier ! ? » et d'autres continuent, « et si l'on plante une prune il pousse un prunier, une pêche un pêcher, une châtaigne, un châtaigner ». L'une même se souvient que si l'on plante un gland, il pousse un chêne, on l'a déjà fait en classe, affirme-t-elle (tout ceci montre la nécessité de relier entre elles diverses expériences antérieurement faites par les enfants). Mais on ne resta pas au niveau des suppositions. Comment voir si cela était vrai... Il est décidé de semer des glands, des marrons et même une graine Une visite aux pépinières : Quelques enfants dirent qu'ils avaient remarqué tout près de l'école, un grand champ planté d'arbres, certains même savaient que cela s'appelait les pépinières, qu'on y voyait des hommes arracher de l'herbe, etc... Une visite aux pépinières fut donc décidée. Au cours de cette visite, l'institutrice eut sans cesse une attitude d'observatrice, elle se posa des questions, elle en posa aux enfants, chacun fit ses r e marques : « ça, c'est le jardin aux dahlias » (observé en automne), « dans la rue, il y a beaucoup de chiens », etc.. Chacun exprimait à haute voix ce qu'il remarquait. Le lendemain, on reparle de la sortie. D'abord les enfants cherchent à reconstituer le trajet suivi sur un document simplifié réalisé par l'institutrice (voir ci-après). Les enfants durent d'abord reconnaître ce qu'ils voyaient sur le document : l'école, le jardin aux dahlias, les peupliers, la maison de la maîtresse... Puis chacun vint tracer sous l'œil vigilant des autres une partie de l'itinéraire suivi. Le tracé fut critiqué et corrigé. « Là, on traverse la rue de travers parce qu'il y a un camion sur le trottoir au passage clouté », etc... Au cours de cet exercice, on vit que Frédérique qui avait inversé droite et gauche dans le premier dessin dont nous avons parlé, était capable de bien repérer l'itinéraire si les éléments essentiels du plan étaient mis en place. Elle avait alors des points de référence solides. On vit d'autres enfants venir situer le C.E.G., leur maison, etc... Le second exercice qui vint se greffer sur cette visite est un dialogue. Des élèves absentes sont revenues. Elles n'ont parfait la visite. Celles qui l'ont faites, racontent ce qu'elles ont observé. Si les « absentes » ne comprennent pas, elles posent des questions complémentaires. L'intérêt réside dans cet essai de 95 communication d'une expérience par des enfants à d'autres enfants. Il réside aussi dans le fait que les enfants ont compris que le pépiniériste faisait pousser des arbres pour les vendre, qu'il lui fallait labourer la terre, arracher les mauvaises herbes, repiquer les arbres et finalement les échanger contre de l'argent à des personnes qui n'avaient pas le temps d'attendre que les graines poussent. Nous irons sur le marché, puis en ville voir les « marchands de plantes vivantes ». p é p i n lères A jî it m a i s o n d e la maîtresse • LcT on s'est arrêté poor écouter les bruits de la récréation, on re v i e n t le p e H t senfieç7 ^ / l a V Co* ~* » °" | Comme ça ,on savoitque lecole ¿tait parla " les ordures' | O | O I o I O "nos peupliers" A Q (observés en automne) S S i I O S école- i—i ' o n tourne a gauche petit oout d© trc >ttW * un 96 ñ î J lejardinaux clanlias" [ o b s e r v é e n automne) on t r a v e r s e la r u e d e t r a v e r s parce qui l y a u n c a m i o n s u r l e trohtoir' En conclusion, nous insisterons sur le fait que l'étude des êtres vivants ne peut pas se ramener à une nomenclature ni â une description morphologique. Les êtres vivants vivent dans un milieu duquel ils dépendent et sur lequel ils agissent. Tout l'intérêt réside dans l'étude des relations des êtres avec le milieu et avec les autres êtres. L'approche du concept de vie au C.P. est lente et difficile. Il était nécessaire de préparer les conditions de l'expérience, il faudra beaucoup de temps avant de voir fleurir les plantes qui sont en train de germe. Elles permettront sans doute l'approche de la notion de reproduction. La véritable étude est à construire sur les bases qui viennent d'être jetées. Rien n'a encore été fait à propos des animaux, c'est une lacune que le printemps permettra sans doute de combler. L'étude d'animaux permettrait d'étudier plus facilement qu'avec les plantes certaines fonctions caractéristiques de la vie : mouvement, nourriture par exemple. Les deux grandes difficultés rencontrées sont, d'une part la nécessité de disposer d'un temps d'Observation long, d'autre part, la nécessité de lutter contre cette tendance qu'ont les enfants de répéter ce qu'ils ont entendu dire au lieu de chercher à découvrir ce qui est. Les enseignants sont certainement responsables de cette erreur et ils ont souvent tendance à répondre trop tôt et trop vite aux questions posées par les enfants. LA CLASSE : C.P. M. Piétrucha - Niveau des élèves faible, beaucoup d'élèves d'origine étrangère. L'ENCHAINEMENT AU COURS DE L'ANNEE (à titre d'exemple) 1) Les activités d'éveil y sont inséparablement associées du français. Tout en ayant leurs finalités propres (structuration de l'esprit, début de la construction des connaissances, développement de la communication orale et esthétique, éveil moral, les activités d'éveil sont un moteur puissant des autres activités, surtout le langage. 2) Au premier trimestre, l'élève-maître en stage (M. Desailly) (stage en situation) a axé les activités sur la chasse. — l'équipement du chasseur, — les chiens (animaux chasseurs), — les animaux en général. Les enfants ont ramené quantité de photos en couleurs et ont été amenés spontanément à effectuer un classement. •— animaux à poils, — animaux à plumes, •— animaux à écailles (les poissons avaient été classés en vertu de ce critère, avec les reptiles). 2. — Ecole Normale de Garçons d'Arras Réflexions sur une visite au cours préparatoire de l'école Mermoz à Méricourt (février 1971) - M. Fauquet, E.N.G. Arras. SITUATION DE L'ECOLE : Méricourt-sous-Lens (Pas-de-Calais). Au cœur du pays minier, coron, terril, baraquement, toutefois on peut apercevoir des champs. Parcs à proximité, arbres dans la cour de l'école. Le maître n'a pas « forcé » ; il a accepté ce classement spontané, correspondant donc au niveau d'âge des enfants. Les insectes et crustacés ont été classés à part. Des panneaux muraux ont été constitués (activités esthétiques) avec ces gravures classées. Ceci se faisait en liaison avec les exercices de langage. Les enfants étaient puissamment incités à parler. Les activités esthétiques (dessins, panneaux muraux), s'en trouvaient également promues. En accompagnement l'élève-maître lisait des extraits de « Frou le lièvre ». Cette lecture a débouché sur d'autres activités spontanées faisant prendre conscience des relations alimentaires du 97 lièvre avec le milieu ; des activités de classement de gravures tirées de catalogues de jardinage et illustrant le repas du lièvre. N.B. : Au début du premier trimestre, le maître M. Piétrucha a récolté avec ses élèves des chenilles qu'il a nourries et qui actuellement sont à l'état de chrysalides. Ce premier trimestre s'est terminé par la préparation de l'arbre de Noël (activités manuelles) , mais on en a profité pour attirer l'attention sur « l'arbre «{l'épicéa, qui sera le thème de la rentrée de janvier). 2) 2" trimestre 1970-71 Tout a commencé par une sortie au parc (janvier 1971) pour étudier la faune, les bourgeons, les écorces de quatre types d'arbres : érable, platane, bouleau, peuplier. On a récolté des branches, on a observé les bourgeons, leur taille, leur couleur, on a mis les branches dans l'eau. Au pied d'un peuplier, les enfants ont trouvé des « bêtes » qu'ils ont ramassées à l'état inerte. A l'école on les a mises sur les tables pour les dessiner, par cette simple action deux points intéressants nous sont apparus : 1 — le réalisme enfantin : les insectes sont dessinés avec leurs trois paires de pattes, leurs deux antennes, •— une découverte a pu être faite par les enfants : les insectes sur les tables ont repris « connaissance », mouvement — les enfants ont pu les toucher du doigt, ils ont perçu l'influence du facteur température sur la vie des animaux ; et ceci va déboucher sur l'étude d'animaux qui « dorment l'hiver » (hibernation) et sur une lecture (Bourru, l'ours brun), — l'idée d'élever des animaux est née de cette récolte (nécessité de conserver vivants les animaux •rapportés). Le maître, à ce stade, avait donc réuni dans sa classe sous forme d'exposition. a) Des panneaux avec rameaux, et leurs bourgeons d'hiver non éclos. to) Des rameaux dans des vases. c) Panneau mural avec les dessins d'insectes ou autres invertébrés, fait par les enfants. d) Des panneaux constitués de gravures de mammifères, d'insectes hibernant l'hiver. 98 Il avait ainsi mis ses jeunes élèves en situation de découverte. Les élèves avaient vu les insectes ou les cloportes se réveiller à la chaleur de la classe ; ils ont ressenti alors la nécessité de les élever, c'est-à-dire de les nourrir. D'autre part, un fait occasionnel (les insectes rapportés avaient été placés dans des locaux contenant de la terre ; mais dans l'un d'entre eux la terre avait séché et tout était mort à l'intérieur) a amené les élèves à constater les exigences en humidité. Les rameaux qui étaient dans l'eau et à la chaleur de la classe ont rapidement éclos leurs bourgeons (avec apparition des premières feuilles). Ces deux séries de faits ont fertilisé les échanges, les conversations maîtres-élèves d'où il est ressorti que chaleur et humidité étaient nécessaires à la vie (animale et végétale). Une seconde sortie s'est imposée (février) pour verifier si les animaux qui étaient morts dans le bocal où la terre avait séché vivaient toujours là où les enfants les avaient trouvés, au pied d'un peuplier. Au cours de cette sortie, la rencontre fortuite d'un jardinier qui transplantait un arbre ; une conversation s'engage. Rentré en classe une sorte de déballage a été opéré, et un texte non structuré, retenant les principales idées dégagées de la conversation a été écrit au tableau : « Il faut du soleil pour que les arbres poussent. Nous pouvons déplacer les arbres de novembre à mars car ils dorment — arrêt de sève — « semer ». Avec la première phrase on retrouve une idée déjà rencontrée au cours du trimestre : la nécessité de chaleur — et les élèves la retrouvent facilement. Avec la deuxième phrase, on retrouve l'idée d'hibernation (déjà vue, mais sans que le mot ait été prononcé). Il apparaît ici une nouvelle idée, c'est la durée de cette hibernation. Un élève a spontanément dit « cela fait cinq mois » — Le maître a exploité cette idée et a essayé de faire représenter ces cinq mois en recourant à des faits vécus. Puis il a lu un texte de Pluche, l'ourse brune, qui justement dort de novembre à mars ( « cinq mois passés sous la terre sans rien manger »), et un texte sur les bourgeons (« les bourgeons baillent et s'étirent »). Le maître met donc les enfants en situation de comparer : les arbres, comme certains animaux, ont dormi cinq mois (structuration du temps). Mais une autre notion peut se raccrocher : animaux et plantes sont soumis aux mêmes conditions : — froid, — absence de nourriture. Tout ceci évidemment a supposé une conversation très riche, où tous les élèves intéressés ont participé par le langage, par le mime. On voit également le rôle du maître : •— recherche de documents, — apport de matériel simple, — recherche de textes circonstanciés, — utilisations d'exemples vécus, mettant les élèves dans les conditions les plus favorables pour s'exprimer et découvrir. Petit détail pratique (le maître en cette fin de mars envisage de semer des carottes en pot en prévision du nourrissage des chenilles de machaon au troisième trimestre. 3) Troisième trimestre — Prévisions de M. Piétrucha : 1) Réaliser le cycle de développement du machaon : • ce qui aura l'avantage de favoriser la structuration du temps, • ce qui fera constater l'étroite relation entre les animaux et les végétaux (la chenille avec les feuilles de carottes, par exemple). hiver chrysalides ^ ^ eclosión en mai au moment du lilas, sous une grande cage / accouplement juin a octobre | mai chenilles •*—• vivant sur feuillage de carottes cultivées en pots et fréquemment arrosées, sous une cage en classe. •— ponte • contact spontané et naturel avec tous les événements de la vie (naissance, croissance, métamorphoses, multiplication, mort). 2) Un thème : « le retour des oiseaux ». 3) Un thème : « l'éveil des insectes », « têtards et tritons ». Conclusion : Par cette méthode et cette attitude, il apparaît qu'il est possible de faire des activités d'éveil au cours préparatoire, sans rien imposer, en suivant attentivement les cheminements de l'enfant, en le laissant atteindre ce qui est à sa portée, en le mettant simplement en situation de découvrir, en développant chez lui l'intérêt naturel pour les réalités du monde vivant ; en en développant par la même occasion ses facultés d'expression, sa structuration mentale et son apprentissage du langage. 99 Chapitre III ORIENTATIONS ET GRILLE POUR L'ORGANISATION DES RECHERCHES AU COURS PRÉPARATOIRE A PARTIR DE 1971-1972 I. — IL FAUT PARTIR DE L'ECOLE MATERNELLE H. — MODALITES PRATIQUES d'organisation du travail de recherche i n . — CADRE-CONTENU adopté lors du stage d'avril 1971 pour la poursuite de recherche pédagogique appliquée sur programme en 1971-1972 : — les orientations ; — les objectifs. IV. — ORGANIGRAMME DE LA GRILLE C.P. de l'E.N.F. de Caen amendée par la Commission C.P. V. — « ACTIVITES D'EVEIL A ORDENTATION SCIENTIFIQUE ». I. IL FAUT PARTIR DE L'ECOLE MATERNELLE Puisque l'enfant est au centre de nos préoccupations, il n'est pas possible de définir certaines formes de son activité au cours préparatoire sans tenir compte à la fois de son passé et de son avenir. Les activités d'éveil impliquent une philosophie de la continuité éducative car il n'y a pas pour l'enfant d'expérience isolée. Toute expérience se rattache à une expérience antérieure et prépare une expérience à venir. L'éducation est, comme l'écrivait Dewey, une « reconstitution ou réorganisation de l'expérience qui accroît la signification de l'expérience et la capacité de diriger l'expérience future •» (Dewey. Démocratie d'éducation, p. 101-102 - Cf. La Pédagogie de Dewey, Gérard Deledalle, Ed. du Scarabée, 1965). Pour prendre conscience de la place des activités d'éveil au C.P., il faut donc partir de l'école maternelle et de là, ouvrir des perspectives pour l'avenir en prenant conscience des fins générales qu'on se propose d'atteindre et des buts particuliers qu'on peut définir pour le C.P. Nos recherches s'inscrivent donc comme la suite naturelle de celles qui sont engagées dans les écoles maternelles afin que nos schémas n'introduisent aucune rupture entre l'école maternelle et l'école élémentaire. On consultera donc les numéros de « Recherche Pédagogique » consacrés à l'Ecole Maternelle. Le dernier numéro est consacré à la « Mathématique vivante » (n° 45) et l'on y verra que les équipes se sont engagées à approfondir les problèmes relatifs à la structuration de l'espace et du temps. En ce qui concerne les activités d'éveil Madame Delchet, Inspectrice départementale des Ecoles maternelles, Chef de la Division pré-élémentaire au Département de la Recherche pédagogique, a défini le point de vue propre à l'école maternelle. L'ECOLE MATERNELLE ET LES « ACTIVITES D'EVEIL » (Communication de M"1* M. Delchet, chef de travaux, responsable I.N.R.D.P. des recherches au niveau pré-élémentaire, mai 1970) J'essaierai de dégager rapidement d'une part, ce qui fait l'originalité, la spécificité des points de vue de l'Ecole Maternelle, d'autre part ce qui 101 pourrait devenir perspective commune et peutêtre plan d'action concertée aux différents niveaux de la RECHERCHE. A l'Ecole Maternelle, TOUT EST MATIERE D'EVEIL Pour l'enfant de 2 à 6 ans, la relation essentielle au monde est une relation d'éveil, une relation vitale. Toute réalité est alors abordée, non point sous le signe de l'observation, mais dans un esprit de découverte, sous le signe de l'étonnement, de l'émerveillement. « Le monde est beau avant d'être vrai » (Bachelard). Il s'agit donc, à tout moment, d'aider l'enfant à construire cette relation essentielle où l'univers vécu se transforme, se structure et se densifie en même temps que le moi enfantin, dans un rapport de réciprocité. Double mouvement de créativité, c'est en ce sens qu'on peut considérer l'Ecole maternelle comme une « cellule créatrice ». Dans ce nouvel environnement, chacun doit pouvoir vivre son rapport au monde de manière singulière. Pour chacun d'ailleurs, l'expérience se colore de ses relations affectives antérieures ; chacun vit globalement ses tentatives et ses projets, « ses prises » sur l'environnement, et ses relations s'établissent aussi bien sur des champs perceptifs apparemment neutres qu'avec son entourage humain et social. Dans cette perspective tout est objet d'éveil, tout est raison d'éveil. A l'Ecole Maternelle, pas de disciplines « majeures » et « mineures » Nous ne distinguerons donc pas comme au niveau du cycle élémentaire et au-delà, des disciplines fondamentales et des disciplines d'éveil, — des disciplines « majeures » et « mineures ». Ce schéma d'activités ainsi construit ne répond pas à nos finalités. Si nous visons essentiellement au développement harmonieux de l'enfant, dans sa réalité biologique, psychologique et fonctionnelle, — sociale et fonctionnelle, — si les mots « relation », «émancipation», «autonomie» ont un sens, il s'agit avant tout de donner à l'activité de l'enfant se plénitude dans le champ où elle se manifeste et dans le moment même où elle le requiert impérieusement. — Il s'agit aussi de la faire lucidement évoluer vers des plans d'activités plus différenciés qui favoriseront le passage aux étapes successi102 ves de la croissance enfantine et en assureront la continuité, sans oublier que l'expérience de l'enfant est constamment portée ou affectée par ses relations interhumaines. Ainsi, pour nous, toute activité devient fondamentale en ce sens qu'elle concourt à l'édification de ce « nœud de relations » qui définit l'enfant dans le monde qu'il construit et où il se construit. A l'Ecole Maternelle, les activités ne se juxtaposent pas. Elles sont toutes convergentes En raison même de ce « nœud », les activités proposées à l'enfant ne se développent pas selon des cadres cloisonnés ni dans une perspective de juxtaposition. Elles devront se dérouler sans rupture et cette exigence s'inscrit bien dans notre tradition. Il s'agit non seulement de prévoir, mais de créer un enchaînement logique et fonctionnel des activités de la journée qui s'insérera lui-même dans un mouvement plus large où les projets individuels et les projets communs pourront s'approfondir dans une durée plus vaste. Cette dynamique mentale requise des institutrices maternelles pour répondre aux lois du développement enfantin constitue la base d'une pédagogie dialectique qui se propose de rompre avec un savoir figé qui dogmatise les connaissances pour introduire l'enfant à l'esprit de découverte (exploration et aventure), sans le frustrer des démarches informatrices bénéfiques à l'égard des êtres et des choses rendues à leur vie dans un monde en perpétuel mouvement, en perpétuelle transformation. Ceci suppose de la part de l'éducatrice meneuse de jeu une mobilité spirituelle des capacités d'invention créatrice, un pouvoir de synthèse qui ne s'improvisent pas mais qui sont le fruit d'une expérience mûrie au contact quotidien des enfants. Cette maîtrise n'est jamais donnée, elle est toujours conquise. La trame d'activités que l'institutrice propose et crée alors par le dialogue avec le groupe enfantin, est une trame essentiellement flexible qui lui permet de choisir une stratégie en fonction d'une ambiance de vie toujours mouvante. Chaque moment éducatif devient alors complémentaire de tous les autres et le projet initial ou « thème » peut se déployer par le jeu des convergences qu'elle propose. L'observateur étranger se perd le plus souvent dans les faisceaux de convergences ainsi construits où les notions apparaissent et sont approchées, où les concepts sont mis à l'épreuve dans des perspectives multiples et différenciées. Ici et maintenant, l'on danse certes ; mais déjà l'exercice rythmique dépasse son but et les questions et les échanges qui s'instaurent sur un pied d'égalité et de réciprocité pour réaliser les « figures » de la danse contiennent et induisent un nouveau versant de l'action et de l'expérience. C'est l'espace ainsi habité, « la géométrie vécue » qui favoriseront dans l'heure prochaine, et pour certains, le passage au signe et à la représentation dans un espace conventionnel ; pour d'autres, la création jubilante de formes et de jeux colorés. Chaque moment peut être ainsi saisi dans ses développements et enroulements possibles et ouvre aux enfants de nouvelles expériences élargies, approfondies dans un enchaînement toujours cohérent cependant. Cette interdépendance des activités, cette convergence permettent l'approche des notions et la formation progressive des concepts grâce à la multiplicité de perspective ainsi créée. Elles favorisent aussi l'émergence de l'attitude objectivante par la remise en question des évidences et des apparences sans léser l'élan créatif des enfants ni leur appétit de découverte. Privilège du LANGAGE à l'Ecole Maternelle C'est à l'Ecole Maternelle que s'opère le passage capital, l'accès au symbole. Au plan de la pure action succède et s'oppose (selon Wallon) celui de la représentation. A « l'espace des choses » se superpose « l'espace mental », « dans lequel l'image peut être considérée comme le premier degré du symbole parce qu'elle tend vers le langage, support nécessaire de la représentation, clé de la fonction symbolique ». Ainsi se structure l'intelligence conceptuelle, l'intelligence discursive qui opère sur des représentations ou par le moyen des représentations et dont le langage est le « substrat indispensable ». Il s'agit bien ici d'un seuil capital que l'enfant doit franchir et à ce titre, le crédit accordé au langage à l'Ecole Maternelle serait amplement justifié. Un tel crédit s'inscrit dans une tradition qui, depuis Pauline Kergomard ne cesse de s'affirmer et fait l'originalité de notre système éducatif au regard des autres systèmes pré-scolaires. Au moment où la fonction éclate et achève de se constituer, l'enfant réclame en outre une prodigalité, une ouverture et « un crédit sans bornes » qui donne un sens à tout. Car c'est le désir d'une communication vivante qui définit bien avant ce moment même l'attitude foncière du jeune enfant, désir qu'il faut nourrir, encourager, et bien souvent aussi réparer. « C'est au niveau de la parole échangée que les existences étrangères (en même temps que la nôtre) nous apparaissent ordonnées au monde vrai. » L'outil relationnel, sa solidité, son efficacité préparent déjà l'outil de conceptualisation que devient très vite le langage. Toutes les activités langagières, — et elles sont multiples et étonnamment diversifiées dans nos meilleures classes, — sont des activités privilégiées d'éveil, éveil à soi, éveil à autrui, aux choses, au monde et favorisent la constitution de « l'ZJNIVERS ORIENTE ». Je reviendrai sur ce point important dans la seconde partie de mon rapide exposé. UNITE ET CONTINUITE Il est clair qu'une telle pédagogie est essentiellement novatrice, — au moins dans ses intentions —• et que l'Ecole Maternelle apparaît le plus souvent, au regard des autres niveaux d'enseignement comme u n terrain privilégié d'innovation et de recherche. Pourtant entre les finalités et la réalité vécue sur le plan quotidien, les distorsions existent et tendent à se multiplier et les problèmes sont loin d'être résolus. Dans ce domaine, il nous faut résister à la séduction d'un mythe facile et ne point laisser croire qu'ayant trouvé ses solutions, l'Ecole Maternelle peut fonctionner en vase clos, privilégié, à l'écart des autres cycles à l'heure même où ceux-ci se remettent en question. Une telle tentation qui tendrait à isoler l'Ecole Maternelle du mouvement actuel de rénovation ne ferait que la confiner dans un rôle mineur où elle s'asphyxierait rapidement. Il nous faut affirmer, de principe, l'unité et la continuité des perspectives éducatives. Si les méthodes se différencient en fonction des niveaux de maturation des enfants, leurs finalités et leurs objectifs coïncident. C'est en ce sens que le Département de la Recherche Pédagogique organise ses coordinations aux différents niveaux, la concertation la plus large qui peut évoluer vers la formulation et l'expérimentation d'une trame d'hypothèses commune dans le domaine qui nous rassemble ce matin. 103 LANGUE PARLÉE LANGUE ÉCRITE «itf *r.o, &^ &¿*;¿: >v c/ < >l<f «> I / BILINGUISME stf*> 4R* LA STRUCTURATION SPATIO-TEMPORELLE 104 Les axes de la Recherche au niveau pré-élémentaire sent fonctionnefllement entre les axes d'activité. Actuellement ce réseau se construit sur le schéma suivant. Compte tenu des moyens qui nous sont accordés à ce niveau, l'économie, la prudence et la modestie eussent commandé une orientation à mon sens restreinte de la recherche à l'Ecole Maternelle. Nous aurions pu nous limiter à un seul axe de recherche et porter nos efforts sur un champ volontairement réduit à seules fins d'éviter la dispersion et l'épuisement. Pour ma part, et avec l'accord de M. Legrand, pour rester fidèle aux finalités de l'Ecole Maternelle et à cette pédagogie dialectique que j'ai tenté d'esquisser, j'ai résolu de « vivre au-dessus de mes moyens » et construit un plan de recherche qui fait apparaître en miroir les convergences et les complémentarités qui s'établis- — — — — La structuration spatio-temporelle Dans ces différentes directions considérées comme complémentaires, très vite des nœuds de convergences sont apparus découvrant une dimension nouvelle et des hypothèses communes de recherche (figure 2). Ainsi, le problème de la « formation de l'univers orienté »(1) s'est imposé à toutes nos équipes avec ses 4 réalités solidaires. Schema corporel Orientation spatio-temporelle Structuration spatio-temporelle Stabilisation des repères et des valeurs vécues. avènement de l'intelligence analytique • activité symbolique capacité d'objectivation des relations et des rapports (analyse - abstraction - généralisation) Cet exemple, choisi à dessin, éclaire cette unité et cette continuité qui peuvent et doivent s'instaurer dans tous les ordres et à tous les niveaux de la Recherche Pédagogique. — un éclairage meilleur et un approfondissement de la perspective génétique qui sous-tend toutes les stratégies pédagogiques {respect de l'unité et des lois du développement) ; Conclusion — un meilleur ajustement de nos hypothèses en fonction de finalités de l'éducation repensées en commun ; Que peut-on attendre des recherche conduites au niveau de l'Ecole Maternelle sur le problème des « activités d'éveil » ? L'on pourrait risquer : (1) Expression empruntée à MuochieUi. 105 — un meilleur ajustement de nos démarches et de nos méthodes pédagogiques ; — une réduction des différences et des ruptures qui existent encore à la charnière de chaque cycle d'enseignement (de l'Ecole maternelle au Cycle élémentaire, du Cycle élémentaire au 1er cycle, etc.) ; — la possibilité d'élaborer des instruments susceptibles de nous aider à mieux situer les capacités réelles d'un enfant au moment où il passe d'un cycle à l'autre. subsistent, l'élaboration et la maîtrise d'un réseau clair d'hypothèses dont il faut simultanément saisir la spécificité et ses interférences au niveau de la stratégie pédagogique globale déployée sur nos terrains dits « expérimentaux ». Ainsi se retrouvent, mis en perspective, différents types et niveaux de recherche, la réinsertion de recherches fondamentales dans la recherche descriptive et analyique et dans la recherche pédagogique d'innovation et de validation. Il nous reste à approfondir ces perspectives et à les « vivre » sur nos terrains d'expérience. Objectifs communs à toutes nos recherches dans le cycle pré-élémentaire Mme M. Laurent-Delchet a bien voulu nous confier pour insertion dans cette publication le diagramme des recherches tel qu'il s'est structuré depuis notre Stage d'avril 1971. Elle nous précise ce qui suit : Il s'agit d'un schéma organisateur des recherches, essentiellement dynamique, donc ouvert et évolutif. Il s'élabore tant au niveau interdisciplinaire de la conception et de la coordination qu'au niveau d'une pratique maîtrisée et contrôlable sur les terrains dits « expérimentaux ». Ce passage d'une recherche empirique et tâtonnante à une recherche expérimentale qui appelle la validation des hypothèses déployées par les chercheurs ne pourra s'opérer que si les terrains obtiennent un véritable statut expérimental. Le diagramme ainsi conçu et construit peut, nous semble-t-il, faire apparaître assez clairement qu'au niveau pré-élémentaire, la sectorisation des recherches en fonction d'activités strictement spécifiées s'efface en fonction et au bénéfice d'une prise de conscience globale des problèmes éducatifs qui ont pour objet l'enfant, dont le développement est envisagé dans son unité indivise, dans une perspective génétique, mais aussi dans sa dimension socio-morale (c'est-à-dire dans les relations que les enfants construisent avec les adultes dans les différents milieux de vie et groupes humains dont chacun est « partie »). L'orientation donnée à nos recherches, la manière dont elles se structurent et s'interpénétrent peut être explicitée provisoirement par ce schéma. Ceci n'exclut nullement, pour chacun des secteurs qui 106 Les stratégies pédagogiques induites par un tel schéma tendent dans tous les cas : — à réduire et compenser les handicaps de départ ; — prévenir les « inadaptations » et les « échecs » dans l'étape suivante de la scolarité ; — développer chez tous les enfants : — les capacités relationnelles — l'appétence à la communication — les attitudes d'initiative et d'autonomie — le goût et les capacités de créativité —• l'exigence de l'activité et de l'effort productif. — favoriser, dans un souci constant d'équilibration et dans une perspective résolument génétique : — leur développement biologique — leur équilibre affectif — leur insertion active dans leurs milieux de vie (fonction d'ouverture) — leur développement cognitif (passage de l'opératif au conceptuel) — leur disposition et potentiel à « transformer leurs inventions en habitudes ». C'est nous dans avec en fonction de ces finalités très précises que avons construit nos hypothèses envisagées leurs spécificités et dans leurs interférences celles des autres secteurs. I.N.D.R.P. : SERVICE DES ETUDES ET RECHERCHES PEDAGOGIQUES DIVISION PRE-ELEM. établi par Mme Laurent-Delchet, tous droits réservés diagramme des recherches 1971.72. établi par Mme Laurent-Delchet tous droits réservés II. MODALITES PRATIQUES D'ORGANISATION DU TRAVAIL DE RECHERCHE (rappelées après l'ouverture du stage des 26-29 avril 1971, par Mme L. Marbeau) « Il apparaît nécessaire de fixer une doctrine claire et ferme en ce qui concerne l'interdisciplinarité pour notre groupe de recherche. La concertation est nécessaire pour les recherches dans le Cycle Elémentaire, mais rigoureusement indispensable pour le C.P. Il s'agit d'une concertation entre spécialistes, y compris les psycho-pédagogues qui sont des spécialistes (professeurs des E.N., I.D.E.N. ou animateurs de l'I.N.R.D.P.), avec des enseignants polyvalents, les instituteurs, en vue de préparer des activités d'éveil et de permettre à l'enfant d'accéder plus tard, mais plus facilement, aux disciplines intellectuelles telles qu'elles seront abordées en 6", et peut-être au CM. Les exercices, jeux, activités d'éveil au C.P. sont fort éloignés de nos disciplines au sens traditionnel du terme. Les collègues qui ont travaillé au niveau du C.P. diront cependant comment les activités qu'ils ont imaginées, ou conduites, préparent l'enfant de 6 ou 7 ans à l'histoire, la géographie, l'initiation économique, sociale et politique et les sciences, sans négliger pour autant le développement de sa sensibilité (art), de l'expression graphique (dessin) et de ses progrès verbaux (expression orale). Nous avons tout particulièrement regretté l'absence d'un spécialiste de mathématiques. Par contre l'aspect Vie (biologique), mais aussi les éléments de physique n'ont jamais été absents des discussions autour des concepts interdisciplinaires d'espace, de temps et de relation. Il serait souhaitable que dans chaque E.N. puisse se constituer une équipe interdisciplinaire autour d'une recherche. Cela ne doit pas conduire à une confusion (une seule équipe pratiquant toutes les recherches) mais chaque spécialiste, ou groupe de spécialistes en histoire et géographie, a intérêt à s'assurer le concours non seulement du psychopédagogue (nécessité de ne jamais oublier la dimension psychologique) mais encore celui des collègues spécialisés dans les « langages », dans les autres disciplines d'éveil, et l'éducation physique. Il est non moins souhaitable que l'historien-géographe intervienne de façon spécifique dans la recherche menée par d'autres spécialistes. Dans le 108 premier cas, les collègues des autres disciplines interviennent auprès de nous à titre complémentaire ; dans le second cas ce sont les historiensgéographes qui apportent une simple contribution à une recherche appliquée sur programme qui se déroule dans le cadre d'autres disciplines. Le travail interdisciplinaire des professeurs-chercheurs est utile pour la phase d'analyse mais également nécessaire au moment des synthèses : il faut que les instituteurs conduisent les enfants jusqu'à la synthèse. Cet aspect interdisciplinaire introduit dans nos r e cherches vise à permettre que soient réellement abattues les cloisons entre les disciplines mais ne doit pas nuire à la spécificité de chacune d'entre elles. Dans cette phase de recherche une réelle maîtrise des disciplines (méthodes et contenus) est indispensable pour construire schémas généraux, exercices, jeux, expériences... L'instituteur ne peut être spécialiste dans tous les domaines ; il convient par contre qu'il prenne conscience de l'exigence des diverses disciplines ; une recherche pédagogique appliquée qui se veut scientifique ne saurait être menée avec des hésitations ou confusions concernant méthodes et contenus : il en est ainsi pour le C.P. et de même aux CE. et CM. Rappelons que la commission C.P. proposera un texte, sorte de charte méthodologique, utilisable pour les recherches au C.P. en 1971-1972. Il conviendra d'étudier ce texte soigneusement, de le discuter, l'amender et l'adopter comme cadre de recherches au C.P. pour toutes les équipes. » III. CADRE-CONTENU ADOPTE LORS DU STAGE D'AVRIL 1971 POUR LA POURSUITE DE RECHERCHE PEDAGOGIQUE APPLIQUEE SUR PROGRAMME EN 1971-72 LES ACTIVITES D'EVEIL AU C.P. La commission C.P. du stage national d'avril 1971 a travaillé sur un texte, qui rassemblait des considérations des 3 équipes qui avaient particulière- ment expérimenté au niveau du C.P. en 1970-1971 (E.N.F. de Caen, Saint-Germain-en-Laye, E.N.G. d'Arras). Après la discussion un accord s'est dégagé sur le texte suivant, qui est apparu comme un énoncé d'intentions fondamentales, et il est complété par une grille (1) plus précise suggérant des thèmes d'activité. I - LES ORIENTATIONS Le but de l'éducation consiste à aider l'enfant à se former et les activités d'éveil contribuent à favoriser sa croissance tant physique que mentale. Certes à l'Ecole Maternelle, toutes les activités sont matières d'éveil et elles doivent continuer à l'être au C.P. Néanmoins les activités d'éveil peuvent commencer à avoir leur langage propre au Cours Préparatoire. Quel que soit ce langage, elles doivent suivre le développement génétique de l'enfant. Il conviendra donc de ne pas rompre l'unité éducative favorable au développement de l'enfant et aux apprentissages fondamentaux de la lecture, de la langue et de l'initiation mathématique. Les maîtres expérimentés avaient déjà le souci intuitif de cet éveil, mais ce souci apparaissait à l'intérieur des différentes activités figurant au C.P. Or, il convient de se référer non pas à un ordre voulu par la matière structurée par des systèmes d'adultes, mais de se référer à un ordre dans les étapes, imposé par la croissance de l'enfant. II ne paraît donc pas souhaitable de prévoir une succession méthodique a priori des exercices, mais seulement des orientations possibles qui se développeraient de manière polyphonique tout en respectant les circonstances et les intérêts de l'enfant, la valeur polyvalente des exercices et l'indispensable « transfert des attitudes acquises à l'occasion des autres activités ». d'activités corporelles et manuelles, d'exploration du milieu dans des perspectives géographiques, biologiques, technologiques et aussi d'exercices d'expression verbale et mathématique. Ce qui montre le nécessaire décloisonnement dans l'organisation du tiers temps pédagogique mais surtout dans les mentalités et au niveau de la recherche, la collaboration étroite des différents spécialistes. Il ne s'agit donc pas d'introduire l'histoire, la géographie ou les sciences au C.P., mais de développer certaines attitudes et aptitudes utiles au développement de l'enfant, comme à la pratique à échéance plus lointaine de diverses disciplines. Quatre concepts ont été jugés fondamentaux : l° r — l'espace 2* — le temps, cadres de la pensée 3e — la vie, centre des intérêts de l'enfant 4e — les relations, en particulier les relations causales. Simultanément à la construction de ces concepts l'enfant doit accéder à une meilleure appréhension des notions telles que celles de substance, de changement, etc. II - LES OBJECTIFS — Le premier objectif consiste à connaître l'enfant, celui-ci n'étant pas considéré comme un objet de curiosité mais comme un être dont nous avons la responsabilité et qu'il s'agit d'observer avant de lui apporter notre aide. Il faut que le maître soit à l'écoute de l'enfant, qu'il le laisse s'exprimer, chercher et proposer ses solutions, se tromper, expérimenter. Il faut vouloir bien perdre u n peu de temps pour que l'enfant en gagne. — Le second objectif vise : — à assurer la continuité avec l'enseignement reçu à l'Ecole Maternelle en ce qui concerne la construction de l'espace et du temps dans leur relation avec la vie ; Au C.P., il semble nécessaire d'abandonner l'idée d'éveil à une discipline (car l'idée sous-jacente de discipline pourrait fausser l'orientation de l'acte pédagogique) et de retenir celle d'éveil par l'activité poursuivie en dehors ou au sein des disciplines. Par exemple la construction de l'espace implique des expériences qui relèvent à la fois — à prévoir la continuité avec l'enseignement donné au C E . où l'on exploite de façon plus spécifique l'apport du milieu. (1) Cf. organigramme page suivante et grlie détaillée en fin de brochure. — Le troisième objectif vise par des manipulations, des explorations à initier l'enfant à des démarches 109 o S Il crée Il découvre Il reflète et véhicule Il s'é tonne 1 II agit ^ \ ^ ESPACE TEMPS VIE OBJETS et P R O P R I E T E S Il utilise des documents. Il lit des documents créés par les autres • II crée • Langages Il s'exprime COMMISSION C.P. 16 juin 1971 Action de l'éducation Socialisation P a r m i les autres Y P E R C E P T I O N GLOBALE Dans un milieu L ' E N F A N T VIT IL CONSTRUIT SA PENSEE par action sur le réel pour communication avec les autres ^ _ ^ _ AU C O U R S PREPARATOIRE DE L'E.N.F. DE CAEN, AMENDEE PAR LA COMMISSION C.P. IV. - ORGANIGRAMME DE LA GRILLE C.P. opératoires et à aider l'enfant non seulement à étendre le champ de l'expérience vécue imais à commencer à prendre conscience des réalités sensori-imotrices. — Le quatrième objectif vise à aider l'enfant à prendre des attitudes « objectivantes » : il doit prendre conscience que ses explications du monde, ses conceptions, stéréotypes, préjugés... ne sont pas forcément ceux de son voisin et qu'ils n'expliquent peut-être pas les choses. Cette remise en cause est le point de départ d'une pensée scientifique. L'ensemble des activités d'éveil permet la décentration de l'enfant et développe ses possibilités de coopération. Non content d'avoir vécu des expériences, il faut le rendre capable de construire, de sous-systèmes en systèmes, des structures plus complexes qui lui permettent de traduire le vécu et de lire le non^vécu codé par d'autres. Il faut accoutumer l'enfant aux premières formes de représentation ou aux premiers types de documents. Les activités d'éveil ne viennent donc pas s'ajouter comme un surcroît de travail au C.P. Ainsi partant du vécu l'enfant maîtrisera progressivement les structures spatiales et temporelles s'aidant de l'apport des mathématiques et du français. Son éveil à lui-même, aux choses, à la société, au monde se poursuivra au sein des disciplines, l'important n'étant pas la somme de ce qu'il faut connaître, mais l'acquisition de méthodes qui permettent de suivre un monde en évolution. On conçoit ainsi que ces orientations et objectifs impliquent un changement d'attitude et de style pédagogique. Dans cette perspective il est utile de préciser comment les recherches « Activités d'éveil au C.P. » s'articulent avec les recherches « Activités d'éveil à orientations scientifiques » aux autres niveaux de l'école élémentaire. I - OBJECTIF DES ACTIVITES D'EVEIL A ORIENTATION SCIENTIFIQUE Elles se proposent de donner une initiation scientifique qui est non seulement en accord avec le développement de l'enfant mais qui le favorise : passage à l'objectivité, développement de la pensée logique, à partir de l'expérience, connaissance et maîtrise de l'environnement. En d'autres termes : la réalisation des objectifs généraux des activités d'éveil à l'école élémentaire suppose que la composante initiation d'éveil expérimentale et technologique soit dégagée correctement au cours des exercices. A) Nature de la pensée scientifique et implications pédagogiques Toute formation scientifique valable suppose une chasse (la démarche scientifique) débouchant sur une prise (les concepts scientifiques) ; d'autre part elle ne doit pas constituer une activité autonome et artificielle mais se répercuter sur le vécu et les comportements individuels. 1) La démarche scientifique V. RECHERCHE « ACTIVITES D'EVEIL A ORIENTATION SCIENTIFIQUE » EXPOSE DE V. HOST AUX PARTICIPANTS DU STAGE SCIENCES HUMAINES DES 27-29 AVRIL 1971 La convergence des recherches relatives aux activités d'éveil préoccupe avec raison ceux qui sont attachés à la rénovation de l'école élémentaire. II ne s'agit pas de découvrir un réel préétabli mais de construire un système de relations à partir de l'expérience d'une part et des cadres mentaux du sujet d'autre part. Il n'y a pas de démarche scientifique sans problème. L'esprit de l'enfant n'est pas un terrain vide qui doit être meublé par des observations mais l'enfant a toujours construit un système d'explications et de représentation spontanées. Le problème scientifique nait de la réaction d'étonnement provoquée par l'échec des évidences du réalisme naïf. Une pédagogie qui ne permet pas à l'enfant d'exprimer son système d'explications est vouée 111 à l'échec : elle juxtapose un savoir factice aux représentations anthropomorphiques et magiques de l'enfant et de la société. La démarche scientifique s'appuie sur l'observation et l'expérimentation. La première ne doit pas être considérée comme une simple perception qui précède le raisonnement ; elle est la réponse à une question qui n'est pas la même pour le chasseur et le savant ; elle est organisée par les cadres logiques, topologiques, scientifiques du sujet. D'autre part, l'observation seule ne permet pas de résoudre un problème dans la plupart des cas : l'expérience est souvent indispensable pour limiter le nombre de paramètres et les faire varier de façon indépendante : le laboratoire est inséparable de la démarche scientifique. Il implique la maîtrise d'un certain nombre de techniques et une pratique instrumentale rigoureuse. Exemple : Lavoisier s'est détourné du caractère pittoresque de la flamme pour peser avec précision en vase clos les corps en réaction et les produits formés. L'objectivité scientifique ne résulte pas de l'application d'une méthode standardisée et infaillible : la confrontation grâce à la communication constitue une étape indispensable du passage à l'objectivité. Elle suppose la mise au point d'un langage commun précis qui traduit une démarche opératoire. De plus elle fait appel aux autres systèmes de symboles et de codes : dessins, graphiques, symboles mathématiques. Enfin la recherche de l'objectivité implique aussi l'emploi d'une documentation soit pour chercher une confirmation des résultats de la démarche expérimentale soit pour trouver une information (construction d'un aquarium, détermination, extension à d'autres milieux). Par les aspects indiqués ci-dessus la démarche scientifique se présente comme un jeu de société qui obéit à certaines règles et qui exige par ailleurs beaucoup d'imagination ; mais cet aspect nécessaire n'est pas suffisant : si la pensée scientifique se détourne des applications, elle se transforme en système fermé et devient une scolastique abstraite ; c'est l'application au milieu, la résolution de problèmes de vie qui permettent de découvrir le domaine de validité d'un concept et de poser de nouveaux problèmes ; il suffit d'observer les floraisons dans la nature pour savoir que certains facteurs connus (nutrition) ne suffisent pas à expliquer la floraison simultanée de tous les chrysantèmes fin octobre. 112 2) Les concepts scientifiques La démarche scientifique ne dégage jamais des faits bruts mais elle fait apparaître des relations même dans les disciplines descriptives : plan d'organisation et classifications, relations causales qui sont exprimées par des définitions abstraites (dissolution, respiration, chaîne alimentaire) ou des lois. Les concepts scientifiques sont des relations dégagées par une voie opératoire et exprimées à l'aide d'un vocabulaire spécifique ; pour les imaginer il est utile de s'appuyer sur un exemple concret. Une connaissance scientifique se définit donc par une relation, le vocabulaire qui permet de l'exprimer et le fait concret qui sert de support : la fleur est caractérisée par la possibilité de transporter le pollen sur un pistil ; ces notions fondamentales déterminent le vocabulaire de base et la fleur de tulipe permet de fixer ces notions. Il n'y a pas de pensée scientifique sans connaissances et la formation scientifique, même au cours d'une 1" étape, ne saurait se limiter à une simple démarche s'exerçant à vide. Mais en réalité il suffit d'établir et de connaître un petit nombre de concepts de base pour pouvoir résoudre un problème ou exploiter une documentation ; il appartient à la recherche de les définir. Au contraire l'accumulation de connaissances facturelles stérilise la formation scientifique ultérieure. De plus la transmisison dogmatique de connaissances masque deux exigences essentielles : — la science constitue un corps cohérent de concepts organisés par un effort actif du sujet ; cette structure n'a aucun point commun avec la succession des feuillets d'un livre ; —. la formulation d'un concept dépend du niveau de développement du sujet et de l'ensemble de ses connaissances ; il n'y a jamais de formulation rigoureuse et définitive et un aspect essentiel d'une démarche pédagogique individualisée est de trouver le mode de formulation qui correspond à une situation donnée et à un élève donné. La respiration par exemple peut d'abord être définie comme un mouvement de ventilation (air ou eau aérée), puis un échange gazeux entre l'individu et l'atmosphère, portant sur l'oxygène et le gaz carbonique, enfin comme une oxydation de matières organiques. 3) Application à la connaissance de l'environnement et à l'action sur le milieu Les problèmes qui se trouvent au départ de toute démarche scientifique sont posés soit par le milieu — défini ici au sens étroit par le domaine perçu de façon globale grâce à une exploration sensori-motrice directe et active — soit par les média qui apportent des informations très diversifiées et susceptibles de résonances affectives réelles mais parcellaires, découpées et partiellement interprétées par le producteur. Malgré le rétrécissement du milieu pour les enfants transférés dans les grands ensembles, il est essentiel de leur faire explorer leur environnement naturel, technologique et humain en particulier pour leur permettre d'interpréter les média. Mais la démarche scientifique ne saurait se réduire à une simple étude du milieu sous prétexte d'éviter une orientation disciplinaire prématurée et de permettre une approche globale même à l'école élémentaire : un stade d'élaboration de concepts de type disciplinaire est indispensable avant le retour au milieu. C'est après ce stade seulement qu'il est possible de revenir au milieu, non seulement pour découvrir la véritable portée des notions établies mais aussi pour lier la connaissance au vécu et à l'action et éviter la dégradation des activités scolaires à l'acquisition d'une panoplie de connaissances abstraites, verbales, cloisonnées, sans rapport avec l'expérience personnelle de l'élève. Lorsqu'un scientifique parle de milieu, il est moins préoccupé par les problèmes d'extension dans l'espace et le temps, problèmes fondamentaux en histoire et géographie, que par les problèmes des rapports entre le vécu et le conçu, entre expériences et concepts, entre la simplicité des situations de laboratoire et la complexité du réel. L'intégration de l'information apportée par les média est fondamentale à condition de ne pas régresser vers une pédagogie de la perception mais d'intégrer l'emploi de média dans une pédagogie centrée sur une démarche opératoire et expérimentale. De plus les élèves sont amenés à produire des documents (photographies par exemple), ce qui facilite leur examen critique. B) Initiation scientifique et éveil A l'école élémentaire l'initiation scientifique ne se justifie que dans la mesure où elle contribue au développement général de l'enfant. 1) Par leur nature même, les activités scientifiques (au sens large) permettent de stimuler l'éveil de l'enfant et de donner une signification objective à cette attitude. A partir de situations proches du jeu elles font appel à la curiosité et à la créativité de l'enfant et elles s'appuient sur la communication. Mais la règle du jeu impose une décentration du sujet, un effort d'objectivité, d'analyse et d'abstraction qui permettent de dépasser le stade de l'agitation informelle et stérile pour déboucher sur une formation. 2) Si on admet les théories de Piaget sur les stades de développement et le rôle des opérations (manipulations) effectuées par le sujet dans le développement de la pensée logique, il apparaît clairement qu'un enseignement ne doit pas être uniquement verbal, que les possibilités de tâtonnement expérimental et de recours à l'expérience jouent un rôle important dans la maturation de l'enfant. II - LES DIFFERENTES ETAPES DE LA RECHERCHE Il n'a pas été possible d'étendre la recherche année par année à partir du C.P. comme en sciences humaines pour 2 raisons : — la démarche pédagogique a d'abord dû être dégagée à partir d'expériences ponctuelles, la définition des différents niveaux ne peut se faire que par différenciation progressive. D'où la distinction de 2 étapes différentes de la recherche. A) Préexpérience Année scolaire 70-71. La réflexion des équipes a porté d'une part sur les méthodes pédagogiques — attitude du maître dans la classe — et d'autre part sur les modalités du travail des équipes. 1) Méthode pédagogique Comment concilier les exigences d'une démarche active, motivée de l'enfant et la nécessité de déboucher sur un acquis précis et organisé ? Il n'est plus question de suivre un programme imposé à l'avance mais il est indispensable d'expliciter un problème défini et d'orienter la démarche en fonction d'intentions pédagogiques précises au lieu de 113 rester sur le plan des motivations anarchiques et des thèmes informels. Il faut dégager la véritable signification de la méthode de découverte, éviter de faire des esprits faux par une découverte illusoire, trouver l'articulation entre les données apportées par l'observation ou l'expérimentation et les informations tirées d'une documentation. Il faut situer la place du travail de groupe et définir les conditions qui permettent d'orienter l'expression spontanée de l'enfant vers une communication objective utilisant le vocabulaire scientifique et les autres systèmes de symboles ; cette communication doit laisser une trace qui est une création de la classe ayant une valeur objective donc également éloignée du résumé imposé ou du texte libre qui n'exprime que les représentations spontanées de l'enfant. Enfin les différents problèmes ne doivent pas conduire à des apports parcellaires mais l'élève doit construire avec l'aide du maître une trame cohérente qui intègre son expérience personnelle et qui surmonte le cloisonnement disciplinaire. 2) Modalités du travail de l'équipe pédagogique (cf. chapitre II - exemples) La recherche suppose une équipe pédagogique qui est le point de rencontre et de dialogue entre le maître, seul responsable de la classe, et les observateurs extérieurs qui permettent une analyse objective de ce qui se passe dans la classe. L'explication des représentations spontanées de l'enfant aux différents stades de l'exercice est fonda- 114 mentale ; l'enregistrement au magnétophone est pratiqué chaque fois que les circonstances le permettent. La collaboration du spécialiste est indispensable pour définir les objectifs et composer les exercices de contrôle permettant de vérifier si ces derniers ont été atteints. La recherche exige une formation et information des maîtres qui ne peut se faire que dans le cadre de l'équipe pédagogique. B) Expérience : 71-74 1) L'analyse de 200~sujets traités par les équipes au cours de l'année, confrontée aux données des expériences étrangères, permet de dresser un tableau des objectifs possibles (méthodes, techniques, concepts) : il ne s'agit pas d'établir un nouveau programme mais de donner des instruments de travail aux maîtres pour voir ce qu'il est possible de faire et faciliter la répartition de sujets entre les différentes classes. 2) Cette progression sera évaluée si possible à l'issue d'une expérimentation de 3 ans. En particulier il sera indispensable de définir un niveau d'entrée en 6* non pas par une liste de connaissances factuelles mais par certaines méthodes de travail (niveau de pratique instrumentale, aptitude à faire un compte rendu de longueur donnée, aptitude à exprimer certaines situations et relations par des graphiques, etc.) et par un certain vocabulaire scientifique exprimant des démarches opératoires effectivement assimilées. Chapitre IV LES ACTIVITÉS D'ÉVEIL ET LES DISCIPLINES AU C. P. I. LIAISONS INTERDISCIPLINAIRES A) Activités d'éveil et disciplines dans le cadre du tiers-temps. B) Les disciplines et la formation de l'esprit de l'enfant. C) Réflexions sur l'interdisciplinarité. II. LIAISONS AVEC LES MATHEMATIQUES ET LE FRANÇAIS A) Mathématiques : — la structuration de l'espace et du temps, — approche de la notion de temps, (compte rendu d'activités E.N.F. Caen) — repérage dans l'espace. (compte rendu d'activités : E.N.F. SaintGermain-en-Laye) B) Français. m . HISTOIRE ET SOCIALISATION A) Le problème de la socialisation de l'enfant. B) L'évolution des sciences humaines peutelle modifier l'action éducative ? — qui est socialisé, — qui socialise, — le contenu traditionnel. I. LIAISONS INTERDISCIPLINAIRES A) ACTIVITES D'EVEIL ET DISCIPLINES DANS LE CADRE DU TIERS-TEMPS On notera d'abord que le mot discipline a au moins cinq sens différents. Puisque nous n'acceptons pas de considérer une science comme une simple somme de connaissances qu'il faudrait enseigner, nous dirons que le terme discipline, conformément au sens qui est le plus près de son étymologie désigne une démarche en vue d'une formation Nous admettons donc qu'il y a une spécificité disciplinaire et il faudra (par des démarches appropriées, que nous recherchons) former les enfants par la pratique de telle ou telle science. Dans la présente expérience, nous nous sommes d'abord inquiétés des sciences qui permettent l'étude des « faits naturels et humains », mais cette étude est inséparable au C.P. des problèmes posés par les « activités esthétiques » et par « l'éducation physique et sportive ». Reprenons les conclusions pratiques auxquelles était arrivée la commission de rénovation de la pédagogie : « Les six heures consacrées aux activités d'éveil comprennent trois heures d'activités esthétiques (musique, dessin, travail manuel) et trois heures d'initiation à l'étude des faits naturels et humains ». Le texte du B.O. du 7 août prévoyait en outre, dans le cadre du tiers-temps, 6 heures d'éducation physique et sportive. Si l'on recherche à voir comment l'acquisition des concepts communs s'organise, dans le cadre du 115 Maternelle Concepts communs (domaine de l'éveil) CP CE 1 CM1 CM 2 (Inspiré d'un schéma proposé par Mlle Fleûry directrice E.N.F. Alençon) Spécificité disciplinaire CE 2 DANS LE CADRE DU TIERS TEMPS ACTIVITES D'EVEIL ET « DISCIPLINES » tiers-temps, sans exclure la spécificité disciplinaire, on peut se référer au schéma provisoire suivant : concernant la formation de la pensée logique : on continue souvent à confondre la construction d'un concept avec l'acquisition de connaissances. On voit que si « tout est matière d'éveil » à la maternelle, presque tout l'est au C.P. Pour chaque discipline, il faudrait distinguer : B) LES DISCIPLINES ET LA FORMATION DE L'ESPRIT DE L'ENFANT Au niveau des enfants le problème de l'initiation aux disciplines rattachées aux sciences humaines ou biologiques ne s'est pas posé, nous sommes restés dans le domaine de l'antédisciplinarité, et si le français et les mathématiques au C.P. sont considérées comme des disciplines, il n'en reste pas moins qu'elles sont en grande partie activités d'éveil Autrement dit, les activités d'éveil au C.P. sont l'élément dominant de l'action pédagogique. Messagères d'un style, elles apportent leur appui à l'enseignement des mathématiques et du français. Elles obligent l'éducateur à un effort tout particulier pour établir un certain type de relation maître-élève. C'est dans ces activités et par elles que cette relation risque de changer là où cela est nécessaire et c'est au travers des activités d'éveil que pourra changer l'esprit de renseignement des mathématiques et du français. Sans ce changement, il n'y aura pas de rénovation possible. Il faut donc faire prévaloir l'idée que toute recherche au C.P. se fasse sous une forme interdisciplinaire par une équipe polyvalente, en dessin et en travaux manuels. En effet au C.P. on ne fait pas de l'histoire ou de la géographie, on met l'histoire et la géographie au service de la formation de l'esprit de l'enfant, ce qui signifie qu'on doit former l'esprit de l'enfant pour qu'il acquière solidement les mécanismes intellectuels fondamentaux. Qu'il sache observer, analyser, comparer, déduire... comme il sait marcher et courir avant de pratiquer un sport. La formation de l'esprit de l'enfant est d'abord globale, l'histoire, la géographie, les mathématiques, les sciences, l'éducation physique, la lecture, l'écriture, le dessin ont tous besoin que l'enfant apprenne à dominer l'espace, le temps et à structurer le réel. Il faudrait lever les malentendus 1) Un point de départ global qui pose le problème de l'acquisition de structures communes (nous devrons nous tourner pour ce problème vers la recherche fondamentale). 2) Le niveau des apprentissages qui implique la définition de notions scientifiques correctes et la pratique d'activités qui excluent les expériences qui fourvoient l'enfant et compromettent ses possibilités à venir. Il faut prendre garde de ne pas déformer irrémédiablement les esprits. 3) La part qui revient à la créativité. C) REFLEXIONS SUR L'INTERDISCIPLINARITE Au niveau des apprentissages, il n'est pas question, dans l'interdisciplinarité, d'assujettir une discipline à l'autre. Le travail manuel ne saurait être mis au service des mathématiques et les activités d'éveil ne sauraient se réduire à la recherche de « situations mathématisables ». Il ne faut pas croire non plus que l'une est nécessairement avant l'autre. Faire passer l'apprentissage de la lecture avant l'initiation mathématique c'est refuser d'admettre que les notions de relation et d'ordre en mathématiques peuvent aider à la découverte des relations structurant l'espace qui elles-mêmes facilitent la lecture tout autant que la construction du schéma corporel. Des professeurs d'histoire-géographie ont noté par exemple le grand intérêt qu'il y avait pour eux, au moment où ils envisageaient les possibilités de l'enfant de C.P. pour explorer l'espace environnant, de consulter le livre de Dienes (2P) et Golding (EW) : « Les premiers pas en mathématique logique et jeux logiques. O.C.D.L. - Paris, 1966. » On note aussi qu'il y a chez l'enfant un transfert d'attitudes mentales et le fait d'avoir appris en mathématiques à construire des ensembles permet en biologie d'envisager autrement l'approche de 117 telle ou telle notion ; par exemple on aurait pu, en guise d'initiation à la biologie apprendre à l'enfant de C.P. le nom des différentes parties d'une feuille, il aurait peut-être su les mots « limbe > et « pétiole » et il les aurait placé sur un croquis. Cela s'appelait une « leçon sur la feuille ». On aurait aussi pu distribuer aux enfants des feuilles et leur demander de les « observer ». Dans ce cas ils se contentent le plus souvent de regarder ce que le maître demande de regarder, puis ils dessinent ce qu'il faut dessiner, cela s'appelle une leçon d'observation. Mais on pourrait enfin distribuer des feuilles, des tiges, des pétales, des racines, des fruits et leur demander de former des ensembles en définissant les principes retenus pour grouper différents éléments. Les principes qu'ils auraient retenus seraient discutés et peut-être modifiés. Des relations entre les différents éléments pourraient apparaître. Cela s'appellerait « Activités d'éveil à prédominance biologique ». Dans ce cas les mathématiques, la biologie, le langage et le dessin s'apportent un appui mutuel, ce qui ne veut pas dire qu'on ne fera rien d'autre en mathématiques. Les activités d'éveil ne veulent pas être subordonnées à l'enseignement des mathématiques, elles ne doivent pas davantage se substituer à cet enseignement, niais on constate que « l'éveil » implique un emploi incessant d'instruments fondamentaux : il faut s'exprimer, lire, séparer, ordonner, comparer, dessiner. Certaines recherches ont abouti à faire une progression organisant l'interdisciplinarité autour de thèmes ou autour d'intérêts de l'enfant. Mais organiser sciemment une progression « en trois étapes » pour pratiquer l'interdisciplinarité n'est-ce pas courir le risque de mettre à nouveau les enfants dans un état de réceptivité plus ou moins passive au lieu de les habituer à se poser des questions et à quêter les réponses en s'aidant, de façon imprévisible pour nous, de l'apport des mathématiques, du français et du dessin. N'est-ce pas faire de l'interdisciplinarité un but en soi alors qu'elle est une nécessité pour l'enfant. En effet s'il cherche par exemple à s'orienter dans le monde familier de la classe il réemploie ce qu'il a bien acquis pour résoudre les problèmes qui se posent à lui. Les solutions qu'il trouvera seront peut-être différentes de celles de son voisin, il faudra qu'il s'habitue à comparer ces solutions avec celle des 118 autres. Et il verra alors que chaque problème a plusieurs solutions et qu'on peut choisir la solution la mieux adaptée au contexte dans lequel il se trouve. Il verra ainsi qu'on peut choisir pour traduire une expérience un langage plutôt qu'un autre. Il cessera alors d'être le contenant qu'on cherche à remplir selon un plan et des directives préétablis. II. LIAISONS AVEC LES MATHEMATIQUES ET LE FRANÇAIS A) MATHEMATIQUES 1. - La structuration de l'espace et du temps est l'une des finalités du C.P. Aussi toute une partie du nouveau programme de mathématiques au C.P. se rattache-t-elle directement aux activités d'éveil : « Repérage sur des réseaux, topologie, labyrinthe, intérieur, extérieur, ouvert, fermé, frontière à droite de, à gauche de, au-dessous de, au-dessus de, à l'avant de, à l'arrière de, schématisation de situations par les diagrammes, ensembles de flèches, tableaux, activités préparatoires à la mesure, plus grand que, plus petit que ». Mais les suggestions qui sont faites se rapportent toutes à l'espace, aussi avons-nous cherché à savoir si l'enfant était capable de construire des r e lations d'ordre dans le temps. Nous avons déjà rapporté des observations sur la façon dont l'enfant comprenait « avant, pendant, après », l'exemple qui suit répond en partie à la question : « les attitudes acquises au cours des exercices spécifiquement mathématiques, permettent-elles, à l'enfant de C.P. de comprendre ce qu'est un calendrier et d'en construire un ? ». 2. - Approche de la notion de temps (M. Bruneau — M"1* Villedieu — Ecole annexe E.N.F. — Caen.) EN SEPTEMBRE les enfants ont appris par audition un court poème (il fallait bien partir du temps que la société fournit à l'enfant). « Le premier jour de la semaine, c'est lundi, couleur rose clair... mardi, vert comme un fruit vert mercredi bleu, jeudi rouge, vendredi samedi jaune, dimanche blanc. » viennent capables de lire tous ces mots sur des étiquettes. violet, Ils ont essayé de traduire le poème en tenant compte des couleurs et bientôt ils furent capables d'aligner des papiers, dans l'ordre rose, vert, bleu, rouge, violet, jaune, blanc. En outre, chaque ¡matin ils effeuillaient l'éphéméride pour le mettre à la date du jour et très rapidement ils ont su écrire sur leurs ronds de couleur, lundi, mardi... Chaque matin le premier exercice consistait à écrire la date. A ce moment, l'institutrice constitua un matériel collectif : sept gros ovales de contreplaqué peints en rose, verts, etc., avec l'indication : « lundi », « mardi, etc. ». Un trou dans la plaque permet de la fixer sur une longue bande placée sous le tableau (bande de contreplaqué de 6 m munie de crochets de fixation tous les 10 cm. Tout au long du MOIS D'OCTOBRE, Ils discutent de ces notions à peu près chaque jour, parfois à l'occasion du texte de lecture, parfois à l'occasion des anniversaires. Ils deviennent capables de résoudre, puis de fabriquer des devinettes à poser à ceux qui n'étaient pas là pour l'anniversaire : Exemple : « Catherine a dit mercredi, demain, j'aurai 7 ans. Vendredi, elle a dit, hier j'ai eu sept ans. Quel jour a-t-elle eu sept ans ? » Quelques-uns réussissent même à faire une représentation spatiale de la devinette : C a t h e r i n e a 7ans on fait fonctionner les calendriers. — Quel jour est-ce aujourd'hui ? « mercredi » — Comment faire pour l'indiquer sur le grand calendrier qui est sous le tableau. « on faut « on « on fait une croix »... mais le lendemain, il l'effacer met un papier avec une punaise » écrit aujourd'hui sur le papier ». Très vite, « hier et demain » viennent s'ajouter à aujourd'hui et chaque jour on déplace alors trois index. Tout au long du MOIS DE NOVEMBRE, continue cette prise de conscience de « hier, aujourd'hui, demain » et de « avant et après ». Les enfants de- Mais, les exercices habituels continuent et chaque lundi, un « ennui » se précise : © © © © © © © « avant lundi, c'est dimanche, mais sur le tableau des jours, dimanche n'est pas avant lundi ». Nombreuses discussions sur l'ordre. « On pourrait commencer par dimanche, mais alors lundi ne serait plus le premier jour. » « Il faut mettre des jours avant et après ! » Partant de cette idée, on réalise alors deux types de calendriers ¡mensuels. Les enfants proposent d'abord une solution visiblement influencée par le désir de mettre de l'ordre », elle se présente ainsi : 119 Novembre et ils trouvent que c'est « bien mieux », parce que les dimanches sont sous les dimanches. D'autres proposent de « continuer les jours de chaque côté de la ligne horizontale ». Avec l'aide de la maîtresse, ils réalisent une grande « bande » qui constitue maintenant un calendrier « en accordéon », avec un pli à la fin de chaque semaine. Chaque jour, le travail devient de plus en plus compliqué pour tenir à jour tous ces calendriers. Déception générale et cri unanime : « elle est trop petite », « il en faut une plus longue ! ». Mais le carton était trop souple, il fallut remettre l'essai. Une leçon de math, vint se greffer sur cet entretien : approche de la relation de mesure. Un mercredi, au moment de la prise de conscience de la date, On revint au problème posé. Après de nombreux essais relatifs à la matière on préféra le polystyrène expansé au carton. Laurence dit : « aujourd'hui, c'est mercredi, hier, c'était mardi, demain, ce sera jeudi. Je déplace les trois étiquettes » et elle place aussi l'index du jour. Marc (car c'est lui qui continuait la réalisation de son idée) dit : « il faut une bande qui ait juste la même longueur que la place de trois jours ». Valérie effeuille l'éphéméride et dit : hier, mardi 24 novembre aujourd'hui, mercredi 25 novembre demain, jeudi 26 novembre L'institutrice lui donne une grande bande qu'il place sous les jours. Il fait des marques au stylo feutre puis coupe à la dimension voulue et il inscrit : « hier » « aujourd'hui » « demain » dans les trois cases. Anne : « est-ce que je peux compléter les autres calendriers ? » et elle fouille dans une « provision de jours roses, bleus, verts mis en vrac dans une boite. Elle complète, colle et dit ce qu'elle fait. Marc : « Moi, je trouve qu'on perd du temps à déplacer trois étiquettes. Il faudrait les mettre sur une grande bande. » L'institutrice lui donne une bande de carton pour essayer son idée et voir si elle « est bonne ». Marc divise sans aucune précaution sa bande en trois parties à peu près égales. Dans chaque partie, il écrit : « hier » « aujourd'hui » « demain » et il place le tout sous l'alignement des jours, placé sous le tableau. © ® ® © © © © H AD 120 Il essaie. Cris de joie : « ça marche ! ». Un enfant pourtant restait prudent et demande : « essaie si ça va pour tous les jours ». On essaya : L Hier M J V M M Auj. M V S De. J S D « ça va » « ça va » : « ça va » « ça va » Décidément, c'était parfait ! Temporairement parfait ! Ultérieurement, on en vint encore à simplifier les choses en remplaçant Hier par H Aujourd'hui par A Demain par D A vrai dire, il y eut deux écoles, les uns optant pour la solution H, A, D, les autres réclamant Hi, Au, De, parce qu'au début des mots on entendait « HI », « AU », « DE ». La première solution l'emporta car elle simplifiait davantage et on reconnaissait aussi bien Hier, Aujourd'hui, Demain. Mais un vendredi, alors que nous enregistrions l'exercice sur bande magnétique, les activités relatives à cette recherche recommencèrent comme chaque jour. Les différentes phases de la découverte sont rapidement reprises : la date du jour est trouvée, référence est faite à la veille et au lendemain, tous les calendriers sont mis à jour et les index sont mis en place. Comme on le voit, nous n'avons pas affaire à une série d'exercices, l'un chassant l'autre, mais à un recommencement qui permet aux hésitants de refaire des expériences déjà faites. On utilisa donc le « système de Marc ». Un enfant prétendit alors qu'avec le système de Marc, ça n'allait encore pas. Il revenait à l'idée trouvée dès le début de l'année et s'expliqua : « Si je mets aujourd'hui à dimanche, hier est à samedi, mais dimanche n'a pas de demain ». Un autre répondit : « Le demain de dimanche, c'est lundi, alors le dimanche a un demain ! » Oui mais on ne le voit pas au tableau. Une première solution fut trouvée, on déplaça le lundi M M J V S D L H A D Trois élèves protestèrent avec force : « Ça ne va pas, parce que les jours de la semaine ne sont plus en ordre ! » — Pourquoi ? « Parce que alors la semaine commence par un mardi. » Une fillette trouva à ce moment un argument qui jeta le trouble chez les contestataires : « si, ça va ! la semaine de décembre, elle a commencé par un mardi », et elle fit voir sur les calendriers : mardi 1er. Tout le monde convint un temps qu'une semaine pouvait commencer un mardi. Pourtant, les contestataires se défendirent : ce qui est vrai pour le « demain de dimanche » est vrai aussi pour le « hier » de lundi. L M H A D M J V S D Alors, il va falloir toujours déplacer les jours. Le lundi, on placera le dimanche en tête de semaine et le dimanche, la semaine commencera par u n mardi ! Ça ne va pas. Une première réponse fut trouvée à cette objection : « il n'y a qu'à mettre une ficelle ». On perfectionna même la solution en y ajoutant une flèche et en reliant les jours. M Un enfant qui essayait sur sa table, plaça ses jours ainsi : et dit : « Alors ça serait mieux de les mettre en ronde ». O ® On essaya individuellement sur les tables et collectivement en utilisant un tableau aimanté. On rencontra des problèmes mineurs faciles à résoudre : 1) Certains jours étaient écrits à l'envers... Il a suffi de retourner les étiquettes : tous n'y avaient pas pensé. 2) Il fallait placer les jours « bien en rond »... On plaça donc d'abord un gros disque vert qui servit de guide. On rencontra des problèmes plus sérieux : 121 On rencontra des problèmes plus sérieux : D l_ M fallait-il mettre S M V M J solution i L'un proposa d'abord des flèches pour savoir le sens, ce qui fut fait. Pour choisir entre la solution I et la solution II, un argument fut avancé qui l'emporta sans contestation. La solution I est meilleure parce que c'est comme les montres et les horloges. Alors tout naturellement, et comme si cela allait de soi, un enfant dit : « il n'y a plus qu'à écrire « hier », « aujourd'hui », « demain ». L'institutrice lui donna une feuille de papier, des ciseaux et un feutre. Suivant le bord du cercle, il trace un arc de cercle correspondant à trois jours, il repère le début, la fin et les limites de chaque jour et découpe un arc qu'il termine en pointe. Il place son arc sans avoir écrit H. A. D. D ou M J S V solution II « Tourne pour voir si ça va pour les autres jours. » Les contestations sont alors nombreuses, unanimes et inattendues : « Ça ne va pas parce que des fois les lettres sont couchées, des fois elles sont les pattes en l'air. » Les enfants inventent alors une série de solutions : on obtient alors : 1) On reprend une nouvelle flèche blanche chaque fois (ce n'est pas pratique). 2) On met des lettres dans tous les sens : Quelques enfants protestent, il faut écrire H. A. D. Un enfant fait alors remarquer (ce qui prouve sans doute une intelligence plus fine : « il n'y a pas besoin d'écrire puisqu'il y a une flèche et trois division. Ça marche toujours. » Mais sa remarque n'est pas retenue par les autres et il cède à l'argument : « Si quelqu'un entre dans la classe, il ne comprendra rien ». Et conclut : « c'est vrai, il faut expliquer ». On inscrit donc H.A.D. ainsi : _ 122 (cela est très confus). 3) On met un petit carré sur la flèche, fixé avec une épingle et on tourne le carré quand la flèche tourne. Comme cela, la lettre est toujours du bon sens. Cette solution est retenue comme valable. 4) Enfin une élève trouve une solution qui rappelle la solution 2, mais avec une prospection systématique de quatre points de l'espace : A < > V H I I H Mais elle se montra incapacable d'écrire 4 D selon la même méthode. D'autres enfants tentèrent en retournant la flèche dans l'espace, mais se trouvèrent vite perdus. On attaqua donc ce problème particulier et à la veille de rédiger ce compte rendu, nous en étions à cette représentation : D S Le dernier numéro du Courrier de l'Unesco (janv. 71) nous montrait l'énorme calendrier aztèque Nahua du Musée national de Mexico. La chronologie y apparaît également comme un cycle perpétuel, très proche de ce que nous ont conduit à faire nos enfants de C.P. Sur cet exemple, nous montrons avec évidence que notre plan de travail n'est pas un programme, puisque la solution temporaire à laquelle les enfants sont arrivés ne figurait pas dans ce que nous avions prévu. Il nous faut maintenant retoucher et approfondir nos idées. Nous devons voir si les enfants sauront sortir du cycle infernal des calendriers perpétuels, le temps n'étant qu'un éternel recommencement. Dès que nous les sentirons sensibles à un temps qui s'écoule, nous chercherons avec eux à traduire leur expérience nouvelle du temps. Pour préparer cette évolution, nous nous contentons de continuer à noter sur le « calendrier en accordéon », en dessous de chaque jour, les événements « importants »... mais les enfants ne considèrent comme marquants que les anniversaires, les intempéries, les maladies. Toutefois ils ont noté la mort du Général de Gaulle, c'est le seul fait à retentissement international qui semble les avoir atteint. Cet exemple illustre également l'idée : « il faut que le maître sache prendre le temps qu'il faut ». L'an passé, nous avons montré que se déplacer dans l'espace est une chose et représenter les déplacements qu'on est capable d'effectuer est autre chose. Pour passer de l'un à l'autre, il faut du temps. L'expérience que nous menons cette année nous permet de conclure avec Piaget : « autre chose est donc d'apprendre un résultat et autre chose est de former un instrument intellectuel, de former une logique, nécessaire à la construction d'un tel résultat. On ne formera pas un instrument nouveau de raisonnement en quelques jours. » Février 1971 : l'exercice s'est poursuivi au C.P. et a été tenté au C E . et au C M . Les premiers résultats ont montré que ces élèves étaient capables de produire une grande variété de solutions plus riches et plus complexes que celles du C.P. Chaque solution trouvée reflète les qualités propres à son auteur. EN MARS suite de l'exercice : le mois, l'année. Les enfants sont habitués à noter leur anniversaire sur la bande chronologique, à exprimer leur âge en années et ils connaissent presque tous leur date de naissance. En plus, depuis le début de l'année scolaire, ces enfants ont devant eux leur « carte de visite », avec leurs nom, prénom et date de naissance. Marc L. né le 5 mars 1964 Ainsi, lorsque les enfants annoncent leur anniversaire, ils lisent le jour et le mois, mais pas l'année qu'ils ne savent pas encore déchiffrer. 123 Les questions sur l'année ne sont arrivées qu'au début du mois de mars quand un enfant a fait la réflexion suivante : « nous sommes au mois de mars, mais il y a plusieurs mois de mars. » l r e SEANCE Lundi 15 mars 1971 Qui est né au mois de décembre ? Qui est né au mois de janvier ? né (e) en janvier AVANT, APRES Point de départ : le carnaval des enfants prévu le 6 mars. La maîtresse parle de cette date à ses élèves, alors deux enfants donnent leur date de naissance par rapport au 6 mars mais sans nommer l'année. Avant Marc a eu son anniversaire la VEILLE du 6 mars, le 5 mars 6 mars CARNAVAL Après Laurence a eu son anniversaire le LENDEMAIN du 6 mars, le 7 imars Qui est né au mois de juillet ? Qui est né au mois de février ? Frédéric Alors, Marc a dit : « J'ai 2 jours de différence avec Laurence, je suis avant elle, elle est née après moi ». Les autres enfants sont vivement intéressés par ce « jeu » et veulent tous donner leur date de naissance. C'est le second point de départ qui motive les enfants. Qui est né aussi au mois de mars ? Pierre Qui est né au mois de mai ? né (e) en mai Laurence L. Carole [Dominique L. Jëan-François Qui est né au mois de novembre ? Alors, on peut former un ensemble. Qui est né au mois de juin ? Les enfants ont chacun leur carte de visite, ils regardent, et ils donnent leur mois de naissance. Qui est né au mois d'avril ? né (e) en avril Didier Janick 124 Anne Qui est né au mois de septembre ? Véronique -s^-—•] n é (e) en septembre Pascale Jean-Yves Qui est né au mois d'août ? Les jours ont été ordonnés, il faut ordonner les mois. Les mois sont ordonnés avec l'aide d'un calendrier témoin, chaque enfant ayant entre les mains des étiquettes individuelles sur lesquelles sont notés les noms des 12 mois. En plaçant les noms, écrits sur des étiquettes, les enfants font leurs remarques. JANVIER « c'est le 1er mois de l'année parce qu'on réveillonne le 1" janvier ». FEVRIER Qui est né au mois d'octobre ? |MARS « c'est le mois dans lequel nous sommes ». AVRIL MAI JUIN JUILLET « les 2 noms se ressemblent ». AOUT Combien y a-t-il d'ensembles ? — « il y a douze ensembles, un ensemble par mois, il y a 12 mois ». E IL Y A 12 MOIS DANS UNE ANNEE « Dans une semaine, il y al jours, dans une année, il y a 12 mois, donc il faudra plus de place pour les écrire » dit un enfant. SEPTEMBRE OCTOBRE NOVEMBRE DECEMBRE] « Après décembre, ça recommence, on repart en janvier : ce sont les mêmes mois. C'est pareil que la semaine, mais cela s'appelle une année. » 125 DISPOSITION ORDONNEE DES MOIS SUR UNE TABLE (JANVIER) (FEVRIER^) (MARS} (£VRIL) (MÂT) ( J U I L L E T ) ( A O Û T ) (^SEPTEMBRE) (OCTOBRE) (NOVEMBRE) (DÉCEMBRE) Comment former la chaîne des mois ? Propositions des enfants : FIN DE LA PREMIERE SEANCE. 126 « Sur une seule ligne, on voit mieux l'ordre. > « Oui, mais on ne voit pas que ça recommence. » « Alors, on peut faire le COLLIER des mois. > 2e SEANCE Mardi 16 mars TABLEAU RECAPITULATIF (réalisé comme toujours par les enfants) Anne née en juin Carole Dominique Jean-François .Laurence L né (e) en avril Catherine Cécile Pierre Valérie Franck, né (e) en novembre I OBJECTION de l'institutrice : « les élèves absents ou une autre maîtresse ne savent pas ce qu'on a fait comme jeu ». Didier : « il -faut écrire une règle du jeu ». Grouper les enfants de la classe nés le même mois. Laurence : « On peut faire un autre jeu ». « Grouper tous les enfants nés en été en automne en hiver au printemps ». Institutrice : « donc, les enfants nés pendant la même saison ». Enfants : « Quand sommes-nous en hiver ? en décembre en janvier en février pendant une partie du mois de mars ». (ici, les enfants ont des difficultés à comprendre la « saison » et la maîtresse n'insiste pas). Institutrice : « les enfants nés au mois de mai ont-ils tous le même âge ? REPONSES DES ENFANTS « Ils auront tous 7 ans au mois de mai ». « Ce ne sont pas des jumeaux (il y en a dans la classe) parce qu'ils ne sont pas nés le même jour ». « Dominique est né le 16 mai, Laurence, le 1" mai ; donc, elle est née AVANT Dominique, 127 Carole, le 24 mai ; donc, elle est née APRES Dominique J.-François, le 8 mai, donc, il est né AVANT APRES Laurence ». « On peut faire un autre jeu » : ; « On est le 16 mars, choisir la bonne réponse : — J'ai 7 ans AUJOURD'HUI Carole mais, « On peut faire un jeu » : chaque jeu est proposé p a r un enfant qui explique son idée et la réalise. « Du plus âgé au plus jeune ». J'ai eu 7 ans AVANT — J'ai eu 7 ans HIER le 16 mars. — J'aurai 7 ans DEMAIN . . . . J'aurai 7 ans APRES le 16 mars. « Les enfants sont nés en décembre ». — « Michel, le 10 décembre, il a 6 ans ». LAURENCE DOMINIQUE J.-FRANÇOIS ^ — « Robert, le 18 décembre, il a 10 ans ». CAROLE « on peut faire la même chose avec les enfants nés au mois d'avril » . . / Didier, le 4 avril \ \Janick, le 24 avril j DIDIER s^i JANICK — « Pascal, le 9 décembre, il a 7 ans ». Robert a 10 ans, Pascal a 7 ans, Michel a 6 ans, pourquoi ? « Robert est né AVANT Michel et Pascal parce qu'il n'est pas né le « même décembre » et on arrive à l'idée : il y a UN « DECEMBRE » DANS CHAQUE ANNEE. ROBERT, PASCAL, MICHEL NE SONT PAS NES LA MEME ANNEE PASCAL Institutrice : « Qui n'est pas né en 1964 ? » (les enfants consultent leur carte de visite). Pascal (né en 1963) : « Catherine et moi, en a le même numéro d'année, on a TOUS LES DEUX -4963 7 ans ; Catherine aura 8 ans AVANT moi parce qu'elle est née en NOVEMBRE et moi en DECEMBRE ». nés en novembre 128 On peut former des ensembles par années : (S) né en 1960 ^Catherine ] VwTascaT/ nés en 1963 I Pierre, Michel, Valerie, Marc J J.-François, Cécile, Laurence, j Franck, Dominique, Hélène, Anne, I Isabelle, Franca, Olivier, Carole, V Laurence, Patrick, Pierre / nés en 1964 Mme VILLEDIEU : « Lequel est le plus âgé des enfants nés en 1963 ? ». COMMENT DISPOSER MIEUX LA CHAINE, LE COLLIER DES MOIS ? « C'est Catherine, parce qu'elle est née en novembre et Pascal en décembre ; dans la chaîne des mois, NOVEMBRE EST AVANT DECEMBRE ». « en rond parce que ça recommence ». Les enfants prennent les étiquettes des mois et montrent leur mois de naissance. « Les années, c'est un CIRCUIT FERME » affirme un enfant. L'institutrice écoute et sait se taire. Dessin des enfants nés en 1963 : 2 possibilités. 2" solution trouvée 1"' solution trouvée tfrç /-v CJ tnxxju nés en -1963 mais les ronds sont trop petits pour écrire, les noms des enfants., 129 On peut faire la même chose avec ceux qui sont nés en 1960 et en 1964. « Pour ceux qui sont nés en 1964, cela va être plus difficile parce qu'ils sont plus nombreux ». Proposition de Mme Villedieu : « on peut mettre des croix à la place des noms ». nés en I964J Mercredi 17 mars 3e SEANCE --iamArUUL Les enfants font à nouveau la liste des mois. PASCAL : « avec les 12 mois, on pourrait faire une fleur ». Il a trouvé cette technique en activités manuelles (il assemble des pétales autour d'une grosse pastille de couleur). Combien de pétales ? Il faut 12 pétales puisqu'UNE année a 12 mois. 1™ fleur : « il faut mettre le nom de l'année dans le cœur de la fleur ». « Il faut écrire le nom des mois autour de la fleur ». Après la construction de la première fleur, tous les enfants découpent une étoile dans laquelle ils écrivent leur nom. Avec les étiquettes individuelles portant le nom des mois, dis continuent à chercher d'autres dispositions pour représenter l'année. 130 dacflwnvui/ /"" rnav&mXnii ( \ I&WJUJ *~~ OfÀOVVO V y ^ ¿efijtftmiyt&L ^ ^ - ^ 1 'YTuOJlA s^^^SoAAJüb ^ yrwu. iiwv\, Les trois dispositions découvertes par les enfants : ^^^f XVALERIE/ *• Pour représenter avec des fleurs les dates de naissance de tous les enfants de la classe. Le travail des fleurs s'est fait en 2 temps : 1" temps: construction collective de 3 grosses fleurs. Robert est né en I960, Pascal et Catherine en 1963 et tous les autres en 1964, donc, il faut 3 fleurs : une fleur par année. Disposition des mois. 2" temps : les enfants placent les étoiles dans lesquelles spnt inscrits leur nom. AartVV-U?V enfuWs rtianA curmut/ ¿¡barflânb 4«W*r»vV«t nrfuaxi iuvrt> 131 aurtArWV ytuuj 3. - Repérage dans l'espace Il va sans dire que l'effort des mathématiques est une aide directe pour permettre à l'enfant de se repérer dans l'espace. Nous ne retenons qu'un exemple : E.N.F. DE SAINT-GERMAIN-EN-LAYE 1" THEME DE REFLEXION : « NOTRE PLACE EN CLASSE » (C.P. de Mme Vergnolle, école rue Ampère à Saint-Germain). 1. - D'abord observation de la disposition des tables de la classe. Ensuite un premier problème est abordé : pourquoi cette disposition ? Pour la majorité des fillettes cela doit permettre de circuler plus facilement. Elles ont une certaine peine à admettre que les fillettes les plus proches du mur sont un peu gênées pour quitter leur place, qu'une disposition en colonnes serait plus favorable au mouvement. La maîtresse souligne la nécessité de l'assemblage des tables pour le travail en groupe sans que l'on perde de vue pour autant le tableau. La disposition une fois admise permet de toucher la notion de en face : les élèves assises à la table C et à la table F sont en face du tableau, celles de la table A en face des élèves de la table B, etc... 132 La notion de à côté : les deux élèves assises à la même table sont à côté l'une de l'autre. Le repérage est complété par un exercice moteur : il faut aller se placer en face de la maîtresse, en face de l'élève-maîtresse qui se trouve dans la classe : les difficultés éprouvées par certaines fillettes semblent venir autant de facteurs psychologiques liés à l'attitude de la personne en face de laquelle il faut se placer que d'insuffisances d'appréhension de l'espace. Au stade suivant la distribution de blocs logiques permet de reproduire la disposition des groupes de tables. Il n'y a pas eu de difficultés : les fillettes qui refusent de se séparer de leur bloc sont les mêmes qui, au début du jeu, ont affirmé préférer être seules à leur table et ne se sont pas aisément convaincues de l'intérêt du travail de groupe : leur résistance semble surtout liée à cette attitude. Enfin chaque enfant doit repérer sa place autour du groupe de tables représenté par les blocs, dire s'il est en face d'un autre, et de qui, ou à côté d'un autre, lever la main s'il n'a personne en face de lui. Tout cela s'est fait très facilement. L'ensemble de ces activités avait duré à peu près 3/4 d'heure. Elles ont été interrompues, complétées les jours suivants lors d'exercices d'initiation à la lecture où l'on a demandé un effort de présentation ordonnée des réponses en insistant sur la notion de à côté, à la ligne c'est-à-dire endessous, etc... Il apparaît alors que cela n'est pas encore parfaitement acquis pour cinq fillettes sur vingt-deux. 2. - L'exercice sur le plan de la classe a été repris trois ou quatre jours plus tard à la demande des enfants. Il comporte cette fois-ci quatre étapes différentes : — d'abord choix sur le bureau de la maîtresse de blocs de taille différente destinés à représenter les tables ; aucune fillette ne se trompe, celles qui sont à des petites tables choisissent des petits blocs, etc... — puis choix de x schémas dessinés représentant les divers groupements de tables. Là non plus il n'y a pas eu d'erreur, chaque enfant a correctement choisi son groupement de tables, — il a fallu ensuite orienter chaque schéma suivant la disposition effective des tables. Il n'y a pas eu d'erreurs. — enfin chaque enfant a dessiné : • d'abord son siège (il n'y a pas eu d'erreurs mais des hésitations avant de repérer le bord de la table où l'on se trouve ; certaines fillettes ont commencé par dessiner leur siège au milieu de la table puis ont rectifié seules) ; • puis dessin de la rainure de chaque table, des encriers pour lesquels sont apparues des difficultés de localisation. Apparaissent donc là la difficulté à reconnaître sa droite et la tendance à l'imitation qui entraîne une symétrisation automatique. Les deux efforts demandés, celui de latéralisation et celui de rotation pour se mettre à la place de l'autre ne sont pas obtenus immédiatement ; c c ) > emplacement réel des encriers à la droite de chaque enfant dessins obtenus 10 dessins sur 27 -T"*»^— _ - «i^ Tr représentent les mains sur la table -X., ,Jr~ 7 dessins représen*K %*""^ tent les pieds en même temps que les mains • puis l'enfant se dessine sur le schéma de son bloc de tables, on a demandé de représenter les mains sur la table quand on est assis. Nous avons obtenu les résultats suivants : Les derniers dessins représentent des personnages minuscules, informes. Ils ne sont pas ceux de fillettes présentant en apparence des difficultés particulières. 3. - Dans un dernier stade de l'exercice, huit jours plus tard, on a tenté une représentation par un plan de la place en classe. Une grande feuille de papier blanc posée à plat sert de support ; elle correspond à l'espace-classe. Les fillettes établissent des conventions : l'un des côtés sera celui de la fenêtre, l'autre celui de la cour. Tout ce qui est en dehors du papier, « c'est comme si c'était pas en classe » dit une fillette. L'institutrice a préparé des points de repère mobiles représentant son bureau, les deux tables ovales qui sont au fond de la classe, les deux placards qui se trouvent sur les côtés, en respectant les formes et les couleurs de 133 ces objets. Les enfants les identifient très bien, sauf pour les placards dont l'un est plus grand qu'elles et qu'elles « ne peuvent pas voir d'en haut », disent-elles ! Une fois ces conventions adoptées, la mise en place sur le papier blanc n'a pas posé de problèmes pour ces meubles. Par contre celle des schémas de papier représentant les groupes de tables a rencontré des difficultés d'orientation ; elle a suscité beaucoup de discussions ; on a eu de la peine à respecter les intervalles entre tables et mur mais les enfants ont rectifié, d'elles-mêmes le plus souvent, en constatant qu'on ne pourrait plus passer à tel ou tel endroit ou s'asseoir à telle ou telle table. 4. - Ce même jour on a tenté d'accrocher le plan ainsi réalisé au mur, à la verticale : l'échec a été complet la première fois puis on a recommencé par la suite : le plan est maintenant accroché au mur de la classe, les fillettes ont admis cette position pour le rangement, on le décroche encore à chaque fois que l'on veut s'en servir. II* EXERCICE : « POUCET FAIT LES COURSES DE SA MAMAN » (C.P. de Mme Vaillard, école rue Ampère, à Saint-Germain). Là encore nous avons affaire à une situation proche du jeu. Poucet est un petit garçon dont l'histoire quotidienne suit celle de la classe et avec lequel chaque fillette peut s'identifier à chacune de ses aventures. Donc Poucet a faim ; que va-t-il manger ce midi ? Dans quel ordre prend-on un repas ? Les fillettes proposent une entrée (des radis), du poisson, des haricots verts, du fromage et une pomme : voilà le menu de Poucet établi. Sa maman l'envoie donc acheter le nécessaire et, afin qu'il n'oublie rien, lui recommande d'acheter ces denrées dans l'ordre où il doit les manger. Pour jouer au jeu de Poucet faisant ses courses, il a fallu partir d'un plan de la classe où les enfants ont mis d'elles-mêmes en place les meubles principaux. poisson fenêtres côté de la gendarmerie dites fenêtres des gendarmes fenêtres' vers la cour ' radis placard 3 fromage Le jeu comporte d'abord un exercice moteur : il faut partir du bureau qui représente la maison de Poucet pour aljer vers chacune des boutiques symbolisées sur chaque mur par autant de dessins (de 134 lavabo radis, de fromage, e t c . ) . Plusieurs fillettes parcourent sans peine l'itinéraire défini au départ par l'ordre des commissions. Puis un exercice de dessin suit : on distribue à chaque groupe d'enfants une feuille blanche matérialisant les contours de la classe et des images ¡mobiles à mettre en place sur la feuille pour représenter le bureau-maison de Poucet et les principales boutiques comme on les a localisées au mur de la classe : il n'y a pas d'erreur. Il faut ensuite matérialiser au crayon feutre l'itinéraire suivi : il n'y a pas non plus d'erreur. Un exercice d'élocution accompagne ces différentes étapes, pour décrire l'ordre suivi et surtout pour localiser l'emplacement exact de chacune des boutiques : les radis sont sur le mur des gendarmes entre les deux fenêtres, la pomme est dans le coin du tableau du côté de la cour, etc.. La notion de r-i radis poisson droite et de gauche, notamment par rapport au tableau ou au bureau n'a pas été introduite. Puis la maîtresse fait remarquer qu'elle connaît l'histoire et qu'elle peut donc comprendre le dessin mais que l'on ne peut y voir, en fait, dans quel ordre Poucet est parti : l'une des fillettes suggère qu'il faudrait une flèche, on en fabrique immédiatement une en précisant que la pointe indique la direction vers laquelle on va et les fillettes la font circuler sur leur plan sans erreur. Le travail a été complété par une bande du type frise sur laquelle les enfants ont matérialisé l'ordre des boutiques fréquentées par Poucet, également sans erreur. haricots verts fromage pomme Maison de Poucet Après la suggestion faite par un collègue le 30 octobre, la matérialisation sur une frise verticale a été envisagée sans plus de difficultés. Le premier exercice sur la place en classe a occupé environ quatre séances d'un peu plus d'une demiheure chacune, le second sur les courses de Poucet à peu près 3/4 d'heure. Chacun a été suivi avec beaucoup d'intérêt par l'ensemble des classes. Dans les deux cas, les exercices de structuration des notions de temps et d'espace en liaison avec le dessin, l'expression orale, la morale (je préférerais être seule à ma place), les math (l'initiation à la flèche) seront continués en s'éloignant petit à petit de la classe, dans l'école puis dans la rue. Madame WIENEET, Professeur à l'E.N.F. d e SAINT-GERMAIN-EN-LAYE. B) FRANÇAIS Les points de convergence entre cette recherche et celles qui sont faites en français paraissent évidentes mais restent à approfondir. D'une part la linguistique et la psycho-linguistique nous apportent des perspectives complexes mais essentielles quant à la construction des structures. D'autre part la Commission du 28-10-70 : « Communication, apprentissage de la langue et activités d'éveil » était arrivée à la conclusion qu'il n'y a pas d'apprentissage du langage sans support. La communication n'est pas un but en soi, aussi les activités d'éveil apparaissent-elles comme une motivation essentielle. Elle ne se contente pas d'utiliser le langage oral et écrit, mais elle fait de la langue française comme des autres langages un besoin et une nécessité. Evidemment il y a un lien étroit entre la formation des concepts et la mise en place d'un vocabulaire adéquat, ce vocabulaire permettant de faire le point sur l'acquis, mais n'étant jamais apporté à l'enfant comme pur vocabulaire, détaché de toute expérience ou espérant remplacer l'expérience. Apprendre des mots ne peut conduire qu'au verbalisme. Traduire une expérience scientifique ou 135 affective en cherchant le mot précis, le mot « juste » c'est ce que veulent à la fois les disciplines d'éveil et l'enseignement du français. centrique explique que notre préoccupation première ne soit pas la rénovation de l'enseignement des disciplines. Il conviendrait toutefois de bien distinguer en ce qui concerne les disciplines d'éveil, le plan affectif, esthétique, imaginaire et le plan objectif, scientifique, social. Au C.P., il existe d'abord des enfants. Nous savons que ces enfants ont une mentalité prélogique, nous voulons les aider à passer à une mentalité logique. Ce passage implique une observation des interprétations spontanées de l'enfant, il implique le contact direct avec les choses et une concertation avec autrui mais il implique aussi, une analyse épistémologique de chaque science. Toutefois le problème ne se pose pas de la même façon en physique et en histoire. L'enfant peut imaginer des chevaux verts broutant des étoiles de feu et commencer un poème, un dessin ou un rêve, mais on doit exiger de lui qu'il construise le réel en suivant d'autres voies. Il pourrait sans doute « imaginer » de quoi se nourrit l'escargot, mais l'y inciter, ce serait le fourvoyer. Aux escargots qu'il élève, il donnera en guise de nourriture du sel, de la farine, de la semoule, de la salade, du poireau... et il verra ce que les escargots préfèrent. Parfois sans l'inciter à imaginer le réel, il faudra simplement se taire en attendant qu'il ait pu faire telle ou telle expérience. On ne le fera pas sortir par des « explications » prématurées de l'égocentrisme et de ce qui en est la conséquence : l'artificialisme et l'animisme ; mais ce serait l'y enfermer que de perpétuer la confusion entre le réel et l'imaginaire. Le problème de la créativité en français ne se pose pas dans les mêmes termes qu'en activités d'éveil à dominante humaine ou biologique, du moins en ce qui concerne la place de l'imaginaire. Par les activités d'éveil à tendance scientifique et humaine, l'imagination est créatrice de solutions répondant à des problèmes posés par la réalité objective. C'est pourquoi, sans nier au scientifique '« le droit de rêver » (1), nous voulons distinguer l'imagination créatrice du rêve, de la rêverie et de la projection de phantasmes. III. HISTOIRE ET SOCIALISATION A) LE PROBLEME DE LA SOCIALISATION DE L'ENFANT Nous avons dès le début choisi de mettre l'enfant au centre de nos recherches. Cette attitude puéro(1) Cf. Bachelard, « Le droit de ¡rêvier », P.UJT. 136 Avec l'histoire il semble que les préoccupations purement logiques passent au second plan. C'est que par elle on touche au domaine social. Certains enseignants-historiens ont affirmé ne pouvoir travailler que sur un être en cours de socialisation. Mais en fait, une certaine forme de socialisation commence dès le berceau. L'enfant subit l'influence de la société dès son plus jeune âge et la plupart de ses habitudes sont le témoignage de cette forme de socialisation. Si l'on veut parler de faire accéder l'enfant à la connaissance du social comme on parle de le faire accéder à une mentalité logique, il faut d'abord distinguer dans ce que la sociologie pour adultes appelle les pressions sociales : 1) Celles que l'enfant ne subit pas parce qu'il en est protégé (par sa nature enfantine ou par la volonté des adultes). 2) Celles qu'il subit et dont il n'a pas conscience. 3) Celles qu'il subit et dont il peut prendre conscience compte tenu de sa maturité. La « socialisation » qui nous intéresse se présente donc comme la prise de conscience d'une influence jusque-là inconsciemment subie par l'enfant et l'on voit qu'il ne suffit pas de s'assurer qu'il est en relation avec l'autre, avec les autres et avec la société, mais il faut encore qu'il puisse prendre connaissance de ces relations. Il s'agirait donc de savoir, comment au C.P. l'enfant saisit ses relations avec l'autre, avec les autres et avec la société, quelles sont les pressions qu'il subit. Les ressent-il et comment les ressent-il ? Pour répondre sérieusement à ces questions il conviendra de faire appel à la recherche fondamentale. Il serait sans doute possible d'imaginer un certain nombre d'exercices qui étudieraient les enfants sur le plan sociologique comme on en trouve sur le plan psychologique. C'est ce qui a été essayé en cherchant à voir quels événements étaient considérés comme « importants » par les enfants. Mais on se condamne à rester au niveau d'une microsociologie. Ne faut-il pas dès maintenant poser le problème de la sociologie car s'en tenir à l'étude de systèmes de relations ou d'interrelations observables (et peut-on faire autrement avec des enfants ?) nous conduit à un structuralisme global. Faut-il au contraire chercher sous chaque système une structuration sous-jacente qui permet de l'interpréter de façon deductive ? Dans ce cas : « La structure sociale doit être reconstituée déductivement et ne peut pas être constatée à titre de donnée, ce qui signifie qu'elle est aux relations observables comme est en physique la causalité par rapport aux lois... la structure n'appartient pas à la conscience mais au comportement et l'individu n'en acquiert qu'une connaissance restreinte par des prises de conscience incomplètes s'effectuant à l'occasion de désadaptation ». « Le structuralisme », Piaget, p. 83. B) L'EVOLUTION DES SCIENCES HUMAINES PEUT-ELLE MODIFIER L'ACTION EDUCATIVE ? Mais, dira-t-on, il n'est pas question de faire de la sociologie au C.P., il n'est pas même question de demander au maître d'être le sociologue de sa classe. Et pourtant un des moyens de socialiser l'enfant consistait à lui inculquer par un enseignement de l'histoire un certain nombre de modèles. Faut-il remettre cette forme de l'histoire en question ? Tout au long des travaux de la commission C.P. M. Lemaire a insisté sur le fait qu'il faudrait bien tenir compte un jour, si ce n'est au C.P., ce sera au C E . ou au CM., des changements profonds qui s'opèrent en histoire comme dans les autres disciplines. Ces changements devraient retentir sur la pédagogie et guider nos essais au niveau des classes. « Or il est bien certain que le mouvement de réflexion historiographique menée depuis 50 ans n'a pas encore provoqué de remous dans les définitions des contenus pédagogiques à l'école élémentaire. Il n'en reste pas moins que le problème existe ». Ne serait-il pas utile d'examiner sérieusement la source de notre savoir historique et géographique ! Qu'est l'histoire aujourd'hui ? Il ne convient pas que nous nous arrêtions aux simples querelles du politique et du social, de l'événementiel ou des structures, c'est important mais encore tout pétri de contenu, donc d'idéologie. Etre pour ou contre l'histoire bataille, c'est choisir ou refuser une interprétation de l'histoire ; l'histoire totale, à la Lucien Febvre ne peut recueillir l'accord unanime des historiens car elle aussi reste engagée. C'est donc au-delà de querelles apparemment méthodologiques mais en fait idéologiques qu'il faut se situer. Il en fut de même pour la linguistique que l'on sait déchirée entre de multiples tendances, comme pour la mathématique : c'est à la recherche d'un accord profond sur la pure méthodologie qu'il convient en premier lieu de s'orienter. En un mot, pour mieux faire notre classe, ce qui est notre but, approfondissons l'épistémologie historique, ce sera notre principe. Tout est à faire chez nous, découvrons l'historiographie. Ni Aran, ni Croce, ni Sartre, ni Marrou, ni Granger n'ont été cités, que seraient-ils venus faire dans le travail pragmatique auquel nous procédions ? Or, le domaine est riche, les matériaux abondants, la place de l'histoire très enviable. Au milieu des « sciences humaines » : droit, sociologie, ethnographie, psychologie, l'histoire assume le temps que ses sœurs conjointes cherchent à transcender. De l'historien qui établit la stratégie de ses découvertes et de l'historien qui écrit, qui dicte ou qui professe ses conclusions, nous ne retenons que l'œuvre achevée, le signifié, la face apparente. Il est temps de découvrir le signifiant et d'abandonner provisoirement Phistoricisme à ses triomphes souvent commerciaux. Certes l'historien n'est rien sans le savoir, mais reconnaissons qu'il n'est rien non plus sans la conscience de ce savoir. D'énormes progrès ont été réalisés dans ce domaine depuis 50 ans et il y a fort à penser que c'est le même courant profond qui porte la linguistique rénovée, la mathématique moderne et l'historiographie contemporaine ; nous sommes habitués à ces struc137 tures globales de l'histoire de la pensée. Si nous voulons sauver du traditionnel usagé et sans efficacité, notre enseignement de l'histoire c'est peutêtre par l'exploration des fondements épistémologiques de notre discipline qu'il nous faut commencer. (M. Lemaire). Et nous verrions alors que le professeur d'histoire peut peut-être répondre aux deux questions : « qui est socialisé, qui socialise ». •Le problème est posé : « que doit être l'enseignement de l'histoire à l'école élémentaire ? ». La réponse à cette question nous amènera sans doute à trouver d'autres activités permettant dès le C.P. d'assurer la charnière entre l'individu et le social et permettant le passage entre une société faite et une société à faire. 138 Mais ce passage se fera grâce à des actions. Il ne suffit donc pas de chercher à construire des structures mentales, il faut encore se demander : les structures mentales étant construites au niveau de l'intellect, l'enfant est-il armé ? Ces structures sont-elles capables de lui permettre de trier parmi les valeurs, non seulement pour en juger sur le plan théorique, mais pour lutter contre certaines valeurs reçues et pour en assumer d'autres comme un être responsable à la fois lucide et prêt à agir. Sur le plan de la socialisation l'enfant pourrait être créatif si on lui permettait de construire, et si on l'aidait à construire avec les autres enfants et avec les adultes des relations sociales. La coopération dans l'action implique que le groupe enfantin crée ses structures et qu'il en assume la responsabilité. Dès le C.P. les enfants peuvent, à leur niveau devenir créateurs de structures sociales. Ainsi ils apprendraient très tôt à devenir les artisans de l'évolution sociale au lieu de se résigner à la subir. Chapitre V ACTIVITÉS D'ÉVEIL A ORIENTATION GÉOGRAPHIQUE ET SCIENTIFIQUE AU C. P. ÉTUDE DE QUELQUES EXPÉRIENCES ÉTRANGÈRES En attendant la publication prochaine d'un document relatif aux activités d'éveil à l'étranger, il est intéressant de signaler brièvement quelques expériences étrangères qui se situent au niveau du C.P. GRANDE-BRETAGNE Bibliographie sommaire 1) Children and their Primary School (Rapport du Central Advisory Council of Education sous la direction de Plowden), MMSO, 1967, 2 vol. grand format. 2) Children at School : Primary Education of England, ouvrage collectif publié par Center for Curriculum Renewal et Educational Development Overseas, Heinemann, London 1968, 200 p. 3) Nuffield Junior Science Projet, Collins 1967 (en cours de traduction), 4 volumes. — Teacher's Guide 1 et 2. — Source Book - Apparatus Source Book. — Animals and Plants. Généralités 1) L'enseignement élémentaire anglais comprend 2 niveaux : — Infant Schools de 5 à 7 ans (ou 4 à 8 ans) : elles assurent l'apprentissage de la lecture dans le cadre des méthodes pédagogiques de l'école maternelle. — Junior Schools de 7 à 11 ans (ou 8 à 12 ans). 2) L'école anglaise présente un caractère spécifique : depuis 1926 les maîtres sont totalement libres du choix des programmes, des méthodes et de l'établissement de la progression dans le cadre d'une école donnée. « La seule uniformité de la pratique que le Board of Education désire réaliser dans la pédagogie de l'école primaire c'est que chaque éducateur doit penser par lui-même et mettre en œuvre les méthodes qui semblent le mieux convenir aux besoins du milieu... mais cette liberté implique aussi responsabilité ». L'avancement des maîtres ne dépend plus des inspecteurs qui sont devenus des conseillers et des animateurs ; les maîtres subissent uniquement la pression indirecte des parents et des autorités locales en particulier à cause des problèmes posés par l'entrée dans le 2* degré. 3) Les pratiques pédagogiques courantes accordent habituellement plus de place qu'en France au jeu, à l'exploration libre de l'élève, à la participation des élèves à l'organisation de la vie scolaire, à la recherche documentaire. Les bibliothèques des Junior Schools (qui possèdent souvent 4 000 à 5 000 livres) sont accessibles tant pendant les heures de cours que pendant les récréations. 4) Depuis la 2* guerre mondiale, un important mouvement de renouvellement pédagogique s'est développé à partir de la base, dans un cadre de recherche libre et empirique ; il s'appuie principa139 lement sur les organisations de maîtres. Grâce à l'appui de l'administration, ce mouvement tend à se généraliser au lieu de se limiter à l'intérieur de petits groupes ; les parents ont été rassurés. Avec l'aide des universités un effort d'évaluation objective des résultats a été entrepris dans le cadre de projets cohérents. Projets concernant en partie les activités d'éveil du C.P. 1) Projet Nuffield Sciences classes élémentaires : projet au stade du développement (5 à 11 ans). Il se propose de donner des suggestions et des instruments de travail aux maîtres : méthodes et moyens, exemples de réalisations, cultures et élevages, construction de matériel avec la collaboration des élèves. L'accent est mis sur l'exploration de l'élève dans le cadre du tâtonnement expérimental. Les documents rappellent les publications des mouvements français d'éducation nouvelle (Bibliothèque de Travail). 2) Science 5 à 13 a n s : projet en cours d'expérimentation. Le but recherché est le même mais le projet met davantage l'accent sur la nécessité de fixer des objectifs précis et de faire un bilan de Paoquis pour pouvoir orienter efficacement le travail des élèves. Cf. Annexe I. Extrait du Nuffield Sciences Junior Teacher's guide 2. ETATS-UNIS 3) Science. — A Process Approach. Projet de 1' « American Association for Advancement of Science », Washington, 1963. Source Book. 14 volumes d'application. 4) Revues. The Science Teacher. Science and Children, à consulter au Département de la Recherche. Généralités. Depuis le lancement du Spoutnik, plusieurs millions de dollars ont été consacrés à des recherches portant sur l'enseignement des sciences à l'école élémentaire (6 à 12 ans). Dans tous les projets l'accent est mis sur l'importance du travail libre de l'élève (travail individuel ou travail de groupe) dans le cadre de la méthode de découverte ; le maître cherche à éveiller la curiosité de l'élève, son aptitude à inventer et à communiquer. Certains projets (S.C.I.S.) sont centrés sur l'acquisition des concepts de base ; d'autres (A.A.A.S.) sur l'acquisition des méthodes de travail. Etude d'un exemple S.C.I.S. Une adaptation de langue française réalisée par l'Institut de Recherches psychologiques, 34 Ouest rue de Fleury, Montréal 357 est en cours d'expérimentation au Québec. Le projet met l'accent sur la nécessité de proposer à l'élève des situations favorables (matériel adapté, nombre de paramètres limité) pour orienter son travail de façon positive. Il s'appuie sur une recherche des concepts de base réalisée par une équipe de scientifiques connus. Il s'inspire des travaux de Piaget (notion de stade, rôle des opérations dans le développement de la pensée logique) . 1) Pédagogie des sciences à l'école élémentaire par la méthode de découverte : de nombreux ouvrages destinés aux maîtres ont été édités depuis 1960. Ils peuvent être consultés à l'I.N.R.D.P., Département de la Recherche Pédagogique. Le maître laisse d'abord tâtonner les enfants ; il les observe avant de les orienter ; il ne poursuit l'exercice que s'il obtient une motivation suffisante. Le matériel choisi permet de dégager plus facilement un principe scientifique qui fait l'objet d'une définition opératoire ; ensuite les élèves sont amenés à chercher autour d'eux des applications du principe établi. 2) S.C.I.S. Elementary Science, University of California Berkeley, 94 720 Source Book. 12 unités comprenant chacune livre du maître et livret de l'élève. Le plan d'études prévoit 2 unités en 1™ année (6 à 7 ans) : l'univers des objets et le vivant. La 1™ unité a pour objet de dégager la notion de propriétés, de substance à la suite de la manipulation Bibliographie 140 d'objets divers, les uns familiers, les autres moins communs ; les actions exercées sur les objets, les comparaisons, les exercices de classement et de sériation permettent de dégager les notions de base de proche en proche. Dans la 2° unité l'enfant commence par monter un aquarium (guppys, limnées, daphnies, plantes aquatiques) ; il découvre l'origine, la croissance et la mort de quelques êtres vivants ; l'alimentation de l'élevage et l'étude des déchets conduit à la notion de cycle alimentaire ; la comparaison permet de dégager la notion d'habitat. Cf. Annexe II. Exercice sur l'identité génétique (enfants de 7 ans). U.R.S.S. Documentation 1) Manuel à l'usage des directeurs des organismes d'enseignement populaire et des écoles (1968). Traduction manuscrite assurée sous la direction de Mme Wormser-Migot (I.N.R.D.P., Département de la Documentation). 2) Revue Internationale de Pédagogie. On y trouve un certain nombre d'articles précis sur les problèmes posés par la réforme de l'école élémentaire en U.R.S.S. en particulier 1969 n° 1, 3, 4. Généralités. Un important mouvement de recherche pédagogique a conduit à la réforme de 1966 caractérisée par un renouvellement total des programmes. Le cycle élémentaire a été ramené de 4 à 3 ans pour éviter que le progrès scientifique et technique ne se traduise par une augmentation de la durée de scolarité. L'enseignement dogmatique est apparu comme un facteur important de blocage : l'école élémentaire ne doit pas se limiter à l'enseignement des rudiments et des techniques mais porter son effort sur l'acquisition des concepts de base et des méthodes, en classe et en dehors de l'école. Le changement de méthodes pédagogiques ne supprime pas la notion de programmes : les disciplines doivent être traitées suivant un ordre logique et didactique strict. Le caractère pratique et social de l'activité de l'enfant ne doit pas être perdu de vue. 1 Exercices à orientation scientifique en Ira année 5 à 10 mn par jour sont consacrées à des exercices d'observation portant sur la nature et le travail des hommes ; l'observation du temps doit être quotidienne et systématique, elle se prolonge pendant les vacances et ses résultats sont vérifiés au début de l'année suivante. Ces exercices sont exploités ensuite pour l'apprentissage de la lecture et de l'écriture ; ils font d'autre part l'objet de synthèses mensuelles rapprochant les données physiques, astronomiques, biologiques, sociales observées. A la fin de l'année les élèves doivent savoir exécuter des observations suivant un plan donné par le maître, faire un compte rendu oral, savoir s'orienter. 40 heures annuelles sont consacrées à l'étude du globe et de la terre, à celle de l'eau, de l'air, des plantes, des animaux, soit au cours d'excursions, de leçons, de présentation de films. Elles se prolongent par des travaux pratiques (herbier, collection de fruits et de graines, cultures réalisées en classe ou à la maison, parrainage d'un arbre, nourrissage d'oiseaux). L'hygiène individuelle ou collective fait l'objet d'un enseignement quotidien. BELGIQUE L'histoire de l'école primaire est marquée par le plan d'études 1936 inspiré par l'école Decroly et qui présente un caractère novateur très accentué. Les plans d'études ultérieurs de 1957, 1963 ont conservé l'esprit du plan de 1936 en s'efforçant de définir avec plus de précision les connaissances indispensables et les techniques à maîtriser ; ila mettent l'accent sur l'importance de la langue parlée et de l'expression, la motivation des activités scolaires grâce à l'exploitation des données fournies par le milieu et le souci de l'association en particulier grâce à l'utilisation des centres d'intérêt qui sont maintenus pour les premières années de l'école élémentaire. La démarche pédagogique dès la première année est très proche de c e l e qui a été développée dans ce fascicule. « Pour l'éducateur le milieu est tout ce qui, dans l'environnement de l'enfant, peut l'amener à des activités scolaires motivées... L'école primaire n'étudie pas systématiquement le milieu, elle ne l'étudié pas pour lui-même ; elle l'utilise à des fins essentiellement éducatives et didactiques... » (Plan d'études de 1957). 141 « C'est le déroulement du centre d'intérêt, l'exploitation des classes promenades, les apports des élèves ou le coin vivant de la classe qui détermineront le sujet d'observation du jour... Faire des observations sur commande sur un animal ou une plante imposés, lire une leçon de manuel... est une conception étrangère au plan belge ». M. Salengros, journées franco-'belges de Couvin : les sciences à l'école primaire (20 au 23 avril 67), compte rendu publié par le C.R.D.P. de Lille. Dans le Nord-Ouest de l'Angleterre. Au cœur d'une cité industrielle entourée par des entreprises de toute sorte et des maisons construites après la guerre sur des zones rasées par les bombardements. La découverte par les enfants des couleurs de l'arc-en-ciel sur le sol du hall et dans l'aquarium de la classe les conduisit à d'autres recherches. ANNEXE I Le matériel suivant fut mis sur une table : Nuffield Sciences Junior Teacher's guide 2-Collins ed. p. 69 — rouleaux de papier de cellophane de couleur, (traduction en cours à PO.C.D.L.) — parallélépipède de verre, — prisme de verre, — miroirs, LES COULEURS DE L'ARC-EN-CIEL — savon liquide, — fils de fer. 6-7 ans. Tous les niveaux d'intelligence. Effectif de la classe . . . . de l'école 22 garçons et filles. 156. Construit en 1877. Bâtiment en ¡briques à 2 étages avec escaliers de pierre et couloirs sombres. Salle de classe . . Environnement 142 Pièce ancienne avec de hautes fenêtres, mais rendue agréable et claire par des couleurs pastel. Les espaces de rangement sont très limités, mais il y a assez de place pour cet effectif relativement réduit. L'école donne directement sur une route très importante. Quelques enfants déroulèrent les feuilles de cellophane et furent très intéressés : ils se regardaient les uns les autres à travers ces feuilles ou les posaient sur différents objets. Barbara portait un cardigan bleu mais elle plaça une feuille de cellophane jaune contre lui et il parut vert. Sandra, qui regardait ses mains à travers la cellophane constata qu'elles étaient d'abord jaunes, puis vertes. Elle dessina une de ses mains et appliqua les différents papiers de couleur sur le dessin Par hasard les enfants découvrirent qu'ils pouvaient obtenir une nouvelle couleur en posant l'une sur l'autre deux feuilles transparentes. Quelquesuns firent des masques plaquant sur chaque œil un papier de couleur différente, puis regardant images et objets et se racontant les uns et les autres à quoi cela ressemblait. Pauline et Thérèse gardèrent un bon moment leurs lunettes colorées, essayant de retirer d'une boîte des jetons colorés en devinant leur couleur. Tony prit le prisme, le tenant dans sa main comme s'il voulait le soupeser. Il ne disait rien mais par- courait la classe en regardant les objets à travers le prisme. Puis il dit à l'instituteur : « Est-ce que vous voyez la 'boutique, là-bas ? « Eh bien avec le premier prisme elle est tout près ». Il découvrit aussi que s'il regardait dans le prisme d'une certaine façon, « tout ce qu'il voyait était entouré par les couleurs de l'arc-en-ciel ». Stéphane était intrigué par le parallélépipède de verre et sortit, le tournant et le retournant et regardant à travers lui divers objets. Il fut surpris quand, regardant toujours à travers ce bloc de verre, il essaya de poser quelque chose sur la table. « La table avait bougé ». Il dit aussi que les objets étaient renversés si l'on regardait à travers le bord du verre. L'instituteur avait laissé tout plein de matériel pour faire des bulles de savon sur une table, quand un enfant commença à l'utiliser, les autres furent très vite intéressés, et bientôt, toute la classe était en train de faire des bulles. Ils courbèrent le fil de fer pour obtenir des tailles et des formes différentes. Si le cadre était trop grand, le film d'eau savonneuse ne tenait pas, mais quelle que soit la forme, les foullesi étaient toujours des sphères. Les enfants virent que les fenêtres se reflétaient dans les bulles et furent ravis d'y retrouver les couleurs de l'arc-en-ciel. Quelquefois deux bulles étaient attachées l'une à l'autre et ils remarquèrent, « c'est à plat, là où elles se touchent ». Barbara trouva qu'elle pouvait attraper une bulle avec un fil de fer, mais seulement si ce fil de fer était mouillé. L'intérêt pour l'arc-en-ciel et les couleurs captiva toute la classe. Des enfants demandèrent s'ils pouvaient apprendre la chanson « Quelque part, au-dessus de l'arc-en-ciel ». Ils aménagèrent leur « table de l'arc-en-ciel », et chaque jour ils y ajoutaient quelque chose. Tony trouva une lame de verre et un miroir ovale dans la collection d'objets de la classe. Il les apporta sur la table de l'arc-en-ciel. Le père de Joan lui fit un périscope et les enfants découvrirent comment les miroirs étaient placés et firent des expériences avec d'autres miroirs, découvrant qu'ils pouvaient voir leurs oreilles et même le derrière de leur tête. L'instituteur ajouta une cuiller, des billes aux couleurs de l'arc-en-ciel et des boules de plastique coloré. Quelques-uns des enfants peignirent des arcs-enciel (ils ne voulurent pas prendre lés crayons qui ne donnaient pas d'assez bons résultats), ils disposèrent les couleurs dans l'ordre, après une dis- cussion pour savoir quelle couleur venait en premier lieu. A la fin, ils regardèrent dans le prisme et décidèrent que c'était le rouge. Ils furent très contents du résultat. Par un beau matin ensoleillé, alors que toute la classe était dans le hall, ils découvrirent la forme des fenêtres sur le sol, et leur ombre à eux dans celle des fenêtres. Ils comprirent que l'ombre est faite en arrêtant les rayons du soleil. Ils sortirent, virent que les fenêtres laissaient passer le soleil tandis que le mur ne le laissait pas passer ; leur corps aussi arrêtait les rayons du soleil. Après cela, ils jouèrent avec les miroirs et les vitres et les prismes, renvoyant là une lumière sautillante à travers la salle comprenant maintenant pourquoi l'on voit à travers une vitre et non à travers un miroir. De nouveaux mots furent appris et compris : transparent, opaque, reflection, réfléchi, opposé, nuageux. Dans la salle de classe, quelques-uns des enfants allèrent voir si l'arc-en-ciel de l'aquarium y était toujours. Nous n'avons que deux poissons, pourtant quand je regarde d'ki, je peux en voir six dit Joan. Certain pouvaient en voir encore plus. Puis ils s'exclamèrent « l'arc-en-ciel y est toujours ». John faisait un arc-en-ciel avec le prisme et comme il le déplaçait, il atteignit sur le bureau des feuilles de cellophane de différentes couleurs. Les enfants remarquèrent que quelques couleurs « disparaissaient ». Ils suivirent des yeux cet arc-enciel mouvant et trouvèrent qu'il était plus brillant quand il se formait sur le cardigan blanc de Thérèse ou sur le plafond. Stéphane trouva dans un livre un dessin représentant une goutte d'eau jouant le rôle d'une loupe. Pouvait-il essayer d'en utiliser une ? Il fit tomber une goutte d'eau sur un journal. « Elle est partie » dit-il. Ensuite, il essaya sur la surface du bloc de verre. « Elle s'est étalée ». Puis, il essaya du papier paraffiné. « Elle fait comme une perle maintenant ». Il crayonna le journal pour le glacer et il constata que la goutte d'eau grossissait les lettres imprimées. Plus tard, on le vit avec le carton d'un emballage de lait. Il le penchait dans différentes positions pour faire se réunir les gouttes de lait. Ce travail fut fait pendant les deux ou trois semaines de la fin du 2* trimestre (printemps) et il prit fin aux vacances. Ce serait intéressant de savoir comment les enfants réagiraient si on leur présentait de nouveau ce matériel plus tard. 143 où peut-on voir des arcs-en-ciel ? réflexions des poissons Renversement des images réflexion réfraction « Disparition » des couleurs le prisme \ dans l'aquarium Peinture (Arc-en-ciel Arche de Noé) L'ARC-EN-CIEL Réflexions vocabulaire feuilles de cellophane colorées / changement de couleurs parallélépipède de verre X lunettes coloriées Réfraction images renversées luminosité des images réfléchies mélange de couleurs BULLES DE SAVON surfaces réfléchissantes réflexion des couleurs taille dimension et forme du cadre tension superficielle concentration de la solution ' savonneuse 144 goutte d'eau sur différentes surfaces surfaces courbes cuillers miroirs concaves ANNEXE II — Aucune autre espèce de plante ne produit cette graine-là. — Une graine produit seulement une plante. Extrait du S.C.I.S. - Les cycles L'IDENTITE GENETIQUE Quelquefois les enfants pensent que deux ou plusieurs graines plantées côte à côte très près l'une de l'autre, peuvent produire une plante plus grande que celle qui provient d'une seule graine... Objectifs : Inversement, une graine ne germe pas toujours. — identifier plusieurs espèces de plantes en les comparant à des plantes connues, Cela contribue à maintenir une confusion au niveau de l'acquisition de la notion. — appliquer le concept d'identité génétique à des graines et des plantes, — préciser la relation graine-plante. Matériel : — plantes en pots coupés, — 15 graines de tournesol, — 15 graines de blé, une graine —» une plante, une seule. — Allez doucement. Avant de commencer une activité, discutez avec les enfants. I. - Identifions les plantes. Divisez la classe en 6 groupes. Cf. au chapitre 2. Donnez à chaque groupe un pot de fleurs qu'il étiquettera à son nom. Expliquez aux enfants que vous souhaitez que chaque groupe identifie les plantes de son pot. — 15 graines de souci. II. - Nous associons les plantes et leurs graines. Préparation : Travail par groupe (6 groupes). Les groupes plantent des graines (soit 2 ou 3 espèces) . S'organiser pour que les 6 pots soient différents. On note soigneusement le nombre de graines de chaque sorte plantées. On laisse les pots dans la classe, bien accessibles pour que les enfants puissent faire des comparaisons. Quand les enfants ont fini d'identifier leurs plantes, donnez à chaque groupe un plateau de graines mélangées préparées à l'avance. Les enfants mettent dans une petite enveloppe les graines qui redonneront la plante du pot. III. - Nous plantons les graines. IV. - Résultats. V. - Feedback. VI - Expériences supplémentaires. SUGGESTIONS PEDAGOGIQUES La notion n'est pas toujours claire pour les enfants. — Une espèce donnée de plante pousse à partir d'une graine donnée. — Cette graine ne donne aucune autre espèce de plante. Remplir plusieurs coupes de terre. Planter des graines assez grosses (pois ou haricots). En planter un nombre différent dans chaque coupe. 1 2 ou 3 5 ou 6 9 ou 10 145 Etiqueter les coupes en indiquant le nombre de graines qui y ont été mises. Planter un cure-dent au-dessus de chaque graine. Quand une plante apparaît au-dessus du sol, enlever le cure-dent qui marquait remplacement de la graine. Quand la plupart des plantes prévues ont poussé, déterrer les graines pour lesquelles le curedent est toujours en place. Les enfants verront qu'elles n'ont pas germé ou qu'elles n'ont pas encore atteint la surface. Ceci montrera, au moins dans ces coupes, que chaque plante est produite par une seule graine. IDEES ET HYPOTHESES EMISES AUX ETATS-UNIS SUR LES « ETUDES SOCIALES » LA STRUCTURE ET LES « ETUDES SOCIALES » D'APRES W.T. LOWE CORNELL UNIVERSITY PRESS, 1969 Ce livre a été écrit après une série de séances de groupes de travail réunis à l'Université de Cornell, autour de l'étude du mouvement de révision des programmes des « social studies » pour les enseignements élémentaire et secondaire. W. T. LOWE recommande de lire un ouvrage fondamental « The process of Education par Jerome S. BRUNER (Harvard), publié à New York en 1960. Il rappelle les quatre hypothèses principales de BRUNER. 1) Toutes les disciplines peuvent être réduites à des idées fondamentales et « developmental » : « ee qui est la structure ». BRUNER pense qu'il faut « donner à l'élève aussi vite que possible un sens des idées fondamentales d'une discipline... c'est le corps des idées d'un sujet qui doit être compris pour atteindre une compréhension ultérieure du domaine concerné »... « il faudra diminuer la coupure entre étudiant et chercheur... les élèves commenceront par penser à propos des idées significatives au lieu de terminer par elles ». 146 2) La seconde des quatre hypothèses de BRUNER concerne la maturité, « readiness » ; il pense qu' « à peu près n'importe quoi peut être enseigné à n'importe quel enfant à tous les âges et tous les niveaux de façon honnête intellectuellement ». Ceci paraît rejeter des années de travail des psychologues généticiens ; en fait cela semble contraire à l'école de Genève, particulièrement Piaget et Inhelder. Mais est-ce contradictoire ? L'explication de BRUNER suggère que ce ne l'est pas. La plupart des éducateurs professionnels pensent qu'il y a des stades dans le développement des enfants et que l'on peut prévoir assez bien les degrés du développement de l'enfant « moyen ». On croyait qu'on avait intérêt à attendre que l'enfant soit prêt intellectuellement, émotionnellement, physiquement et par son expérience à recevoir quelque chose de nouveau. BRUNER ne nie pas que l'enfant mûrisse en grandissant ; en fait toute l'idée de structure repose sur ce fait. Mais il pense aussi que les jeunes enfants perçoivent les idées significatives à leur propre manière dans leur « propre grammaire » et dans leurs propres systèmes logiques. Les idées de base et les méthodes — structure d'une discipline — peuvent et doivent être introduites tôt, avec les langages appropriés aux stades de développement de l'enfant. Les chefs de file des nouveaux programmes pensent que la maturité (readiness) a été utilisée de façon impropre pour enlever les idées aux enfants. Les éducateurs ont essayé de remplir la tête des élèves d'une masse de faits dans l'idée que les connections, les relations et les « grandes idées » devaient venir plus tard. « Mais l'organisation des programmes dont nous avons besoin est celle qui met l'accent sur les idées dès le début et retourne à nouveau encore aux idées dans des contextes divers et toujours plus complexes — des programmes en spirale ». BRUNER dit que les jeunes enfants, au moins la plupart du temps, doivent recevoir les idées à travers l'action, ce qui est l'opposé de la pensée abstraite ; ils ont à mettre en œuvre l'idée, l'expérimenter (on retrouve ici les activités d'éveil). 3) L'intuition La plupart des partisans de la révision des programmes pensent que le programme des études dans le passé a été presque exclusivement organi- sé sur une base analytique et formelle... les nouveaux programmes devraient mettre l'action sur l'intuition ; importance du phénomène d'étonnement : the « ah-ah phenomenon ». Le mouvement de réforme des programmes souligne l'idée suivante : « il est de première importance d'établir une compréhension intuitive de la matière (des matériaux) avant d'exposer nos élèves à des méthodes plus traditionnelles et formelles de déduction et de preuve ». On encourage l'intuition en enseignant la structure ; en posant les questions les chercheurs discutent et en même temps provoquent un climat intellectuel stimulant, ouvert. D'une façon fascinante Bruner voit l'intuition comme une fin et des moyens, une cause et un effet de l'enseignement de la structure. Un enseignant encourage les élèves à être intuitifs de telle sorte qu'ils puissent arriver à comprendre les idées structurales et, en retour, l'acquisition de ces idées développe leurs facultés intuitives. On commence à enseigner sur la base des possibilités naturelles mais non développées de l'enfant et on les développe. L'idée de recourir à l'intuition est, bien sûr, ellemême intuitive. Bruner sait que les psychologues n'ont pas encore fini de tester cette notion d'intuition. « Quel enseignant peut ne pas être attiré par une position qui consiste à encourager l'individualité, la liberté, la créativité et à décourager le formalisme... Penser à une école dans laquelle les élèves sont motivés à découvrir les principes et les relations entre les idées avec la même sûreté que des chercheurs mûrs ?... » 4) La découverte est la 4e hypothèse de Bruner. Cette idée n'est pas nouvelle ; selon cette hypothèse les enseignants doivent utiliser les techniques qui conduisent les élèves à trouver les généralisations par eux-mêmes. Phénix (1) appelle ce de directivité du maître ? Les élèves doivent-ils processus « la redécouverte guidée ». Quelle devrait être la part de liberté pour l'enfant et celle être encouragés à découvrir ou surtout à redécouvrir ? Doivent-ils être encouragés à développer leurs propres méthodes de recherche ou — le jeune enfant surtout — être obligés d'apprendre à suivre les voies traditionnelles ? (1) Realms of Meaning, pp. 336-337. Pour Bruner l'activité intellectuelle est partout la même, qu'il s'agisse du front pionnier du savoir ou de la classe de 3* grade (3 e année primaire). Pour lui un des buts des nouveaux programmes est de mettre un pont sur la coupure qui existe entre les chercheurs et la saille de classe. L'enfant doit être un savant, un historien, un auteur ; il doit pratiquer la recherche. C'est ainsi qu'il apprend à apprendre. C'est l'essence du transfert. Les méthodes de recherche sont plus durables que les faits et même les généralisations. * ** W.-T. Lowe termine cette longue réflexion en revenant à nouveau sur une analyse de la structure telle que la majorité de son groupe de travail la conçoit. Ce groupe de recherche pour les nouveaux programmes de sciences sociales se pose des questions : « l'idée de structure apporte-t-elle une base théorique pour tous les programmes ou est-elle trop vague et incomplète ? Cette idée est-elle valable pour tous les domaines ?» Le groupe de recherche est cependant unanime sur quatre points : — L'explosion du savoir. Il y a en ce moment de nombreuses recherches en « histoire, géographie et sciences sociales » ; il faut surveiller ce qui va être écrit dans ces domaines. — Les aires traditionnelles du savoir connaissent une crise identique. Des questions fondamentales sont posées à propos de la nature, des buts et des méthodes des diverses disciplines. — Il y a véritablement un mouvement pour les nouveaux programmes. Certes il n'est pas complètement cohérent et unifié dans son développement. Les réformateurs ne sont pas non plus organisés en un groupe ; W.-T. Lowe pense cependant que les points de convergence, les similarités, sont de beaucoup plus importants que les désaccords. — Un programme doit être fondé sur une théorie. Le groupe de réflexion réuni par W.-T. Lowe en est certain. L'aspect le plus négatif des anciens programmes est pour lui l'absence de perspective, de fil directeur, de direction. L'idée de structure peut être cette base théorique pour élaborer un programme. « Un 147 programme structuré ou mieux un essai de structurer un programme de sciences sociales, histoire et géographie serait un grand pas en avant >. Ainsi pour W.-T. Lowe « notre enthousiasme pour le concept de structure comme fondement pour construire les nouveaux programmes repose sur cinq points » : — Bien que la définition de la structure soit peu précise, il ne peut y avoir aucun essai de structurer un programme sans consulter les chercheurs des diverses disciplines. Ce sont les seuls qui puissent nous dire ce qu'il y a à enseigner. Les éducateurs (« educationists »), administrateurs, comités d'enseignants et manuels ne peuvent pas déterminer ce qui est à enseigner. — Le concept de structure donne nécessairement aux études sociales une perspective intellectuelle, met l'accent sur les idées fondamentales et les méthodes de recherche. Le groupe pense que les priorités doivent être intellectuelles (développement intellectuel des élèves) (1). — La structure introduit une façon d'enseigner qui permet le transfert dans des situations extérieures à la salle de classe. Les méthodes de recherche et les idées fondamentales ont plus de permanence et donc sont plus « transférables », plus opératoires, que les faits isolés ou même les généralisations — La structure permet rationnellement de faire passer un contenu intellectuel significatif dans les programmes scolaires des petits classes. Le groupe de travail considère que la plupart des élèves de l'école élémentaire peuvent être mis au contact de plus d'abstractions et de plus d'idées de base qu'ils ne l'ont été jusqu'à maintenant. — Enfin la structure et les idées qui lui sont associées suggèrent une méthode d'enseignement qui (1) L'auteur et ses collègues ont développé leurs idées à ce sujet dans : Mauritz Johnson Jr, Gordon F., Vars, William T. Lowe and Osoar G. Mink, Intellectual Purposes of the Junior High School (Ithaca, N.Y. : Junior High School Project, Cornell University, 1967). 148 est conforme avec ce que nous savons des études humaines : active participation des élèves à la classe ; développement de l'amour de l'étude, fort désir de savoir ; l'importance de percevoir les relations entre lies choses et l'organisation sont avec soin associées avec les possibilités d'apprendre et de retenir. W.-T. Lowe n'entend pas nier les problèmes : les concepts de découverte, intuition et structure ne sont pas précis. Il y a par ailleurs peu de recherches déjà effectuées qui puissent étayer les assertions de Bruner et de ses disciples. Quel jeune âge « est trop jeune » pour que soient introduites des abstractions ? On ne sait pas. Quelle part est-il possible et souhaitable de donner à la découverte ? On ne sait pas. Quelle doit être la part des divers modes de pensée : analytique et intuitive ? On ne sait pas. Des programmes structurés omettront toujours quelque chose. Les pressions extérieures à l'école permettront-elles de laisser des choses hors des programmes ? (groupes de pression économiques: et idéologiques, examens, collectivités diverses...). Toutes ces forces et un programme structuré sontils conciliables ? Quelle structure enseigner, qui décidera celle qui doit être choisie ? Enfin, le concept de structure est-il une idée v a lable pour tous les domaines ?... l'art... l'histoire ? Cet élément de compte rendu contient des hypothèses à vérifier tant parmi des élèves du Cycle Elémentaire qu'auprès des enfants et pré-adolescents du 1er cycle. Il n'empêche qu'elles peuvent être fructueuses dès le C.P. (Extrait du compte rendu de l'ouvrage américain « Structure and the social Studies » de W. T. Lowe (Cornell University erPress, 1969) publié dans le Bulletin de Maison de 1 cycle de la Section des Soienoes Humaines et Economiques n° 18, octobre 1970, par M"" L. Marbeaiu). EN GUISE DE CONCLUSION Conclure, c'est achever, arrêter, résoudre définitivement, or la présente recherche commence, elle est en marche, rien n'est définitivement résolu. Il n'est donc pas question de conclure. Mais, jetant un coup d'œil rétrospectif sur le travail déjà accompli, il semble possible de sortir de la contradiction initiale dans laquelle la rénovation pédagogique se trouvait prise en matière d'activité d'éveil : il fallait chercher longuement et répondre vite. Certes, le problème demeure : il faudra étendre la recherche à un plus grand nombre de C.P., la conduite parallèlement au CE. puis au CM. et valider les résultats obtenus. Il serait donc sage de prévoir une période expérimentale durant encore ces trois ou quatre ans. Or, les besoins sont pressants, les instituteurs veulent savoir ce qu'ils peuvent faire. La liberté qui leur a été donnée et leur bonne volonté ne suffisent pas. Ils réclament une aide. Cette aide, nous l'apportons aujourd'hui aux maîtres de C.P. qui ont la volonté et la possibilité de participer à la recherche ou à la rénovation pédagogique. Que chaque équipe analyse les propos et les essais rapportés dans les pays qui précèdent, qu'elle discute du problème des fins, du problème de la méthode et du rôle du milieu dans lequel vit l'enfant ; qu'elle essaie de conduire au C.P. des activités d'éveil en respectant l'esprit et les consignes définies pour conduire une recherche commune en 1971-1972. Des recherches fondamentales sont en cours, d'autres seront indispensables. Un travail d'information et de diffusion des résultats de ces recherches devrait permettre à chaque groupe de travail d'al- ler plus avant dans la connaissance de l'enfant en relation avec son milieu de vie et avec la société, et devrait faciliter l'approche des grands courants novateurs qui modifient profondément, dans chaque spécialité, les disciplines jusque là enseignées. Il faut puiser la méthodologie aux sources de la science et y ajouter une réflexion épistémologique, mais il faut aussi trouver les moyens de mettre tout cela au service de l'enfant. Or le plus sûr moyen c'est encore de mettre l'enfant en état d'accéder à la science et de participer à l'action. Présentement, nous avons mis l'accent sur ce qui apparaît être le plus urgent c'est-à-dire la d é marche et le style pédagogiques. Rien ne sera possible sans l'accomplissement de cette « révolution copernicienne » en pédagogie qui mettrait l'enfant au centre des préoccupations de tous les éducateurs et qui placerait l'activité de l'enfant au centre de sa propre formation. Nous venons de faire le point, et nous avons le sentiment qu'il n'est plus possible ni de reculer, ni de s'arrêter. La rénovation pédagogique aura lieu dans tous les domaines. Mais notre inquiétude est grande en mesurant les obstacles qui restent à franchir tant sur le plan pratique que sur le plan théorique. Et notre responsabilité d'éducateurs est lourde car nous n'expérimentons pas sur des c o bayes mais nous travaillons pour et avec des enfants. Nous ne saurions admettre qu'une génération soit sacrifiée à faire des essais incohérents, nous n e pourrions davantage accepter qu'elle soit sacrifiée en ne faisant rien. Il faut donc que le changement d'orientation se fasse en marche et que la recherche continue pour aller bien au-delà des incertitudes présentes. 14» BIBLIOGRAPHIE Textes officiels et commentaires autorisés. Arrêté du 7-8-69, B.O. 32. Circulaire du 2-9-69, B.O. 35. Rapport de la Commission de rénovation pédagogique pour le premier degré : les activités d'éveil — Revue l'Education du 23-7-69. 1) L'ENFANT DEWEY (J.). — L'école et l'enfant. — Delachaux Niestlé (spécialement p. 39 à 40. L'intérêt et l'effort), 1922. DEWEY (J.). — Expérience et éducation. — A. Colin, 1968. GESELL ET ILG. — L'enfant de 5 à 10 ans. — P.U.F., 1963. Etude descriptive par année d'âge : 5 ans c'est le présent, 6 ans : comprend fête, anniversaire, « l'ensuite», 7 ans est conscient de la succession du temps (p. 156), s'intéresse à 8 ans : s'intéresse moins à l'heure (p. 189), sait les mois, ponctuel : dessine des cartes, 9 ans : il a beaucoup de choses à faire, accède aux concepts internationaux. GUILLAUMIN (J.). — La genèse du souvenir. Essai sur les fondements de la psychologie de l'enfant. — P.U.F., 1968, accorde une grande place à l'école « qui transforme l'héritage collectif en un inconscient individuel et commun », définit la position du psychologue par rapport au pédagogue, le premier voit dans l'enfant une modification de l'essence de l'adulte qui lui parle, il utilise le souvenir de son enfance pour penser celle des autres {p. 265), la conscience construit donc « l'enfance comme genre ». Le second vit une communication pratique et spontanée. MALRIEU (P.). — Les origines de la conscience du temps. — P.U.F., 1953. PIAGET (J.). — Six études de psychologie (Gauthier. Coll. Médiation) (introduction à la pensée de Piaget). PIAGET (J.). — La représentation du monde chez l'enfant. — Paris, Alean, 1926. PIAGET (J.). — Le développement de la notion de temps chez l'enfant. PIAGET et INHELDER. — La représentation de l'espace chez l'enfant. — P.U.F. (épuisé), 1948. 151 SUPER (D.E.). — Psychologie des intérêts. — Paris, P.U.F., 1964. cite Dewey, Claparede, Larcebeau {Binop, 1955, 11 et 1958), 14, et fait l'inventaire des valeurs. ZAZZO René. — Manuel pour l'examen psychologique de l'enfant. — Delachaux et Niestlé, 1969. 2) LE MILIEU CLAUSSE (A.). — Philosophie de l'étude du milieu. — Edition du Scarabée, 1961. DEBESSE-ARVTSET. — La géographie à l'école. — P.U.F. (Coll. Sup.), 1969. VUELLET (J.). — La notion de milieu en pédagogie. — P.U.F., 1962. 3) LES SCIENCES BACHELARD. — Le nouvel esprit scientifique (spécialement ch. VI). — P.U.F., 1941. BACHELARD. — La formation de l'esprit scientifique. — Vrin, 1947. BURGELIN. — La communication de masse. — S.G.P.P., 1970 étudie les valeurs véhiculées par les mass media : la violence et ses effets par exemple. JACOB (A.). — Temps et Langage. — Colin, 1967. La tendance structuraliste : « il faut savoir de quoi et pourquoi l'on parle avant de s'intéresser aux modalités historiques » (p. 37). La diachronie n'est que structures en évolution. La synchronisation est le lien d'actualisation de l'histoire (p. 95), c'est la prise du monde. Y a-t-il une leçon de l'histoire ? par Roland N. Stromberg. — Diogène n° 66, 1969, p. 3 à 19. Les développements de l'historiographie contemporaine depuis Dilthey, interdisent de croire que l'on puisse tirer des leçons de l'histoire. Il n'y a pas de lois historiques, le présent n'est pas un retour au passé. Il n'y a plus de fonction prophétique de l'historien. Ceci ne veut pas dire que la tâche de l'historien soit inutile : il a pour fonction de corriger les mythes qui se créent sans contrôle, de coordonner les projets car l'histoire n'a pas de domaine propre, elle les englobe tous, mais à une condition : celle de ne pas s'enfermer dans l'étude du temps présent. Toute l'histoire est présente à l'historien. MAC LUHAN. — Pour comprendre les media. Les prolongements technologiques de l'homme. — Le Seuil, 1968. La télévision est plus apte à montrer les changements que les produits. Paris, Pion (p. 128), elle dit le diachronique, ignore le synchronique, elle est myopie culturelle (p. 364). Que devient l'histoire si la galaxie Gutenberg cesse de vivre ? (cf. Message et Massage, le reste de l'œuvre de Mac Luhan) et tous les commentaires intéressés : notamment « Pour ou contre Mac Luhan ». 152 MOLLO (S.). — L'école dans la société. — Dunod, 1970. OZOUF (J. et M.). — Le thème du patriotisme dans les manuels primaires. Le mouvement social n° 49, octobre-décembre 1964. Les manuels d'histoire vont chercher par le récit historique une justification de l'idéologie dominante. Avant la guerre de 1914 et après 1900 les manuels essaient de trouver dans l'histoire des leçons pour dire à la fois l'horreur et la nécessité des guerres défensives. L'analyse est très fine et nous convie à découvrir l'idéologie de nos propres manuels. Mais au-delà, quel rôle joue le manuel dans la « fabrication » de l'idéologie de l'enseignement ? PIAGET (Jean). — Le structuralisme. — P.U.F. — Que sais-je ? 1968. PIAGET (J.). — Stéréotypes nationaux et compréhension internationale. Automne 1951, vol. HI, n° 3. Bulletin des sciences sociales. L'auteur étudie la genèse de l'idée de patrie : observe 3 stades pour parvenir à celui de la réciprocité à la suite de questionnaires. « Le problème central n'est pas à rechercher dans ce qu'il faut ou ne faut pas inculquer à l'enfant, il est à situer dans le mode même de formation de cet instrument indispensable d'objectivité et de compréhension affective qu'est la réciprocité pensée et vécue > (p. 621). 4) PROBLEMES, METHODES ET OUTILSPEDAGOGIQUES ALMERAS (J.). — Psychologie et disciplines d'éveil. — Revue l'Education, 18-12-1969. BEAUDOT (Alain). — La créativité à l'école. — Paris, P.U.F., 1969. CLAPAREDE (Ed.). — L'éducation fonctionnelle. — Delaehaux Niestté, 1964. COUSINET (R.). — Une méthode de travail libre par groupe. — Editions du Cerf, 1949. FREINET. — Le tâtonnement expérimental. — Ecole Moderne Française. HAMAIDE (A.). — La méthode Decroly. — Delaehaux Niestlé, 1956. JOLIVET (Michel). — En regardant vivre les plantes. — Editions de l'école, 1970. LEGRAND (L.). — Pour une pédagogie de l'étonnement. — Delaehaux Niestlé, 1960. PAUMIER (M.). — Bêtes et plantes au fil des saisons. — Bourrelier, 1963. PIAGET (J.). — Psychologie et pédagogie. — Denoël, 1969. SEAGOE (M.). — Pédagogie et motivation. Expériences américaines. — Paris. — Ed. d'Organisation, 1965. Livre bien présenté, avec exercices, lui-même motivant. La motivation est examinée dans sa nature psychologique (et non didactique). 153 Revues Coopération et autogestion scolaire par Vial. — Bulletin de la société française de pédagogie tf 163, janvier 1968, p. 36 à 62. Ecole et la Vie, n° 3, dossiers pédagogiques. Cahiers de l'école et la Vie, n° 2. — A. Colin. L'éducateur, n° 49 : Discussion sur la formation scientifique ; n° 38 : La méthode naturelle en histoire, géographie, sciences ; n° 39-40 : L'étude du milieu. Eveil à l'expression plastique. — Cahiers de pédagogie moderne, n° 36. Enseignement individuel et travail par groupe. — Cahiers de documentation. — Paris, I.P.N., 1969. 154 Dépôt légal n° 4923 - 1 " trim. 1974 - Imp. BIALEC, NANCY AU COURS PREPARATOIRE L'ENFANT VIT ACTIVITES D'EVEIL A CARACTERE GEOGRAPHIQUE, HISTORIQUE ET SCIENTIFIQUE COMMISSION C.P 16 juin 1971 (d'après le tableau préparé en mai 1971 à l'E.N.F. de CAEN) Le milieu agit sur lui IL A G I T PARMI LES AUTRES DANS UN MILIEU « ¡l s'agit donc à tout moment d'aider l'enfant à construire cetfc même temps que le mot enfantin, dans un rapport de réciprocité » relation essentielle où le vécu se transforme, (B.L. 2, p. 8) (enfants et adultes) se structure et de densifie en <S PERCEPTION GLOBALE Il n'y a pus comme croyait l'asacatiannisme, composition à partir d'éléments simples mais au contraire un Iravail de décomposition pour aboutir à de nouveaux emembles mieux spécifiés. IL S ' É T O N N E NECESSITE DE BESOIN DE COMMUNIQUER Communication objective COMMUNIQUER Expression au sens de création — Obtenir une représentation lisible pour tous. « Une objectiration prématurée peut risquer de tarir la fantaisie et l'originalité propre à chaque enfant, fantaisie génératrice de poésie et de personnalité. » .„, «í.'w.íVt- ACTION Qu'est-ce que c'est. I L C O N S T R U I T SA PENSEE A quoi ça sert. Qui est-ce qui l'a fait. DE L'EDUCATION — par action sur le réel — pour communication avec les autres. IL REFLÈTE ET V É H I C U L E (Notamment utilisation d u langage Un certain nombre de données et de valeurs sociales. ESPACE IL DÉCOUVRE z: 3 O — • • Occuper et utiliser tout l'espace — jeux de dispersion, de position, de partenaire, de décision — découpage de silhouettes — disposition de silhouettes — utilisation des couleurs, des formes. û • Vivre les rythmes — temps spontané — structures rythmiques exprimées par la danse naturelle, ralenti, accéléré... O IL CRÉE — Il invente des jeux : l'action s'associe à la compréhension et elles favorisent le succès du jeu. — Il invente des moyens d'action sur l'environnement : • soins aux animaux, protection des oiseaux ; • plantations ; X htu 2 C£ LU • repiquage, décoration. — Il mime une histoire. > — Il crée une histoire. ÛÉ — 11 crée des attitudes — expression corporelle. LU •— Il crée des personnages — marionnettes. 0) ai 3 .2 £ 3 S % ' n J 2. « J .J Recherche d'un point de vue sur 3 g J 3 •g Repérage sur des réseaux : découverte et utilisation d e repères naturels et de « modules » dans les appréciations de grandeur, de volume, de distance — plus haut, moins haut, loin, près, plus loin, moins loin que — gros, moins gros. Mesures naturelles avec pas. bras... Activités préparatoires à la mesure — plus grand que — plus petit que. î 3 •K les choses les autres moi Je dessine, je photographie, je nomme, je reconstruis un objet vu de face, de profil, d'en haut (selon les rencontres dans le milieu : arbre, ruisseau, butte, route, maison, château d'eau...). Reconnaître et décrire sur photos et diapos différents objets, la classe, etc., pris sous des angles très différents. Moi de profil, de face, de dos — photos — glaces. Imaginer le point d e vue des autres sur moi. Apprendre à l'enfant à situer dans l'espace {exercices de décentration) CÛ c a> • Des choses ou des personnes les unes par rapport aux autres — en file — premier — dernier — groupements — comparaisons — construction de maquette par juxtaposition convenable d'éléments miniatures. Approche de la notion d'échelle. O ur agi — Il crée des formes — découpages, modelages, collages... civili satio LU < Les rues, la utile, la forêt, les rencontres, sont p o u r l'enfant l'occasion d'ajouter n son expérience familiale et scolaire celle des autres- «Wérneuts du milieu de vie. » Eléments de topologie Recherche de repères extérieurs — objets orientables (devant une auto). Situer les objets les uns par rapport aux autres. Manipulation d'objets, rangements — les déplacer sur ordre — décrire leur déplacement — personnages en modèles réduits déplacés dans une maquette — essayer si les déplacements en biais sont susceptibles d'être acquis (un pas en arrière et à gauche). Dans — hors de — le long de — extérieur — borde — frontière — traverse — en face de — à côté de — autour — entre — parmi — à l'intérieur de — touche — coupe — faire demi-tour. 'influ ence Possibilité d'aller voir un spectacle en commun, puis de le raconter. en di Les commerçants. • Assurer la liaison temps-espace au niveau du vécu et de l'action — les vitesses — courses d'élèves, d'automobiles, d'escargots... Prise de conscience des objets par rapport à soi : place des objets par référence à l'enfant : droite, gauche, milieu, d a n s le plan vertical (haut, bas) (sur, dessus) {sous, dessous) et dans le plan horizontal (devant moi, derrière moi) (à côté de moi, près de m o i ) . Groupements d'enfants. LU 2 — AU COURS DE JEUX OU D'ACTIVITES PROPOSEES Favoriser la prise de conscience du corps — (schéma corporel). Exercices de latéralisation — relaxation. A réaliser en liaison avec un professeur d'éducation physique. fonct on de ses poss ibili AL' COURS DES SOKT1ES : le jardin public, la forêt, la nature et l'action des hommes sut elle, une ferme, un super-marché. h- • A se situer par rapport aux choses et parmi les autres {par exemple, qu'il trouve sa place entre plus 'grand et plus petit que lui). •* û o a Apprendre à se mouvoir dans l'espace. 'enfant SON ECOLE, SA CLASSE, les autres, la rue. les maisons, la circulation, 1rs panneaux indicateurs, les hommes en action, les animaux. Dans la pratique, la structuration du temps et. celle de l'espace ne peuvent pas être dissociées. UJ • Les moyens divers : •— marche — sauts... ; .— m o y e n s de locomotion. H • Notion de lieu orienté (par exemple par rapport à la sortie, au départ, à l'arrivée...). — Imaginer des mouvements au lieu de les réaliser pu de les constater (/> • Prévoir. (/> LU Ü UJ z ^r — Rechercher un accord. mathématique pour exprimer l'ensemble des relations découvertes par l'enfant). VIE O B J E T S ET P R O P R I É T É S LE T E M P S V É C U A partir du milieu environnant, amorcer la distinction entre ce qui est vivant et c e qui est inanimé (le monde des objets). — L'INSTANT — L A DUREE : Le temps qu'il faut pour faire quelque chose (à un enfant pour traverser la cour, à une escargot pour parcourir un pas d'enfant, à un litre d'eau pour bouillir...) .— Comparaisons — Représentations proposées par les enfants — •Représentation linéaire —> « Plus de temps que », * moins de temps que », « aussi longtemps que » — simultanéité — top de départ. A) A partir de sorties dans le milieu, de cultures et d'élevages commencer la construction des notions d'animal et de végétal et mise en évidence des relations entre êtres vivants et avec le milieu. OBJETS ET PROPRIETES : INITIATION A LA CAUSALITE Comme à l'école maternelle les élèves auront la possibilité de manipuler librement les objets et les matériaux en dehors de toute perspective utilitaire, d'opérer des transvasements, des changements de température, d e s mélanges d e liquides et de solides. En orientant le tâtonnement expérimental des enfants, le maître facilitera l'acquisition d'un certain nombre de concepts de base. TEMPS — REPERES POSSIBLES : Recherche de tous les repères possibles: le sommeil, les repas, le jour, la nuit, sonneries, cloches, vacances .— Notion d'alternance — Les rythmes d u corps (rythme cardiaque — respiration) — U n objet se balance à l'extrémité d'un fil (balancier) — U n e boîte d'eau se vide doucement (clepsydre) — le sablier — le compte-minute. — CHOIX D U REPERE : Mesurer le temps qu'il faut pour faire quelque chose en se référant à l'un des repères ci-dessus. Mais si l'on observe un phénomène qui dure longtemps (exemple : un haricot qui pousse) il faut trouver un autre moyen. Recherche de repères commodes — préparation à la mesure du temps (CE.) — relativité des échelles de référence. — RECHERCHE DE L'ORDRE : Reconstituer les différentes activités de la journée — mise en ordre des souvenirs — chronologie d'une journée : symboliser les différents moments de la journée : j e dors, j e déjeune, je joue, je travaille... représentation de la journée — recherche de l'ordre de succession — notions de matin. midi, soir, après, avant, pendant. Construire le tableau du temps à mesure que nous vivons , (tableaux individuels -f- tableau collectif): 1) Symboliser les jours — notions d'hier — aujourd'hui — demain. 2) Les construire en semaines (selon les solutions proposées par les enfants). 3) Au changement de mois, indiquer l'ensemble des semaines du mois. 4) Représentation linéaire du temps vécu. 5) Noter les simultanéités (jeudi il pleut et on mange des crêpes...). 6) Constatation des changements au cours d'une semaine (d'un mois, d'une année), variations du temps : le temps qu'il fait — la maison que l'on construit — la plante qui pousse — variation saisonnière des éléments vivants du milieu — notion de cycle. LE T E M P S DES ENFANTS Notre vie d'enfant 'vue à travers nos dessins : — les faits marquants de la vie de la 1) strictement individuels ; classe 2) événements quoti— les événements du monde vus par les diens ; enfants — rue — journal — télévision (observation ponctuelle) ; 3) événements mémorables ; — organisation du temps vécu à partir dégager les activités de repères qui ne reviennent pas régulièrement — journal des é v é n e m e n t s de principales et les actila classe ; vités secondaires, les activités personnelles, — l'âge : de notre haricot, de notre lapin, familiales, publiques. des enfants — Situation par rapport aux frères et sœurs, aux enfants de la classe classer du plus vieux au plus jeune. 1) Un animal se déplace {marche, nage, vole) ; il naît, grandit, so reproduit e t meurt. Il vit dans un milieu précis et n e peut survivre que dans des conditions physiques déterminées (importance des saisons et du climat). 2) Une plante pousse le plus souvent dans la terre ; elle a 'besoin d'eau sinon elle meurt. Elle se reproduit : observation de plantes qui fleurissent ; formation d e fruits et d e graines ; observation de germinations et d e croissance rapide {radis) ou lente (érable). Elle sert d'aliment aux animaux (base des pyramides alimentaires). La variation suivant les saisons conduit à un calendrier traduit par des signes trouvés par le» enfants : vie d'un aribre, développement d'un semis ou d'une plantation de bulbes. 3) Les sorties dans le milieu comportent sur le terrain un travail d'observation ; elles peuvent déboucher sur un inventaire puis des travaux de classement. Faire l'inventaire ce n'est pas seulement récolter pour rapporter dans la classe ; c'est aussi faire représenter par chaque enfant ce qui l'a frappé sous forme de récit enregistré, d e dessin, peut-être de photographie. Les élevages sont indispensables pour définir les fonctions biologiques de façon précise et observer certains comportements (attaque, défense, compétition). Elevages et cultures conduisent peu à p e u à une définition objective des caractères des êtres vivants ; de plus ils contribuent à lui donner la notion de responsabilités v i s - à - v i s de ces derniers : la négligence ou le manque de soins peuvent être irréparables. B) L'étude du vivant se complète par celle de l'enfant et des hommes et par l'explicitation de sa place parmi les vivants. A l'occasion des mensurations (poids, taille), des exercices p h y siques (battements du coeur), d'événements physiologiques ( r e m placement des dents, croissance des cheveux) l'enfant découvre les fonctions définies chez les animaux. La lutte contre la chaleur et le froid, les règles d'hygiène mettent en évidence l'importance du milieu. L'homme et l'enfant agissent sur l'environnement, quelquefois f a v o rablement, quelquefois de façon catastrophique ; notions simples de protection de la nature : propreté des sites, protection d e certains animaux (oiseaux en hiver). C) L'ensemble des travaux permet d'objectiver la notion d'être vivant par l'analyse des fonctions et des comportements. L'étude des développements conduit à préciser un aspect de la notion de temps. Enfin l'enfant est amené à la fois à se situer parmi les êtres vivants par s a biologie et en face de la vie par son action sur la nature. 1 Elle consiste à faire passer l'enfant du point de vue égocentrique ACQUISITION DE TECHNIQUES RIGOUREUSES 1) Grâce à des exercices d e classement et de sériation l'enfant s'est déjà habitué à dissocier propriétés et objets (sur des blocs logiques, par e x e m p l e ) . En diversifiant les opérations, l'enfant peut découvrir des propriétés ou des attributs de moins en moins accessibles à la perception immédiate et globale : poids, température, dureté, flexibilité par exemple. L'existence de propriétés communes à un grand nombre d'objets conduit à la notion «de substance : lorsqu'on jette des objets divers dans l'eau on constate que le fait de flotter ne dépend pas d e la fonction, de la forme ou de la couleur des objets mais de la matière qui les constitue (bois ou fer). 2) A la suite de son intervention, l'enfant observe des changements de propriétés. « Le plaisir d'être cause » s'il est bien orienté dans le cadre du travail de groupe permet à l'élève de découvrir de nombreuses relations entre propriétés ou entre éléments d'un s y s tème et d'éliminer les facteurs contingents qui n'ont aucun rapport avec la transformation. Une telle démarche correspond à la maîtrise d'un 1" niveau du principe de causalité. 3) D'autre part, à l'occasion de changements d'état ou de forme — déformations élastiques, transvasements de liquides ou de solides meubles, ebullition, fusion, dissolution, l'enfant s'habitue à la réversibilité opératoire qui tend à devenir un outil mental. Par ailleurs il est amené à se poser le problème de la permanence de la matière au cours des transformations. IL CRÉE LANGAGES un point de vue ANTHROPOCENTRIQUE (pour l'enfant, toute chose existe en vue de l ' h o m m e cf. a r t i f i c i a lisme et finalisme). i Par des e x e r cices d e « décentration » l'éducateur va chercher à faire sortir l ' e n f a n t du point de vue unique fourni par l'égocentrisme pour l'amener a envisager les points de vue des autres et découvrir dès que p o s s i b l e Il traduit en codes ce qu'il a v é cu. Il schématise des situations par des tableaux,des e n sembles de flèches , des diagrammes. En réutilisant des techniques acquises, Il s'explique oralement puis par des t e x tes écrits. Il invente des solutions. Il invente des expressions — graphiques — orales — écrites — etc. « L'expression s'enrichit et se diversifie en même temps qu'elle se précise dans le besoin multiplié de la communication. » Il réalise des DOCUMENTS (enregistrements, photographies, collections, bandes dessinées). et Il lit des Il choisit ce qui est représentatif, c e qu'il veut e x primer. « Notre classe, comment pourrait-on la représenter pour que ceux qui ne la connaissent • pas puissent la connaître et que ceux qui la connaissent puissent la reconnaître. » I Il interprète 11 explique Il invente ses propres techniques. I DOCUMENTS (diapos - images - diagrammes maquettes - plans - textes) relatifs au milieu dans lequel il vit et LE T E M P S DES A U T R E S — L'âge des parents — classer des photos de personnes par runf,' d'âge. GP GM GP GM 'v'P^-__^ ^•M > "" : début d e généalogie. — moi *— — Initiation au témoignage Relation exacte d'une promenade complexe. Relation d'un événement survenu à d'autres personnes. (Confrontation des récits d'enfants — établissement d'une relation conforme enregistrée — contrôle ultérieur du souvenir — audition de la bande. Représentation par une succession d'étiquettes dessinées de l'itinéraire suivi et des faits observés.) SUITE CONCEPT TEMPS (SUITE) MÉMOIRE SOCIALE a) Prise de conscience du comportement social de l'enfant (relations avec camarades, parents, adultes. b) Trouver différentes manières de représenter des relations d'ordre entre des événements vécus pour ne pas oublier le vécu et permettre à d'autres personnes de retrouver c e vécu. l'universalité de la pensée LOGIQUE. il découvre des milieux auxquels il n'a pas accès directement grâce à des DOCUMENTS réalisés par d'autres.