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Transformation
BCV, lausanne
Une banque se dévoile
C’
est un fleuron de la place
Saint-François à Lausanne: le bâtiment de la
Banque cantonale vaudoise impose sa stature monumentale
aux passants, tout comme sa voisine –
la Poste, et d’autres édifices construits
à la même époque. A ce niveau de la
ville, hormis l’église qui a donné son
nom à la place, le néoclassicisme des
façades, dans ses derniers soubresauts, ouvre l’ère du XXe siècle.
Bel exemple d’un établissement bancaire conçu pour abriter en ses murs
Fin mars: façade en verre
Ce matin-là à 7 h 30, deux palettes
métalliques portant de grandes vitres
attendent sous une pluie mêlée de
flocons, qu’on vienne les décharger:
«Elles pèsent 2,6 t» me dit en passant
Philippe Cottet, technicien de l’entreprise Morand, et poursuit-il, «il faut
qu’il arrête de pleuvoir, sinon on ne
pourra pas monter les verres.»
Ces vitres doivent êtres posées sur les
façades du passage suspendu entre le
bâtiment néoclassique et son annexe,
une rue plus bas. Chaque panneau pèse
880 kg et les ventouses pour les porter
glisseront si leur surface est mouillée.
Urgent d’attendre
Il fait froid. Parmi les six ouvriers de
ce chantier, l’un a mis un bonnet sous
son casque et un autre, un chapeau
de feutre. 7 h 45, le camion-élévateur
arrive. Mais attendons. L’architecte
et responsable du secteur Immobilier
et Infrastructure de la banque, JeanDaniel Roulin intervient – «Ne prenons
aucun risque» – cela lui coûte certainement de prononcer ces mots car il y a
des jours qu’il attend la touche finale
bâtir juin 2013
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Le siège de la Banque cantonale
vaudoise (BCV) à Lausanne a été
construit en 1903 par Francis
Isoz. Pour son 110e anniversaire,
la banque a entrepris une mue
ambitieuse de son siège.
la confidentialité de ses activités, le
bâtiment – le seul du patrimoine de la
BCV à n’avoir pas encore été rénové,
a conservé son grand hall d’entrée
impressionnant avec un important escalier principal, ainsi que ses étages tout
en hauteur. On lui adjoint, entre 1947
et 1951, une extension en contrebas,
composée de quatre bâtiments autour
d’une cour intérieure. Ils sont reliés à
celui de la place Saint-François par une
passerelle suspendue, bâtie dans les
années soixante entre les deux bâtiments, grâce à l’attribution d’un droit
de superficie par la Ville de Lausanne.
L’ensemble subit aujourd’hui une
refonte complète de ses espaces intérieurs, afin de les rendre plus accueillants
pour les clients et de leur conférer une
modernité indispensable; il s’agit d’effacer une image passéiste qui n’a plus
lieu d’être, pour ouvrir l’établissement
sur son environnement, l’orienter vers
le futur, tant au niveau de son esthétique
que de ses fonctionnalités. L’ensemble
des travaux sera achevé en octobre et
nous en suivrons les moments les plus
emblématiques. Première étape, la
transformation de la passerelle.
bcv, lausanne
Transparence des activités
et contemporaneité.
La passerelle a été «relookée» (ci-contre,
avant les travaux) sans nuire à la cohérence
de l’ensemble.
Francis Isoz
Né en 1856, Francis Isoz s’établit comme architecte à Lausanne en 1879. Il contribue à
la transformation de Lausanne au tournant du siècle et construit une quarantaine d’édifices
publics et commerciaux – notamment les bâtiments de la Banque cantonale vaudoise et
du Crédit foncier vaudois – des maisons locatives, des villas, etc. Dans les années 1890,
on lui confie la transformation du Château d’Ouchy en un hôtel de luxe et la construction
de l’Hôtel Mercier au Grand-Chêne, tous deux dans un style néo-gothique. En 1896, il est
chargé de la construction de l’aile des musées du Palais de Rumine sur les plans de Gaspard
André. Francis Isoz décède le 7 novembre 1910 à Lausanne.
Source : Bibliothèque cantonale et universitaires – BCU, Lausanne
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bâtir juin 2013
à cette partie des grands travaux de
rénovation entrepris par la banque. Il
est enthousiaste: «ce couloir suspendu
a été bâti dans les années soixante entre
les deux bâtiments, en raison d’une
servitude de passage nous obligeant à
libérer la rue. Dans la nouvelle organisation que nous avons imaginée, j’aime
bien la transparence que ces vitres
vont créer. Aujourd’hui, une banque ne
peut plus garder une image confinée.»
Vrai que le passage ainsi revu laissera
voir les allées et venues du personnel
et des clients. Très contemporain dans
sa finalité esthétique.
Levage à risque
Il est 9 h. «OK, on y va!» décide Philippe Cottet. Deux ouvriers grimpent
sur une nacelle et au fur et à mesure
de leur montée, ils retroussent la
Transformation
La météo n’était pas au rendez-vous
mais le travail a été accompli en un jour
au lieu de deux. Levage, débâchage,
jointage et montage des six panneaux.
bâche couvrant le passage suspendu
puis la posent sur le toit: «pas besoin
de la décrocher... si on doit la remettre,
on gagnera du temps». 10 h, la façade
est découverte, béante. Sur les échafaudages, des monteurs commencent
à poser les joints, tandis qu’en bas, on
déballe les verres.
Vu les risques, il faut régler très méticuleusement la force des ventouses
pour qu’elles adhèrent bien au verre.
11 h 15, l’engin de levage soulève le premier panneau: sur leur bras métallique,
les douze ventouses doivent aussi
absorber les légères poussées du vent
et les oscillations du verre; à bout de
bras, les ouvriers assurent la stabilité.
Une performance
Le panneau monte lentement jusqu’à
hauteur d’homme, là-haut, dans le vide
des baies. On se penche en un léger
déséquilibre pour happer, de la main,
la bordure du verre, et attirer la vitre
à soi. Ils sont trois; on la tient, on la
pousse, on la guide dans le cadre métallique où elle va être scellée. 11 h 35,
c’est fait... Un deuxième panneau a
déjà commencé son ascension. Au pied
des échafaudages, près des rubans de
chantier pour interdire l’accès aux
badauds, un jeune agent de sécurité se
dandine d’un pied sur l’autre, bras croisés, mains sous les aisselles: «fait trop
froid, marmonne-t-il et en plus je suis
là en remplacement!» Heureusement
pour lui, les six panneaux qui habillent
depuis lors le passage suspendu ont été
finalement posés dans la journée, plus
rapidement que prévu puisque deux
jours de travail avaient été réservés
pour l’opération.
•
Texte: Annie Admane
Photographies: Robert Kovacs
Le concept architectural du passage suspendu
Lors de la construction de la passerelle dans les années 1950, son traitement
architectural avait été effectué de manière identique aux nouvelles façades
du square Beau-Séjour, construit à la même période, exprimant une lecture
massive et monolitique.
Lors de la transformation en 2013, l’architecte a voulu donner une nouvelle
expression à ce passage suspendu, par un traitement contemporain – structure
verre et métal, en allégeant considérablement sa lecture et en mettant en valeur
la façade du bâtiment 1903 de Francis Isoz. Cette intervention permet de lier
architecturalement les espaces commerciaux de la banque qui abritent les guichets
sur le premier niveau et une réception sur le second.
Une façade lisse et translucide
De type Raico, le concept de la façade privilégie un rendu lisse, car sans retrait.
La structure est en acier peint IPE 180, avec un canal à visser intégré, et des joints
de 25 mm. Dans les intercalaires se trouvent des supports de protection lumineuse,
sans capot.
Le verre blanc utilisé est un verre à isolation thermique conçu pour les vitrages
de grandes dimensions. Il constitue un revêtement à très faible émissivité tout
en assurant un emmagasinement maximal de l’énergie solaire, avec un coefficient
de transmission lumineuse de 80% et un facteur solaire g de plus de 60%. Chaque
panneau mesure 600 x 180 cm. (www.glastroesch.ch).
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