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Tiré à part
NodusSciendi.net Volume 9 ième Août 2014
Jeu d’écriture et guerres de sociétés
Volume 9 ième Août 2014
Numéro conduit par
ASSI Diané Véronique
Maître-Assistant à l’Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan
http://www.NodusSciendi.net Titre clé Nodus Sciendi tiré de la norme ISO 3297
ISSN 2308-7676
http://www.NodusSciendi.net
Comité scientifique de Revue
BEGENAT-NEUSCHÄFER, Anne, Professeur des Universités, Université d'Aix-la-chapelle
BLÉDÉ, Logbo, Professeur des Universités, U. Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
BOA, Thiémélé L. Ramsès, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
BOHUI, Djédjé Hilaire, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
DJIMAN, Kasimi, Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny
KONÉ, Amadou, Professeur des Universités, Georgetown University, Washington DC
MADÉBÉ, Georice Berthin, Professeur des Universités, CENAREST-IRSH/UOB
SISSAO, Alain Joseph, Professeur des Universités, INSS/CNRST, Ouagadougou
TRAORÉ, François Bruno, Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny
VION-DURY, Juliette, Professeur des Universités, Université Paris XIII
VOISIN, Patrick, Professeur de chaire supérieure en hypokhâgne et khâgne A/L ULM, Pau
WESTPHAL, Bertrand, Professeur des Universités, Université de Limoges
Organisation
Publication / DIANDUÉ Bi Kacou Parfait,
Professeur des Universités, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Rédaction / KONANDRI Affoué Virgine,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
Production / SYLLA Abdoulaye,
Maître de Conférences, Université Félix Houphouët Boigny, de Cocody-Abidjan
2
SOMMAIRE
1- Profesor Albert DAGO-DADIE, Universidad Félix HOUPHOUËTBOIGNY Abidjan, “ESPAÑA Y ÁFRICA DESDE LOS REYES
CATÓLICOS HASTA LA CONFERENCIA DE BERLÍN”
2- Pr DIALLO Adama, INSS/CNRST, Ouagadougou, « PARTENARIAT
FRANÇAIS/LANGUES LOCALES DANS LA PRATIQUE ET LA
CONVERSATION COURANTE AU BURKINA-FASO »
3- Pr KONKOBO Madeleine, INSS/CNRST, Ouagadougou, « FEMME ET
VIE POLITIQUE AU BURKINA FASO »
4- Dr. KOUASSI Kouamé Brice, Université Félix Houphouët Boigny, «
L’HUMANISME DANS LES MISERABLES DE VICTOR HUGO »
5- DR KOUASSI YAO RAPHAEL, Université Péléforo Gon Coulibaly de
Korhogo, « FORMES ET REPRESENTATIONS DE LA GUERRE DANS
QUELQUES TEXTES LITTERAIRES FRANÇAIS DU VIe AU XXe
SIECLE »
6- Dr TOTI AHIDJE Zahui Gondey, Université Alassane Ouattara
Bouaké, « FONCTION ET SIGNIFICATION DES COMPARAISONS ET
DES METAPHORES DANS LE VIEUX NEGRE ET LA MEDAILLE DE
FERDINAND OYONO »
7- Dr DJANDUE Bi Drombé, Université Félix Houphouët-Boigny
d’Abidjan, « UN LITTEXTO POUR UNE RADIOGRAPGIE DE LA
SOCIETE IVOIRIENNE D’HIER A AUJOURD’HUI »
8- Dr JOHNSON Kouassi Zamina-Université F H Boigny de Cocody,
“DEATH AND THE FEAR OF DEATH: A POSTMODERN READING OF
WHITE NOISE BY DON DELILLO”
3
9- Dr Kossi Souley GBETO, Université de Lomé-Togo, « LA
CITOYENNETE EN PERIL SUR LE RADEAU: UNE REFLEXION
REALISTE D’AYAYI TOGOATA APEDO-AMAH DANS UN CONTINENT
A LA MER! »
10- Dr KAMATE Banhouman, Université Félix Houphouët-Boigny,
« MONOKO-ZOHI: UNE ÉPISATION SPECTACULAIRE DE SIDIKI
BAKABA »
11- Dr Mahboubeh Fahimkalam, Université Azad Islamique-Arak
Branche-Iran, « ROLE DE LA FOI DANS L’EQUANIMITE
DANS EMBRASSE LE VISAGE MIGNON DU SEIGNEUR, ŒUVRE DE
MASTOOR »
12- Dr Luc Kaboré, INSS/CNRST, Ouagadougou, « ANALYSE DES
DISPARITES ENTRE SEXES DANS L’ACCES A L’ENSEIGNEMENT
PRIMAIRE AU BURKINA FASO »
13- Dr. BAMBA MAMADOU UNIVERSITE, ALASSANE OUATTARA DE
BOUAKE, « L’ “ETAT ” EPHEMERE DE L’AZAWAD OU L’ECHEC DES
ISLAMISTES DANS LE NORD DU MALI »
14- Dr Raphaël YEBOU, Université d’Abomey-Calavi - République du
Bénin, « LE MÉCANISME D’EXTENSION DU CHAMP VERBAL EN
SYNTAXE FRANÇAISE : DE LA STRUCTURE NON PRONOMINALE DE
PLAINDRE À LA CONSTRUCTION PRONOMINALE DE SE PLAINDRE »
15- Dr Stevens BROU Gbaley Bernaud, Université Alassane Outtara,
Côte d’Ivoire, « LES ENJEUX DU RATIONALISME SCIENTIFIQUE
DANS L’ÉPISTÉMOLOGIE BACHELARDIENNE »
4
16- Dr ASSI Diané Véronique, Université Félix Houphouët Boigny
d’Abidjan, « LE ROI DE KAHEL DE TIERNO MONENEMBO : UN
ROMAN ENTRE RÉCIT ET HISTOIRE »
17- TAILLY FELIX AUGUSTE ALAIN, Université Félix Houphouët-Boigny Côte d’Ivoire, « FICTION ROMANESQUE, POLEMIQUE RELIGIEUSE
ET NAISSANCE D’UNE PENSEE CRITIQUE DANS LA FRANCE DU
XVIIIe SIECLE »
18- YAPI Kouassi Michel, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY,
« PROJET CONGA AU PEROU: LES "GARDIENS DES LACS" FACE A
L’OFFENSIVE
MEDIATIQUE
DESTABILISATRICE
DE
LA
MULTINATIONALE NEWMONT-BUENAVENTURA-YANACOCHA »
19- LOKPO Rabé Sylvain, Université Félix HOUPHOUËT-BOIGNY
« L'AFFIRMATION DE L'IDENTITÉ CULTURELLE ALLEMANDE ET
IVOIRIENNE À TRAVERS LE STURM UND DRANG ET LE ZOUGLOU »
20- KOUADIO Kouakou Daniel, Université Félix Houphouët Boigny, «
LE SURNATUREL COMME CATALYSEUR DE L’IMAGINAIRE DANS
EN ATTENDANT LE VOTE DES BÊTES SAUVAGES D’AHMADOU
KOUROUMA »
5
UN LITTEXTO POUR UNE RADIOGRAPGIE DE LA SOCIETE IVOIRIENNE D’HIER A
AUJOURD’HUI
Dr. DJANDUE Bi Drombé
[email protected]
Lycée Moderne Goffri Kouassi Raymond de Sassandra
Université Félix Houphouët Boigny d’Abidjan
INTRODUCTION
Après les douloureuses de la colonisation, la Côte d’Ivoire accède à
l’indépendance en 1960 à l’instar de la majorité des colonies françaises d’Afrique
noire. Le processus de transformation sociale et de modernisation amorcé sous les
ordres et les coups de bottes des colons, se poursuit alors sous la houlette de
dirigeants nationaux pas toujours très bien éclairés sur les nouvelles routes d’un
développement aux critères importés et mal assimilés, ce qui avait aussi fait dire à
René Dumont (1962) que « L’Afrique noire est mal partie ». Au cœur de ce processus,
l’Ecole occidentale comme lieu d’enseignement et d’acquisition des nouveaux
savoirs, savoir-faire et savoir-être ; les religions révélées en tant que véhicules de
nouvelles pratiques religieuses ; les médias, la télévision et la radio en tête, comme
puissants faiseurs de modèles et instruments de diffusion des nouvelles valeurs et
des nouveaux comportements ; la ville enfin, haut lieu de métissage où les identités
culturelles se diluent dans la culture urbaine de masse, et, pour cela, longtemps
associée au danger, aux vices et à la dépravation des mœurs dans la littérature négroafricaine d’expression française. Le roman Ville cruelle (1954) d’Eza Boto est plus que
parlant à ce propos, rien que par son titre. Et Maïmouna (1958) d’Abdoulaye Sadji, à
travers la désillusion et les mésaventures de la fille de Yaye Daro qui ne rêvait que de
Dakar, la capitale sénégalaise. Et Les Soleils des indépendances (1968) d’Ahmadou
Kourouma. Et Afrika ba'a (1969) du Camerounais Remy Medo Mvomo, etc. On ne
finirait pas d’en citer.
Le soir venu, les enfants, occupés désormais à étudier ou à regarder la
télévision, désertent les assemblées de contes au clair de lune et/ou autour du feu et,
avec elles, les bibliothèques vivantes que sont les vieillards en Afrique ; les plus
chanceux retrouveront certains de ces contes dans l’inertie de l’écriture et dans la
solitude de leurs livres de lecture. Nos eaux, nos forêts et autres objets sacrés,
devenus soudain diaboliques, sont abandonnés ou livrés publiquement aux flammes
6
en guise de témoignages vivants pour se convaincre et convaincre les catéchistes et
autres prédicateurs zélés de sa conversion au christianisme. Dans les foyers et les
familles, on consacre de plus en plus de temps à regarder la télévision et à écouter la
radio, et de moins en moins à se parler et à s’écouter mutuellement ; pendant que les
jeunes, séduits par les images et les nouvelles de la ville, fuient en masse l’inconfort
des villages et la rudesse des travaux champêtres en rêvant d’une vie plus douce :
l’exode rural. C’est d’ailleurs le titre d’une chanson brillamment interprétée par Wédji
Ped et les Djinns Music en 1979 ; un classique de la musique ivoirienne, tant on prend
plaisir à la réécouter encore et encore malgré les années écoulées. Et avec un
message toujours d’actualité.
Mon frère, ne va pas en ville. J’y suis allé moi qui te parle ; ça m’a rendu fou. Je
voulais travailler pour m’acheter des pantalons, une chemise blanche et une
cravate. Mais il n’y a pas de travail. Pour avoir du travail là-bas, il faut être
diplômé. La vie est difficile en ville. Tu deviendras un vagabond, un voleur.
Reste au village et va au champ. Le travail de la terre te donnera de quoi
t’acheter des pantalons et une chemise blanche…
Beaucoup ne les écouteront pas. La société ivoirienne en pleine mutation en
oublie parfois ses racines. En l’absence d’une langue nationale capable de fédérer nos
diversités ethniques et nos particularismes régionaux en une marque déposée
culturelle ivoirienne comme ailleurs sur le continent où le Mali possède son Bambara,
le Burkina Faso son Moré, le Sénégal son Wolof, le Ghana son Ashanti ou la RDC son
Lingala, la langue du colonisateur, seule langue d’enseignement dans nos écoles et
principal moyen d’information dans les médias officiels, s’impose à tous et,
malheureusement, souvent au détriment des langues et cultures locales. De fait,
parce qu’elle porte et transporte la culture comme l’hématie porte et transporte
l’oxygène dans le sang, la langue est l’âme d’un peuple. La Côte d’Ivoire, devenue le
plus francophone des pays francophones d’Afrique noire par la force des choses, en
devient aussi le plus culturellement fragile, et donc le plus menacé dans ses valeurs et
ses fondements. Pour Kouakou Koffi Roger (2000, p.48), enseignant au Département
d’Anglais de l’Université de Cocody,
[…] si notre société africaine, en général, et ivoirienne, en particulier, est en
crise, cela tient à la rencontre phagocytante de notre culture avec celle de
notre colonisateur d’hier, de la dilution de notre praxis, de notre vision du
monde et de nos valeurs qui en a résulté et des choix discutables opérés au
lendemain des indépendances.
C’était lors du symposium sur la moralisation de la vie scolaire organisé du 04 mars au
31 mai 2000 par l’ONG Phénix-Côte d’Ivoire. Prenant la parole à son tour à cette
occasion, le président de ladite ONG, monsieur Didier Gnamké Koffi (2000, p.32),
renchérissait en ces termes : « La Côte d’Ivoire, on ne le dira jamais assez, connaît une
crise morale sans précédent, caractérisée par des fléaux qui ont pour noms tricherie,
7
toxicomanie, alcoolisme, prostitution, corruption, clientélisme, laxisme, laisser-aller,
démission, etc. que nous décrions tous. » En effet, que ce soit à travers la musique, la
littérature, le cinéma, le théâtre, la peinture ou dans les médias, plus d’un Ivoirien
s’est déjà plus d’une fois interrogé sur l’état et la marche de notre société. Tant il est
clair, pour chacun d’entre nous, que la Côte d’Ivoire, plaque tournante de l’Afrique de
l’Ouest, ne tourne pas toujours dans le bon sens, au point de donner de temps en
temps le vertige aux esprits et aux cœurs les mieux accrochés. Un matin d’août 2013,
je reçois dans la messagerie de mon téléphone portable le sms que voici :
01/08/2013 10:41 : Tu va comprendre que mariam joue plus a la balle elle fait la
PIPE a son voisin. Bilé regarde plus la télé est devenu BROUTEUR. ils ont
vendu la jolie moto de papa pour allé faire BOUKAN. Fatou qui jouais avec sa
poupé a DEUX ENFANTS de père different. Le bouché qui etais blaissé au nez
est devenu FRCI. Papa qui mangeais du FOUTOU mange maintenant chez
HASAN. Le canarie d’Akissi est devenu canarie de ZAMOU "bonne jrné a toi"
Peut-on réellement avoir une « bonne journée » après de si mauvaises
nouvelles ? C’est pourtant généralement de cette façon que se termine ce type de
sms, mis en circulation d’abord et avant tout dans le but de partager la bonne
humeur. Il s’agit, en effet, d’un texto ou sms littéraire, ce que nous avons récemment
appelé un littexto dans le cadre de la littérature cellulaire ivoirienne (Djandué, 2014).
La littérature cellulaire ivoirienne est un ensemble hétérogène, dans la forme et le
fond, composé de courts récits satiriques ou comiques, de petits poèmes amusants
ou sérieux, de textes dialogués et de textes argumentatifs à vocation souvent
didactique. Ces écrits sont produits sur les téléphones portables, ces mêmes
supports numériques étant utilisés pour leur mise en circulation et leur
consommation. La littérature cellulaire résulte par conséquent d’une utilisation
esthétique et connotative de la langue dans un espace où elle est habituellement
utilisée au premier degré de signification, c’est-à-dire, comme simple instrument de
transmission d’informations.
Comme il ne pouvait en être autrement, étant donné l’étroite relation existant
entre les réseaux sociaux et la littérature cellulaire ivoirienne qui, soit dit en passant,
se veut à la fois un espace de création et de recréation, d’autres versions du texte
sont disponibles sur la toile, comme celle qui suit, vue, selon la page facebook
consultée, sur « LE MUR DE Lewis Ange » 1. Le lecteur constatera qu’il y a des
modifications d’un texte à l’autre, mais que la motivation demeure la même chez les
deux auteurs : un regard critique sur la société ivoirienne en ce vingt et unième siècle
entamé, en se servant du même matériau intertextuel emprunté aux archives de
l’Ecole ivoirienne des années 1980.
Huum Côte d'ivoire Deh Nos idoles quand on était petit dans le livre de CP1 on tous
changés:
- Mariam qui jouait a la balle est devenu Cocoti
1
https://www.facebook.com/AbidjanDrague/posts/440014166075624 (Consulté le 24 mai 2014)
8
- Il on vendu la jolie moto de papa pour aller faire coumandimé
- le bouché qui était blessé au nez est devenu FRCI
- le petit Bilé qui regardait la télé est devenu BROUTEUR
- Le canari de APO est devenu CANARI de ZAMOU....
- Akissi a deux enfant de père differents eeeeh
Le littexto qui nous occupe, tout comme cette version en ligne, s’insère dans
le genre argumentatif, lequel se caractérise par « son intention d'informer autant que
de convaincre » et possède surtout « une orientation didactique ». Les écarts d’écriture
observables dans le texte témoignent du caractère populaire et informel de cette
« littératurette » portant encore largement la signature de l’anonymat, la convivialité
et le plaisir de partager ses idées étant jusqu’ici les principales motivations des
auteurs. Pour qui ne se retrouverait donc pas dans ce français populaire ivoirien de
surcroît mal écrit par endroit, voici une version améliorée du littexto:
Tu vas comprendre que Mariam ne joue plus à la balle, elle fait la PIPE à son
voisin. Bilé ne regarde plus la télé, il est devenu BROUTEUR. Ils ont vendu la
jolie moto de papa pour aller faire du BOUCAN. Fatou qui jouait avec sa
poupée a DEUX ENFANTS de pères différents. Le boucher qui était blessé au
nez est devenu FRCI. Papa qui mangeait du FOUTOU mange maintenant chez
HASSAN. Le canari d’Akissi est devenu le canari de ZAMOU. Bonne journée a
toi !
En suivant Kouadio (1993) qui en donne une définition fort réussie à notre goût, le
français populaire ivoirien est « une espèce de sabir franco-ivoirien qui utilise des mots
français (phonétiquement déformés) sur des structures syntaxiques des langues
ivoiriennes. » (cité par Brou-Diallo, 2011, p.44). Il se caractérise ainsi, par exemple, par
l’omission fréquente des articles, mais aussi par l’usage de mots localement créés de
toutes pièces. Si bien que débarrassé des nombreuses fautes de grammaire et de
certaines omissions qui en retardent parfois la compréhension, le texte n’en devient
pas forcément plus clair pour qui n’est pas imprégné jusqu'à un certain niveau des
réalités ivoiriennes. Et pas uniquement à cause de la présence de mots et
d’expressions à très forte connotation locale tels que « faire la PIPE », « BROUTEUR »,
« faire du BOUCAN », « du FOUTOU », « chez HASSAN » ou « canari de ZAMOU », liés pour
certains à la sexualité ou à la cybercriminalité, pour d’autres à la gastronomie
ivoirienne ou au mysticisme.
Exploitant à l’envie l’écriture par jets imposée en littérature cellulaire par l’exigüité de
l’espace offert par le SMS et consistant en un enchaînement de phrases courtes et/ou
de groupes nominaux, ce littexto, par ailleurs un cas d’école de l’intertextualité, fait
d’abord et avant tout appel, dans sa conception, à des textes parus en Côte d’Ivoire
pour la plupart au début des années 1980 dans les livres de lecture des deux Cours
préparatoires de l’Enseignement primaire, le CP1 et le CP2. Ce sont : « mariam joue à la
balle. » ; « bilé regarde la télé. » ; « c’est la jolie moto de papa. » ; « fatou joue avec sa
poupée. » ; « le boucher est blessé au nez. » ; « papa mange du foutou. » ; « akissi porte
9
un petit canari sur la tête. »2. Au cours des années, certains de ces textes seront repris
ou modifiés dans les nouveaux manuels édités avant de disparaître totalement à
partir de 2005. La notion d’intertextualité tient de ce qu’« il n’y a rien de nouveau sous
le soleil », et que, ramenant cette vérité à l’écriture et à la littérature, « tout texte est
absorption et transformation d’une multiplicité d’autres textes. » (Ducrot et Todorov,
1972, p.446)
Construit ainsi sur une bipolarité temporelle, le littexto, dans chacune des phases qui
le composent, met face à face un hier plein d’innocence et de vertus et un
aujourd’hui en proie à la dépravation des mœurs et aux vices. Ces constructions
binaires entraînent, pour chaque phrase, un dédoublement du personnage central. La
Mariam, le Bilé, la Fatou, le boucher, le papa et l’Akissi d’avant ne sont pas ceux de
maintenant. Soit que le même individu, avec le temps et les mauvaises influences, a
dévié de la trajectoire du bien et de la vertu (Fatou, le boucher, papa); soit que
chaque époque, selon ses airs et ses réalités, a produit sa Mariam, son Bilé et son
Akissi. Quel que soit le cas de figure considéré, le fait est que d’hier à aujourd’hui, de
nombreuses eaux ont coulé sous le pont Félix Houphouët-Boigny, emportant avec
elles des pans entiers de notre culture et de nos valeurs.
C’est donc une radiographie originale et saisissante de la société que nous propose
l’auteur anonyme de cet écrit dans une littérature cellulaire ivoirienne qui, souvent
sous le couvert de l’humour, s’adonne à une véritable critique sociale et politique, un
véritable nid de l’idéodiversité au regard de la multiplicité des idées qui y fourmillent
au gré de l’inspiration d’auteurs rivalisant chaque jour d’imagination et de créativité.
Cela dit, une radiographie est toujours moins précise qu’un scanner, d’où les
difficultés d’interprétation des images et, avec elles, celles d’un diagnostic clair à
même d’autoriser un traitement efficace. Nous voulons donc nous en tenir ici,
comme le médecin prudent, à l’exercice déjà en soi malaisé d’interpréter les images
aux contours flous de cette radiographie sociale sans prendre le risque de prescrire
des soins. Mais en parlant de soins, Jean David N’da (2011), qui dresse aussi un
diagnostic inquiétant de notre société à la lumière d’une enfance ivoirienne mise en
danger par le Coupé-décalé et les médias, propose quelques précieuses recettes pour
« Eviter la dérive » ou, aux pires des cas, « Relever le défi ».
Un premier découpage sémantique du littexto permet de le repartir en trois unités de
sens, chacune d’elles emballée dans une ou plusieurs phrases qui pointent du clavier
un mal précis dans le corps malade qu’est la société ivoirienne contemporaine. Les
passages « […] mariam joue plus a la balle elle fait la PIPE a son voisin. […] Fatou qui
jouais avec sa poupé a DEUX ENFANTS de père different. », autorisent à parler d’abord
d’une nouvelle culture du sexe en Côte d’Ivoire. Dans la même foulée, une certaine
génération Coupé-Décalé est née au début de ce millénaire avec pour crédo le plaisir,
le luxe et la facilité : « Bilé regarde plus la télé est devenu BROUTEUR. ils ont vendu la
jolie moto de papa pour allé faire BOUKAN. […] Le canarie d’Akissi est devenu canarie
de ZAMOU. » C’est aussi le symbole de l’éclatement de la cellule familiale, qui fait que
2
L’absence de majuscule en début de phrase n’est pas une omission de notre part. Les textes sont
ainsi rédigés dans les deux manuels scolaires consultés.
10
« Papa qui mangeais du FOUTOU mange maintenant chez HASAN ». Et ce dans un
contexte sociopolitique marqué alors par une rébellion armée. Profitant du désordre
national, des chefs de guerre se sont enrichis rapidement et ont fait des émules.
L’uniforme militaire est désormais associé à la réussite sociale par la masse des
chômeurs et des débrouillards, d’où le raccourci des armes dans le combat incertain
pour leur insertion social : « Le bouché qui etais blaissé au nez est devenu FRCI. »
1. UNE NOUVELLE CULTURE SU SEXE
« Tu va comprendre que mariam joue plus a la balle elle fait la PIPE a son voisin. […]
Fatou qui jouais avec sa poupé a DEUX ENFANTS de père different. »
L’intertextualité est ici assurée par « mariam joue à la balle. » et « fatou joue
avec sa poupée. », deux textes tirés du livre de lecture du Cours Préparatoire 1 ère
année (CP1) des années 1980 et repris dans celui de 1997, respectivement aux pages 6
et 44. De tabou qu’il était encore dans ces années, le sexe est aujourd’hui « debout »
partout en Côte d’Ivoire et, malheureusement, pas toujours pour la bonne cause. Le
disant, loin de nous l’idée de remettre en cause le fait que l’on ait encouragé les
parents à parler de sexe avec leur progéniture, notamment à la faveur des
campagnes de sensibilisation menées tambours battant contre le Sida, le mal du
siècle passé. On peut cependant déplorer qu’il s’en soit suivi, effet collatéral d’une
guerre médiatique sans merci, une certaine désacralisation du sexe qui, se retrouvant
désormais sur la place publique, tend, depuis, à devenir aussi un terrain de jeu pour
les adolescents. La télévision contribuera efficacement à cette « démocratisation » du
sexe dans le discours et, peut-être sans le vouloir, dans les actes ; avant de se voir
voler la vedette par l’Internet où foisonnent aujourd’hui des sites pornographiques
dont l’interdiction d’accès aux mineurs relève de la pure incantation.
Deux réalités ressortent des extraits du corpus qui orientent ce regard sur la
société ivoirienne. Dans la phrase « [Mariam] [ne] joue plus a la balle, elle fait la PIPE
[à] son voisin. », les deux verbes conjugués (joue/fait) le sont au présent de l’indicatif.
On peut en déduire que ce n’est pas la Mariam des années 1980 qui, ayant grandi, fait
aujourd’hui la fellation à son compagnon de classe, lui aussi devenu majeur. L’auteur
semble plutôt dire que les Mariam ou les enfants d’autrefois sont différents de ceux
de nos jours, qui, plutôt que de jouer d’abord à la balle à leur âge, auraient tendance
à manier très tôt le sexe, et avec une certaine dextérité. C’est une dénonciation de la
précocité de plus en plus inquiétante des rapports sexuels. Dans le passage « Fatou
qui [jouait] avec sa [poupée] a DEUX ENFANTS de [pères différents]. », en revanche, le
premier verbe conjugué l’est à l’imparfait et le second au présent de l’indicatif
(jouait/a). Il y a donc un passé et un présent, un avant et un après, mais c’est la même
Fatou qui passe d’une époque à une autre, dans une société où s’abstenir de tout
rapport sexuel avant le mariage est devenu l’exception, la règle étant la liberté,
poussée parfois jusqu’au libertinage, pour chacun de disposer de son corps comme il
l’entend. Mais cette liberté sexuelle qui vaut à Fatou de se retrouver avec deux
11
enfants de pères différents à sa charge, elle en partage l’irresponsabilité avec ces
deux pères indignes, incapables d’assumer jusqu’au bout leurs multiples érections.
Cela dit, Mariam et Fatou, comme tous les personnages à venir, ne sont que
différentes déclinaisons de la société ivoirienne, d’où le choix de prénoms
appartenant à la fois au patrimoine onomastique et éducatif de la Côte d’Ivoire. Ce
n’est pas par hasard non plus si ces personnages sont tous empruntés à des manuels
scolaires destinés à des enfants de cinq à huit ans. C’est l’enfance d’une société
ivoirienne qui, de pudique qu’elle était, respectueuse des aînés, des parents et des
interdits, a progressivement, avec le temps et les vents contraires, basculé dans le
mal et le vice. Le vent de changement qui a eu raison du parti unique dès l’aube de la
décennie 1990 a bousculé bien des valeurs et des certitudes. La liberté d’opinion et
d’expression consacrée par le multipartisme rendait aussi chacun libre de ses choix
de vie, y compris de sa vie sexuelle. On comprend dès lors qu’avant la fin de cette
même décennie, précisément en 1997, Yopougon ait donné « le nom de rue Princesse
à l’une de ses avenues » devenue célèbre. Et Yacouba Konaté (2002) de lâcher : « Il
faut le savoir : de toute la Côte-d’Ivoire, la rue Princesse est certainement la plus
rutilante de bière, de poissons et poulets braisés, et de sexe. » Elle sera rasée le 05 août
2011 à la faveur de l’« Opération pays propre » initiée par le pouvoir Ouattara, et
menée par Anne Ouloto, alors ministre de la Salubrité urbaine, avec un zèle de
nouveau chrétien qui lui a valu le robuste surnom de « maman Bulldozer ». D’autant
que pour le nouveau régime, démolir ce temple de l’alcool et du sexe était aussi un
signal fort par rapport à la moralisation annoncée de la vie publique après une
décennie de désinvolture. Mais la rue Princesse renaîtra certainement de ses cendres
comme le sphinx, parce qu’elle est devenue un esprit et que, même à coups de
bulldozers, il est impossible de venir à bout d’un esprit.
Depuis, une nouvelle culture du sexe est née et se développe en Côte d’Ivoire,
marquée par la précocité, le court-termisme, la fugacité et la vacuité des relations, la
multiplication des partenaires et le culte du plaisir, la superficialité et le
déviationnisme, le tout baignant dans une cupidité généralisée et un matérialisme
débridé entretenus par une pauvreté endémique. Au niveau de l’Education nationale,
par exemple, l’année 2012-2013 n’a pas crevé l’écran par des résultats scolaires
exceptionnels, mais par un taux record de grossesses en milieu scolaire : plus de 5000
cas enregistrés dans tout le pays par les services de santé scolaire et universitaire
(SSSU), et, tenez-vous bien, du Cours Elémentaire 2ème année (CE2) au primaire à la
classe de Terminale au secondaire. D’après les statistiques, 47% de ces grossesses
majoritairement précoces sont imputables aux élèves et étudiants, 4% aux
enseignants, et les 49% restants à des personnes venant de divers corps de métiers.
Emu par les chiffres, le Gouvernement ivoirien menace et lance la campagne « Zéro
grossesse en milieu scolaire » avec l’appui de l’UNFPA, le Fonds des Nations Unies pour
la Population 3.
3
http://wcaro.unfpa.org/public/cache/offonce/lang/fr/pid/17106;jsessionid=15D87B2C6AA11519C0CBA2B
75C9E91C1.jahia01 (Consulté le 25 Mai 2014)
12
Mais il est évident, en reprenant les propos du professeur Kouakou Koffi
Roger (2000, p.48), que toute Ecole étant l’émanation de sa société, la société
ivoirienne ne peut se porter mal dans son ensemble et exiger de sa composante
qu’est l’Ecole d’être saine, même si par idéalisation cette dernière a pour vocation
d’être une institution d’exception puisqu’elle est le lieu par excellence de
transmission de savoirs et de formation du citoyen. Tant et si bien qu’à l’instar du
professeur, nous avons « peine à imaginer une école qui serait une excroissance sociale
aux antipodes de la société qui la fonde et lui donne les moyens d’exister ou de
végéter. » Car, en définitive, les plus de 5000 cas de grossesses déplorés en milieu
scolaire ne sont que le fidèle reflet de la nouvelle culture du sexe qui prévaut en Côte
d’Ivoire, ce pays où revues et CD pornographiques se vendent à ciel ouvert, et à des
prix défiant toute vertu, sans que personne ne s’en émeuve franchement. D’ailleurs,
en attendant les chiffres officiels pour cette année scolaire 2013-2014, un adolescent
de 15 ans, élève au Lycée Moderne Usher Assouan de Grand-Lahou, vient de faire
mentir le slogan « Zéro grossesse en milieu scolaire » en enceintant à lui tout seul trois
filles de sa classe.
En 2009, en plein régime de la Refondation (2000-2011) qui avait alimenté
cette culture du laxisme, du laisser-faire et du laisser-aller depuis le sommet de l’Etat 4,
en vertu d’une conception plutôt curieuse du principe de liberté cher aux partis de
Gauche, la Côte d’Ivoire a été secouée par plusieurs scandales sexuels dont celui de
Fresco et celui de la CECP (Caisse d’Epargne et des Chèques Postaux)5. A Fresco,
Djibril, professeur d’Education Physique et Sportive (EPS) de son état, s’offrait de
chaudes parties de sexe avec des élèves et des femmes mariés de la localité, en
prenant bien soin de filmer ses exploits, sans doute pour immortaliser le plaisir. Avant
lui, à la CECP, une femme mariée et mère de famille, s’étant laissé filmer dans des
positions compromettantes dans le bureau de son amant, sera surprise de voir leurs
ébats publier sur la toile. Ces scandales et bien d’autres ont défrayé la chronique en
Côte d’Ivoire, et représentent tous, chacun à sa façon, les signes inquiétants d’une
nouvelle culture du sexe fondée sur le règne sans partage de la chair, des étincelles
projetées dans l’air par la fournaise de nos bassesses conjuguées : « Les hommes n’ont
plus rien dans le cœur, ils ont tout en bas », reprenait déjà Savan Allah en 1996 dans
son album du même nom. Elle ne croyait pas si bien dire, elle qui semblait très bien
savoir de quoi elle parlait.
2. UNE GENERATION COUPE-DECALE
4
En visite d’amitié à Abidjan fin mars 2008, le député socialiste français Jack Lang avait été invité par
son hôte Laurent Gbagbo, alors président de la République, à faire un tour à la Rue Princesse. On a pu
les voir à la télévision nationale se trémousser dans l’un des nombreux maquis-bars qui jonchaient
alors ce haut lieu de « culture », la « Queen’s discothèque » de Didier Drogba, en prenant au passage un
bain de foule. Ce fut tout un symbole.
5
La CECP est devenue une véritable banque depuis octobre 2004 avec comme nouvelle dénomination
la Caisse Nationale des Caisses d’Epargne (CNCE).
13
« Bilé regarde plus la télé est devenu BROUTEUR. ils ont vendu la jolie moto de papa
pour allé faire BOUKAN. […] Papa qui mangeais du FOUTOU mange maintenant chez
HASAN. Le canarie d’Akissi est devenu canarie de ZAMOU. »
Les intertextes « bilé regarde la télé. », « c’est la jolie moto de papa. », « papa mange du
foutou. » et « akissi porte un petit canari sur la tête. », proviennent tous également du
livre de lecture du CP1 de 1997, aux pages 26, 8, 54 et 12 respectivement, les trois
premiers ayant été repris du manuel des années 1980. Dans cette autre confrontation
entre le passé et le présent, l’aujourd’hui de la société ivoirienne est mis en exergue,
à la fois dans la typographie et dans le symbole, à travers le mot « BOUKAN » et
d’autres termes associés que sont « BROUTEUR », « chez HASAN » et « ZAMOU ». En
Côte d’Ivoire, le terme « BOUKAN » (BOUCAN) est une référence claire au genre
musical Coupé-décalé créé par Douk Saga et la Jet Set, son groupe musical, au
lendemain de la rébellion armée qui a divisé le pays en deux après les attaques du 19
septembre 2002. Le boucan ou « farot » est donc ce que fait le
« boucantier » ou
« faroteur », c’est-à-dire, dans le langage familier, un « vacarme assourdissant », le
« tapage »6 ; ce qui s’entend au sens propre comme au figuré. Dix ans après, on peut
dire qu’il existe en Côte d’Ivoire une génération Coupé-décalé comme il a existé et
comme il existe encore une génération Zouglou, d’où notre réticence, contrairement
à Herman Okomba (2009, pp.108-109), à considérer le Coupé-décalé comme un genre
dérivé du Zouglou. Cela est vrai pour d’autres sous-genres tels que le Youssoumba, le
Gnakpa-Gnakpa, le Lôgôbi, le Kpaklo ou, et dans une moindre mesure d’ailleurs, le
Mapouka. La différence entre les deux genres se situe fondamentalement à trois
niveaux : le contexte historique d’émergence et la philosophie sous-jacente à chaque
mouvement, les paroles et la gestuelle, le rythme et le fond musical.
Le Zouglou est né au début des années 1990 dans le milieu étudiant où il a joué le
« rôle de vecteur dans la contestation estudiantine » et « d’exutoire à la colère
provoquée, entre autres, par la descente brutale de l’armée sur le campus universitaire
d’Abidjan. » (Okomba, 2009, p.48), avant d’être récupéré par les quartiers populaires
pour définitivement se charger des problèmes de la cité (Yacouba, 2002) et, en
général, de la critique sociale et politique grâce à la liberté de parole et de pensée
retrouvée avec le multipartisme. Il accorde pour cela une importance capitale aux
paroles, dans un français populaire combiné aux langues locales et accessible à
l’immense majorité des ivoiriens, d’où son ancrage national : le Zouglou n’est pas une
musique ivoirienne ; il est la musique ivoirienne par excellence. En Zouglou, en effet,
les paroles précèdent la musique, celle-ci ne devant que les accompagner sans jamais
les étouffer, afin qu’elles soient perçues et comprises par un public toujours invité à
la réflexion, à la prise de conscience et de son destin en main face aux difficultés
d’aujourd’hui et aux incertitudes et pièges du lendemain. Par ailleurs, né dans un
contexte sociopolitique de contestation et de libération, la gestuelle qui accompagne
les chants « parle autant que les textes » (Okomba, 2009, p.79).
6
http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/boucan/10363 (Consulté le 24 mai 2014)
14
Dans un ensemble de « gestes », le danseur exprime ses peines, ses difficultés,
ses problèmes ou, comme on le dit, sa galère. C'est une danse ironique qui
comporte trois mouvements: mains en l'air, tête levée (« Dieu, pourquoi cette
crise? »), bras écartés à la taille, paumes ouvertes, épaules hautes («Mon fils je
n'y peux rien»), pas énergiques et moulinets des mains vers le sol (« Mettonsnous ensemble pour résister »).
Il s’en dégage que la philosophie du Zouglou est d’abord et avant tout nourrie
à la sève de l’union et de la solidarité au-delà des particularismes ethno-régionaux. La
solidarité est gage de réussite parce que l’union fait la force. Ce qui explique, par
exemple, que depuis toujours, les faiseurs de Zouglou, pour la majorité d’entre eux,
se constituent en groupes de deux à quatre membres, voire même plus, venus des
quatre coins de la Côte d’Ivoire. Ce n’est pas par hasard, écrit à juste titre Yacouba
(2002), que le groupe qui a enregistré la première chanson Zouglou à succès a choisi
de s’appeler « Les parents du Campus ». Et d’expliquer ainsi la portée du mot
« Parents » dans cette dénomination : « "Parents" pour dire que c’est par la solidarité
agissante érigée en mode de survie que les étudiants rafistolent les fils de leur vie
quotidienne. Cette solidarité crée une nouvelle famille qui n’est ni régionale ni politique
mais relève de l’expérience partagée de la paupérisation de l’étudiant. »
Au regard de ce qui précède, le Zouglou et le Coupé-décalé sont comme le jour
et la nuit. Plus d’une décennie sépare les deux genres musicaux et presque tout les
oppose. Tenez, pendant que le Zouglou a germé progressivement sur le sol ivoirien
comme un produit typiquement local grâce à la récupération et à l’intellectualisation
par les étudiants du chant « Wôyô » ou « Ambiance facile » par lequel des groupes de
jeunes animaient parties de football et funérailles dans les quartiers populaires et les
villages ; le Coupé-décalé est apparu brusquement comme un produit de laboratoire,
ou plus exactement de boîte de nuit, conçu par des jeunes ivoiriens de la diaspora
sous l’influence de l’« Atalaku » congolais (Gbadamassi, 2003), et grâce au flair
musical de David Monsoh, producteur ivoirien et directeur de Obouo Music. Il s’en
souvient comme si c’était hier :
« Un jour, je vais en boîte, un dimanche, au Nelson à Montreuil. (...) ; je vois un
groupe de jeunes qui sont de ma génération, qui sont Douk Saga, Lino
Versace, Molare qui font des pas de danse au rythme de la musique
congolaise, de la caisse claire congolaise. Et qui font des pas de danse que j'ai
trouvé fabuleux. (...) Je leur dis "écoutez-moi ! je vais faire, Je sais comment
on va créer cette danse, on va l'appeler le Coupé Décalé". Ils ont rigolé, ils ont
dit "nous on n’est pas des chanteurs, nous on s'éclate" ». (Le Seigneur, 2013,
p.20)
Cela explique que ce genre musical n’ait pas peiné à s’internationaliser,
contrairement au Zouglou : l’« Atalaku », en effet, était déjà international. Le terme
signifie littéralement
« regarde ici » dans l’ethnie Kongo et désigne « les éloges »
qu’on fait à quelqu’un pour vanter ses mérites. Pratiqué alors par les disc-jokers (Dj)
15
congolais et africains, l’« Atalaku » servait surtout à accompagner des artistes en
assurant des moments d’animation dans leurs morceaux. On comprend par là la
récupération rapide et massive du mouvement par les Dj ; c’était leur chose. Douk
Saga et ses compagnons de nuit, qui n’étaient pas Dj, n’avaient pas créé un nouveau
genre musical en tant que tel ; ils avaient tout juste pris sur eux de mettre
l’« Atalaku » au-devant du micro et de la scène, en en faisant, non plus un simple
accompagnement, mais le contenu principal d’une œuvre musicale.
S’y trouve aussi sans doute l’explication la plus plausible de la vacuité des
textes dans le Coupé-décalé. Le Dj ou l’« Atalaku » n’avait pas vocation à produire du
sens, cela étant assuré par l’artiste à qui il apportait sa voix pour quelques intermèdes
d’animation. Il devait seulement dire « n’importe quoi » pour faire du bruit et faire
bouger le public une fois le message principal transmis par l’auteur du morceau. Ainsi,
en Coupé-décalé, la musique, forte, rugueuse, violente et endiablée, précède les
paroles, lesquelles, en général décousues, ne sont qu’une succession de mots choisis
plutôt pour leur sonorité que pour leur signification. On comprend par là l’indignation
de la journaliste Mireille Appini (2013, p.15) lorsque lors des derniers Koras Music
Awards organisés en Côte d’Ivoire et couronnés par un brillant fiasco, le prix du
meilleur artiste africain est attribué à Arafat Dj pour, s’interroge-t-elle, « le langage
incompréhensible et désordonné qu’il utilise ? ». A l’image de ses paroles et de cette
musique sans queue ni tête, la danse Coupé-décalé est une affreuse débauche
d’énergie à la lisière de la transe et de la démence : « On na ka devenir fou, fou ! »,
s’égosillait Dj Lewis en 2006 dans son titre « Grippe aviaire ». Tout y passe :
contorsions répétées du corps, coups de pieds dans le vent, mouvements rapides des
bras et de la tête, sauts et roulades au sol, jambes en l’air pour « marcher sur la tête »,
etc. C’est le boucan au sens propre du terme.
Mais dans la philosophie du Coupé-décalé, le boucan traduit aussi « la
promotion d'un modèle hédoniste et désinvolte » basé sur l’ostentation et
l’autocélébration, l’exubérance et l’extravagance. Aux premières heures du
mouvement, ses tenants en provenance de Paris ou de Londres auréolés de leurs
Euros avantageusement convertis en franc CFA et aux origines obscures
(Gbadamassi, 2003, Le Seigneur, 2013), montaient sur scène superbement habillés et
chaussés pour, sous prétexte de chanter, faire leurs propres éloges en vantant les
marques de vêtements et de chaussures qu’ils arboraient. Certains, comme Douk
Saga lui-même, allaient, lors de leurs prestations, jusqu’à jeter sur les spectateurs des
billets de banque craquant neufs, ce qu’ils ont appelé le « travaillement ». Dans ce
sens, « faire le boucan » revient à exposer sa puissance financière ou à faire valoir son
pouvoir d’achat ; c’est aussi le style de vie extravagant et ostentatoire qui en découle
avec voitures et autres objets de luxes, gros bijoux en argent ou en or, etc. On le sait
aussi, luxe et luxure font souvent bon ménage, la seconde reprenant et prolongeant
le premier déjà au niveau des signifiants.
Par rapport à la culture mandingue qui semble avoir aussi influencé le Coupédécalé, le « travaillement » se présente comme le pervertissement d’une pratique
consistant pour une personne à récompenser publiquement le griot qui chante ses
louanges en le couvrant de billets de banque. D’autant que trois des sept membres
16
fondateurs de la Jet Set, à savoir, Douk Saga lui-même, de son vrai nom Stéphane
Hamidou Doukouré, Le Molare (Soumahoro Moriféré) et Solo Béton (Souleymane
Koné), appartiennent à cette culture transfrontalière. L’inversion des rôles, dès lors
que c’est le « coupé-décaleur », dans la peau du griot mandingue, qui arrose plutôt
son public de billets de banque en s’autocélébrant, est un coup porté à une
institution culturelle millénaire. Ainsi, la philosophie et le style de vie Coupé -décalé
doivent sans doute plus à Douk Saga que le genre musical lui-même. L’artiste est né
en 1974 à Yamoussoukro. Après une carrière musicale brève et intense, mais aussi
une vie controversée, il est fauché par une pathologie pulmonaire chronique à l’âge
de 32 ans. Enfant de la haute bourgeoisie, Douk Saga a très tôt baigné dans le luxe. A
partir de 10 ans, son enfance ne connaît que les fastes de la cour présidentielle, sa
grand-mère Mamie Djénéba Cissé qui l’élève étant la petite sœur d’Houphouët
Boigny, le premier président de la Côte d’Ivoire 7. Mais s’en suivra une longue
descente aux enfers, si bien que le « travaillement », une fois la tempête passée,
apparaît pour lui comme une sorte de revanche sur la vie, un règlement de comptes
personnel. Ce n’est pas par hasard s’il était presque le seul à « travailler » de cette
façon.
Avec le temps, critiqués par une partie de l’opinion choquée par leurs excès
qui frisaient la moquerie et le manque de respect, des « boucantiers » ont tenté et
réussi à mettre un peu d’eau dans leur « bruit », un peu de charme dans leur vacarme,
voire même un peu de mots et de sens dans leurs vociférations. Mais le luxe et
l’exubérance resteront associés au Coupé-décalé comme la « galère » au Zouglou, si
bien que pendant que celui-ci invitait sans cesse à retrousser les manches et à se
serrer les coudes pour sortir de la précarité, celui-là contribuait bruyamment à
distiller le goût de la facilité dans l’esprit d’une jeunesse ivoirienne que plus d’une
décennie de crise sociopolitique continue avait rendu oisive à force de chômage
chronique, et dans une société en panne de repères. « L’argent en vitesse ! » était déjà
un slogan publicitaire bien connu en Côte d’Ivoire grâce au Pari Mutuel Urbain (PMU),
le Coupé-décalé dira même mieux sans le dire : « L’argent facile ! »
C’est en succombant à cette tentation et à l’appel de l’exubérance et de
l’ostentation que les enfants « ont vendu la jolie moto de papa pour [aller] faire [le]
[BOUCAN] ». Que pouvaient-ils faire d’autre avec autant d’argent ? Et puis, n’est-ce
pas pour cela même qu’ils ont « frappé si fort » ? Pêcher du poisson dans la sauce ou
voler des mangues, piquer une glace dans le frigo ou quelques pièces dans le portemonnaie de maman ne suffisent plus ; les larcins d’ado ont fait place à de hauts vols
pour des ambitions autrement plus « grandes ». Et pour « voler » encore plus haut,
« Bilé [qui ne] regarde plus la télé est devenu BROUTEUR » ; il ira jusqu’à transformer «
le [petit] canari d’Akissi » en « canari de ZAMOU » au grand dam de ses géniteurs. Mais
ces choses et d’autres se font souvent avec la complicité et la bénédiction des
7
« Biographie de Douk Saga » (<http://www.abidjan.net/qui/profil.asp?id=683>), « Alain le Béninois:
"Douk Saga m’a enterré vivant" » (<http://www.africahit.com/news/article/Ivorycoast/115/>), « Ami
Doukouré, sœur cadette de Douk Saga : "Mon frère n’est pas mort de Sida" »
(<http://www.lefaso.net/spip.php?article26415>) (consultés le 20 juin 2014).
17
parents, la pauvreté justifiant certaines complaisances lorsque les enjeux ne sont pas
négligeables, et dans un pays où les détournements avérés de fonds publics par les
plus grands, en milliards de nos francs, ont pris la mauvaise habitude de demeurer
fermement impunis. Cette évolution dangereuse, dans le symbole et dans l’usage, a
sans doute d’abord affecté la taille et le volume du « canari », faisant du « petit
canari » utilisé pour des besoins domestiques habituels un « gros canari » au service de
pratiques mystiques. Il est vrai que depuis la « feymania » camerounaise, aînée directe
du « broutage » ivoirien, escroquerie et sorcellerie ont toujours fait bon ménage
(Malaquais, 2001, p.2), dès lors que l’arnaque devient un style de vie et une
profession.
Les verrous de la tradition ont cédé sous les thèses féministes, capitalistes et
« droit de l’hommistes ». Il fallait bien évoluer, ce qui était d’autant plus souhaitable
que, quoi qu’on dise, tout n’est pas rose dans nos coutumes ; mais on ne pouvait pas
faire de si belles omelettes sans casser des œufs. Les débris sont là sous nos yeux !
L’autorité parentale a pris du plomb dans l’aile et, disloquées, les familles prennent
l’eau de toute part. La famille n’existant plus que de nom dans bien des foyers, « Papa
qui [mangeait] du FOUTOU mange maintenant chez [HASSAN]. » Parce que, si manger
du poulet braisé arrosé de bière chez Hassan 8 apparaît au premier abord comme un
signe extérieur d’ascension sociale ou, tout au moins, de relative « émergence »
économique, saisi dans son contexte et dans son rapport nécessaire avec l’ensemble
du littexto, cela ne peut être interprété que comme symptomatique de l’éclatement
de la cellule familiale. D’ailleurs, manger dehors n’est pas encore très bien vu sous
nos cieux.
La dislocation de la famille est étroitement liée à la ville, ce monstre sans
visage et sans cœur que l’urbanisation sauvage rend encore plus difficile à contrôler
pour nos gouvernants. N’guess Bon Sens ne compare-t-il pas Abidjan à l’au-delà parce
que chacun y a un parent, tant il draine du monde ? Au village tout le monde se
connaît. Mais manger du « FOUTOU » à la maison signifie aussi l’attachement à notre
tradition culinaire et à une alimentation saine et sécurisée basée sur des produits
biologiques ; alors que « chez HASSAN », des produits à la traçabilité douteuse,
souvent plus des produits de laboratoire que des produits de la terre ou de la nature,
exposent les hommes et les femmes d’aujourd’hui à une alimentation à haut risque
pour la santé. L’espérance de vie s’en ressent forcément, en l’absence d’une
médecine de pointe à la hauteur des nouveaux enjeux de santé publique comme chez
les champions des OGM (Organes génétiquement modifiés), qui ont fait du label
« Bio » un fond de commerce aussi profond qu’un puits de pétrole saoudien après
avoir inondé les marchés du monde avec des aliments de destruction massive, malins
qu’ils sont comme des vendeurs ambulants. Et, en filigrane, la confrontation entre le
milieu rural favorisant le contact direct avec la nature et le milieu urbain en proie à la
dégradation de l’environnement. Bref, les enfants, de plus en plus difficiles à
canaliser, ont poussé bien des parents à la démission. Les modèles ne sont plus à la
8
Une chaîne de « Restaurant Chawarma » de spécialité libanaise très prisée en Côte d’Ivoire,
notamment à Abidjan, la capitale économique.
18
maison mais sur les réseaux sociaux, d’où l’abandon de la télévision pour l’Internet
où Bilé découvre les joies du « broutage » et les voies obscures du maraboutage.
Quand la télévision est facilement associable au domicile familial, l’Internet, en
revanche, l’est à l’extérieur et au dehors ; d’autant que les cybercafés ont été d’abord
les premiers espaces investis par les « brouteurs » pour leurs opérations de vol assisté
à l’ordinateur.
Le « broutage » ou « brou », pour faire vite et court, désigne en effet l’arnaque
via Internet, qui, en provenance du Nigéria et du Cameroun où elle était
farouchement traquée, a trouvé en Côte d’Ivoire, en même temps qu’une nouvelle
appellation, une terre d’asile. Notre légendaire hospitalité ! Car au Cameroun, on
connaissait déjà, depuis le début des années 1990, la « feymania » et les « feymen »,
dont le plus grand de tous les temps « reste incontestablement Donatien Koagne. »
(Sakho, 2011 ; Malaquais, 2001, p.4). Mais la « feymania », à une époque où l’Internet
n’était pas aussi entré dans les mœurs que de nos jours, privilégiait plutôt le contact
direct. Le terme « broutage » trouverait son origine dans le proverbe populaire « Le
mouton broute là où on l’attache » ; et notre pays viendrait en troisième position
après les deux géants susmentionnés de la cyberescroquerie à l’africaine. Mieux,
selon l’ATCI (Agence de Télécommunications de Côte d’Ivoire), notre pays est devenu
« la plaque tournante de l’escroquerie sur Internet » (Kouamé, 2009). Les Blancs en
sont les principales cibles et, pour appâter ces « mougous », « pigeons » ou
« poissons », les « brouteurs » utilisent diverses stratégies dont le « love », consistant à
se faire passer pour un cœur à prendre, hétéro ou homosexuel, la vente d’un héritage
colossal, le chantage ou la fraude sur les cartes de crédit, etc. Avec le temps et la
communication autour du phénomène, il est devenu de moins en moins facile aux
« brouteurs » de parvenir à leurs fins, les potentielles victimes étant dorénavant sur
leur garde. Pour surmonter cette difficulté, ils ont de plus en plus recours à des
pratiques occultes ou sataniques. Le « Zamou » ou « Bara » 9 consiste ainsi à s’attacher
les services d’un marabout ou d’un féticheur afin d’assurer le succès des opérations,
en « travaillant » ou en envoûtant le Blanc. (Vladimir, 2013)
L’utilisation frauduleuse de cartes de crédit semble avoir été, dès le départ, à
l’origine de la fortune des initiateurs du Coupé-décalé qui, après avoir « Coupé » leurs
victimes grâce à des complicités diverses à l’intérieur de réseaux savamment montés,
« décalaient » en direction d’Abidjan pour échapper à toute poursuite en Europe
(Gbadamassi, 2003 ; Le Seigneur, 2013, pp.12-13), d’où le nom Coupé-décalé et, jusqu’à
nos jours, cette sorte d’alliance entre les Dj, qui ne sont plus forcément aujourd’hui
des arnaqueurs, et les nouvelles générations de « brouteurs » dont les noms sont
cités « dans les morceaux de coupé-décalé de DJ Arafat, DJ Mix ou DJ Carter » (Koaci
et Ivoirenews, 2010). Et des noms qui, pour certains, en disent long sur leur pouvoir
d’achat ou leur habileté à arnaquer : IB le monarque, Président Bill Gates, La Famille
lingot d'or, Général Cfa, Ousmane le banquier, Blokys la Magie, Manby le sorcier,
9
Le mot « bara » signifie d’abord « travail », « travailler » ou « travaillé » en Malinké. Il peut vouloir dire
aussi, selon le contexte, « envoûter » ou « envoûté ». C’est en vertu de cette seconde acception qu’il
est utilisé comme synonyme de « Zamou ».
19
Elkabire le tueur de lion, Benito Bceao, Joël le bourgeois, Balde Maruane le pétrolier,
Ovie Jackpot, etc. Comme le souligne Dimitri (2013), « ces jeunes arnaqueurs gaspillent
leur argent dans des bars en participant à des concours de "travaillement" pendant que
le Dj prononce leur nom ou fait leur "spot" », si ce n’est pour « s’acheter de belles
chaussures, de belles voitures et des habits haut de gamme, pour être dans la
tendance » (Koaci et Ivoirenews, 2010), c’est-à-dire, pour mener exactement le style
de vie luxueux, extravagant et insolent promu par la philosophie hédoniste du Coupédécalé.
3. LE RACCOURCI DES ARMES
« Le bouché qui etais blaissé au nez est devenu FRCI. »
24 décembre 1999, veille de Noël, une mutinerie de soldats en Côte d’Ivoire se
transforme en coup d’Etat au bout de quelques jours et porte au pouvoir le général
Robert Guéi. Ce coup de force historique et « sans effusion de sang » est accueilli par
beaucoup d’Ivoiriens comme un cadeau du père Noël, mais c’était un cadeau
empoisonné. On venait d’ouvrir la boîte de pandore. L’ambition du général et ses
tergiversations transformeront la transition, qui aurait pu nous remettre solidement
sur le chemin de l’alternance démocratique, en une période d’intrigues et de
manœuvres politiciennes qui ne laissaient rien présager de bon. La tournée nationale
pour le « ET » et le « OU » à la faveur de l’élaboration d’une nouvelle constitution avait
chargé politiquement deux conjonctions de coordination habituellement sans
problème, les rendant lourdes de sens et de conséquences. Elle avait aussi donné des
ailes et des appétits de pouvoir au général, vu la mobilisation des populations dans
chacune des régions visitées. Il abandonne vite l’uniforme militaire pour la veste,
histoire de préparer l’opinion. Finalement adoptée à 86% des suffrages en juillet 2000,
Tia Koné, au nom du Conseil constitutionnel, trouvera dans la nouvelle Loi
fondamentale des arguments massues pour écarter de la course à la présidence l’exchef d’Etat Henri Konan Bédié et l’ancien Premier ministre Alassane Dramane
Ouattara.
Le 22 octobre, devant le refus du PDCI de l’investir comme candidat, Robert
Guéi s’autoproclame « candidat du peuple » pour affronter, avec des prétendants de
seconde zone, le candidat Laurent Gbagbo du FPI. L’élection présidentielle est
boycottée par le RDR de Ouattara et le PDCI de Bédié. Deux jours plus tard, le
ministère de l’Intérieur annonce la victoire du général qui décrète un couvre feu et
l’état d'urgence. Gbagbo se déclare aussi chef de l’Etat et appelle ses militants à
descendre dans la rue. Plusieurs centaines de milliers de civils répondent à l’appel. La
présidence tombe bientôt aux mains des forces favorables à Gbagbo et l’Armée lui
fait allégeance. L’homme, disait-on, avait gagné jusque dans les casernes. Depuis, les
militaires sont devenus des habitués de la scène politique ivoirienne. Laurent Gbagbo,
qui reconnaît être arrivé au pouvoir dans des « conditions calamiteuses », fera les frais
20
des rancœurs passées et des frustrations directement liées à la mauvaise gestion de
la transition militaire. Le 19 septembre 2002, des attaques à l’arme de guerre font
plusieurs centaines de victimes à Abidjan et à Bouaké. Les rebelles, originaires du
nord du pays pour la plupart, prennent le contrôle de Bouaké et de Korhogo,
consacrant de facto la partition du pays en deux. (Gouëset, 2011)
L’élection présidentielle qui devait se tenir en octobre 2005 sera maintes fois
reportée, le pays étant divisé et les rebelles toujours en armes. Elle n’aura finalement
lieu qu’en octobre 2010, après des années de négociation ponctuées par de
nombreux accords dont celui de Linas Marcoussis (France, 24 janvier 2003), sans
doute le plus célèbre et le plus controversé. Au premier tour, Gbagbo est crédité de
38% des voix, contre 32% pour Ouattara et 25% pour Bédié ; ce dernier appellera à
voter pour Ouattara au second tour fixé au 28 novembre. Le 02 décembre, la
Commission électorale donne Ouattara vainqueur avec plus de 54% des voix, résultat
aussitôt rejeté par le Conseil constitutionnel qui, sous l’inspiration militante de Yao
Paul N’dré, proclame le lendemain la victoire de Gbagbo avec plus de 51% des voix.
C’est le début d’une autre crise postélectorale qui finira dans le sang et les larmes. Un
remake d’octobre 2000, mais on est passé de 300 à 3000 morts officiellement.
Pendant plusieurs mois, la Côte d’Ivoire sera l’un des rares pays au monde à avoir
deux présidents, deux premiers ministres et deux gouvernements. Après plusieurs
tentatives infructueuses de règlement pacifique du bras de fer, le 28 mars 2011, les
Forces Républicaines de Côte d'ivoire (FRCI), composées de soldats des Forces de
Défense et de Sécurité (FDS) ayant fait défection et d’ex-rebelles des Forces Armée
des Forces Nouvelles (FAFN), lancent une vaste offensive militaire et, en quatre jours,
atteignent Abidjan où elles se heurtent à la résistance farouche des partisans de
Gbagbo. Les FRCI n’auront la victoire finale que grâce au soutien aérien de l’Onuci et
de la force française Licorne. Laurent Gbagbo est arrêté le 11 avril et, le 06 mai,
Alassane Ouattara prêtait serment (Gouëset, 2011). Fin de la nouvelle saison d’une
crise ivoirienne sans fin.
Pendant près d’une décennie, le pays est resté divisé à la fois aux plans
administratif, politique et économique. Ayant eu une mainmise totale sur les
ressources de plus de 40% du territoire national pendant toute cette période, les
chefs de la rébellion se sont abondamment enrichis. D’autant qu’en plus des taxes
diverses prélevées dans le commerce, le transport, l’exploitation minière et
forestière, etc., beaucoup se sont transformés en hommes d’affaires puissants et
prospères avec des activités dont les ramifications sont souvent signalées dans la
sous-région. Il y eut aussi l’attaque et le saccage en toute impunité de l’agence de la
BCEAO (Banque Centrale de l’Afrique de l’Ouest) de Bouaké. Au point que certains,
comme le commandant Wattao, ont plus d’une fois fait la une des médias et de la
21
presse people pour leur style de vie digne des vedettes du Coupé-décalé10. Du coup,
beaucoup de jeunes désœuvrés, diplômés ou non, se sont mis à rêver de carrière
militaire pour sortir de la pauvreté qui, entre-temps, est devenue le pain quotidien du
peuple. En crise permanente depuis les années 1990, l’Ecole ivoirienne, livrée à la
FESCI (Fédération Estudiantine et Scolaire de Côte d’Ivoire) de 2000 à 2010 par le
régime de la Refondation, n’est plus ce qu’elle fut et, ceux qui, des plus chanceux,
parviennent à obtenir un diplôme, se retrouvent sur un marché de l’emploi où le
chômage embauche plus que le secteur privé un temps sinistré et maintenant étouffé
par l’étau fiscal et une Fonction publique saturée. D’ailleurs, de plus en plus, les
relations, l’argent, le groupe ethnique et la couleur politique sont plus valorisés que
les diplômes eux-mêmes.
Les pratiquants de petits métiers, qui peinent aussi à joindre les deux bouts à
cause de la crise qui perdure, ne sont pas en reste dans la ruée vers l’uniforme
militaire ; si bien que profitant du désordre ambiant, « Le bouché qui [était blessé] au
nez est devenu FRCI. » Lui qui, d’une crise à l’autre depuis ces années 1980 qui ont vu
sonner le glas du Miracle économique ivoirien, arrivait difficilement à vivre de son
métier. Le texte de référence, « le boucher est blessé au nez. », tiré également des
archives de l’Ecole ivoirienne de cette époque qui pressentait les bouleversements à
venir, se trouve modifié à la page 18 du livre de lecture du CP2 édité en 1998 : « le
bélier a blessé le berger au nez. » Pour tous ces jeunes ivoiriens massivement enrôlés
dans l’armée depuis 2002, que ce soit par les forces favorables à Laurent Gbagbo, à
l’ex-rébellion et, plus récemment en 2010, à Alassane Ouattara, les convictions
politiques, quand il y en a, n’ont certainement jamais plus pesé, dans la prise du
risque, que le secret espoir d’une insertion sociale par le raccourci des armes. Parce
que, par ailleurs, occupée à déclencher périodiquement des crises militaro-politiques
depuis 1999 puis à faire beaucoup pour qu’elles cessent tout en faisant autant pour
qu’elles reprennent, la classe politique ivoirienne a fait du désarmement, de la
démobilisation et de la réinsertion (DDR) des ex-combattants un chantier éternel :
65.000 personnes concernées pour un coût global estimé à 85 milliards de francs
CFA. Et pour gérer ce dossier qui est allé en s’alourdissant depuis 2003 au gré des
conflits armés et de la paupérisation, deux chefs d’Etat, trois premiers ministres, aux
moins quatre structures étatiques et autant de directeurs se sont succédés.
Dès 2003, les accords de Linas Marcoussis proposaient un gouvernement de
transition ayant comme priorité le désarmement des forces belligérantes. Le
gouvernement Seydou Diarra, formé au lendemain de ces accords, met sur pied la
Commission Nationale de Désarmement, de Démobilisation et de Réinsertion
10
« Passeport pour le crime : Abidjan » , un film de Lionel Langlade avec Christophe Hondelatte, le 27
septembre 2013 à 22h15 sur 13ème Rue, avait donné un aperçu du train de vie du commandant Wattao,
mais surtout de l’extravagance qui le caractérise : « l’homme roule en Ferrari et ne se sépare jamais de
son pistolet plaqué or. » Source : http://www.capatv.com/?p=22105 (Consulté le 03 juin 2014). Faisant
aussi allusion à ce film dans son éditorial du mardi 05 novembre 2013, Assalé TIEMOKO écrit : « certains
de nos nouveaux commandants sont plus connus pour leur train de vie et leurs activités parallèles que
leur compétence et leurs hauts faits d’arme. » (L’Eléphant déchaîné, Nº202 du mardi 5 au jeudi 7
novembre 2013, p.2)
22
(CNDDR). Confiée à Alain Richard Donwahi, la structure devait réinsérer 48.064
jeunes dont 5500 supplétifs des FDS et 42.564 issus des FAFN. Mais devant l’ampleur
de la tâche et l’inexpérience ivoirienne en la matière, la CNDDR peine à convaincre ;
elle est muée en 2005 en Programme National de Désarmement, Démobilisation et
Réinsertion (PNDDR), afin de redynamiser le processus. Placé sous l’autorité de
Gaston Ouassénan Koné, ce nouveau programme est chargé, sous l'autorité d’un
nouveau Premier ministre, Charles Konan Banny, « d'assurer la bonne exécution des
accords relatifs au démantèlement des milices, au désarmement, à la démobilisation, à
la réinsertion et à la réhabilitation communautaire ». Ouassénan Koné ne fera pas
mieux que son prédécesseur à cause de la forte adversité politique et de la lenteur
des financements. Avec Guillaume Soro à la Primature en 2007, le PNDDR fait place
au Programme National de Réhabilitation et de Réinsertion Communautaire
(PNRRC), dirigé par Daniel Ouattara Kossomina et qui, après la crise postélectorale de
2011, sera remplacé par l’Autorité pour le Désarmement, la Démobilisation et la
Réintégration (ADDR) créée par décret présidentiel le 08 août 2012 et confiée, pour
sa direction, à Fidèle Sarassoro. (ADDRinfos, 2013, p.2 ; Bidi, 2013)
Pour de nombreux chômeurs sans espoir et autant de « bouchers ou de bergers
blessés au nez » par les vicissitudes de la vie, blessures physiques et blessures
psychologiques, il vaut mieux se trouver sur ce chantier prometteur, même quand on
n’a pas réellement combattu, pour espérer avoir rapidement un travail et une
situation économique stable, les armes constituant à elles seules un moyen de
pression efficace pour ceux qui les portent, comme en témoignent les « récents
évènements de Bouaké, de Daloa et de Man où les populations ont été à la limite prises
en otage par des jeunes qui détiennent encore des armes » (Suy, 2013). Si les milliers de
jeunes qui ont répondu à l’appel des armes, de gré ou de force, avaient déjà une
profession et une situation sociale digne de ce nom, les programmes « DDR » ne
susciteraient pas autant d’intérêt et ne seraient pas, par conséquent, entourés
d’autant de tensions, puisque beaucoup seraient immédiatement retournés à leurs
vies passées. Mais c’est loin d’être le cas. Si bien qu’en matière de création d’emplois
pour la jeunesse, le candidat Alassane Ouattara en avait promis un million au bout de
cinq ans, la priorité semble être donnée à ceux qui détiennent les armes et dont la
capacité de nuisance ne fait douter personne. L’Etat est à leurs petits soins. Les
autres peuvent attendre la prochaine crise postélectorale pour se positionner si, d’ici
là, ils ne sont pas aussi servis par le « rattrapage »11 tous azimuts. 1981 ex-combattants
sont ainsi devenus des gardes pénitentiaires, 2000 ont été injectés dans la douane,
1000 le seront dans le corps des eaux et forêts et 1500 dans celui des agents de
protection civile. Pour d’autres, l’agro-pastoralisme et le secteur du transport sont
envisagés pour leur réinsertion (ADDRinfos, 2013, pp.6-7). Comme quoi, qui ne risque
11
En Côte d’Ivoire, le terme « rattrapage », du verbe « rattraper » ou « se rattraper », désigne une
politique consistant à favoriser ou à faciliter prioritairement le positionnement, dans tous les secteurs
d’activité, de personnes issues du même bord politique, de la même région ou du même groupe
ethnique que les gouvernants.
23
rien n’a jamais rien. On a presqu’envie de dire, avec un brin de cynisme, que la guerre
nourrit vraiment son homme.
CONCLUSION
Sur la dizaine de pages qui précède, nous avons entrepris de mettre en
lumière les non-dits d’un littexto, c’est-à-dire, un sms littéraire tiré d’une littérature
cellulaire ivoirienne où la critique sociale et politique le dispute à l’humour, la
caricature et l’autodérision. Taillé dans le genre argumentatif, ce littexto place
l’intertextualité au cœur de son discours et, jouant aussi de la typographie à travers
des mots clés écrits en majuscule, met sous nos yeux une radiographie à la fois
amusante et saisissante de la société ivoirienne d’hier à nos jours. En pénétrant du
regard cette prise de vue panoramique, nous avons pu percevoir une société
ivoirienne en perte de vitesse. De 1990 à 2011, plus de deux décennies de crise
sociopolitique à rebondissements ont eu raison de bien des valeurs que le contact
prolongé avec la culture occidentale française avait plus ou moins épargnées.
D’autant que cette crise survient en pleine ère de mondialisation avec, entre autres
instruments de rapprochement et de contamination à grande échelle, l’Internet et les
technologies de l’information et de la communication. Nos fausses certitudes ont été
ébranlées par la guerre, nous qui pensions qu’il ne pouvait y avoir de coup d’Etat en
Côte d’Ivoire, encore moins de guerre civile. Or donc, capables du meilleur, nous
l’étions aussi du pire comme toutes les humanités ; il a suffi qu’Houphouët Boigny
meure pour que nous découvrions, en même temps que la médiocrité de notre classe
politique, notre collective misère : « Le vrai bonheur, on ne l’apprécie vraiment que
lorsqu’on l’a perdu ». Une dégradation progressive de la paix et du bien-être social
que le groupe « Espoir 2000 », dans son titre « Années 80 » (2008), a traduit à travers
cette gradation descendante : « Au temps de Boigny, y’avait la joie ! Au temps de
Boigny, y’avait la paix ! Au temps de Boigny, y’avait l’argent ! Multipartisme, le pays a
changé ; coup d’Etat, le pays est gâté. Aujourd’hui on souffre… ». Que de nostalgie !
Entre modernisation, mondialisation et « démonialisation », le monde et le
démon étant voisins, de ce que nous avons enterré de nos traditions il y a la pudeur
et ce profond respect que le sexe, presque sacralisé naguère, avait encore dans nos
traditions. Les « rues Princesse » se sont multipliées dans tout le pays pour célébrer
une nouvelle culture du sexe qui, amplifiée aussi par les conséquences de la guerre et
alimentée par les médias et l’Internet, est en train de faire de la Côte d’Ivoire, si ce
n’est déjà fait, une plaque tournante de la pornographie en Afrique. Ce n’est plus
seulement à la télévision que nous voyons la guerre ; ce n’est plus non plus
seulement à la télévision que nous voyons les homosexuels, les lesbiennes ou les
travestis. Nos frères et sœurs le sont ici même, si bien qu’en la matière, nous pouvons
aussi désormais « consommer ivoirien » pour le bien de notre économie. Alors, aux
âmes bien nées le sexe n’attend plus le nombre des années ; déjà sur les bancs du
primaire, les écoliers se transmettent par Bluetooth de petits extraits de films
pornographiques. Tout d’un coup, on comprend la dextérité avec laquelle les Mariam
d’aujourd’hui, qui ne jouent plus à la balle comme leurs amies d’hier, manient le
24
pénis. Mais il n’y a pas que les filles dans l’histoire ; il faut bien que le pénis
savoureusement fumé comme une pipe appartienne à quelqu’un. Et, liés à la
précocité des rapports sexuels, un mal en appelant un autre, la prolifération des
grossesses précoces, puis le drame des filles mères. Comment des adolescentes qui
n’ont pas encore fini d’être éduquées peuvent-elles éduquer des enfants ? C’est peutêtre surtout maintenant que l’Afrique noire, avec la Côte d’Ivoire dans le peloton de
tête, est mal partie.
Une autre manifestation de la nouvelle culture ivoirienne du sexe est la
généralisation, et sa banalisation subséquente, du fait de voir de jeunes hommes aller
avec des femmes plus âgées, comme pour refaire le chemin par lequel ils sont venus
au monde. Cela ne choque presque plus, l’habitude ayant toujours tendance à
devenir une seconde nature. Et parmi ces Œdipe des temps modernes, de plus en
plus, des « brouteurs », ces garçons de 14 à 25 ans qui ont trouvé dans la
cyberescroquerie un moyen rapide pour sortir de la pauvreté et mener la vie de luxe
et de luxure promue à coups de décibels par le Coupé-décalé depuis son avènement
(Dimitri, 2013). On le sait depuis la nuit des temps, l’argent qui ouvre toutes les portes
ouvre aussi presque toutes les jambes. Non pas que le Coupé-décalé soit à l’origine
de tous les maux qui minent la société ivoirienne, mais il a soutenu et encouragé
musicalement nos inconsciences individuelles et collectives. Sous le noble prétexte
d’aider à oublier les traumatismes liés à la guerre, ou tout au moins à les mieux
digérer, il en a fait danser plus d’un au rythme de nos propres turpitudes. Comme s’il
n’était pas aussi lui-même, d’une certaine façon, un effet collatéral pervers de cette
guerre, chargé de la même violence physique, la même nuisance sonore, le même
désordre et la même animosité, que les Ivoiriens se doivent absolument d’exorciser
afin que, réconciliés avec leurs propres valeurs, ils parviennent à se réconcilier entre
eux. Parce que tout excès nuit, et tout ce qui, d’une manière ou d’une autre,
encourage et promeut l’excès est nuisible au corps et à l’âme. Après donc ce genre
musical chargé de contre-modèles dans une société en quête de modèles pour se
reconstruire en profondeur, la Côte d’Ivoire attend la musique qui viendra réparer ses
mœurs abîmés par la facilité et la cupidité, pollués par la haine et les rancœurs,
défigurés par les injustices et la mal gouvernance. Ou peut-être doit-elle la retrouver
dans son passé, à l’image du Sankofa qui avance la tête tournée vers l’arrière pour
sans cesse se ressourcer. Demain nous le dira.
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