Musique - Ephelide
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Musique Yohav OREMIATZKI Spécial Pop/Rock Mumm-ra These Things Move in Threes (JiveEpic/SonyBMG - 45 min) Il y a à boire et à manger sur le premier album de Mumm-ra, These Things Move in Threes. Ces six Anglais, emmenés par leur chanteur Noo et la mascotte Matthew the duck, ont beau venir de Bexhill, cité balnéaire proche d’Hastings sur la côte sudouest, leur son évoque plutôt le rock panoramique du continent américain que le rock squelettique des villes industrielles anglaises. De “Now or Never” à “Down down down”, les onze chansons du disque font penser dans le désordre à Arcade Fire pour les guitares tournoyantes et le mur du son, à Tom McRae pour les voix haut perchées, et malheureusement à Sum 41 ou, pire, Avril Lavigne (“Out of The Question” et son refrain niais), soit pas vraiment le meilleur du rock californien… Produit par le légendaire Youth, qui collabora avec les Smashing Pumpkins ou U2, ce premier album dégage pourtant une franche énergie juvénile et beaucoup de chaleur humaine : des ingrédients qui devraient donner quelques torticolis aux plus agités. The Bird and The Bee The Bird and The Bee (Blue Note - 36 min) Après avoir découvert Brisa Roché il y a moins de deux ans, le label Blue Note, autoproclamé “meilleur label de jazz depuis 1939”, fait paraître le premier disque d’un duo des plus attachants. Dans The Bird and The Bee, le bel oiseau c’est Inara George, fille de Lowell, dont la carrière solo commença il y a deux ans. On peut notamment entendre son chant sur le dernier disque de Piers Faccini. Et l’abeille c’est Greg Kurstin, d’abord petit prodige du jazz new-yorkais, reconverti en musicien-producteur californien aux services de Beck, Flaming Lips ou Lilly Allen. Ces deux-là tiennent assurément le disque electro-pop de l’été, et font la paire comme Keren Ann et Bardi Johansson, les deux drôles d’oiseaux de Lady and Bird, ou comme Feist et Gonzales (Because). Comme Broadcast ou le premier Goldfrapp, The Bird and The Bee livre des mélodies sucrées mais distinguées, teintées de touches jazzy, rehaussées par des beats ingénieux, et des voix jouant sur les deux plans, synthétiques et intimes. De “F-cking boygriend” à “La la la” en passant par “Spark”, aucune faute de goût, aucune tâche dans un paysage éthéré. Maps We Can Create (Mute/EMI - 52 min) Alors qu’il vaut mieux écouter le disque de The Bird and The Bee au casque, pour faire entrer un peu de l’été dans ses oreilles, on pourrait très bien imaginer de jouer le disque de Maps très fort, en ouvrant grand Rufus Wainwright Release The Stars (Polydor/ Universal - 56 min) Tom McRae King of Cards (V2 - 44 min) Alors que la plupart des enfants rêvent qu’ils deviendront un jour un superhéros, Rufus Wainwright a toujours rêvé d’écrire des opéras. Et c’est le chemin qu’il devrait naturellement prendre après ce cinquième album, Release The Stars, qui vient nous rappeler les espoirs qu’on fondait sur lui en 1999. Ce disque vient après le doublon Want One et Want Two. Son nouvel opus est un Want Three, partagé entre la grandiloquence, voire la démesure des orchestrations du premier, et la sobriété du second. Rufus Wainwright impressionne toujours par sa maîtrise vocale, par les risques harmoniques qu’il prend, alternant morceaux langoureux (le soul “Going to a town”, le folk “I’m not ready to love”, “Leaving for Paris No.2”) ou puissants (“Between my legs”, “Slideshow” et sa partie de cuivres et de voix en escalier, le titre éponyme comme un final de comédie musicale décadente). Mais le timbre nasillard du Canadien, dans les médiums, finit par peser sur les nerfs. Contrairement à la plupart des autres, Wainwright est un songwriter émancipé de conservatoire, mais en poursuivant son rêve de devenir une star, il ne parvient pas, cette fois encore, à décrocher la lune. Tom McRae pâtit un peu du même problème que Rufus Wainwright ou Jude. Soit il a dilapidé son talent sur ces deux premiers albums, soit il est incapable de se renouveler de façon pertinente, surprenante. Rien de plus proche aujourd’hui de U2 que le nouvel album de Tom McRae. Pas un disque de stade pour autant. Ce King of Cards, suivant l’album All Maps Welcome, où il est à nouveau question des hasards du destin et de la vie itinérante d’un chanteur solitaire dont la voix légèrement ébréchée est le seul refuge solide, déçoit. Au moins, Tom McRae a-t-il pour lui ses compositions efficaces, bien plus musclées qu’avant (“Bright Lights”, “Keep your picture clear”), et son timbre, dont les murmures et les envolées sont des signatures indélébiles. Dans cette pop rock beaucoup plus optimiste qu’à l’accoutumée, mais pas toujours très digeste, surnagent tout de même quelques moments de grâce : “On and on” passe du folk paisible à la noise en trois minutes, “Lord, how long” se fraie un chemin entre Bruce Springsteen et Jeff Buckley. Allez, longue vie au roi des cartes ! les fenêtres, pour laisser entrer dans cette musique empreinte de spatialité le bruit de la rue. Pour la petite histoire, We Can Create, disque de plein air produit par l’Islandais Valgeir Sigurðsson, fut composé dans le huis clos d’une chambre par James Chapman, après la rémission du virus SFC (syndrome de fatigue chronique) qui plongea l’Anglais dans un état de léthargie comateuse pendant deux ans et demi. Légèrement ambiantes, certaines chansons portent pourtant la noirceur obsédante de Massive Attack (“I twill find you” ou “Liquid Sugar”) ou la profondeur trouble des chansons de Low (“Glory Verse”). Loin de la mollesse de Air, Maps marche sur les traces de la pop synthétique de Depeche Mode. La Gazette Nord‑Pas de Calais • www.gazettenpdc.fr • 28 juin 2007 Cult 7932 OK.indd 8 26/06/2007 08:21:06