Pour une maison écologique, confortable et économe…
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Pour une maison écologique, confortable et économe…
Les Cahiers de l’Urbanisme N° 66 Décembre 2007 Catherine Dhem Ministère de la Région wallonne Direction générale de l’Aménagement du territoire, du Logement et du Patrimoine Division de l’Aménagement et de l’Urbanisme Attachée Corinne Evangelista Ministère de la Région wallonne Direction générale de l’Aménagement du territoire, du Logement et du Patrimoine Division de l’Observatoire de l’habitat Attachée 44 44-47 Pour une maison écologique, confortable et économe… L’action menée par la Région wallonne «Construire avec l’énergie» 01 valorise la réalisation de logements économes en énergie, en octroyant des primes et un accompagnement scientifique et technique du projet. Une fois terminée, une telle construction reçoit une attestation officielle, une carte d’identité énergétique qui pourra notamment être valorisée lors d’une vente ou d’une location. Une construction bioclimatique Après avoir rénové une ancienne ferme ardennaise, un nouveau projet germe dans la tête du couple Schmitz-Malevez : se lancer dans l’aventure d’une construction bioclimatique. De nombreux objectifs devaient être rencontrés : réduire, voire supprimer, toute dépendance aux énergies fossiles, vivre dans une atmosphère intérieure la plus écologique possible, bénéficier pleinement de la lumière naturelle, évoluer dans une maison compacte, fonctionnelle et agréable. C’est alors une gageure de trouver un maître d’œuvre au diapason de leurs attentes. L’architecte saint-vithois, Leo Michaelis, leur propose un projet réaliste dans le droit fil de «Construire avec l’énergie». Une symbiose se crée rapidement entre le maître d’ouvrage et l’architecte. La maison projetée présente une surface habitable de 155,4 m2 et rentre dans la classe des bâtiments très basse énergie 02. Pour y parvenir, nombre de paramètres ont être maîtrisés par l’architecte. Minimiser les pertes 03 Montage des panneaux préfabriqués de la maison Isolation Pour pouvoir se passer d’une installation de chauffage classique, sans perdre le confort intérieur, une isolation soignée est mise en œuvre dans les parois extérieures (30cm d’isolation ; U04 = 0,141 W/m2.K), le toit (36cm d’isolation ; U = 0,125 W/m2.K), le plancher sur cave (24cm d’isolation ; U = 0,179 W/m2.K), le plancher sur sol (48cm d’isolation ; U = 0,083 W/m2.K) et le mur contre la cave (30cm d’isolation ; U = 0,146 W/m2.K). Cette isolation ne présente pas de pont thermique : elle est donc continue surtout aux points de contact entre parois, toit, planchers et charpente. Le triple vitrage associé à un châssis isolé au polyuréthane, fabriqué à l’étranger, permet d’atteindre un coefficient de transmission thermique surfacique extrêmement bas (pour les fenêtres, U = 0,73 W/m2.K ; pour la porte d’entrée, U = 0,81 W/m2.K) par rapport à une fenêtre dans le toit (U = 1,4 W/m2.K). 01 Voir le site http://energie. wallonie.be 02 Classe de bâtiments thermiquement performants. La classification se réfère à l’énergie primaire nécessaire aux besoins de chauffage et de rafraîchissement. Elle peut également prendre en référence un ensemble plus complet de besoins énergétiques (chauffage, rafraîchissement, ventilation et production d’eau chaude solaire et quelquefois également éclairage et besoins d’électricité spécifique…). Tiré du glossaire de l’ouvrage S. COURGEY & J.-P. OLIVA, La conception bioclimatique – Des maisons confortables et économes en neuf et en réhabilitation, éd. Terre vivante, Mens, 2006, p. 238. 03 Données communiquées par Leo Michaelis le 12 septembre 2007 pour la maison de M. et Mme Schmitz-Malevez, sise à Provedroux (Vielsalm). 04 Coefficient de transmission thermique surfacique (U) en watt par mètre carré Kelvin. Le Kelvin (K) est l’unité de différence de température ; une différence de 1 Kelvin équivaut à une différence de 1 degré Celsius. Tiré de Ibidem, p. 222-223. 05 À ce propos, voir notamment le site : http://www.climart. fr/Site_FR/Index_FR/IndexBio_FR.htm 06 Voir le blog conçu par le couple Schmitz-Malevez retraçant l’évolution du chantier : http://sup. skynetblogs.be 45 Façade nord couverte de son bardage de cèdre Photo F. Dor, © MRW Étanchéité Autre paramètre particulièrement important : l’extrême étanchéité du bâtiment, en évitant toute perte de chaleur par les joints et les fissures. Un test de pressurisation du bâtiment, appelé «blowerdoor», donnera la valeur représentant le nombre de renouvellement total du volume d’air de la maison en une heure (tentative de ne pas dépasser un renouvellement d’air de 0,6 par heure). Ventilation L’étanchéité à l’air est une chose, la qualité de l’air ambiant en est une autre. Un apport constant d’air frais est indispensable au confort des habitants. Un échangeur de chaleur performant permet de réchauffer l’air entrant tout en évacuant l’air intérieur. Grâce au «Système D», environ 90% de la chaleur sortante peut être récupérée. Façade sud en voie d’achèvement Photo F. Dor, © MRW Optimiser les apports gratuits La configuration du terrain a permis de donner une bonne orientation sud à la façade arrière de la maison. Le triple vitrage sert de collecteur solaire offrant une chaleur gratuite aux habitants, salvatrice en hiver, parfois trop abondante en été. L’architecte prévoit pour cette maison des gains internes de 2,1 W/m2. Dans un souci d’économie, il conseille à la famille d’y vivre un an sans protection solaire et d’évaluer ensuite l’importance de la surchauffe. Couverture de l’ouvrage de Adeline Guerriat sur La maison passive Économiser l’énergie Avec des appareils électroménagers à «faible» consommation et l’utilisation adéquate de la lumière naturelle, les besoins énergétiques peuvent être considérablement réduits. Un panneau solaire (6 m2) a été disposé sur le toit pour l’eau chaude sanitaire. Les besoins en énergie de «chauffage» pour la maison de Provedroux sont évalués par Leo Michaelis à 3 884 kWh par an, soit à 25 kWh/m2 par an. Pour une surface de 155,4 m2, un besoin énergétique de l’équivalent de 388,5 litres de mazout par an peut actuellement être estimé. Il est tellement bas qu’il est vivement conseillé de recourir aux énergies alternatives… La première année d’occupation de la maison, la famille Schmitz-Malevez la passera avec un chauffage d’appoint, selon le conseil de l’architecte. Après évaluation, une cassette ou un foyer bio-éthanol 05 sera probablement installé pour fournir l’appoint en chaleur ! Maison très basse énergie ou maison passive ? Une maison très basse énergie, comme celle de Provedroux 06, est une maison dite «2,5 litres». L’optique défendue par l’architecte depuis la conception était d’optimiser l’économie d’énergie, la qualité architecturale et le confort des habitants avec un budget économe et réaliste, en se basant sur des exemples d’habitat en Allemagne, en Autriche et en Suisse. Par rapport au bâtiment susdit, une maison passive présente une consommation de «1,5 litre». 07 L’association est sise Rue de l’Épargne, 56 à 7000 Mons. Voir le site www.maisonpassive. be ; le courriel info@ maisonpassive.be. Un blog sur la construction d’une maison passive à Neufchâteau est à renseigner pour son intérêt pédagogique http://passiveaventure.vivao.be/index.php 08 Ouvrage édité par l’auteur : A. GUERRIAT, La maison passive – Introduction pour les architectes et les futurs maîtres d’ouvrage, Thuin, 2006. Voir le site www.lamaisonpassive. be ; le courriel contact@ lamaisonpassive.be Cette certification peut être atteinte en augmentant encore l’efficacité des paramètres étudiés cidevant. Pour le reste, les principes sont identiques. La Plate-forme Maison Passive (PMP asbl) 07 a vu le jour à Mons en août 2006. Son objectif est de promouvoir la maison passive, d’assurer une diffusion d’informations auprès des particuliers, mais également auprès des architectes et entrepreneurs, et de mettre à disposition différents outils d’aide à la conception. On peut également mentionner un petit ouvrage dense et généreux, bien illustré, sur la maison passive à destination des architectes et des futurs maîtres d’ouvrage : Adeline Guerriat, architecte diplômée de l’ISACF-La Cambre (Bruxelles), publie son travail de fin d’études, dont le promoteur était Bernard Deprez, ingénieur-architecte (UCL) 08. 46 Si la Wallonie est à la traîne au niveau européen en matière de constructions plus économes en énergie, la famille Schmitz-Malevez a franchi le pas : sa maison sera écologique et compacte. Une maison basse énergie, un nouveau mode d’habiter à apprendre. Entretien avec Leo Michaelis, architecte, et Agnès Schmitz-Malevez, anthropologue attachée à la Direction de l’Archéologie de la DGATLP Madame Malevez, la maison que vous êtes en train d’ériger à Provedroux n’est pas le premier projet architectural dans lequel vous vous investissez, n’est-ce-pas ? Effectivement, avant de nous lancer dans ce projet de maison écologique, nous avons passé dix années à rénover une vieille ferme à La Comté. Mon mari et moi-même aimions bien cette idée de retaper un bâtiment qui possédait déjà une âme, plutôt que de construire. Ensuite, comme nous le signalons dans notre blog retraçant notre aventure, nous en avons eu assez d’habiter une maison qui avait certes un charme fou mais qui, énergétiquement parlant, ne correspondait plus à nos valeurs. Et puis, il y a eu cette découverte du concept «maison basse énergie» et notre façon de penser notre «chez-nous» a évolué. Aujourd’hui, nous avons revendu cette ferme et nous vivons dans un petit appartement en attendant d’emménager dans notre nouveau foyer fait de matériaux sains, bio et surtout moins énergivores. Notre maison, nous l’avons voulue compacte, pratique et lumineuse, a contrario de la maison que nous rénovions qui était trop grande et trop compliquée à entretenir. Là aussi, virage complet au niveau de nos priorités. Nous voulions une rentabilisation maximale de l’espace. Comment passe-t-on de la découverte du concept à sa mise en œuvre ? 09 Cellulose : isolant à base végétale, biologique et non toxique. L’ouate de cellulose est obtenue à partir de journaux invendus broyés. Des adjuvants (acide borique et agent d’ignifugation) lui confèrent un complément en qualité de résistance. C’est actuellement le matériau d’isolation combinant le meilleur rapport écologie et économie. Après avoir vu une publicité sur les maisons bio dans «Tempo Verde», nous avons pris contact avec une entreprise générale qui construit en bois. Mais l’architecte qui suivait notre projet n’était pas suffisamment à l’écoute de nos besoins. Très vite, nous nous sommes retrouvés confrontés à une explosion du budget que nous nous étions fixés et à une multiplication des délais par trois. Nous avons dès lors arpenté les allées des salons et c’est finalement lors du Salon Aubépine que nous avons pu assister à une conférence donnée par Leo Michaelis, architecte en provenance de Burg Reuland. Très vite, le courant est passé entre nous et nous avons finalement décidé que ce serait lui qui porterait notre projet à bout de bras. Ce qui nous a plus chez lui ? Son approche de la maison basse énergie. Son optique : allier écologie et économie. Vous savez, se documenter sur les maisons très basse énergie, c’est le parcours du combattant. On ne croule pas sous les informations. C’est pour cela que nous avons décidé de créer un blog qui permet de suivre pas à pas l’évolution de notre maison. Notre but n’est pas de convaincre les internautes qui surferont sur ce blog que la maison basse énergie est la maison idéale mais de les aiguiller et de les informer au mieux sur ce nouveau concept. Nous ne voulons pas que les candidats bâtisseurs de ce type de maisons ressentent cette sensation d’abandon que nous avons bien connue. Et vous Monsieur Michaelis, comment êtes-vous tombé dans le chaudron de la maison très basse énergie ? Progressivement. Mes premières maisons de type écologique étaient des chalets en bois massif. Par la suite, j’ai suivi des séminaires en Allemagne, pays bien en avance sur nous en la matière. Monsieur Michaelis, pouvez-vous nous expliquer ce qui différencie la maison basse énergie de vos clients et une véritable maison passive ? Dix centimètres d’isolation ! Ici, suivant les endroits, on a entre 30 et 36 centimètres d’épaisseur. Au niveau de la consommation d’énergie, la différence est l’équivalent de quelques litres de mazout par an. Dans une maison passive, on considère qu’on consomme l’équivalent de 225 litres de mazout par an. Chez mes clients, on tourne autour des 380 litres. Attention, il est important d’insister sur le terme «équivalent» puisque, mais nous y reviendrons plus tard, ce mode de chauffage n’est pas d’application ici. À part cela, il n’y a pas de différence. Pouvez-vous nous expliquer comment est conçue cette maison «presque passive» par rapport à une maison traditionnelle ? Au départ, nous avons quatre murs extérieurs à ossature bois montés en usine. La toiture a été réalisée dans la foulée et un panneau solaire de 6 m2 y a été intégré. Un lattage destiné à recevoir un bardage en cèdre a ensuite été apposé sur un panneau de fibres de bois à l’extérieur du bâtiment. En dessous de la toiture, on a posé le frein-vapeur prêt à accueillir des panneaux en fibro-plâtre. Ensuite, il a fallu colmater les espaces éventuels et inévitables dus au montage en usine de l’ossature et on a préparé les parois à être insufflées de cellulose 09. L’isolation thermique est la clé de la maison très basse énergie. Elle doit être performante et appliquée sur 47 toute l’enveloppe extérieure de la maison, sans interruption ni brèche. Ensuite, un système de ventilation à récupération de chaleur y a été installé. C’est un échangeur performant. À coup sûr, le Système D, sans vouloir faire de jeux de mots, ou encore système à double flux. Un échangeur de chaleur très performant utilise la chaleur de l’air évacué vers l’extérieur pour réchauffer l’intérieur, les flux d’air ne se mélangeant pas. Ce système permet à l’humidité de sortir de la demeure mais aussi d’évacuer les émanations chimiques. Par la suite, un puits canadien 10 sera installé. Pour ce qui est des châssis, ceux qui ont été placés ici sont conçus expressément pour les maisons passives. Comme vous pouvez le constater, ils ont une épaisseur plus conséquente que ceux utilisés traditionnellement et le matériau d’isolation utilisé est le polyuréthane. Associés au triple vitrage à isolation renforcée, ils participent pleinement à l’économie d’énergie en étant une source de transfert de chaleur. Le seul inconvénient, c’est qu’en Belgique on est encore loin d’être au top en la matière. Après diverses comparaisons de prix «intra muros», mes clients ont bien dû se rendre à l’évidence : le temps était venu de prospecter à l’étranger. Les châssis ont donc été choisis chez un menuisier d’Elsenborn, certes, mais ils ont été fabriqués en Autriche. La porte d’entrée qui arrivera incessamment est également spécialement conçue pour le passif. Elle contient de l’isolation et est imperméable à l’air. Mais où se trouve la chaudière ? Inutile de la chercher… il n’y en a pas. Alors même que le choix du système de chauffage s’impose au tout début du long fleuve pas toujours tranquille que représente la construction d’une maison, il est aujourd’hui possible d’occulter complètement le problème. Ici, pas de soirée au coin du feu en perspective. Tiens, et si on branchait l’ordinateur ? Madame Malevez, venons-en aux apports énergétiques au sein de la maison. Comment obtient-on une atmosphère chaleureuse au sein d’une maison très basse énergie ? La maison très basse énergie, par définition, est une maison qui sait optimiser les apports énergétiques solaires par le seul biais de ses composants pour ensuite les réutiliser et tempérer les espaces intérieurs. Son but est de minimiser les pertes thermiques et d’utiliser l’énergie apportée par le soleil, de façon à réduire d’environ 80 % les dépenses d’énergie de chauffage. Cette énergie solaire est captée d’une part par le panneau solaire installé sur le toit et, d’autre part, par les vitres de la maison qui agissent tels des capteurs solaires. Ici, on bénéficie de l’implantation de la maison : l’arrière de la maison, et donc les grandes baies vitrées des pièces à vivre, est orienté plein sud. Le système de ventilation à double flux ainsi que l’échangeur de chaleur permettent de gérer les flux d’air dans le bâtiment et de «chauffer» ou rafraîchir l’air intérieur. Cette ventilation mécanique avec récupération de chaleur permet de se passer d’un système de chauffage complémentaire. Nous allons tester notre maison pendant une année. On verra comment elle réagit. Il faut savoir que dans une maison très basse énergie, le simple fait d’allumer le four de la cuisine ou d’utiliser un ordinateur suffit à procurer une température ambiante agréable dans toute la maison. Et pour ce qui est des aménagements intérieurs et extérieurs? Quels seront les matériaux utilisés, Madame Malevez ? En ce qui concerne les revêtements muraux, une chose est sûre : pas de plafonnage ! Nos cloisons nasales ont assez souffert. Nous allons opter pour les panneaux en fibro-plâtre. On hésite encore à utiliser l’enduit d’argile. Ce matériau aide à maintenir un certain degré d’hygrométrie et possède des propriétés anti-allergiques. Dans la cuisine, le salon et la salle à manger, ce sera du carrelage au sol. Dans les chambres, du parquet. Au niveau des aménagements extérieurs, on reste fidèle à la pensée écologique. L’évacuation des eaux usées, en plus de la fosse septique et du dégraisseur, se fera via un bassin de lagunage vertical, un filtre à sable planté de roseaux d’une dimension de 14 m2. 11 Après cela, nous serons parés à entrer dans notre nouvelle maison début de l’année 2008… si tout va bien. C’est là qu’on se rapproche de la maison traditionnelle : nous n’avons aucune emprise sur la tenue des délais par les entreprises. 10 Un puits canadien est un échangeur thermique constitué de canalisations enterrées dans lesquelles l’air transite avant d’arriver dans la maison. Au cours de ce passage sous terre, l’air se réchauffe ou se rafraîchit selon la saison. Tiré de S. COURGEY & J.-P. OLIVA, op.cit., p. 171. 11 Voir le site http://www. lagunage.be