Moi, Maxime, 20 ans, arbitre de foot tabassé

Transcription

Moi, Maxime, 20 ans, arbitre de foot tabassé
Ce week-end, les arbitres de la Ligue d’Aquitaine de football feront la grève du
sifflet. Ils veulent protester contre les violences à répétition qu’ils subissent.
Comme Maxime Roumier, 20 ans, tabassé par un joueur le mois dernier.
Il témoigne.
(Infographie : Ouest-France/Photo : Maxime Roumier)
Maxime Roumier (à droite) sera dans son club de Martignas-sur-Jalle pour faire de la pédagogie, ce week-end.
D’abord, comment vous sentez-vous un mois et demi après l’agression ?
Assez bien. J’ai pris du recul, je me suis reposé. J’ai retrouvé ma sérénité, c’est l’essentiel.
Racontez-nous ce qui s’est passé ce samedi 14 février dernier…
J’arbitrais un match de Division d’Honneur Régionale entre Marmande qui jouait à domicile et celle de Pessac.
Il restait une vingtaine de minutes à jouer. L’équipe de Pessac était menée 2 à 0. À un moment, je siffle une
simple faute. La routine. Sauf que le joueur sanctionné n’a pas apprécié, il m’a alors bousculé violemment. Je
lui ai donc mis un carton rouge. Et là, il a pété les plombs, il m’a frappé violemment à la tête. Des coups de
poing, des claques… J’étais sonné.
Personne n’est venu vous défendre ?
Si, l’arbitre assistant. On a réussi à se réfugier dans le vestiaire. Sur la pelouse, c’était bagarre générale.
D’abord entre les joueurs, puis dans les tribunes. Le joueur qui venait de m’agresser est parti frapper des
supporters autour du terrain. Des grands-mères, des enfants ont reçu des coups… C’était violent. Le club de
Marmande a fini par appeler la gendarmerie pour qu’elle intervienne. Vous imaginez, des gendarmes pour un
match de DHR ? S’ils n’étaient pas intervenus, ça aurait pu aller beaucoup, beaucoup plus loin. C’était
impossible à arrêter.
(Photo : Regis Duvignau/Reuters)
Il aura suffi que Maxime Roumier sorte un carton rouge pour que la situation dégénère.
Les faits remontent à cinq semaines. Avez-vous repris l’arbitrage depuis ?
Au départ, je voulais retourner de suite sur une pelouse, histoire de ne pas gamberger. Je pensais que plus le
temps allait passer, plus j’allais avoir peur. Si je n’y retournais pas, c’est comme si mon agresseur avait gagné.
J’ai finalement pris un peu de repos, et là c’est reparti comme si de rien n’était. J’ai arbitré la semaine
dernière des seniors.
Avec un peu d’appréhension ?
Oui, il y avait de la peur. Mais je ne voulais pas y penser. Si on va sur le terrain avec la peur au ventre, c’est
foutu.
L’agresseur vous a-t-il présenté ses excuses ?
Le soir, à la gendarmerie, il a voulu me demander pardon car il s’est rendu compte qu’il avait fait une énorme
connerie. Mais comment tu peux accepter des excuses dans ce cas-là ? Pour moi, excuser, c’est pardonner. Je
suis pour la seconde chance dans la vie, mais pas pour tout. Et pour ce genre d’agression, c’est impossible. Ce
gars n’a plus rien à faire sur un terrain de football, je ne veux plus le croiser dans un stade, je ne veux plus le
voir toucher un ballon. Le mec a 37 ans. 37 ans ! Il est père de famille. Quelle image tu donnes à tes enfants ?
Franchement…
Maxime Roumier arbitre depuis l’âge de 13 ans. (Photo : DR/Maxime Roumier)
L’arbitre est malheureusement souvent la cible idéale…
Vous avez raison. Les insultes, c’est tous les week-ends. Mais déjà c’est trop. On les a banalisées. On dit : « oh
ce n’est pas bien ». Et puis ça recommence le dimanche d’après, parce que « finalement ce n’est pas si grave
que ça ». À partir du moment où l’on dit ça, c’est normal que derrière il se passe quelque chose de plus grave.
Je suis arbitre depuis que j’ai 13 ans, eh bien je savais que ça allait m’arriver un jour.
C’est dur ce que vous dites…
C’est dur mais c’est la vérité. Et je vais même aller plus loin : si on ne réagit pas vite, si on ne tape pas du poing
sur la table, la prochaine étape c’est le coup de couteau. Je le pense sincèrement. J’ai l’impression qu’on
attend qu’un arbitre se fasse tuer sur une pelouse pour réagir. Il faut qu’il y ait une prise de conscience.
Ce week-end, les arbitres de Gironde poseront leur sifflet afin de protester contre les violences à répétitions
qu’ils subissent. (Photo : Ouest-France)
D’où ce week-end d’action en Aquitaine…
Voilà, on veut marquer les esprits. On n’arbitrera pas de matches, les bénévoles des clubs s’en chargeront.
Mais ce n’est pas un boycott ou une grève. À la place, chaque arbitre sera dans son club pour faire de la
pédagogie, auprès des dirigeants, des joueurs, des supporters, des parents. Moi j’y irai dans le mien, à
Martignas-sur-Jalle, à 18 kilomètres de Bordeaux. C’est une manifestation positive pour l’intérêt du football,
pas seulement des arbitres.

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