Par Maître Grégoire TOULOUSE, Avocat au cabinet Taylor Wessing
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Par Maître Grégoire TOULOUSE, Avocat au cabinet Taylor Wessing
Réforme du droit des contrats : quel impact pour la franchise ? Tribune publiée le 03/05/2016 Par Maître Grégoire TOULOUSE, Avocat au cabinet Taylor Wessing, membre de l'association européenne FranchisEurope En savoir plus sur l'expert Par ordonnance du 10 février 2016, le Gouvernement a engagé une modification profonde du Code civil en matière de droit des contrats et des obligations. L’auteur, avocat, propose une première analyse de l’impact de la réforme sur les contrats de franchise. C’est une réforme d’ampleur du Code civil qui doit entrer en vigueur le 1er octobre 2016. Nombre de dispositions nouvelles viennent simplement codifier la jurisprudence. Par exemple, l’article 1119 qui dispose que les conditions générales ne sont opposables que si elles ont été acceptées ou l’article 1164 qui prévoit que le juge peut sanctionner l’abus dans la fixation unilatérale du prix dans un contrat-cadre. La réforme comporte néanmoins des innovations notables. Le devoir de négociation et de conclusion du contrat de bonne foi (art. 1104) et le devoir général d’information précontractuel (art. 1112-1) sont consacrés et à retenir, même si cela affectera peu la pratique en matière de franchise. Le vice de violence économique (art. 1143) est introduit dans le Code et autorisera le juge à annuler le contrat lorsque 3 conditions seront remplies: un état de dépendance d’une partie à l’égard de l’autre, un abus de la partie dominante et un avantage manifestement excessif. "La réforme comporte des innovations notables..." L’existence d’un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties (art. 1171) autorisera le juge à déclarer une clause non-écrite. La notion n’est pas nouvelle, elle existait déjà dans les relations entre professionnels (art. L.4426, I, 2° du Code de commerce). Mais le texte du Code civil n’impose pas comme prérequis un rapport de force déséquilibré, ce qui est regrettable. Il ne concerne toutefois que les contrats d’adhésion c’est-à-dire ceux "dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties" et il ne s’applique ni au prix ni à l’objet du contrat. Par souci de cohérence, on peut souhaiter que ces dispositions soient écartées dans les relations entre professionnels au profit des dispositions spéciales du Code de commerce (ce qu’a semblé suggérer la Chancellerie dans son rapport au Président) car celles-ci n’ont vocation à s’appliquer que lorsqu’une partie a le pouvoir de soumettre ou tenter de soumettre l’autre partie. L’imprévision est introduite dans le Code civil (art. 1195): en cas de changement de circonstances économiques imprévisible rendant l’exécution du contrat excessivement onéreuse sans acceptation préalable d’un tel risque par la victime, celle-ci pourra solliciter une renégociation et à défaut, demander au juge de réviser ou de mettre fin au contrat. Il sera possible de déroger à ce texte qui nous semble toutefois conforme à l’esprit de collaboration de la franchise. "...qui ne devraient pas engendrer de bouleversement pour les réseaux de franchise." Enfin, trois actions interrogatoires permettent à une partie de mettre fin à une situation juridique ambigüe en interrogeant son cocontractant ou un tiers. La première permet, en cas de découverte d’un vice potentiel du contrat, de demander à l’autre partie de confirmer le contrat ou d’agir en nullité dans un délai de 6 mois à peine de forclusion. Cette action pourrait être utile au franchiseur qui découvrirait qu’il a omis une information précontractuelle importante et souhaiterait purger le risque d’annulation du contrat. La deuxième permet d’interroger le bénéficiaire d’un pacte de préférence (par exemple le franchiseur en cas de cession du fonds du franchisé) sur son souhait de s’en prévaloir. La troisième permet à un contractant de s’assurer des pouvoirs de représentation du signataire en interrogeant la personne représentée. On le voit, ces innovations, bien que notables, ne devraient pas engendrer, si elles sont intelligemment appliquées par les tribunaux, de bouleversement pour les réseaux de franchise.