Turgot Théodat, le groupe « Badgi » et son invité en
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Turgot Théodat, le groupe « Badgi » et son invité en
Fondé en 1898 Recherche: Trouver Le Nouvelliste pub-5665601923 0000 1 gX8VuqdtVVPML Google 9326938810 GALT:#008000;G ISO-8859-1 Typog raphi e: ISO-8859-1 fr CULTURE 19 Août 2008 Turgot Théodat, le groupe « Badgi » et son invité en concert P U B Par Roland Léonard Coup d'oeil Les lieux n'ont pas changé, à la rue Rigaud, à Pétion Ville. On pousse les portes vitrées et opaques ; on descend les marches de bois lisse pour être happé par l'atmosphère en clairobscur d'un sympathique bar-restaurant au cadre évocateur d'une boîte de jazz. Il y a des photos d'artistes célèbres comme Louis Armstrong, Billie Holliday, Miles Davis, James Moody le long des murs ; il y a un coin à musique avec son piano, au niveau du palier. Un zinc imposant et volumineux se remarque au fond, avec ses tabourets à trépieds métalliques et sièges en rondelles épaisses de cuir pour se jucher. Il y a un barman placide, mais amène, derrière le comptoir en bois verni et luisant ; il y a les coupes et les flûtes pendues, la tête en bas, les talons accrochés à la perche du plafond. Les bouteilles de spiritueux rangées Thurgot Théodat au saxo P U B sur l'étagère, plus loin, nous font les yeux doux. Les ventilateurs rouges du plafond tournent à plein régime pour rafraîchir l'atmosphère. La cloison de séparation en béton, avec ses découpes et sa fenêtre rectangulaires, est élégante, originale. Deux lampes à abat-jour, accrochées à des chaînes, pendent bas sur deux tables. C'est Harlem, dans le style et la manière en somme. Le décor est donc planté pour ce qui va suivre :un concert du tonnerre joué par cinq musiciens ; Thurgot Théodat et son invité, l'américain Paul Austerlitz, aux sax ténors ; Loubens Bien-Aimé à la batterie ; Claude Saturné au tambour conga ; James Bergeau à la guitare, Smith SaintFélix à la guitare-basse électrique. Dans quelques instants ça va exploser. Le spectacle Malgré la publicité bien faite, l'assistance est peu nombreuse ; une trentaine de personnes tout au plus. On se console en se disant qu'on est des privilégiés, des « happy few »... Un premier morceau, anonyme, probablement improvisé sur une suite harmonique pour s'échauffer, est entamé par un trio (basse, batterie, guitare) sur lequel vient s'essayer le sax de Paul Austerlitz. Le leader Thurgot se mêle de la partie lui aussi. Lorsqu'il se sent fin prêt, il annonce la première pièce du programme « dilere », un morceau du répertoire « rara » local. Son rythme de « yayati Kongo » est introduit par le percussionniste. Le thème est exposé à deux voix harmonisées par les deux saxophones ; les intervalles sont agréables. Le premier chorus est celui de Austerlitz sur l'ostinato de basse. Le solo dure pour notre plaisir, puis l'improvisateur aborde la phrase-chute du canevas sur laquelle le relaye Théodat qui insiste lui aussi, obsessionnellement. Claude Saturné prend un bon chorus et le morceau est réexposé. En second lieu, on joue « Mapassou », un nago à 6/8. Dans son improvisation Thurgot Théodat est nettement plus inspiré et plus aventureux que sur le disque ; Paul Austerlitz s'est distingué par sa vélocité et son expressivité « Bop ». Le guitariste a exécuté un magnifique solo. Le thème, en final, réapparaît, harmonisé par les deux souffleurs. Continuer > Une composition de Stan Getz suit : « Stan's Blues », cette version du groupe a plutôt des repères rythmiques très flous ; cela tient à la fois du R'N'B, du brésilien et d'un rythme afro. Le tout est un mélange détonant où les sax et la guitare se sont déchaînés. La version de « Sunny » en bossa-nova, ce tube des années soixante- en mineur- facile à écouter et à jouer, nous a étonnés. Le morceau contenait des possibilités cachées, exprimées par l'arrangement. Thurgot, Austerlitz et Bergeau les ont démontrées, à la fois sur le rythme brésilien et sur une variation, une déviation en « Swing » 4/4. De surprise en surprise, on en arrive à « Letènèl » ou « Lòt bò rivyè a », ce chant funéraire catholique, joué non pas en « Swing up tempo » comme sur le CD, mais en une délicieuse et sensuelle salsa. C'est du latin-jazz. Le tout est à l'avantage des « breaks » exaltants de Loubens, du solo de guitare prépondérant de James Bergeau, des chorus respectables des deux saxophonistes. La dernière merveille est la déviation en « Konpa Direk » de la conclusion, la boucle finale ou « turn around » harmonique. Claude Saturné a eu, lui aussi son lot de « breaks ». Les deux sax nous ont gratifiés de leurs notes stridentes, expressionnistes à la CODA... ...On ne finirait pas d'énumérer tous les points forts de la soirée où ont brillé les différents acteurs, citons pour mémoire : « vaudou-calypso » où Austerlitz s'est bien adapté-citant « Saint Thomas » de Sonny Rollins- et où Théodat était plus à l'aise que lui ; « Tiga », un autre hommage du leader au peintre disparu, tonique, mettant en vedette Loubens Bien-Aimé dans un excellent solo de batterie sur rythme Dahomen en 6/8 ; Autumn Leaves » en version reggae pour le bonheur des jeunes mélomanes ; « Manha Do Carnaval » en bossa-nova et le « rabòday » «Kote moun yo » morceau folklorique incontournable. Ce fut la fin de ce concert extraordinaire. Tant pis pour les absents ; ils ont eu tort et ne savent pas ce qu'ils ont raté. Les hommes Thurgot Théodat : Je n'ai jamais vu le leader aussi décontracté et stimulé. Emulé par son confrère américain, il s'est enhardi pour donner le meilleur de lui-même. Il a retrouvé toute sa folie, prenant des risques tout en étant lisible et plaisant. Il a joué sans contrainte, en pleine forme. Les progrès sont énormes chez lui. Paul Austerlitz : Etonnant l'adaptation de ce musicien à ce contexte » vaudouafro-jazz » ! C'est comme s'il était chez lui. Rappelons tout de même qu'il est aussi un assistant professeur en ethnomusicologie et études africaines à Gettyburg College Sunderman Conservatory of Music » en Pennsylvanie aux Etats-Unis. Il détient un PH.D. C'est un excellent « Bopper ». Loubens Bien-Aimé: La grande surprise de la soirée ! J'en ai le souffle coupé. Ce n'est plus le laboureur et le piocheur scolaires d'il y a cinq ans. C'est un accompagnateur hardi. Claude Saturné : Très talentueux, il joue sans peur... et sans reproche ! James Bergeau : un jeune loup. Un lionceau fougueux et talentueux. Exubérant à souhait. J'ai aimé, grâce à lui, les sons de la guitare « Stratocaster ». Smith Saint Félix : un rythmicien efficace, appliqué et discret. Le jour viendra où il pourra s'exprimer en tant que soliste. Patience ! Epilogue J'ai laissé les lieux avec le coeur et l'âme ravis, les oreilles obsédées et enchantées par tant de belles musiques... More ! More ! More ! Roland Léonard