napoleon iii et le second empire
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napoleon iii et le second empire
NAPOLEON III ET LE SECOND EMPIRE Article d’après MSN-ENCARTA 1851 2 décembre Au petit matin, le président de la République Louis-Napoléon Bonaparte (élu en décembre 1848) organise un Coup d'Etat dans le but de restaurer l'empire. Les murs de Paris sont placardés d'affiches annonçant la dissolution de l'Assemblée et du Conseil. Les nouvelles dispositions prises par le prince-président, prévoient aussi de consulter le peuple par voie de référendum sur l'instauration d'une nouvelle Constitution. Le neveu de Napoléon Ier choisit d'agir le 2 décembre en souvenir du sacre de son oncle et de sa grandeur militaire le jour de la bataille. Tout comme son aïeul il deviendra empereur sous le nom de Napoléon III, le 2 décembre 1852 1851 4 décembre Deux jours après son Coup d'Etat, le président Louis-Napoléon Bonaparte organise une sanglante répression contre les insurgés (en majorité des ouvriers) s'opposant à sa prise de pouvoir. Les barricades qui se sont élevées depuis la veille sur les boulevarda parisiens sont prises d'assaut par l'armée. Les fusillades font environ 400 morts. En deux jours, la police du prince-président procède à plus de 25 000 arrestations. En province, 32 départements sont mis en état de siège, mais la résistance des paysans sera elle aussi écrasée dans le sang. 1852 17 février Le président de la République LouisNapoléon Bonaparte établit un ensemble de mesures préventives et de sanctions visant à museler la presse. Par décret, il est interdit aux journaux de rendre compte des débats parlementaires et des procès autrement qu'en reproduisant les procès-verbaux officiels. La censure des images est rétablie. Les journaux ne respectant pas ce décret pourront être suspendus après un avertissement et définitivement supprimés s'ils récidivent. Entre mars 1852 et juin 1853, 91 avertissements seront délivrés par le ministre de la Police, Maupas. 1852 21 novembre Le Sénat convoque les Français aux urnes en organisant un plébiscite sur le rétablissement de l'Empire. Le "oui" l'emporte très majoritairement, mais près de 2 millions d'électeurs se sont abstenus. Le Second Empire sera officiellement proclamé le 2 décembre. LouisNapoléon Bonaparte deviendra le nouveau souverain des Français sous le nom de Napoléon III. 1853 29 janvier Eperdument amoureux depuis plusieurs mois, Napoléon III épouse la jeune espagnole Eugenia Maria de Montijo de Guzman, comtesse de Teba. Le mariage est célébré à Notre-Dame de Paris. Les festivités dureront deux jours. Le 16 mars 1856, l'impératrice Eugénie donnera naissance à son unique enfant, le prince impérial Napoléon-Louis. 1858 14 janvier L'empereur Napoléon III et l'impératrice Eugénie échappent de peu à un attentat à la bombe perpétré par le révolutionnaire italien Felice Orsini. L'explosion cause la mort de 8 personnes et fait 150 blessés. Orsini, partisan de la réunification italienne, reprochait à l'empereur d'entraver l'unification de son pays. Il sera condamné à mort et guillotiné le 13 mars. 1858 19 février La loi de sûreté générale est adoptée par l'Assemblée à 227 voix contre 24. Napoléon III, qui a été victime d'un attentat le 14 janvier, entend grâce à cette loi interner ou expulser toute personne ayant déjà subi des condamnations politiques. A partir du 24, des "suspects" seront arrêtés dans toute la France. Présentés à des commissions départementales, une centaine d'entre eux sera déportée en Algérie. 1859 3 mai A la suite de l'alliance conclue entre la France et la Sardaigne pour la formation de l'unité italienne, les forces franco-sardes, d'une part, et les troupes autrichiennes, de l'autre, entrent en guerre. Napoléon III, redoutant une intervention de la Prusse et suivant les conseils de modération de la Russie, mettra fin à la campagne en signant avec l'empereur d'Autriche François-Joseph l'armistice de Villafranca (Italie) en juillet 1859. Nice et la Savoie seront rattachés à la France. 1873 9 janvier L'ex-empereur des Français meurt dans sa résidence de Camdem Place, dans le comté de Kent en Angleterre, où il vivait en exil depuis le désastre de 1870. Atteint de la maladie de la pierre, l'exNapoléon III était fortement handicapé. Deux interventions chirurgicales survenues le 2 et le 7 janvier avaient considérablement affecté son état général. Le neveu de Napoléon Ier et dernier souverain de France s'éteint quelques minutes avant que son chirurgien, le Docteur Thompson, ne tente une dernière opération. Il est 10h45. Le Second Empire 2 I. NAPOLEON III 1 Charles Louis Napoléon Bonaparte, prince français à sa naissance, dit Louis-Napoléon Bonaparte (conformément à l'usage du Premier Empire, repris sous le Second, son nom patronymique était Napoléon et non Bonaparte) (20 avril 1808 - 9 janvier 1873), est le premier président de la République française, élu le 10 décembre 1848 avec 74 % des voix au suffrage universel masculin, ainsi que le troisième empereur des Français (18521870) sous le nom de Napoléon III. Il est donc à la fois le premier président de la République française et le dernier empereur français. Issu de la maison Bonaparte, il est le neveu de Napoléon Ier, il est le troisième fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande, et de Hortense de Beauharnais, fille de l'impératrice Joséphine, donc il était prince hollandais durant le règne de son père. Il devient l'aîné des Napoléon après les morts successives de ses frères aînés et du duc de Reichstadt (Napoléon II) dit « l'Aiglon ». Ses premières tentatives de coup d'État, mal conçues et sans bases populaires, échouent; mais la vague révolutionnaire de 1848 le conduit à prendre les devants en politique. Le coup d'État du 2 décembre 1851 lui permet ensuite de mener enfin la restauration impériale à son profit et d'exercer un pouvoir personnel sans partage, même si le caractère très autoritaire du Second Empire ne cesse de s'atténuer après 1859 pour faire place progressivement à « l'empire libéral ». Le futur Napoléon III fait connaître tôt sa philosophie politique dans Idées napoléoniennes et dans L'Extinction du Paupérisme (1844), mélange de romantisme, de libéralisme autoritaire, et de socialisme utopique. Admirateur de la modernité britannique, son règne est marqué par une œuvre de développement industriel, économique et financier considérable, notamment par la transformation de Paris par le préfet Haussmann. La fin de son régime est scellée par sa défaite de 1870 lors de la guerre franco-prussienne. Longtemps, il est resté l'objet d'une légende noire, due à l'opposition et à l'œuvre hostile de Victor Hugo1, et beaucoup à la IIIe République, dont les programmes d'histoire était très largement orientés. Napoléon III a été récemment redécouvert par l' historiographie contemporaine mais reste un sujet hautement controversé. Jeunesse Troisième fils de Louis Bonaparte et de Hortense de Beauharnais, le futur empereur voit le jour à Paris le mercredi 20 avril 1808 à une heure du matin, onze mois après le décès de son frère aîné Napoléon Louis Charles Bonaparte. Ils sont, avec le roi de Rome, les seuls princes de la famille qui naquirent sous le régime impérial ; aussi furent-ils les deux seuls qui reçurent à leur naissance les honneurs militaires. Des salves d'artillerie annoncèrent la naissance du prince Louis Napoléon dans toute la vaste étendue de l'Empire. Son oncle l'empereur Napoléon étant absent, on ne prénomma l'enfant que le 2 juin suivant2. La loi du 1er janvier 1816, bannissant tous les Bonaparte du territoire français, contraint la reine Hortense de Hollande, divorcée, à s'exiler en Suisse où elle achète en 1817 le château d'Arenenberg, dominant le lac de Constance. Elle s'y installe avec ses deux fils survivants. Sans soucis d'ordre matériel, Louis-Napoléon est élevé par sa mère en Suisse ou à Rome. Il y rencontre sa grand mère Laetitia Bonaparte. Bien que se plaignant de n'avoir conservé que peu de souvenirs de son oncle, il l'a toutefois connu, enfant. Il est élevé dans culte de Napoléon I et dans la certitude de sa vocation dynastique. Il reçoit à Constance l'enseignement de nombreux professeurs, en particulier de Philippe Le Bas, fils d'un conventionnel jacobin. Un ancien officier de son oncle Napoléon Ier, lui enseigne, par ailleurs, l'art de la guerre. Proche de la charbonnerie, il tente, avec son frère ainé Louis, lors d'un complot à Rome en 1830, de favoriser la cause de l'unité italienne : ils projettent alors de faire prisonniers les cardinaux, afin de déposséder le Pape de son pouvoir séculier. Après leur expulsion en Suisse, son frère regagne l'Italie lors du soulèvement des duchés 1 D’après Wikipédia Le Second Empire 3 centraux en 1831, durant lequel il trouve la mort3, à Forlì. Hortense ramène son dernier fils, malade4, à Paris, où elle obtient de Louis Philippe un sauf-conduit vers la Suisse. Volontaire dans l'armée suisse depuis 1830, Louis-Napoléon accède au grade de capitaine d'artillerie en 1834. Il obtient la nationalité suisse dans le canton de Thurgovie, en 1832, ce qui fera dire à certains historiens que Louis-Napoléon Bonaparte aura été « le seul suisse à régner sur la France »5. Tentative de soulèvement à Strasbourg Après la mort du duc de Reichstadt le 22 juillet 1832, et dans la mesure où son frère aîné est mort en 1831, Louis-Napoléon se considère comme l'héritier de la couronne impériale, après avoir rencontré son oncle Joseph Bonaparte. Il organise ses réseaux en France, et prépare sa prise de pouvoir. Le 30 octobre 1836, le prince Louis-Napoléon Bonaparte, avec une poignée de complices, effectue une tentative de soulèvement de Strasbourg 6. Il espère soulever la garnison et, ensuite, marcher sur Paris et renverser la monarchie de Juillet. Son plan est de rassembler sur son passage les troupes et les populations, sur le modèle du retour de l'île d'Elbe en 1815. Strasbourg, importante place militaire, est aisément accessible depuis l'Allemagne et, surtout, c'est une ville de gauche et patriote. Sur place, l'âme du complot est le colonel Vaudrey, qui commande le 4e régiment d'artillerie, dans lequel Napoléon Bonaparte a servi à Toulon en 1793, et qui s'estime mal traité par la monarchie de Juillet. L'opération est engagée le 30 octobre 1836 au matin. Elle tourne court presque aussitôt. Le prince et ses complices sont arrêtés. Le roi Louis et les oncles du jeune prince condamnent aussitôt l'opération. La reine Hortense écrit à Louis-Philippe pour lui suggérer de laisser son fils quitter la France. Le roi convainc son gouvernement qui, en dehors de toute procédure légale, fait conduire le prince à Lorient où, muni d'une somme d'argent, il est embarqué sur L'Andromède le 21 novembre 1836 à destination des États-Unis d'Amérique, où il sera débarqué le 30 mars 1837. Pendant ce temps, ses complices sont jugés à Strasbourg devant la cour d'assises, et acquittés par le jury, sous les acclamations du public, le 18 janvier 1837. Si la tentative a été un échec complet, elle a fait connaître le prince Louis-Napoléon en France et l'a identifié à la cause bonapartiste. Retour en Europe Le prince ne reste pas longtemps aux États-Unis. Il rentre bientôt en Europe et revient s'installer en Suisse. En juin 1838, l'un des conjurés de Strasbourg, l'ex-lieutenant Armand Laity, lointainement apparenté à la famille de Beauharnais, publie à 10 000 exemplaires une brochure, sans doute financée par Louis-Napoléon, intitulée Relation historique des événements du 30 octobre 1836, qui est une apologie du bonapartisme. La brochure est saisie, Laity est arrêté et jugé devant la Cour des pairs qui le condamne à 5 ans de détention et 10 000 francs d'amende le 11 juillet 1838. À la suite de cet incident, le gouvernement français demande à la Suisse, au début du mois d'août 1838, l'expulsion du prince Louis-Napoléon et, sûr de l'appui de l'Autriche, menace la confédération d'une rupture des relations diplomatiques et même d'une guerre, allant jusqu’à concentrer dans le Jura une armée de 25 000 hommes. Le gouvernement suisse, indigné, invoque la qualité de bourgeois de Thurgovie du prince. En définitive, celui-ci annonce, le 22 août, son intention de s'installer en Angleterre. Par une note du 6 octobre, la Diète fédérale helvétique peut donc repousser la demande d'expulsion du gouvernement français, non sans préciser que le prince Bonaparte va bientôt quitter la Suisse. Héritant de sa mère en 1839, Louis-Napoléon a les moyens d'imprimer à 500 000 exemplaires une brochure détaillant son programme politique : Les Idées napoléoniennes, dans laquelle il fait de Napoléon Ier le précurseur de la liberté. Au début de 1840, son fidèle Fialin lance à son tour ses Lettres de Londres, qui exaltent ce prince qui « ose seul et sans appui, entreprendre la grande mission de continuer l'œuvre de son oncle »7. Depuis Londres, le prince prépare une nouvelle tentative de coup d'État. Voulant profiter du mouvement de ferveur bonapartiste suscité par la décision du cabinet Thiers de ramener de Sainte-Hélène les cendres de l'empereur, il débarque à Boulogne-sur-Mer, le 6 août 1840, en compagnie de quelques comparses parmi lesquels un compagnon de Napoléon Ier à Sainte-Hélène, le général de Montholon8, avec l'espoir de rallier le 42e régiment de ligne. L'opération est un échec total : Louis-Napoléon et ses complices sont arrêtés, écroués sur ordre du procureur Legagneur et incarcérés au fort de Ham. Leur procès se tient devant la Chambre des pairs du 28 septembre au 6 octobre, dans une indifférence générale9. Le prince, défendu par le célèbre avocat légitimiste Berryer, prononce un discours éloquent : « Je représente devant vous un principe, une cause, une défaite. Le principe, c'est la souveraineté du peuple, la cause celle de l'Empire, la défaite Waterloo. Le principe, vous l'avez reconnu ; la cause, vous l'avez servie ; la défaite, vous voulez la venger. […] Représentant d'une cause politique, je ne puis Le Second Empire 4 accepter, comme juge de mes volontés et de mes actes, une juridiction politique. […] Je n'ai pas de justice à attendre de vous, et je ne veux pas de votre générosité. »10 Il n'en est pas moins condamné à l'emprisonnement à perpétuité11. À la forteresse de Ham, il écrit De l'extinction du paupérisme (1844), ouvrage influencé par les idées saintsimoniennes et développant un moyen populiste pour accéder au pouvoir : « Aujourd'hui, le règne des castes est fini, on ne peut gouverner qu'avec les masses ». Le 25 mai 1846, il s'évada de sa prison, avec le concours de Henri Conneau, après six années de détention en empruntant les vêtements et les papiers d'un peintre qui, selon certains, s'appelait Badinguet. Il s'établit à Londres avant de revenir pendant la révolution française de 1848 pour se présenter à de nouvelles élections. Prince-président Le 4 juin 1848, il est élu (dans 4 départements) et siège à l'Assemblée en septembre. Il a la chance de ne pas être compromis dans la répression sanglante des ouvriers parisiens révoltés lors des journées insurrectionnelles des 22-26 juin. À la suite de la promulgation, le 4 novembre 1848, de la Constitution de la IIe République, il est candidat à l'élection présidentielle, la première au suffrage universel masculin en France. Il est élu pour quatre ans le 10 décembre 1848, avec près de 75 % des voix, issues notamment du parti de l'Ordre, profitant de la division des gauches et de la légende impériale, surtout depuis le retour des cendres de Napoléon Ier en 184012. Il prête serment à l'Assemblée constituante le 20 décembre 1848 et s'installe le soir même à l'Élysée. La Constitution de 1848 limite largement les pouvoirs du Président qui est soumis soit à l'Assemblée soit au Conseil d'État. La présidence de Louis-Napoléon est ainsi marquée par son opposition à la politique conservatrice de l'assemblée élue en mai 1849 : envoi à Rome des troupes pour mater une rébellion contre le pape ; vote de la loi Falloux, favorable à l'enseignement religieux… Le 31 mai 1850, l'Assemblée vote une loi électorale qui abolit le suffrage universel masculin en imposant une résidence de trois ans pour les électeurs ce qui élimine 3 millions de personnes du corps électoral dont des artisans et des ouvriers saisonniers. Le 4 novembre 1851 Louis Napoléon propose à l'Assemblée, sur le conseil de Morny, l'abrogation de cette loi, proposition qui est rejetée par 355 voix contre 34813. Au début de l'année 1851, Louis-Napoléon fait pression pour augmenter la durée de son mandat tandis que l'Assemblée nationale est opposée à tout projet de révision constitutionnelle. Coup d’État du 2 décembre 1851 Motifs Depuis qu’il a été élu au suffrage universel avec 74% des voix et avec le soutien du parti de l'Ordre « Président des Français » en 1848 contre Louis Eugène Cavaignac, Louis-Napoléon Bonaparte est en confrontation politique perpétuelle avec les députés de l’Assemblée nationale. Ce « crétin que l’on mènera », selon l’expression d’Adolphe Thiers qui croyait avoir affaire à un imbécile manipulable quand il l’avait soutenu pour être candidat à la présidence de la république, s’avère finalement beaucoup plus intelligent et retors. Il parvint à imposer ses propres choix et ne pas être sous le contrôle de l’Assemblée, redevenue conservatrice après les journées de Juin 1848. Il s’éloigne du parti de l’Ordre, qui l’a élu, et forme le « ministère des Commis » avec le général Hautpoul à ses ordres, en 1849. Le 3 janvier 1851, il renvoie Changarnier, un opposant, ce qui provoque une crise ouverte avec son parti. Cette même année, il commence à financer des journaux anti-parlementaires, et forme un groupe de 150 députés acquis à sa cause, le « parti de l'Élysée ». La constitution établissant la non-rééligibilité du président condamne Louis-Napoléon à quitter le pouvoir en décembre 1852. La première moitié de l’année 1851 est passée à proposer des réformes de la constitution afin qu’il soit rééligible ; Bonaparte organise des tournées en province, des pétitions. Les deux tiers des conseils généraux se rallient à sa cause, mais les orléanistes de Thiers s’allient à la fraction ouverte de gauche « Montagne parlementaire » pour le contrer. Cette majorité vote la défiance du ministère des Commis en janvier 1851. L’Assemblée refuse en bloc la réforme constitutionnelle le 19 juillet 1851, et supprime même le suffrage universel. Les classes populaires ne se reconnaissent plus dans le régime. Préparatifs Le coup d’État est minutieusement préparé à partir du 20 août 1851 à Saint-Cloud. Le complot regroupe le duc de Persigny, un fidèle de Louis-Napoléon, le duc de Morny, son demi-frère, et le général de Saint-Arnaud. Le 14 octobre, Louis-Napoléon redemande à l’Assemblée nationale de rétablir le suffrage universel, mais elle refuse, tout comme (le 13 novembre) sa nouvelle proposition de révision de la Constitution devant lui permettre Le Second Empire 5 d’être rééligible en tant que « président de la République ». Organisé, il nomme le général de Saint-Arnaud au ministère de la Guerre (27 octobre), qui rappelle aux militaires leur devoir « d’obéissance passive », le 1er novembre 1851, par une circulaire qui demande de « veiller au salut de la société ». D’autres proches sont placés aux postes clés : le général Magnan est nommé commandant des troupes de Paris ; le préfet de la HauteGaronne, Maupas, est promu préfet de police de Paris. Convaincu de la nécessité d’un coup d’État du fait des derniers refus de l’Assemblée, Louis-Napoléon le fixe lui-même pour le 2 décembre, jour anniversaire du sacre de Napoléon en 1804 et de la victoire d’Austerlitz en 1805. L’opération est baptisée Rubicon, par allusion à Jules César. Coup d’État du 2 décembre 1851 Au matin du 2 décembre, les troupes de Saint-Arnaud occupent tous les points stratégiques, des Champs-Élysées aux Tuileries. Après avoir fait arrêter les principaux opposants, Louis-Napoléon édicte six décrets décisifs, fait afficher une « proclamation au peuple » à destination des Français, et une autre à destination de l’armée, qui déclare l’état de siège. Des six décrets, l’un dissout l’Assemblée nationale, un autre rétablit le suffrage universel, un autre déclare qu’une nouvelle Constitution est en préparation. Son Appel au peuple annonce son intention de restaurer « le système créé par le Premier Consul ». Ce coup d’État ne va pas sans agitation. Les parlementaires se réfugient dans la mairie du 10e arrondissement et 220 députés votent la déchéance de Louis-Napoléon, notamment des orléanistes libéraux comme Rémusat ou Salmon et des républicains modérés comme Pascal Duprat. Ils sont aussitôt arrêtés. Malgré l’habile contrôle par l’armée de ce fief républicain qu’est la capitale, une insurrection parisienne débute avec à sa tête plusieurs parlementaires républicains, comme Victor Schoelcher ou Victor Hugo. Plus de 70 barricades sont dressées et des insurgés sont abattus. Le 3 décembre, le député Jean-Baptiste Baudin est tué alors qu’il tient la barricade du faubourg Saint-Antoine. Dans l’après-midi du 4 décembre 1851, la fusillade des Boulevards fait 200 victimes. Au soir, la révolte populaire est matée, Paris est sous contrôle, les Parisiens retournent à leur vie quotidienne. Les dernières barricades, dont faisait partie Hugo, ne tombèrent que le 5 décembre. L’agitation nationale La nouvelle du coup d’État se diffuse encore à travers la France et déclenche dans d’autres lieux quelques insurrections. Le 5 décembre, des mouvements populaires sont signalés dans plusieurs grandes villes, mais particulièrement dans le Sud-Est (Aups, Les Mées, Apt, Digne, Manosque, etc.). Zola prendra l'insurrection du Var comme point de départ de sa grande saga Les Rougon-Macquart. Le département des Basses-Alpes en vient même à être administré par un « Comité départemental de résistance », le 7 décembre 1851, mais l’armée, fidèle au Président s’organise pour rétablir la volonté de l’exécutif. Trente-deux départements sont mis en état de siège dès le 8 décembre, les zones de « résistance » républicaine au coup d’État sont maîtrisées en quelques jours, les opposants sont arrêtés ou doivent s’enfuir, tel Victor Hugo qui part de lui-même à Bruxelles. Vingt-six mille personnes sont arrêtées, 15 000 sont condamnées dont 9 530 déportées en Algérie, 239 au bagne de Cayenne. Quatre-vingts députés sont bannis. L’apaisement La victoire assurée, l’ordre rétabli, les bonapartistes s’installent. Les généraux Vaillant et Harispe sont faits maréchaux de France le 11 décembre. Une constitution est en cours d’élaboration. Un référendum est également prévu afin de demander aux Français de ratifier le nouvel ordre. Le coup d’État est présenté comme une opération de sécurité face au péril rouge[réf. nécessaire]. Le 20-21 décembre, c’est finalement par plébiscite que les Français acceptent les réformes du « princeprésident », le coup d’État est ratifié par l’immense majorité des 7 481 000 de « oui » face à 647 000 « non ». Seuls les bulletins Oui étaient imprimés, les Non devaient être écrits à la main ; de plus, on donnait le bulletin au président du bureau de vote qui le glissait lui-même dans l’urne[1]. Louis-Napoléon se voit confier les pouvoirs nécessaires pour établir une nouvelle constitution. Conséquences La Constitution française est donc modifiée. Celle-ci confie le pouvoir exécutif à un Président élu pour dix ans, titulaire de l’initiative législative, réduisant ainsi très fortement la marge d’action du corps législatif dans la tradition des régimes autoritaires concentrant les pouvoirs entre les mains de l’exécutif. Le 21 décembre 1851, le corps électoral se prononce favorablement sur la révision par 7 439 216 « oui » contre 640 737 « non » (résultats provisoires du 31 décembre 1851) ou 7 481 231 « oui » contre 647 292 « non », pour les résultats définitifs publiés par le décret du 14 janvier 1852 (pour environ 10 millions d’inscrits et 8 165 630 votants dont 37 107 nuls) Le Second Empire 6 La Seconde République va, en moins d’un an, muer vers le Second Empire, établi, encore une fois après référendum, par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. La « dignité impériale » est rétablie au profit du prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, élu par le peuple français, qui devenait officiellement « Napoléon III, Empereur des Français » à compter du 2 décembre 1852, date anniversaire symbolique du coup d’État, du sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz. Empereur Le 7 novembre 1852, un sénatus-consulte rétablit le régime impérial. Il est approuvé par le peuple lors d'un plébiscite à une très large majorité, les 21 et 22 novembre 1852. Le 2 décembre 1852 débute le Second Empire, Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III. Les 29 et 30 janvier 1853, il épouse Eugénie de Montijo, comtesse de Teba, dont il aura un fils, Eugène, le 16 mars 1856. Personnalité de Napoléon III De son passé de conspirateur, Napoléon III a conservé l'habitude de ne jamais laisser transparaître ses émotions et ses pensées personnelles. D'où son visage impénétrable et sa célèbre expression énigmatique, dont la photographie et les récits des contemporains nous ont laissé trace. L'empereur prend souvent ses décisions seul, dans le secret de sa pensée. Il ne partage son pouvoir de décision ni avec sa famille, ni avec ses proches, pas plus qu'avec sa femme ou avec ses maîtresses, dont aucune n'aura jamais eu le rôle de favorite. À partir du milieu des années 1860, toutefois, un Napoléon III vieillissant et miné par la maladie se montre plus sensible aux influences de ses proches: l'impératrice Eugénie, son demi-frère utérin le duc de Morny, son fidèle Persigny. De 1863 à 1869, son homme de confiance, Eugène Rouher, fait figure de "vice-empereur" et de Premier ministre sans le titre. Parfois « entêté dans l'indécision » (Émile Ollivier), l'empereur se montre de plus en plus souvent hésitant, maladroit ou empêtré dans ses contradictions, au long de son règne. Ce qui dans son régime de pouvoir personnel pèsera immanquablement sur l'évolution générale de la politique française. Ses contradictions sont aussi dues à la nature composite de ses idées et de son entourage. Selon sa boutade célèbre, « l'impératrice est légitimiste, Morny, orléaniste, moi je suis socialiste. Seul Persigny est bonapartiste, mais il est fou ». Autoritaire, mais dénué de toute inhumanité ou rancœur personnelles, Napoléon III sait aussi bien étouffer toute opposition que manifester sa préoccupation sincère pour les ouvriers, les humbles et les pauvres. Par tempérament comme par politique, il aime user de mesures de clémence pour rallier les anciens adversaires et pallier son manque d'appuis dans les élites traditionnelles. Homme moderne et nullement dénué d'intelligence politique ou diplomatique, il a été constamment sous-estimé ou méprisé par beaucoup de ses contemporains, en particulier par les élites traditionnelles qui voyaient en lui un parvenu et par les adversaires monarchistes ou républicains de son régime autoritaire. Thiers en 1848 le peignait comme « un crétin que nous mènerons ». Victor Hugo invoqua systématiquement la gloire de Napoléon Ier pour rabaisser Napoléon III, dépeint dans ses ouvrages comme un vulgaire aventurier, médiocre, parjure et tyrannique. Il se montra en réalité capable de gouverner la France pendant 19 ans (22 ans depuis son élection à la présidence), ce qui place son régime au troisième rang, par la durée, en France depuis 1789. Politique étrangère En 1851, préparant la restauration impériale, Louis-Napoléon Bonaparte cherche à rassurer l'opinion française et européenne et déclare à Bordeaux : « L'Empire, c'est la paix ! » (10 octobre 1852). Pourtant, son régime se montre assez belliqueux, avec trois guerres européennes et plusieurs expéditions coloniales en moins de vingt ans. L'empereur entend à la fois disloquer la coalition antifrançaise héritière du Congrès de Vienne (1815), et aider à remodeler la carte de l'Europe en fonction du "principe des nationalités" : chaque peuple doit pouvoir disposer de lui-même et le regroupements en États-Nations est à favoriser. L'empereur connaît des réussites dans un premier temps, alors même qu'il doit composer avec une haute administration et des diplomates majoritairement monarchistes et opposés au césarisme de Napoléon III. Cela renforce l'isolement de l'empereur alors que les personnels étrangers et métropolitains ne sont pas forcément mis au courant de la ligne politique du gouvernement de Napoléon III. À l'occasion de la guerre de Crimée, (1854-1856) Napoléon III confirme le retour de la France dans la vie politique européenne avec plus ou moins de succès. Coïncidant avec la naissance de son héritier le Le Second Empire 7 16 mars 1856, le traité de Paris est un triomphe personnel pour lui. Il marque l'apogée de sa bonne entente avec la Grande-Bretagne de la reine Victoria. Napoléon III joue aussi un rôle important dans la naissance de la Roumanie indépendante, en conseillant aux parlements des deux ex-provinces ottomanes de voter pour le même candidat au trône. Sur le plan colonial, Napoléon III triple la surface des possessions françaises, lançant par exemple l'implantation en Nouvelle-Calédonie et à Djibouti par l'achat d'Obock (1862), ou laissant le gouverneur Faidherbe fonder Dakar au Sénégal (1854). En 1859-1860, ses troupes participent au côté de l'Angleterre à une expédition contre la Chine, au cours de laquelle a lieu la mise à sac du palais d'été à Pékin. La politique arabe de Napoléon III - Il se rend en personne à Alger pour promouvoir son modèle de développement colonial. Pour Napoléon III les colonies doivent être rattachées à la personne de l'empereur et non pas à la France directement. Il déclare à Alger : « Je suis l'empereur des Français et des Arabes ». La politique italienne de l'empereur - en faveur de l'Unification et au détriment de l'Autriche - permet à la France d'annexer après un plébiscite le Comté de Nice et la Savoie (1860), l'empereur ayant « payé de sa personne » aux batailles de Magenta et Solférino pendant la campagne d'Italie. Cependant, Napoléon III s'aliène aussi les catholiques français ultramontains, car l'unité de l'Italie du Nord met les États pontificaux en péril. D'autre part, en refusant de poursuivre la campagne victorieuse (mais coûteuse en hommes) de 1859, l'empereur laisse Venise aux mains des Autrichiens et déçoit ses alliés savoyards. Jusqu'en 1870, il empêche le nouveau royaume d'Italie de finaliser l'unité, en laissant des troupes françaises à Rome pour protéger les derniers vestiges du pouvoir temporel du pape. L'échec cinglant et coûteux de l'expédition du Mexique (1861-1867), et l'attitude de neutralité monnayée (politique dite des « pourboires », que le chancelier prussien Bismarck exploite pour déconsidérer Napoléon III dans tout l'espace allemand) lors des conflits entre l'Autriche et la Prusse en 1866, affaiblissent le régime et mettent fin à cette politique étrangère volontariste de l'empereur alors que celui-ci commence à être rongé par la maladie et par les discordes de son entourage. Politique intérieure Une entrée de la France dans la modernité Sous l'Empire, la France connaît des années de progrès économiques (création d'un système bancaire, développement des chemins de fer, transformation des grandes villes). Napoléon III est influencé par les idées saint-simoniennes de son proche conseiller Michel Chevalier. Influencé par son séjour à Londres, Napoléon III décide de transformer Paris et d'en faire une grande capitale européenne, salubre et fonctionnelle. Il confie au baron Haussmann le chantier de Paris. L'empereur veilla de très près au tracé de nombreux nouveaux boulevards, à l'édification de nouveaux édifices (dont les grandes gares, le nouveau Palais de justice et le nouvel Hôtel-Dieu ou le Palais Garnier (Opéra) qu'il ne vit jamais abouti), au développement du réseau des égouts et surtout à la constructions de dizaines de nouveaux squares et espaces verts (Montsouris, Buttes-Chaumont, bois de Vincennes et de Boulogne, Boucicaut…). Ces travaux du Second Empire ont modelé le visage du Paris du XXe siècle. Ils ont cependant eu un coût non négligeable, que ce soit sur le plan financier (déficit, vague de spéculation), social (refoulement des classes populaires hors du centre de Paris) et culturel (destructions de nombreux vestiges du passé) ; on a dit que les grands boulevards (très larges et droits) permettaient de mieux contrecarrer les éventuelles révoltes en empêchant la formation de barricades. Parallèlement, Napoléon III encourage cette politique dans les autres grandes et moyennes villes de France, de Lyon à Biarritz en passant par Dieppe (les nombreuses rues impériales alors tracées sont souvent par la suite rebaptisées "rue de la République"). L'empereur multiplie les séjours personnels dans les villes d'eaux telles que Vichy, Plombières-les-Bains, Biarritz, ce qui contribue beaucoup à leur lancement et à leur fortune durable. Capitale de l'Europe au même titre que la Londres victorienne, Paris accueille de grandes réunions internationales telles que l'Exposition universelle de 1855 et celle de 1867. Le règne de Napoléon III est marqué aussi par l'achèvement de la construction du réseau ferroviaire français supervisée par l'État : le chemin de fer dessert désormais toutes les grandes et moyennes villes françaises. L'empereur encourage la révolution bancaire, à l'origine de la naissance des établissements modernes tels le Crédit Mobilier des frères Pereire. Les Grands Magasins se multiplient (comme le Bon Marché), la bourse connaît un âge d'or, l'industrie (acier, textile) une forte croissance, du moins jusqu'au milieu des années 1860 et les mines, de charbon dans l'Est et le Nord et d'ardoise en Anjou prennent leur essor (ces dernières seront submergées par une inondation record de la Loire en 1856, occasion pour le chef de l'État de se rendre à Trélazé Le Second Empire 8 pour y restaurer son image ternie à la suite d'une répression politique envers une émeute républicaine un an plus tôt) L'empereur a beaucoup fait pour développer l'instruction des filles, en 1861 la fontenaicastrienne JulieVictoire Daubié est reçue au baccalauréat, l'empereur intervient pour que le ministre Gustave Rouland signe le diplôme. En 1862 s'ouvre la première école professionnelle pour jeunes filles par Madame Elisa Lemonnier. Madeleine Brès obtient le droit de s'inscrire à la Faculté de médecine de Paris. Membre du gouvernement impérial de 1863 à 1869 en tant que ministre de l'Instruction publique, l'historien Victor Duruy ouvre l'enseignement secondaire aux jeunes filles et s'efforce de développer l'enseignement primaire, en dépit de l'hostilité de l'Église catholique qui craint une perte de son influence. Il fait enseigner l'histoire contemporaine, jusque-là délaissée au profit de l'étude de l'Antiquité. Napoléon III en 1857 par Franz Xaver Winterhalter De l’Empire autoritaire à l’Empire libéral La constitution de 1852 laisse à Napoléon III un pouvoir personnel absolu. La presse est soumise à une censure particulièrement rigoureuse. La justice est rendue en son nom. Il est également le dernier chef d'État français à s'arroger le droit de déclarer la guerre seul, ou de conclure tout seul les traités de paix ou de commerce. Plusieurs dizaines de députés sont proscrits après le coup d'État du 2 décembre 1851, parmi lesquels Victor Hugo, qui compose alors en exil les Châtiments et Napoléon-le-Petit pour stigmatiser Napoléon III. Des milliers d'opposants sont déportés en Algérie ou en Guyane. Les ministres, responsables devant l'empereur seul, ne forment pas d'équipe ministérielle et le gouvernement n'est pas responsable devant le Parlement, dont les débats ne sont pas publiés. La tribune du Palais-Bourbon est détruite lors du coup d'État et ne réapparaît que sur la fin du règne. Le suffrage universel a été rétabli par Napoléon III mais son libre exercice est faussé par la pratique des candidatures officielles (les préfets mettent les moyens de l'administration au service des candidats du pouvoir) et par la quasi-disparition de la liberté de la presse et de réunion. Les rares opposants qui parviennent à se faire élire ne peuvent siéger que s'ils prêtent serment de fidélité à l'empereur et à son régime. L'autorité impériale sévit également dans le domaine des arts et des lettres : Baudelaire et Flaubert sont poursuivis en justice pour leurs œuvres contraires « à la morale publique et religieuse » (1856-1857), Renan destitué de sa chaire au collège de France en 1863. En 1863, Napoléon III laisse se tenir un "salon des refusés" où exposent Courbet et les futurs impressionnistes, mais il dénonce l'Olympia de Manet comme offensant les bonnes mœurs. Sévissant d'une main, l'empereur cherche aussi à séduire et à rallier de l'autre. Doté d'une forte pension officielle et d'une très confortable liste civile, il mène un train de vie fastueux qui frappe les esprits. Ses fêtes et ses réceptions grandioses aux Tuileries, à Saint-Cloud ou à Compiègne confèrent aussi à la "Fête Impériale" un rôle de propagande. Au début des années 1850, le 15 août devient la fête nationale en France. Cette célébration permet à Napoléon III d'imposer avec succès un modèle de fête nationale populaire qui sera aussi repris par la République. Le 15 août deviendra donc en 1968 la fête de la saint Napoléon.14. Aux élections de 1858, cinq députés républicains sont élus à Paris, ville d'opposition à l'Empire, dont Jules Favre, Ernest Picard et Émile Ollivier. L'empereur refuse de remettre en cause le suffrage universel comme le lui demande son entourage inquiet. Mais un attentat à la bombe perpétré contre le couple impérial par le patriote italien Orsini lui permet de lancer une vague de répression brutale contre l'opposition républicaine, pourtant innocente dans cette affaire. Le général Espinasse, ministre de l'Intérieur de janvier à juillet 1858, utilise la "loi de sûreté générale" pour faire déporter sans jugement plusieurs centaines de républicains. La loi reste théoriquement en vigueur jusqu'à la fin du règne. Le Second Empire 9 Le 15 août 1859, l'empereur promulgue une amnistie générale à l'occasion de sa victoire en Italie du Nord. Certains comme Victor Hugo refusent d'en profiter : « quand la liberté rentrera, je rentrerai ». À partir de cette date, le régime prend une tournure plus libérale. Pour se gagner de nouveaux soutiens dans la société, Napoléon III multiplie les concessions à destination notamment des ouvriers. Il fait ainsi légaliser le droit de grève en 1864 par la loi Émile Ollivier. Il s'est en effet privé du soutien des catholiques que sa politique italienne inquiète et de celui du patronat, ulcéré par son traité de libre-échange conclu en 1860 avec la Grande-Bretagne (négocié et ratifié par l'empereur seul, il fait figure de « coup d'État douanier »). Renouant avec le socialisme de sa jeunesse, Napoléon III laisse une délégation d'ouvriers conduite par Tolain se rendre à Londres où elle découvre la puissance du syndicalisme britannique. L'Association Internationale des Travailleurs est autorisée à ouvrir un bureau en France. Mais les efforts de l'empereur pour prendre lui-même la tête d'un mouvement ouvrier officiel échouent : les ouvriers restent dans leur masse républicains. Napoléon III dissout le bureau parisien de l'AIT en 1867 et la troupe intervient dans plusieurs grèves dures qui marquent la fin du règne. Au fil des années 1860, il desserre aussi progressivement la censure, libéralise le droit de réunion et les débats parlementaires. Sous l'influence notamment de son demi-frère le duc de Morny, il se dirige lentement vers une pratique plus parlementaire du régime. En 1869, Napoléon III fait appel à un nouveau « Premier ministre » de fait, Émile Ollivier, issu des bancs de l'opposition républicaine à l'Assemblée nationale. C'était la reconnaissance du principe parlementaire. Ollivier constitua alors un gouvernement d'hommes nouveaux en associant bonapartistes libéraux (centre droit) et orléanistes ralliés à l'Empire libéral (centre gauche), mais en excluant les bonapartistes autoritaires (droite) et les républicains (gauche). Il prit lui-même le ministère de la Justice et des Cultes, le premier dans l'ordre protocolaire et apparut comme le véritable chef du ministère. Cherchant à concilier ordre et liberté, il convainc l'empereur de procéder à une révision constitutionnelle d'ensemble pour mettre sur pied un système semi-parlementaire. Les procédés de candidature officielle furent abandonnés et le préfet Haussmann, jugé trop autoritaire, fut renvoyé (5 janvier 1870). Un senatus-consulte proposant un régime plus libéral est soumis à l'approbation du peuple lors d'un plébiscite (le troisième depuis 1851) : le 8 mai 1870, les réformes sont approuvées avec plus de 7 millions de oui en dépit de l'opposition des monarchistes légitimistes et des républicains qui ont appelés à voter "non" ou à s'abstenir. C'est ainsi que se met en place la constitution du 21 mai 1870. Napoléon III se serait exclamé à cette occasion : « J'ai mon chiffre ! »15. Émile Ollivier crut pouvoir dire de l'empereur : « Nous lui ferons une vieillesse heureuse »16. Cependant, lâché par les républicains et contesté par les bonapartistes autoritaires, Ollivier était de plus en plus isolé et ne se maintenait plus que grâce à la faveur de Napoléon III. Dès les premiers revers militaires d'août 1870, il fut limogé par l'impératrice Eugénie, régente, qui nomma à sa place le bonapartiste autoritaire Cousin-Montauban, comte de Palikao. Un mois après, l'empereur était prisonnier et l'empire discrédité par la défaite disparaissait sans opposition de quiconque. Guerre de 1870 Napoléon III et Otto von Bismarck, Après la défaite de Sedan, entrevue avec Bismarck à Donchery 1870 (peinture de 1915) Bien que tous deux personnellement favorables à la paix, Ollivier et Napoléon III se laissèrent dépasser par les partisans de la guerre dont l'impératrice Eugénie. Ollivier et Napoléon III se rallièrent tous deux à l'opinion majoritaire pro-guerre exprimée au sein du gouvernement et au parlement, y compris chez les républicains, les plus résolus (malgré les avertissements lucides de Thiers et de Gambetta) à en découdre avec la Prusse. À la suite de tensions avec la Prusse à propos de la succession d'Espagne et abusé par la fameuse Dépêche d'Ems - version dédaigneuse par Bismarck, d'une annonce polie de Guillaume de Prusse -, Napoléon III déclare la guerre à la Prusse. Débute la Guerre franco-allemande de 1870. Les premiers revers sont imputés à Napoléon III et à Ollivier, fournissant à la Chambre l'occasion de renverser Ollivier, à une écrasante majorité, le 9 août 1870, laissant l'empereur seul sur la ligne de front, qu'elle soit politique ou militaire. Le Second Empire 10 Sous la pression de l'impératrice, Napoléon III renonce à se replier sur Paris et marche vers Metz au secours du maréchal Bazaine encerclé. Ses troupes sont elles-mêmes alors encerclées à Sedan. Le 2 septembre 1870, n'ayant pu trouver la mort au milieu de ses hommes, Napoléon III dépose les armes au terme de la bataille de Sedan. Il tente de négocier avec Bismarck prés du village de Donchery. Pendant la discussion, il nie ses responsabilités personnelles en invoquant une guerre à laquelle il aurait été « poussé par l'opinion publique ». Bismarck, peu dupe, réplique : « l'opinion publique poussée par le ministère ! » Le captif assiste avec le roi Guillaume de Prusse à l'acte de reddition de l'armée française au château de Bellevue situé près de Frénois au sud de Sedan. Le 3 septembre 1870, L'empereur, désormais prisonnier, se rend en Belgique à Bouillon, ensuite il prend le train pour être interné au château de Wilhelmshöhe à Kassel en Allemagne. Le 4 septembre 1870, à Paris, la foule envahit le Palais-Bourbon tandis que l'impératrice Eugénie se réfugie chez son dentiste et fuit en Angleterre. Le gouverneur de Paris, Trochu, reste passif et le régime impérial ne trouve guère de défenseurs. Des députés (dont Léon Gambetta) proclament la République et mettent en place un Gouvernement de la Défense nationale qui essaie en vain de contrer l'invasion du territoire. Au terme de la guerre, la déchéance officielle de Napoléon III n'est votée définitivement par la Chambre que le 1er mars 1871. Dans la plupart des départements français, le nouveau régime républicain est souvent accueilli dans l'indifférence. Personne toutefois ne prend non plus la défense de l'Empire déchu, discrédité par la défaite. En mars 1871, l'empereur déchu s'exile en Angleterre. Il y prépare de nouveaux plans de coup d'État, rêvant de rééditer à son profit le retour de l'île d'Elbe de son oncle Napoléon Ier. Mais une opération de la vessie a raison de lui. Le 9 janvier 1873, Napoléon III meurt et est inhumé à Chislehurst (aujourd'hui : Bromley (district londonien)). Par la suite l'impératrice Eugénie lui construisit un mausolée à l'abbaye Saint-Michel (St Michael's abbey) de Farnborough (sud de l'Angleterre) où il repose à ce jour aux côtés de sa femme (décédée en 1920) et de leur fils unique, le prince impérial Eugène-Louis, enrôlé volontaire dans l'armée britannique et tué en Afrique du Sud par les Zoulous au cours d'une patrouille en juin 1879, lors de la guerre anglo-zoulou. Il n'avait que 23 ans. Un règne florissant et ambivalent Mal connu de nos jours, le Second Empire correspond pourtant à l'une des plus formidables époques de développement et de prospérité que la France ait connue. Du point de vue économique, le pays s'est doté d'infrastructures modernes, d'un système financier bancaire et commercial novateur et a rattrapé en 1870 son retard industriel sur le Royaume-Uni, en partie grâce à la politique volontariste de l'empereur et à son choix du libre-échange. Concernant l'urbanisme, Napoléon III est le commanditaire des travaux d'Haussmann à Paris, qui ont fait de cette ville réputée pour sa saleté au milieu du XIXe siècle, l'une des plus belles capitales du monde. Cette période fut aussi très productive au niveau littéraire, de Flaubert à George Sand ou aux frères Edmond et Jules de Goncourt. Cette littérature florissante ne doit cependant pas faire oublier le maintien de la censure qui condamne un certain nombre de créations originales, parmi lesquelles, les Fleurs du Mal et Madame Bovary. L'Opéra Garnier illustre l'importance accordée au monde du spectacle, élément de la « fête impériale ». Passionné d'histoire (on lui doit une monumentale Histoire de Jules César), l'empereur a aussi joué un rôle-clef dans la mise sur pied d'une véritable archéologie nationale, avec la création du musée des Antiquités nationales de Saint-Germain-en-Laye et l'essor donné aux fouilles de Gergovie, Alésia et Bibracte. Les progrès sociaux furent aussi indéniables : droit de grève et d'organisation des salariés (ancêtres de syndicats) accordés en 1864, élévation du niveau de vie des ouvriers et des paysans, soupes populaires organisées pour les pauvres, premiers systèmes de retraites et d'assurance-handicap pour les ouvriers, développement de l'éducation de masse, notamment pour les filles sous l'impulsion de l'impératrice Eugénie, qui a aussi fortement soutenu les travaux de Louis Pasteur et de Ferdinand de Lesseps, qui aboutiront respectivement au vaccin contre la rage et au canal de Suez, inauguré en 1869. Le régime de Napoléon III fut cependant longtemps discrédité. Il le dut à son caractère resté longtemps autoritaire et répressif et à sa fin sans gloire dans la désastreuse guerre franco-prussienne, immédiatement suivie par la guerre civile lors de la Commune de Paris. Même ses réussites ne sont pas nécessairement dénuées d'aspects ambivalents, critiqués par les contemporains. Un écrivain tel Zola rappela ainsi dans ses romans la spéculation effrénée et la corruption nées de l'haussmanisation et de la flambée boursière (La Curée, L'Argent), le choc que l'irruption des grands magasins représenta pour le petit commerce (Au Bonheur des Dames), la dureté des luttes sociales sous Napoléon III (Germinal). Le Second Empire 11 Forgée par une génération en lutte contre le Second Empire, la IIIe République ne pouvait que faire de Napoléon III un repoussoir. L'œuvre de Victor Hugo, bâtie sur l'opposition permanente entre la gloire de Napoléon Ier et la bassesse tyrannique prêtée à Napoléon III, contribua considérablement à asseoir l'image d'un despote médiocre et sans scrupules. Le précédent d'un président devenu empereur rendit aussi impensable jusqu'en 1962 toute élection du chef de l'État au suffrage universel direct. François Mitterrand comparait ainsi avec virulence De Gaulle à Napoléon III pour instruire le procès des institutions de la Ve République (Le Coup d'État permanent, 1964). Les années 1980-1990 voient un renouveau historiographique du Second Empire17,18,19, qui va dans le sens d'une réhabilitation de Napoléon III et de son règne20. Maîtresses et enfants naturels Napoléon III eut de nombreuses maîtresses, certaines lui donnèrent des enfants naturels, dont : • Maria Anna Schiess (1812-1880), Allensbach (Lac de Constance, en Allemagne), la mère de son fils Bonaventur Karrer (1839-1921)[1]; • Eléonore Vergeot, dont Alexandre Louis Eugène Bure (1843-1910), comte d'Orx et Louis Ernest Alexandre Bure (1845-1882), comte de Labenne, et postérité ; • Elizabeth-Ann Haryett (1823-1865) dite Miss Howard, une Anglaise qui finance sa campagne électorale de 1848 ; faite comtesse de Beauregard. • Armance Depuille (1830-1913), épouse de François Isidore Depuille, dont Benoni Depuille ; • Pascalie Corbière (1828-19??), qui était la nourrice des enfants bâtards impériaux, épouse d'Auguste Corbière, deuxième cocher de l'empereur, dont Christian Corbière ; • Virginia Oldoini, Comtesse de Castiglione (1837-1899) célèbre courtisane italienne du XIXe siècle qui devint la maîtresse de Napoléon III en 1856-1857 ; • Mlle Sauvez, une Picarde, avec qui il eut une relation durant son emprisonnement à Ham ; • Valentine Haussmann (1843), fille du « baron » Haussmann, dont Jules Hadot (1865-1937) ; • (plausible) Léocadie Boguslawa Zalewska, épouse Ernest Feydeau, dont Georges Feydeau (1862-1921). Ce dernier passe parfois pour le fils naturel du duc de Morny. Caricatures Le père Duchêne Illustré n°8 le 27 Floréal 79 / 17 mai 1871 Napoléon III était surnommé par ses opposants L'homme du 2 décembre, Napoléon le Petit ou encore Naboléon (Victor Hugo), Boustrapa (de ses trois coups d’État : BOUlogne, STRAsbourg et PAris) ou encore Badinguet (du nom du peintre sous le déguisement duquel il s'échappa de la forteresse de Ham où il était détenu). Durant son règne Napoléon III fut beaucoup caricaturé. Ci-contre, Napoléon III en chauve-souris soupesant Thiers et la République. Allusion à la position de Napoléon III au moment de la Commune de Paris. Napoléon : De gouverner, toujours avide, Voilà mon plan : - Il est splendide !Je les fais battre tous les deux, J'attends qu'ils se mangent entr'eux Et quand la mort a fait le vide Je rentre à Paris…, si je PEUX ! Devant ce plan lâche et stupide Chacun de nous, avec esprit, À ce monstre chauve… sourit ! Notes et références 1. ↑ Napoléon le petit,Victor Hugo, ed. Jeffs, 1862 Le Second Empire 12 2. ↑ Louis-napoleon et mademoiselle de Montijo, Arthur Leon Imbert de Saint-Amand, ed.Adamant Media Corporation 3. ↑ Une épidémie de rougeole sévissait alors, et beaucoup de soldats, déjà affaiblis par leurs blessures, succombèrent à la fièvre. 4. ↑ Histoire politique, anecdotique et populaire de Napoléon III, P. L. Jacob, ed.Dufour, Mulat et Boulanger, 1853 5. ↑ Dans le livre Napoléon III (1969) de l'historien Georges Roux. Voir Edouard Boeglin, « Napoléon III, citoyen suisse » [archive], journal L'Alsace. 6. ↑ Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2002, pp. 770-772, (ISBN 2-21359222-7) 7. ↑ cité par Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2002, p. 817 8. ↑ Personnage pour le moins douteux, fils adoptif du non moins douteux marquis de Sémonville, Charles-Tristan de Montholon est un agent double que le gouvernement français a employé, à Londres, pour surveiller le prince Louis-Napoléon. Mais Montholon a trompé Thiers en lui faisant croire que l'opération aurait lieu à Metz. 9. ↑ L'opinion publique se passionne bien davantage pour le procès, devant la cour d'assises de Tulle, de Mme Lafarge, accusée d'avoir empoisonné son mari, et condamnée aux travaux forcés à perpétuité le 19 septembre. 10. ↑ cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 818 11. ↑ Sur 312 pairs, 160 s'abstiennent et 152 votent l'emprisonnement perpétuel. « On ne tue pas les fous, soit ! mais on les enferme », affirme Le Journal des débats (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 818) 12. ↑ Alain Decaux et André Castelot (dir.), Dictionnaire d'histoire de France, Librairie Académique Perrin, 1981, p. 702-703 13. ↑ Alain Decaux et André Castelot (dir.), Dictionnaire d'histoire de France, Librairie académique Perrin, 1981, p. 279 14. ↑ Sudhir Hazareesing, «LA SAINT-NAPOLÉON, Quand le 14 Juillet se fêtait le 15 Août », traduit de l’anglais par Guillaume Villeneuve, 294 p. Édictions Paris Tallandier, 2007 (ISBN 978-2-84734-2) 15. ↑ Voir François Roth, « 1870 : l'année maudite » [archive], Historia', numéro spécial n°37 de septembre/octobre 1995 16. ↑ Voir Antonin Debidour, Histoire diplomatique de l'Europe depuis l'ouverture du Congrès de Vienne jusqu'à la clôture du Congrès de Berlin (1814-1878), tome II: « depuis l'ouverture du Congrès de Vienne jusqu'à la clôture du Congrès de Berlin (1814-1878) », F. Alcan, 1891, p. 381, Aimé Dupuy, 1870-1871, La guerre, la Commune et la presse, A. Colin, 1959, 253 pages, p. 29, ou Jean Sagnes, Napoléon III: le parcours d'un saint-simonien, Éditions Singulières, 2008, 607 pages, p. 270 (ISBN 2354780168). 17. ↑ En particulier Philippe Séguin, Louis Napoléon le Grand, Paris, Grasset, 1990. 18. ↑ « Sarkozy, Napoléon III, même combat ? » [archive], entretien avec Pierre Milza, auteur d'un Napoléon III (Perrin, 2004 (ISBN 2262016356),706 pages)), Le Monde, 16 novembre 2008. 19. ↑ Fabien Cardoni, «Pierre Milza, Napoléon III, Paris, Éditions Perrin, 2004, 706 p.» [archive], Revue d'histoire du XIXe siècle, 2004-29: « Varia ». 20. ↑ André Larané, « Napoléon III: Une réhabilitation méritée » [archive], Herodote.net Bibliographie Témoignages de l'époque : • Victor Duruy, Notes et souvenirs, 3 tomes, coll. « Sources de l’histoire de France », Éditions Paleo, 2005. • Victor Hugo : Le Second Empire 13 o Histoire d'un crime, écrit en 1852, publié en 1877. Le récit du coup d'État du 2 décembre par l'écrivain et élu de la République (témoignage à charge ; contient un certain nombre d'éléments historiquement faux). o Napoléon le Petit, 1852 (même remarque que pour le précédent ouvrage). • Émile Zola, Son Excellence Eugène Rougon, publié en 1876. À travers le récit de la carrière politique d'Eugène Rougon (inspiré de celle d'Eugène Rouher), Zola met en scène divers personnages de l'entourage de Napoléon III, dont l'ombre plane sur toute l'intrigue du roman. Zola y déconstruit le système politique du Second Empire. • Emile Ollivier, L’Empire libéral, Études, récits, souvenirs, 18 tomes, Garnier, 1895-1916. • Comte Horace de Viel-Castel, Mémoires sur le règne de Napoléon III, 1851-1864, coll. « Bouquins », Robert Laffont, 2005. • Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, écrit en 1852, révisé en 1869. Études : • Alain Gouttman, La guerre de Crimée (1853-1856): Une croisade moderne, revue Napoléon III no, 1, mars 2008 • Éric Anceau, Napoléon III, un Saint-Simon à cheval, Tallandier, 2008. • Jean Garrigues, La France de 1848 à 1870, Cursus, Armand Colin, rééd 2000. • Louis Girard, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986. • André Castelot, Napoléon Trois, 2 tomes (* Des prisons au pouvoir ; ** ou l’Aube des temps modernes), Perrin, 1973-1974 – nouvelle édition, Napoléon III, l’aube des Temps modernes, Perrin, 1999. • Alain Carteret, Napoléon III bienfaiteur, Éd. Montmarie, 2003. • Adrien Dansette, Louis-Napoléon à la conquête du pouvoir, Hachette, 1961. • Maurice Joly, Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. Analyse de la politique de Napoléon III. • Thierry Lentz, Napoléon III, coll. "Que sais-je ?", Presses Universitaires de France, 1995. • Pierre Milza, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004. • Alain Plessis, De la fête Impériale au Mur des Fédérés, Points-Seuil, coll. Nouvelle Histoire de la France Contemporaine. • Georges Roux, Napoléon III, Paris, Flammarion, 1969. • Jean Sagnes, Les Racines du socialisme de Louis-Napoléon Bonaparte, Éditions Privat, 2006. • Jean Sagnes, Napoléon III, le parcours d'un saint-simonien, Éditions Singulières, 2008. • Philippe Séguin, Louis Napoléon le Grand, Grasset, 1990, rééd., Librairie générale française ("Le Livre de Poche"), 1996 (l'auteur est historien de formation mais non de profession ; son livre a cependant, en son temps, marqué le début d'un intérêt nouveau des historiens pour le sujet). • William H.C Smith, Napoléon III, Hachette, 1982. • Jean Tulard, Le Paris de l'Empereur (1853-1870): Les réalisations de Haussmann, revue Napoléon III, no.2, juin 2008 • Theodore Zeldin, The Political System of Napoleon III, Macmillan & Co. Ltd / St Martin’s Press, 1958 (ouvrage pionnier, non traduit en français). • « Faut-il réhabiliter Napoléon III ? », Dossier de la revue L’Histoire, n° 211, juin 1997. • André Maurois, Miss Howard, La femme qui fit un empereur • Jean-Pierre Dufreigne, Napoléon III, roman en deux tomes (* Un si charmant jeune homme... et **Un empereur qui rêvait…), Plon, 2007. Le Second Empire • Alain Carteret, Napoléon III : Actes et paroles, La Table Ronde, 2008 (ISBN 978-2710330363) • Lucian Boia, Napoléon III, le mal aimé, Les Belles Lettres, 2008 (ISBN 978-2-251-44340-9) 14 Liens internes • • • • • • • • • • • • • Napoléon III (timbre) Saint-simonisme Virginia Oldoini, comtesse de Castiglione (1837-1899) maîtresse de Napoléon III de 1856 à 1857 Pierre Rayer Exposition universelle de 1867 Châtellerault où il inaugura la gare Napoléon III, dernier souverain de France site consacré au Second Empire La France épanouie de Napoléon III Transformations exceptionnelles de la France du Second Empire Amis du Patrimoine Napoléonien Napoléon le Petit par Victor Hugo Amis de Napoléon III, avec bibliographie Qui est le vrai père de Napoléon III ? Tentative de réponse II. LE SECOND EMPIRE Empire, second, régime politique de la France du 2 décembre 1852 au 4 septembre 1870. Le second Empire fit longtemps l'objet d'un dénigrement général. Ce dénigrement avait de remarquables formulations littéraires — du Victor Hugo des Châtiments à la série des Rougon-Macquart d'Émile Zola. Il avait aussi des appuis politiques, celui des milieux républicains qui s'imposèrent dans la ruine du second Empire, lequel était la trahison à leurs yeux d'une République et celui des monarchistes pour lesquels Napoléon III faisait figure d'usurpateur supplémentaire. Une relecture plus sereine de cette période commença après la Seconde Guerre mondiale et surtout au moment de l'avènement de la Ve République, dans la mesure où le gaullisme s'apparentait par certains aspects au bonapartisme du second Empire. Cette relecture s'appuyait aussi sur la mise en évidence du décollage de l'économie française durant la période ; elle s'appuyait aussi sur le constat d'une évolution politique qui transforma un Empire au départ très autoritaire en un Empire assez libéral. 1 Les institutions Comme le premier Empire, le second fut l'œuvre d'un homme et d'un coup d'État. Les institutions furent donc d'emblée marquées par la puissance accordée au pouvoir exécutif et à ses moyens de contrôle — la police, l'armée, l'administration. Il fut aussi marqué par la faveur accordée dans le texte constitutionnel à l'Église catholique qui avait manifesté dans l'enthousiasme son soutien au régime né du coup d'État de 1851. La marche vers l'Empire se fit dans le cadre de la Constitution du 14 janvier 1852. Le passage à l'Empire fut décidé par le sénatus-consulte du 7 novembre, ratifié par plébiscite les 20 et 21 novembre et proclamé solennellement le 2 décembre 1852. La Constitution donnait au président de la République la totalité des pouvoirs politiques. Il était assisté d'un gouvernement, d'un Conseil d'État auquel les ministres pouvaient appartenir et qu'il présidait, d'un Corps législatif élu « par la population » (formule vague qui permettait éventuellement de restreindre le suffrage universel), à raison d'un député pour 35 000 électeurs, d'un Sénat dont les membres, nommés à vie, étaient de droit les dignitaires de l'armée et de l'Église, et, parmi eux, ceux que le président nommait dans la limite de 150. L'initiative des lois revenait au seul président, le Corps législatif s'en tenant à leur discussion et à leur vote sans droit d'amendement. Le Sénat en vérifiait la constitutionnalité et, éventuellement, pouvait proposer des ajouts et des modifications à la Constitution par sénatus-consulte ; dans tous les cas, l'initiative devait en être approuvée par le président et celui-ci seul apportait ou refusait sa sanction aux textes adoptés. Le Conseil d'État était chargé de la rédaction des projets de loi. D'autres textes adoptés jusqu'en 1856 renforçaient encore la puissance de l'empereur, le sénatus-consulte du 7 novembre et le décret impérial du 12 décembre 1852 entérinant le passage à l'Empire. Le régime ainsi constitué se plaçait sous deux patronages : celui, longuement évoqué dans la proclamation du 14 janvier 1852, du Consulat et de l'Empire (« J'ai pris comme modèle les institutions qui, au lieu de disparaître au premier souffle des agitations populaires, n'ont été renversées que par l'Europe entière Le Second Empire 15 coalisée contre nous ») ; celui, rappelé sommairement mais nettement dans l'article I, des « grands principes proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public français ». Le personnage qui s'attribuait ainsi la puissance publique était le neveu de Napoléon Ier par Jérôme et Hortense de Beauharnais ; il était, depuis 1832, l'héritier par primogéniture masculine de la dignité impériale. Si sa jeunesse avait été marquée par son engagement dans la Charbonnerie et un certain militantisme social (publication de l'Extinction du paupérisme, en 1843) qui l'avaient rapproché des saint-simoniens (voir SaintSimon, Claude Henri de Rouvroy, comte de) et conduit en prison au fort de Ham, sa rentrée en politique d'abord discrète puis tonitruante aux élections de décembre 1848 s'était faite sur la base d'un conservatisme flou dans lequel chacun pouvait retrouver ses aspirations. Malgré le mépris dont l'enveloppa la majeure partie de la classe politique en place (« C'est un crétin », aurait dit Adolphe Thiers), il sut progressivement placer ses familiers aux postes les plus importants — duc de Morny, Eugène Rouher, duc de Persigny, Achille Fould et, bientôt, le baron Haussmann. Ce groupe venait des cercles saint-simoniens ou de son entourage familial direct. L'empereur conserva toujours une autorité certaine sur ses alliés et sut, par l'intermédiaire de pensions qui dépendaient de sa seule libéralité pour celles accordées aux membres du Conseil d'État et aux sénateurs, par l'intermédiaire de fonctions d'autorité judicieusement attribuées, en particulier celles de préfets, élargir sa clientèle rapidement. Héritier de Napoléon, il fut toujours sensible à sa popularité. Alors que les résultats électoraux aux législatives et lors des plébiscites avaient progressivement régressé, celui du 8 mai 1870 instituant l'Empire libéral où le « oui » l'emporta à plus de 69 p. 100 lui fit s'écrier : « J'ai retrouvé mon chiffre ! » Le résultat était effectivement excellent, d'autant qu'il ne reposait plus sur les directives sévères imposées aux électeurs par l'administration préfectorale. Le régime pratiquait en effet la « candidature officielle », dont la propagande se faisait par voie d'affiches blanches financées par l'État, pour les législatives. Les opposants, sévèrement censurés, ne disposaient pratiquement d'aucune presse (décret du 17 février 1852) et voyaient leurs possibilités de réunions publiques limitées à moins de 20 personnes (décret du 25 mars 1852). 2. L’empire autoritaire Dans ce cadre constitutionnel, les premières années de l'Empire furent celles de « l'Empire autoritaire ». La plupart des opposants républicains étaient en exil, tels Hugo à Jersey, qui faisait parvenir sous le manteau en France son Napoléon le Petit, ou Louis Blanc. Le Corps législatif, sans pouvoir ni possibilité de divulguer autre chose de ses débats que le procès-verbal visé par l'empereur, pouvait tout de même être, comme le Tribunat du premier Empire, un espace de débat réel : Napoléon III désigna le fidèle Morny, son demi-frère, comme président. La population, dont les manifestations d'opposition furent rares et surveillées jusqu'à la manie (tel commissaire du Cambrésis dénonçant en 1853 le mauvais esprit d'un industriel qui avait utilisé une peinture peu onéreuse pour ses huisseries parce que cette peinture était rouge) fut soumise à une propagande qui, outre les journaux impériaux publiés dans tous les départements, utilisait les placards, les brochures que rédigeaient des rédacteurs souvent issus des milieux révolutionnaires de 1848. On célébrait le retour à l'Ordre, la fin du règne des politiciens bavards, le mariage d'amour de l'empereur avec Eugénie de Montijo (29-30 janvier 1853). Les rares sociétés ouvrières furent très vite démantelées (la Marianne ou la Cocotte), alors que le couple impérial rencontrait les canuts (ouvriers de l'industrie de la soie à Lyon). Seul le conflit des ardoisiers en 1855 eut quelque importance. Les paysans, les couches moyennes, satisfaites de la prospérité et de l'ordre, étaient favorables au régime. L'Église, qui avait soutenu le coup d'État, fut choyée à l'origine par l'Empire. Mais celui-ci, très vite, affirma une conception gallicane qui divisa les clercs (voir gallicanisme) ; les ultramontains favorables au pape s'exprimaient dans l'Univers de Louis Veuillot, que Napoléon fit censurer à plusieurs reprises. Par ailleurs, un catholicisme libéral, favorable à des réformes, était défendu par le comte de Montalembert ou Mgr Dupanloup, dans des cercles bien étroits comme l'Académie française où il s'exprimait — tout comme les oppositions légitimiste et orléaniste — par de fines et obscures allusions à Tacite. Des tensions liées à l'expression, dans la presse autorisée, d'un certain anticléricalisme (le Siècle) se révélèrent quand le gouvernement prit la défense du vieux chansonnier Pierre Jean de Béranger contre les attaques fulminantes de Veuillot. La politique extérieure de cette première période fut faite de choix relativement heureux. La guerre de Crimée (mars 1854-janvier 1856), marquée par le long siège de Sébastopol permit à la France, alliée au Royaume-Uni, de renouer avec la victoire contre la Russie. Isoler cette dernière en obtenant la neutralité des Prussiens et des Autrichiens pour pouvoir prendre la défense de l'Empire ottoman et garantir ainsi la liberté du passage dans les détroits, c'était en même temps se donner la possibilité de revenir sur les traités du congrès de Vienne. De février à avril 1856, le congrès de Paris fut un triomphe diplomatique en même temps qu'une réorientation politique et diplomatique majeure : plutôt que vers l'Autriche, Napoléon se tourna vers la GrandeBretagne libérale et vers le Piémont dont le ministre Cavour était le porte-drapeau des ambitions nationales du Risorgimento, ambitions qu'il exprima lors de la séance de clôture du congrès (8 avril 1856). Entre-temps, la Le Second Empire 16 naissance en mars 1855 du prince impérial, l'ouverture de l'Exposition universelle la même année, avaient encore renforcé le prestige de la France. La croissance économique importante, en particulier par l'intermédiaire de la réalisation accélérée du réseau ferroviaire, la prospérité agricole avec une augmentation de la surface utile, de la productivité et des opérations spectaculaires d'aménagement comme la plantation de la forêt landaise, une politique sociale favorisant les sociétés coopératives et de secours mutuel, la constitution d'établissements dont le succès semblait irrésistible comme le Crédit mobilier des frères Pereire et la faveur accordée aux rentiers et aux boursiers, tout cela donna à Napoléon III le désir de conforter sa légitimité en avançant les élections du Corps législatif, lesquelles eurent lieu en juin 1857. Or il y eut, outre 90 p. 100 des suffrages exprimés en faveur des candidats officiels, 35 p. 100 d'abstention, ce qui était beaucoup, et surtout des élus républicains à Lyon et à Paris ; après les élections complémentaires d'avril 1858, sept députés républicains siégèrent au Corps législatif, dont Jules Favre et Émile Ollivier. L'empereur fut tenté de supprimer le suffrage universel. De plus, le 14 janvier 1858, il échappa à l'attentat d'Orsini. Une répression très dure fut mise en place par le général Espinasse (loi de sûreté générale de février). Plus de 400 républicains furent arrêtés et condamnés alors qu'il était établi qu'Orsini, défendu par Jules Favre, avait agi seul. Napoléon III, poussé par son gouvernement, refusa la grâce et Orsini fut exécuté le 13 mars. L'attentat d'Orsini fut l'un des éléments par lesquels Napoléon III prépara l'intervention en Italie ; la brochure anonyme (rédigée par La Guéronnière) l'Empereur Napoléon et l'Italie, l'alliance franco-sarde, l'entrevue de Napoléon III et Cavour à Plombières (juillet 1858) attisèrent les tensions avec l'Autriche qui attaqua le Piémont le 29 avril 1859. Le 3 mai, la France déclara la guerre à l'Autriche et Napoléon, à la tête de ses troupes, arriva en Italie en juin. Le 4 juin, la victoire réelle de Magenta puis, le 24, la bataille plus confuse de Solférino constituèrent l'essentiel de cette brève campagne d'Italie, que l'empereur interrompit pour ouvrir les pourparlers à Villafranca. Le traité final fut signé à Zurich le 10 novembre, autorisant le Piémont à annexer la seule Lombardie. La crainte d'une mobilisation des troupes prussiennes et le constat des insuffisances de l'armée française expliquaient en partie l'ouverture précipitée des négociations par l'empereur. Celui-ci, cependant, laissait les mains libres au Piémont pour envahir la Romagne pontificale (mars 1860) ; en échange, la Savoie et Nice purent choisir leur rattachement à la France. Le fossé s'élargissait entre le régime et les catholiques ultramontains alors que l'empereur se rapprochait doucement des républicains et surtout des libéraux. De plus, dans le même temps, l'Empire réalisait une véritable révolution douanière en signant avec le Royaume-Uni un traité de commerce prohibant les taxes sur les matières premières et les limitant sur les produits manufacturés. Ce traité fut conclu le 23 janvier 1860. Il avait été préparé dans le plus grand secret par Napoléon III et ses conseillers marqués par la pensée saint-simonienne : Fould, Michel Chevalier, Rouher ; le théoricien britannique Richard Cobden fut l'interlocuteur des Français. Suivi par d'autres traités avec la Prusse, puis avec la plupart des pays européens, ce « coup d'État douanier » rompait avec la longue tradition française de protectionnisme mercantiliste, tradition dont Napoléon Ier lui-même s'était fait le défenseur. La plupart des choix économiques de l'empereur procédèrent de cet esprit libéral : en témoignèrent l'appel à l'investissement volontaire par l'emprunt public (novembre 1854), loi sur la propriété industrielle favorisant les créations collectives (mai 1855), assouplissement concernant la législation commerciale (juillet 1856), appui au projet du canal de Suez commencé en avril 1859, garantie d'État sur les obligations des chemins de fer (juin 1859). Les entreprises se multiplièrent, industrielles et financières comme la Société générale créée en décembre 1859. En même temps coexistaient curieusement une sorte de folie de la « fête impériale » dont Morny était l'un des plus ardents acteurs, folie de dépenses et parfois de débauches qui permettaient l'épanouissement du talent d'un Jacques Offenbach ou d'un Eugène Labiche, et les rigueurs de la justice qui s'abattaient sur Madame Bovary que le juge condamnait comme « roman lascif » (sic !), ou sur les Fleurs du mal. Le second Empire, même s'il les condamna, fut donc pour Flaubert et Baudelaire une période de création littéraire importante, poésie et littérature bénéficiant, comme tous les domaines artistiques, des retombées de la prospérité. La bourgeoisie triomphante investissait dans les salons de peinture, les théâtres, les opéras et permettait, en marge de l'art pompier ou du style Napoléon III, un bouillonnement intellectuel remarquable. 3. L’empire libéral Les progrès économiques qui donnèrent aux groupes de pression libéraux une influence plus forte ; les heurts de plus en plus fréquents avec la droite légitimiste et ultramontaine ; la permanence probable chez l'empereur d'une certaine conception sociale ; la reconnaissance d'une implantation républicaine décidément irrépressible, à la fois dans les plus grandes villes (Paris, Lyon, Lille) et dans les « campagnes rouges » du Centre et du Sud : tout cela poussa l'empereur à progressivement atténuer le caractère autoritaire du régime. Le Second Empire 17 Le passage à l'Empire libéral se manifesta par une série continue de mesures politiques, sociales et institutionnelles : ainsi furent adoptés le décret d'amnistie pour les proscrits de 1851 (15 août 1859) ; le décret accordant au Corps législatif le droit d'adresse (24 novembre 1860) ; un élargissement de la publicité des débats au Corps législatif (2 février 1861) ; l'autorisation accordée à Henri Louis Tolain de diriger une délégation ouvrière française à l'exposition de Londres (juillet-octobre 1862) ; la loi sur les coalitions autorisant le droit de grève (25 mai 1864) ; le droit d'amendement accordé par sénatus-consulte au Corps législatif, ainsi qu'une indemnité accordée aux députés (18 juillet 1866) ; l'accroissement des pouvoirs du Sénat (14 mars 1867) ; la libéralisation du régime de la presse (11 mai 1868) ; l'abrogation par sénatus-consulte des dispositions qui réduisaient le Corps législatif à une simple Chambre d'enregistrement (8 septembre 1869) ; et, surtout, le sénatus-consulte du 21 mai 1870 « fixant la Constitution de l'Empire », fondé sur le plébiscite du 8 mai 1870 approuvant par 7,3 millions de « oui » contre 1,5 million de « non » les réformes libérales. Ces mesures successives furent plus des concessions ou des réactions défensives que des initiatives. Ainsi, l'interdiction de l'Univers de Veuillot fit-elle suite, après la défaite des « zouaves pontificaux » de Lamoricière face aux troupes piémontaises, à une virulente campagne des ultramontains contre la politique italienne de l'empereur qui s'exprima jusqu'au Corps législatif et au Sénat, où cette politique ne recueillit que 60 p. 100 des votes des sénateurs. Des rapprochements d'opposition avaient lieu entre les ultramontains et les libéraux orléanistes (Victor Cousin, Thiers, Guizot), souvent protestants, que l'on retrouvait parmi les défenseurs de la société de Saint-Vincent-de-Paul interdite par le duc de Persigny, ministre de l'Intérieur. Les progrès des oppositions se manifestèrent clairement aux législatives de 1863 : les abstentions de 1857 se convertirent en votes pour les candidats opposants. À Paris, les républicains remportèrent les 9 sièges mis en jeu. Au total, 17 républicains furent élus, ainsi que 15 « indépendants » ; les candidats officiels n'avaient souvent dû leur élection qu'au ralliement antirépublicain des monarchistes. Alors que Persigny avait de nouveau déployé une propagande intensive et exercé une pression scandaleuse sur les électeurs (dénoncée par le jeune Jules Ferry), le résultat, sans être catastrophique, laissait une marge d'action importante aux opposants à l'Empire. Dans l'entourage impérial, Morny poussait vers les réformes et obtint le ralliement d'Émile Ollivier, choisi comme rapporteur de la loi sur les coalitions en 1864, mais sa mort laissa Rouher, conservateur soucieux de préserver le soutien des classes aisées, principal conseiller de Napoléon III. Celui-ci, à partir de 1865, réorienta clairement ses choix constitutionnels dans le sens libéral, hostiles au mouvement ouvrier qui, entre 1862 et 1864, avait été courtisé mais qui utilisait effectivement, au grand dam des industriels, le droit de coalition qu'on lui avait accordé. Le gouvernement apporta aux patrons le soutien de la troupe, qui tira à plusieurs reprises sur les grévistes, faisant 14 morts parmi les grévistes à la Ricamarie en 1869. L'économie avait continué à faire l'objet d'une législation intensive ; les lois sur la reconnaissance de la valeur du chèque, sur les sociétés anonymes en furent des résultats durables. La fondation du Crédit Lyonnais, des magasins du Printemps, du Bon Marché, de la Samaritaine, de Lip, l'ouverture du canal de Suez à l'occasion de laquelle Verdi composa Aïda, la mise au point de l'hydroélectricité, du Celluloïd ou des engrais potassés traduisent le dynamisme maintenu des entrepreneurs français. La période fut surtout marquée par l'haussmannisation de Paris, en premier lieu, puis de la plupart des grandes villes françaises ; grands et larges axes reliant les gares, places circulaires, bâti homogène d'immeubles à sept étages et toiture en zinc le long des boulevards, édification d'espaces de loisirs (jardins publics comme les Buttes-Chaumont à Paris, théâtres, opéras) : tout cela prolongeait l'impression de prospérité impériale. Non sans incertitudes : étonnée par les maquettes de l'Opéra de Paris, l'impératrice Eugénie se serait récriée : « Cela n'a pas de style ! », et l'architecte Charles Garnier lui aurait répondu : « Si, votre altesse : c'est du Napoléon III. » La peinture officielle et académique (« pompier ») d'un Jean-Louis Ernest Meissonnier ne parvenait plus à cacher que la vraie nouveauté était exposée chaque année au salon des Refusés où le Déjeuner sur l'herbe de Manet fit scandale en 1863. Les indices de crises surtout se multipliaient. Faillites retentissantes comme celle du Crédit mobilier des Pereire ; crise de production comme en 1867-1868 ; multiplication des mouvements sociaux, des associations syndicales clandestines : le régime s'avérait incapable de maintenir la prospérité, l'ordre public et l'autorité des élites sociales. Le prince Jérôme Napoléon (« Plon-Plon ») pérorait sur les réformes nécessaires et accomplissait avec l'aval du baron Haussmann des opérations immobilières suspectes (arcades de la rue de Rivoli) ; Jules Ferry put publier, en 1867, malgré tout, une brochure qui fit mouche. Intitulée les Comptes fantastiques d'Haussmann en référence à l'opérette d'Offenbach, elle montrait comment l'opération gigantesque de transformation de la capitale se faisait au prix d'un endettement, de prévarications, de pots-de-vin multiples. L'évolution vers l'Empire libéral ne fut donc pas vraiment une évolution vers la gauche révolutionnaire ; Émile Ollivier, incarnation de la modification de l'Empire, était de fait très hostile aux socialistes et aux républicains les plus radicaux. Cette évolution fut encore accélérée par les échecs de la France en matière de politique étrangère. Le Second Empire 18 L'affaire mexicaine, commencée en 1861, s'acheva en désastre : Maximilien, le candidat français au trône mexicain, fut fusillé par les insurgés (19 juin 1867). L'effondrement de l'Autriche à Sadowa face à la Prusse ôta à la France tout moyen de peser sur les négociations ; les « compensations » qu'elle demandait pour n'être pas intervenue dans le conflit lui furent refusées. Ce rôle, elle l'avait déjà réclamé en vain au sujet de la guerre de Sécession américaine et dans l'affaire du Schleswig-Holstein qu'annexa la Prusse de Bismarck. L'apogée du congrès de Paris en 1856 était bien oubliée : la France ne pouvait plus peser sur la diplomatie européenne. En matière coloniale toutefois, elle progressait notablement malgré des difficultés sérieuses au Cambodge et à Madagascar. Cela fut insuffisant pour renverser la tendance globale à l'affaiblissement. La Constitution adoptée en 1870 proposait un régime effectivement libéral, bicamériste, avec un rôle législatif et financier important attribué au Corps législatif et un rôle de contrôle effectif donné au Sénat. La volonté libérale de Napoléon III s'était traduite dès le début de l'année par le renvoi du baron Haussmann comme préfet de la Seine et par le choix, comme ministre principal chargé de former le gouvernement, d'Émile Ollivier. Mais, alors que les résultats du plébiscite semblaient garantir l'assise du régime, celui-ci s'effondra dans la guerre contre la Prusse. Celle-ci eut pour cause immédiate la « dépêche d'Ems », une opération sans doute soigneusement combinée par les services secrets allemands : Bismarck annonçait à la presse que l'ambassadeur français, venu demander à Guillaume Ier la promesse de ne plus tenter d'installer la dynastie Hohenzollern sur le trône d'Espagne, avait été reçu de façon humiliante par l'empereur allemand. Le 19 juillet, la France déclarait la guerre à la Prusse. Très vite, les défaites s'accumulèrent en Alsace et dans les Ardennes (l'armée française était inférieure en nombre, en armement et surtout en préparation). Napoléon III, qui avait personnellement pris le commandement de ses troupes, se fit enfermer avec son armée à Sedan où il dut capituler le 2 septembre (voir franco-allemande, guerre (1870-1871)). Dès la nouvelle parvenue à Paris, un gouvernement provisoire de la République était mis en place : le second Empire était mort. Ce régime avait fait entrer la France dans l'ère du capitalisme industriel et financier. Le pays avait retrouvé un lustre international que les monarchies précédentes avaient considérablement affaibli, mais qui allait survivre à l'Empire. Les structures sociales avaient été modifiées, tout comme les possibilités de déplacement et la conscience politique de la nation. Régime desservi par l'ère de l'argent-roi, par les successions répressives, par les erreurs diplomatiques de la seconde période, le second Empire sut pourtant donner à la France les bases de sa révolution économique et social tout en confirmant, conformément au projet initial, les acquis de la révolution de 1789 et de celle de 1848.