napoleon iii et le second empire

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napoleon iii et le second empire
NAPOLEON III ET LE SECOND EMPIRE
Article d’après MSN-ENCARTA
1851 2 décembre Au petit matin, le président de la
République Louis-Napoléon Bonaparte (élu en
décembre 1848) organise un Coup d'Etat dans le
but de restaurer l'empire. Les murs de Paris sont
placardés d'affiches annonçant la dissolution de
l'Assemblée et du Conseil. Les nouvelles
dispositions prises par le prince-président,
prévoient aussi de consulter le peuple par voie de
référendum sur l'instauration d'une nouvelle
Constitution. Le neveu de Napoléon Ier choisit
d'agir le 2 décembre en souvenir du sacre de son
oncle et de sa grandeur militaire le jour de la
bataille. Tout comme son aïeul il deviendra
empereur sous le nom de Napoléon III, le 2
décembre 1852
1851 4 décembre Deux jours après son Coup d'Etat, le
président Louis-Napoléon Bonaparte organise une
sanglante répression contre les insurgés (en
majorité des ouvriers) s'opposant à sa prise de
pouvoir. Les barricades qui se sont élevées depuis
la veille sur les boulevarda parisiens sont prises
d'assaut par l'armée. Les fusillades font environ 400
morts. En deux jours, la police du prince-président
procède à plus de 25 000 arrestations. En province,
32 départements sont mis en état de siège, mais la
résistance des paysans sera elle aussi écrasée dans
le sang.
1852 17 février Le président de la République LouisNapoléon Bonaparte établit un ensemble de
mesures préventives et de sanctions visant à
museler la presse. Par décret, il est interdit aux
journaux de rendre compte des débats
parlementaires et des procès autrement qu'en
reproduisant les procès-verbaux officiels. La
censure des images est rétablie. Les journaux ne
respectant pas ce décret pourront être suspendus
après un avertissement et définitivement supprimés
s'ils récidivent. Entre mars 1852 et juin 1853, 91
avertissements seront délivrés par le ministre de la
Police, Maupas.
1852 21 novembre Le Sénat convoque les Français aux
urnes en organisant un plébiscite sur le
rétablissement de l'Empire. Le "oui" l'emporte très
majoritairement, mais près de 2 millions d'électeurs
se sont abstenus. Le Second Empire sera
officiellement proclamé le 2 décembre. LouisNapoléon Bonaparte deviendra le nouveau
souverain des Français sous le nom de Napoléon III.
1853 29 janvier Eperdument amoureux depuis plusieurs
mois, Napoléon III épouse la jeune espagnole
Eugenia Maria de Montijo de Guzman, comtesse de
Teba. Le mariage est célébré à Notre-Dame de Paris.
Les festivités dureront deux jours. Le 16 mars 1856,
l'impératrice Eugénie donnera naissance à son unique
enfant, le prince impérial Napoléon-Louis.
1858 14 janvier L'empereur Napoléon III et l'impératrice
Eugénie échappent de peu à un attentat à la bombe
perpétré par le révolutionnaire italien Felice Orsini.
L'explosion cause la mort de 8 personnes et fait 150
blessés. Orsini, partisan de la réunification italienne,
reprochait à l'empereur d'entraver l'unification de son
pays. Il sera condamné à mort et guillotiné le 13
mars.
1858 19 février La loi de sûreté générale est adoptée par
l'Assemblée à 227 voix contre 24. Napoléon III, qui
a été victime d'un attentat le 14 janvier, entend grâce
à cette loi interner ou expulser toute personne ayant
déjà subi des condamnations politiques. A partir du
24, des "suspects" seront arrêtés dans toute la France.
Présentés à des commissions départementales, une
centaine d'entre eux sera déportée en Algérie.
1859 3 mai A la suite de l'alliance conclue entre la France
et la Sardaigne pour la formation de l'unité italienne,
les forces franco-sardes, d'une part, et les troupes
autrichiennes, de l'autre, entrent en guerre. Napoléon
III, redoutant une intervention de la Prusse et suivant
les conseils de modération de la Russie, mettra fin à
la campagne en signant avec l'empereur d'Autriche
François-Joseph l'armistice de Villafranca (Italie) en
juillet 1859. Nice et la Savoie seront rattachés à la
France.
1873 9 janvier L'ex-empereur des Français meurt dans sa
résidence de Camdem Place, dans le comté de Kent
en Angleterre, où il vivait en exil depuis le désastre
de 1870. Atteint de la maladie de la pierre, l'exNapoléon III était fortement handicapé. Deux
interventions chirurgicales survenues le 2 et le 7
janvier avaient considérablement affecté son état
général. Le neveu de Napoléon Ier et dernier
souverain de France s'éteint quelques minutes avant
que son chirurgien, le Docteur Thompson, ne tente
une dernière opération. Il est 10h45.
Le Second Empire
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I. NAPOLEON III 1
Charles Louis Napoléon Bonaparte, prince français à sa naissance, dit Louis-Napoléon Bonaparte
(conformément à l'usage du Premier Empire, repris sous le Second, son nom patronymique était Napoléon et non
Bonaparte) (20 avril 1808 - 9 janvier 1873), est le premier président de la République française, élu le
10 décembre 1848 avec 74 % des voix au suffrage universel
masculin, ainsi que le troisième empereur des Français (18521870) sous le nom de Napoléon III. Il est donc à la fois le premier
président de la République française et le dernier empereur
français.
Issu de la maison Bonaparte, il est le neveu de Napoléon Ier, il est
le troisième fils de Louis Bonaparte, roi de Hollande, et de
Hortense de Beauharnais, fille de l'impératrice Joséphine, donc il
était prince hollandais durant le règne de son père. Il devient l'aîné
des Napoléon après les morts successives de ses frères aînés et du
duc de Reichstadt (Napoléon II) dit « l'Aiglon ».
Ses premières tentatives de coup d'État, mal conçues et sans bases
populaires, échouent; mais la vague révolutionnaire de 1848 le
conduit à prendre les devants en politique.
Le coup d'État du 2 décembre 1851 lui permet ensuite de mener
enfin la restauration impériale à son profit et d'exercer un pouvoir
personnel sans partage, même si le caractère très autoritaire du
Second Empire ne cesse de s'atténuer après 1859 pour faire place
progressivement à « l'empire libéral ».
Le futur Napoléon III fait connaître tôt sa philosophie politique
dans Idées napoléoniennes et dans L'Extinction du Paupérisme
(1844), mélange de romantisme, de libéralisme autoritaire, et de socialisme utopique. Admirateur de la
modernité britannique, son règne est marqué par une œuvre de développement industriel, économique et
financier considérable, notamment par la transformation de Paris par le préfet Haussmann. La fin de son régime
est scellée par sa défaite de 1870 lors de la guerre franco-prussienne.
Longtemps, il est resté l'objet d'une légende noire, due à l'opposition et à l'œuvre hostile de Victor Hugo1, et
beaucoup à la IIIe République, dont les programmes d'histoire était très largement orientés. Napoléon III a été
récemment redécouvert par l' historiographie contemporaine mais reste un sujet hautement controversé.
Jeunesse
Troisième fils de Louis Bonaparte et de Hortense de Beauharnais, le futur empereur voit le jour à Paris
le mercredi 20 avril 1808 à une heure du matin, onze mois après le décès de son frère aîné Napoléon Louis
Charles Bonaparte. Ils sont, avec le roi de Rome, les seuls princes de la famille qui naquirent sous le régime
impérial ; aussi furent-ils les deux seuls qui reçurent à leur naissance les honneurs militaires. Des salves
d'artillerie annoncèrent la naissance du prince Louis Napoléon dans toute la vaste étendue de l'Empire. Son oncle
l'empereur Napoléon étant absent, on ne prénomma l'enfant que le 2 juin suivant2.
La loi du 1er janvier 1816, bannissant tous les Bonaparte du territoire français, contraint la reine
Hortense de Hollande, divorcée, à s'exiler en Suisse où elle achète en 1817 le château d'Arenenberg, dominant le
lac de Constance. Elle s'y installe avec ses deux fils survivants.
Sans soucis d'ordre matériel, Louis-Napoléon est élevé par sa mère en Suisse ou à Rome. Il y rencontre sa grand
mère Laetitia Bonaparte. Bien que se plaignant de n'avoir conservé que peu de souvenirs de son oncle, il l'a
toutefois connu, enfant.
Il est élevé dans culte de Napoléon I et dans la certitude de sa vocation dynastique. Il reçoit à Constance
l'enseignement de nombreux professeurs, en particulier de Philippe Le Bas, fils d'un conventionnel jacobin. Un
ancien officier de son oncle Napoléon Ier, lui enseigne, par ailleurs, l'art de la guerre.
Proche de la charbonnerie, il tente, avec son frère ainé Louis, lors d'un complot à Rome en 1830, de favoriser la
cause de l'unité italienne : ils projettent alors de faire prisonniers les cardinaux, afin de déposséder le Pape de son
pouvoir séculier. Après leur expulsion en Suisse, son frère regagne l'Italie lors du soulèvement des duchés
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D’après Wikipédia
Le Second Empire
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centraux en 1831, durant lequel il trouve la mort3, à Forlì. Hortense ramène son dernier fils, malade4, à Paris, où
elle obtient de Louis Philippe un sauf-conduit vers la Suisse.
Volontaire dans l'armée suisse depuis 1830, Louis-Napoléon accède au grade de capitaine d'artillerie en 1834. Il
obtient la nationalité suisse dans le canton de Thurgovie, en 1832, ce qui fera dire à certains historiens que
Louis-Napoléon Bonaparte aura été « le seul suisse à régner sur la France »5.
Tentative de soulèvement à Strasbourg
Après la mort du duc de Reichstadt le 22 juillet 1832, et dans la mesure où son frère aîné est mort en
1831, Louis-Napoléon se considère comme l'héritier de la couronne impériale, après avoir rencontré son oncle
Joseph Bonaparte. Il organise ses réseaux en France, et prépare sa prise de pouvoir.
Le 30 octobre 1836, le prince Louis-Napoléon Bonaparte, avec une poignée de complices, effectue une
tentative de soulèvement de Strasbourg 6. Il espère soulever la garnison et, ensuite, marcher sur Paris et renverser
la monarchie de Juillet. Son plan est de rassembler sur son passage les troupes et les populations, sur le modèle
du retour de l'île d'Elbe en 1815. Strasbourg, importante place militaire, est aisément accessible depuis
l'Allemagne et, surtout, c'est une ville de gauche et patriote.
Sur place, l'âme du complot est le colonel Vaudrey, qui commande le 4e régiment d'artillerie, dans
lequel Napoléon Bonaparte a servi à Toulon en 1793, et qui s'estime mal traité par la monarchie de Juillet.
L'opération est engagée le 30 octobre 1836 au matin. Elle tourne court presque aussitôt. Le prince et ses
complices sont arrêtés. Le roi Louis et les oncles du jeune prince condamnent aussitôt l'opération. La reine
Hortense écrit à Louis-Philippe pour lui suggérer de laisser son fils quitter la France. Le roi convainc son
gouvernement qui, en dehors de toute procédure légale, fait conduire le prince à Lorient où, muni d'une somme
d'argent, il est embarqué sur L'Andromède le 21 novembre 1836 à destination des États-Unis d'Amérique, où il
sera débarqué le 30 mars 1837.
Pendant ce temps, ses complices sont jugés à Strasbourg devant la cour d'assises, et acquittés par le
jury, sous les acclamations du public, le 18 janvier 1837. Si la tentative a été un échec complet, elle a fait
connaître le prince Louis-Napoléon en France et l'a identifié à la cause bonapartiste.
Retour en Europe
Le prince ne reste pas longtemps aux États-Unis. Il rentre bientôt en Europe et revient s'installer en
Suisse. En juin 1838, l'un des conjurés de Strasbourg, l'ex-lieutenant Armand Laity, lointainement apparenté à la
famille de Beauharnais, publie à 10 000 exemplaires une brochure, sans doute financée par Louis-Napoléon,
intitulée Relation historique des événements du 30 octobre 1836, qui est une apologie du bonapartisme. La
brochure est saisie, Laity est arrêté et jugé devant la Cour des pairs qui le condamne à 5 ans de détention et
10 000 francs d'amende le 11 juillet 1838. À la suite de cet incident, le gouvernement français demande à la
Suisse, au début du mois d'août 1838, l'expulsion du prince Louis-Napoléon et, sûr de l'appui de l'Autriche,
menace la confédération d'une rupture des relations diplomatiques et même d'une guerre, allant jusqu’à
concentrer dans le Jura une armée de 25 000 hommes. Le gouvernement suisse, indigné, invoque la qualité de
bourgeois de Thurgovie du prince. En définitive, celui-ci annonce, le 22 août, son intention de s'installer en
Angleterre. Par une note du 6 octobre, la Diète fédérale helvétique peut donc repousser la demande d'expulsion
du gouvernement français, non sans préciser que le prince Bonaparte va bientôt quitter la Suisse.
Héritant de sa mère en 1839, Louis-Napoléon a les moyens d'imprimer à 500 000 exemplaires une
brochure détaillant son programme politique : Les Idées napoléoniennes, dans laquelle il fait de Napoléon Ier le
précurseur de la liberté. Au début de 1840, son fidèle Fialin lance à son tour ses Lettres de Londres, qui exaltent
ce prince qui « ose seul et sans appui, entreprendre la grande mission de continuer l'œuvre de son oncle »7.
Depuis Londres, le prince prépare une nouvelle tentative de coup d'État. Voulant profiter du
mouvement de ferveur bonapartiste suscité par la décision du cabinet Thiers de ramener de Sainte-Hélène les
cendres de l'empereur, il débarque à Boulogne-sur-Mer, le 6 août 1840, en compagnie de quelques comparses
parmi lesquels un compagnon de Napoléon Ier à Sainte-Hélène, le général de Montholon8, avec l'espoir de rallier
le 42e régiment de ligne. L'opération est un échec total : Louis-Napoléon et ses complices sont arrêtés, écroués
sur ordre du procureur Legagneur et incarcérés au fort de Ham. Leur procès se tient devant la Chambre des pairs
du 28 septembre au 6 octobre, dans une indifférence générale9. Le prince, défendu par le célèbre avocat
légitimiste Berryer, prononce un discours éloquent :
« Je représente devant vous un principe, une cause, une défaite. Le principe, c'est la souveraineté du
peuple, la cause celle de l'Empire, la défaite Waterloo. Le principe, vous l'avez reconnu ; la cause, vous
l'avez servie ; la défaite, vous voulez la venger. […] Représentant d'une cause politique, je ne puis
Le Second Empire
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accepter, comme juge de mes volontés et de mes actes, une juridiction politique. […] Je n'ai pas de
justice à attendre de vous, et je ne veux pas de votre générosité. »10
Il n'en est pas moins condamné à l'emprisonnement à perpétuité11.
À la forteresse de Ham, il écrit De l'extinction du paupérisme (1844), ouvrage influencé par les idées saintsimoniennes et développant un moyen populiste pour accéder au pouvoir : « Aujourd'hui, le règne des castes est
fini, on ne peut gouverner qu'avec les masses ». Le 25 mai 1846, il s'évada de sa prison, avec le concours de
Henri Conneau, après six années de détention en empruntant les vêtements et les papiers d'un peintre qui, selon
certains, s'appelait Badinguet. Il s'établit à Londres avant de revenir pendant la révolution française de 1848 pour
se présenter à de nouvelles élections.
Prince-président
Le 4 juin 1848, il est élu (dans 4 départements) et siège à l'Assemblée en septembre. Il a la chance de ne
pas être compromis dans la répression sanglante des ouvriers parisiens révoltés lors des journées
insurrectionnelles des 22-26 juin. À la suite de la promulgation, le 4 novembre 1848, de la Constitution de la IIe
République, il est candidat à l'élection présidentielle, la première au suffrage universel masculin en France. Il est
élu pour quatre ans le 10 décembre 1848, avec près de 75 % des voix, issues notamment du parti de l'Ordre,
profitant de la division des gauches et de la légende impériale, surtout depuis le retour des cendres de Napoléon
Ier en 184012.
Il prête serment à l'Assemblée constituante le 20 décembre 1848 et s'installe le soir même à l'Élysée.
La Constitution de 1848 limite largement les pouvoirs du Président qui est soumis soit à l'Assemblée
soit au Conseil d'État. La présidence de Louis-Napoléon est ainsi marquée par son opposition à la politique
conservatrice de l'assemblée élue en mai 1849 : envoi à Rome des troupes pour mater une rébellion contre le
pape ; vote de la loi Falloux, favorable à l'enseignement religieux…
Le 31 mai 1850, l'Assemblée vote une loi électorale qui abolit le suffrage universel masculin en
imposant une résidence de trois ans pour les électeurs ce qui élimine 3 millions de personnes du corps électoral
dont des artisans et des ouvriers saisonniers. Le 4 novembre 1851 Louis Napoléon propose à l'Assemblée, sur le
conseil de Morny, l'abrogation de cette loi, proposition qui est rejetée par 355 voix contre 34813.
Au début de l'année 1851, Louis-Napoléon fait pression pour augmenter la durée de son mandat tandis
que l'Assemblée nationale est opposée à tout projet de révision constitutionnelle.
Coup d’État du 2 décembre 1851
Motifs
Depuis qu’il a été élu au suffrage universel avec 74% des voix et avec le soutien du parti de l'Ordre
« Président des Français » en 1848 contre Louis Eugène Cavaignac, Louis-Napoléon Bonaparte est en
confrontation politique perpétuelle avec les députés de l’Assemblée nationale.
Ce « crétin que l’on mènera », selon l’expression d’Adolphe Thiers qui croyait avoir affaire à un
imbécile manipulable quand il l’avait soutenu pour être candidat à la présidence de la république, s’avère
finalement beaucoup plus intelligent et retors. Il parvint à imposer ses propres choix et ne pas être sous le
contrôle de l’Assemblée, redevenue conservatrice après les journées de Juin 1848. Il s’éloigne du parti de
l’Ordre, qui l’a élu, et forme le « ministère des Commis » avec le général Hautpoul à ses ordres, en 1849. Le 3
janvier 1851, il renvoie Changarnier, un opposant, ce qui provoque une crise ouverte avec son parti. Cette même
année, il commence à financer des journaux anti-parlementaires, et forme un groupe de 150 députés acquis à sa
cause, le « parti de l'Élysée ».
La constitution établissant la non-rééligibilité du président condamne Louis-Napoléon à quitter le
pouvoir en décembre 1852. La première moitié de l’année 1851 est passée à proposer des réformes de la
constitution afin qu’il soit rééligible ; Bonaparte organise des tournées en province, des pétitions. Les deux tiers
des conseils généraux se rallient à sa cause, mais les orléanistes de Thiers s’allient à la fraction ouverte de
gauche « Montagne parlementaire » pour le contrer. Cette majorité vote la défiance du ministère des Commis en
janvier 1851. L’Assemblée refuse en bloc la réforme constitutionnelle le 19 juillet 1851, et supprime même le
suffrage universel. Les classes populaires ne se reconnaissent plus dans le régime.
Préparatifs
Le coup d’État est minutieusement préparé à partir du 20 août 1851 à Saint-Cloud. Le complot regroupe
le duc de Persigny, un fidèle de Louis-Napoléon, le duc de Morny, son demi-frère, et le général de Saint-Arnaud.
Le 14 octobre, Louis-Napoléon redemande à l’Assemblée nationale de rétablir le suffrage universel, mais elle
refuse, tout comme (le 13 novembre) sa nouvelle proposition de révision de la Constitution devant lui permettre
Le Second Empire
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d’être rééligible en tant que « président de la République ». Organisé, il nomme le général de Saint-Arnaud au
ministère de la Guerre (27 octobre), qui rappelle aux militaires leur devoir « d’obéissance passive », le 1er
novembre 1851, par une circulaire qui demande de « veiller au salut de la société ». D’autres proches sont placés
aux postes clés : le général Magnan est nommé commandant des troupes de Paris ; le préfet de la HauteGaronne, Maupas, est promu préfet de police de Paris. Convaincu de la nécessité d’un coup d’État du fait des
derniers refus de l’Assemblée, Louis-Napoléon le fixe lui-même pour le 2 décembre, jour anniversaire du sacre
de Napoléon en 1804 et de la victoire d’Austerlitz en 1805. L’opération est baptisée Rubicon, par allusion à Jules
César.
Coup d’État du 2 décembre 1851
Au matin du 2 décembre, les troupes de Saint-Arnaud occupent tous les points stratégiques, des
Champs-Élysées aux Tuileries. Après avoir fait arrêter les principaux opposants, Louis-Napoléon édicte six
décrets décisifs, fait afficher une « proclamation au peuple » à destination des Français, et une autre à destination
de l’armée, qui déclare l’état de siège. Des six décrets, l’un dissout l’Assemblée nationale, un autre rétablit le
suffrage universel, un autre déclare qu’une nouvelle Constitution est en préparation. Son Appel au peuple
annonce son intention de restaurer « le système créé par le Premier Consul ».
Ce coup d’État ne va pas sans agitation. Les parlementaires se réfugient dans la mairie du 10e
arrondissement et 220 députés votent la déchéance de Louis-Napoléon, notamment des orléanistes libéraux
comme Rémusat ou Salmon et des républicains modérés comme Pascal Duprat. Ils sont aussitôt arrêtés. Malgré
l’habile contrôle par l’armée de ce fief républicain qu’est la capitale, une insurrection parisienne débute avec à sa
tête plusieurs parlementaires républicains, comme Victor Schoelcher ou Victor Hugo. Plus de 70 barricades sont
dressées et des insurgés sont abattus. Le 3 décembre, le député Jean-Baptiste Baudin est tué alors qu’il tient la
barricade du faubourg Saint-Antoine. Dans l’après-midi du 4 décembre 1851, la fusillade des Boulevards fait
200 victimes. Au soir, la révolte populaire est matée, Paris est sous contrôle, les Parisiens retournent à leur vie
quotidienne. Les dernières barricades, dont faisait partie Hugo, ne tombèrent que le 5 décembre.
L’agitation nationale
La nouvelle du coup d’État se diffuse encore à travers la France et déclenche dans d’autres lieux
quelques insurrections. Le 5 décembre, des mouvements populaires sont signalés dans plusieurs grandes villes,
mais particulièrement dans le Sud-Est (Aups, Les Mées, Apt, Digne, Manosque, etc.). Zola prendra l'insurrection
du Var comme point de départ de sa grande saga Les Rougon-Macquart. Le département des Basses-Alpes en
vient même à être administré par un « Comité départemental de résistance », le 7 décembre 1851, mais l’armée,
fidèle au Président s’organise pour rétablir la volonté de l’exécutif. Trente-deux départements sont mis en état de
siège dès le 8 décembre, les zones de « résistance » républicaine au coup d’État sont maîtrisées en quelques
jours, les opposants sont arrêtés ou doivent s’enfuir, tel Victor Hugo qui part de lui-même à Bruxelles. Vingt-six
mille personnes sont arrêtées, 15 000 sont condamnées dont 9 530 déportées en Algérie, 239 au bagne de
Cayenne. Quatre-vingts députés sont bannis.
L’apaisement
La victoire assurée, l’ordre rétabli, les bonapartistes s’installent. Les généraux Vaillant et Harispe sont faits
maréchaux de France le 11 décembre. Une constitution est en cours d’élaboration. Un référendum est également
prévu afin de demander aux Français de ratifier le nouvel ordre. Le coup d’État est présenté comme une
opération de sécurité face au péril rouge[réf. nécessaire].
Le 20-21 décembre, c’est finalement par plébiscite que les Français acceptent les réformes du « princeprésident », le coup d’État est ratifié par l’immense majorité des 7 481 000 de « oui » face à 647 000 « non ».
Seuls les bulletins Oui étaient imprimés, les Non devaient être écrits à la main ; de plus, on donnait le bulletin au
président du bureau de vote qui le glissait lui-même dans l’urne[1]. Louis-Napoléon se voit confier les pouvoirs
nécessaires pour établir une nouvelle constitution.
Conséquences
La Constitution française est donc modifiée. Celle-ci confie le pouvoir exécutif à un Président élu pour dix ans,
titulaire de l’initiative législative, réduisant ainsi très fortement la marge d’action du corps législatif dans la
tradition des régimes autoritaires concentrant les pouvoirs entre les mains de l’exécutif.
Le 21 décembre 1851, le corps électoral se prononce favorablement sur la révision par 7 439 216 « oui » contre
640 737 « non » (résultats provisoires du 31 décembre 1851) ou 7 481 231 « oui » contre 647 292 « non », pour
les résultats définitifs publiés par le décret du 14 janvier 1852 (pour environ 10 millions d’inscrits et 8 165 630
votants dont 37 107 nuls)
Le Second Empire
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La Seconde République va, en moins d’un an, muer vers le Second Empire, établi, encore une fois après
référendum, par le sénatus-consulte du 7 novembre 1852. La « dignité impériale » est rétablie au profit du
prince-président Louis-Napoléon Bonaparte, élu par le peuple français, qui devenait officiellement « Napoléon
III, Empereur des Français » à compter du 2 décembre 1852, date anniversaire symbolique du coup d’État, du
sacre de Napoléon Ier et de la victoire d’Austerlitz.
Empereur
Le 7 novembre 1852, un sénatus-consulte rétablit le régime impérial. Il est approuvé par le peuple lors
d'un plébiscite à une très large majorité, les 21 et 22 novembre 1852. Le 2 décembre 1852 débute le Second
Empire, Louis-Napoléon Bonaparte devient Napoléon III.
Les 29 et 30 janvier 1853, il épouse Eugénie de Montijo, comtesse de Teba, dont il aura un fils, Eugène,
le 16 mars 1856.
Personnalité de Napoléon III
De son passé de conspirateur, Napoléon III a conservé l'habitude de ne jamais laisser transparaître ses
émotions et ses pensées personnelles. D'où son visage impénétrable et sa célèbre expression énigmatique, dont la
photographie et les récits des contemporains nous ont laissé trace.
L'empereur prend souvent ses décisions seul, dans le secret de sa pensée. Il ne partage son pouvoir de
décision ni avec sa famille, ni avec ses proches, pas plus qu'avec sa femme ou avec ses maîtresses, dont aucune
n'aura jamais eu le rôle de favorite. À partir du milieu des années 1860, toutefois, un Napoléon III vieillissant et
miné par la maladie se montre plus sensible aux influences de ses proches: l'impératrice Eugénie, son demi-frère
utérin le duc de Morny, son fidèle Persigny. De 1863 à 1869, son homme de confiance, Eugène Rouher, fait
figure de "vice-empereur" et de Premier ministre sans le titre.
Parfois « entêté dans l'indécision » (Émile Ollivier), l'empereur se montre de plus en plus souvent
hésitant, maladroit ou empêtré dans ses contradictions, au long de son règne. Ce qui dans son régime de pouvoir
personnel pèsera immanquablement sur l'évolution générale de la politique française.
Ses contradictions sont aussi dues à la nature composite de ses idées et de son entourage. Selon sa
boutade célèbre, « l'impératrice est légitimiste, Morny, orléaniste, moi je suis socialiste. Seul Persigny est
bonapartiste, mais il est fou ».
Autoritaire, mais dénué de toute inhumanité ou rancœur personnelles, Napoléon III sait aussi bien
étouffer toute opposition que manifester sa préoccupation sincère pour les ouvriers, les humbles et les pauvres.
Par tempérament comme par politique, il aime user de mesures de clémence pour rallier les anciens adversaires
et pallier son manque d'appuis dans les élites traditionnelles.
Homme moderne et nullement dénué d'intelligence politique ou diplomatique, il a été constamment
sous-estimé ou méprisé par beaucoup de ses contemporains, en particulier par les élites traditionnelles qui
voyaient en lui un parvenu et par les adversaires monarchistes ou républicains de son régime autoritaire. Thiers
en 1848 le peignait comme « un crétin que nous mènerons ». Victor Hugo invoqua systématiquement la gloire de
Napoléon Ier pour rabaisser Napoléon III, dépeint dans ses ouvrages comme un vulgaire aventurier, médiocre,
parjure et tyrannique. Il se montra en réalité capable de gouverner la France pendant 19 ans (22 ans depuis son
élection à la présidence), ce qui place son régime au troisième rang, par la durée, en France depuis 1789.
Politique étrangère
En 1851, préparant la restauration impériale, Louis-Napoléon Bonaparte cherche à rassurer l'opinion
française et européenne et déclare à Bordeaux : « L'Empire, c'est la paix ! » (10 octobre 1852). Pourtant, son
régime se montre assez belliqueux, avec trois guerres européennes et plusieurs expéditions coloniales en moins
de vingt ans.
L'empereur entend à la fois disloquer la coalition antifrançaise héritière du Congrès de Vienne (1815),
et aider à remodeler la carte de l'Europe en fonction du "principe des nationalités" : chaque peuple doit pouvoir
disposer de lui-même et le regroupements en États-Nations est à favoriser.
L'empereur connaît des réussites dans un premier temps, alors même qu'il doit composer avec une haute
administration et des diplomates majoritairement monarchistes et opposés au césarisme de Napoléon III. Cela renforce
l'isolement de l'empereur alors que les personnels étrangers et métropolitains ne sont pas forcément mis au courant de
la ligne politique du gouvernement de Napoléon III.
À l'occasion de la guerre de Crimée, (1854-1856) Napoléon III confirme le retour de la France dans la
vie politique européenne avec plus ou moins de succès. Coïncidant avec la naissance de son héritier le
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16 mars 1856, le traité de Paris est un triomphe personnel pour lui. Il marque l'apogée de sa bonne entente avec
la Grande-Bretagne de la reine Victoria.
Napoléon III joue aussi un rôle important dans la naissance de la Roumanie indépendante, en
conseillant aux parlements des deux ex-provinces ottomanes de voter pour le même candidat au trône.
Sur le plan colonial, Napoléon III triple la surface des possessions françaises, lançant par exemple
l'implantation en Nouvelle-Calédonie et à Djibouti par l'achat d'Obock (1862), ou laissant le gouverneur
Faidherbe fonder Dakar au Sénégal (1854). En 1859-1860, ses troupes participent au côté de l'Angleterre à une
expédition contre la Chine, au cours de laquelle a lieu la mise à sac du palais d'été à Pékin.
La politique arabe de Napoléon III - Il se rend en personne à Alger pour promouvoir son modèle de
développement colonial. Pour Napoléon III les colonies doivent être rattachées à la personne de l'empereur et
non pas à la France directement. Il déclare à Alger : « Je suis l'empereur des Français et des Arabes ».
La politique italienne de l'empereur - en faveur de l'Unification et au détriment de l'Autriche - permet à
la France d'annexer après un plébiscite le Comté de Nice et la Savoie (1860), l'empereur ayant « payé de sa
personne » aux batailles de Magenta et Solférino pendant la campagne d'Italie. Cependant, Napoléon III s'aliène
aussi les catholiques français ultramontains, car l'unité de l'Italie du Nord met les États pontificaux en péril.
D'autre part, en refusant de poursuivre la campagne victorieuse (mais coûteuse en hommes) de 1859, l'empereur
laisse Venise aux mains des Autrichiens et déçoit ses alliés savoyards. Jusqu'en 1870, il empêche le nouveau
royaume d'Italie de finaliser l'unité, en laissant des troupes françaises à Rome pour protéger les derniers vestiges
du pouvoir temporel du pape.
L'échec cinglant et coûteux de l'expédition du Mexique (1861-1867), et l'attitude de neutralité
monnayée (politique dite des « pourboires », que le chancelier prussien Bismarck exploite pour déconsidérer
Napoléon III dans tout l'espace allemand) lors des conflits entre l'Autriche et la Prusse en 1866, affaiblissent le
régime et mettent fin à cette politique étrangère volontariste de l'empereur alors que celui-ci commence à être
rongé par la maladie et par les discordes de son entourage.
Politique intérieure
Une entrée de la France dans la modernité
Sous l'Empire, la France connaît des années de progrès économiques (création d'un système bancaire,
développement des chemins de fer, transformation des grandes villes).
Napoléon III est influencé par les idées saint-simoniennes de son proche conseiller Michel Chevalier.
Influencé par son séjour à Londres, Napoléon III décide de transformer Paris et d'en faire une grande
capitale européenne, salubre et fonctionnelle. Il confie au baron Haussmann le chantier de Paris. L'empereur
veilla de très près au tracé de nombreux nouveaux boulevards, à l'édification de nouveaux édifices (dont les
grandes gares, le nouveau Palais de justice et le nouvel Hôtel-Dieu ou le Palais Garnier (Opéra) qu'il ne vit
jamais abouti), au développement du réseau des égouts et surtout à la constructions de dizaines de nouveaux
squares et espaces verts (Montsouris, Buttes-Chaumont, bois de Vincennes et de Boulogne, Boucicaut…). Ces
travaux du Second Empire ont modelé le visage du Paris du XXe siècle. Ils ont cependant eu un coût non
négligeable, que ce soit sur le plan financier (déficit, vague de spéculation), social (refoulement des classes
populaires hors du centre de Paris) et culturel (destructions de nombreux vestiges du passé) ; on a dit que les
grands boulevards (très larges et droits) permettaient de mieux contrecarrer les éventuelles révoltes en
empêchant la formation de barricades.
Parallèlement, Napoléon III encourage cette politique dans les autres grandes et moyennes villes de
France, de Lyon à Biarritz en passant par Dieppe (les nombreuses rues impériales alors tracées sont souvent par
la suite rebaptisées "rue de la République"). L'empereur multiplie les séjours personnels dans les villes d'eaux
telles que Vichy, Plombières-les-Bains, Biarritz, ce qui contribue beaucoup à leur lancement et à leur fortune
durable.
Capitale de l'Europe au même titre que la Londres victorienne, Paris accueille de grandes réunions
internationales telles que l'Exposition universelle de 1855 et celle de 1867.
Le règne de Napoléon III est marqué aussi par l'achèvement de la construction du réseau ferroviaire
français supervisée par l'État : le chemin de fer dessert désormais toutes les grandes et moyennes villes
françaises. L'empereur encourage la révolution bancaire, à l'origine de la naissance des établissements modernes
tels le Crédit Mobilier des frères Pereire. Les Grands Magasins se multiplient (comme le Bon Marché), la bourse
connaît un âge d'or, l'industrie (acier, textile) une forte croissance, du moins jusqu'au milieu des années 1860 et
les mines, de charbon dans l'Est et le Nord et d'ardoise en Anjou prennent leur essor (ces dernières seront
submergées par une inondation record de la Loire en 1856, occasion pour le chef de l'État de se rendre à Trélazé
Le Second Empire
8
pour y restaurer son image ternie à la suite d'une répression politique envers une émeute républicaine un an plus
tôt)
L'empereur a beaucoup fait pour développer l'instruction des filles, en 1861 la fontenaicastrienne JulieVictoire Daubié est reçue au baccalauréat, l'empereur intervient pour que le ministre Gustave Rouland signe le
diplôme. En 1862 s'ouvre la première école professionnelle pour jeunes filles par Madame Elisa Lemonnier.
Madeleine Brès obtient le droit de s'inscrire à la Faculté de médecine de Paris.
Membre du gouvernement impérial de 1863 à 1869 en
tant que ministre de l'Instruction publique, l'historien Victor Duruy
ouvre l'enseignement secondaire aux jeunes filles et s'efforce de
développer l'enseignement primaire, en dépit de l'hostilité de
l'Église catholique qui craint une perte de son influence. Il fait
enseigner l'histoire contemporaine, jusque-là délaissée au profit de
l'étude de l'Antiquité.
Napoléon III en 1857 par Franz Xaver Winterhalter
De l’Empire autoritaire à l’Empire libéral
La constitution de 1852 laisse à Napoléon III un pouvoir
personnel absolu. La presse est soumise à une censure
particulièrement rigoureuse. La justice est rendue en son nom. Il
est également le dernier chef d'État français à s'arroger le droit de
déclarer la guerre seul, ou de conclure tout seul les traités de paix
ou de commerce. Plusieurs dizaines de députés sont proscrits après
le coup d'État du 2 décembre 1851, parmi lesquels Victor Hugo,
qui compose alors en exil les Châtiments et Napoléon-le-Petit pour
stigmatiser Napoléon III. Des milliers d'opposants sont déportés en
Algérie ou en Guyane.
Les ministres, responsables devant l'empereur seul, ne
forment pas d'équipe ministérielle et le gouvernement n'est pas
responsable devant le Parlement, dont les débats ne sont pas
publiés. La tribune du Palais-Bourbon est détruite lors du coup
d'État et ne réapparaît que sur la fin du règne. Le suffrage universel
a été rétabli par Napoléon III mais son libre exercice est faussé par la pratique des candidatures officielles (les
préfets mettent les moyens de l'administration au service des candidats du pouvoir) et par la quasi-disparition de
la liberté de la presse et de réunion. Les rares opposants qui parviennent à se faire élire ne peuvent siéger que
s'ils prêtent serment de fidélité à l'empereur et à son régime.
L'autorité impériale sévit également dans le domaine des arts et des lettres : Baudelaire et Flaubert sont
poursuivis en justice pour leurs œuvres contraires « à la morale publique et religieuse » (1856-1857), Renan
destitué de sa chaire au collège de France en 1863. En 1863, Napoléon III laisse se tenir un "salon des refusés"
où exposent Courbet et les futurs impressionnistes, mais il dénonce l'Olympia de Manet comme offensant les
bonnes mœurs.
Sévissant d'une main, l'empereur cherche aussi à séduire et à rallier de l'autre. Doté d'une forte pension
officielle et d'une très confortable liste civile, il mène un train de vie fastueux qui frappe les esprits. Ses fêtes et
ses réceptions grandioses aux Tuileries, à Saint-Cloud ou à Compiègne confèrent aussi à la "Fête Impériale" un
rôle de propagande.
Au début des années 1850, le 15 août devient la fête nationale en France. Cette célébration permet à
Napoléon III d'imposer avec succès un modèle de fête nationale populaire qui sera aussi repris par la République.
Le 15 août deviendra donc en 1968 la fête de la saint Napoléon.14.
Aux élections de 1858, cinq députés républicains sont élus à Paris, ville d'opposition à l'Empire, dont
Jules Favre, Ernest Picard et Émile Ollivier. L'empereur refuse de remettre en cause le suffrage universel comme
le lui demande son entourage inquiet. Mais un attentat à la bombe perpétré contre le couple impérial par le
patriote italien Orsini lui permet de lancer une vague de répression brutale contre l'opposition républicaine,
pourtant innocente dans cette affaire. Le général Espinasse, ministre de l'Intérieur de janvier à juillet 1858, utilise
la "loi de sûreté générale" pour faire déporter sans jugement plusieurs centaines de républicains. La loi reste
théoriquement en vigueur jusqu'à la fin du règne.
Le Second Empire
9
Le 15 août 1859, l'empereur promulgue une amnistie générale à l'occasion de sa victoire en Italie du
Nord. Certains comme Victor Hugo refusent d'en profiter : « quand la liberté rentrera, je rentrerai ». À partir de
cette date, le régime prend une tournure plus libérale.
Pour se gagner de nouveaux soutiens dans la société, Napoléon III multiplie les concessions à
destination notamment des ouvriers. Il fait ainsi légaliser le droit de grève en 1864 par la loi Émile Ollivier. Il
s'est en effet privé du soutien des catholiques que sa politique italienne inquiète et de celui du patronat, ulcéré
par son traité de libre-échange conclu en 1860 avec la Grande-Bretagne (négocié et ratifié par l'empereur seul, il
fait figure de « coup d'État douanier »). Renouant avec le socialisme de sa jeunesse, Napoléon III laisse une
délégation d'ouvriers conduite par Tolain se rendre à Londres où elle découvre la puissance du syndicalisme
britannique. L'Association Internationale des Travailleurs est autorisée à ouvrir un bureau en France. Mais les
efforts de l'empereur pour prendre lui-même la tête d'un mouvement ouvrier officiel échouent : les ouvriers
restent dans leur masse républicains. Napoléon III dissout le bureau parisien de l'AIT en 1867 et la troupe
intervient dans plusieurs grèves dures qui marquent la fin du règne.
Au fil des années 1860, il desserre aussi progressivement la censure, libéralise le droit de réunion et les
débats parlementaires. Sous l'influence notamment de son demi-frère le duc de Morny, il se dirige lentement vers
une pratique plus parlementaire du régime.
En 1869, Napoléon III fait appel à un nouveau « Premier ministre » de fait, Émile Ollivier, issu des
bancs de l'opposition républicaine à l'Assemblée nationale. C'était la reconnaissance du principe parlementaire.
Ollivier constitua alors un gouvernement d'hommes nouveaux en associant bonapartistes libéraux (centre droit)
et orléanistes ralliés à l'Empire libéral (centre gauche), mais en excluant les bonapartistes autoritaires (droite) et
les républicains (gauche). Il prit lui-même le ministère de la Justice et des Cultes, le premier dans l'ordre
protocolaire et apparut comme le véritable chef du ministère.
Cherchant à concilier ordre et liberté, il convainc l'empereur de procéder à une révision
constitutionnelle d'ensemble pour mettre sur pied un système semi-parlementaire. Les procédés de candidature
officielle furent abandonnés et le préfet Haussmann, jugé trop autoritaire, fut renvoyé (5 janvier 1870). Un
senatus-consulte proposant un régime plus libéral est soumis à l'approbation du peuple lors d'un plébiscite (le
troisième depuis 1851) : le 8 mai 1870, les réformes sont approuvées avec plus de 7 millions de oui en dépit de
l'opposition des monarchistes légitimistes et des républicains qui ont appelés à voter "non" ou à s'abstenir. C'est
ainsi que se met en place la constitution du 21 mai 1870. Napoléon III se serait exclamé à cette occasion : « J'ai
mon chiffre ! »15. Émile Ollivier crut pouvoir dire de l'empereur : « Nous lui ferons une vieillesse heureuse »16.
Cependant, lâché par les républicains et contesté par les bonapartistes autoritaires, Ollivier était de plus
en plus isolé et ne se maintenait plus que grâce à la faveur de Napoléon III. Dès les premiers revers militaires
d'août 1870, il fut limogé par l'impératrice Eugénie, régente, qui nomma à sa place le bonapartiste autoritaire
Cousin-Montauban, comte de Palikao. Un mois après, l'empereur était prisonnier et l'empire discrédité par la
défaite disparaissait sans opposition de quiconque.
Guerre de 1870
Napoléon III et Otto von Bismarck, Après la
défaite de Sedan, entrevue avec Bismarck à
Donchery 1870 (peinture de 1915)
Bien que tous deux personnellement
favorables à la paix, Ollivier et Napoléon III se
laissèrent dépasser par les partisans de la guerre dont
l'impératrice Eugénie. Ollivier et Napoléon III se
rallièrent tous deux à l'opinion majoritaire pro-guerre
exprimée au sein du gouvernement et au parlement, y
compris chez les républicains, les plus résolus
(malgré les avertissements lucides de Thiers et de
Gambetta) à en découdre avec la Prusse.
À la suite de tensions avec la Prusse à propos de la succession d'Espagne et abusé par la fameuse
Dépêche d'Ems - version dédaigneuse par Bismarck, d'une annonce polie de Guillaume de Prusse -, Napoléon III
déclare la guerre à la Prusse. Débute la Guerre franco-allemande de 1870.
Les premiers revers sont imputés à Napoléon III et à Ollivier, fournissant à la Chambre l'occasion de
renverser Ollivier, à une écrasante majorité, le 9 août 1870, laissant l'empereur seul sur la ligne de front, qu'elle
soit politique ou militaire.
Le Second Empire
10
Sous la pression de l'impératrice, Napoléon III renonce à se replier sur Paris et marche vers Metz au
secours du maréchal Bazaine encerclé. Ses troupes sont elles-mêmes alors encerclées à Sedan. Le
2 septembre 1870, n'ayant pu trouver la mort au milieu de ses hommes, Napoléon III dépose les armes au terme
de la bataille de Sedan. Il tente de négocier avec Bismarck prés du village de Donchery. Pendant la discussion, il
nie ses responsabilités personnelles en invoquant une guerre à laquelle il aurait été « poussé par l'opinion
publique ». Bismarck, peu dupe, réplique : « l'opinion publique poussée par le ministère ! »
Le captif assiste avec le roi Guillaume de Prusse à l'acte de reddition de l'armée française au château de
Bellevue situé près de Frénois au sud de Sedan. Le 3 septembre 1870, L'empereur, désormais prisonnier, se rend
en Belgique à Bouillon, ensuite il prend le train pour être interné au château de Wilhelmshöhe à Kassel en
Allemagne.
Le 4 septembre 1870, à Paris, la foule envahit le Palais-Bourbon tandis que l'impératrice Eugénie se
réfugie chez son dentiste et fuit en Angleterre. Le gouverneur de Paris, Trochu, reste passif et le régime impérial
ne trouve guère de défenseurs. Des députés (dont Léon Gambetta) proclament la République et mettent en place
un Gouvernement de la Défense nationale qui essaie en vain de contrer l'invasion du territoire. Au terme de la
guerre, la déchéance officielle de Napoléon III n'est votée définitivement par la Chambre que le 1er mars 1871.
Dans la plupart des départements français, le nouveau régime républicain est souvent accueilli dans
l'indifférence. Personne toutefois ne prend non plus la défense de l'Empire déchu, discrédité par la défaite.
En mars 1871, l'empereur déchu s'exile en Angleterre. Il y prépare de nouveaux plans de coup d'État,
rêvant de rééditer à son profit le retour de l'île d'Elbe de son oncle Napoléon Ier. Mais une opération de la vessie a
raison de lui.
Le 9 janvier 1873, Napoléon III meurt et est inhumé à Chislehurst (aujourd'hui : Bromley (district
londonien)). Par la suite l'impératrice Eugénie lui construisit un mausolée à l'abbaye Saint-Michel (St Michael's
abbey) de Farnborough (sud de l'Angleterre) où il repose à ce jour aux côtés de sa femme (décédée en 1920) et
de leur fils unique, le prince impérial Eugène-Louis, enrôlé volontaire dans l'armée britannique et tué en Afrique
du Sud par les Zoulous au cours d'une patrouille en juin 1879, lors de la guerre anglo-zoulou. Il n'avait que 23
ans.
Un règne florissant et ambivalent
Mal connu de nos jours, le Second Empire correspond pourtant à l'une des plus formidables époques de
développement et de prospérité que la France ait connue.
Du point de vue économique, le pays s'est doté d'infrastructures modernes, d'un système financier
bancaire et commercial novateur et a rattrapé en 1870 son retard industriel sur le Royaume-Uni, en partie grâce à
la politique volontariste de l'empereur et à son choix du libre-échange.
Concernant l'urbanisme, Napoléon III est le commanditaire des travaux d'Haussmann à Paris, qui ont
fait de cette ville réputée pour sa saleté au milieu du XIXe siècle, l'une des plus belles capitales du monde.
Cette période fut aussi très productive au niveau littéraire, de Flaubert à George Sand ou aux frères
Edmond et Jules de Goncourt. Cette littérature florissante ne doit cependant pas faire oublier le maintien de la
censure qui condamne un certain nombre de créations originales, parmi lesquelles, les Fleurs du Mal et Madame
Bovary. L'Opéra Garnier illustre l'importance accordée au monde du spectacle, élément de la « fête impériale ».
Passionné d'histoire (on lui doit une monumentale Histoire de Jules César), l'empereur a aussi joué un rôle-clef
dans la mise sur pied d'une véritable archéologie nationale, avec la création du musée des Antiquités nationales
de Saint-Germain-en-Laye et l'essor donné aux fouilles de Gergovie, Alésia et Bibracte.
Les progrès sociaux furent aussi indéniables : droit de grève et d'organisation des salariés (ancêtres de
syndicats) accordés en 1864, élévation du niveau de vie des ouvriers et des paysans, soupes populaires
organisées pour les pauvres, premiers systèmes de retraites et d'assurance-handicap pour les ouvriers,
développement de l'éducation de masse, notamment pour les filles sous l'impulsion de l'impératrice Eugénie, qui
a aussi fortement soutenu les travaux de Louis Pasteur et de Ferdinand de Lesseps, qui aboutiront respectivement
au vaccin contre la rage et au canal de Suez, inauguré en 1869.
Le régime de Napoléon III fut cependant longtemps discrédité. Il le dut à son caractère resté longtemps
autoritaire et répressif et à sa fin sans gloire dans la désastreuse guerre franco-prussienne, immédiatement suivie
par la guerre civile lors de la Commune de Paris. Même ses réussites ne sont pas nécessairement dénuées
d'aspects ambivalents, critiqués par les contemporains. Un écrivain tel Zola rappela ainsi dans ses romans la
spéculation effrénée et la corruption nées de l'haussmanisation et de la flambée boursière (La Curée, L'Argent),
le choc que l'irruption des grands magasins représenta pour le petit commerce (Au Bonheur des Dames), la
dureté des luttes sociales sous Napoléon III (Germinal).
Le Second Empire
11
Forgée par une génération en lutte contre le Second Empire, la IIIe République ne pouvait que faire de
Napoléon III un repoussoir. L'œuvre de Victor Hugo, bâtie sur l'opposition permanente entre la gloire de
Napoléon Ier et la bassesse tyrannique prêtée à Napoléon III, contribua considérablement à asseoir l'image d'un
despote médiocre et sans scrupules. Le précédent d'un président devenu empereur rendit aussi impensable
jusqu'en 1962 toute élection du chef de l'État au suffrage universel direct. François Mitterrand comparait ainsi
avec virulence De Gaulle à Napoléon III pour instruire le procès des institutions de la Ve République (Le Coup
d'État permanent, 1964).
Les années 1980-1990 voient un renouveau historiographique du Second Empire17,18,19, qui va dans le
sens d'une réhabilitation de Napoléon III et de son règne20.
Maîtresses et enfants naturels
Napoléon III eut de nombreuses maîtresses, certaines lui donnèrent des enfants naturels, dont :
•
Maria Anna Schiess (1812-1880), Allensbach (Lac de Constance, en Allemagne), la mère de son fils
Bonaventur Karrer (1839-1921)[1];
•
Eléonore Vergeot, dont Alexandre Louis Eugène Bure (1843-1910), comte d'Orx et Louis Ernest
Alexandre Bure (1845-1882), comte de Labenne, et postérité ;
•
Elizabeth-Ann Haryett (1823-1865) dite Miss Howard, une Anglaise qui finance sa campagne électorale
de 1848 ; faite comtesse de Beauregard.
•
Armance Depuille (1830-1913), épouse de François Isidore Depuille, dont Benoni Depuille ;
•
Pascalie Corbière (1828-19??), qui était la nourrice des enfants bâtards impériaux, épouse d'Auguste
Corbière, deuxième cocher de l'empereur, dont Christian Corbière ;
•
Virginia Oldoini, Comtesse de Castiglione (1837-1899) célèbre courtisane italienne du XIXe siècle qui
devint la maîtresse de Napoléon III en 1856-1857 ;
•
Mlle Sauvez, une Picarde, avec qui il eut une relation durant son emprisonnement à Ham ;
•
Valentine Haussmann (1843), fille du « baron » Haussmann, dont Jules Hadot (1865-1937) ;
•
(plausible) Léocadie Boguslawa Zalewska, épouse Ernest Feydeau, dont Georges Feydeau (1862-1921).
Ce dernier passe parfois pour le fils naturel du duc de Morny.
Caricatures
Le père Duchêne Illustré n°8 le 27 Floréal 79 / 17 mai 1871
Napoléon III était surnommé par ses opposants L'homme du 2 décembre,
Napoléon le Petit ou encore Naboléon (Victor Hugo), Boustrapa (de ses
trois coups d’État : BOUlogne, STRAsbourg et PAris) ou encore Badinguet
(du nom du peintre sous le déguisement duquel il s'échappa de la forteresse
de Ham où il était détenu). Durant son règne Napoléon III fut beaucoup
caricaturé. Ci-contre, Napoléon III en chauve-souris soupesant Thiers et la
République. Allusion à la position de Napoléon III au moment de la
Commune de Paris.
Napoléon :
De gouverner, toujours avide,
Voilà mon plan : - Il est splendide !Je les fais battre tous les deux,
J'attends qu'ils se mangent entr'eux
Et quand la mort a fait le vide
Je rentre à Paris…, si je PEUX !
Devant ce plan lâche et stupide
Chacun de nous, avec esprit,
À ce monstre chauve… sourit !
Notes et références
1.
↑ Napoléon le petit,Victor Hugo, ed. Jeffs, 1862
Le Second Empire
12
2.
↑ Louis-napoleon et mademoiselle de Montijo, Arthur Leon Imbert de Saint-Amand, ed.Adamant Media
Corporation
3.
↑ Une épidémie de rougeole sévissait alors, et beaucoup de soldats, déjà affaiblis par leurs blessures,
succombèrent à la fièvre.
4.
↑ Histoire politique, anecdotique et populaire de Napoléon III, P. L. Jacob, ed.Dufour, Mulat et
Boulanger, 1853
5.
↑ Dans le livre Napoléon III (1969) de l'historien Georges Roux. Voir Edouard Boeglin, « Napoléon III,
citoyen suisse » [archive], journal L'Alsace.
6.
↑ Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2002, pp. 770-772, (ISBN 2-21359222-7)
7.
↑ cité par Guy Antonetti, Louis-Philippe, Paris, Librairie Arthème Fayard, 2002, p. 817
8.
↑ Personnage pour le moins douteux, fils adoptif du non moins douteux marquis de Sémonville,
Charles-Tristan de Montholon est un agent double que le gouvernement français a employé, à Londres,
pour surveiller le prince Louis-Napoléon. Mais Montholon a trompé Thiers en lui faisant croire que
l'opération aurait lieu à Metz.
9.
↑ L'opinion publique se passionne bien davantage pour le procès, devant la cour d'assises de Tulle, de
Mme Lafarge, accusée d'avoir empoisonné son mari, et condamnée aux travaux forcés à perpétuité le 19
septembre.
10. ↑ cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 818
11. ↑ Sur 312 pairs, 160 s'abstiennent et 152 votent l'emprisonnement perpétuel. « On ne tue pas les fous,
soit ! mais on les enferme », affirme Le Journal des débats (cité par Guy Antonetti, Op. cit., p. 818)
12. ↑ Alain Decaux et André Castelot (dir.), Dictionnaire d'histoire de France, Librairie Académique
Perrin, 1981, p. 702-703
13. ↑ Alain Decaux et André Castelot (dir.), Dictionnaire d'histoire de France, Librairie académique Perrin,
1981, p. 279
14. ↑ Sudhir Hazareesing, «LA SAINT-NAPOLÉON, Quand le 14 Juillet se fêtait le 15 Août », traduit de
l’anglais par Guillaume Villeneuve, 294 p. Édictions Paris Tallandier, 2007 (ISBN 978-2-84734-2)
15. ↑ Voir François Roth, « 1870 : l'année maudite » [archive], Historia', numéro spécial n°37 de
septembre/octobre 1995
16. ↑ Voir Antonin Debidour, Histoire diplomatique de l'Europe depuis l'ouverture du Congrès de Vienne
jusqu'à la clôture du Congrès de Berlin (1814-1878), tome II: « depuis l'ouverture du Congrès de
Vienne jusqu'à la clôture du Congrès de Berlin (1814-1878) », F. Alcan, 1891, p. 381, Aimé Dupuy,
1870-1871, La guerre, la Commune et la presse, A. Colin, 1959, 253 pages, p. 29, ou Jean Sagnes,
Napoléon III: le parcours d'un saint-simonien, Éditions Singulières, 2008, 607 pages, p. 270 (ISBN
2354780168).
17. ↑ En particulier Philippe Séguin, Louis Napoléon le Grand, Paris, Grasset, 1990.
18. ↑ « Sarkozy, Napoléon III, même combat ? » [archive], entretien avec Pierre Milza, auteur d'un
Napoléon III (Perrin, 2004 (ISBN 2262016356),706 pages)), Le Monde, 16 novembre 2008.
19. ↑ Fabien Cardoni, «Pierre Milza, Napoléon III, Paris, Éditions Perrin, 2004, 706 p.» [archive], Revue
d'histoire du XIXe siècle, 2004-29: « Varia ».
20. ↑ André Larané, « Napoléon III: Une réhabilitation méritée » [archive], Herodote.net
Bibliographie
Témoignages de l'époque :
•
Victor Duruy, Notes et souvenirs, 3 tomes, coll. « Sources de l’histoire de France », Éditions Paleo,
2005.
•
Victor Hugo :
Le Second Empire
13
o
Histoire d'un crime, écrit en 1852, publié en 1877. Le récit du coup d'État du 2 décembre par
l'écrivain et élu de la République (témoignage à charge ; contient un certain nombre d'éléments
historiquement faux).
o
Napoléon le Petit, 1852 (même remarque que pour le précédent ouvrage).
•
Émile Zola, Son Excellence Eugène Rougon, publié en 1876. À travers le récit de la carrière politique
d'Eugène Rougon (inspiré de celle d'Eugène Rouher), Zola met en scène divers personnages de
l'entourage de Napoléon III, dont l'ombre plane sur toute l'intrigue du roman. Zola y déconstruit le
système politique du Second Empire.
•
Emile Ollivier, L’Empire libéral, Études, récits, souvenirs, 18 tomes, Garnier, 1895-1916.
•
Comte Horace de Viel-Castel, Mémoires sur le règne de Napoléon III, 1851-1864, coll. « Bouquins »,
Robert Laffont, 2005.
•
Karl Marx, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte, écrit en 1852, révisé en 1869.
Études :
•
Alain Gouttman, La guerre de Crimée (1853-1856): Une croisade moderne, revue Napoléon III no, 1,
mars 2008
•
Éric Anceau, Napoléon III, un Saint-Simon à cheval, Tallandier, 2008.
•
Jean Garrigues, La France de 1848 à 1870, Cursus, Armand Colin, rééd 2000.
•
Louis Girard, Napoléon III, Paris, Fayard, 1986.
•
André Castelot, Napoléon Trois, 2 tomes (* Des prisons au pouvoir ; ** ou l’Aube des temps
modernes), Perrin, 1973-1974 – nouvelle édition, Napoléon III, l’aube des Temps modernes, Perrin,
1999.
•
Alain Carteret, Napoléon III bienfaiteur, Éd. Montmarie, 2003.
•
Adrien Dansette, Louis-Napoléon à la conquête du pouvoir, Hachette, 1961.
•
Maurice Joly, Dialogue aux enfers entre Machiavel et Montesquieu. Analyse de la politique de
Napoléon III.
•
Thierry Lentz, Napoléon III, coll. "Que sais-je ?", Presses Universitaires de France, 1995.
•
Pierre Milza, Napoléon III, Paris, Perrin, 2004.
•
Alain Plessis, De la fête Impériale au Mur des Fédérés, Points-Seuil, coll. Nouvelle Histoire de la
France Contemporaine.
•
Georges Roux, Napoléon III, Paris, Flammarion, 1969.
•
Jean Sagnes, Les Racines du socialisme de Louis-Napoléon Bonaparte, Éditions Privat, 2006.
•
Jean Sagnes, Napoléon III, le parcours d'un saint-simonien, Éditions Singulières, 2008.
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Philippe Séguin, Louis Napoléon le Grand, Grasset, 1990, rééd., Librairie générale française ("Le Livre
de Poche"), 1996 (l'auteur est historien de formation mais non de profession ; son livre a cependant, en
son temps, marqué le début d'un intérêt nouveau des historiens pour le sujet).
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William H.C Smith, Napoléon III, Hachette, 1982.
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Jean Tulard, Le Paris de l'Empereur (1853-1870): Les réalisations de Haussmann, revue Napoléon III,
no.2, juin 2008
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Theodore Zeldin, The Political System of Napoleon III, Macmillan & Co. Ltd / St Martin’s Press, 1958
(ouvrage pionnier, non traduit en français).
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« Faut-il réhabiliter Napoléon III ? », Dossier de la revue L’Histoire, n° 211, juin 1997.
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André Maurois, Miss Howard, La femme qui fit un empereur
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Jean-Pierre Dufreigne, Napoléon III, roman en deux tomes (* Un si charmant jeune homme... et **Un
empereur qui rêvait…), Plon, 2007.
Le Second Empire
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Alain Carteret, Napoléon III : Actes et paroles, La Table Ronde, 2008 (ISBN 978-2710330363)
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Lucian Boia, Napoléon III, le mal aimé, Les Belles Lettres, 2008 (ISBN 978-2-251-44340-9)
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Liens internes
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Napoléon III (timbre)
Saint-simonisme
Virginia Oldoini, comtesse de Castiglione (1837-1899) maîtresse de Napoléon III de 1856 à 1857
Pierre Rayer
Exposition universelle de 1867
Châtellerault où il inaugura la gare
Napoléon III, dernier souverain de France
site consacré au Second Empire
La France épanouie de Napoléon III Transformations exceptionnelles de la France du Second Empire
Amis du Patrimoine Napoléonien
Napoléon le Petit par Victor Hugo
Amis de Napoléon III, avec bibliographie
Qui est le vrai père de Napoléon III ? Tentative de réponse
II. LE SECOND EMPIRE
Empire, second, régime politique de la France du 2 décembre 1852 au 4 septembre 1870.
Le second Empire fit longtemps l'objet d'un dénigrement général. Ce dénigrement avait de
remarquables formulations littéraires — du Victor Hugo des Châtiments à la série des Rougon-Macquart d'Émile
Zola. Il avait aussi des appuis politiques, celui des milieux républicains qui s'imposèrent dans la ruine du second
Empire, lequel était la trahison à leurs yeux d'une République et celui des monarchistes pour lesquels
Napoléon III faisait figure d'usurpateur supplémentaire. Une relecture plus sereine de cette période commença
après la Seconde Guerre mondiale et surtout au moment de l'avènement de la Ve République, dans la mesure où
le gaullisme s'apparentait par certains aspects au bonapartisme du second Empire. Cette relecture s'appuyait aussi
sur la mise en évidence du décollage de l'économie française durant la période ; elle s'appuyait aussi sur le
constat d'une évolution politique qui transforma un Empire au départ très autoritaire en un Empire assez libéral.
1 Les institutions
Comme le premier Empire, le second fut l'œuvre d'un homme et d'un coup d'État. Les institutions furent
donc d'emblée marquées par la puissance accordée au pouvoir exécutif et à ses moyens de contrôle — la police,
l'armée, l'administration. Il fut aussi marqué par la faveur accordée dans le texte constitutionnel à l'Église
catholique qui avait manifesté dans l'enthousiasme son soutien au régime né du coup d'État de 1851. La marche
vers l'Empire se fit dans le cadre de la Constitution du 14 janvier 1852. Le passage à l'Empire fut décidé par le
sénatus-consulte du 7 novembre, ratifié par plébiscite les 20 et 21 novembre et proclamé solennellement le
2 décembre 1852.
La Constitution donnait au président de la République la totalité des pouvoirs politiques. Il était assisté
d'un gouvernement, d'un Conseil d'État auquel les ministres pouvaient appartenir et qu'il présidait, d'un Corps
législatif élu « par la population » (formule vague qui permettait éventuellement de restreindre le suffrage
universel), à raison d'un député pour 35 000 électeurs, d'un Sénat dont les membres, nommés à vie, étaient de
droit les dignitaires de l'armée et de l'Église, et, parmi eux, ceux que le président nommait dans la limite de 150.
L'initiative des lois revenait au seul président, le Corps législatif s'en tenant à leur discussion et à leur
vote sans droit d'amendement. Le Sénat en vérifiait la constitutionnalité et, éventuellement, pouvait proposer des
ajouts et des modifications à la Constitution par sénatus-consulte ; dans tous les cas, l'initiative devait en être
approuvée par le président et celui-ci seul apportait ou refusait sa sanction aux textes adoptés. Le Conseil d'État
était chargé de la rédaction des projets de loi. D'autres textes adoptés jusqu'en 1856 renforçaient encore la
puissance de l'empereur, le sénatus-consulte du 7 novembre et le décret impérial du 12 décembre 1852 entérinant
le passage à l'Empire.
Le régime ainsi constitué se plaçait sous deux patronages : celui, longuement évoqué dans la
proclamation du 14 janvier 1852, du Consulat et de l'Empire (« J'ai pris comme modèle les institutions qui, au
lieu de disparaître au premier souffle des agitations populaires, n'ont été renversées que par l'Europe entière
Le Second Empire
15
coalisée contre nous ») ; celui, rappelé sommairement mais nettement dans l'article I, des « grands principes
proclamés en 1789, et qui sont la base du droit public français ».
Le personnage qui s'attribuait ainsi la puissance publique était le neveu de Napoléon Ier par Jérôme et
Hortense de Beauharnais ; il était, depuis 1832, l'héritier par primogéniture masculine de la dignité impériale. Si
sa jeunesse avait été marquée par son engagement dans la Charbonnerie et un certain militantisme social
(publication de l'Extinction du paupérisme, en 1843) qui l'avaient rapproché des saint-simoniens (voir SaintSimon, Claude Henri de Rouvroy, comte de) et conduit en prison au fort de Ham, sa rentrée en politique d'abord
discrète puis tonitruante aux élections de décembre 1848 s'était faite sur la base d'un conservatisme flou dans
lequel chacun pouvait retrouver ses aspirations. Malgré le mépris dont l'enveloppa la majeure partie de la classe
politique en place (« C'est un crétin », aurait dit Adolphe Thiers), il sut progressivement placer ses familiers aux
postes les plus importants — duc de Morny, Eugène Rouher, duc de Persigny, Achille Fould et, bientôt, le baron
Haussmann. Ce groupe venait des cercles saint-simoniens ou de son entourage familial direct. L'empereur
conserva toujours une autorité certaine sur ses alliés et sut, par l'intermédiaire de pensions qui dépendaient de sa
seule libéralité pour celles accordées aux membres du Conseil d'État et aux sénateurs, par l'intermédiaire de
fonctions d'autorité judicieusement attribuées, en particulier celles de préfets, élargir sa clientèle rapidement.
Héritier de Napoléon, il fut toujours sensible à sa popularité. Alors que les résultats électoraux aux
législatives et lors des plébiscites avaient progressivement régressé, celui du 8 mai 1870 instituant l'Empire
libéral où le « oui » l'emporta à plus de 69 p. 100 lui fit s'écrier : « J'ai retrouvé mon chiffre ! » Le résultat était
effectivement excellent, d'autant qu'il ne reposait plus sur les directives sévères imposées aux électeurs par
l'administration préfectorale. Le régime pratiquait en effet la « candidature officielle », dont la propagande se
faisait par voie d'affiches blanches financées par l'État, pour les législatives. Les opposants, sévèrement censurés,
ne disposaient pratiquement d'aucune presse (décret du 17 février 1852) et voyaient leurs possibilités de réunions
publiques limitées à moins de 20 personnes (décret du 25 mars 1852).
2. L’empire autoritaire
Dans ce cadre constitutionnel, les premières années de l'Empire furent celles de « l'Empire autoritaire ».
La plupart des opposants républicains étaient en exil, tels Hugo à Jersey, qui faisait parvenir sous le manteau en
France son Napoléon le Petit, ou Louis Blanc. Le Corps législatif, sans pouvoir ni possibilité de divulguer autre
chose de ses débats que le procès-verbal visé par l'empereur, pouvait tout de même être, comme le Tribunat du
premier Empire, un espace de débat réel : Napoléon III désigna le fidèle Morny, son demi-frère, comme
président.
La population, dont les manifestations d'opposition furent rares et surveillées jusqu'à la manie (tel
commissaire du Cambrésis dénonçant en 1853 le mauvais esprit d'un industriel qui avait utilisé une peinture peu
onéreuse pour ses huisseries parce que cette peinture était rouge) fut soumise à une propagande qui, outre les
journaux impériaux publiés dans tous les départements, utilisait les placards, les brochures que rédigeaient des
rédacteurs souvent issus des milieux révolutionnaires de 1848. On célébrait le retour à l'Ordre, la fin du règne
des politiciens bavards, le mariage d'amour de l'empereur avec Eugénie de Montijo (29-30 janvier 1853). Les
rares sociétés ouvrières furent très vite démantelées (la Marianne ou la Cocotte), alors que le couple impérial
rencontrait les canuts (ouvriers de l'industrie de la soie à Lyon). Seul le conflit des ardoisiers en 1855 eut quelque
importance. Les paysans, les couches moyennes, satisfaites de la prospérité et de l'ordre, étaient favorables au
régime.
L'Église, qui avait soutenu le coup d'État, fut choyée à l'origine par l'Empire. Mais celui-ci, très vite,
affirma une conception gallicane qui divisa les clercs (voir gallicanisme) ; les ultramontains favorables au pape
s'exprimaient dans l'Univers de Louis Veuillot, que Napoléon fit censurer à plusieurs reprises. Par ailleurs, un
catholicisme libéral, favorable à des réformes, était défendu par le comte de Montalembert ou Mgr Dupanloup,
dans des cercles bien étroits comme l'Académie française où il s'exprimait — tout comme les oppositions
légitimiste et orléaniste — par de fines et obscures allusions à Tacite. Des tensions liées à l'expression, dans la
presse autorisée, d'un certain anticléricalisme (le Siècle) se révélèrent quand le gouvernement prit la défense du
vieux chansonnier Pierre Jean de Béranger contre les attaques fulminantes de Veuillot.
La politique extérieure de cette première période fut faite de choix relativement heureux. La guerre de
Crimée (mars 1854-janvier 1856), marquée par le long siège de Sébastopol permit à la France, alliée au
Royaume-Uni, de renouer avec la victoire contre la Russie. Isoler cette dernière en obtenant la neutralité des
Prussiens et des Autrichiens pour pouvoir prendre la défense de l'Empire ottoman et garantir ainsi la liberté du
passage dans les détroits, c'était en même temps se donner la possibilité de revenir sur les traités du congrès de
Vienne. De février à avril 1856, le congrès de Paris fut un triomphe diplomatique en même temps qu'une
réorientation politique et diplomatique majeure : plutôt que vers l'Autriche, Napoléon se tourna vers la GrandeBretagne libérale et vers le Piémont dont le ministre Cavour était le porte-drapeau des ambitions nationales du
Risorgimento, ambitions qu'il exprima lors de la séance de clôture du congrès (8 avril 1856). Entre-temps, la
Le Second Empire
16
naissance en mars 1855 du prince impérial, l'ouverture de l'Exposition universelle la même année, avaient encore
renforcé le prestige de la France.
La croissance économique importante, en particulier par l'intermédiaire de la réalisation accélérée du
réseau ferroviaire, la prospérité agricole avec une augmentation de la surface utile, de la productivité et des
opérations spectaculaires d'aménagement comme la plantation de la forêt landaise, une politique sociale
favorisant les sociétés coopératives et de secours mutuel, la constitution d'établissements dont le succès semblait
irrésistible comme le Crédit mobilier des frères Pereire et la faveur accordée aux rentiers et aux boursiers, tout
cela donna à Napoléon III le désir de conforter sa légitimité en avançant les élections du Corps législatif,
lesquelles eurent lieu en juin 1857.
Or il y eut, outre 90 p. 100 des suffrages exprimés en faveur des candidats officiels, 35 p. 100
d'abstention, ce qui était beaucoup, et surtout des élus républicains à Lyon et à Paris ; après les élections
complémentaires d'avril 1858, sept députés républicains siégèrent au Corps législatif, dont Jules Favre et Émile
Ollivier. L'empereur fut tenté de supprimer le suffrage universel. De plus, le 14 janvier 1858, il échappa à
l'attentat d'Orsini. Une répression très dure fut mise en place par le général Espinasse (loi de sûreté générale de
février). Plus de 400 républicains furent arrêtés et condamnés alors qu'il était établi qu'Orsini, défendu par Jules
Favre, avait agi seul. Napoléon III, poussé par son gouvernement, refusa la grâce et Orsini fut exécuté le
13 mars.
L'attentat d'Orsini fut l'un des éléments par lesquels Napoléon III prépara l'intervention en Italie ; la
brochure anonyme (rédigée par La Guéronnière) l'Empereur Napoléon et l'Italie, l'alliance franco-sarde,
l'entrevue de Napoléon III et Cavour à Plombières (juillet 1858) attisèrent les tensions avec l'Autriche qui attaqua
le Piémont le 29 avril 1859. Le 3 mai, la France déclara la guerre à l'Autriche et Napoléon, à la tête de ses
troupes, arriva en Italie en juin. Le 4 juin, la victoire réelle de Magenta puis, le 24, la bataille plus confuse de
Solférino constituèrent l'essentiel de cette brève campagne d'Italie, que l'empereur interrompit pour ouvrir les
pourparlers à Villafranca. Le traité final fut signé à Zurich le 10 novembre, autorisant le Piémont à annexer la
seule Lombardie. La crainte d'une mobilisation des troupes prussiennes et le constat des insuffisances de l'armée
française expliquaient en partie l'ouverture précipitée des négociations par l'empereur. Celui-ci, cependant,
laissait les mains libres au Piémont pour envahir la Romagne pontificale (mars 1860) ; en échange, la Savoie et
Nice purent choisir leur rattachement à la France. Le fossé s'élargissait entre le régime et les catholiques
ultramontains alors que l'empereur se rapprochait doucement des républicains et surtout des libéraux.
De plus, dans le même temps, l'Empire réalisait une véritable révolution douanière en signant avec le
Royaume-Uni un traité de commerce prohibant les taxes sur les matières premières et les limitant sur les produits
manufacturés. Ce traité fut conclu le 23 janvier 1860. Il avait été préparé dans le plus grand secret par
Napoléon III et ses conseillers marqués par la pensée saint-simonienne : Fould, Michel Chevalier, Rouher ; le
théoricien britannique Richard Cobden fut l'interlocuteur des Français. Suivi par d'autres traités avec la Prusse,
puis avec la plupart des pays européens, ce « coup d'État douanier » rompait avec la longue tradition française de
protectionnisme mercantiliste, tradition dont Napoléon Ier lui-même s'était fait le défenseur.
La plupart des choix économiques de l'empereur procédèrent de cet esprit libéral : en témoignèrent
l'appel à l'investissement volontaire par l'emprunt public (novembre 1854), loi sur la propriété industrielle
favorisant les créations collectives (mai 1855), assouplissement concernant la législation commerciale (juillet
1856), appui au projet du canal de Suez commencé en avril 1859, garantie d'État sur les obligations des chemins
de fer (juin 1859). Les entreprises se multiplièrent, industrielles et financières comme la Société générale créée
en décembre 1859.
En même temps coexistaient curieusement une sorte de folie de la « fête impériale » dont Morny était
l'un des plus ardents acteurs, folie de dépenses et parfois de débauches qui permettaient l'épanouissement du
talent d'un Jacques Offenbach ou d'un Eugène Labiche, et les rigueurs de la justice qui s'abattaient sur Madame
Bovary que le juge condamnait comme « roman lascif » (sic !), ou sur les Fleurs du mal. Le second Empire,
même s'il les condamna, fut donc pour Flaubert et Baudelaire une période de création littéraire importante,
poésie et littérature bénéficiant, comme tous les domaines artistiques, des retombées de la prospérité. La
bourgeoisie triomphante investissait dans les salons de peinture, les théâtres, les opéras et permettait, en marge
de l'art pompier ou du style Napoléon III, un bouillonnement intellectuel remarquable.
3. L’empire libéral
Les progrès économiques qui donnèrent aux groupes de pression libéraux une influence plus forte ; les
heurts de plus en plus fréquents avec la droite légitimiste et ultramontaine ; la permanence probable chez
l'empereur d'une certaine conception sociale ; la reconnaissance d'une implantation républicaine décidément
irrépressible, à la fois dans les plus grandes villes (Paris, Lyon, Lille) et dans les « campagnes rouges » du Centre
et du Sud : tout cela poussa l'empereur à progressivement atténuer le caractère autoritaire du régime.
Le Second Empire
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Le passage à l'Empire libéral se manifesta par une série continue de mesures politiques, sociales et
institutionnelles : ainsi furent adoptés le décret d'amnistie pour les proscrits de 1851 (15 août 1859) ; le décret
accordant au Corps législatif le droit d'adresse (24 novembre 1860) ; un élargissement de la publicité des débats
au Corps législatif (2 février 1861) ; l'autorisation accordée à Henri Louis Tolain de diriger une délégation
ouvrière française à l'exposition de Londres (juillet-octobre 1862) ; la loi sur les coalitions autorisant le droit de
grève (25 mai 1864) ; le droit d'amendement accordé par sénatus-consulte au Corps législatif, ainsi qu'une
indemnité accordée aux députés (18 juillet 1866) ; l'accroissement des pouvoirs du Sénat (14 mars 1867) ; la
libéralisation du régime de la presse (11 mai 1868) ; l'abrogation par sénatus-consulte des dispositions qui
réduisaient le Corps législatif à une simple Chambre d'enregistrement (8 septembre 1869) ; et, surtout, le
sénatus-consulte du 21 mai 1870 « fixant la Constitution de l'Empire », fondé sur le plébiscite du 8 mai 1870
approuvant par 7,3 millions de « oui » contre 1,5 million de « non » les réformes libérales.
Ces mesures successives furent plus des concessions ou des réactions défensives que des initiatives.
Ainsi, l'interdiction de l'Univers de Veuillot fit-elle suite, après la défaite des « zouaves pontificaux » de
Lamoricière face aux troupes piémontaises, à une virulente campagne des ultramontains contre la politique
italienne de l'empereur qui s'exprima jusqu'au Corps législatif et au Sénat, où cette politique ne recueillit que
60 p. 100 des votes des sénateurs. Des rapprochements d'opposition avaient lieu entre les ultramontains et les
libéraux orléanistes (Victor Cousin, Thiers, Guizot), souvent protestants, que l'on retrouvait parmi les défenseurs
de la société de Saint-Vincent-de-Paul interdite par le duc de Persigny, ministre de l'Intérieur.
Les progrès des oppositions se manifestèrent clairement aux législatives de 1863 : les abstentions de
1857 se convertirent en votes pour les candidats opposants. À Paris, les républicains remportèrent les 9 sièges
mis en jeu. Au total, 17 républicains furent élus, ainsi que 15 « indépendants » ; les candidats officiels n'avaient
souvent dû leur élection qu'au ralliement antirépublicain des monarchistes. Alors que Persigny avait de nouveau
déployé une propagande intensive et exercé une pression scandaleuse sur les électeurs (dénoncée par le jeune
Jules Ferry), le résultat, sans être catastrophique, laissait une marge d'action importante aux opposants à
l'Empire. Dans l'entourage impérial, Morny poussait vers les réformes et obtint le ralliement d'Émile Ollivier,
choisi comme rapporteur de la loi sur les coalitions en 1864, mais sa mort laissa Rouher, conservateur soucieux
de préserver le soutien des classes aisées, principal conseiller de Napoléon III. Celui-ci, à partir de 1865,
réorienta clairement ses choix constitutionnels dans le sens libéral, hostiles au mouvement ouvrier qui, entre
1862 et 1864, avait été courtisé mais qui utilisait effectivement, au grand dam des industriels, le droit de
coalition qu'on lui avait accordé. Le gouvernement apporta aux patrons le soutien de la troupe, qui tira à
plusieurs reprises sur les grévistes, faisant 14 morts parmi les grévistes à la Ricamarie en 1869.
L'économie avait continué à faire l'objet d'une législation intensive ; les lois sur la reconnaissance de la
valeur du chèque, sur les sociétés anonymes en furent des résultats durables. La fondation du Crédit Lyonnais,
des magasins du Printemps, du Bon Marché, de la Samaritaine, de Lip, l'ouverture du canal de Suez à l'occasion
de laquelle Verdi composa Aïda, la mise au point de l'hydroélectricité, du Celluloïd ou des engrais potassés
traduisent le dynamisme maintenu des entrepreneurs français. La période fut surtout marquée par
l'haussmannisation de Paris, en premier lieu, puis de la plupart des grandes villes françaises ; grands et larges
axes reliant les gares, places circulaires, bâti homogène d'immeubles à sept étages et toiture en zinc le long des
boulevards, édification d'espaces de loisirs (jardins publics comme les Buttes-Chaumont à Paris, théâtres,
opéras) : tout cela prolongeait l'impression de prospérité impériale. Non sans incertitudes : étonnée par les
maquettes de l'Opéra de Paris, l'impératrice Eugénie se serait récriée : « Cela n'a pas de style ! », et l'architecte
Charles Garnier lui aurait répondu : « Si, votre altesse : c'est du Napoléon III. » La peinture officielle et
académique (« pompier ») d'un Jean-Louis Ernest Meissonnier ne parvenait plus à cacher que la vraie nouveauté
était exposée chaque année au salon des Refusés où le Déjeuner sur l'herbe de Manet fit scandale en 1863.
Les indices de crises surtout se multipliaient. Faillites retentissantes comme celle du Crédit mobilier des
Pereire ; crise de production comme en 1867-1868 ; multiplication des mouvements sociaux, des associations
syndicales clandestines : le régime s'avérait incapable de maintenir la prospérité, l'ordre public et l'autorité des
élites sociales. Le prince Jérôme Napoléon (« Plon-Plon ») pérorait sur les réformes nécessaires et accomplissait
avec l'aval du baron Haussmann des opérations immobilières suspectes (arcades de la rue de Rivoli) ; Jules Ferry
put publier, en 1867, malgré tout, une brochure qui fit mouche. Intitulée les Comptes fantastiques d'Haussmann
en référence à l'opérette d'Offenbach, elle montrait comment l'opération gigantesque de transformation de la
capitale se faisait au prix d'un endettement, de prévarications, de pots-de-vin multiples.
L'évolution vers l'Empire libéral ne fut donc pas vraiment une évolution vers la gauche révolutionnaire ;
Émile Ollivier, incarnation de la modification de l'Empire, était de fait très hostile aux socialistes et aux
républicains les plus radicaux. Cette évolution fut encore accélérée par les échecs de la France en matière de
politique étrangère.
Le Second Empire
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L'affaire mexicaine, commencée en 1861, s'acheva en désastre : Maximilien, le candidat français au
trône mexicain, fut fusillé par les insurgés (19 juin 1867). L'effondrement de l'Autriche à Sadowa face à la
Prusse ôta à la France tout moyen de peser sur les négociations ; les « compensations » qu'elle demandait pour
n'être pas intervenue dans le conflit lui furent refusées. Ce rôle, elle l'avait déjà réclamé en vain au sujet de la
guerre de Sécession américaine et dans l'affaire du Schleswig-Holstein qu'annexa la Prusse de Bismarck.
L'apogée du congrès de Paris en 1856 était bien oubliée : la France ne pouvait plus peser sur la diplomatie
européenne. En matière coloniale toutefois, elle progressait notablement malgré des difficultés sérieuses au
Cambodge et à Madagascar. Cela fut insuffisant pour renverser la tendance globale à l'affaiblissement.
La Constitution adoptée en 1870 proposait un régime effectivement libéral, bicamériste, avec un rôle
législatif et financier important attribué au Corps législatif et un rôle de contrôle effectif donné au Sénat. La
volonté libérale de Napoléon III s'était traduite dès le début de l'année par le renvoi du baron Haussmann comme
préfet de la Seine et par le choix, comme ministre principal chargé de former le gouvernement, d'Émile Ollivier.
Mais, alors que les résultats du plébiscite semblaient garantir l'assise du régime, celui-ci s'effondra dans la guerre
contre la Prusse.
Celle-ci eut pour cause immédiate la « dépêche d'Ems », une opération sans doute soigneusement
combinée par les services secrets allemands : Bismarck annonçait à la presse que l'ambassadeur français, venu
demander à Guillaume Ier la promesse de ne plus tenter d'installer la dynastie Hohenzollern sur le trône
d'Espagne, avait été reçu de façon humiliante par l'empereur allemand. Le 19 juillet, la France déclarait la guerre
à la Prusse. Très vite, les défaites s'accumulèrent en Alsace et dans les Ardennes (l'armée française était
inférieure en nombre, en armement et surtout en préparation). Napoléon III, qui avait personnellement pris le
commandement de ses troupes, se fit enfermer avec son armée à Sedan où il dut capituler le 2 septembre (voir
franco-allemande, guerre (1870-1871)). Dès la nouvelle parvenue à Paris, un gouvernement provisoire de la
République était mis en place : le second Empire était mort.
Ce régime avait fait entrer la France dans l'ère du capitalisme industriel et financier. Le pays avait
retrouvé un lustre international que les monarchies précédentes avaient considérablement affaibli, mais qui allait
survivre à l'Empire. Les structures sociales avaient été modifiées, tout comme les possibilités de déplacement et
la conscience politique de la nation. Régime desservi par l'ère de l'argent-roi, par les successions répressives, par
les erreurs diplomatiques de la seconde période, le second Empire sut pourtant donner à la France les bases de sa
révolution économique et social tout en confirmant, conformément au projet initial, les acquis de la révolution de
1789 et de celle de 1848.