Physiologie de la jonction neuro musculaire iade 2010

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Physiologie de la jonction neuro musculaire iade 2010
Physiologie de la jonction
neuro-musculaire
Dr Guillaume TAYLOR
Jonction neuro-musculaire d’un muscle
squelettique
1
Plaque motrice
Fente synaptique
2
Récepteur à l’acétylcholine
Transmission neuromusculaire
1. Arrivée de l’influx nerveux le long de l’axone
2. Dépolarisation du bouton terminal
3. Libération de l’acétylcholine dans la fente synaptique
4. Liaison de deux molécules d’acétylcholine par récepteur
5. Ouverture du canal sodique du récepteur, dépolarisation de la
membrane post synaptique (25% des récepteurs requis)
potentiel de plaque, limité à la plaque motrice
6. Ouverture des canaux sodiques voltage dépendants potentiel
d’action, propagé à tout le muscle
7. Initiation de la contraction musculaire
3
L’acétylcholinestérase
L’acétylcholinestérase
•
Enzyme présente en grande quantité dans la fente synaptique
sa fonction est la dégradation de l’Ach pour:
1. Limiter la durée de la dépolarisation musculaire
2. Permettre le recyclage de la choline
•
Le potentiel d’action pre synaptique entraîne une libération
quantique (environ 200 vésicules de 5000 molécules) et en
excès d’acétylcholine.
•
Dès sa libération du récepteur l’acétylcholine est immédiatement
hydrolysée par l’acétylcholinestérase.
•
La contraction de la fibre musculaire est donc maximale et
brève.
4
Pharmacologie des curares
Familles de curares
Curares non dépolarisants:
1.
Benzylquinoléines:
•
Atracurium/cisAtracurium: Tracrium ® et Nimbex ®
•
Mivacurium: Mivacron ®
2. Stéroïdes:
•
Pancuronium: Pavulon ®
•
Vecuronium: Norcuron ®
•
Rocuromium: Esmeron ®
Curare dépolarisant:
Succinylcholine ou suxamethonium: Célocurine ®
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Familles de curares
Mode d’action des curares non dépolarisants
curare
6
Mode d’action des curares non dépolarisants
1. Inhibiteurs compétitifs de l’acétylcholine
2. Antagonistes des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine,
liaison réversible
3. Une molécule de curare suffit à bloquer un récepteur (2 sites à
l’Ach)
4. Le canal sodique ne peut s’ouvrir, blocage de la jonction
neuromusculaire
5. 75% au moins des récepteurs doivent être bloqués pour inhiber
la dépolarisation de la membrane post synaptique
6. Une jonction neuromusculaire contenant du curare peut donc
rester fonctionnelle (curare en concentration insuffisante ou Ach
en excès)
DA 95: dose action 95
• Dose en mg/kg entraînant 95% de l’effet chez 50% des
patients
• DA 95 faible:
Affinité forte du curare pour le récepteur à l’Ach
Curare puissant
• DA 95 élevée:
Affinité faible du curare pour le récepteur à l’Ach
Curare moins puissant
• Posologies:
Intubation: 2 à 3 DA 95
Réinjection 35% de la dose initiale pour le curares
d’action intermédiaire, perfusion continue: 1 à 2 DA 95/h
7
Caractéristiques des benzylquinoléines
1. Forte affinité pour les récepteurs à l’Ach: curares puissants
2. Effet histamino-libérateur, dépendant de la dose injectée et
de la vitesse d’injection
• Rash cutané (fréquent)
• Hypotension (peu fréquent)
• Bronchospasme (rare)
Atracurium: Tracrium®
• Diester en mélange de plusieurs isomères d’atracurium
• Dose d’intubation: 0,5 mg/kg 2 fois DA 95
• Curare de durée d’action intermédiaire: 30 à 45 min
•Assez fortement histamino-libérateur
• Métabolisme plasmatique: voie de Hoffman (dégradation
chimique non enzymatique), indépendant des fonctions
hépatique et rénale
• Métabolite toxique: laudanosine, risque épileptique à forte
dose, contre indication en administration prolongée
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Cisatracurium: Nimbex®
• Diester de forme pure cis
• Dose d’intubation: 0,15 à 0,20 mg/kg 3 à 4 fois DA 95
• Curare de durée d’action intermédiaire: 40 à 75 min
• Métabolisme plasmatique: voie de Hoffman (dégradation
chimique non enzymatique), indépendant des fonctions
hépatique et rénale
• Quasiment pas histamino-libérateur, pas de métabolite
toxique
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Mivacurium: Mivacron®
• Dose d’intubation: 0,2 mg/kg soit 3 DA 95
• Curare de durée d’action courte: 15 à 20 min
• Métabolisme plasmatique: pseudocholinesterases
(dégradation enzymatique), dépendant des fonctions
hépatique et rénale, attention en cas de déficit enzymatique !
• Puissant mais dégradation rapide
• Peu histamino-libérateur
Déficit en pseudocholinestérases
1. Variant
• Hétérozygote: + 30 à 100% (1/480)
• Homozygote: 3 à 4 heures (1 /3000)
2. Déficit acquis
• Grossesse ou contraception
• Cancers
• Insuffisance hépatique
• Certains médicaments: IMAO, metoclopramide…
Possibilité de dosage préopératoire
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Pharmacocinétique des benzylquinoléines
DA 95
mg/kg
Dose d’intubation
mg/kg
Délai d’action
sec
Durée d’action
min
Atracurium
0,25
0,5
120 à 180
30 à 45
Cisatracurium
0,05
0,15 à 0,2
90 à 180
40 à 75
Mivacurium
0,08
0,2 à 0,25
120 à 180
15 à 20
Drogue
Caractéristiques des curares stéroïdes
1. Affinités variables pour les récepteurs à l’Ach
2. Effet vagolytique par fixation et blocage partiel des
récepteurs muscariniques du système nerveux autonome,
dépendant de la dose injectée et de la vitesse d’injection
• Tachycardie
• Hypertension
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Pancuronium: Pavulon®
• Dose d’intubation: 0,08 à 0,12 mg/kg 1,5 à 2 fois DA 95
• Curare de durée d’action longue: 60 à 120 min
• Métabolisme hépatique à 15% élimination rénale du
métabolite (actif) et de la fraction inchangée (85%)
Clearance fortement dépendante des fonctions hépatique
et rénale
• Assez vagolytique (tachycardie et hypertension)
• Indiqué seulement ( de - en -) dans les interventions
longues (3 à 4 heures) sans extubation programmée
Vecuronium: Norcuron®
• Dose d’intubation: 0,1 mg/kg 2 fois DA 95
• Curare de durée d’action intermédiaire: 45 à 60 min
• Métabolisme hépatique à 75%, élimination rénale lente du
métabolite (actif) et plus rapide de la fraction inchangée
(25%). Clearance fortement dépendante des fonctions
hépatique et rénale
• Quasiment pas vagolytique
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Rocuronium: Esmeron®
• Dose d’intubation: 0,6 mg/kg 2 fois DA 95 (très peu puissant)
• Curare de durée d’action intermédiaire: 30 à 40 min
• Élimination hépatique, clearance diminuée en cas de
défaillance hépatique
• Très peu vagolytique
• Alternative à la succinylcholine pour l’intubation en séquence
rapide: 0,9 à 1,2 mg/kg, délais d’action 60 sec (durée d’action
en conséquence)
Pharmacocinétique des stéroïdes
Drogue
DA 95
mg/kg
Dose d’intubation
mg/kg
Délai d’action
sec
Durée d’action
min
Pancuronium
0,06
0,1
120 à 180
60 à 120
Vecuronium
0,05
0,1
90 à 180
45 à 60
Rocuronium
0,3
0,6
90
30 à 40
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Contre indications et précautions
• Antécédent d’allergie à n’importe quel curare:
réactions croisées !!!
• Myasthénie: utilisation TRES prudente, à faible dose,
surveillance prolongée, au moins 24h en SSPI ou en réa
• Insuffisance rénale: pancuronium, rocuronium, vecuronium
• Insuffisance hépatique: vecuronium, rocuronium
Mode d’action des curares dépolarisants
1. Compétitif de l’acétylcholine
2. Agonistes des récepteurs nicotiniques de l’acétylcholine, liaison
réversible
3. Insensible à
récepteurs
l’acétylcholinestérase,
liaisons
répétées
aux
4. Le canal sodique peut s’ouvrir, dépolarisation de la jonction
neuromusculaire
5. Répétition des contractions musculaires impossible, blocage par
la zone tampon
6. Demie vie dépendante de l’élimination plasmatique
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Canal sodique de la zone jonctionnelle
Zone tampon
Canal sodique de la zone jonctionnelle
Temps
dépendant
Voltage
dépendant
Na+
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Succinylcholine: Celocurine ®
• Dose d’intubation: 1 mg/kg, 2 fois DA 95 (très peu puissant)
• Plus court délais d’action de tous les curares: 60 secondes
• La paralysie est maximale après les fasciculations
musculaires
• Élimination plasmatique rapide, pseudocholinestérases
(synthèse hépatique)
• Curare de durée d’action très courte: 6 à 12 minutes
Succinylcholine: Celocurine ®
Effets indésirables
• Hyperkaliémie: suit la liaison aux récepteurs à l’Ach,
normalement + 0,5 meq/L
• Spasme masseter, de courte durée, plus fréquent chez
l’enfant
• Myalgies consécutives aux fasciculations
• Augmentation de la pression intra oculaire
• Peut favoriser le déclenchement d’une hyperthermie maligne
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Succinylcholine: Celocurine ®
Contre indications
• Antécédents d’hyperthermie maligne
• Allergie documentée aux curares
• Risque d’hyperkaliémie:
Brûlure étendue
Dénervation de membre (1 seul suffit)
Insuffisance rénale sévère
infection intra abdominale prolongée
Acidose et hypovolémie
après 24 heures
Libération intestinale
• Relative: plaie ouverte du segment antérieur de l’œil
Le bloc de phase II
• Apparaît en cas d’exposition prolongée à la succinylcholine
4 à 6 mg/kg ou déficit en pseudocholinesterase
• Résulte de l’ouverture prolongée du récepteur à l’Ach
• Le blocage neuromusculaire s’apparente à celui d’un
curare non dépolarisant
• Monitorage, avec contre indication à l’antagonisation
• Jamais de perfusion continue de succinylcholine
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Monitorage de la curarisation
La curarisation résiduelle
• Dysfonction des muscles laryngés et pharyngés
• Obstruction des voies aériennes supérieures
• Diminution de la capacité d’adaptation à l’hypoxémie
• Facteur de risque de complication respiratoire
Le seul sur lequel on puisse agir
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Variabilité de la réponse musculaire
• La curarisation s’installera d’autant plus rapidement qu’un
muscle est richement vascularisé
• La curarisation sera d’autant plus courte que la densité en
récepteurs à l’Ach est élevée
• Grande variabilité inter individuelle
MONITORAGE
Variabilité de la réponse musculaire
Muscles lents et sensibles
Muscles périphériques
Adducteur du pouce
décurarisation
induction
Muscles rapides et sensibles
Muscles glottiques
Masseter
Muscles laryngés
Diaphragme
Muscles abdominaux
Muscle sourcilier
Muscles rapides et résistants
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Situations prolongeant l’action des curares
• Anesthésie aux halogénés
• Hypothermie
• Certains médicaments:
Cimétidine = Tagamet
Antibiotiques aminosides
…
Cas particulier du patient obèse
• Le poids réel ne doit pas être utilisé pour calculer la
posologie
• Poids « utile » = poids idéal + 20 %
• Risque important de surdosage relatif
Délai d’action plus court
Durée d’action plus longue
MONITORAGE !
20
Moyens du monitorage
1. Les modes stimulation
2. Les sites de stimulation
3. Résultats attendus en fonction des objectifs
Objectifs du monitorage
1. Installation de la curarisation à l’induction avant intubation
2. Entretien adéquat en per-opératoire
3. Levée du bloc neuromusculaire (spontanée ou pour la
mise en place et la surveillance d’une décurarisation)
Train de quatre: TOF
1,5 sec
stimulation
T1
T4
T4/T1= ratio
réponse
21
TOF et curare non dépolarisant
stimulation
induction
récupération
réponse
TOF et curare dépolarisant
stimulation
induction
récupération
réponse
Sauf si bloc de phase II
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Post Tetanic Count: PTC
5 sec
1 sec
stimulation
réponse
Post Tetanic Count: PTC
stimulation
bloc neuromusculaire profond
Réapparition de T1 au TOF
réponse
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Double-Burst Stimulation: DBS
750 msec
20 msec
stimulation
T1
T2
T2/T1= ratio
réponse
Monitorage à l’adducteur du pouce
Muscle sensibles aux curares
Décurarisation
• Électrodes en regard du nerf ulnaire (cubital)
• Cathode (noire) distale
• Accéléromètre sur la pulpe du pouce
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Monitorage au sourcilier
Muscle résistants aux curares
Induction ou entretien
• Électrodes en regard du nerf facial
• Cathode (noire) distale
• Accéléromètre peu utilisable (mesure visuelle)
Objectifs de curarisation
• Intubation: 0 réponse au TOF au sourcilier
• Entretien:
1 à 2 réponses au TOF à l’adducteur du pouce = bloc léger
1 à 2 réponses au TOF au sourcilier = bloc profond
1 à 3 réponses au PTC à l’adducteur du pouce = bloc très profond
• Récupération:
A partir de 2 au TOF à l’adducteur du pouce = antagonisable
4 réponses et 90% de T4/T1 à l’adducteur du pouce = extubable
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Monitorage comparé de la décurarisation
T4/T1
1
Décurarisation adéquate
0,9
0,6
Détection au DBS
0,4
Seuil de détection visuelle du T4/T1
0,3
Head lift test +
0,2
Ventilation minute adéquate
0
Ne jamais remplacer le monitorage
instrumental par la clinique
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Antagonisation des curares
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Principe pharmacologique
• Inverser le rapport entre curare et acetylcholine pour
déplacer l’équilibre en faveur de l’agoniste
• Inhibition de la dégradation de l’acetylcholine: inhibition de
l’acétylcholinestérase
• Le curare reste présent dans la fente synaptique
• Ne peut s’envisager en cas de bloc profond
Néostigmine: Prostigmine ®
• Principal médicament utilisé en France
• Bloque le site catalytique de l’acetylcholinestérase
• Posologie: 40 µg/kg
• Effets indésirables: muscariniques:
Bradycardie
Sialorrhée
Bronchoconstriction
Atropine 15 µg/kg
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Contre indications
• Blocs profonds:
TOF < 2 à l’adducteur du pouce (durée intermédiaire)
TOF < 4 à l’adducteur du pouce (durée longue)
• Asthme instable: en pratique bronchospasme per opératoire
• Bradycardie avec insuffisance cardiaque
En pratique
• TOF = 2 à l’adducteur du pouce:
40 µg/kg
Atropine 15 µg/kg
Délais d’action moyen 11 minutes !
• TOF = 4 à l’adducteur du pouce:
20 µg/kg
Atropine 15 µg/kg
Délais d’action beaucoup plus court
• Variabilité interindividuelle et délais d’action imposent la
poursuite du MONITORAGE
• OBJECTIF T4/T1 90%
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Les pièges
• Le bloc de phase II: TOF semblable aux curares d’action
intermédiaire mais comportement différent
• Le mivacurium: risque d’inhibition des cholinestérases
plasmatiques, pas de bénéfice
• Reprise de VS ne signifie pas 2 réponses aux TOF
• Monitorage du côté d’une hémiplégie: récepteurs plus
nombreux, impression fausse de décurarisation
Monitorage à l’adducteur du pouce
SUGAMMADEX: Bridion ®
• Un intercepteur de curare
• Ne modifie pas la quantité d’acétylcholine présente dans la
fente synaptique
• Le curare disparaît de la fente synaptique
• Peut même s’envisager en cas de bloc profond
• Ne concerne que les curares stéroïdes en particulier le
Rocuronium/Esmeron®
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SUGAMMADEX: Bridion ®
SUGAMMADEX: Bridion ®
• Dose 2 à 4 mg/kg pour un TOF à 2 sur 4
• Jusqu’à 16 mg/kg pour les blocs très profonds: 0 réponse
au PTC
• Délais d’action inférieur à 1 min
• Effets indésirables très rares: dysgueusie, allongement du
QT, hypotension
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Nouvelles indications d’antagonisation
• Risque d’intubation ou de ventilation au masque difficiles
• Séquence rapide: contre indications à la succinylcholine
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