La Lettre # 45 - WordPress.com

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La Lettre # 45 - WordPress.com
La lettre d’Archimède
L’actualité de l’Eldo vue par un spectateur
Sommaire
No 45 — 30 janvier 2016
Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin
L’Exorciste — Sorcerer
Le film mystère
En bref — Prochains rendez-vous à l’Eldo… et ailleurs
LE DERNIER JOUR D’YITZHAK RABIN
un film d’Amos Gitaï
Dans la soirée du 4 novembre 1995, Yitzhak Rabin se rend sur la place des Rois d’Israël à Tel Aviv. Le Premier
ministre, signataire des accords d’Oslo en 1993, prix Nobel de la paix en 1994, tient un long et vibrant discours contre la violence et en faveur de la paix devant une foule nombreuse et enthousiaste. Ensuite, alors
qu’il se rend à sa voiture, le septuagénaire est abattu de trois coups de feu à bout portant. Stupeur. Qui a
pu tuer Rabin ? Comment un tel acte a-t-il été possible ? La première question est simple, le meurtrier
n’ayant pas fui. Il s’agit d’un jeune étudiant en droit, juif religieux et aux idées d’extrême droite, Yigal Amir.
Pour répondre à la seconde, une commission d’enquête se réunit dès la 19 novembre suivant, chargée
d’identifier les défaillances des services de sécurité et de la police. Son président regrette cependant que
l’investigation ne porte pas aussi sur le climat politique et la pression religieuse qui favorisé l’assassinat.
Amos Gitaï n’a pas cette contrainte, il ne se prive pas de rappeler ce qu’était l’Israël de 1995, l’hypocrisie
du Likoud, le fanatisme religieux qui pousse certains à appeler sur Rabin la malédiction divine, la violence
verbale et physique, la colonisation comme arme. Contrairement à la plupart des films qui retracent un
événement historique, Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin n’est pas le compte-rendu chronologique et supposé objectif de l’assassinat. Je le rattacherai plutôt à la peinture d’histoire, tentative tout autant symbolique que descriptive de rendre compte de l’événement, à travers la vision d’un artiste engagé
d’aujourd’hui. Amos Gitaï place autour de la figure de Rabin tout un ensemble d’éléments qui font sens,
le récit du meurtre d’Asaël par Abner lu par Amir, les souvenirs familiaux d’un interrogateur, les images
de la place des Rois qui se remplit, l’ébauche d’évocation d’Avishai Raviv, le délire d’une psychologue
clinicienne… Il fait ainsi le portrait d’un homme sage et courageux, martyr de la paix, face à une violence
de mots, de représentations et de comportements qui furent aussi meurtriers que l’arme de Yigal Amir.
Ces éléments qui composent Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin sont de sources variées — images d’archives,
reconstitutions scrupuleuses, entretiens contemporains, reportages télévisés… Amos GitaÏ nous embarque
brutalement, nous bouscule sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle, comme s’il essayait de nous
replacer à ce moment de stupeur où la nuance n’est plus de mise, où la seule raison est impuissante face au
fanatisme et à la mauvaise foi. Ce n’est qu’en sortant de la séance qu’il est de nouveau possible de respirer,
de réfléchir, de comprendre en quoi est important, encore plus aujourd’hui qu’hier, pour Israël mais pas uniquement pour lui, le portrait d’un homme qui a décidé de voir en l’ennemi l’ami possible, de dévoiler ce qui
est nié. Son « dernier jour », vu vingt ans plus tard, prouve à quel point Yitzhak Rabin avait raison.
Le Dernier Jour d’Yitzhak Rabin (Rabin, the Last Day ; Israël, France ; 2015 ; 2 h 34 ; couleur), réalisé par Amos Gitaï, écrit par Amos Gitaï et
Marie-José Sanselme, produit par Cyril Colbeau-Justin, Jean-Baptiste Dupont, Sylvie Pialat, Laurent Truchot, Michael Tapuah, Francesco Di
Silvio, David Kessler et Amos Gitaï ; musique d’Amit Poznansky, image d’Éric Gautier, montage de Yuval Or, Tahel Soter et Iabelle Ingold ;
avec Yitzhak Hizkiya (président de la commission), Pini Mittelman (membre de la commission). Distribué par Sophie Dulac Distribution. Prix
spécial du jury au Festival du film européen de Séville 2015 ; Souris d’or et Human Rights Film Network Award à la Mostra de Venise 2015.
L’EXORCISTE — SORCERER
deux films de William Friedkin
L’Exorciste
Sorcerer
Cet été (Lettre # 22), je me réjouissais de la reprise de French Connection (The French Connection ; 1971)
de William Friedkin par l’Eldorado, et voici que ce dernier reprend les deux films suivants du réalisateur,
L’Exorciste (1973) et Sorcerer (1977). Je suis d’autant plus enthousiaste que je découvre ces deux films.
Bien sûr, j’ai déjà vu le premier mais dans la version de 1973 et non dans celle intégrale de 2001 : le film
contient dix minutes de plus, et quelques modifications ont été apportées ci et là. Quant à Sorcerer, sorti
en France en 1978 sous le nom de Le Convoi de la peur, c’est une totale nouveauté pour moi : sans doute,
l’échec commercial du film (sorti aux États-Unis une semaine après Star Wars) explique qu’il ne fut pas
souvent repris ensuite, surtout en France où le roman de Georges Arnaud avait donné lieu à une adaptation brillante d’Henri-Georges Clouzot, Le Salaire de la peur (1953) avec Yves Montand et Charles Vanel,
qui passait jadis très souvent à la télévision française.
Les deux histoires sont très simples : dans l’un, il est question de Reagan, une préadolescente au comportement inexplicable que seul un exorcisme semble pouvoir guérir ; dans l’autre, de quatre hommes au
passé douteux qui sont chargés de conduire deux camions contenant des caisses de nitroglycérine instables au travers 300 kilomètres de jungle. Les forces maléfiques, déjà en œuvre dans French Connection,
se déchaînent ici, qu’elles revêtent la forme d’un dieu païen à la verge turgescente qui possède une fillette
découvrant la composante sexuelle que la société policée cache hypocritement, de la nature déchaînée
ou des camions Lazarus et Sorcerer, instruments des hommes qui n’attendent cependant qu’un moment
de défaillance ou d’inattention de leur part pour les anéantir. William Friedkin confirme le grand styliste
qu’il est, dans la composition, les lumières et surtout les mouvements de caméra, comme ceux, parfois
infimes, qui nous poussent inexorablement vers la porte de Reagan.
Un dernier conseil concernant L’Exorciste : ne préjugez pas du film si vous n’avez vu que les suites, dont
la calamiteuse (dans mon souvenir) L’Exorciste II. L’Hérétique (1977) réalisée pourtant par John Boorman
et avec Burt Lancaster. L’original est nettement supérieur.
L’Exorciste (The Exorcist ; États-Unis ; 1973 ; 2 h 12 ; couleur, 1.85:1), réalisé par William Friedkin, produit et écrit par William Peter Blatty
d’après son roman (1971) ; maquillage de Dick Smith, effets spéciaux de Marcel Vercoutere, image d’Owen Roizman, son de Robert Knudson
et Christopher Newman, montage de Norman Gay et Evan Lottman ; avec Ellen Burstyn (Chris MacNeil), Max von Sydow (le père Merrin),
Lee J. Cobb (Lt. William Kinderman), Kitty Winn (Sharon), Jack MacGowran (Burke Dennings), Linda Blair (Regan). Oscars du meilleur scénario
adapté et du meilleur son 1974… Version intégrale de 2001. Interdit aux moins de 12 ans.
Le Convoi de la peur / Sorcerer (Sorcerer ; États-Unis ; 1977 ; 2 h 01 ; couleur, 1.85:1), produit et réalisé par William Friedkin, écrit par Walon
Green d’après Le Salaire de la peur (1950) de Georges Arnaud ; musique de Tangerine Dream, image de Dick Bush et John M. Stephens,
montage de Bud Smith ; avec Roy Schneider (Jackie Scanlon / Juan Dominguez), Bruno Cremer (Victor Manzon / Serrano), Francisco Rabal
(Nilou), Amidou (Kassem / Martinez), Ramon Bieri (Corlette). Distribué par La Rabbia et BAC Films.
Le film mystère
Visuellement, L’Exorciste de William Friedkin puise une partie de son inspiration dans le film mystère de
la semaine. D’ailleurs, Chris MacNeil (Ellen Burstyn) brodant n’est-elle pas un clin d’œil à l’héroïne du film
mystère qui s’adonne au même passe-temps (le photogramme ci-après) ?
Pour jouer, il suffit d’envoyer le titre du film mystère et le nom de son réalisateur par mail à l’adresse
[email protected] ou déposez la réponse avec le numéro de la Lettre, votre nom et des
coordonnées (de préférence une adresse électronique) dans l’urne située dans le hall de l’Eldorado avant
le vendredi 29 janvier minuit. Le gagnant sera tiré au sort parmi les bonnes réponses et remportera deux
places gratuites. Bonne chance !
Le film mystère précédent
Bravo à tous ceux qui ont reconnu La Chevauchée fantastique (Stagecoach, 1939) de John Ford, et particulièrement Alain D. que le sort a désigné comme gagnant des deux places gratuites en jeu.
Dans le photogramme, la silhouette si caractéristique de John Wayne (1907 – 1979) était reconnaissable. « The
Duke » n’était encore qu’étudiant lorsqu’il apparut furtivement dans quelques films à partir du milieu des années 1920, tel Maman de mon cœur (Mother Machree ; 1928) de John Ford, premier titre d’une filmographie
commune qui contient quelques chefs-d’œuvre comme La Chevauchée fantastique, La Prisonnière du désert
(The Searchers ; 1956) ou L’Homme qui tua Liberty Valance (The Man Who Shot Liberty Valance ; 1962). L’acteur tourna aussi beaucoup avec Howard Hawks, par exemple Rio Bravo (1959), mais c’est pour 100 dollars
pour un shérif (True Grit ; 1969) de Henry Hathaway qu’il remporta l’unique Oscar de sa carrière.
En bref
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Lundi prochain, 20 h 30 : séance unique du film Le Feu sacré d’Arthur Joffé. Je ne l’ai malheureusement
pas encore vu mais un film d’un réalisateur consacré à son métier peut se révéler intéressant, d’autant
plus lorsqu’il s’agit d’un auteur dont la filmographie courte n’est pas due à la fainéantise mais au refus
de transiger avec les producteurs. « Soit on lutte, soit on joue le jeu » : tout un programme.
Pour ceux qui, à l’issue de la semaine Télérama, n’auraient toujours pas vu Mustang, Fatima, Marguerite ou Fatima, l’Eldorado joue les prolongations : quelques séances à 4 € leur sont proposées.
N’hésitez pas à acheter dès à présent vos places pour La Petite Séance, week-end cinéma dans le
cadre du festival À pas contés, ainsi que pour la soirée-débat autour du film En quête de sens,
organisé par l’Eldorado en partenariat avec l’association Itinéraires singuliers.
Vous avez pu remarquer que, cette semaine, le résultat de la souscription de soutien à l’Eldorado
est absent de la Lettre. La somme obtenue (46 787 €) grâce aux quelques 600 donateurs et la subvention exceptionnelle de la Ville de Dijon ont permis à l’Eldo de résoudre les problèmes à court
terme. Mais l’avenir à long terme n’est toujours pas assuré…
Les photographies confiées avec les dons devraient bientôt être présentées en salle.
Je vous signalais récemment (Lettre # 43) une pétition pour le maintien d’une salle Art et essai de SaintNazaire. La pétition a été remise en mairie de Saint-Nazaire le 21 janvier 2016 avec 2 300 signatures. D’autre
part, j’avais oublié de nommer Patrick Leboutte qui m’avait transmis l’information : qu’il en soit remercié.
Prochains rendez-vous à l’Eldo…
Février
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Mercredi 3, 16 h : Séance ciné-jeux Mini et les Voleurs de miel.
Vendredi 5, 13 h 45 : Projection de C’est quoi ce travail ?, suivie d’une rencontre avec le
réalisateur Sébastien Jousse.
Samedi 13, 10 h : Avant-première de Les Nouvelles Aventures de Pat et Mat, suivie d’un atelier jeux (5 €).
Samedi 13, 16 h : Avant-première de La Chouette, entre veille et sommeil, avec lecture en salle (5 €).
Dimanche 14, 10 h : Avant-première de Les Nouvelles Aventures de Pat et Mat, suivie d’un atelier
jeux (5 €).
Dimanche 14, 16 h : Projection de Les Espiègles, suivie d’un atelier jeux (5 €).
Mardi 16, 20 h 15 : Projection de En quête de sens, suivie d’un débat.
Lundi 22, 14 h : Ciné-atelier Le Voleur de Bagdad.
Mardi 23, 20 h 15 : Projection de The Waiting Room, suivie d’une rencontre avec le musicien Stuart Stuaples.
Mercredi 22 : Ciné-atelier La Forteresse.
… et ailleurs
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Samedi 30 janvier, 21 h : Boum Yourself Vol. 2 au Point d’eau, 71, rue Jeannin (entrée libre).
Dimanche 31 janvier, 15 h : Atelier tricot au Chez nous, 8, ruelle Quentin (entrée libre).
Vendredi 5 février, 19 h : DJ Set — Magimix au Chez nous, 8, ruelle Quentin (entrée libre).
Dimanche 7 février, 16 h : Concert de musique baroque animé par Patrick Heilmann et Claire
Bournez, dans le cadre de l’exposition Dentelle et Soleils noirs proposée par Itinéraires singuliers
au centre hospitalier La Chartreuse, 1, boulevard Chanoine Kir (entrée libre).
Cinéma Eldorado
21, rue Alfred de Musset / 21 000 DIJON
Divia : liane 5 et ligne 12 — Station Vélodi à proximité
Site web : http://www.cinema-eldorado.fr — Courriel : [email protected]
Twitter : @CinmaEldorado — Facebook : CinemaEldorado
La lettre d’Archimède
Site web : https://cinemaeldorado.wordpress.com/la-lettre — Courriel : [email protected]