Armoiries

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Armoiries
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05/01/2015 |
Armoiries
Emblème héréditaire ou constant d'une personne, d'une famille, d'une collectivité ou d'une institution, en
forme d'écusson coloré. Apparues dans le deuxième quart du XIIe s. comme signe distinctif des chevaliers
devenus méconnaissables sous leur armure, les armoiries ou armes se généralisèrent lors des croisades, où
elles s'avérèrent nécessaires comme signal de reconnaissance et de ralliement. Elles subirent alors l'influence
de modèles arabes; toutefois le vert ("sinople"), couleur du prophète Mahomet, fut évité, sauf pour certains
motifs (plantes, monts). Les couleurs les plus nobles sont les deux "métaux", or et argent (jaune et blanc); ils
ne doivent pas se superposer. Les autres teintes s'appellent "émaux"; les plus fréquentes sont le rouge
("gueules"), puis le bleu ("azur") et le noir ("sable"). Le champ de l'écu peut être divisé géométriquement
("partitions" et "pièces honorables"), par exemple verticalement ("parti" comme à Lucerne), horizontalement
("coupé" comme à Fribourg), en diagonale ("tranché" comme à Zurich ou "taillé"), ou orné de figures telles
que corps célestes, animaux, plantes, êtres fabuleux, objets divers.
Parmi les figures animales, si le lion est le plus fréquent, l'aigle est le plus ancien et le plus noble, parce qu'il
est le seul à voler contre le soleil. Aussi est-il l'emblème du Saint Empire. Parmi les plantes, le lis et la rose,
stylisés, sont favoris. Avant d'orner, en gardant une forme d'écu, les cottes de maille et les Drapeaux, les
armoiries figuraient sur le bouclier et se décrivent donc du point de vue du porteur (gauche et droite
inversées par rapport à l'observateur).
Comme dans les pays voisins, les nobles de nos contrées choisissaient leurs armoiries librement. Mais
d'autres que les nobles en prirent aussi, puisqu'elles étaient utilisées dès le XIIe s. comme signe
d'authentification sur les Sceaux: institutions ecclésiastiques (évêchés, abbayes, chapitres), puis
communautés acquérant leur autonomie (corporations de métier, villes, cantons campagnards). Ces armoiries
sont souvent inspirées de celles du suzerain, crosse de l'évêque de Bâle (reprise par la ville, plus tard par les
cantons de Bâle-Ville, Bâle-Campagne et du Jura), lion des Kibourg (Thurgovie, Winterthour, Diessenhofen),
bande de l'écu autrichien (Zoug); d'autres évoquent un saint (Fridolin à Glaris, les clés de saint Pierre à
Unterwald) ou sont des armes parlantes: ours de Berne, all. Bär, bélier de Schaffhouse, all. Schafbock, un mur
pour l'abbaye de Muri, un objet typique de leur métier pour beaucoup de corporations. Dès la fin du XIIe s., les
princes avaient des serviteurs chargés d'intervenir dans l'organisation des tournois. Ces spécialistes des
armoiries, dont ils tenaient des registres, sont appelés hérauts d'armes dès le XIVe s., d'où le terme
d'héraldique donné à la science du blason.
Au XIIIe s., l'écu armorial fut surmonté d'un "timbre" illustrant le rang et la fonction du détenteur: heaume
(dans sa forme de l'époque, avec lambrequins et cimier), mitre, chapeau, sceptre. Pour manifester une union
familiale ou territoriale, on pouvait combiner plusieurs écus, par exemple en les écartelant.
Konrad von Mure, chantre de Zurich, rédigea en 1260-1264 le plus ancien armorial des pays germanophones,
le Clipearius Teutonicorum, qui contient 73 blasons de la haute noblesse allemande. Les écus des hôtes
exposés lors des fêtes donnèrent l'idée de peindre des armoiries sur les parois et les plafonds. On conserve
de tels décors notamment à Sion, au-dessus de la cheminée de la "Caminata", salle de réception du château
de Valère (1224?); à Bâle, au plafond de la "belle maison" (Schönes Haus, dernier tiers du XIIIe s.; écus de la
noblesse régionale); à Zurich, au plafond de la maison Zum Loch (1306), à la maison Zum Langen Keller (frise
de 1300 environ), ainsi qu'à la Brunngasse 8 (frise unique de la première moitié du XIVe s., comprenant à
l'origine 80 blasons de la haute noblesse suisse et d'Allemagne du Sud, avec une inscription hébraïque).
Parmi les principaux armoriaux du Moyen Age, celui de Zurich a été confectionné vers 1340, sans doute à
Constance, Saint-Gall ou Pfäfers. Il présente 559 blasons nobles, surtout du sud de l'Empire, et 28 bannières
épiscopales allemandes, sur 13 feuilles de parchemin cousues ensemble pour former une bande de 4 m de
long sur 12,5 cm de large. On trouve beaucoup d'armoiries dans le Codex Manesse et le chansonnier de
Weingarten. Archives, bibliothèques et musées conservent de nombreux armoriaux plus récents.
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Dans la Confédération du bas Moyen Age où chacun aspirait à l'autonomie, bourgeois et paysans se
pourvoyaient aussi d'armoiries, les timbraient même, mais y faisaient souvent figurer des objets domestiques,
des outils ou des symboles de métier. Le plus ancien armorial bourgeois de Suisse est celui de la corporation
des Boulangers de Lucerne (1408). Bientôt le blason devint un élément principal de l'autoreprésentation des
communes, des corporations et des particuliers. Les villes surmontaient le leur d'une couronne de murs, et
Berne d'un chapeau ducal, à l'imitation des républiques italiennes. Les hôtels de ville s'ornent d'armoiries: à
Berne, dès le XVe s., celles des territoires conquis, au plafond de la salle du Petit Conseil (auj. salle du Conseil
d'Etat); à Bâle, celles des Confédérés, à l'intérieur comme à l'extérieur du bâtiment.
Les Vitraux armoriés se répandirent au XVe s., en même temps que l'usage des vitres. Les blasons, portés par
des hommes ou des animaux, y sont souvent accompagnés de scènes religieuses, mythologiques ou
historiques. Les armoiries cantonales sont habituellement dessinées à double, en miroir, au-dessous de l'aigle
impériale; celle-ci disparut peu à peu après la rupture avec l'Empire (1648), mais on la trouve encore au
XVIIIe s.
Dès le XVe s., il était de coutume en Suisse que villes, couvents, corporations, sociétés de tir et particuliers
offrent et reçoivent des vitraux armoriés en cas de construction de bâtiments importants. On vit ainsi fleurir
l'art des peintres verriers suisses, dont l'hôtel de ville de Bâle ou l'ancienne abbaye de Wettingen conservent
encore des œuvres, à leur emplacement d'origine. Les cantons souverains commandèrent des vitraux,
analogues à leurs grosses Monnaies, où leurs armoiries étaient entourées de celles de leurs bailliages,
disposées en cercle.
La forme circulaire se retrouve dans les rosaces héraldiques, telle celle de Hans Bildstein qui se trouve dans la
grande salle du Conseil à Appenzell (1651) et qui montre autour d'une scène de justice les armoiries des
rhodes et celles des conseillers de l'époque. Le musée historique du château de Blumenstein à Soleure
conserve une série de rosaces de corporations (XVIe-XIXe s.).
La popularité exceptionnelle des armoiries en Suisse ressort aussi du fait que l'écu est l'une des quatre
couleurs du jeu de cartes alémanique, qui apparut vers le milieu du XVe s. à Bâle et se répandit dans toute la
Confédération avant de se voir repousser vers l'est par les cartes françaises. Bien que la liberté ait toujours
régné en fait d'armoiries dans l'ancienne Confédération, les familles de noblesse récente se faisaient
volontiers attribuer, confirmer ou modifier leur blason par un monarque étranger, contre espèces.
Le goût du blason diminua peu à peu vers la fin du XVIIe s., mais ne disparut pas, même à l'époque de la
Révolution. Le vert, désormais couleur de la liberté, fut adopté par les nouveaux cantons de Vaud, Neuchâtel,
Saint-Gall et Thurgovie (avec, pour ce dernier, un usage incorrect des couleurs or et argent). En cas
d'homonymie, les anciens cantons (sauf Fribourg et Schaffhouse) prirent comme armoiries celles de leur cheflieu, Genève seul fit de même parmi les nouveaux; Obwald prit celles de Sarnen. Les communes récemment
créées et celles qui n'avaient pas encore d'armoiries s'en procurèrent, de sorte qu'elles en arboraient toutes
lors de l'Exposition nationale de 1939. La Croix fédérale sert depuis 1815 d'armoiries à la Confédération, qui
auparavant n'en avait pas, chaque canton étant souverain.
A travers des recherches menées d'abord en France et grâce aux travaux de Philipp Jacob Spener à
Strasbourg, l'héraldique devint dès le XVIIe s. une discipline scientifique; bénéficiant de l'enthousiasme
romantique pour le Moyen Age, elle prit pied en Suisse au XIXe s. et trouva place à l'université dans le cadre
des Sciences auxiliaires de l'histoire. La Société des antiquaires de Zurich commença à publier en 1860 un
fac-similé de l'armorial de Zurich. Le Neuchâtelois Maurice Tripet fonda en 1887 la revue Archives héraldiques
et sigillographiques suisses (plus tard Archives héraldiques suisses), noyau et organe de la Société suisse
d'héraldique fondée en 1891, laquelle publia en outre, de 1954 à 1987, un bulletin trimestriel international,
Archivum heraldicum. L'héraldiste décrit les armoiries à l'aide d'un vocabulaire spécialisé (blasonnement), il
étudie leur histoire et leur usage; capable d'en créer de nouvelles, il connaît les règles juridiques en la
matière. En Suisse chacun peut porter des armoiries, sans obligation de les faire enregistrer. Cependant le
blason jouit comme le nom de la protection de la personnalité au sens des articles 28 et 29 du Code civil et il
est mal venu de prendre les armoiries d'une famille éteinte.
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Fonds d'archives
– MNS
Bibliographie
– AHér.S., 1887– P. Ganz, Geschichte der heraldischen Kunst in der Schweiz im 12. und 13. Jahrhundert, 1899
– D.L. Galbreath, L. Jéquier, Manuel du blason, 1942 (21977)
– H. Hablützel, H. Hess, Monumenta heraldica Helvetiae, 1944
– M. Popoff, éd., Le rôle d'armes de Zurich, 1986 (all. 1930)
– L. Mühlemann, Armoiries et drapeaux de la Suisse, 1991 (all. 1977)
Auteur(e): Peter F. Kopp / PM
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