Les fièvres périodiques héréditaires

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Les fièvres périodiques héréditaires
Les fièvres périodiques héréditaires
P BRISSAUD
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Les fièvres périodiques héréditaires
Les fièvres périodiques sont définies comme des accès fébriles à répétition, durant quelques
jours à quelques semaines et séparés par des intervalles libres de plus de 15 jours et rémission
apparente de la maladie entre les périodes de fièvre.
L’enquête étiologique doit être minutieuse et systématique : interrogatoire et examens
clinique répétés, hiérarchisation des examens complémentaires selon l’état du patient,
toujours penser à une étiologie infectieuse latente (tuberculose, Osler), penser aux fièvres
simulées.
Les fièvres périodiques héréditaires font partie d’un cadre bien particulier et ont soulevé
récemment un intérêt majeur depuis la découverte des anomalies génétiques qui les soustendent.
Quatre grandes maladies sont définies, avec des tableaux cliniques souvent communs, mais
des supports génétiques et physiopathologiques différents : la maladie périodique, le
syndrome d’hyper IgD, les TRAPS et la maladie de Muckle-Wells.
La maladie périodique
♦ Clinique
Les attaques de maladie périodique sont caractérisées par de la fièvre et des « sérosites »,
péritonite, pleurésie, arthrites. Ces attaques surviennent avant l’âge de 20 ans et durent peu de
temps, 6 à 96 heures. La fièvre peut aussi être isolée.
Les douleurs abdominales sont pratiquement constantes, le plus souvent aiguës.
Une monoarthrite, touchant le genou la cheville, les poignets, peut être la seule manifestation
d’une attaque chez 75% des patients, alors que les arthrites chroniques ou migratoires sont
plus rares, mais peuvent être destructrices.
Une douleur thoracique peut être due à une pleurésie (30%) ou une péricardite (1%).
Les adolescents peuvent avoir des orchites aiguës.
Des lésions cutanées érysipélatoïdes sur le tibia ou le pied se voient dans 7 à 40% des cas et
sont caractéristiques.
La principale complication est la survenue d’une amylose AA au niveau rénal mais aussi
intestinal et éventuellement dans le cœur, les testicules et la thyroïde. La prévalence de
l’amylose est élevée chez les juifs Sépharades et basse chez les ashkénazes.
♦ Epidémiologie et génétique
La maladie périodique est une affection autosomique récessive affectant plus de 10 000
personnes dans le monde, essentiellement dans le bassin méditerranéen : Juifs Sépharades,
Arabes, Turcs, Arméniens. Elle a été aussi rapportée chez des Grecs, des Italiens, des Cubains
et des Belges.
♦ Anomalies biologiques
Il n’existe pas de marqueur biologique de la maladie, avec un syndrome inflammatoire non
spécifique lors des poussées. La présence d’une protéinurie évoque l’existence d’une amylose.
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♦ Pathogénie et génétique moléculaire
Le gène défectueux MEFV est situé sur le chromosome 16 et code pour une protéine, la
marénostrine. Le gène est exprimé principalement par les cellules myéloïdes pendant leur
différenciation. Son expression est stimulée par l’IFN gamma et le TNF alpha. Il est présent
surtout dans les neutrophiles matures et les monocytes et régule l’inflammation médiée par les
neutrophiles.
Les mutations les plus fréquentes sont M694V (20 à 67% des cas) et V726A (7 à 35%). Ces
deux mutations semblent provenir d’un ancêtre commun qui vivait il y a 2 500 ans au MoyenOrient. La mutation M694V est associé aux formes les plus sévères et au risque d’amylose.
Le diagnostic génétique peut être effectué dans 3 hôpitaux français : Cochin (Paris), Henri
Mondor (Créteil) et Villeneuve (Montpellier).
♦ Traitement
La colchicine est le traitement de base de la maladie périodique et a montré son efficacité
dans des études randomisées. Elle réduit la fréquence et le nombre des attaques à des doses de
1 mg/j habituellement, voire 2 ou 3 mg/j si nécessaire. La compliance est fondamentale car
l’arrêt du traitement peut être rapidement suivi d’une crise.
L’interféron alpha pourrait être efficace dans les crises aiguës. La prazosine pourrait être
efficace.
♦ Pronostic
En l’absence d’amylose, l’espérance de vie est normale.
L’amylose est prévenue par la prise régulière de colchicine.
♦ Stratégie diagnostique
L’examen clinique pendant une crise est fondamental. Le diagnostic est clinique après avoir
éliminé les autres causes de fièvres périodiques, et surtout basé sur le critère ethnique.
Le diagnostic génétique aide beaucoup pour confirmer la maladie mais il présente de
nombreuses limites : mutations non détectées, mutation d’un seul allèle, mutation homozygote
mais sans signes cliniques.
Le syndrome hyper IgD
♦ Clinique
Les attaques fébriles surviennent le plus souvent avant l’âge d’un an, annoncées par des
frissons et durant 4 à 6 jours, avec une défervescence progressive. Ces attaques peuvent être
provoquées par une vaccination, un traumatisme, une intervention chirurgicale ou un stress.
On retrouve des adénopathies cervicales, des douleurs abdominales avec vomissements,
diarrhée.
Il existe aussi une hépatosplénomégalie, des céphalées, des arthralgies ou des arthrites des
grosses articulations, des macules érythémateuses et des papules, et parfois des pétéchies et un
purpura.
Quelques malades ont des aphtes buccaux ou génitaux douloureux.
Les signes cutanés et articulaires disparaissent progressivement.
Les attaques récidivent toutes les 4 ou 6 semaines en général.
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♦ Génétique et épidémiologie
Le syndrome hyper IgD est autosomique récessif et la moitié des patients ont d’autres
membres de leur fratrie atteinte. Plus de 170 cas ont été rapportés, essentiellement en Europe
de l’Ouest, la plupart venant de France ou d’Allemagne.
♦ Biologie
Le syndrome est caractérisé par un taux constant d’IgD supérieur à 100 UI/ml, bien que les
malades les plus jeunes et quelques autres patients puissent avoir des taux normaux.
Plus de 80% des patients ont aussi un taux élevé d’IgA.
Pendant les crises, on retrouve un syndrome inflammatoire majeur avec activation des
cytokines inflammatoires. Des taux élevés de néoptérine urinaire reflètent l’activité de la
maladie.
♦ Pathogénie et génétique moléculaire
Le gène de susceptibilité est situé sur le chromosome 12 et correspond au gène de la
mévalonate kinase, enzyme qui suit l’HMGCoA réductase dans le métabolisme du
cholestérol, transformant le mévalonate en 5 phosphomévalonate. Les taux de cholestérol sont
habituellement bas et l’on retrouve des taux élevés d’acide mévalonique dans les urines
pendant les attaques.
La mutation V377I est présente dans 80% des cas.
Le lien entre le déficit en mévalonate kinase et les crises inflammatoires n’est pas connu.
♦ Traitement
Aucun traitement n’est efficace. Les AINS peuvent être utiles à la phase aiguë.
Un essai avec la simvastatine est en cours.
♦ Pronostic
Les patients ont des crises fébriles tout au long de leur vie, les crises étant plus fréquentes
dans l’enfance et l’adolescence. Aucun cas d’amylose n’a été rapporté.
♦ Stratégie diagnostique
Le diagnostic est clinique avant tout, fait habituellement chez le petit enfant, et il faut alors
doser les IgD et IgA. Une confirmation génétique peut ensuite être demandée.
TRAPS
Décrit tout d’abord sous plusieurs noms dont la fièvre hibernienne familiale, ce syndrome
associe de la fièvre avec des myalgies localisées et un érythème douloureux, il est de
transmission autosomique dominante et est dû à une anomalie des récepteurs du TNF : TNFreceptor associated periodic syndrome.
♦ Clinique
Les manifestations cliniques durent de 1 à 8 jours, voire plus, s’accompagnent de fièvre et
comprennent : des douleurs musculaires localisées et migratrices, des douleurs abdominales,
une conjonctivite douloureuse, un œdème péri-orbitaire, des douleurs thoraciques, un
érythème du tronc ou des extrémités, des arthralgies des grosses articulations.
♦ Génétique et épidémiologie
La plupart des patients viennent d’une famille irlandaise et écossaise mais plus de 20 familles
ont été retrouvées à travers le monde. La transmission est autosomique dominante.
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♦ Anomalies biologiques
Lors d’une attaque, on retrouve une hyperpolynucléose à neutrophiles, une élévation de la
CRP et une activation modérée du complément. Il peut exister une hypergammaglobulinémie
polyclonale avec augmentation notamment des IgA.
Le signe spécifique est un taux bas sérique du récepteur soluble de type 1 du TNF.
♦ Pathogénie
Les anomalies sont situées sur le bras court du chromosome 12 et comportent des mutations
du gène du récepteur de type 1 du TNF.
Normalement, le TNF alpha se fixe sur son récepteur puis se déclenche la réaction
inflammatoire, mais une protéase libère le récepteur de la membrane et ce récepteur soluble
va circuler pour se fixer au TNF circulant. Dans le TRAPS, cette protéase ne fonctionne pas et
le récepteur n’est pas clivé, entraînant ainsi un signal continu du TNF et ses conséquences
inflammatoires.
♦ Traitement
La prednisone à plus de 20 mg/j est efficace sur les attaques mais son effet s’estompe
rapidement, nécessitant une augmentation des doses. La colchicine est inefficace.
L’etanercept a donné de très bons résultats chez 6 sur 8 patients traités.
Une simple cure de 25 mg d’etanercept pendant 3 jours a permis d’obtenir une rémission
complète de la maladie chez un patient pendant plus de 6 mois.
♦ Pronostic
Le risque d’amylose conditionne le pronostic et survient dans 25% des cas, essentiellement
rénale.
Le syndrome de Muckle-Wells
Il associe une urticaire, non déclenchée par le froid, et une surdité progressive. Les attaques
s’accompagnent souvent de douleurs abdominales et d’arthrites.
♦ Génétique
L’anomalie génétique est localisée sur le chromosome 1 (1q44). Le gène CLAS1 code une
protéine avec un domaine pyrine, nucléotidique et riche en leucine, suggérant à cette protéine
un rôle dans l’inflammation.
La maladie est localisée surtout en Europe du Nord.
♦ Clinique
Le syndrome se déclare en général avant l’âge de 5 ans par une fièvre périodique avec
stomatite aphteuse, pharyngite, adénopathies cervicales douloureuses.
Les arthrites intéressent les membres inférieurs et s’accompagnent souvent de myalgies. Les
radios sont normales.
Le pronostic est plus favorable que les autres syndromes périodiques.
♦ Biologie
Le taux des IgD peut être élevé mais moins que dans le syndrome des hyper IgD.
♦ Traitement
La plupart des patients répondent à un ou deux jours de prednisone ( 1 à 2 mg/kg).
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La colchicine est inefficace mais pourrait être utile au long cours pour éviter la survenue
d’une amylose.
Considérations futures
On peut se demander pourquoi les symptômes sont périodiques. Une explication est que la
protéine mutée fonctionne à peu près en période normale, mais se décompense lors de stress,
infection ou traumatisme.
Références
Drenth JP, van der Meer JW. Hereditary periodic fever. N Engl J Med 2001
Dec 13;345(24):1748-57
http://www.ncbi.nlm.nih.gov/entrez/query.fcgi?cmd=Retrieve&db=PubMed&list_uids=11742
050&dopt=Abstract
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