L`AsiedAns LA tourmente - Festival International du Film d`Histoire
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L`AsiedAns LA tourmente - Festival International du Film d`Histoire
La Déchirure de Roland Joffé (d.r.) L’Asie dans la tourmente 106 films - les années 70 : le grand tournant L’Asie dans la tourmente 11 Fleurs [Wo 11] Wang Xiaoshuai – France/Chine, 2011, 110 mn, coul 1974. En pleine Révolution culturelle chinoise, un petit garcon de dix ans observe l’agitation du monde des adultes sans y comprendre grand-chose. Sa rencontre avec un meurtrier en fuite l’initie au mensonge et au secret, marquant par là même la perte de son innocence… Premier film coproduit par la Chine et la France depuis la signature de l’accord gouvernemental d’avril 2010, 11 Fleurs est une chronique de la révolution culturelle chinoise filmée à hauteur d’enfant. Le cinéaste Wang Xiao-Shuai assume la dimension autobiogra- phique du film, né directement de son expérience : « Nous vivions dans un petit village construit autour de l’usine. La « Troisième ligne » (déplacement dans les zones enclavées et montagneuses du Nord des complexes industriels et militaires de la Chine, en vue de se protéger d’une éventuelle agression soviétique) et la révolution culturelle ont profondément touché et changé mes parents. Partis de chez eux par devoir pour leur pays, ils sont à l’image du destin des Chinois de cette époque. » Incapable de comprendre – et encore moins de décrypter – le monde qui l’entoure, Wang Han pose sur ses camarades et ses jeux d’enfants un regard très naïf. Pour lui, l’extérieur et l’univers des adultes se résument à la formule « Vive le président Mao, vive le Parti communiste chinois. » Dans un pays où la parole est constamment surveillée et censurée, 11 Fleurs bruisse donc d’un sous-texte politique aisément décodable par les spectateurs chinois, que le cinéaste inscrit dans le regard de Wang Han sur la nature et sa relation, pudique et sensible, avec son père. Sortie française 9 mai 2012 Distributeur Haut et Court Format 35 mm – 1.85 : 1 Cies de production WXS Productions/ Chinese Shadows/Full House Producteurs Wang Xiaoshuai, Isabelle Glachant, Didar Domehri, Laurent Baudens et Gaël Nouaille Scénario Wang Xiaoshuai et Lao Ni Image Dong Jin Song Son Fu Kang Montage Nelly Quettier Musique originale Marc Perrone – Avec Liu Wenqing (Wang Han), Wang Jingchun (le père), Yan Ni (la mère), Zhang Kexuan (Louse), Zhong Guo Liuxing (Mouse)… Apocalypse Now Francis Ford Coppola – États-Unis, 1979, 203 mn, coul Durant la guerre du Viêt-nam, le capitaine Willard reçoit l’ordre de retrouver le colonel Kurtz, officier mégalomane et incontrôlable régnant sur toute une communauté indigène, au-delà de la frontière cambodgienne. S’enfonçant au plus profond de la jungle, Willard entame un éprouvant périple au coeur des ténèbres… Cannes, mai 1979. Lors de la conférence de presse qui prolonge la projection, Francis Ford Coppola affirme qu’Apocalypse Now « n’est pas un film sur le Vietnam. C’est le Vietnam ». Son film s’est vite imposé comme le plus emblématique tourné sur ce conflit, dont le cinéma américain s’est emparé avec la réactivité qui le caractérise. Conçu dans la fièvre d’un tournage-marathon aux Philippines, Apocalypse Now explore le versant psychédélique du Vietnam, lié à la circulation massive des drogues parmi les troupes. Mais la déréalisation (délire de fumées orangées, bunnies surgies de nulle part face à un parterre de boys rendus dingues par la frustration sexuelle, surf improvisé sur fond d’hélicoptères et de chevauchée des Walkyries…) n’est que la part la plus spectaculaire d’une réflexion sur le franchissement des limites, sur ce territoire inconnu exploré par l’homme lorsqu’il laisse derrière lui toute notion de morale. Réflexion sur la guerre, et sur la spécificité du Vietnam, Apocalypse Now est aussi un miroir déformant tendu à la nation américaine. Elle s’y reflète avec la délectation malsaine de la sorcière de Blanche-Neige. Sortie française 26 septembre 1979 Distributeur Pathé Format DCP – 2.00 : 1 Cies de production Zoetrope Studios Producteurs Francis Ford Coppola, Kim Aubry [version “Redux”, 2001] et Shannon Lail [version “Redux”, 2001] Scénario Francis Ford Coppola et John Milius Image Vittorio Storaro Son Walter Murch, Richard P. Cirincione et Michael Kirchberger [version “Redux”, 2001] Montage Walter Murch, Lisa Fruchtman et Gerald B. Greenberg Musique originale Carmine Coppola et Francis Ford Coppola – Avec Marlon Brando (colonel Walter E. Kurtz), Martin Sheen (capitaine Benjamin L. Willard), Robert Duvall (lieutenant-colonel Bill Kilgore), Frederic Forrest (Jay Hicks, dit “Chef”), Sam Bottoms (Lance B. Johnson)… conquête du pouvoir les années la 70 conquête : la le grand du tournant pouvoir - films- 107 L’Asie dans la tourmente La Déchirure [The Killing Fields] Roland Joffé – Grande-Bretagne, 1984, 136 mn, coul 1975. Correspondant du New York Times au Cambodge, Sydney Schanberg doit quitter précipitamment le pays lors de l’entrée des Khmers rouges à Phnom Penh. En dépit de tous leurs efforts, Schanberg et ses collègues américains ne parviennent pas à empêcher l’arrestation de leur correspondant et ami Dith Pran. Un long périple dans l’enfer des camps de rééducation khmers débute pour ce dernier… Produit par David Puttnam (à qui l’on devait précédemment Lisztomania [1975] de Ken Russell, Midnight Express [1978] d’Alan Parker ou encore Local Hero [1983] de Bill Forsyth), La Déchirure est d’abord une histoire vraie. Tragiquement vraie. L’histoire d’un conflit et d’un génocide parmi les plus sanglants du XXème siècle, en même temps qu’une évocation de la lâcheté occidentale, à commencer par celle de la France, dont l’ambassade à Phnom Penh abandonna complaisamment certains réfugiés – venus chercher asile et protection – aux mains des Khmers rouges. Éprouvante et d’un réalisme implacable, la seconde partie du film relate l’inhumaine captivité et la sordide clandestinité de Dith Pran – incarné avec une louable sobriété par le regretté Haing S. Ngor (1940-1996), lui-même survivant du régime de Pol Pot – au sein d’un système totalitaire hystériquement meurtrier, auquel son ami Sydney Schanberg n’aura pu l’arracher. Sans jamais se départir d’un ton délibérément naturaliste et puissamment incisif, Roland Joffé (dont c’est ici le premier long métrage) introduit également une poignante (mais jamais larmoyante !) touche de lyrisme, à travers l’évocation d’une amitié indéfectible : celle de deux hommes liés par un même esprit de loyauté, de résistance et de fraternité. Au final : un chef-d’œuvre. Sortie française 13 février 1985 Distributeur Warner Bros. Format DVD – 1.85 : 1 Cies de production Enigma (First Casualty) Ltd./Goldcrest Films International/International Film Investors Producteurs David Puttnam et Iain Smith Scénario Bruce Robinson Image Chris Menges Son Clive Winter et Bob Taylor Montage Jim Clark Musique originale Mike Oldfield – Avec Sam Waterston (Sydney Schanberg), Haing S. Ngor (Dith Pran), John Malkovich (Alan « Al » Rockoff), Julian Sands Duch, le maître des forges de l’enfer Rithy Panh – France/Cambodge, 2011, 103 mn, coul, doc Rithy Panh recueille les propos de Kaing Guek Eav, dit “Duch”, ancien séide du régime khmer rouge et commandant du centre S21 à Phnom Penh, entre 1975 et 1979. Entrecoupée d’images d’archives et de témoignages de survivants, l’interview de l’extortionnaire éclaire sous un jour nouveau les rouages criminels d’un système totalitaire qui décima le quart de la population du Cambodge… Après le coup de maître de S-21, la machine de mort khmère rouge (2002), Rithy Panh – soucieux d’offrir à ses compatriotes la possibilité de se réapproprier leur identité et leurs racines – a obtenu l’autorisation du tribunal du génocide cambodgien de s’entretenir au long cours avec Kaing Guek Eav, dit « Duch », haut dignitaire du régime khmer rouge et responsable à titre personnel de la mort de quelque 15 000 détenus au sein du camp d’extermination de Tuol Sleng (baptisé « S-21 ») à Phnom Penh. Des centaines d’heures de rushes finalement rassemblées, le cinéaste a opéré la brillante synthèse, au point de faire de son œuvre l’un des principaux monuments d’historiographie cinématographique de ce début de XXIème siècle. Car « Duch » – tout en demeurant une énigme – n’est pas (re)présenté ici comme un bourreau sanguinaire, un froid tortionnaire dénué de toute conscience et de toute 108 films - les années 70 : le grand tournant culture (donc de toute humanité). Seul face à la caméra, le rhéteur suave se fait jour derrière le professionnel de la mort (l’un n’étant pas moins terrifiant que l’autre !), tandis que se dessine peu à peu les rouages d’un système totalitaire entièrement tourné vers la destruction de l’humain. Sortie française 18 janvier 2012 Distributeur Tamasa Format DCP numérique – 1.85 : 1 Cie de production CDP Productrice Catherine Dussart Auteur Rithy Panh Image Prum Mésar et Rithy Panh Son Sear Vissal Montage Marie-Christine Rougerie et Rithy Panh Musique originale Marc Marder… L’Asie dans la tourmente Les Gens de la rizière [Neak sre] Rithy Panh – Cambodge/France/Allemagne/Suisse, 1994, 125 mn, coul Une famille de paysans cambodgiens vit chichement au rythme de la culture du riz. Mais les catastrophes naturelles, la mort brutale du père et la folie de la mère remettent en cause le fragile équilibre familial… Pour son premier long métrage de fiction, Rithy Panh s’est délibérément éloigné de son sujet de prédilection (« l’héritage » du génocide cambodgien des années 1975/79) au profit d’une évocation naturaliste et bouleversante de la condition paysanne dans son pays d’origine. Dénué de tout misérabilisme, le film a quelque chose des Glaneuses et de l’Angélus de Millet : il peint avec une austère simplicité des sujets simples ! En capturant par l’image le quotidien de ces « gens de la rizière », le cinéaste livre une chronique de la vie rurale à la fois intemporelle et universelle, témoignant du lien étroit « entre la terre et les hommes » et de l’équilibre précaire qui se crée entre l’une, imprévisible et souvent hostile, et les autres, héros anonymes (et toujours dignes !) d’une existence sans gloire (mais jamais sans grandeur !) rythmée par le périlleux « cycle du riz ». Cycle fragile qu’un événement fortuit et apparemment banal (une morsure de serpent, une épine enfoncée dans la chair…) peut soudainement interrompre, pour le plus grand malheur d’une famille entière. Une œuvre grave et profondément sincère, où se mesure la douleur de vivre de celles et ceux qui, sans relâche, luttent pour ne pas mourir. Sortie française 12 octobre 1994 Distributeur JBA Production Format DVD ou DCP – 1.66 : 1 Cies de production JBA Production/La Sept Cinéma/Thelma Film AG/Télévision SuisseRomande/ZDF Producteur Jacques Bidou Auteurs Rithy Panh et Eve Deboise Image Jacques Bouquin Son Jean-Claude Brisson Montage Marie-Christine Rougerie Musique originale Marc Marder – Avec Peng Phan (Yim Om), Mom Soth (Yong Poeuv), Chhim Naline (Sakha), Va Simorn (Sokhoeun), Sophy Sodany (Sokhon)… L’important, c’est de rester vivant Roshane Saidnattar – France, 2009, 97 mn, doc Rescapée des camps de la mort cambodgiens, Roshane Saidnattar revient sur la tragédie de tout un peuple, en confrontant souvenirs personnels, témoignages et archives inédites. Le tout mis en parallèle avec l’interview exclusive de Khieu Samphân, ancien théoricien et dirigeant khmer rouge, personnage d’une froide sérénité, co-responsable de la mort de quelque 1,7 millions de personnes… Rescapée de la folie khmère rouge, Roshane Saidnattar fut internée dès l’âge de six ans dans les camps de travaux forcés cambodgiens, où elle demeura quatre années durant, séparée de ses parents et constamment affamée. Trente ans après la chute du régime, la jeune femme (installée en France depuis l’âge de treize ans et demi), aujourd’hui réalisatrice, est revenue sur les lieux de son calvaire pour y tourner ce film très personnel, relevant à la fois du documentaire d’investigation et du journal intime. L’objectif de la cinéaste consiste à livrer – sans aucune prétention démonstrative – une part de son effroyable expérience au sein de l’enfer totalitaire khmer. Divisé entre un long entretien (entrecoupé de nombreuses images d’archives et de fiction) avec le sanguinaire Khieu Samphân, ancien complice de Pol Pot, et une deuxième partie située dans le village où Roshane Saidnattar fut réduite en esclavage durant son enfance, L’important, c’est de rester vivant s’interroge, selon les propres termes de la réalisatrice, sur « le silence de l’Histoire et le chemin à inventer aujourd’hui pour que le peuple Khmer puisse se regarder et revivre, en dépassant cette période tragique de son histoire ». Le film a reçu le Prix du jury et le Prix du jury IJBA au Festival de Pessac en 2009. Sortie française 26 août 2009 Distributeur Morgane Production Format 35 mm Cie de production Morgane Production/Indravati Production/Antoine Martin Productions Auteure Roshane Saidnattar Image Patrick Ghiringhelli Son Philippe Welsh Montage Gwénola Heaulme Musique originale Stéphane Kara conquête du pouvoir les années la 70 conquête : la le grand du tournant pouvoir - films- 109 L’Asie dans la tourmente Pluie du diable Philippe Cosson – France/Belgique, 2009, 86 mn, doc Laos, dans la région de Savannakhet, à 500 kilomètres au sud de la capitale Vientiane. Un enfant vient de mourir en manipulant une bombe à sous-munitions dans un champ. Une nouvelle victime, parmi des milliers d’autres. Ce film-réquisitoire pose plusieurs questions essentielles. Qui est responsable : militaires, patrons de l’armement ? Comment réparer ces dommages de guerre ? Inventé par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale, le concept de sous-munition a été largement employé et perfectionné par les Russes et les Américains. Stockées dans des conteneurs regroupant jusqu’à plusieurs centaines de mini-bombes, les bombes à sous-munition sont automatiquement activées lors du largage aérien. Prenant parfois l’apparence de balles de tennis, on en retrouve aujourd’hui dans plus d’une trentaine de pays parmi lesquels le Laos, la Bosnie, l’Irak, l’Afghanistan ou le Liban. Elles continuent à faire des dizaines de milliers de victimes, presque toujours civiles. C’est la piste de ce fléau que remonte le cinéaste Philippe Cosson, de la fabrication des engins de mort jusqu’à l’engagement de ceux qui travaillent à débarrasser la planète de ce fléau. « En mêlant des documents d’archives (discours du sénateur McCarthy, du président Kennedy, images de la guerre du Vietnam…) à des interviews conduites aujourd’hui, le film remonte le fil de l’histoire et pointe du doigt la responsabilité des États-Unis, qui ont toujours refusé de signer le traité pour l’interdiction des bombes à sous-munition, qui n’ont jamais admis pendant la guerre du Vietnam son prolongement au Laos, et qui n’ont accepté que très récemment de rendre public les cartes des bombardements. » (Le Monde). Sortie française 18 novembre 2009 Distributeur Format 35 mm – 1.85 : 1 Cies de production Zagarianka Productions/Artémis Productions Producteurs Philippe Cosson et Patrick Quinet Auteur Philippe Cosson Image Philippe Cosson et Laurent Truchot Son Michel Kharat Montage Anny Danché Musique originale John Edwin Graf Pol Pot et les Khmers rouges Adrian Maben – France, 2001, 126 mn (62 + 64), coul/NB, doc 1/ « Pouvoir et terreur » : l’essor de l’organisation de Pol Pot depuis les années 60 jusqu’à la défaite finale, en janvier 1979. La prise de pouvoir par les Khmers rouges en 1975 aboutit à un régime de terreur… 2/ « Le mystère Pol Pot » : portrait de Pol Pot à l’appui d’archives et de témoignages inédits, dont le dernier entretien avec le criminel de guerre avant sa mort, réalisé par le journaliste américain Nate Thayer… Pol Pot et les Khmers rouges constitue une excellente – autant que foisonnante – introduction à l’histoire contemporaine du Cambodge. Mêlant adroitement témoignages (dirigeants, anciens tortionnaires ou simples citoyens), documents (plans tournés depuis la fin des années 1990, archives internationales, images de propagande) et entretiens (convoquant historiens ou journalistes), le documentaire d’Adrian Maben revient avec profit sur les événements ayant conduit à l’avènement du régime (naissance du mouvement communiste khmer, formation idéologique – sur le territoire français – de certains des futurs dirigeants du « Kampuchéa démocratique », guerre civile, renversement de Norodom Sihanouk par Lon Nol en 1970, prise de Phnom Penh cinq ans plus tard), avant de mettre l’accent sur les mesures emblématiques de la dictature (purges, déportations, collectivisation forcée…), destinées à la « purification » du peuple et à l’exter- 110 films - les années 70 : le grand tournant mination de tous les « ennemis de l’intérieur ». Moment clé du documentaire : l’entretien avec Pol Pot, réalisé en 1997 par le journaliste américain Nate Thayer. L’ancien « Frère numéro 1 » y apparaît comme un vieillard sans remords, incarnation moribonde mais toujours glaçante d’un régime autogénocidaire ayant décimé le quart de sa population en trois ans, huit mois et vingt jours de temps. Distributeur Sodaperaga Format Beta SP Cies de production Les Films du Bouloi/Arte France Producteur Guy Seligmann Auteur Adrian Maben Image Christophe Bazille, Yves-Michel Dumond et Steve Gruen Son Christophe Bazille et Claude de Maeyer Montage Paul Morris et Cédric Bossard L’Asie dans la tourmente The President’s Last Bang Im Sang-soo – Corée du Sud, 2005, 102 mn, coul Évocation de l’assassinat du tyran Park Chung-hee, président de la Corée du Sud. Le 26 octobre 1979, ce dernier – au pouvoir depuis le coup d’État de 1961 – est exécuté par Kim Jae-kyu, chef des services de renseignement du pays… Parabole politique provocatrice, à la fois tragiquement ironique et plaisamment polémique, The President’s Last Bang est d’abord le récit d’une énigme. Celle d’un homme, Kim Jaekyu – personnage de dimension shakespearienne se situant quelque part entre Brutus, Macbeth et Richard III – dont les motivations très profondes ne furent jamais clairement exprimées. Ami du président et chef des services secrets, a-t-il agi par jalousie, dégoût, haine ou folie ? Était-il un stratège froidement calculateur soudain emporté par la fièvre du pouvoir ? Ou un idéaliste suicidaire, prêt à sacrifier son existence – tel un moderne samouraï – pour le salut d’un pays alors en proie à une « dictature légale » (soutenue par les États-Unis) particulièrement répressive et obsessionnellement anticommuniste ? Au-delà de l’étude de cas individuelle, le film d’Im Sang-soo – techniquement et plastiquement brillant – dresse le portrait d’un régime politiquement brutal et moralement déliquescent. À sa sortie, l’œuvre – ayant fait mouche – est violemment attaquée par la presse de droite, cependant qu’à la demande de la propre fille du défunt président, la justice sud-coréenne ordonne – en première instance – la suppression des séquences d’actualités sur la vie publique de ce dernier. CQFD. Sortie française 5 octobre 2005 Distributeur Potemkine Films Format 35 mm – 2.35 : 1 Cie de production MK Pictures Producteurs Shim Jaem-Yung et Shin Chul Scénario Im Sang-soo Image Kim Woo-hyung Son Kim Suk-won et Han Chul-Hee Montage Lee Eun-soo Musique originale Kim Hong-jeab – Avec Han Suk-Gyu (Ju, l’agent de la KCIA), Baik Yoonshik (Kim, le directeur de la KCIA), Song Jae-Ho (le président Park Chung-hee), Kim Eung-soo (le colonel Min), Jeong Woonjoong (Cha, le garde du corps en chef)… Voyage au bout de l’enfer [The Deer Hunter] Michael Cimino – USA/Grande-Bretagne, 1978, 182 mn, coul Itinéraire tragique de trois camarades issus de l’Amérique profonde, engagés comme tant d’autres dans la guerre du Vietnam. Un conflit traumatisant qui bouleversera à jamais leur existence, dans leur chair comme dans leur cœur. Avec pour seule échappatoire, la folie ou la mort… Aux États-Unis, 1978 est l’année où sortent en rafale plusieurs films essentiels sur la guerre du Vietnam : Retour d’Hal Ashby, Les Guerriers de l’enfer de Kazel Reisz, Le Merdier de Ted Post et ce Voyage au bout de l’enfer, qui rafle dans la foulée cinq Oscars, dont celui du Meilleur film et du Meilleur cinéaste. Ce que La Grande Parade de King Vidor avait réussi pour la Grande Guerre (embrasser la destinée des appelés de leur mobilisation à leur retour du front, en passant par l’expérience traumatique du combat), Voyage au bout de l’enfer le réédite pour le Vietnam. Mais Michael Cimino s’oriente vers une interrogation sur l’identité américaine – ce que La Porte du paradis confirmera amplement deux ans plus tard – et sur son façonnement par l’Histoire, d’autant plus quand cette dernière prend les traits d’un conflit menaçant, plus que tout autre depuis la guerre de Sécession, l’unité de la nation. C’est probablement à la lumière de cette lecture qu’il faut envisager le parcours emblématique de Mike, Nick et Steven, trois fragments du traumatisme national provoqué par le Vietnam. Trois pièces d’un puzzle assemblé dans la douleur et inscrit de plain-pied, avec une acuité sans pareille, dans la communauté russe orthodoxe de Pennsylvanie. Sortie française 23 mars 1979 Distributeur Carlotta Films Format 35 mm – 2.35 : 1 Cies de production Universal Pictures /EMI Films Producteurs Michael Cimino, Michael Deeley, John Peverall et Barry Spikings Scénario Deric Washburn, Michael Cimino, Louis Garfinkle et Quinn K. Redeker Image Vilmos Zsigmond Son C. Darin Knight, Teri E. Dorman, James Fritch et James J. Klinger Montage Peter Zinner Musique originale Stanley Myers – Avec Robert De Niro (Michael), John Cazale (Stan), John Savage (Steven), Christopher Walken (Nick), Meryl Streep (Linda)… conquête du pouvoir les années la 70 conquête : la le grand du tournant pouvoir - films- 111