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Sports 20décembre 2015 | Le Matin Dimanche 37 ç Gaël Suter Un leasing moins cher grâce à la pub Maxime Schmid A bien regarder sa voiture, Gaël Suter est formel: «Non, elle n’est pas moins belle avec ces autocollants.» De toute manière, sans la marque de ses soutiens sur la carrosserie, le pistard vaudois n’aurait jamais vu son véhicule qu’en vitrine. «Je n’aurais pas pu me l’offrir sans l’aide de mes sponsors», concède-t-il. Quatre entreprises ont participé au leasing, en pure perte. «On ne s’y retrouve pas financièrement. Mais ce n’est pas le but, témoigne Laurent Schmitt, patron du garage éponyme de Clarens, d’où la voiture a laissé sa première empreinte de pneu. Notre but est de soutenir un garçon qui a du potentiel en lui permettant de se déplacer aux entraînements et sur les courses (ndlr: il fait environ 25 000 km par saison) avec un véhicule peu onéreux et fiable.» Un break diesel d’une petite centaine de chevaux. Une bénédiction. «Mon ancienne voiture arrivait au bout, et je dois absolument être motorisé», glisse le coureur, reconnaissant. Gaël Suter vit toujours chez ses parents. «Ils me soutiennent bien. Je n’ai pas grandchose à payer à la maison.» Il travaille à 20% comme assistant en cyclocross au siège de l’Union cycliste internationale (UCI), sort peu et voyage le plus souvent avec son équipe (Hörmann). Quand on lui demande son salaire, il réfléchit, emprunté. «C’est un peu compliqué…» Puis il avoue: «Je tourne, mais je ne mets pas d’argent de côté.» Avec ses autocollants sur la carrosserie, Gaël Suter estime bénéficier d’un rabais de 20% sur son véhicule (achat et services). «Entre 20 et 30%», rehausse Laurent Schmitt en habitué du sponsoring. «Passablement de jeunes sportifs viennent au garage pour demander des soutiens. C’est malheureux que, en Suisse, un espoir doive trouver des fonds pour être compétitif.» Il y a une dizaine d’années, le garagiste vaudois avait déjà «filé un coup de main» à Steve Bovay. «Laurent m’avait fait un geste sympa sur un contrat de leasing, se souvient l’ancien pro. J’étais encore amateur à Mendrisio et j’avais un problème pour me déplacer. J’avais besoin d’un véhicule.» Bovay était reparti en BMW série 1. Une entrée de gamme. Une bénédiction. «Il y avait la place pour un vélo, c’est tout ce dont j’avais besoin.» J. Cz Sebastien Anex Tire-bouchons, sets de table et autres trouvailles ä Ludovic Chammartin Un double en chocolat «Je suis fière de mes parents. J’ai vraiment de la chance. Tout le monde ne ferait pas ça» Priscilla Morand, judoka Contrôle qualité Ludovic Chammartin reste modeste, mais quand même: le judoka fribourgeois a un lapin de Pâques qui porte son nom («Le Lapin Ludo») et sa ceinture, faite en chocolat noir par Joël Grandjean, un boulanger philanthrope de Romont. «Nous avons créé cette pièce pour la première fois avant les Jeux de Londres il y a trois ans, explique l’artiste aux doigts sucrés. Cela avait vraiment bien marché.» Le sportif et le boulanger se sont donc à nouveau associés en avril dernier. «Ludo était un peu serré financièrement», souffle Grandjean, dont le coup de main a permis au judoka de recevoir un chèque de 7000 francs. «Nous avons vendu plus de 600 pièces à 26 francs. Ludo en touchait 10 par vente, mais certains ont donné un peu plus…» La cagnotte a terminé dans les caisses de la Fédération suisse de judo. «J’avais des factures en retard», avoue Chammartin. L’opération «Lapin Ludo» devrait être reconduite en 2016, selon le même procédé: 12 coques d’œuf pour une hauteur de 20 cm et un poids total de 200 g. Le tout est livré dans un écrin DR avec une photo souvenir, estampillée Rio 2016. Il ne faut pas compter cependant sur le modèle humain pour faire la promotion de son double en chocolat. «Je ne peux pas trop manger de lapins, car je suis au régime. Mais j’en ai goûté un peu et c’est vraiment bon. Cela n’a rien à voir avec ce que l’on peut trouver dans les grandes surfaces.» Les revenus permettront au judoka, très bien placé dans la course olympique (il est situé aux alentours de la 15e place, alors que les 22 premiers sont qualifiés pour Rio) de payer les factures de tous les jours. «J’ai récemment été intégré au cadre «Grand Chelem» de la Fédération, qui m’aide financièrement dans ma préparation pour les Jeux, mais je dois toujours payer mon loyer, ma voiture, mes déplacements en Suisse pour les entraînements, etc.» En dernier recours, Ludovic Chammartin peut compter sur le soutien de sa mère et de sa compagne. «Elles m’aident parfois pour le loyer ou les commissions», dit-il, plein de reconnaissance pour celles et ceux qui, chaque jour et à leur manière, nourrissent ses ambitions, quand ce ne sont pas simplement les clients de la boulangerie Dubey-Grandjean, à Romont. J. Cz Au risque de décourager les vocations, Swann Oberson l’affirme sans réserve: «On n’a jamais assez d’argent quand on fait du sport en Suisse.» La nageuse genevoise (29 ans) estime cependant être «bien soutenue». Le privilège des résultats et de l’ancienneté, considère la championne du monde du 5 km en 2011. Ce sont ses seuls privilèges. «Je ne gagne pas d’argent grâce à la natation. Cela me permet juste de vivre du minimum.» Comme elle, ils sont nombreux à percer au royaume de la débrouillardise pour espérer, un jour, percer au plus haut niveau. La judoka Emilie Amaron vend des tire-bouchons. «Et des bouteilles que mon coach, marchand de vin, me propose à prix coûtant. Il y a du blanc (chasselas) et du rouge (assemblage de plusieurs cépages).» Les étiquettes sont personnalisées avec, sur chacune d’elles, la photo de la championne. Pour encourager à la consommation, Emilie Amaron a de surcroît imprimé des flyers avec en lettres grasses un impératif «Soutenez-moi!» précisant sur le prospectus que les bénéfices lui permettront de «financer les tournois et entraînements internationaux indispensables pour progresser». Sabrina Jaquet, elle, a déjà bien progressé. Soutenue par sa fédération de badminton, par Swiss Olympic et par son canton, rémunérée pour des piges en France (Issy-les-Moulineaux) et sponsorisée par un équipementier (Victor Europe), la Neuchâteloise gagne environ… «50 000 francs par année». Presque rien. «Je dois encore payer les trajets, les inscriptions, mon logement, les factures courantes, liste-t-elle sans pleurnicher. J’arrive à tourner. Je me débrouille. Je vis simplement.» En quelques mots comme en cent: «Je fais tout pour pouvoir survivre de mon sport.» Guillaume Dutoit et Jessica Favre en sont là eux aussi. Ces deux espoirs du plongeon, qui rêvent de s’immerger dans les Jeux de Rio, ont touché 600 francs chacun lors d’un tournoi de golf caritatif organisé par Alexandre Coquoz, responsable du plongeon romand. «Récolter si peu, cela m’a un peu découragé, mais je vais quand même relancer l’opération en 2016», affirme-t-il, pas rancunier, certain qu’il faut «être motivé et croire en ce que l’on fait». Pendant ce temps, une connaissance de la vice-présidente du plongeon lausannois sillonne les festivals de musique dans le cadre de son travail avec, sur son véhicule, un appel au soutien populaire en faveur des deux espoirs. Les frais de ces derniers sont toutefois couverts par diverses aides financières, «mais on parle d’une exception, rappelle Catherine Maliev, ex-plongeuse internationale devenue entraîneur principale au Lausanne Natation. Dans notre club, on vend des fondues pour aider nos athlètes. On prospecte à droite à gauche, on les acquiert à prix coûtants et on les revend à prix normal.»