CEDH-Deplacement Illicite Hongrie

Transcription

CEDH-Deplacement Illicite Hongrie
du Greffier de la Cour
CEDH 124 (2011)
La Hongrie n'a pas fait en sorte qu'une enfant enlevée par sa
mère retourne à Paris auprès de son père
Dans son arrêt de chambre, non définitif1, rendu ce jour dans l'affaire Shaw c. Hongrie
(requête no 6457/09) la Cour européenne des droits de l'homme dit, à l'unanimité, qu'il
y a eu :
Violation de l'article 8 (droit à la protection de la vie privée et familiale) de la
Convention européenne des droits de l'homme.
Dans cette affaire, les autorités hongroises n'avaient pas fait en sorte qu'une enfant
éloignée hors du territoire français par sa mère revienne à Paris auprès de son père,
rendant impossible toute visite par lui alors que la garde de l'enfant était partagée.
Principaux faits
Le requérant, Leslie James Shaw, est un ressortissant irlandais né en 1953 et résidant à
Paris (France).
Il divorça de son épouse hongroise en juin 2005. Il fut décidé que la garde de leur fille
née en octobre 2000 serait partagée. L'enfant était censé vivre avec sa mère, tandis que
le père jouissait d'un droit de visite selon les modalités fixées par le jugement de
divorce.
En décembre 2007, la mère emmena l'enfant en vacances en Hongrie, ce dont M. Shaw
était au courant. Cependant, le 5 janvier 2008, elle écrivit à son ex-mari pour lui
annoncer qu'elle avait inscrit leur fille dans une école hongroise et qu'elle n'avait aucune
intention de revenir en France.
En mars 2008, invoquant le règlement communautaire sur la reconnaissance des
jugements et la Convention de La Haye sur l'enlèvement international d'enfants,
M. Shaw forma un recours civil en Hongrie contre son ex-femme. Les tribunaux hongrois
firent droit à sa demande et rendirent un jugement définitif en septembre 2008
constatant l'enlèvement de sa fille et ordonnant son retour en France.
À partir d'octobre 2008, les autorités hongroises tentèrent à plusieurs reprises de faire
en sorte que la mère se conforme volontairement à son obligation de rendre l'enfant.
Devant l'échec de ces tentatives, une amende de 180 euros (EUR) lui fut infligée en
décembre 2008. Parallèlement, en mars 2009, un tribunal parisien délivra un mandat
d'arrêt européen visant l'ex-femme de M. Shaw pour soustraction d'enfant à la garde de
son père. Elle fut arrêtée le 27 juillet 2009 mais remise en liberté le lendemain par les
1 Conformément aux dispositions des articles 43 et 44 de la Convention, cet arrêt de chambre n’est pas
définitif. Dans un délai de trois mois à compter de la date de son prononcé, toute partie peut demander le
renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre de la Cour. En pareil cas, un collège de cinq juges détermine si
l’affaire mérite plus ample examen. Si tel est le cas, la Grande Chambre se saisira de l’affaire et rendra un
arrêt définitif. Si la demande de renvoi est rejetée, l’arrêt de chambre deviendra définitif à la date de ce rejet.
Dès qu’un arrêt devient définitif, il est transmis au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe qui en surveille
l’exécution. Des renseignements supplémentaires sur le processus d’exécution sont consultables à l’adresse
suivante : http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/execution.
tribunaux hongrois au motif qu'une procédure pénale était ouverte contre elle en Hongrie
pour les mêmes faits.
À partir du 29 juillet 2009, les autorités hongroises cherchèrent de nouveau à retrouver
la mère et sa fille qui avaient pris la fuite entre-temps. Des investigations eurent lieu
dans certains lieux publics ou dans des bâtiments proches du lieu de résidence de la
mère. Son ancien employeur et d'autres témoins furent entendus. Par ailleurs, ses
communications téléphoniques furent mises sous écoute. L'école de sa fille fut surveillée,
de même que la base de données des prestataires médicaux au cas où elle ou son enfant
aurait fait appel à eux. Aucune de ces mesures ne fut couronnée de succès.
En avril 2008, M. Shaw saisit en vain les tribunaux hongrois pour faire valoir son droit de
visite. Ce même mois, les tribunaux français lui accordèrent la garde exclusive et
ordonnèrent que sa fille vive avec lui. La procédure de reconnaissance de ce jugement
est en cours.
M. Shaw porta également plainte à deux reprises au pénal contre son ex-femme en
automne 2008 et en juin 2009, respectivement pour atteinte à l'autorité parentale sur
son enfant et mise en danger de celui-ci par non-respect d'un jugement définitif. Ces
plaintes furent l'une et l'autre rejetées.
M. Shaw saisit la Commission européenne en janvier 2009 pour se plaindre d'une
violation du règlement communautaire susmentionné sur la reconnaissance des
jugements, d'un règlement communautaire sur la signification des actes et de la Charte
des droits fondamentaux de l'Union européenne. La procédure est toujours en cours.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant l'article 8, M. Shaw estimait que, après l'enlèvement de sa fille par son exfemme, les autorités hongroises n'avaient pas pris de mesures rapides et adéquates qui
lui auraient permis d'être réuni à sa fille.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l'homme le 28
janvier 2009.
L'arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :
Françoise Tulkens (Belgique), présidente,
Danutė Jočienė (Lituanie),
David Thór Björgvinsson (Islande),
Dragoljub Popović (Serbie),
András Sajó (Hongrie),
Işıl Karakaş (Turquie),
Guido Raimondi (Italie), juges,
ainsi que de Françoise Elens-Passos, greffière adjointe de section.
Décision de la Cour
Recevabilité
Rappelant qu'une plainte individuelle déposée auprès de la Commission européenne ne
constitue pas une requête « déjà soumise à une autre instance internationale d'enquête
ou de règlement », la Cour déclare recevable la requête de M. Shaw.
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Vie privée et familiale (article 8)
La Cour rappelle que l'article 8 inclut le droit pour un parent d'être réuni avec son enfant
et que les autorités ont l'obligation de faciliter pareille réunion.
Les procédures judiciaires en Hongrie concernant le retour de la fille de M. Shaw ont
duré plus longtemps que les six semaines autorisées par le règlement communautaire
sur la reconnaissance des jugements, applicable en Hongrie. Aucune raison n'a été
avancée pour justifier un retard cumulé de plusieurs semaines et il n'existait aucune
circonstance exceptionnelle propre à expliquer ce retard. Dès lors, les tribunaux hongrois
n'ont pas statué promptement dans le cadre de cette procédure. La Cour en conclut que,
du fait de ce seul retard, les autorités hongroises ont manqué à leur obligation de
prendre des mesures de protection.
En outre, même si les autorités hongroises ont tenté de retrouver la mère et la fille, près
de 11 mois se sont écoulés entre la signification du jugement définitif exécutoire
ordonnant le retour de l'enfant et la disparition de celui-ci et de sa mère. Durant cet
intervalle, les seules mesures d'exécution prises ont été les demandes formulées en vain
par les huissiers pour que la mère rende volontairement l'enfant et l'amende
relativement modeste infligée à elle. Bien que la mère ait été arrêtée le 27 juillet 2009,
les autorités n'ont rien fait pour exécuter le jugement en question ce jour-là ni à un
quelconque moment après le 18 juin 2009, une fois devenue définitive la décision sur les
modalités d'exécution forcée.
Enfin, la Cour relève que la situation a été aggravée par le fait que, les tribunaux
hongrois ayant constaté qu'ils ne pouvaient faire respecter le droit de visite de M. Shaw,
celui-ci n'avait pas vu sa fille depuis trois ans et demi alors qu'il avait le droit de lui
rendre visite régulièrement.
La Cour en conclut à la violation de l'article 8.
Satisfaction équitable (article 41)
La Cour dit que la Hongrie doit verser à M. Shaw 20 000 EUR pour dommage moral et
12 000 EUR pour frais et dépens.
L'arrêt n'existe qu'en anglais.
Rédigé par le greffe, le présent communiqué ne lie pas la Cour. Les décisions et arrêts
rendus par la Cour, ainsi que des informations complémentaires au sujet de celle-ci,
peuvent être obtenus sur son site Internet. Pour s'abonner aux communiqués de presse
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La Cour européenne des droits de l'homme a été créée à Strasbourg par les Etats
membres du Conseil de l'Europe en 1959 pour connaître des allégations de violation de
la Convention européenne des droits de l'homme de 1950.
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