L`Orient des femmes nouveau texte

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L`Orient des femmes nouveau texte
L’Orient des femmes vu par Christian Lacroix
Musée du quai Branly jusqu’au 15 mai 2011
L’exposition dévoile en 150 costumes et parures l’art vestimentaire traditionnel des femmes
du Proche-Orient de 1880 à nos jours : bijoux, robes de fête, manteaux, voiles, coiffes ornés
de broderies et d’applications de couleurs, portés par les villageoises et les bédouines de
Syrie, de Jordanie, des Territoires palestiniens et du désert du Sinaï.
Carte des costumes féminins traditionnels au
Proche-Orient
Qui a fabriqué ces vêtements traditionnels ?
La broderie a été pendant des siècles considérée comme un art noble et précieux, réservé à
l’élite. La broderie agrémentait les robes des rois et des dignitaires. C’est à partir du XIe siècle
que les femmes orientales des villages commencent à broder leur robe de mariée.
Les paysannes et les bédouines commençaient très jeunes, quand elles étaient suffisamment
habiles pour tenir une aiguille, leurs mères leur apprenaient le langage des points et la
symbolique des motifs.
Quant elles maîtrisaient bien les techniques, elle commençaient à réaliser les robes de leur
mariage et leur trousseau, c’est-à-dire les vêtements qui les accompagneraient dans leur
nouveau foyer. La femme pouvait broder 12 ou 13 robes pour son trousseau.
Palestine, Beit Hanina vers 1925, robe de fête en soie, applications et broderies de soie, filés
métalliques (robe rayée à droite de l’image)
Ces vêtements témoignent d’une continuité des traditions et des savoir-faire dans un contexte
social et politique qui a considérablement évolué au cours de cette période, et dévoile le
travail de ces femmes qui, pendant des siècles, ont cherché à créer des modes pour s’embellir
et exister au sein de sociétés qui les ont longtemps marginalisées. On se rend compte que les
femmes orientales n’ont pas toujours été vêtues de noir.
Chaque région, chaque village avait son propre costume.
Summeil, région de Gaza vers 1920 - Robe de fête de femme
palestinienne, jellayé - Coton, chaîne et trame, broderie, applications de tissus.
Palestine Galilée vers 1950 - Robes de fête en coton et soie
Dans chaque zone, des petites vitrines -inspirées des coffres de mariage- renferment des
trousseaux, d’autres de précieuses coiffes et voiles de visages tout aussi riches et colorés.
Les robes sont déployées comme une succession de tableaux. Les femmes utilisaient
beaucoup le rouge, la couleur de la fertilité. Au XIIIe siècle, les robes de lin étaient
entièrement brodées au fil de soie et teintes à la garance et à l’indigo.
Manteau de femme syrienne
Certains manteaux de mariage paraissent petits car, à la campagne, on se mariait très jeune.
Un manteau de laine rouge est orné à l’avant par deux triangles. Le triangle a une valeur
symbolique forte en Orient. Il est censé protéger la femme du « mauvais œil ». Pour les
femmes qui ornaient leurs robes, chaque motif, chaque couleur avait une raison d’être : « Je
me protège et je m’embellis à la fois ».
Quelques trésors dans cette exposition, telle cette robe d’As-Salt aux mesures
impressionnantes (3.50 mètres) ainsi que la video des années 1920, montrant une jeune
bédouine expliquant le pliage de cette robe, portée retroussée grâce à une ceinture. La jupe
pouvait servir de panier et même de porte-bébé, l’une des manches était enroulée autour de la
tête et lui tenait lieu de voile.
Voile brodé et porté par les femmes bédouines
Les voiles de visage servaient à se protéger des vents de sable et du soleil.
Ils étaient recouverts de pièces d’argent qui faisaient partie de la dot de la
femme. Ces parures n’étaient portées que par la femme mariée.
Depuis le XIXe siècle, les contacts avec l’Occident ont fait que les femmes des villes ont très
vite adopté les costumes occidentaux. On continue à broder à Alep et à Damas des étoffes
fabuleuses. On y trouve les derniers ateliers de brocard. On trouve également à Alep, dans les
souks et dans les anciens caravansérails, des ateliers qui sont installés là depuis des siècles
avec des techniques transmises de père en fils (techniques du tamponnage, de l’ikat).
A la fin de l’exposition, on voit que les costumes contemporains font preuve de moins de
recherche et qu’une certaine uniformité s’installe. Les femmes brodent pour survivre, mais on
ne peut plus savoir de quel village elle viennent, ni si les femmes portent encore ces robes.
Cet art vestimentaire millénaire est en train de disparaître.
Cette exposition est un hommage aux femmes orientales, créatrices d’histoire, qui, en brodant
leurs vêtements, ont donné du sens à leur vie.