Toitures agricoles solaires photovoltaïques : Quelles évolutions

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Toitures agricoles solaires photovoltaïques : Quelles évolutions
Rédacteur : Sylvain DESEAU, conseiller agro-équipements – Chambre d’Agriculture du Loiret
Toitures agricoles solaires photovoltaïques :
Quelles évolutions entre 2009 et 2014 ?
Après une montée en puissance importante entre 2009 et 2011, l’engouement pour le solaire
photovoltaïque a connu une baisse régulière et proportionnelle à celle du tarif d’achat d’électricité
pratiqué par EDF. Bien que le coût des installations ait lui aussi baissé de façon significative, la
rentabilité des projets n’est plus comparable.
Aujourd’hui, plusieurs sociétés commerciales font des relances sur le terrain dont certaines sur la
mise à disposition de bâtiments gratuits. Plusieurs points de vigilances sont à prendre en compte
pour ne pas s’exposer aux mêmes difficultés qu’en 2009.
Source Tableau de bord éolien-photovoltaïque de novembre 2014
Environ 60 toitures solaires photovoltaïques agricoles dans le Loiret
En 2014, nous avons rencontrés vingt cinq des soixante producteurs d’électricité photovoltaïque du
département. La majorité d’entre eux sont satisfaits de leur installation et se réjouissent d’une
production supérieure de 10 à 20% aux prévisions alors qu’une analyse des données météo ne
montre pas d’évolution significative du temps d’ensoleillement. En 2009, les études prévisionnelles
étaient réalisées en prenant une référence de 950 à 1000 kWh d’électricité produite pour 1 kWc (*)
de puissance installée. Aujourd’hui, cette valeur est de l’ordre de 1100 kWh/kWc.
Les producteurs sont également satisfaits de la qualité de réalisation de leur installation et notent
peu de soucis de fonctionnement au quotidien.
Parmi les problèmes rencontrés, ils nous signalent les difficultés relationnelles avec EDF au moment
de la mise en route de l’installation et l’absence de service après-vente lorsque l’installateur a
disparu. Beaucoup n’ont pas résisté à la baisse d’activité liée à l’évolution du tarif de rachat. Certains
sont toujours présents et de nouveaux interlocuteurs prennent le relais.
(*)kWc et Wc (kilo watt crête et watt crête) : unité utilisée pour définir la puissance maximale de la centrale
solaire.
Un tarif d’achat d’électricité en baisse permanente
60 centimes d’euro par kWh en 2009, 12.79 aujourd’hui, la baisse du tarif d’achat a eu pour objectif
de stopper les phénomènes de spéculation et de limiter le coût supporté par le contribuable puisque
l’achat d’électricité d’origine renouvelable est financé par la CSPE (contribution au service public
d’électricité).
Pour le même objectif, en 2010, le calcul d’indexation du tarif d’achat a été revu. Du fait de
l’inflation, un producteur ayant signé un contrat avec EDF à 0.6 €/KWh en 2009 revend aujourd’hui
son électricité 0.65 €/kWh. La part fixe est passée de 40% à 80% ce qui limite l’évolution à 0.3% par
en moyenne contre 1.5% auparavant.
Autre évolution : Depuis 2011, le tarif est révisé chaque trimestre en fonction des demandes de
raccordement déposées le trimestre précédent. Ce système de régulation a pour enjeu de faire
coïncider la production d’électricité d’origine photovoltaïque avec l’objectif que s’est fixé la France a
échéance 2020. Or, beaucoup de projets déposés n’aboutissent pas. Le tarif baisse donc
probablement plus vite qu’il ne devrait.
A la même époque, le cas des projets de plus de 100 kWc a évolué. Leur tarif d’achat est désormais
définit par un appel d’offre national : un pour la tranche 100-250, un autre pour les plus de 250. La
démarche consiste à déposer, à une date précise, un dossier auprès de la CRE (commission de
régulation de l’énergie) qui le note sur plusieurs critères dont
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La compétitivité du tarif d’achat : l’installateur propose un tarif le plus bas possible en restant
cohérent avec la rentabilité de son projet.
le bilan carbone du projet : avantage aux utilisateurs de matériel européen.
Les dossiers les mieux notés sont retenus. Sur l’appel d’offre 2014 pour les projets de 100 à 250 kWc,
200 dossiers ont été retenu sur 1000. Le résultat n’est donc pas garanti. L’ensoleillement de notre
région étant moins important que dans le Sud de la France, les projets locaux doivent optimiser leurs
offres pour avoir une chance d’aboutir.
C’est toutefois un bon moyen d’obtenir un tarif d’achat supérieur au tarif réglementé pour les
installations en intégration simplifiée. Le tarif moyen de l’appel d’offre 2014 pour les projets de 100 à
250 kWc était de 15.3 centimes d’euros contre environ 13 centimes pour le tarif réglementé de
l’époque.
Début 2015, l’appel d’offre pour la tranche 100-250 kWc n’est pas encore programmé. Celui pour les
projets de plus de 250 kWc est calé au 1er juin 2015.
Enfin, en 2013, un bonus de 5 à 10% pour l’achat de panneau d’origine européenne avait été instauré
pour contrer l’importation de panneaux Chinois. Cette mesure a été abrogée en mars 2014.
Tarif du 1er janvier au 31 mars 2015
Tarif T1
Type d’installation (1)
Installation intégrée au bâti
Tarif T4
Installation simplifié au bâti (2)
Tarif T5
Autres installation (sur imposées, à
plat, au sol, >100 kWc hors appel
d’offre)
Puissance
0-9 kW
0-36 kW
36-100 kW
Tarif en cent. D’€/kWh
26.57
13.46
12.79
0-12 MW
6.62
(1) Intégration au bâti : le panneau fait l’étanchéité. Il est monté dans le plan de toiture.
(2) Intégration simplifiée : le panneau est monté parallèlement au plan de toiture. Le système complet fait
l’étanchéité.
Du fait d’un faible écart de tarif d’achat mais de la possibilité d’économie d’échelle sur le coût des
installations, les projets de 100 kWc sont plus séduisants que les projets de 36 kWc.
Matériel : peu d’évolutions techniques mais une baisse du prix des installations
Les puissances de panneaux ont évolué en passant de 200 Wc à 290 Wc. Le repère de 7 à 8 m2/kWc
est aujourd’hui d’environ 6 m2/kWc. Ces évolutions sont liées à des meilleurs rendements de cellules
et un traitement du verre générant moins de réflexion. On note le développement des modèles
verre/verre : Une couche de verre de 2 mm dessus et dessous (verre dessus et plastique dessous
pour les autres). Ils sont plus solides, vieillissent mieux et leurs fournisseurs annoncent des garanties
de production plus longues : 85% à 30 ans contre 80% à 25 ans sur des panneaux standards. Le
marché des panneaux est dominé par les Chinois. Mais, suite à la loi anti dumping instaurant un tarif
planché sur leurs produits, ils sont plus rares sur les nouvelles installations.
Leur mode de pose s’est quant à lui adapté aux critères techniques de conformité du CSTB et du
CEIAB pour répondre à l’appellation « intégration au bâti » ou « intégration simplifié ». Pour les
toitures de plus de 9 kWc, le choix entre les deux n’a pas d’impact sur le tarif de rachat d’électricité.
Ainsi, l’intégration simplifié où le panneau est fixé sur du bac acier est le mode de pose le plus
répandu. Il assure une bonne étanchéité de la toiture et protège le dessous du panneau des chocs.
Par contre, une pose intégrée au bâti, même si elle est plus complexe à mettre en œuvre donc plus
cher d’environ 20 centime d’euro par Watt crête, peut permettre un gain de production grâce à un
meilleur refroidissement des cellules.
Côté onduleurs, on note une augmentation des gammes de puissance (on est passé de 10 à
25 kVA/onduleur) ce qui permet d’en réduire le nombre. La solution de l’onduleur unique n’est pas
privilégiée car trop pénalisante en cas de panne.
Incontestablement, la plus grosse évolution concernant le matériel se situe sur la facture : le prix de
vente du matériel pose comprise est passé de 5 – 6 €/Wc en 2009 à, aujourd’hui, environ :
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1.10 à 1.20 €/Wc pour des installations de 100 kWc avec des panneaux standards, posés en
intégration simplifiée
1.40 à 2 €/Wc avec des panneaux posés en intégration au bâti.
Les panneaux verre/verre génère un surcoût de 0.1 €/Wc.
Ce prix peut-il encore baisser ? Oui sur le matériel, il peut exister une petite marge de manœuvre.
D’autant plus que la technologie évolue et peut permettre d’avoir plus de performance pour le
même prix. Non, côté main d’œuvre. Les installateurs sont au maximum de l’optimisation des coûts.
« Nous ne pouvons pas aller plus vite pour monter un toit ! » affirment-ils.
Un temps de retour sur investissement beaucoup plus long
Les banquiers voient d’un bon œil cette division par quatre du niveau d’investissement. Elle rend les
projets plus faciles à financer et génère moins de frais financiers. L’évolution de la rentabilité n’est
plus comparable à la situation exceptionnelle de 2009. Le temps de retour sur investissement s’est
allongé et le volume d’argent généré sur 20 ans n’a plus rien de comparable. L’intérêt du
photovoltaïque a changé. Les projets ne doivent plus être vus comme un moyen de se constituer un
revenu complémentaire mais comme une solution contribuant au financement d’un bâtiment neuf
ou une opportunité de rénover une toiture existante à moindre coût.
Malgré tout, le tarif d’achat de 12.79 c€ est limitant. L’autofinancement d’un bâtiment neuf n’est pas
complètement assuré. Une construction de 18 m x 40 m disposant d’un pan de 700 m2 de toiture
pour recevoir une centrale solaire de 100 kWc coûte 60 à 70 000 € alors que le gain généré sur 20 ans
est d’à peine 50 000 € brute.
Comparatif pour une centrale solaire de 100 kW
(Calcul hors impact fiscalité)
Tarif de rachat d’électricité par
EDF (contrat sur 20 ans)
Augmentation du tarif de rachat
du fait de l’inflation
Référence de production
d’électricité
Garantie de production des
panneaux
Vente moyenne d’électricité/an
sur 20 ans (1)
Coût installation
Coût de raccordement au réseau
EDF
Montant global investi avec frais
annexes
Emprunt bancaire
Dépenses de fonctionnement
annuelles (2)
Temps de retour sur
investissement
Gain sur 20 ans hors fiscalité (3)
Prix de revient du kWh
2009
2015
Simulation (4)
0.60 €/kWh
0.1279 €/kWh
0.14 €/kWc
1.5%/an
0.3%/an
0.3%/an
1100 kWh/kWc installé
80% sur 20 ans
90% sur 20 ans
90% sur 20 ans
69 702 €
13 778 €
15 082 €
5 €/Wc
1.20 €/Wc
1.20 €/Wc
15 000 €
15 000 €
15 000 €
519 500 €
138 000 €
138 000 €
4.5% sur 15 ans
3% sur 15 ans
3% sur 15 ans
3 389 €/an
2 863 €/an
3 563 €/an
9.3 ans
15 ans
14.1 ans
601 717 €
0.40 €
45 965 €
0.11 €
58 035 €
0.12 €
(1) 20 ans : durée du contrat EDF.
(2) Les dépenses de fonctionnement annuelles comprennent :
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l’assurance (responsabilité civile, garanties dommage et perte de production) : 1000 €/an.
Le contrat de maintenance : forfait 1000 €/an.
la location du compteur EDF (720 €/an).
Elles sont actualisées avec un taux de 0.5%/an.
Pour l’hypothèse 2009 seulement, nous avons compté des frais liés à la création et au fonctionnement d’une
société. Compte tenu du chiffre d’affaire généré par la vente d’électricité à 60 centimes d’euro/kWh, beaucoup
de producteurs ont créé une société pour supporter leur projet.
(3) Vente d’électricité – somme investie – dépenses de fonctionnement totale sur 20 ans.
(4) hypothèse avec un tarif d’achat à 0.14 €/kWh
Le facteur important modifiant la rentabilité est le coût du raccordement. Il peut s’élever à 20/30%
du budget total. Le transformateur ERDF doit être à proximité de la limite de propriété de la ferme
(< à 150 m).
Pour gagner en rentabilité, il faut négocier les frais annuels d’assurance et de maintenance. En les
réduisant de moitié, l’autofinancement se rapproche. Mais attention aux garanties.
On pourrait aussi raisonner sur la durée de vie de l’installation et non celle du contrat de rachat par
EDF. La durée de vie des panneaux est estimée à 30 ans tandis que le contrat d’achat est établi pour
20 ans.
Certains installateurs proposent de diviser votre toit solaire en plusieurs portions de 9 kWc pour
obtenir le tarif maximum de 26.57 centimes d’euro. Attention, c’est interdit !
D’autres vendent des installations de 102 kWc plutôt que 99 pour positionner le projet dans le cadre
de l’appel d’offre national et tenter « d’accrocher » un tarif de rachat d’électricité supérieur au tarif
réglementé. Avec 14 centimes d’euro (hypothèse du tableau) et bien qu’il faille rajouter dans le
calcul de rentabilité, le coût de la taxe IFER (taxe d’accès au réseau) redevable sur les installations de
plus de 100 kWc (7.21 €/kWc/an soit environ 700 €/an), l’autofinancement du bâtiment par
l’installation solaire se rapproche. Mais les chances d’aboutir sont maigres.
On remarque dans la dernière ligne du tableau, qu’aujourd’hui, le prix de revient du kWh produit par
une centrale solaire est à peu près équivalent à celui fournit par EDF, payé par un particulier (9
c€/kWh). La parité est bientôt atteinte !
Une relance commerciale sur les bâtiments gratuits
Sur le terrain, les relances commerciales s’organisent. Notamment sur la mise à disposition de
bâtiments gratuits. Dans ce domaine, l’approche commerciale peut être différente selon les
installateurs.
Le premier type d’offre consiste à vous mettre à disposition gratuitement un bâtiment équipé d’un
toit solaire. Celui-ci est construit sur une de vos parcelles que vous mettez à disposition de
l’installateur contre la signature d’un bail emphytéotique. Cet installateur, qui joue le rôle de société
d’exploitation, bénéficie du produit de la vente d’électricité à EDF tandis que vous bénéficiez de
l’usage du bâtiment. A la fin du contrat de rachat (20 ans), celui-ci vous est cédé gratuitement.
Avant de signer un contrat, soyez vigilant sur quatre points :
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Pour des raisons fiscales, la durée du bail emphytéotique ne doit pas être inférieure à 30 ans.
Prenez bien connaissance des restrictions sur l’usage du bâtiment imposées par l’installateur
(stockage de foin, de pailles, d’engrais interdit, type d’élevage autorisé, etc …).
Si le permis de construire est déposé par vous et non pas par la société d’exploitation, vous
devrez gérer les contentieux en cas de recours.
La somme d’argent versée au titre de la pré-étude (parfois plusieurs milliers d’euro) sera
perdue si le projet n’aboutit pas ce qui peut facilement être le cas pour les projets de plus de
100 kWc soumis à l’appel d’offre national.
Dans le département du Loiret, quatre bâtiments ont été construits sur ce principe.
Le deuxième type d’offre s’appuie sur la mise en œuvre d’une démarche collective. A l’initiative
d’installateurs solaire et bâtiments, des agriculteurs se regroupent et créent une structure juridique,
type SAS (Société par Action Simplifiée). Chacun met une parcelle à disposition de la SAS contre la
signature d’un bail à construction. Sur ces parcelles, la SAS construit des bâtiments équipés de toits
solaires. Elle rembourse l’emprunt contracté avec le produit de la vente d’électricité à EDF. Chaque
agriculteur profite de l’usage du bâtiment. A la fin du bail, le bâtiment est restitué aux propriétaires
des parcelles.
La SAS joue le rôle de société d’exploitation. Ce montage se différencie de la première solution par le
fait que les agriculteurs en sont actionnaires et restent donc maîtres à bord.
L’intérêt de la démarche collective est d’être plus fort en termes de négociation vis-à-vis des
banques, assurances, de l’administration, et des fournisseurs. Les installateurs solaires et bâtiment
instigateurs du projet, se positionnent en tant qu’interlocuteurs privilégiés. Elle demande beaucoup
de temps et d’énergie pour réaliser les démarches administratives notamment pour déposer les
projets de plus de 100 kWc dans le cadre de l’appel d’offre national et obtenir les permis de
construire. Elle nécessite de désigner un leader. Une bonne entente entre tous est indispensable car
c’est un projet qui dure au minimum 20 ans.
Contact : Sylvain DESEAU : 02 38 98 80 39 ou 06 86 40 98 16, [email protected]

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