Kasimir Malevitch

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Kasimir Malevitch
Kasimir Malevitch
Kiev, 1878 – Leningrad, 1935
« Croix (noire) » 1915
Huile sur toile 80 x 80 cm
Malevitch réalise cette toile en même temps qu’une trentaine
d’autres, pour une exposition qu’il organise en décembre 1915.
Par cette manifestation qu’il intitule lui-même « 0.10 La dernière
exposition futuriste », il entend rompre avec les avant-gardes
occidentales et par-delà cette opposition, retrouver un "zéro des
formes", c’est-à-dire faire table rase, pour amorcer une
reconstruction, non pas révolutionnaire ou fracassante, mais
infinitésimale. Il y montre pour la première fois ses œuvres
abstraites qui incarnent l’idée d’un art à la limite du néant, d’un
Rien pensé comme interface entre le visible et l’invisible. En
quête d’un être suprême au-delà du monde des objets, l’art de
Malevitch, le suprématisme, purifie la peinture en écartant tout
ce qui la détourne de son sens.
Quant au rôle de la croix dans cette pensée suprématiste,
Malevitch l’explicite rétrospectivement dans ses écrits
théoriques. Elle est l’un des éléments de base de son système
plastique, le "deuxième élément suprématiste fondamental", le
premier étant le cercle. Quant au carré, il constitue le référent absolu du système, c’est-à-dire la forme
zéro à partir de laquelle toute unité visuelle est dérivée. Tandis que le cercle vient de la rotation du carré,
la croix est obtenue par la division du carré en deux rectangles dont l’un pivote sur l’autre à 90°.
Mais la rigueur géométrique qu’évoquent ces indications est tempérée par les irrégularités que le peintre
a introduites dans sa toile. Les contours incertains des branches, leur infime inclinaison, la précarité de
leur équilibre invitent aussi à considérer la croix, récurrente dans l’œuvre entière de Malevitch, comme un
élément chargé d’émotion. Le sculpteur Antoine Pevsner en témoigne lorsqu’il rapporte des propos
confiés au cours de l’enterrement d’une amie artiste en 1918: "Quand il me vit, il me dit tout bas: nous
serons tous crucifiés. Ma croix, je l’ai déjà préparée. Tu l’as sûrement remarquée dans mes tableaux".
Biographie de MALEVITCH
Né en Ukraine de parents d’origine polonaise, Malevitch fréquente tout d’abord un lycée agricole, et il
note dans son Autobiographie qu’il fût attiré par l’art et la peinture en regardant les paysans
décorer leur maison. En 1896, il intègre l’école de dessin de Kiev, puis se rend à Moscou en 1904 où il
suit des cours à l’Académie de peinture, de sculpture et d’architecture.
Au sein d’associations artistiques telles que le Valet de carreau ou la Queue d’âne qui s’intéressent aux
recherches picturales modernistes tout en s’inspirant des peintures primitives russes, il s’initie
successivement à tous les styles de peinture en vogue, et invente en 1913, en peignant des
personnages aux formes cylindriques, le cubo-futurisme, synthèse proprement russe des tendances
française et italienne. Dans ce contexte d’émulation, il réalise les costumes et le décor d’un opéra avantgardiste, Victoire sur le soleil, joué en décembre 1913 à Saint-Pétersbourg. C’est à cette occasion qu’il
peint son premier carré noir sur fond blanc qui, dans l’économie générale du décor, a pour fonction de
remplacer une icône. Son travail ultérieur, jusqu’à la fin des années 20, consiste à tirer les conséquences
artistiques, théoriques et philosophiques de ce geste. Comme il l’affirme dans le catalogue d’une
exposition à laquelle il participe au printemps 1915, Tramway V, "L’auteur ignore le contenu de
ses peintures", il n’en comprend la portée que rétrospectivement. A l’automne 1915, il expose une
Sources : http://www.cnac-gp.fr/education/ressources/ENS-abstrait/ENS-abstrait.html
Formatage, ajouts, retraits : Ph.Dufner sept2004-sept2005
trentaine d’œuvres radicales, abstraites et minimales, auxquelles il travaillait en secret. Pour les qualifier,
Malevitch invente le terme de suprématisme à partir du latin "supremus", qui est au-dessus de tout, en
relation
avec
un
courant
philosophique,
le
"supranaturalisme",
visant
à
définir
l’essence invisible des choses.
En 1927, il effectue son unique voyage en Occident et se rend à Varsovie pour exposer ses toiles, puis à
Berlin, d’où on le rappelle d’urgence en URSS. Il confie l’intégralité de ses œuvres et documents à un
ami qui les cèdera en 1958 au Stedelijk Museum d’Amsterdam. C’est en partie grâce à cet incident que
le travail de Malevitch a pu être conservé en Occident jusqu’à sa redécouverte progressive au
cours des années 70.
À partir de 1928, il réalise une série de peintures représentant des paysans, antidatées des années 10
sans doute pour des motifs politiques. En effet, à travers ces toiles et contrairement à ses premières
séries de paysans où il chantait la noblesse du travail et l’harmonie des hommes avec la terre, Malevitch
dénonce l’intrusion violente de la civilisation technologique dans le monde rural prônée par les
plans de développement quinquennaux. En 1930, il est temporairement emprisonné, ce qui conduit ses
amis à brûler un grand nombre de ses manuscrits. Hormis une dernière exposition, en 1935, qui présente
une sélection de ses peintures récentes, ses œuvres ne seront plus montrées en URSS jusqu’en 1962.
Selon la cérémonie suprématiste qu’il avait entièrement planifiée, il sera enterré dans un cercueil orné
d’un carré, d’un cercle et d’une croix sur le couvercle (la croix ayant été retirée par les autorités), habillé
d’une chemise blanche, d’un pantalon noir et de chaussures rouges.
Sources : http://www.cnac-gp.fr/education/ressources/ENS-abstrait/ENS-abstrait.html
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