L`ESPRIT MARIN Pièce courte

Transcription

L`ESPRIT MARIN Pièce courte
L’ESPRIT MARIN
Pièce courte
Alice téléphone à son amie Emilie afin qu’elle vienne dîner avec son mari. Elle désire
leur présenter son nouvel ami. Oui mais voilà, c’est ami est l’ancien amant d’Émilie.
Quatre personnages
Alice
Marin, l’ami d’Alice
Émilie
Barthélémy, le mari d’Emilie
Durée approximative : 30 minutes
Les didascalies sont rares et laissées à la discrétion du metteur en scène et des
comédiens(nes).
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Tous droits de reproduction, d’adaptation et de traduction, intégrale ou partielle réservés
pour tous pays.
ISBN 978-1-291-60316-3
Dépôt légal : Octobre 2013
© Daniel Pina
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Scène Une
Alice (sur scène) et Marin
Alice se trouve sur scène, au téléphone portable.
Alice – Oh oui quelle histoire ! Oh là là quelle histoire ! Mais non ! Quelle histoire ? Oh
là là dis donc, à mon avis ça va faire des histoires. Eh ben tu sais pas, venez à la
maison. Ben oui pour dîner, pour quoi faire d’autre ? Nous serons quatre, je vous
présenterai mon ami. On dit vingt heures ? Tu préfères huit heures, mais oui, je
comprends. À cause de la nuit… Mais bien sûr… Allez ! À… mais oui je comprends,
à… mais oui je comprends… à… soir !
Raccroche.
Alice – C’est vraiment parce que j’ai envie de connaître la suite !
Arrivée de Marin. Il porte une marinière.
Marin – Alors, tu parles toute seule ?
Alice – Tiens, Marin ! Une semaine sans te voir, tu essaies de battre ton record ou
quoi ?
Marin – Oh ma pauvre si tu savais !
Alice s’avance vers lui et pose son index sur sa poitrine.
Alice – Tu as vu tu as une drôle de tâche là !
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Marin – (hésite avant de répondre) Euh Oui ! C’est sûrement quand j’ai jeté l’ancre.
Alice – Ton bateau est à quai ?
Marin – (Faire la liaison avec le verbe) Oui mon bateau est OK !
Alice – Y a pas que le bateau on dirait !
Marin – Que dis-tu ?
Alice – Rien ! Alors, d’où tu viens ?
Marin – Pas de bisou avant ?
Alice – Non, pas de bisou ! Je suis en colère et tu sens la bière. Alors, où étais-tu ?
Marin – Ah ne m’en parle pas ! À l’enterrement d’un vieil ami marin.
Alice – Ah oui, et ça t’a pris une semaine ?
Marin – C’est que.
Alice – C’était bien au moins ?
Marin – C’était… mort.
Alice – C’était où ?
Marin – Chailly-en-Bière.
Alice – Et de quoi est-il mort ce brave marin ?
Marin – (en levant le coude) D’un excès de bière.
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Alice – Normal pour un marin, la bière coule à flots.
Marin demeure impassible.
Alice – Marin… mort… bière… à flots…. Laisse tomber ! C’est triste.
Marin – Oui, c’était triste. Sauf quand ils ont jeté le mousse dans la bière.
Alice – Ton vieux marin était mousse ?
Marin – Non, pêcheur.
Alice – Ils ont mis de la bière dans le cercueil ?
Marin – Non, de la mousse.
Alice – Alors ils ont mis de la mousse dans sa bière pour que ça mousse ?
Marin – Euh ! Non ! C’est le mousse qui a fait mousser la bière quand nous l’avons jeté
dans le fût. Une vieille tradition de marin.
Alice – Tu as l’air fatigué toi, faut te reposer hein !
Marin – Je sais, mais c’est à cause des cimetières aussi, la tête d’enterrement que font
tous ces gens, moi ça m’ tue !
Alice – Que veux-tu, la mort c’est la vie.
Marin – Ben non, la mort c’est la mort et la vie c’est la vie. J’ te jure !
Alice – Tu es en vie quand arrive la mort, donc, après quand la mort a remplacé la vie,
c’est la mort à vie.
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Marin – La Moravie ! Tu parles le Tchèque toi maint’nant ? J’ai une de ces soifs, qu’estce qu’il y a à boire ?
Alice – (en riant) Une petite mousse ?
Marin – (agacé) Non merci ça va bien comme ça !
Alice – Oh allez j’ rigole, c’était juste une petite mise en boîte.
Marin – Oui ben, j’ai eu ma dose pour la journée, de marin, de pêcheur, de mousse et
de bière.
Alice – Eh bien tu vas pouvoir te changer les idées, j’ai invité mon amie Émilie et son
mari à manger.
Marin – On a son mari à manger ?
Alice – Ce que tu es bête par moment ! Je me demande si je dois vraiment te présenter.
Marin – Ils sont comment ?
Alice – Gentils. C’est un beau couple, très amoureux, complices, ils sont attendrissants.
Marin – (sourit) Et ils font quoi dans la vie les tourtereaux ?
Alice – Émilie est décoratrice et Barthélemy prof de maths, ils sont revenus s’installer
dans la région.
Marin – (perd son sourire) C’est troublant.
Alice – Qu’est-ce qui est troublant ?
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Marin – J’ai connu un Barthélemy… prof de maths.
Alice – C’est peut-être le même ? Ça serait marrant !
Marin – Non ! Ce n’est pas très courant comme prénom.
Alice – Il n’y a pas qu’un âne qui s’appelle Marin.
Marin – Très drôle !
Alice – La probabilité que ce soit lui est vraiment très faible quand même.
Marin – Ouais ! Mais avec le pot que j’ai !
Alice – Tu disais ?
Marin – Je ne le sens pas ce coup-là.
Alice – Mais de quoi tu parles ?
Marin – (nerveux) Tu veux qu’on aille au resto ? Rien que toi et moi.
Alice – Qu’est-ce que tu as tout à coup tu as l’air stressé ? C’est Barth qui te met dans
cet état ?
Marin – (entre les dents) Tu m’étonnes ! (en geignant) Et s’ils ne m’aiment pas, hein ! Et
s’ils ne m’aiment pas.
Alice – Mais ne t’inquiète pas, je suis sûre que tout va bien se passer.
Marin – (fait la moue) Oh ça !
Alice – Arrête, tu flippes pour rien là. Ma parole, on dirait que tu as peur !
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Marin – Peur, moi ? Et pourquoi j’aurais peur ? Bien sûr que je n’ai pas peur. (entre les
dents) je suis juste un peu terrorisé.
Alice – Ils ne vont pas tarder.
Marin – Chouèèèète. Tu as prévu quoi pour le dîner ?
Alice – Entrée façon traiteur, poulet rôti frites façon traiteur, et dessert, façon traiteur.
Marin – Tu t’es surpassée !
Alice – Ce n’est pas un compliment ça !
Marin – Si, façon traiteur.
Alice – Tu es vraiment bizarre ce soir.
Marin – Pas du tout.
Alice – Tu ressembles à un cake en décomposition.
Marin – Ah ouais ! Un cake ! Tu me traites de cake ?
Alice – Ah oui !
Marin – Ce n’est pas un compliment ça !
Alice – Mais bien sûr que c’est un compliment, mais seulement pour les cakes façon
traiteur.
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Scène Deux
Alice et Marin (sur scène) – Émilie – Barthélémy
Marin – Tu m’en veux, c’est ça !
Alice – Non pourquoi ? Une semaine sans donner signe de vie, tout va bien.
Marin – Je voulais te prévenir mais…
Alice – Me prévenir de quoi ? Hein ? Que vas-tu inventer de nouveau ?
Marin – Il m’est arrivé un drôle de truc.
Alice – Si tu veux t’en sortir cette fois il te faudra trouver une explication qui tienne la
route.
Marin – Ça, pour tenir la route, elle tient la route.
Alice – Vas-y, je t’écoute.
On frappe à la porte d’entrée. Arrivée d’Émilie et de Barthélémy. Alice va ouvrir et
revient avec eux.
Barthélémy (regardant Marin) – Alice, je ne savais pas que tu avais invité Jean-Paul
Gaultier !
Marin (s’avance vers Barthélémy et lui tend la main) – Bonsoir, je suis Marin.
Barthélémy – Et moi prof de Maths.
Marin – Marin, c’est mon prénom.
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Barthélémy – Excuse-moi. (approche un doigt vers sa poitrine) Tu as une tâche, là !
Marin (s’avance vers Émilie) – Émilie je suppose ?
Émilie – Ouiiiii ! C’est bien toi ! Oh allez, ne fait pas celui qui ne me connait pas,
embrasse-moi, grand timide. Tu sais que tu sens la bière ?
Barthélémy – Vous vous connaissez ?
Alice – J’en ai bien l’impression.
Émilie – Bien évidemment, nous sommes allez au lycée Corail ensemble.
Marin – Lycée Corot.
Émilie – Oui oh tu sais, j’ai toujours eu du mal avec les pluriels.
Marin – Corot est un personnage célèbre.
Émilie – Peut-être, mais j’ai un peu de mal aussi avec les acteurs !
Alice – Quelle surprise ! Marin, tu ne m’en as jamais parlé.
Marin – Ben non !
Barthélémy – Eh Marin, on se tutoie, entre marins.
Marin – Tu as été marin ?
Barthélémy – Ouais ! C’est marrant ça, un Marin marin.
Marin – Tu étais dans la marine nationale ?
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Barthélémy – Non, dans la marine à ch’val. Evidemment andouille dans la marine
nationale, tu as déjà vu un porte-avions dans la marine marchande ?
Marin – Tu étais sur un porte-avions ? Avec des avions ?
Barthélémy – Non avec des ch’vaux qui volent.
Marin – Ah oui comme Sagaze ! Je croyais que c’était une légende.
Barthélémy – Tu veux dire Pégase je suppose ?
Marin – Pégase, Sagaze, de toute façon ce n’est pas bon pour la couche d’ozone tout
ça.
Alice à Marin – Tu es sûr d’aller bien là ?
Émilie – C’est vrai ça, tu sembles… déconnecté. (à Barthélémy) et toi ça ne va pas non,
tu viens de faire sa connaissance et tu le mets en boîte.
Barthélémy – Mais ce n’est rien, Marin je le connais depuis longtemps.
Alice et Émilie – Ah bon ?
Barthélémy – Mais oui, n’est-ce pas Marin, on se connaît depuis longtemps, dis leur.
Marin – Leur.
Émilie – Pauvre Marin, tu étais dans le même état lorsque je t’ai largué pour Nick.
Alice – Quoi ? Vous êtes sortis ensemble ?
Marin – Un petit peu.
Barthélémy – Alors là je reste coi !
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Marin – Quoi !
Émilie – Pourquoi tu restes coi ?
Alice – C’est vrai ça, pourquoi ?
Barthélémy – Ma femme a eu une aventure avec Marin le marin, je me sens … un
peu… trahi.
Émilie – Il ne faut pas Barth, c’était avant de te connaître.
Barthélémy – Ah oui ? On se connaît depuis dix ans quand même.
Alice – C’était aussi avant de me connaître, Marin ?
Marin – Oui, je crois.
Barthélémy – Comment ça tu crois, tu n’en es pas sûr ?
Alice – Marin, quand tu es sorti avec Émilie c’était bien avant de me connaître n’est-ce
pas ?
Barthélémy – Alors Marin, il nous faut une réponse.
Marin – Eh bien, non !
Alice – C’était quand exactement ?
Barthélémy – Oui, quand exactement ?
Émilie – Barth, je t’en prie tais-toi !
Alice – Marin, je t’en prie parle !
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Marin – Nous étions déjà ensemble quand je suis sorti avec elle. Ça date de… quelques
jours.
Alice – Alors là !
Barthélémy – Alors ça !
Marin – Alors quoi ? Il y a prescription non ?
Alice – Tu comptais me le dire un jour ?
Marin – Oui, aujourd’hui.
Alice – Tu te fous de moi. Et toi ma chère amie Émilie, pas trop gênée aux
entournures ?
Émilie – Bon c’est vrai que j’aurais dû te le dire, mais j’étais trop occupée avec Nick.
Marin – Mon remplaçant je présume ?
Émilie à Barth – Oui, désolé Barth que tu l’apprennes comme ça.
Barthélémy – Et tu comptais me le dire un jour ?
Émilie – Oui, aujourd’hui !
Barthélémy – Mais c’est qui ce Nick ?
Émilie – Je l’ai connu au lycée.
Alice & Barthélémy – Lui aussi !
Émilie – On l’appelait Nick cœur chaud. Aujourd’hui c’est le maire de notre ville.
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Marin – C’est Nick ton maire ?
Barthélémy – Je suis cocu !
Alice – Ouais ça va hein ! Pas plus que moi.
Barthélémy – Y aurait-il autre chose à savoir, pendant que nous sommes dans les
confidences ?
Émilie – Ne vous inquiétez pas c’est terminé entre nous, tu sais que je me lasse vite…
des hommes… je veux dire des autres.
Barthélémy – Avec Marin c’est vraiment fini alors ?
Émilie – Mais oui ! Mes rapports avec lui étaient brefs, c’était pratiquement fini avant de
commencer. (s’adresse à Alice) Tu sais de quoi je parle hein ma chérie ?
Marin – Quoi ? Pas du tout.
Alice – N’exagère pas Émilie, avec moi ça durait le temps des pubs à la télé.
Émilie – Il s’est amélioré alors.
Marin – Non mais ça va quoi !
Barthélémy – Alors si je comprends bien, il n’y a qu’avec moi qu’il était performant.
Silence
Émilie – Non, pas possible, tous … tous les deux ?
Alice – Eh ben ! Moi qui te prenais pour un saint, Barthélémy.
Émilie – Alors là, c’est un vrai massacre.
Rideau ou obscurité
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Scène Trois
Alice – Marin – Émilie – Barthélémy (sur scène)
Alice à Marin – Je comprends maintenant ton envie de sortir… subite.
Marin à Alice – Et toi, comment tu disais, ah oui, un beau couple amoureux et
attendrissant.
Émilie – C’est de nous dont tu parlais ?
Alice – Oui. Mais ça, c’était avant.
Barthélémy – Mais je le suis toujours.
Marin – Tu es toujours quoi ?
Barthélémy – Attendri.
Émilie – Merci mon chéri.
Barthélémy – Pas sur toi, sur lui.
Émilie – C’est qui lui ?
Barthélémy – Marin.
Émilie – Marin ? Alors là c’est l’ pompon.
Alice – Wah !
Émilie – J’ te l’ fais pas dire !
Marin – Non mais ça n’ va pas non !
Barthélémy – Ah si parfaitement bien, d’ailleurs de te revoir me fait un bien fou.
Marin – Tu as raison, tu es fou.
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Barthélémy – Oui de toi mon marin.
Alice – Wah !
Émilie – J’ te l’ fais pas dire !
Marin – Eh bien moi je suis ni gay ni attendri d’accord !
Barthélémy – Mais moi non plus je ne suis pas gay, je veux simplement dire qu’à aucun
moment de ma vie je n’ai regretté cette expérience.
Émilie – C’est rassurant.
Alice – Wah !
Émilie – J’ te l’ fais pas dire !
Marin – Je vais vous laisser entre amis
Alice – Tu comptes nous laisser après ce que tu nous as fait ? Ah mais non du tout
mais non pas du tout hein !
Marin – Alice, essaie de comprendre !
Alice – La confiance Marin, tu as déjà entendu parler de la confiance ?
Marin – On avait bu, j’étais triste, lui déprimé, une chose en entraînant une autre.
Alice – Ben oui normal.
Marin – On s’est embrassé, c’est tout.
Émilie – C’est tout ?
Marin – Mais oui !
Barthélémy – Ben non !
Marin – Comment ça ben non ? Tu m’as toujours assuré qu’il ne s’est rien passé
d’autre.
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Alice – Parce que tu ne te souviens pas de ce qui s’est passé, c’est ça ?
Marin – Barth, tu m’as toujours dit qu’il ne s’est rien passé de plus.
Barthélémy – Mais non ! Il ne s’est rien passé de plus, je t’ai fait marcher.
Marin – Pourquoi as-tu fait ça ?
Barthélémy – D’abord pour rigoler. Et puis, ça me plaisait d’imaginer que tous les
deux…
Marin – J’étais complètement soul … je croyais vraiment que… enfin tu vois.
Barthélémy – Et bien oui, j’aime les marins, et toi en particulier.
Émilie – Ah bon ! Pourquoi ne pas l’avoir dit ?
Barthélémy – J’avais peur de ta réaction.
Alice – Pareil pour toi Marin, pourquoi ne m’as-tu jamais parlé de ça ?
Marin – Je t’en prie Alice pardonne-moi et tournons la page.
Alice – Ah mais non du tout mais non pas du tout hein !
Marin – (élève la voix) Si je me suis mis dans cet état c’est ta faute aussi.
Alice – (élève la voix également) À moi ?
Marin – Mais oui.
Alice – Alors là explique !
Marin (redevenu calme) – Je ne t’en ai jamais parlé mais, un après-midi je suis entré
pour te faire la surprise, et…
Alice – Et quoi bon sang ?
Marin – Tu étais dans la chambre.
Alice – Et alors ?
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Marin – Tu n’étais pas seule… quand j’ai poussé la porte… je t’ai vu… avec Muriel.
Alice – Ah ! Je vois.
Émilie – Et tu faisais quoi ? Non ! Wah !
Barthélémy – J’ te l’ fais pas dire !
Émilie – On parle de Muriel la bombasse ?
Barthélémy – Muriel la chaudasse ?
Marin – Celle-là même !
Émilie – C’est vrai ça Alice ?
Alice – C’est arrivé comme ça, par le plus pur des hasards.
Marin – La confiance Alice, que disais-tu au sujet de la confiance ?
Barthélémy – Nous sommes aussi menteurs les uns que les autres.
Émilie – Tu sais ma chérie, si tu as un après-midi de libre et si tu veux que toutes les
deux on…
Barthélémy – Tu peux arrêter à la fin. T’en n’as pas marre de jouer les nymphos ?
Émilie – Moi ? Non ! Et puis je ne joue pas, je suis une nympho, c’est tout.
Barthélémy – Et moi je deviens quoi ?
Émilie – Toi, toi, toi, toujours toi.
Barthélémy – Et nous alors ?
Émilie – Nous ? Il y a toi, il y a moi, toi sans moi et moi sans toi, mais il n’y a pas de
nous, il n’y aura plus jamais de nous.
Marin – (veut sortir) Je vais prendre l’air.
Alice – Marin t’en va pas, Marin attend ! Je suis désolée pour tout ça.
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Marin – Je n’ai pas été très réglo non plus.
Alice – On se redonne une autre chance ?
Rideau ou obscurité
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Scène Quatre
Alice – Marin – Émilie – Barthélémy (sur scène, assis, l’air complètement dépité)
Alice – C’est ce qu’on appelle une soirée réussie.
Émilie – C’est sûr que point de vue ambiance ce n’est pas c’ qu’on fait de mieux.
Barthélémy – Et si nous profitions de nos faiblesses pour en faire une force ?
Émilie – Ça veut dire quoi ça ?
Barthélémy – Ça veut dire repartir sur des bases saines.
Marin – Pour moi c’est trop tard.
Barthélémy – Il n’est jamais trop tard pour bien faire.
Alice – Je crains que Marin ait raison, c’est trop tard. Lorsque le mal est fait c’est
impossible de revenir en arrière.
Marin – Trop de rancœur tue le cœur.
Barthélémy – (en se moquant) Trop de rancœur tue le cœur. (énervé) Et trop de vertu
troue le cul.
Émilie – Eh Barth, toujours dans la finesse !
Barthélémy – Vous me faites rire avec vos états d’âme à la con, c’est pas comme si un
de nous avait trompé les autres, tout le monde ici a trompé tout l’ monde.
Alice – Ce qui nous mettrait sur un pied d’égalité ?
Barthélémy – Il n’y en a pas un plus lésé que les autres, nous sommes tous coupables.
Marin – C’est bien vrai ce que tu dis Barth nous sommes tous coupables, mais je
maintiens que pour moi, c’est trop tard.
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Alice – Parce que tu ne veux pas nous donner une autre chance ?
Marin – Parce que je n’en ai plus la possibilité.
Alice – Tout est fini entre nous ?
Marin – Tout est fini pour moi.
Émilie – Tu nous inquiète là.
Barthélémy – Ça n’a pas l’air d’aller dis-donc ? Tu es blanc comme un mort.
Marin – C’est normal, je suis mort !
Silence
Alice, Émilie et Barthélémy éclatent de rire.
Alice – Tu es tellement convaincant que j’ai failli le croire.
Émilie – Oui, tu devrais faire du théâtre.
Marin – Il va pourtant falloir vous faire à cette idée.
Alice – Mais non tu n’es pas mort puisque j’ai toujours des sentiments pour toi.
Émilie – Mais oui, vous allez vous refaire une santé tous les deux, rien n’est perdu.
Barthélémy – Toi au moins tu as cette chance !
Marin – Je crois que vous n’avez pas bien compris la situation.
Barthélémy – C’est bon mon pote on a pigé, tu es mort de honte et nous morts de rire,
on est tous morts de fatigue alors on se casse, la plaisanterie est terminée.
Marin se fâche
Marin – Maintenant vous allez vous taire et écouter, d’accord ?
Alice – OK ! Ce n’est pas la peine de t’énerver.
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Marin – Si c’est la peine, vous me prenez pour un débile.
Émilie – Noooon ! Mais il faut avouer que…
Marin – La ferme !
Émilie – D’accord ! Demandé comme ça !
Alice – Marin, tu es sérieux là ?
Marin redevient calme
Marin – Je n’ai jamais été aussi sérieux de ma vie, je veux dire de ma mort.
Barthélémy – C’est bon Marin, dis-nous ce qui te préoccupe.
Marin – Je ne suis pas préoccupé, je suis mort.
Alice – Admettons, d’accord tu es mort, dis-nous alors comment ça s’est passé au
juste ?
Marin – Quand je t’ai surprise avec Muriel j’ai aperçu une caméra posé sur la commode.
Alice – Une caméra, tu es sûre ?
Marin – C’est ce que j’ai voulu savoir.
Barthélémy – Une caméra ? Cool ! Pardon.
Marin – Je n’avais pas envie de te retrouver sur Internet.
Émilie – La connaissant je m’étonne que ça ne soit pas déjà fait. Pardon.
Marin – Afin d’en avoir le cœur net je suis allé chez elle.
Alice – Elle a avoué ?
Marin – Oui. Elle était fière de son acte. Elle allait effectivement mettre la vidéo en ligne.
Alice – La garce.
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Émilie – Ça ne se fait pas ça !
Barthélémy – Sur Internet non, mais sur mon perso…
Émilie – Barth !
Barthélémy – J’arrête, continue.
Marin – J’ai pris sa caméra de force car elle refusait de me la donner.
Barthélémy – Bien joué !
Marin – Lorsqu’elle s’est dirigée vers un meuble j’ai cru qu’elle avait capitulée, mais elle
a pris un flingue dans un des tiroirs et m’a tiré dessus.
Alice – C’est pas vrai !
Émilie – Elle a fait ça ?
Barthélémy – La garce, elle a osé ?
Marin – J’ai pris une balle dans la poitrine.
Alice – Elle a vraiment fait ça ?
Émilie – Wah !
Barthélémy – J’ te l’ fais pas dire !
Alice – Et là tu veux nous faire croire que tu es mort ?
Marin – Parce que je suis mort.
Émilie – Mais alors, comment expliques-tu qu’on puisse te voir ?
Marin – Ça je l’ignore, mais je sens que ça ne va pas durer.
Émilie – C’est arrivé quand ?
Marin – Ce matin, juste après l’enterrement de mon ami marin.
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Alice – Alors cette tâche sur ton maillot.
Émilie – Ce n’est pas une tâche.
Barthélémy – C’est un trou d’ balle.
Silence
Alice – C’est une histoire de fou, je n’y crois pas.
Émilie – Moi non plus, arrête tes conneries maintenant, tu veux bien ?
Barthélémy – Elles ont raison, ça ne tient pas debout. Prend un cachet et va te
coucher.
Marin – Libre à vous de ne pas me prendre au sérieux. (s’approche d’Alice et la prend
dans ses bras) désolé pour le mal que j’ai fait, j’espère que tu me pardonneras.
(S’adresse à Émilie et Barthélémy) Ravi de vous avoir revu. (se dirige vers la sortie)
Alice – Tu fais quoi là ? Attends, reste avec nous.
Marin – J’ai pas l’ temps, mon esprit glisse ailleurs.
Émilie – Qu’est-ce qu’il a ?
Barthélémy – Faf, la rage !
Rideau ou obscurité
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Scène Cinq
Alice – Émilie – Barthélémy (sur scène)
Alice – Ça fait deux heures qu’il est parti, je m’inquiète quand même.
Barthélémy – Mais non, il est juste un peu vexé de s’être fait prendre.
Émilie – Demain tout sera rentré dans l’ordre.
Barthélémy – Bon ! Vous je sais pas, mais moi j’ai une faim de mort vivant.
Émilie – Rien ne te coupe l’appétit toi.
Arrivée de Marin, personne ne le voit ni ne l’entend
Silence
Barthélémy – Ah ! Un ange passe.
Émilie – Il ne fait pas chaud d’un seul coup.
Marin – Coucou, c’est moi !
Le portable d’Alice sonne
Alice – Allo ! Qui ça, la police ? Oui c’est moi. Marin oui bien sûr. Vous avez quoi ?
Retrouvé son corps dans un tonneau de bière près du cimetière. Oui. Merci. Au revoir.
Émilie – Que se passe-t’il ?
Alice – Ils ont trouvé Marin, il est mort.
Marin – Vous vouliez pas m’ croire.
Émilie – Alors c’était vrai ? (pleure)
Marin – Je me tue à vous le dire !
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Barthélémy – Son corps dans un tonneau ? Tradition de marin.
Alice – Une balle dans la poitrine.
Marin – Oui, même que ça fait vachement mal.
Barthélémy – Ça doit faire mal hein !
Marin – C’est c’ que j’ viens d’ dire.
Barthélémy – Vous savez quoi, je crois qu’il est là.
Marin – Oui Barth, je suis là !
Alice – Mais non il est mort. (pleure)
Marin – Si, je suis là, coucou, c’est moi.
Barthélémy – Son esprit, je crois qu’il est là.
Marin – Vous ne me voyez pas, c’est ça !
Émilie – Et comment sais-tu qu’il est là ?
Barthélémy – Ça sent la bière.
Marin – Ben non, personne ne me voit.
Alice – N’importe quoi !
Barthélémy (avance en humant le nez en l’air et arrive près de Marin) – Il est là, j’en
suis certain.
Émilie – Tu entends ce qu’il dit ?
Marin – Dis-lui que je regrette.
Barthélémy – Il dit qu’il ne regrette rien.
Alice – Est-ce qu’il pense à moi ?
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Émilie et Barthélémy se tourne vers elle.
Marin – Dis-lui que je pense à elle.
Barthélémy – Il est mort, Alice, ça m’étonnerait qu’il puisse encore penser à qui que ce
soit tu vois.
Alice – Mais tu viens de me dire que…
Barthélémy – Je ne communique pas avec l’au-delà, OK !
Marin – Mais je l’aime !
Barthélémy – Vraiment tu m’ pompes l’air Marin.
Alice – Mais je l’aime moi, il ne peut pas s’en aller comme ça ! Elle va me le payer.
Émilie – Qui ça ?
Alice – Muriel. (prend son portable) Touche rappel. Allez allez ! Allo monsieur le
gendarme !… commandant si ça vous plaît, je sais qui a tué Marin. Comment ça qui je
suis ? Vous venez de m’appeler pour me dire que mon Marin est mort et vous me
demandez qui je suis ?
Émilie – Ils l’ont déjà oublié, j’ te jure !
Barthélémy – Faut y aller lentement avec la police.
Alice – Mais oui, Marin, le tonneau, la bière, ça y est ? Bon ! Je sais qui l’a tué c’est
Muriel, la sauterelle. Non c’est pas son nom son nom c’est Robin, non pas Robin la
sauterelle, c’est ça Muriel Robin. Ah bah j’y peux rien moi ! Si elle a un mobile ? Ben oui
quelle question, vous voulez son numéro ? Comment ça le téléphone c’est pas un
mobile ? Mais j’en sais rien moi, et puis… il a coupé, le salaud il a coupé.
Émilie – Viens t’asseoir et respire à fond.
Barthélémy – Ils la trouveront t’inquiète pas et la mettront en taule. (se met à rire)
Muriel la sauterelle.
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Marin – Et je serai vengé.
Alice – Je suis crevée.
Marin – Qu’est-ce que j’ devrais dire !
Émilie – Moi aussi je le suis. Nous devrions vraiment manger un morceau.
Barthélémy – Oui et boire quelque chose, après toutes ces émotions fortes.
Alice – Marin est mort et vous ne pensez qu’à manger ?
Émilie – Ben oui ma belle, excuse-nous, mais ce n’est pas parce que Marin est mort
qu’on doit se laisser mourir de faim.
Marin – Elle a raison tu sais, pour vous la vie continue.
Alice – Tu as raison, malgré tout, la vie continue.
Va chercher des verres et une bouteille et sert tout le monde.
Émilie – Il n’aurait pas voulu qu’on se laisse aller.
Barthélémy – Sûrement ! Tu avais prévu quoi pour le dîner ?
Alice – Entrée façon traiteur, poulet rôti frites façon traiteur, et dessert, façon traiteur.
Émilie – Tu t’es surpassée !
Alice – Ce n’est pas un compliment ça !
Marin – J’ai comme une impression de déjà vu !
Alice – C’est exactement ce qu’a dit Marin. (pleure) Je lui ai même dit qu’il ressemblait à
un cake en décomposition.
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Barthélémy – Nous dédions ce repas à Marin, et levons nos verres en sa mémoire. À
lui, au cake en décomp… j’ veux dire au cake… euh !
Alice – Façon traiteur.
Ils trinquent et boivent.
Alice – À Marin, à nous !
Émilie et Barthélémy – À nous !
Marin – Allez ! Soyez heureux et profitez de la vie. Ne faites pas trop les cons quand
même car je ne serai pas là pour veiller sur vous. Repartez du bon pied.
Silence
Émilie – Un ange passe ?
Barthélémy – C’est sûrement lui. À défaut d’avoir le pied marin on aura toujours son
esprit.
Alice – J’espère que ce n’est pas pour autant la fin de notre amitié.
Émilie – Mais non pourquoi ? À propos, n’oublie pas hein, si tu as un créneau pour
qu’on se voie.
Alice – Émilie !
Émilie – Quoi ? Considère-moi comme un lot de consolation.
Barthélémy – Pareil pour moi, tu dois savoir qu’on ne laisse pas seule la veuve d’un
copain. C’est une vieille tradition de marin !
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