COUR D`APPEL DE GRENOBLE

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COUR D`APPEL DE GRENOBLE
RG N° 16/03125
DR
N° Minute :
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
CHAMBRE COMMERCIALE
ARRÊT DU JEUDI 20 OCTOBRE 2016
Appel d’une décision (N° RG 2016RJ0117)
rendue par le Juge commissaire de GRENOBLE
en date du 16 juin 2016
suivant déclaration d’appel du 24 juin 2016
APPELANTE :
ASSOCIATION LES AMIS D’ECOPLA - Association Loi 1901 déclarée
à la Préfecture de l’Isère sous le n° W 381 017844 - prise en la
personne de son représentant légal domicilié en cette qualité
audit siège
173 Rue Aimé Paquet
38660 SAINT VINCENT DE MERCUZE
Représentée par Me Pascale MODELSKI de la SELARL EYDOUX
MODELSKI, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant, et par
Me CERATO de la SELARL BRUMM & ASSOCIES, avocat au barreau de
LYON, plaidant
INTIMES :
Maître Dominique MASSELON ès-qualité de Liquidateur Judiciaire
de la SAS ECOPLA FRANCE
16 rue Général Mangin
38100 GRENOBLE
Copie exécutoire
délivrée le :
la SELARL EYDOUX
MODELSKI
la SELARL LEXAVOUE
GRENOBLE
la SCP FOLCO
TOURRETTE NERI
La SCP BENICHOU
PARA TRIQUETDUMOULIN LORIN
JUGUE
Représenté par Me Franck GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE
GRENOBLE, avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant
Monsieur Jerry REN
domicile élu en l’Etude de Maître Bernard DE BELVAL, Avocat
Associé - 139 Rue Vendôme
69477 LYON CEDEX 06
Non représenté
Monsieur LE PROCUREUR GENERAL
CommercialPlace firmin gautier
38000 GRENOBLE
Représenté par M. RABESANDRATANA, substitut général
Association AGS-CGEA D’ANNECY
86, avenue d’Aix-les-Bains - BP 37
74602 SEYNOD
Représentée par Me TOURRETTE de la SCP FOLCO TOURRETTE NERI,
avocat au barreau de GRENOBLE, plaidant
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Société BARCLAYS BANK PLC ayant élu domicile en l’étude de la
SCP MAZOYER Huissiers de Justice, dont le siège social est 34
Boulevard Maréchal Foch à GRENOBLE (38017)
1 Churchill Place - E14 5HP
LONDRES / ROYAUME-UNI
Non représentée
Société CUKI COFRESCO SPA, société de droit italien,
représentée par son représentant légal Monsieur Corrado
ARIAUDO
STRADA BRANDIZZO 130
10088 VOLPIANO
ITALIE
Représentée par Me Thibault LORIN de la SCP BENICHOU PARA
TRIQUET- DUMOULIN LORIN JUGUE, avocat au barreau de
GRENOBLE, postulant, et par Me FOURNIER-GOBERT, avocat au
barreau de PARIS, plaidant
EN PRÉSENTE DE :
Monsieur Simon-Pierre EURY, Commissaire au redressement
productif
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Dominique ROLIN, Président de Chambre,
Madame Fabienne PAGES, Conseiller,
Madame Anne-Marie ESPARBÈS, Conseiller,
Assistées lors des débats de Magalie COSNARD, Greffier.
MINISTÈRE PUBLIC :
Auquel l’affaire a été régulièrement communiquée et représenté
lors des débats par monsieur RABESANDRATANA, substitut général,
qui a fait connaître son avis.
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Octobre 2016
Madame ROLIN, Président, en son rapport,
Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries,
Puis l’affaire a été mise en délibéré pour que l’arrêt soit rendu ce
jour.
------0-----Par jugement en date du 1er mars 2016, le tribunal de commerce
de Grenoble a ouvert le redressement judiciaire de la SAS Ecopla
France, désigné la Selarl AJ Partenaires prise en la personne de
Me Sapin en qualité d’administrateur judiciaire et Me Masselon en
qualité de mandataire judiciaire et par décision en date du
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22 mars 2016, a prononcé la liquidation judiciaire sans poursuite
d’activité ;
À la suite de deux offres faites dans le cadre des articles L.642–18
et 19 du code de commerce et sur requête de Me Masselon ès
qualités, le juge commissaire a, par ordonnance en date du
16 juin 2016, autorisé la cession à la société de droit italien Cuki
Cofresco du matériel technique, des projets, plans et cahiers des
charges techniques existants moyennant le prix de 1 550 000 € ;
L’association Les Amis d’Ecopla a relevé appel de cette décision le
24 juin 2016 ;
Par conclusions du 23 septembre 2016, l’association Les Amis
d'Ecopla demande à la cour de réformer l’ordonnance déférée,
d’autoriser la cession à son profit dans les conditions de prix et
modalités figurant dans son offre du 24 mai 2016 en faisant valoir
en substance :
– que la Cour de cassation a opéré un revirement de jurisprudence
aux termes d’un arrêt en date du 18 mai 2016 qui permet aux
parties et aux tiers de former un recours contre une ordonnance du
juge-commissaire et leur reconnaît un intérêt à agir dès lors que
leurs droits et obligations sont affectés par la décision ;
– que l’ordonnance déférée affecte ses droits et obligations
puisqu’elle est composée de salariés de la société Ecopla et que son
offre permet le maintien d’un certain nombre d’emplois et la
reprise de l’activité de la société ;
– que la société Cuki Cofresco, qui de fait, aura acquis la clientèle
et poursuivra l’activité de la société Ecopla, a détourné les
dispositions des article L.1224–1 et L.1233-45 du code du travail
puisque le matériel acquis est principalement constitué de moules
créés spécifiquement pour des clients de la société Ecopla dont ils
sont dépendants ;
– que l’acquisition des actifs mobiliers est donc équivalente à une
vente de fonds de commerce ou d’unité économique autonome et
l’ordonnance critiquée permet de façon anormale à la société Cuki
Cofresco de s’emparer de l’ensemble des actifs de la société Ecopla
et ce compris la clientèle sans assumer aucune obligation envers les
salariés ;
– que son offre permet immédiatement de conserver 25 des salariés
de la société Ecopla et le maintien de l’emploi dans un bassin
impacté par des pertes d’emplois, aux sous-traitants de poursuivre
un courant d’affaires et aux fournisseurs de poursuivre leur activité
notamment la société Eurofoil France qui fait elle-même l’objet
d’une procédure de redressement judiciaire ;
– que l’intérêt des créanciers n’est pas lésé par son offre alors
qu’une grande partie de la dette est constituée par des créances
intergroupe et celles de l’Urssaf , du Trésor public et du fonds de
garantie des salaires créanciers qui ont un intérêt évident à voir son
projet aboutir ;
– que la valeur de l’immeuble est celle du prix du marché soit des
offres reçues et par conséquent à défaut d’offres, la sienne
correspond à la valeur du marché ;
Par conclusions du 16 septembre 2016, Me Masselon ès qualités
demande à la cour de déclarer irrecevable le recours de
l’association les Amis d'Ecopla et subsidiairement de confirmer
l’ordonnance déférée aux motifs :
– que le recours à l’encontre des ordonnances du juge-commissaire
rendues en application de l’article L.642-18 du code de commerce
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est ouvert aux parties et aux tiers dont les droits et obligations sont
affectés par la décision ;
– que l’auteur d’une offre d’acquisition d’un actif est irrecevable
à exercer un recours contre la décision du juge-commissaire
autorisant ou ordonnant la vente au profit d’une offre concurrente
dans la mesure où il n’a aucune prétention à soutenir au sens des
articles 4 et 31 du code de procédure civile ;
– que l’association Les Amis d'Ecopla, candidat repreneur, est
considérée comme n’ayant aucune prétention à faire valoir et ne
peut démontrer que l’ordonnance dont appel affecte ses droits et
obligations ;
– qu’en application de l’article L. 641-1 du code de commerce la
réalisation du patrimoine du débiteur s’effectue soit dans le cadre
d’une cession de l’entreprise ce qui suppose le maintien de tout ou
partie de l’activité et le transfert de tout ou partie des contrats de
travail, soit dans le cadre d’une cession isolée des actifs de
l’entreprise en application des articles L. 642-18 et 19 , choix
réalisé par le tribunal de commerce de Grenoble en prononçant la
liquidation judiciaire sans poursuite d’activité ;
– que l’offre d’achat de gré à gré de l’association pour la somme de
75 000 € apparaît manifestement insuffisante alors que selon l’avis
de France Domaine, ce bien serait évalué à la somme de
1 800 000 € ;
– que l’offre d’une somme de 25 000 € au titre des actifs mobiliers
n’est pas plus suffisante au regard de celle de la société Cuki
Cofresco ;
Par écritures du 27 septembre 2016, la société Cuki Cofresco
conclut à l’irrecevabilité de l’appel de l’association Les Amis
d’'Ecopla, la confirmation de l’ordonnance déférée et à la
condamnation de l’appelante à lui payer une indemnité de 7 500 €
au titre de l’article 700 du code de procédure civile et voir statuer
sur sa demande relative à une amende civile en soutenant :
– que l’association n’est ni partie à l’instance ni un tiers dont les
droits et obligations se trouvent affectés par l’ordonnance du 16
juin 2016 mais un candidat évincé qui n’a aucun droit sur les actifs
cédés et par conséquent, son appel est irrecevable pour défaut
d’intérêt à agir ;
– que la vente d’actifs isolés ne réalise pas le transfert d’une entité
économique constituée de personnes et d’éléments corporels ou
incorporels permettant l’exercice d’une activité économique qui
poursuit un objectif propre ;
– que la clientèle de la société Ecopla, dont le fonds de commerce
a disparu, s’est progressivement répartie entre ses concurrents sur
une période antérieure à la cession des actifs et il ne s’agit en
aucune manière d’un transfert de clientèle au sens entendu pour
l’application de l’article L.1224 du code du travail ;
– que l’article L.1233- 45 un du code du travail n’est pas plus
applicable ;
– qu’en conséquence, les demandes de l’association ne peuvent
prospérer tant en fait qu’en droit dès lors qu’il est parfaitement
établi que la cession des actifs de la société Ecopla n’est pas une
cession de son fonds de commerce ou d’une entité économique
autonome ;
Par écritures du 4 octobre 2016, le CGEA d’Annecy s’en rapporte
sur l’irrecevabilité de l’appel et souligne que la seule offre sérieuse
est celle retenue par le juge commissaire dont le prix permet le
remboursement de sa créance superprivilégiée d’un montant de
679.464,15 €, étant observé que l’offre présentée par l’association
est très insuffisante et son projet d’une viabilité bien incertaine ;
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Par conclusions du 5 octobre 2016, le ministère public demande à
la cour de déclarer irrecevable l’appel formé par l’association Les
Amis d'Ecopla ;
M. Jerry Ren et la société Barclays Bank, assignés à étude et à
domicile élu par actes en date des 19 et 22 août 2016, n’ont pas
constitué avocats ;
La clôture de la procédure a été prononcée le 5 octobre 2016 ;
MOTIFS DE L'ARRET
Attendu que l'auteur d'une offre d'acquisition de gré à gré d'un actif
d'un débiteur en liquidation judiciaire, n'ayant aucune prétention
à soutenir au sens des articles 4 et 31 du code de procédure civile,
n'est pas recevable à exercer un recours contre la décision du
juge-commissaire rejetant son offre ;
Que l’arrêt du 18 mai 2016 qui précise la voie de recours et les tiers
pouvant l’exercer n’a pas pour effet d’ouvrir le recours au candidat
acquéreur évincé dont les droits et obligations ne sont pas affectés
par la décision du juge commissaire ;
Attendu qu’en l’espèce, l’association Les Amis d'Ecopla, candidat
repreneur évincé, n’est pas partie à la procédure à défaut de
prétention à soutenir et ne peut se prévaloir, fut elle composée
d’anciens salariés de la société Ecopla, de droits et obligations
affectés par la décision attaquée ;
Que par conséquent, son recours sera déclaré irrecevable ;
Attendu que l’association Les Amis d'Ecopla en faisant une offre
d’acquisition et en exerçant des voies de recours contre la décision
du juge commissaire n’avait pas pour objectif de ralentir la cession
et le transfert de propriété mais de préserver ou plus exactement
de recréer des emplois ;
Que sa mauvaise foi n'étant pas établie, il ne saurait être prononcé
à son encontre une amende civile pour recours abusif ;
Que l’équité ne commande pas qu’il soit fait application de l’article
700 du code de procédure civile en faveur des parties ;
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Statuant par arrêt rendu par défaut, par mise à disposition au
greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées
dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du
code de procédure civile et après en avoir délibéré conformément
à la loi,
Déclare le recours formé par l’association Les Amis d'Ecopla à
l’encontre de l’ordonnance du juge commissaire en date du
16 juin 2016 irrecevable,
Dit n’ y avoir lieu à prononcé d’une amende civile à son encontre,
Dit n’y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure
civile,
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Condamne l’association Les Amis d'Ecopla aux dépens.
SIGNE par Madame ROLIN, Président et par Madame COSNARD,
Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le
magistrat signataire.
Le Greffier
Le Président