Lire le mémoire - Le Club des Managers du Sport de l`ESG

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Lire le mémoire - Le Club des Managers du Sport de l`ESG
L’introduction de l’entertainment dans le
football français de demain.
Mémoire de fin d’études
Réalisé par Antoine FEBVRE et Carole MITTELHEISSER
Promotion 2013 MBA ESG management du sport
Directeur de mémoire : Christophe Durand
1
REMERCIEMENTS
Nous tenons à remercier tout d’abord l’ESG qui nous a permis de recevoir un enseignement
de qualité durant cette année de Master spécialisé, que ce soit à travers les différents projets
professionnels, à travers les nombreux travaux de groupes, lors des cours théoriques ou encore
grâce à l’échange avec de nombreux professionnels du monde du sport.
Nous tenons à remercier tout particulièrement Jean-Claude Sorge, qui nous a transmis avec
passion et motivation son savoir et son amour pour le sport. Les mots ne sont pas suffisants
pour remercier cette personne formidable et réellement soucieuse de notre réussite.
Nous remercions aussi grandement Monsieur Josh Kramer et Monsieur Roland Louvet pour
nous avoir apporté leur expérience et leur savoir lors d’entretiens privilégiés qui nous ont
grandement aidés.
Nous tenons aussi à remercier le service des mémoires ainsi que notre directeur de mémoire
Monsieur Christophe Durand, toujours à l’écoute et qui nous ont permis d’envisager la
présentation de ce mémoire dans les meilleures conditions.
2
Table des matières
INTRODUCTION .................................................................................................................... 4
I. LE FOOTBALL FRANÇAIS : ÉTAT D’UN DÉSÉQUILIBRE ENTRE L’OFFRE
ET LES ATTENTES DU PUBLIC. ........................................................................................ 5
A. LA RÉACTION DU SPECTACLE SPORTIF FACE À L’ÉVOLUTION DES MÉDIAS. ....................... 6
1. Une prise de pouvoir des médias influençant le sport en lui-même. ........................... 6
2. Un modèle économique reposant aujourd’hui sur les droits TV et subventions. ...... 10
B. LA NÉCESSITÉ DE VOIR AU-DELÀ DU CARRÉ DE GAZON. ................................................. 12
1. La stagnation du spectacle sportif français ............................................................... 13
2. Tendre vers le sport expérientiel ............................................................................... 16
C. L’ATTENTE D’UN ÉVÈNEMENT PLUS BUSINESS................................................................ 18
II. L’ENTERTAINMENT : UNE NOTION APPRÉHENDÉE DE FAÇON
DIFFÉRENTE SELON LES PAYS...................................................................................... 21
A. LE SPORT US : L’ENTERTAINMENT JUSQU’AUBOUTISTE. ................................................ 21
B. L’ANGLETERRE : UN ADN ENTERTAINMENT. ................................................................ 28
C. LE TRIOMPHE DU MODÈLE ALLEMAND. .......................................................................... 33
III. LA MISE EN PLACE D’UNE STRATÉGIE ENTERTAINMENT DANS LE
FOOTBALL FRANÇAIS. ..................................................................................................... 37
A. DES DIFFICULTÉS PROPRES À LA FRANCE NE FAVORISANT PAS LE CHANGEMENT ........... 38
1. Politique et conflits d’intérêts.................................................................................... 38
2. Une mentalité, des mœurs et des valeurs empêchant le développement du sport
business ............................................................................................................................. 45
B. DES ACTIONS ISOLÉES LAISSANT ENTREVOIR DES LEVIERS DE DÉVELOPPEMENT. ........... 48
1. Des stratégies étrangères sources d’inspiration. ...................................................... 48
2. Des leviers de développement présents en France .................................................... 52
C. LE DÉVELOPPEMENT DE L’ENTERTAINMENT DANS LE FOOTBALL FRANÇAIS :
RECOMMANDATIONS. ............................................................................................................. 56
1. La nécessité d’entamer un grand chantier sur le long terme. ................................... 56
2. Des actions possibles à court et moyen termes. ........................................................ 60
CONCLUSION ....................................................................................................................... 64
REFERENCES ....................................................................................................................... 66
3
Introduction
Dans un peu moins de trois ans, la France sera l’hôte d’une des plus prestigieuses
compétitions internationale qu’est l’Euro de football. Un honneur pour notre pays en manque
de visibilité à ce niveau depuis les échecs des candidatures olympiques, mais un devoir aussi ;
celui de proposer des conditions de compétition idéales et à la pointe de la technologie.
Or, le football français est aujourd’hui nettement en retard sur ses voisins anglais, allemands
et même espagnols. Nos infrastructures sont vieilles et dépassées, les services proposés en
dehors des stades réduits au minimum et l’utilisation des nouvelles technologies quasiinexistante. La France en est encore au stade du sport émotion, c'est-à-dire que le match de
football en lui même reste la principale et unique attraction de la soirée. Il n’y a pas encore de
vision business du sport, une vision d’entreprise qui se doit de répondre à la demande de ses
clients.
Le constat aujourd’hui est double : d’un coté, nous avons des clubs de football qui
s’appuient sur trop peu de variables afin de boucler leur budget ; les droits télévisuels entre
autres ont une place beaucoup trop importante dans les finances des clubs, ce qui les rend
fragiles et instables. D’un autre coté, nous avons un public qui se lasse doucement de l’offre
proposée lors des soirées de matchs et qui peu à peu déserte les stades pour se tourner vers
d’autres sortes de loisirs.
En parlant de public, il est nécessaire ici de bien établir la typologie du public français. Au fur
et à mesure de nos recherches, nous avons identifié trois types de personnes susceptibles de se
rendre au stade. Nous avons tout d’abord le spectateur ; amateur ou non de sport, amateur ou
non de football, le spectateur assiste passivement à la rencontre, ne prenant pas forcément
parti pour une équipe. C’est la partie du public la plus volatile, composée parfois de familles
ou de groupes dont tout le monde n’apprécie pas forcément le football. Ces personnes ne se
rendent pas forcément au stade d’eux même mais attendent quelque chose de plus, une valeur
ajoutée. Nous avons ensuite le supporter, amateur de football, qui prend parti pour une
équipe, essaye d’assister régulièrement à des rencontres et y participe activement.
Contrairement au spectateur pour lequel un gros travail d’étude et de fidélisation devra être
mené, conserver et faire consommer le supporter demandera moins d’efforts. Cela vaut
également pour le troisième type de personne assistant aux matchs qu’est le fan. Véritable
adepte de son équipe, il est souvent abonné à l’année, n’hésite pas à acheter des produits
dérivés et parfois à suivre son équipe en déplacement. C’est en général le type de public qui
reste lorsque les stades se vident. Cette typologie nous a fait comprendre que le football
français, dans sa configuration actuelle, ne satisfaisait que les fans et dans une moindre
mesure les supporters, alors que dans le même temps les spectateurs mettaient le match de
football en concurrence avec d’autres types de loisirs.
Il est alors nécessaire de réagir et de développer un nouveau modèle pour le football
français, qui permettrait à la fois d’augmenter et consolider les budgets des clubs ainsi que de
faire revenir et faire consommer le public. C’est ce rôle qu’a joué l’entertainment dans des
pays comme les Etats-Unis, l’Angleterre ou l’Allemagne, et que nous envisageons d’intégrer
4
en France. Dans sa définition la plus basique, l’entertainment est simplement le fait de
proposer une animation, une réjouissance. Mais si l’on pousse plus loin, l’entertainment
devient un véritable modèle économique, son application nécessitant la construction
d’infrastructures, le développement de stratégies de communication et bien sur, de
financement. Mais cela nécessite aussi une certaine ouverture d’esprit de la part des
consommateurs. Le fait que les français aient une mentalité encore largement tournée vers le
sport émotion nous pousse à nous demander dans quelle mesure l’entertainment est-il
introductible dans le monde footballistique hexagonale ; comment construire un modèle
entertainment solide et durable dans le football français ?
Ce problème nécessite une réflexion poussée sur les systèmes d’ores et déjà en places,
que ce soit en France ou dans le monde, dans le football ou dans d’autres disciplines, ce qui
nous permettra ensuite d’émettre des recommandations sur la possible introduction de
l’entertainment dans le football français. Notre démarche commencera tout d’abord par un
état des lieux du déséquilibre qui caractérise aujourd’hui le football français (I) ; être
conscient des problèmes français sera d’autant plus intéressant lorsqu’il sera question de
comparer notre modèle à celui des pays et championnats étrangers, qui adoptent une vision
business entertainment (II). Cette large comparaison nous permettra d’y voir plus clair sur les
possibilités présentes en France et d’émettre alors des recommandations sur le future modèle
du football français (III).
I. Le football français : état d’un déséquilibre entre
l’offre et les attentes du public.
Où en sommes-nous en France ? Voici une question à laquelle il est crucial de
répondre pour comprendre d’où l’on vient, où nous en sommes et essayer de voir où l’on peut
aller, et ce de la meilleure des manières possible.
Le consommateur de sport, comme celui de toute autre industrie, à évolué, ses besoins et ses
envies avec. Il est donc crucial d’évoluer avec lui afin de répondre à cette demande. Pourtant,
il semble que les clubs de football en France ne soient pas forcement enclins à avancer dans
ce sens. Mais cela n’a pas toujours été le cas. Quand un bénéfice réellement identifiable
existe, les clubs sont prêt à faire des concessions, évoluer, se développer. On pense ici
notamment aux changements liés au développement de l’audio-visuel.
Nous allons ici essayer d’offrir un constat objectif et réaliste de ce qui est fait dans le football
français pour répondre à la demande de ses clients. Nous verrons que, de par les différents
éléments que nous allons analyser, il est difficile de penser qu’en restant sur ces bases ce
dernier pourra répondre aux attentes des consommateurs de sport d’aujourd’hui et de demain.
Nous commencerons ici par poser les bases de l’évolution du spectacle sportif, étroitement
liée à celle des médias (A). Nous ferons ensuite état de la situation du spectacle sportif dans
les clubs de football français et des nouvelles attentes des consommateurs (B). Nous verrons
finalement qu’il est nécessaire d’adopter une vision axée business dans un monde où
l’associatif fait encore foi (C).
5
A.
La réaction du spectacle sportif face à l’évolution
des médias.
Il n’est un secret pour personne que l’arrivée et l’évolution des médias, surtout de la
télévision, a grandement et profondément changé la face du spectacle sportif tel qu’il existait
à l’origine. Tout aujourd’hui est fait dans le but de plaire aux médias, de grignoter quelques
minutes d’antenne. Quand le football, sport médiatique par excellence, jongle tant bien que
mal avec un calendrier de diffusion surchargé, les autres disciplines se plient en quatre afin
d’attirer l’attention. Nous verrons tout d’abord comment s’est passée cette évolution au
travers de plusieurs exemples (1), pour ensuite faire un constat de l’ampleur qu’ont pris les
médias aujourd’hui dans le football (2).
1.
Une prise de pouvoir des médias influençant le sport
en lui-même.
Bien que notre mémoire ait pour sujet l’entertainment et donc la partie plus extrasportive d’un évènement sportif, il est nécessaire au préalable de poser les fondations de
l’évolution du spectacle sportif en lui-même.
A la base, le match, la partie, les athlètes et surtout le score étaient les éléments importants du
spectacle sportif. Peu importe que le match dans sa forme plaise au public, seul le résultat
comptait. Or, dans toute entreprise qui se respecte, la première chose qu’on nous dira est que
le client est roi.
La donne commencera à s’inverser à partir de 1968 avec les Jeux Olympiques de Grenoble.
C’est en effet à ce moment précis que l’on peut placer le véritable départ du sport spectacle
télévisé ; ces Jeux ont été les premiers à faire l’objet d’une forte couverture télévisée et
marquent alors le début d’une première mutation du sport en lui-même. L’arrivée des médias,
à qui l’on demande toujours plus d’informations, d’images et de prouesses technologiques, va
considérablement changer la façon d’organiser un évènement sportif. Afin d’illustrer et
prouver cela dans le football, nous allons utiliser plusieurs exemples d’autres sports pour
lesquels médiatisation est synonyme de changement.
Quand on parle de changement dans le sport causé par la télévision, l’exemple qui
revient le plus souvent est la couleur de la balle de tennis. A l’origine blanche, la balle passa à
la couleur jaune en 1978, car plus télégénique. Dans le même style, on peut noter en 2000 le
changement de la taille de la balle de tennis de table. De 38 millimètres de diamètre, elle
passe à 40, tout cela pour des raisons télévisuelles. Une balle plus grosse se voit forcément
mieux à la télévision. Ces faits ne pourraient être que de petites anecdotes s’ils n’étaient pas
présents dans quasiment tous les sports et tous les pays.
C’est finalement en traversant l’Atlantique que l’on retrouve les exemples les plus
frappants d’influence de la télévision sur le sport. Nation du sport entertainment par
6
excellence comme nous le verrons par la suite, de nombreuses règles ont été modifiées ou
instaurées pour des besoins de visibilité, que ce soit pour les spectateurs ou téléspectateurs.
Prenons par exemple l’une des règles les plus basiques du basketball qui est celle des deux
pas autorisés. Techniquement, si l’on fait plus de deux pas sans dribbler, l’arbitre siffle faute.
Or, respecter cette règle à la lettre occasionne de fait de nombreux arrêts de jeu et coupe la
fluidité de l’action. Afin de privilégier le spectacle et la continuité du jeu, la règle du
« marché » est quelque peu oubliée en NBA. La fédération a en effet donné comme consigne
aux arbitres de laisser jouer le plus possible afin de privilégier la beauté du spectacle. Etant
l’un des championnats les plus médiatisés, on peut aisément émettre l’hypothèse que cette
recommandation a été pensée en fonction de ce que le téléspectateur souhaiterait ; les arrêts de
jeux incessants ne font certainement pas partie d’un bon programme télévisé.
Le problème de cette adaptation locale est qu’elle n’a pas été reprise par les autres
championnats. La NBA étant le championnat référence, il n’aurait pas été choquant de voir
cette interprétation de la règle appliquée de par le monde. Il n’en fût cependant rien, au grand
damne des américains qui doivent s’adapter lors des compétitions internationales.
L’introduction de la publicité ajoutera une pression supplémentaire aux disciplines
sportives. Le sport, vecteur de valeurs et de messages forts par excellence, ne pouvait
qu’attirer à lui sponsors et autres annonceurs. De plus, les audiences parlent d’elles-mêmes :
112 millions de téléspectateurs pour le Superbowl 2012, 700 millions pour la finale de la
Coupe du Monde FIFA de 2010, plus d’1 milliard pour la cérémonie d’ouverture des Jeux de
Londres 2012.
Normal alors que les prix des spots publicitaires encadrant ces manifestations battent chaque
année de nouveaux records ; pour avoir l’occasion de passer un spot de 30 secondes à
l’occasion du Superbowl 2013, il fallait dépenser entre 3,7 et 4 millions de dollars.
Avec de telles sommes en jeu, on ne s’étonne alors pas des modifications entrainées sur
l’évènement sportif en lui-même.
La modification la plus courante a bien sur été l’instauration de temps morts supplémentaires
afin de pouvoir passer toujours plus de spots publicitaires. Exemple par excellence ; le quarttemps au basketball. Initialement dédié à un simple changement de coté, les pauses entre le
premier/deuxième quart-temps et entre le troisième/quatrième quart-temps ont été rallongées
uniquement pour des besoins de publicité. Pour un match qui devait à l’origine ne durer
qu’une cinquantaine de minutes, on est passé à un format se rapprochant plus des deux heures.
En plus de changer les règles du jeu, la publicité va même à l’encontre des intérêts du sport en
lui-même. C’est encore plus flagrant au niveau du football américain ; un match de 60
minutes s’étale aujourd’hui sur près de 4 heures.
Si l’on revient maintenant en Europe et que l’on s’intéresse de plus près au football, le
même constat peut être fait. Il a été dit que « le football a besoin de la télévision autant que la
télévision a besoin du football »1. Le rapport de force a pourtant sensiblement évolué, comme
nous le verrons par la suite. C’est aujourd’hui la télévision qui dicte les règles au niveau du
1
Géoéconomie : Football, puissance, Influence, été 2010 (trimestrielle)
7
football. Cela se voit surtout au niveau du calendrier des compétitions, ainsi qu’au niveau de
sujets plus sensibles comme la vidéo.
Mais avant cela, il est intéressant d’avoir une bonne idée de l’évolution du football à la
télévision et de la place qu’il prend aujourd’hui.
On est en effet bien loin de l’époque où le match de football retransmis à la télévision
était attendu comme un évènement. Aujourd’hui, il est possible de regarder quotidiennement
du football, que ce soit un match ou une émission thématique. Le football en lui-même n’a
donc de ce fait plus rien de foncièrement novateur ou exceptionnel.
De plus, toutes ces différentes compétitions provoquent in fine des conflits horaires auxquels
la télévision a décidé de remédier. Si l’on prend l’exemple de la Ligue 1 de football et le
partage de la diffusion entre différentes chaines, on peut voir que le championnat fonctionne
aujourd’hui sous forme de « package ». Afin d’attirer les diffuseurs, quelques horaires ont été
réservés de sorte à ce qu’il n’y ait qu’un match, sans concurrence. Il en est ainsi du match du
vendredi soir et des deux derniers matchs du dimanche. La télévision va donc jusqu’à
organiser le déroulement des journées de championnat. Cela va bien sûr avantager les
spectateurs qui pourront alors ne pas avoir à choisir entre les belles affiches, mais désavantage
8
grandement la fameuse incertitude du sport, qui voudrait que tous les matchs d’une même
journée se déroule au même moment.
Tout cela fait qu’on en arrive aussi à une nette surcharge du calendrier. Plus de
compétitions, plus de matchs retransmis, plus d’audience et d’argent pour les diffuseurs. Si les
footballeurs sont censés avoir un niveau et une forme physique leur permettant d’enchainer
plusieurs matchs à la suite, ils n’en restent pas moins humains et ne peuvent performer à
chaque rencontre. Les meilleures équipes françaises, en plus du championnat, de la Coupe de
France et de la Coupe de la Ligue, doivent s’organiser en fonction des impératifs de la Ligue
des Champions ou de la Ligue Europa. Les meilleurs joueurs de chaque équipe sont aussi
fréquemment appelés en sélection nationale, que ce soit pour des matchs amicaux ou de
grandes compétitions comme la Coupe d’Afrique des Nations.
Ce calendrier surchargé a fait qu’il a longtemps été question de supprimer la Coupe de la
Ligue, ce que le lobbying de France Télévision a finalement empêché.
Cette multiplication des compétitions multiplie de fait les trophées à gagner et donc la
pression mise sur les joueurs et les clubs. La nécessité de performer à chaque match provoque
alors des conflits, généralement entre clubs et sélections nationales. On voit cela dans le
football, mais c’est encore plus flagrant dans le basketball, où de nombreuses stars françaises
évoluant en NBA n’ont pendant longtemps pas été autorisées à participer aux rassemblements
de la sélection.
Ces observations montrent bien que, malgré la popularité et l’argent qu’elle rapporte,
la médiatisation du sport dénature de plus en plus les disciplines. On en arrive même à un
point où les sports changent d’eux-mêmes leurs règles uniquement pour coller aux exigences
de la télédiffusion. C’est l’exemple du Canoë-Kayak qui, selon Christophe Prigent, change
couramment ses règles depuis 20 ans « afin de simplifier la compétition, en particulier pour
éviter les contestations et obtenir plus rapidement les résultats finaux »2.
Les disciplines sportives se sont donc largement adaptées aux contraintes télévisuelles car
elles en comprennent bien les enjeux. Ces changements se font au point de remettre parfois en
jeu l’esprit et les règles de la discipline. Mais afin de coller à la demande actuelle et de
survivre aujourd’hui dans un monde où le sport rentre en concurrence directe avec d’autres
loisirs, il va falloir pousser plus loin le changement.
Après avoir posé les bases de l’évolution du spectacle sportif dans sa globalité, nous
allons maintenant nous focaliser sur l’impact qu’ont eu les médias et donc la situation de
l’offre française dans le football français d’aujourd’hui.
L’adaptation montre bien l’importance d’une présence audiovisuelle pour les entités
sportives et les clubs de Ligue 1 et Ligue 2 notamment. Et bien que le football n’ait pas
2
Débat grand public, « quelle influence des médias sur les règles du jeu sportif ? », 22 octobre 08, Réseau sport
64 – Centre départemental Nelson Paillou
9
vraiment eu à muter pour attirer les médias, ce sport a su maximiser sur son image et
bénéficier de cette source formidable de revenue.
Mais l’importance de la télévision et plus spécifiquement des droits télévisuels (TV) est
devenue trop cruciale, voir vitale pour ces clubs. Nous allons voir à quel point et en analyser
les raisons.
2.
Un modèle économique reposant aujourd’hui sur les
droits TV.
Nous allons ici étudier la structure financière des clubs en comparaison avec le contexte
économique actuel, pour montrer que les clubs vont devoir évoluer dans leur système
économique sous peine de ne plus s’en sortir et mettre réellement en danger leur équilibre et
leur existence.
La structure du chiffre d’affaire des clubs de football français, même globalement en
Europe, n’a cessé d’évoluer depuis une cinquantaine d’années. Dans un rapport du Sénat
portant sur les « problèmes liés au développement du football professionnel »3 il est expliqué
que « La part des recettes issues des droits de retransmission télévisée, qui n'atteignait pas
le tiers du total en 1995, dépasse désormais la moitié des produits. Le rythme
d'augmentation des droits TV a été nettement plus rapide que celui des autres recettes,
prises globalement » créant une « dépendance économique du football à des recettes qui en
ont bouleversé l'économie ».
On peut même aller plus loin. Lors de la saison 1970-1971, les revenus des clubs de l’élite
française étaient majoritairement issus des recettes billetteries (91%) contre 18% des
subventions, et 1% des sponsors.
Aujourd’hui, le championnat français représente le pire cas, avec l’Italie, d’équilibre
financier avec des revenus de droits TV qui représentent environ 50% du chiffre d’affaire.
3
Session Ordinaire du Sénat « Rapport sur les problèmes liés au développement économique du football
professionnel », 2004
10
Ceci s’explique d’abord par la multiplication des canaux de diffusion pour la
retransmission des matchs depuis une quinzaine d’années. Cela a entrainé une revalorisation
constante de l’offre de contenu sportif à la télévision.
Ainsi en 20 ans, les droits TV ont atteint une somme évaluée à plus de 600 millions d’euros
par saison en France. Les clubs de football n’ont fait que profiter de cette perpétuelle
revalorisation et de cette manne financière opportune pour financer divers projets, achats de
joueurs ou autres stratégies à court terme. Pendant cet âge d’or, tous ont échoué dans la
tentative de faire suivre cette évolution aux autres pôles créateurs de recettes, au contraire
d’autres championnats. Ainsi s’est instaurée une réelle dépendance des clubs vis-à-vis de cette
manne financière issue de la revalorisation perpétuelle des droits télévisuels.
Cette dépendance risque d’être une menace pour le football français de demain et a déjà failli
poser des problèmes à la Ligue (LFP) qui est en charge de commercialiser les droits
télévisuels de la totalité des clubs de Ligue 1 et de Ligue 2. Il est logique de penser que les
diffuseurs ne continuent pas d’accepter de payer de plus en plus cher les droits de
rediffusions. D’ailleurs, une première sonnette d’alarme a été tirée lors de l’appel d’offre de
2008. A cette époque, la LFP avait dû organiser un second tour d’enchères car les différentes
propositions n’avaient pu satisfaire les ambitions de la ligue. Le second tour s’est révélé être
satisfaisant pour la LFP. Néanmoins, qu’arriverait-t-il si, dans un cas extrême, les chaînes de
TV décidaient de s’allier pour faire pression sur la ligue qui apparemment ne peut plus vivre
sans cette manne financière ?
Heureusement, pour le moment, de nouveaux acteurs sont venus bouleverser le marché et
engendrer une nouvelle hausse du prix des droits de retransmission (On pense ici à Bein
Sport). Ce modèle n’est pourtant pas éternel et il semble évident qu’il faut pouvoir s’appuyer
sur des aspects plus internes dont les clubs ont le contrôle exclusif.
De plus, il est légitime de se demander si ce modèle est sain pour la ligue dans sa
globalité. En effet, les ligues professionnelles ont pour activité la négociation des contrats de
retransmissions TV, leur commercialisation et la redistribution des revenus aux clubs de la
LFP. Or, cette redistribution est directement liée aux performances et donc au classement du
club.
11
« En France, 50% des droits sont répartis de façon égalitaire, 30% sur critères sportifs et
20% sur la notoriété des clubs »4
Bien que seulement 50% de cette manne financière soit malléable, une relégation est toujours
un changement extrêmement difficile à gérer d’un point de vue financier. Le club perd en
visibilité et par la même occasion des millions d’euros pour (sur)vivre et honorer ses dettes,
notamment salariales, difficiles à niveler.
Dans ce contexte, les clubs relégués se trouvent dans l’obligation de vendre leurs
meilleurs joueurs pour assainir leurs comptes, parfois dans des conditions défavorables car
dans un besoin urgent de liquidités pour éviter une catastrophe financière. Cela crée un cercle
vicieux puisqu’ainsi, les clubs voient leurs chances de retourner dans l’élite diminuer.
Parallèlement, les clubs les plus compétitifs bénéficient de mannes financières bien
supérieures provenant de la ligue et des ligues internationales, créant un fossé encore plus
grand entre les clubs du bas de tableau et l’élite du championnat français. Ce système de
promotion/relégation crée des déséquilibres compétitifs, car pendant que les meilleurs clubs
se renforcent, par exemple en achetant les meilleurs joueurs sur le marché, les moins
performants doivent lutter pour faire vivre leur club. Ce déséquilibre se justifie de lui-même
quand on voit que certaines équipes ne sont reléguées qu’extrêmement rarement pendant que
d’autres n’arriverons que plus rarement à atteindre le grâle d’un sacre de champion.
Pourtant, la « beauté » du sport ne se matérialise-t-elle pas dans le côté aléatoire des
rencontres ? Mais surtout, l’intérêt du spectateur pour les championnats sportifs ne réside-t-il
pas, dans son essence, dans leur incertitude ? Un championnat où l’on connait déjà les
vainqueurs et les perdants ne va-t-il pas à l’encontre du spectacle désiré par le spectateur ? Il
faut en quelques sortes promouvoir un certain équilibre compétitif qui n’est pas du tout
présent aujourd’hui.
Il convient donc de dire qu’après avoir profité massivement de l’explosion des droits
TV, le championnat français semble à la merci d’un retournement du marché et est en position
de faiblesse face aux médias. Ce modèle peut fragiliser de manière structurelle nos clubs et il
est évident qu’une évolution sur différents tableaux doit aujourd’hui s’opérer.
Le problème aujourd’hui est que, comme nous allons le voir, le sport n’évolue plus comme il
a pu le faire pour plaire et attirer les médias. Des bouleversements de calendrier aux
changements de règles, l’offre sportive est allée loin afin de coller à la demande des médias.
Nous allons maintenant voir que le même phénomène ne s’opère pas quand la demande vient
du spectateur.
B.
La nécessité de voir au-delà du carré de gazon.
A l’heure du tout connecté, des budgets limités qui cherchent du divertissement sans
limite, il est légitime de douter de la toute puissance du match de football. Présenté de la
4
Bastien Drut : Economie du Football, (Collection Repère, La Découverte), 2011
12
même manière depuis bon nombre d’années, le spectacle sportif n’a que peu voir pas suivi
l’évolution de la demande.
Celui-ci est toujours persuadé que le simple fait de présenter une belle affiche suffira à
contenter le spectateur. Tout ce qui se passe en dehors du terrain n’est que trop peu utilisé.
Nous allons donc ici essayer d’offrir un constat, dur mais réaliste, de ce qui se fait dans le
football français pour répondre à la demande de ses clients et nous verrons que, de par les
différents éléments que nous allons analyser, il est difficile de penser qu’en restant sur ces
bases ce dernier pourra répondre encore longtemps aux attentes des consommateurs de sport
d’aujourd’hui et de demain.
Nous allons donc dans un premier temps observer une stagnation de l’offre de spectacle
sportif française (1), pour la comparer ensuite à une demande de plus en plus exigeante (2).
1.
La stagnation du spectacle sportif français
« Un seul sport n’a connu ni arrêts ni reculs : le football. A quoi cela peut-il tenir
sinon à la valeur intrinsèque du jeu lui-même, aux émotions qu’il procure, à l’intérêt
qu’il présente ? »
Pierre de Coubertin
Le Baron Pierre de Coubertin était convaincu que le succès du football ne tenait qu’à
sa nature, son essence même. Nul besoin de déployer milles artifices, donnez un ballon à
quelques personnes et la magie opèrera. Mais tiendrait-il encore ces propos aujourd’hui, à
l’ère du tout connecté et du divertissement infini ? Rien n’en est moins sûr.
Nous faisons part ici d’une impression généralisée ; la stagnation, voire le manque de
propositions de la valeur « spectacle » dans le football français est de plus en plus flagrante.
A titre d’exemple préliminaire, nous aimerions introduire ici une expérience personnelle. Le
26 mars dernier se tenait au Stade de France un match de qualification pour la prochaine
Coupe du Monde entre la France et l’Espagne. Sur le papier l’affiche est superbe, tant au
niveau du sportif, en vue des points à marquer dans les phases de groupes, qu’au niveau extra
sportif, ces deux sélections étant limitrophes et ayant eu un passé assez sulfureux. Nous
pouvions alors aisément supposer que cette affiche représentait un peu le match de l’année
pour des spectateurs ne se rendant que rarement au stade.
Voici le constat de l’expérience globale de ce match :
En termes d’Entertainment autour de l’enceinte, rien ne fut mis en place pour créer une
ambiance digne du prestige de ce match. La seule « animation constatée » autour de l’enceinte
fut une activation externe aux organisateurs de l’évènement avec une opération menée par un
de ses partenaires proposant de jouer à un jeux concours (PMU).
Une fois assis dans l’enceinte glaciale du Stade de France, nous avons eu la bonne surprise de
trouver des tifos sur nos sièges, prévus pour l’entrée des joueurs. Nous avons ensuite attendu
une demi-heure assis en lisant une petite brochure peu attractive pendant que nos oreilles
bénéficiaient d’une musique mal réglée qui faisait office de bruit de fond.
13
En guise d’animation terrain, nous avons eu droit au déploiement d’un maillot géant sur le
terrain et pour la mi-temps, un classique concours de barre accompagné du passage du
champion Sébastien Loeb autour du stade. Celui-ci saluait la foule, bien trop loin de nous
pour pouvoir le distinguer.
Comme nous le savons, la France s’est ce soir là inclinée 1-0 dans un match où seuls les
exploits techniques d’Iniesta ont réussi à réveiller le public. La soirée aurait pu mieux se finir
si bien sûr la France avait gagné, et c’est là que se trouve le problème ; En France, nous
n’arrivons pas encore à faire face à cette glorieuse incertitude du sport. Quand notre équipe
gagne, nous n’avons peut être pas passé la meilleure soirée qui soit, mais nous repartons
globalement satisfaits. Or, quand notre équipe perd, nous n’avons rien à quoi nous rattacher
lorsque nous nous demandons si, finalement, nous avons passé une bonne soirée.
Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de la situation assez alarmante de la
volonté des organisateurs de rencontres footballistiques de créer du spectacle pour ses clients.
Lorsqu’on observe une telle expérience autour d’un match si exceptionnel, à un niveau
international, il est difficile d’imaginer le meilleur pour des rencontres de moindre prestige.
Très logiquement, cela se ressent dans les enceintes sportives. Stéphane Thuillier,
fondateur associé de TeamStadia admet que « les affluences des stades de ligue 1 et ligue 2
sont plutôt en baisse »5. Et c’est une tendance qui commence à devenir tenace. En effet, le
taux de remplissage baisse d’année en année. Cette année, la ligue 1 a enregistrée une baisse
significative de 3% pour atteindre un taux de 70,6% de remplissage et on ne parle pas de la
ligue 2 où le taux de remplissage devient vite catastrophique.
L’Union des Clubs Professionnels de Football (UCPF) déplorait déjà le manque de
compétitivité du football français l’automne dernier. Aujourd’hui, dans un rapport de
TeamStadia instigué par cette même UCPF, le syndicat préfère prévenir que guérir et met en
garde quant à la possible opportunité que va être l’érection de nouvelles enceintes en vue de
l’Euro 2016. Ce nouveau parc ne suffira pas à lui seul à créer des revenus supplémentaires ; il
va falloir accompagner ces enceintes d’une véritable stratégie d’exploitation qui obligera les
clubs à mieux connaitre et comprendre les attentes de leurs clients afin de dégager de
nouvelles recettes.
Au contraire des autres industries, ou même des autres championnats internationaux comme
l’Angleterre ou l’Espagne, seulement très peu de clubs ont entrepris des actions pour
apprendre à mieux connaitre leurs supporters, les distinguer et mieux cerner leurs désirs.
Ainsi, nous nous retrouvons dans un contexte où la clientèle n’est pas connue, créée et encore
moins fidélisée, ce qui entraîne une incapacité à proposer des actions pour satisfaire cette
dernière. Cela résulte logiquement en une relative frustration chez les spectateurs.
En plus de ne pas connaitre ses supporters, les clubs de football français ne bénéficient
pas non plus d’un avantage en termes d’infrastructures. Loin de là.
La vétusté des stades, dont la moyenne d’âge est de 66 ans, représente simplement le reflet de
l’époque à laquelle ils furent conçus. En effet, entre l’époque où les stades du parc français
5
Sport stratégie n°348 « Stades : Ce que veulent les fans », 2013
14
furent conçus et l’érection des ‘nouveaux stades’, un changement radical s’est opéré dans la
façon de percevoir les enceintes sportives. Le stade, perçu à la base comme exclusivement
destiné à l’accueil d’une compétition sportive hebdomadaire, a laissé place à une conception
du style aréna moderne, globale, capable d’accueillir multiples sortes de spectacles, congrès.
Surtout, celles-ci s’intègrent aujourd’hui dans un projet urbain, qui la sort d’une vision
purement sportive. Le parc de stades français ne peut donc proposer la gamme de services que
les enceintes anglaises proposent à leurs spectateurs.
Bien que cela ne favorise pas la venue de spectateurs dans des lieux de vies peu
attrayants, le plus alarmant ne réside pas là. L’économie de la billetterie, qui réside en grande
partie sur les espaces dits ‘VIP’, notamment concrétisés par le biais de loges ou sièges
première classe, représente un manque à gagner effarant pour les enceintes françaises.
« Seulement 1 178 sièges à prestations sont disponibles dans les stades français, soit 4% de la
surface globale, loin des standards européens qui oscillent entre 8 et 12 % du nombre total
des places. Alors que la demande est réelle »6 explique le rapport de la Commission Euro
2016. Pourtant, dans les zones de chalandise des clubs, les CSP+ qui constituent la cible
privilégiée pour ces espaces VIP, constituent aussi la catégorie la plus friande de ligue 1 (52%
contre une moyenne française à 43%).
Le même constat est fait pour les tribunes de presse et médias, ces acteurs jouant un rôle
pourtant prépondérant dans l’animation pré/post match.
Heureusement, l’Euro 2016 va enfin pouvoir redonner vie à ce parc vieillissant, avec
la créations de stades de 3ème génération, pouvant répondre aux demandes des clients et en
maximisant dans un premier temps les performances sur les aspects clés de l’économie de
billetterie. Gardons tout de même à l’esprit que ce rafraichissement infrastructurel doit être vu
non pas comme un aboutissement mais comme un outil, parmi d’autres, permettant de mieux
répondre à la question suivante : « Qu’est ce qui fait venir un spectateur au stade ? »
Si l’on étend maintenant l’analyse aux autres sports, le constat est assez similaire à
celui que nous venons de faire. Selon les propos étayés dans le rapport Constantini 7 (ex
sélectionneur de l’équipe de France de Handball), la France occupe une très décevante 19ème
place pour les salles de plus de 10 000 places en configuration sport. Une 19ème place qui
place la France derrière la Lituanie…
Le plus gênant dans ce cas-là est que les équipements ne permettent pas de répondre à la
demande des supporters. L’exemple du BCM Gravelines Dunkerque en est une preuve. Ce
club compétitif, qui a notamment fini premier de la saison régulière de Pro A en 2012/2013,
présente un taux de remplissage de 98% et pourrait largement bénéficier d’une enceinte plus
importante que sa salle de 2264 places assises. Plus grave, certaines salles comme celle du
BCM ou de l’USDK (club de handball qualifié pour la prochaine Ligue des Champions)
n’étaient jusqu’alors pas homologuées pour accueillir les compétitions européennes.
6
Rapport de La Commission Euro 2016 « Grands Stades », p22-23, Novembre 2008.
Costantini & Besnier, Rapport de la Commission Grandes Salles : Arenas 2015, Mars 2010,
7
15
Le sport contribue de manière exceptionnelle au rayonnement d’une ville, en plus de
générer des profits importants pour les clubs. Il est important d’utiliser et de mettre à profit
des lieux de vies qui peuvent s’avérer être bénéfiques pour tous les acteurs du sport.
Les enceintes d’aujourd’hui sont inadaptées à créer un spectacle global et inapte à proposer un
service répondant à la demande et notamment à celle des consommateurs ‘famille’, alors que
capter cette cible permettrait grandement d’accroitre les recettes avant et après match.
2.
Tendre vers le sport expérientiel
Au travers de ce que nous venons d’analyser, nous voyons clairement qu’il y a un
problème du coté de l’offre sportive. Nous savons que la vision du football français est
beaucoup trop vieille et conservative, et que les infrastructures ne permettent pas non plus
forcément d’amorcer de grands changements. Mais avant justement d’amorcer quoi que ce
soit, il est nécessaire de faire état de la demande actuelle, de ce qu’attendent aujourd’hui les
spectateurs d’un match de football. Alors seulement nous aurons des lignes directrices qui
nous permettrons de nous diriger dans la bonne direction.
Nous parlions précédemment de notre expérience au Stade de France. Une expérience
ratée, alors que nous faisons partie de la cible de base d’un évènement tel que celui-ci : jeunes
entre 20 et 30 ans, amateurs de sports et actifs sur les réseaux sociaux.
Et nous ne sommes pas les seuls à attendre plus qu’un match France-Espagne au Stade de
France ; dans le rapport de TeamStadia, on apprend par exemple que 80% des personnes
interrogées souhaitent des animations sur les écrans, 73% demandent des animations pendant
l’échauffement et 66% un mini concert. A ce propos, nous pouvons ajouter l’opinion de
Stéphane Thuillier : « Il est difficile pour un club d’investir encore de l’argent dans une
animation. Une marque pourrait financer ce type d’évènements. Ce serait une activation
marketing réelle. Et je pense que ce serait très bien perçu par les spectateurs. »8
Le spectacle sportif en lui-même ne suffit plus aujourd’hui, surtout que, comme nous
allons le voir maintenant, nous vivons actuellement une période où le sport entre en
concurrence avec d’autres loisirs.
« En temps de crise, il y a des arbitrages dans les ménages. Et au sein du budget
loisir, le football est en concurrence avec le cinéma, les vacances, le restaurant… il
faut donc proposer plus de choses au spectateur. Les gens sont prêts à mettre le prix si
on leur propose des services qui simplifient leur venue au stade, à savoir ne pas faire
la queue à la buvette, être en sécurité, profiter de l’écran géant… »9
Stéphane Thuillier
8
9
Sport stratégie n°348 « Stades : Ce que veulent les fans », 2013
Sport stratégie n°348 « Stades : Ce que veulent les fans », 2013
16
Comme le résume bien Stéphane Thuillier, le match de football n’est plus aujourd’hui
protégé par son statut de sport préféré des français. Les coupes budgétaires dans les familles
font que l’on prend de plus en plus en compte l’avis de tout le monde, et cet avis ne se portera
plus forcément sur le football. La population française, connue pour être « morose et
stressée », a forcément de plus en plus d’attentes de la part des prestataires de loisirs. Le
football et le sport en général se doivent aujourd’hui de proposer plus qu’un match ; il faut
que le spectateur puisse vivre une véritable expérience autour de l’évènement.
Cela permettrait alors d’attirer plus que le fan ou l’amateur de sport, mais bien toute la famille
qui pourrait alors profiter des animations encadrant la rencontre en elle-même. On pourrait
alors faire remonter le faible taux de remplissage des stades français dont nous parlions
précédemment.
Cette demande « d’expérience sportive » se matérialise d’autant plus par l’ampleur
que prend actuellement un nouveau concept qui est celui du « fan connecté ». Plusieurs études
ont récemment révélé une forte tendance des amateurs de sport à l’utilisation des plateformes
sociales telles que facebook, twitter ou encore foursquare et instagram afin de partager leurs
expériences sportives et ressentis sur les évènements sportifs. Les médias et organisateurs
d’évènements commencent à prendre conscience de l’ampleur du phénomène, d’où les
créations de différents « hashtags » twitter ou instagram que l’on associe à un évènement.
Mais cela ne s’arrête pas là. L’utilisation d’un second écran lorsque l’on regarde un match à la
télévision est aujourd’hui quasi systématique. On peut même aller plus loin avec la tendance à
ne plus utiliser la télévision pour suivre le sport, mais plutôt l’ordinateur, le smartphone ou
encore la tablette. On est bien aujourd’hui dans le sport « n’importe où, n’importe quand »,
comme le montre le graphique ci-dessous, tiré du rapport « Global Sports Media
Consumption »10.
Cette connexion continue et instantanée, les fans et amateurs de sport ont envie de la
conserver également lorsqu’ils se rendent au stade. Nous pourrions même dire, surtout quand
ils se rendent au stade. Or, la plupart des infrastructures françaises sont trop vétustes et non
10
Kantar Media sport, Global Sports Media consumption,TV Sports Markets, 2013
17
programmées pour la 3G. Celui qui est dans le stade est alors bien souvent le moins au
courant de ce qui se passe devant ses yeux et n’est pas à même de pouvoir partager dans de
bonnes conditions ses expériences. Avec tous les écrans qui envahissent notre quotidien il faut
que les stades, pour attirer toujours plus de monde, proposent un plus, une « special touch »
qu’on ne pourra retrouver nulle part ailleurs. Du moins, pour commencer, il faudrait être
capable de permettre aux personnes présentes dans l’enceinte de pouvoir poster leurs photos
ou impressions sur le match sans problèmes. Pourront ensuite suivre de nombreuses autres
exploitations des réseaux sociaux et autres nouvelles technologies, ce que nous
approfondirons lors de nos recommandations.
Cette volonté du public de vivre une « expérience » sportive est donc clairement
posée. Nous pouvons alors nous demander pourquoi aucun projet de grande ampleur n’a
encore réellement été mis en place, alors que le modèle est déjà présent dans d’autres
championnats. Peut-être est-ce simplement le fait que le football français se voit encore
comme un monde purement associatif, alors que le consommateur demande aujourd’hui des
services de loisirs organisés et gérés comme tout autre business.
C.
L’attente d’un évènement plus business
Il est question ici du parcours client qui, dans un sens littéral et strictement marketing,
est « le parcours type que suit un client dans sa relation et ses interactions avec une
entreprise » 11 . Dans le cadre des stades de football ou tout autre arène, nous pouvons
distinguer deux sortes de parcours client :
L’un physiquement matérialisé, c'est-à-dire le chemin que le spectateur prend dans le stade
afin de se rendre à sa place, ainsi que tous ses mouvements dans l’enceinte.
L’autre est lui plus dématérialisé. Une majeure partie des transactions ou des recherches
d’informations se fait aujourd’hui via ordinateur ou mobile et nous pouvons sans craintes
parler d’un véritable parcours client numérique.
Or, les stades français n’intègrent pas encore entièrement cette notion de parcours
client, bien que cela puisse être bénéfique à la fois pour les clubs ainsi que pour les
spectateurs. Si l’on continue l’état des lieux que du football français et de la demande des
spectateurs, il est nécessaire de parler de choses basiques certes, mais vitales. Quand on
planifie une soirée au stade, à part si l’on a peur de ne pas trouver de place de parking, rien ne
nous incite à venir plus tôt, ni rester plus tard. Les animations d’avant match, comme nous
l’avons vu précédemment, ne sont que trop peu utilisées, de même que les leviers pour faire
rester le spectateur après le coup de sifflet final. Or, si l’on recroise les données avec ce que
l’on a dit précédemment, la crise fait que le budget divertissement est aujourd’hui largement
réduit dans les familles et l’on ne conservera alors que les loisirs qui conviennent à tout le
monde.
11
www.definitions-marketing.com
18
La configuration actuelle d’un match de football, centrée sur la partie en elle-même, ne peut
espérer toucher une plus large cible que celle du « fan » ou du moins du supporter. Et cette
partie perd même de son intérêt vu les freins mis par l’Etat à la venue de joueurs de standing
international.
Mais si l’on se penche maintenant sur la personne qui vient quand même au stade ;
celle-ci a un profil de supporter, voir fan et est alors plus encline à consommer sur place. Or,
de ce côté aussi, rien n’est optimisé pour d’un coté satisfaire le consommateur et d’un autre
pour remplir les caisses du club.
Rares sont les clubs qui exploitent les corridors ou espaces extérieurs de l’enceinte afin de
développer quelques commerces ou animations. Les clubs ont encore une vision trop
minimaliste de leurs évènements et l’on est réticent à développer un business qui dépasse la
simple buvette.
Faisons une petite comparaison : le nouveau Grand Stade de Lille, d’une capacité de
50 000 places, dispose de 40 points buvette. Le Stade de France, plus vieux mais toujours
aussi encensé, dispose de 43 points buvettes pour une capacité de 80 000 spectateurs. Nous
avons ici non seulement un problème d’accessibilité pour les spectateurs qui se découragent
vite, mais aussi de qualité de l’offre proposée. Il suffit de se rendre sur les forums spécialisés
pour comprendre que de nombreux spectateurs font machine arrière à la vue d’un hot dog de
qualité moyenne à 6 euros ou d’une pinte de bière à 6,5 euros.12
Le plus gros problème dans tout cela est que la demande est présente, comme le souligne
Bruno Bèlgodère, directeur finance et marketing de l’UCPF : « nous avons remarqué que les
gens sont présents autour du stade une heure avant la rencontre. Ils consomment, mais pas
dans le stade ».13
Nous pouvons finalement déduire de ces observations que le club ne connait
simplement pas ses supporters, leurs comportements et leurs attentes. En France, nous
sommes encore dans une vision purement sportive du match de football alors que le
spectateur le range aujourd’hui dans la catégorie des divertissements généraux.
12
Exemple : http://news.fr.msn.com/sport/france-allemagne-on-a-testé-pour-vous-le-stade-defrance?page=10 : bien regarder les réactions des internautes en commentaires.
13
Sport stratégie n°348 « Stades : Ce que veulent les fans », 2013
19
14
Nous voyons clairement dans cet extrait du rapport de Team Stadia que les prix sont
ce qui éloigne le plus les clients du stade. Cela va de soi car les clubs n’ont pas d’autre levier
permettant de faire dépenser le spectateur. Or, on voit aussi que c’est aussi le prix qui
attirerait les spectateurs au stade, qu’ils soient intéressés ou non par le match. Il est ici
nécessaire de mener une réflexion approfondie sur la répartition des dépenses.
Le plus inquiétant reste cependant le taux de 39% des clients stade qui ne s’y rendent plus à
cause de la concurrence avec d’autres loisirs. C’est sur ce point qu’il faut aujourd’hui
travailler afin de rendre le match de football plus attractif. Et cela passera forcément par
l’acceptation d’une vision business du sport professionnel en France.
Toutes ces observations nous amènent à la conclusion que notre modèle français ne
peut pas continuer sur de telles bases, au risque d’imploser. Au point où nous en sommes, les
menaces viennent de toutes parts ; des spectateurs qui risquent de se faire de plus en rares à
une éventuelle chute des droits télévisuels, les clubs de football français se doivent de réagir.
Il faut proposer de la nouveauté, quelque chose en plus, afin d’attirer toujours plus de
spectateurs et de créer de nouvelles sources de revenus. C’est à ce moment que la notion
d’entertainment entre en jeu. Mais avant de vouloir créer un modèle à la française, sans une
quelconque base de travail, il est nécessaire d’étudier certains modèles qui appréhendent
d’ores et déjà tous, à des niveaux différents, la notion d’entertainment.
14
Sport stratégie n°348 « Stades : Ce que veulent les fans », 2013
20
II. L’Entertainment : une notion appréhendée de
façon différente selon les pays.
La notion d’Entertainment n’est pas une notion nouvelle. Elle existe depuis des années
dans certains pays qui, de par leur histoire et leur ambition, ont réussis à développer des
stratégies et des modèles cohérents régis par une forte notion d’entertainment.
Il en existe plusieurs déclinaisons à travers le monde, qui ont chacune leur propre identité et
un développement propre à leur histoire et leur ADN.
Nous avons choisi ici d’observer ceux d’entre eux qui peuvent être intéressant à analyser afin
de mieux comprendre cette notion parfois abstraite, et ce qui peuvent nous donner des pistes
intéressantes pour le développement d’un modèle similaire mais à la française.
Quand on parle d’entertainment, il parait évident de regarder de plus près ce qui est
fait aux USA (A). Roi du show business, ce pays a tout du modèle parfait de l’entertainment.
Encore une fois, il ne s’agit pas de dire que nous allons faire un copié-collé de ce modèle mais
bien d’appréhender jusqu’où peut aller l’entertainment à son paroxysme. Le modèle américain
a assimilé toutes les notions d’entertainment et propose une expérience sans comparaison à
son public et il est donc intéressant de regarder ce que sait faire le modèle du genre.
Ensuite, nous allons focaliser notre recherche sur les deux meilleurs modèles d’entertainment
présents dans le football Européen à ce jour ; Dans un premier temps, le modèle anglais, qui a
longtemps été perçu comme LE modèle à copier en France (B). Nous verrons ici qu’il faut
rester prudent sur cette affirmation mais que le modèle anglais reste un modèle fort.
Enfin nous observerons le modèle de nos voisins allemands qui, avec ses propres atouts,
représente aujourd’hui peut être le meilleur modèle sur lequel s’appuyer et apprendre pour
développer un modèle d’entertainment à la française performant (C).
A.
Le sport US : l’entertainment jusqu’auboutiste.
Le modèle d’Entertainment le plus développé est forcément le modèle américain. De par
plusieurs raisons que nous allons étayer, l’entertainment prend une part prépondérante dans la
façon d’opérer et de construire l’expérience client autour d’un match aux USA.
Pour comprendre pourquoi et comment cela s’est construit, il est important de poser les bases
d’un système différent de ce que l’on peut voir en France ou en Europe, dans notre sport
phare qu’est le football.
Les ligues américaines sont déjà dans leurs modèles bien différentes ; dans les ligues
européennes, nous avons une structure basée sur la promotion et la relégation pour déterminer
qui va avoir le droit de prendre part à une hiérarchie de ligues, en fonction de leurs résultats.
Aux USA, la structure est basée sur un modèle de ligues fermées, c’est-à-dire que les
participations des clubs à la ligue élite ne se font pas en fonction des résultats. Les équipes
21
participantes payent un ‘entry fee’ et leur accession à la ligue doit être voté. Cela se fait très
rarement néanmoins et les places sont proposées à une certaine période.
Aujourd’hui, les ligues ont surement atteint leur maximum d’adhérents. Les grandes villes
possédant une zone de chalandise forte ont quasiment toute une voir parfois deux équipes
(seulement pour les plus grandes villes comme New York et Los Angeles). La question se
pose de la crédibilité d’une ligue fermée et prestigieuse, si on commence à ouvrir à des
équipes dont les villes sont de taille moyennes.
La NFL (National Football League) est la ligue la plus prestigieuse des ligues fermées, suivie
de la NBA (National Basketball Association) et de la MLS (Major League Soccer). Mais la
tendance tend à ce que la NBA devienne la ligue la plus important.
Aussi en termes d’entertainment, c’est surement la ligue qui offre le modèle le plus complet.
Nous avons ainsi décidé de cautionner nos propos grâce à l’apport du directeur marketing
d’une de ces franchises NBA, en la personne de Monsieur Josh Kramer.
La NFL reste la ligue la plus riche de toutes les ligues dans le monde. Derrière cette
ligue puissante, les ligues américaines ont su faire le forcing pour avoir une exemption des
lois anti trust, ce qu’on appelle en France l’exception sportive.
Puisque les commissions anti-trust ont bloqué la demande des ligues, ces dernières se sont
tournées vers le congrès et lui ont présentés bon nombres d’arguments. Il en résulta une
exception aux règles générales du commerce qui, soyons honnêtes, ressemblaient beaucoup à
un cartel sur les droits TV.
Pour cela, les ligues américaines ont proposé de ne pas suivre les lois qui régissent le marché
classique et de créer une structure opérant avec ses propres règles de concurrence.
Pour réussir cela, elles ont fait peser certains arguments de poids pour décider les
Congresmen :
- Etat d’un déséquilibre : ou la théorie selon laquelle, si le championnat agissait selon
les règles du marché, la création d’un déséquilibre serait inévitable. Ainsi, la ligue perdrait de
son attractivité et de sa valeur. Les ligues américaines mettent donc en avant l’idée d’un
partage égalitaire des droits audio-visuels.
Il faut bien noter ici qu’il s’agit d’un agissement égalitaire mais pas du tout équitable. Cette
répartition se fait au détriment des équipes fortes du championnat qui le tirent vers le haut.
Néanmoins, leurs sources de revenu sont tellement plus vastes, cela ne les affectent pas autant
que le manque à gagner des clubs du bas de tableau. Au final, cela rend les petits clubs plus
attractifs et permet de rendre la ligue plus forte et plus intéressante dans sa globalité.
Ainsi, sur les 9 milliards de dollars perçus par la NFL, au moins 6 sont mutualisés à parts
égales, créant ainsi beaucoup moins d’écart entre les équipes et permettant d’équilibrer le
championnat.
De plus les plus « petits » clubs ne sont pas si petits que cela et donc les chiffres d’affaires sur
les recettes permettent de lisser les écarts.
- Consentement des opérateurs TV : tout est parti des ligues de football américain :
quand l’AFL signe avec Columbia, la NFL signe avec NBC.
22
Ainsi, même s’il existe un équilibre à l’intérieur des ligues, ces dernières sont en concurrence
l’une avec l’autre et les opérateurs sont d’accord, avec notamment Ted Turner qui vient de
monter son réseaux de chaînes TV.
- L’opinion publique : le public apprécie ce spectacle audiovisuel. Et quand on lui
explique qu’il existe un amendement des lois anti-trust qui n’est pas respecté, cela est loin
d’être sa préoccupation à ce sujet. Ce que le public veut voir c’est un beau spectacle. Donc
l’opinion publique va soutenir la démarche des ligues par pétition. Cela n’est pas anodin
puisqu’il s’agira de la pétition la plus importante de l’histoire nord-américaine à cette date.
Cela va entrainer la signature du Broadcast act en 1961.
- La concurrence existe : En termes de concurrence, l’important n’est pas l’entité
juridique du club mais dans certains cas la ligue. Ce système de ‘single entity’ va permettre de
faire concurrence entre les sports. Ainsi, en plus des 2 ligues concurrentes à l’époque, il y a
concurrence avec les ligues des autres sports.
Ce texte, qui n’a pas été abrogé depuis 50 ans, même après la fusion de l’AFL et de la
NL, sera par la suite renforcé et complété par le collective ‘bargain agreement’ qui n’est autre
qu’une convention collective venant appuyer l’équilibre des recettes, mais en annonçant qu’il
est possible de faire de même pour les dépenses.
Toute cette histoire a su créer un contexte favorable au développement de stratégies marketing
et évènementielles de manière pérenne autour des clubs de ces ligues.
En effet, les équipes (appelées franchises aux USA) faisant parti d’une ligue ne bougent pas,
elles restent les mêmes années après années, pouvant ainsi créer un engouement stable pour
les populations locales et essayer de créer un sentiment de communauté et d’appartenance
chez les fans.
Afin de cautionner nos propos, nous nous sommes concentrés sur la ligue étant la plus
développée à cet égard ; la NBA.
Aussi, nous avons pu nous appuyer sur le témoignage du directeur marketing d’une de ces
franchise ; Josh Kramer, pour les Charlotte Bobcats.
Dans cette ligue, l’entertainment est poussé à l’extrême par rapport à ce dont on est habitué en
Europe. Ce qu’il faut savoir c’est qu’aujourd’hui il est évident que l’entertainment fait partie
intégrante de l’expérience ‘jour de match’, mais la raison n’est pas forcement celle qu’on
attend.
En posant nos questions à Mr. Kramer, nous partions avec l’idée préconçue que la raison
d’une évolution vers un show globale répondait à une réelle demande du public. cela est en
partie correct, comme l’explique le Directeur Marketing des Bobcats, mais dépend de biens
d’autre variables :
« Aux US, on est plus sur de la surcharge sensorielle. Ils veulent être divertis ; ils
veulent les sirènes, les sifflets, les cadeaux, la musique… tout le package. […] En NBA
les audiences peuvent être mauvaises : On supporte notre équipe quand elle gagne et
l’inverse quand elle perd.
23
En créant cette atmosphère d’entertainment, on crée de la valeur ajoutée pour l’achat
d’un billet. On crée une expérience qui fait que la personne qui vient au match, peu
importe le score final, repartira avec d’enrichissants souvenirs : une belle soirée en
famille, une expérience Père/fils ou mère/fille…
Il y a pleins de moyens d’enthousiasmer et amuser les gens. Nous voulons que
lorsqu’ils ont une décision à prendre pour l’utilisation de leur budget loisir, qu’ils
hésitent entre cinéma, restaurant ou bowling, ils se disent « hey, je peux acheter un
billet pour aller voir le match des bobcats et j’aurai mon compte d’animations et de
plaisir sensoriel sur place ! » nous explique encore Josh Kramer.
Ainsi le modèle créé par la franchise est en soit issu d’une demande des
consommateurs, mais aussi et surtout créé pour favoriser l’intérêt envers le club et se prévenir
d’avoir à dépendre exclusivement de l’aléa sportif.
Les clubs créent des ‘couches’ qui permettent de consolider le modèle et pérenniser leur
activité en ne dépendant pas seulement de l’aspect sportif pour faire venir les fans dans les
stades. Gagner reste selon Josh Kramer bien entendu ‘la plus grosse partie du puzzle’ mais
d’autres pistes peuvent réellement faire changer l’attitude des fans.
Le deuxième aspect le plus important sont les goodies. Il existe deux types de goodies.
Il y a les goodies classiques que les gens reçoivent à chaque fois qu’ils vont au match. Par
exemple une équipe d’animateurs dédiée va lancer des t-shirt dans la foule avec des canons,
ou les danseuses vont monter dans les gradins et choisir quelqu’un pour recevoir un collier ou
une casquette.
Le deuxième type de goodies est utilisé pour mettre en place des journées spéciales et faire
venir les gens. Ainsi des cadeaux plus couteux sont distribués à l’entrée du stade mais pour un
nombre limité de personnes. Cette stratégie est d’autant plus intelligente car en plus d’avoir
un cadeau pour le même prix d’un ticket, les gens satisfaits, vont venir plut tôt au stade pour
être sûr d’avoir la chance de gagner un maillot.
Dans tous les cas les gens ont la chance de pouvoir rentrer chez eux avec un plus au
niveau de l’expérience.
Ceci n’est qu’un exemple parmi d’autres de l’activation autour du stade, on peut citer d’autres
exemples comme :
- Gagnez votre place en VIP grâce à twitter
- Soyez élu meilleur danseur à l’applaudimètre (grâce à la caméra filmant les gens
dans les gradins et retransmis sur les écrans géants) et gagnez un bon d’achat pour tel
ou tel restaurant.
- Concours de Dunks à la mi-temps par une équipe de professionnels
- Mascotte faisant des acrobaties
- Un joueur de l’équipe signe des autographes pendant une certaine période avant le
match
 Customer Relationship Management
24
Les technologies du Customer Relationship Management ou CRM sont de plus en plus
présentes dans les entreprises classiques. Cette technologie et approche permet aux entreprises
de mieux connaitre les habitudes de consommations de leurs clients et potentiels clients.
Ainsi, en consolidant une base de données de plus en plus fournie en informations, une
entreprise est capable de proposer une offre adaptée voir personnalisée à une cible identifiée,
et ainsi augmenter leur retour sur investissement.
Cette technologie a longtemps été ignorée par les clubs sportifs. Pourtant, il est important
pour ces derniers de considérer les supporters au même titre que des clients et consommateurs
d’autres produits et services.
Les Franchises américaines ont assimilé cette notion depuis longtemps et connaissent l’apport
de cet outil.
« Je pense que ces stratégies [CRM] sont indispensables au succès de n’importe
quelle organisation, et surtout des clubs de sport. Il est nécessaire d’avoir une base de
données, de savoir qui sont nos fans, de les segmenter afin de pouvoir personnaliser
les messages, les opportunités et les offres spéciales. Je pense qu’il est crucial d’avoir
une stratégie CRM, de récolter le plus d’informations possibles. Il faut étudier les
comportements, car ce sont ces données qui permettront de créer les futures stratégies
commerciales, de créer un sentiment d’appartenance et une communauté, et enfin de
savoir comment communiquer auprès de ces personnes.
Et le pire, c’est que c’est simple !! Il suffit juste d’avoir un jeu concours au cours d’un
match de foot, du genre gagne un maillot dédicacé par l’équipe, donne nous ton email pour participer. Ce genre de chose ne COUTENT ABSOLUMENT RIEN, et
peuvent avoir de très bons résultats. »
Tout est dit. On ne peut que répéter la nécessité d’organiser une stratégie ayant pour
but de collecter des données précises pour les clubs de demain. Les franchises américaines
l’ont compris depuis longtemps et se permettent même de croiser les données avec d’autres
entreprises, leur permettant d’avoir une idée plus précise des habitudes d’achats de leurs
consommateurs !
Tous ces procédés ont pour but ultime de créer une identité, un sens de communauté.
« Nous avons des faits qui prouvent qu’il est toujours plus facile de faire revenir des abonnés
que d’en faire venir de nouveaux. Vous pouvez « endoctriner » des spectateurs avec votre
esprit communautaire, et l’Entertainment sera peut-être ce qui les fera revenir même si
l’équipe est mauvaise. » Nous explique encore Mr. Kramer. Ainsi, savoir ce que désirent les
consommateurs permet de mettre une stratégie et des actions en place qui leur correspondent
et qui vont satisfaire tous leurs besoins expérientiels lors d’une sortie au stade.
 Les Loges et espaces VIP
Mais ce n’est pas tout. Bien que beaucoup d’efforts soient faits pour que les spectateurs
‘lambda’ soient attirés par les matchs, les franchises américaines ont aussi compris
l’importance des espaces VIP et ont su maximiser leurs profits sur ces espaces clés.
25
« Les loges sont clairement une partie importante de nos revenus. Pour nous, il est
toujours mieux de vendre une suite à l’année. C’est un revenu assuré pour chaque
match, et c’est très important. En général, ils achètent en plus à boire et à manger afin
de proposer un service de qualité à leurs invités du jour.
C’est une partie très importante car se payer une loge est considéré comme un luxe, et
les billets sont plus chers. »
Pourtant, malgré la valeur des sièges, Josh Kramer estime qu’il n’y a pas plus de difficultés à
vendre ces espaces que d’autres.
« Je dirais qu’il y a des challenges dans chaque partie de l’arène, dans chacun des
200 niveaux. Les gens ne veulent pas être assis loin du terrain, mais en même temps ils
ont l’opportunité d’assister au match pour pas cher. Il y a donc deux façons de voir
les choses. Dans les 100 premiers niveaux, on est proche du terrain, mais cela coute
bien sur plus cher.
Les loges permettent de vivre une expérience haut de gamme, avec sièges rembourrés,
une pièce privatisée avec toutes les commodités. Plus besoin de se rendre à la buvette
pour chercher des encas. Des télévisions sont installées dans les loges si l’on veut
regarder la diffusion du match. Par contre, il est clair que c’est plus cher et surtout,
pour pouvoir bénéficier de places en loges il y a un minimum de places à acheter.
Il y a donc des avantages et des inconvénients à tous les niveaux, et je pense que pour
les loges, il faut surtout se concentrer sur les business men et les groupes. Prenons
l’exemple des enterrements de vie de garçon : Ils veulent en général que la première
partie de la soirée se déroule au cours d’un match de NBA. Sinon, on peut être par
exemple la Bank of America et payer une loge à l’année pour les clients et les
employés »
Les franchises ont complètement intégré la nécessité de développer chaque aspect de
leur business pour maximiser leurs profits.
Ainsi, il n’y a pas de frilosité quant à la création d’espace dédié Business, des loges prestiges
permettant de bénéficier d’une manne financière forte et stable. Il faut appréhender chaque
aspects non pas comme une contrainte mais comme un challenge et une opportunité à la fois.
La France est frileuse à ce niveau-là, considérant que la vente d’espaces VIP est difficile et
limitée. En mettant les bonnes stratégies en place, il est possible d’arriver à un consensus
comme pour les Charlotte Bobcats. Dans le bas de tableau depuis quelques années, cette
équipe ne bénéficie pas non plus d’une histoire forte comme une équipe des Boston Celtics ou
des Los Angeles Lakers. Pourtant les loges se vendent et se remplisse car des stratégies
cohérentes ont été mis en place par la franchise.
 Nouvelles Technologies
De plus, le modèle américain est perçu comme un modèle en perpétuelle évolution. Les
dirigeants des clubs savent appréhender le marché global et les nouvelles habitudes des
26
consommateurs pour appliquer celles qui sont nécessaires à leur modèle. C’est pourquoi, lors
de la saison 2011/2012, les Bobcats ont embauché un community manager spécialement dédié
à l’activation des nouveaux médias avant, pendant et après le match afin de créer une
expérience digitale pour les fans.
Ainsi, cette personne dédiée à l’activation des différents supports médias propose des
contenus aux supporters quotidiennement. Que ce soit des interviews des joueurs, des jeux
concours ou des sujets de discussion, cela permet de renforcer et de perpétuer le sens de
communauté même en dehors de l’enceinte sportive et en dehors du jour de match.
Ensuite, pendant la rencontre, des activations innovantes avec encore une fois souvent des
jeux concours vont être mises en place pour féliciter certains supporters ou permettent à
d’autres de se sentir privilégier. Les spectateurs ont par exemple la possibilité, juste en
envoyant un tweet, de se voir octroyer 2 places le long du terrain alors qu’ils étaient assis tout
en haut du stade. En plus de se sentir valorisé et de renforcer ce sentiment de communauté,
cela va permettre à la franchise de créer du trafic sur ses différents supports (site web, twitter,
facebook...) et ainsi de se donner la possibilité de toucher plus de personnes de différentes
manières.
Ce qu’ont compris les franchises surtout, c’est d’attaquer chaque challenge avec une
stratégie claire, un angle marketing fort et une grande réactivité. Cela permet de donner de la
crédibilité, faire adhérer les supporters jusqu’à parfois permettre de transformer quelque chose
de négatif en opportunité.
Comme par exemple pour les Charlotte BOBCATS ; cette franchise a reçu le droit de
récupérer ses anciennes couleurs, délaissées par New Orleans et donc de récupérer aussi
l’appellation Charlotte Hornets. Ceci est un évènement pour les habitants de Charlotte, mais
entraine surtout de gros changement pour les Bobcats.
En effet, la franchise se trouve dans une situation hybride où les gens savent que le nom et les
couleurs vont changer, mais ou le club continue de produire des articles identifiés Bobcats
tant que la saison n’est pas finie.
Ce que va faire cette franchise, comme nous l’a expliqué son directeur marketing, c’est qu’au
lieu de se lamenter (comme on pourrait le faire en France) les dirigeants vont essayer de ne
pas voir cela jouer en leur défaveur. Ainsi, une communication va être mise en place où le
message sera ‘profitez des derniers articles Charlotte Bobcats ! Ce sont les derniers jamais
produits et ils deviendront des classiques !’ On joue ici sur l’émotion et on valorise un produit
qui aurait pu être complètement délaissé si aucune opération n’avait été mise en place !
Les franchises américaines sont de véritables entreprises. Elles ont su mettre en place
des stratégies fortes permettant de captiver les populations locales basées autour d’une valeur
entertainment forte et généralisée. De plus, sans non plus se focaliser sur l’entertainment, le
parcours client a été extrêmement bien développé. Ainsi, des animations à des points clés de
l’arène sont mises en place de manière permanente : activation sur place à l’entrée du stade,
photos avec les pompom girls/danseuses, équipe ‘metteurs d’ambiance’ sur ressort et
déguisés, tours de magies, sont tous des éléments que l’on retrouve dans les enceintes.
De plus, les espaces alimentaires et de boissons, que l’on catégorise souvent comme
‘buvettes’ en France sont extrêmement bien développés. On ne peut pas ici parler de buvette,
27
ce qui fait penser à la buvette du club de coin où l’on vient chercher des produits de moindre
qualité ; des accords sont mis en place avec des entreprises qui opèreront dans les enceintes.
Même si la franchise perd une part de bénéfice dans ce modèle, cela permet d’avoir un
maximum de consommateurs satisfaits par le temps d’attente, la qualité et la diversité des
produits proposés et donc finalement de compenser largement ce manque à gagner, comme
nous l’a expliqué Josh Kramer.
Ce modèle que nous dressons ici comme le modèle entertainment extrême n’est pour
l’instant pas adaptable en France et nous verrons encore pourquoi par la suite.
Cependant, il existe des applications de modèle entertainment plus proches d’un modèle que
pourraient à terme adopter les clubs français, comme on a pu l’observer en Angleterre.
B.
L’Angleterre : un ADN entertainment.
Nous avons ici choisis de nous pencher sur le cas de l’Angleterre, le business-model du
football anglais ayant longtemps été identifié comme le modèle le plus complet sur la scène
européenne. Mais surtout, il reste bien plus développé que celui qu’on peut observer en
France.
La raison de ce développement tient principalement à trois piliers forts et importants pour les
clubs de l’élite britannique, comme nous l’explique Frédéric Bolotny, économiste au Centre
de droit et d'économie du sport à Limoges. Il y a « Une diversification plus poussée que chez
nous de leurs ressources grâce notamment à l’exploitation optimale de leurs stades, une
approche maîtrisée de l’appât boursier et enfin un système politique cohérent, garant de
l’intérêt général dans une logique de développement économique »15.
 Un esprit communautaire.
Il est néanmoins clair qu’historiquement, ce marché est favorisé par une demande
porteuse et qui surtout a moins tendance à fluctuer avec les mauvais résultats, comme dans
beaucoup d’autres grandes ligues. Etre supporter d’un club en Angleterre fait partie de l’ADN
et parfois partie inhérente de la vie des gens. Il est donc plus facile de surfer sur cette stabilité
pour mettre des choses en place et pérenniser l’activité des clubs.
Ainsi les clubs peuvent développer les autres secteurs d’activités et tenter de ne pas s’appuyer
uniquement sur des droits TV connus comme étant les plus élevés du football européen. Nous
retrouvons aussi un tel engouement autour de certaines équipes venant d’autres
championnats ; on pense notamment aux deux géants espagnols que sont le Real Madrid et le
FC Barcelone. Nous choisissons cependant de nous concentrer sur l’Angleterre, qui a la
particularité de proposer un modèle adopté avec succès par bon nombre d’équipes :
15
L’Express, Le business model du foot anglais est le plus abouti. Interview de Frédéric Bolotny, economiste au
centre de droit et d’économie du sport à limoges, 2003
28
Comme nous pouvons en effet l’observer au niveau du graphique ci-dessus provenant
d’une étude du cabinet Deloitte sur la saison 2011/2012, on retrouve 5 clubs anglais dans les
10 premiers clubs européens ; le «Big 5 » comme on le surnomme parfois, composé du
vaisseau amiral Manchester United, de Chelsea, Arsenal, Manchester City et Liverpool. Nous
allons nous concentrer sur ces exemples dans l’explication et le commentaire du modèle
anglais.
Mais parlons tout d’abord de cet ADN de supporter que nous évoquions brièvement à
l’instant ; le spectateur anglais est unique en Europe. Il a grandi et a été élevé non seulement
dans l’amour du football, mais aussi et surtout dans l’amour d’un club ! Il n’y a qu’en
Angleterre où l’on peut retrouver, en 6ème division, des affluences dignes des belles affiches
de Ligue 2 française. Les clubs et entreprises anglaises n’ont pas eu à faire beaucoup d’efforts
pour créer ce sentiment de communauté dont parlait plus tôt Josh Kramer. Contrairement au
spectateur américain qui se retrouve tiraillé entre basketball, baseball, football américain,
soccer ou hockey, l’anglais n’a d’yeux que pour le Dieu football.
« Aux US, quand tu grandis, tu as le choix entre tous ces sports qui ont une même
importance, une même image et une même visibilité. De ce fait, tu n’as pas à prêter
allégeance à UN sport.
En Europe, tu grandis avec ça, tu grandis dans une culture qui a été ternie, sur
commercialisée. Ici, ce genre de personnes sont identifiées comme des « puristes » ;
En Europe, il y a un plus fort pourcentage de puristes. Aux US, on est plus sur de la
surcharge sensorielle. Ils veulent être divertis. »
Josh Kramer
29
Il est alors forcément plus facile de développer la notion d’entertainment autour des
clubs anglais. Mais celle-ci n’aura pas forcément la même teneur, ni le même but que celle
développée aux Etats-Unis ou celle que nous souhaiterions développer en France. En effet,
aux Etats-Unis, l’entertainment est nécessaire pour faire venir les personnes au stade ; les
américains sont ultra stimulés en termes d’offre, il faut être le meilleur, le plus attirant.
Pas de problème de ce coté là en Angleterre. Un supporter de Manchester n’ira pas
supporter Chelsea uniquement parce que les PomPom girls sont plus jolies ou que la bière y
est meilleure. Les supporters vont au stade. Le but sera alors de les fidéliser et de les faire
dépenser une fois sur place.
 L’importance d’une stratégie de CRM
Cela mène à une notion dont nous avons déjà parlé précédemment, qui est celle de
CRM. Tous les intervenants présents dans ce mémoire nous le répètent : connaitre son client
est la base de tout. Et les clubs anglais l’ont bien compris.
« Pourquoi les médias et les clubs français jalousent-ils la qualité des supporters des
clubs anglais ? Ils sont nombreux, fidèles, grands consommateurs de tous les produits
et services qui leur permettent de s’identifier à leur club de cœur. Certes, il y a la
qualité du spectacle proposé et la qualité des infrastructures, mais également le
travail et l’attention que les clubs anglais accordent à la relation avec leurs
supporters. 100% des clubs anglais de Premier League proposent à leurs supporters
une carte et un programme de membres et sont donc de fait dotés d’une solution de
CRM. Près de 80% des clubs des quatre divisions professionnelles sont également
dotés d’une solution de CRM».16
Lionel Fauquier
Alors qu’en Angleterre on observe des stratégies CRM jusqu’en 4ème division (soit
notre niveau CFA), en France, on atteint tout juste le tiers des clubs de Ligue 1 dotés de telles
stratégies. Le club anglais est donc depuis des années maintenant capable de cibler et
satisfaire les demandes de ses supporters, mais aussi et surtout de créer une offre dès qu’elle
en observe le potentiel ; on en revient à l’éternel débat entre créer un besoin ou simplement y
répondre.
En d’autres termes, les anglais, non contents de présenter de bons rapports au niveau des taux
de remplissages de stades, ne s’arrêtent pas là et cherchent à faire fructifier au maximum la
présence d’un supporter dans son stade. Les clubs anglais ont la chance d’avoir de fervents
supporters, dont l’ADN est de supporter leur équipe. Ils en sont bien conscients et profitent de
cette connaissance pour dégager toujours plus de recettes, que ce soit au niveau de la buvette,
des produits dérivés ou encore des animations.
Certains clubs sont allés jusqu’à créer une véritable image de marque, tellement bien
ancrée dans son pays qu’elle peut aujourd’hui s’exporter à l’autre bout du monde. Précurseur
16
Sport stratégie n°347 : «Le CRM, nouvel outil indispensable pour les acteurs sportifs », 2012
30
et roi incontesté dans le domaine, Manchester United est un des clubs les plus connus au
monde, tous sports confondus. On les place aisément à coté des New York Yankees ou des
Chicago Bulls, dont les marques sont aujourd’hui internationales. Avec une histoire construite
autour d’une forte tradition, et surtout autour d’une personne emblématique telle que Sir Alex
Ferguson, le club a réussi à s’exporter et à lancer la mode des tournées internationales. Encore
et toujours de nouveaux revenus.
Cela de posé, nous pouvons nous dire qu’il est bien beau de développer des stratégies
CRM, mais encore faut-il les infrastructures permettant ensuite de les mettre en œuvre.
 L’atout anglais : les stades
Quand on parle d’entertainment dans le football anglais, on pense : ses stades. Les anglais
ont en effet compris que ces géants de béton pouvaient à la fois permettre de dégager de très
bonnes recettes, mais à la fois se révéler être un énorme gouffre financier, si mal géré.
Le choix qu’ont alors fait plusieurs clubs fut d’acheter ou construire, leur propre stade. Nous
allons pour illustrer nos propos nous intéresser de plus près à l’Emirates Stadium d’Arsenal.
Le pari était en effet risqué ; construire un nouveau stade qui appartiendrait au club et
donc débourser plusieurs centaines de millions d’euros, mais aussi quitter l’antre mythique de
ce club qu’était Highbury. Nous parlions de l’esprit de communauté qui animait le football
anglais ; on comprend alors aisément l’attachement qui peut naitre de la part des supporters
d’un club vis-à-vis de leur stade, surtout si de grandes victoires ont eu lieu à cet endroit.
Finalement, après bon nombre de critiques, le nouvel Emirates Stadium fait aujourd’hui, avec
l’Allianz Arena de Munich, figure de modèle du genre. Un stade bâti par et pour une seule
équipe, un stade rouge et blanc où le nom d’Arsenal est gravé dans la pierre.
Nous avons visité ce stade en avril 2013, dans le cadre d’un tour proposé par le club
pour les personnes souhaitant découvrir les coulisses de l’Emirates. Le moins que l’on puisse
dire est qu’ils n’ont pas lésinés sur les symboles. De l’entrée des joueurs au restaurant VIP,
tout est lourd de sens. Un stade neuf, mais chargé d’histoire. Une arène qui, même vide,
donne des frissons tellement on peut sentir l’esprit qui l’habite. Ce stade à lui tout seul donne
envie d’y retourner.
31
Le parc de stades anglais ne souffre d’aucun rival en Europe ; ces stades sont pour la
plupart modernes, architecturalement esthétiques et bien pensés. On parlait des 40 buvettes du
Stade de France pour 80 000 spectateurs. L’Emirates Stadium en compte 250, pour une
capacité d’accueil inférieure d’environ 20 000 places.
L’Emirates Stadium est le parfait exemple d’un investissement payant. Le stade est
rentable, et le club n’a plus à payer les exorbitants frais de location supportés par la grande
majorité des clubs. Mais il n’est pas forcément nécessaire de ne regarder qu’en Premier
League pour trouver des exemples de bonne gestion des infrastructures sportives. Prenons
l’exemple du Coventry City Football Club, évoluant en division 3 anglaise. Après plus de 100
ans à jouer dans leur ancien stade, ceux-ci ont en 2005 investi la Ricoh Arena. Ce complexe
est situé à Coventry, et comprend, en plus du stade de 33 000 places, un palais des
expositions, un hôtel, un casino et un club de loisirs. De plus, on retrouve à proximité le
Arena Park Shopping Centre, connu comme l'un des plus grands hypermarchés Tesco Extra
d’Angleterre. En regroupant tous les divertissements au même endroit, on maximise
forcément les profits. Une famille sera clairement attirée par ce grand ensemble pour ses
sorties familiales. Un exemple en la matière.
 Les limites du système
Nous pouvons maintenant nous poser quelques questions sur ce modèle si encensé. En
effet, de nombreuses critiques s’abattent aujourd’hui sur ce système et l’on parle actuellement
des « limites » du modèle à l’anglaise. En effet, après des années de gloire, le football anglais
commence à déchanter et affiche des dettes inquiétantes. En 2008, l’endettement du football
anglais s’élevait à 3,6 milliards d’euros, dont 1,9 milliards pour les seuls clubs d’Arsenal,
Chelsea et Manchester. On peut penser que le problème s’est aujourd’hui aggravé avec le
retour sur le devant de la scène de Manchester City.
Le football anglais victime de son succès ? Sans doute. Trop gourmand ? Assurément. Le
football anglais est victime de ce que l’on peut appeler les problèmes de riches. Car des
riches, il y en a. Après le rachat de Manchester United par l’américain Malcolm Glazer, ce fut
au tour de Chelsea puis de Manchester City. Des sommes d’argents astronomiques injectées
dans les clubs afin de composer l’équipe de rêve. D’où des charges salariales qui atteignent
petit à petit des sommets. Se met alors en marche un cercle vicieux ; plus de stars entraine
forcément plus d’intérêt de la part des médias et donc plus de droits TV. Mais cela entraine
alors toujours plus d’attentes sur le niveau de jeu et le spectacle, et requiert alors d’acheter
toujours plus de stars aux salaires indécents. L’arrivée des investisseurs étrangers pourraient
au final dans quelques années se révéler plus néfaste que bienveillant pour le football anglais.
Jean Michel Aulas à Lyon s’est inspiré de ce modèle à l’anglaise. Il fut sept fois champion
de France avec une très belle équipe et lança le projet OL Land. Aujourd’hui, le projet prend
enfin forme, mais l’équipe de Lyon n’est plus que l’ombre d’elle-même, plombée par de
drastiques restrictions budgétaires.
En France, nous sommes encore loin d’un modèle à l’anglaise, que ce soit au niveau de la
mentalité des supporters que des infrastructures (en attendant l’euro 2016). De plus, la
32
politique française ne permet pas aux clubs de s’endetter autant que peuvent le faire les clubs
espagnols ou anglais.
Mais qui a dit que bonne gestion budgétaire et bons résultats ne pouvaient aller de paire ? De
ce coté là, nous délaissons un modèle anglais quasi-parfait pour nous tourner vers une
Allemagne économe.
C.
Le triomphe du modèle Allemand.
« Le football est un sport qui se joue à 11 contre 11 et à la fin, ce sont les allemands qui
gagnent ».
Gary Lineker, après la défaite de l’Angleterre face à l’Allemagne en 1990.
La saison dernière fut vécue comme la consécration du modèle allemand avec une finale
de Ligue des Champions 100% germanique. Cela permit de faire taire les dernières critiques
sur un modèle allemand qui rayonnait déjà de part sa gestion et son efficacité. Il ne manquait
qu’un titre majeur, et c’est maintenant chose faite.
Depuis 2002 et la mise en place de leur nouveau système, tout ce qui manquait à l’Allemagne
était un titre dans une compétition internationale majeure. De plus, nos amis d’outre Rhin
peuvent aujourd’hui se venter de présenter l’une des équipes nationales avec la moyenne
d’âge la plus basse (23 ans), sans que cela soit un frein aux bonnes performances. Cela faisait
76 ans que l’Allemagne n’avait pas présenté une équipe aussi jeune et atteignant, qui plus est,
le dernier carré de toutes les compétitions internationales majeures depuis 2006.
Mais il n’en fut pas toujours ainsi. La prise de conscience allemande s’est faite « à la
dure », et il a fallu attendre de gros échec pour que ma machine se mette en place.
 La genèse du modèle allemand
Aujourd’hui, le championnat allemand est connu comme le plus sain économiquement
parlant. Selon une analyse du cabinet Deloitte sur la saison 2011-2012, l’Allemagne se place
en seconde position en termes de chiffre d’affaire, avec un résultat d’1,7 milliard d’euros (la
Premier League en est à 2,5 milliards). Mais si l’on regarde maintenant au niveau du bénéfice
cumulé des clubs allemands, on arrive à 171 millions d’euros, contre 75 millions pour les
clubs anglais. A coté de cela, en France, nous sommes à -97 millions. Cela fait de la
Bundesliga le championnat européen le plus rentable avec 12 clubs bénéficiaires sur 18.
Mais ces résultats sont le fruit de douze années de construction, d’économies et de
sacrifices. Il a fallu connaitre l’échec avant de construire les fondations d’un modèle durable.
Tout est finalement parti d’un trop fort syndrome de confiance en soi. Dans les années 1990,
l’Allemagne était l’équipe à ne pas croiser. Dure sur l’homme, la défense allemande faisait
des ravages dans le monde entier. Et pourquoi changer une équipe qui gagne ?
33
Arrivée à l’Euro 2000 avec une équipe vieillissante, la Mannschaft crée la sensation en se
faisant éliminer au premier tour. «La Ligue et les clubs ont réalisé qu'il était vital de se
projeter plus loin que le prochain match de l'équipe nationale et plus loin que les prochains
matchs de championnat. Le bon développement de la Bundesliga et de la Mannschaft n'est
pas aléatoire. C'est le résultat d'un travail de douze ans qui doit être poursuivi». Christian
Seifert, PDG de la Ligue allemande de football (DFL), n’oublie pas de quelles bases le
modèle allemand est parti.
Mais des crises sportives, toutes les nations en connaissent. Même pour une nation
footballistique telle que l’Allemagne, cela n’appelle pas forcément à une réforme en
profondeur du système en place. Sauf que cette crise sportive s’est couplée avec une crise
économique en 2002 qui a bien failli faire disparaitre la Bundesliga. En effet, le groupe média
Kirch a fait faillite deux ans après l’Euro, ce qui représentait une baisse de 30% des revenus
pour la Fédération et les clubs.
On peut comparer cette situation avec ce qui a failli se produire la saison dernière en France si
BeInSport n’était pas entré en concurrence au niveau des droits télévisés. Nous sommes
depuis bon nombre d’années en crise sportive. Doit-on attendre une telle crise pour enfin
réagir et changer de modèle économique ?
Si l’on en revient à l’Allemagne, on observe que les années qui ont suivi cette crise ont
été marquées par la rigueur budgétaire. Le principe était simple et aura comme une sonorité
familière : on ne dépense pas plus d’argent que l’on en gagne. Une sorte de Fair-play financier
avant l’heure. Cela entraine alors de nombreuses mesures prises par la Ligue et les clubs afin
de se tenir à cette règle. On parlera notamment de la formation ou du développement des
recettes jour de match.
Ce qu’il faut savoir c’est que chaque début de saison, la DFL impose un examen des bilans
des clubs allemands par des cabinets d’audit, tout cela dans le but de prouver qu’ils seront
financièrement capables d’aller au bout de la saison. Cela de posé, nous pouvons maintenant
nous intéresser plus en détails au modèle économique développé par les allemands.
 Explication du modèle économique
Comme nous le répétons depuis le début de ce mémoire, il est important, voir nécessaire,
pour les clubs de football français de diversifier leurs sources de revenus afin de ne pas être
sur-dépendants d’une seule source qui s’avère souvent être la plus instable : les droits TV.
L’Allemagne a trouvé le bon équilibre, la bonne recette pour des finances équilibrées. Un
« quatre-quarts » à l’allemande, comme nous pourrions le nommer : 21% de billetterie, 27%
de droits TV, 27% de sponsoring et 25% de recettes venant des ventes de joueurs et produits
dérivés.
Ajoutons à cette diversification des sources de revenus une gestion drastique des dépenses, et
surtout de la masse salariale. Dans le football plus qu’ailleurs, les salaires de joueurs
représentent un gouffre financier pour les clubs. En France par exemple, les salaires des
joueurs représentent environ 70% du budget des clubs, contre 50% en Allemagne. Nous
34
verrons plus bas que ces économies permettent aux clubs allemands d’investir dans d’autres
secteurs vitaux, comme par exemple la formation.
En plus de cette gestion modèle économique, l’Allemagne excelle également dans tous
les autres domaines de la gestion d’un club de football :
« À première vue, la Bundesliga réunit toutes les forces des championnats européens.
Comme en Angleterre, les stades regorgent de spectateurs ; comme en Espagne, le jeu
est plaisant et offensif ; comme en France, la formation est reconnue. Sauf que le
modèle allemand innove, évitant les écueils de ses voisins : l'assise populaire
demeure, les transferts ne sont pas mirobolants, l'endettement est quasi inexistant et
les jeunes formés restent au pays pour alimenter la Nationalmannschaft »17
La formation devient en effet un axe majeur de la politique de développement du
football allemand, et cela jusque dans les obligations que doivent remplir les clubs afin de
pouvoir participer au championnat. Chaque club de Bundesliga doit en effet disposer d’un
centre de formation et d’une équipe de jeunes dans chaque catégorie d’âge. Pour aller toujours
plus loin, il existe à partir de l’âge de 16 ans un quota de l’ordre de 12 joueurs susceptibles de
pouvoir intégrer l’équipe nationale. Depuis le début des années 2000, ce sont environ 700
millions d’euros qui ont été investis dans les centres de formation. Des efforts qui payent
aujourd’hui avec un ratio impressionnant de 52,4% des joueurs de Bundesliga formés dans
ces centres.
Cette politique est forcément le démarrage d’un cercle vertueux : développer la formation
permet d’avoir à terme à disposition de bons joueurs n’exigeants pas un salaire énorme, ce qui
permet d’avoir des finances équilibrées et de réinvestir dans le développement du club, que ce
soit à nouveau en formation, dans le recrutement d’un ou de deux joueurs internationaux, ou
encore dans le développement des services proposés aux fans, c'est-à-dire de l’entertainment.
 L’entertainment à l’allemande
Tout comme en Angleterre, le football est une véritable religion en Allemagne. Les clubs
peuvent compter sur la ferveur et la présence de leur public même dans les moments
difficiles. Ce n’est pas pour rien que le championnat allemand est en tête au niveau de
l’affluence de match moyenne avec une moyenne de 40 000 spectateurs, soit 25% de mieux
qu’en Angleterre.
En France, il n’est même pas possible de penser pouvoir atteindre une telle moyenne, tout
simplement parce que nous n’avons que trop peu de stades permettant d’accueillir 40 000
personnes. En Allemagne, ce ne sont pas moins de 9 stades qui proposent une capacité
dépassant les 50 000 places.
17
Le point.fr, L’Allemagne, modèle (aussi) pour le football, 2012
35
L’Allemagne a tiré un profit maximal de sa Coupe du Monde en 2006 et s’est dotée
d’un parc de stade nouvelle génération. Sièges confortables et à l’abri des intempéries, facilité
d’accès, connexion,… autant d’améliorations qui rendent la sortie sportive envisageable pour
les familles en entier.
Bien sur, il aura fallu une Coupe du Monde pour voir de gros investissements au niveau des
infrastructures. En France, nous avons l’Euro 2016, mais nous pouvons dès aujourd’hui voir
que les instances n’ont pas joué la carte du développement aussi profondément qu’ont pu le
faire les allemands.
Et pourtant, cela paye. Si vous additionnez une gestion budgétaire saine à des infrastructures
qui donnent envie de s’y rendre, vous arrivez, comme en Allemagne, à rendre le football
populaire et accessible. Contrairement aux clubs anglais qui comptent sur de grosses recettes
billetterie pour assurer l’argent dépensé en transferts, les allemands peuvent se permettre de
proposer des prix très attractifs, permettant à toute la famille de venir voir un match.
Cela nous fait arriver au concept de transfert de chiffre d’affaire. Comme le billet n’est
pas cher, les spectateurs vont venir et vouloir consommer dans le stade. Et ca, les allemands
l’ont bien compris : pas de petit stand à la sauvette avec quelques écharpes comme en France,
ou de buvette dont la file d’attente, les prix et la qualité des produits découragent les plus
téméraires. L’Allemagne a compris que pour simplement espérer vendre pendant les matches
et créer un esprit festif et communautaire, il fallait une offre qui tienne la route.
Quelle équipe en France peut se targuer de proposer un magasin de produits dérivés de
1000m² à l’intérieur même du stade ? Le Bayern de Munich lui, peut.
On en arrive au constat qu’en Allemagne, un spectateur dépense en moyenne plus de 10 euros
un jour de match alors qu’en France la moyenne est à 1,5 euros.
Reprenons plus en détails l’exemple du Bayern de Munich, qui peut se vanter de
posséder l’un des stades les plus aboutis en termes d’accueil du spectateur. Chaque partie du
stade a été conçue pour un type de spectateur. Une segmentation savamment étudiée en
fonction de la typologie de spectateurs, et qui fait que depuis 2007, tous les matchs à domicile
affichent complet, et l’énorme majorité des places vendues à domicile sont des abonnements.
L’accueil est tel qu’il existe une liste de plusieurs années pour pouvoir espérer réserver l’une
des 106 loges que compte le stade.
Concernant la consommation, le spectateur se sent à la maison ; bière, bretzels, saucisses,
qu’il est possible d’acheter en rechargeant une carte d’abonnement directement sur internet ou
grâce à des bornes dédiées dans le stade. Cela abouti à une facilitation de la gestion des
buvettes dans le stade, et donc de même à une facilitation de l’achat pour le spectateur.
Les partenaires ne sont pas en reste et participent à l’esprit festif présent dans le stade ;
Paulaner, la célèbre marque de bière bavaroise et partenaire du club, a installé une brasserie
dans un endroit stratégique de l’Allianz Arena ; l’espace est situé au niveau de la tribune
principale, accessoirement aussi endroit de départ des visites du stade organisées plus de 20
fois par jour. Et pour finir sur une petite anecdote, il est possible de venir fêter son
anniversaire à l’Allianz Arena et, chose impossible en d’autres circonstances, on vous offre le
droit de fouler la pelouse. Une expérience sportive comme il en faudrait plus.
36
En plus de ces infrastructures qui invitent à la fête du sport, c’est cette fois-ci la
règlementation allemande même qui permet d’investir encore plus le supporter vis-à-vis de
son club. En effet, pour préserver l’identité de ses clubs, la DFL a instauré la règle du
« 50+1 » ; 51% d’un club doit être détenu par ses membres. De fait, des scénarios tels que
celui du PSG, de Monaco, ou des clubs anglais ne pourra jamais arriver en Allemagne. Le
principe interdit en effet à tout investisseur extérieur de détenir la majorité des parts du club,
sauf s’il détient des actions depuis plus de 20 ans. Une gestion modèle par des acteurs connus
et pour la plupart locaux.
Le modèle allemand serait donc un modèle exemplaire sur lequel il serait bon de
s’inspirer aujourd’hui, aussi bien en termes de gestion économique que d’entertainment. Mais
cela n’arrivera pas tout de suite, comme nous le démontre Monsieur Roland Louvet, expert en
organisation d’évènements internationaux, lors d’un entretien qu’il nous a accordé :
« La différence entre l’Allemagne et la France, c’est que l’Allemagne est déjà à ce
stade. Dans un stade : papa, maman et les enfants se déplacent.
Ce qui revient à ce que je vous ai dit au début. Ce n’est pas la billetterie qui est
importante, c’est juste une équation…ce qui compte c’est MONEY TALK.
Qu’est ce qui arrive quand on a une famille en Allemagne qui se déplace. Maman va
dépenser des sous pour mettre bébé en garderie dans le stade, qui n’existe pas en
France puisque c’est monsieur qui se déplace tout seul. Petit garçon va dépenser 10$
-15$ dans les flippers, dans les machines à sous ou autres jeux à pièces, parce qu’il
aime ça ! N’existe pas en France…
Il reste papa. Papa en Allemagne il va consommer sa bière…dans les gradins…mais
papa en France ne peut pas. Pour des raisons de sécurité on ne va pas autoriser ça.
Parce qu’il pourrait la jeter sur l’arbitre. Ca s’est déjà vu ! »18
Nous avons donc avec ces deux premiers grands thèmes observés le monde de
l’entertainment tel qu’il est aujourd’hui. Il est maintenant temps de mettre à profit ces
informations afin d’étudier ce qu’il pourrait être fait en France.
III. La mise en place d’une stratégie entertainment
dans le football français.
Grâce à ces modèles, nous avons vu que l’entertainement et le développement de
stratégies et de modèles intégrant de manière cohérente cette notion est possible. Alors
pourquoi pas en France ?
Nous verrons dans cette partie qu’il ne suffit pas de prendre un modèle et de l’appliquer tel
quel au championnat français. Bien qu’il soit possible de profiter de l’expérience d’autres
18
Annexe 2 Interview de Roland Louvet
37
championnats qui ont réussi à cet égard, il est aujourd’hui impensable de faire un simple
copier-coller et espérer que cela fonctionne pour les clubs de l’élite française.
Il existe beaucoup d’éléments inhérents à la France, de par son histoire, sa politique, son ADN
et sa mentalité qui empêchent le développement d’un modèle d’entertainment comme on peut
le voir opérer dans d’autres championnats (A). Néanmoins, bien que nous allons voir la
gravité des freins au développement de l’entertainment en France, il faut relativiser et prendre
en exemple certaines activations réussies dans d’autres sports, certains succès isolées qui
montre que l’avenir d’un modèle entertainment est en marche et qu’il faut s’appuyer sur ces
efforts pour faire progresser, à son rythme ce modèle (B).
Enfin, en vue de ce que nous aurons analysé dans cette partie mais aussi par rapport à tout ce
que nous avons pu rapporter dans ce travail de recherche, nous essayerons d’émettre des
recommandations cohérentes afin de développer un modèle d’entertainment stable, sain et
propre à la France et dont tous les acteurs du sports bénéficieront (C).
A. Des difficultés propres à la France ne favorisant pas
le changement
La France est un pays particulier en termes de sport, où la politique à toujours pris une grande
place dans la gestion de ce dernier. Nous verrons ici que certains éléments politiques rendent
difficile le développement sain de l’entertainment en France (1).
De plus, son ADN et son histoire font que le changement de mœurs et de valeurs autour d’une
évolution vers le sport Business est compliquée (2).
1.
Politique et conflits d’intérêts
Nous parlerons ici de la résistance au changement, à tout ce qui est business/show dans le
sport. En France, nous sommes encore trop puristes dans l’émotion, alors qu’aujourd’hui le
sport se doit de devenir un business comme les autres pour survivre et évoluer. Mais cela est
plus facile à dire qu’à faire.
Comme expliqué précédemment, les clubs de football français se sont massivement appuyés
sur les recettes des droits TV pour se développer. Mais tout aussi grave qu’une trop grande
dépendance à ces droits est le fait que les autres secteurs d’activités ne furent pas développés,
d’autres aspects externes au problème de la gestion des clubs posent les bases d’un retard
conséquent du championnat français comparé à ses homologues.
L’un des plus gros freins en termes de vision et perception du sport en France est la
différence entre sport passion et sport business.
Cette différence est propre encore une fois à l’évolution historique du football en France. Le
modèle anglais que beaucoup n’hésitent pas à mettre en avant comme le meilleur modèle
européen et le modèle à copier a été construit dans le temps.
38
Le modèle anglo-saxon est arrivé avec des « financiers qui ont voulu faire de la plus-value
financière et immobilière » comme l’explique Roland Louvet, Directeur des études chez
Experstade et expert des modèles de développement des modèles sportifs. Les économistes
anglais ont tout de suite compris l’opportunité de maximiser les profits sur les enceintes
sportives. « Ils ont tout de suite associé le sport à de la plus-value immobilière des 1870. Le
sport a une microéconomie, basé sur le modèle marginaliste qui est un modèle qu’on retrouve
sur les marchés qui ont moins de 1% du PIB »
A partir de là, il était évident que le développement des structures ne pouvait être que
favorable au développement de mentalités commerciales et business. Ainsi, la valeur du
business est intégrée dans la façon de travailler autour du sport depuis 1870.
En 1870, pendant que le modèle anglais faisait ses premiers pas vers un développement
business sans égal, les valeurs du sport en France n’étaient pas du tout les mêmes. « En 1970,
au même moment ou l’Angleterre développait cette économie du sport, économie
marginaliste, liée à une économie de marché régulée, biaisée et entendue comme telle […] en
France en 1870, notre ADN s’appelait Pierre De Coubertin ».
Ainsi pendant que l’Angleterre développait un modèle commercial, nous nous
encrions dans des valeurs très « sport responsable ». Ce qui est intéressant et juste de noter
par rapport à la théorie de Mr. Louvet, c’est qu’il existe deux marchés. Le marché amont et le
marché aval.
Le marché naturel : marché dans lequel il existe une demande du consommateur pour
des activités sport responsable, la pratique du sport dans son essence. Dans ce contexte l’offre
se caractérise par Les clubs, les associations sportives,… C’est un marché des ménages, lié
aux particuliers.
Le second marché : Quand un club, une fédération, ou de grands organismes comme la Fifa
où le CIO cèdent les droits à la télévision, à ce moment-là se crée le second marché, beaucoup
plus immatériel et qui est surtout 9 fois supérieur au premier marché.
L’expression ludique du sport s’est installée progressivement en Angleterre et le second
marché s’est développé de manière naturelle. La France est restée basée sur ses acquis et n’a
fait qu’accepter le développement du second marché sans vraiment en tirer profit.
Ce qui est important de noter c’est qu’en France, le sport est régulé par la politique.
Pourtant il est difficile de concevoir un modèle de développement sain et dédié au bien-être et
à l’expression du sport si ce dernier est contrôlé par les pouvoirs politiques.
Roland Louvet va plus loin dans ce sens et estime que, pour preuve, la France a été
maladroite « depuis la coupe du monde 98. Un marché ne peut pas être régulé par les
politiques. Depuis que nous avons préparé la candidature puis l’organisation de la coupe du
monde 98 nous n’avons pas cessé de légiférer de façon à préparer le terrain commercial
sportif à l’arrivée de nouvelles pratiques anglo-saxonnes.
Malheureusement, on ne peut pas imposer aux utilisateurs du premier marché une expression
ludique [à l’anglaise] du sport » telle quelle.
39
En France, nous avons un système assez inédit dans l’organisation du sport. L’Etat a
en effet encore beaucoup trop d’influence sur la politique sportive française, et la valse des
gouvernements ne permet pas à celle-ci d’évoluer.
Selon le chercheur allemand Arnd Krüger « On ne peut séparer sport et politique, car le sport
a toujours été et reste un phénomène de société. Il s’est en outre mis clairement depuis
l’origine au service de la politique ». Dans cette phrase, ce chercheur explique bien qu’il y
aura toujours un lien important entre sport et politique.
Comme le dispose l’article L100-1 du Code du sport : « Les activités physiques et
sportives constituent un élément important de l'éducation, de la culture, de l'intégration et de
la vie sociale. Elles contribuent notamment à la lutte contre l'échec scolaire et à la réduction
des inégalités sociales et culturelles, ainsi qu'à la santé. La promotion et le développement
des activités physiques et sportives pour tous, notamment pour les personnes handicapées,
sont d'intérêt général ». Voici comment est défini le sport en France et il est donc logique que
l’Etat essaye de garder une main mise sur cet élément stratégique. D’ailleurs, il est intéressant
de noter que la première chose que font les athlètes revenant en France de campagnes
internationales (JO, Coupe du Monde…) c’est d’aller visiter le chef d’Etat.
Le problème est que l’Etat, ayant une vision générale et éducative du sport, ne va pas
dans le sens de la partie professionnelle de celui-ci. Il n’agit pas toujours pour le bien des
entités sportives et certains points parfois non spécifiques à la régulation sportive entrainent
un ralentissement de la croissance des clubs français à plusieurs niveaux.
Premier constat : est-t-il normal de voir que pendant que le sport en France représente
2% du PIB seulement 0,02% du budget de l’Etat est réservé à ce dernier ?
Bien que cela date légèrement, on peut citer l’intervention du président de la Fédération
française d’athlétisme en 2008 ; Bernard Amsalem a en effet levé un débat toujours cohérent
et d’actualité quant à la logique et la manière de procéder en France. Partant du constat que
« l’Etat n’a plus d’argent et ne souhaite pas en dépenser pour le sport », M. Amsalem a
avancé l’idée que les fédérations « garantes d’un véritable service public du sport »19 puissent
tenir un rôle plus important et que notamment les collectivités territoriales intègrent la
gouvernance du sport. Mais c’est le grand paradoxe. Bien que l’Etat ne favorise pas toujours
le sport, il souhaite garder une emprise maximale sur cet outil fort.
On peut observer cette tendance grâce a plusieurs exemple clés qui font que l’Etat ne joue pas
forcement dans le sens d’un accroissement de compétitivité et de décomplexions du sport en
France.
 Le Partenariat-Public-Privé
Le problème remonte déjà. A l’aube de la création des stades pour la Coupe du Monde
1998 organisée en France, le gouvernement français a imposé aux municipalités de changer
19
Article paru dans Le Monde « Le modèle sportif français à bout de souffle, par Bernard Alsalem », 2008.
40
les normes des stades et cela a créé un effet particulier et inattendu où les municipalités ont
fait barrage en vue de la création de nouvelles enceintes dans leurs villes.
Ainsi des villes comme Bordeaux ou Marseille n’ont pas profité de cette belle opportunité car
premièrement « les élus ont justifiés qu’il était déraisonnable d’avancer des dépenses
pharaoniques et ensuite les règles leur faisaient penser à de l’Entertainment sauf qu’ on ne
leur a rien expliqué » nous explique encore Mr. Louvet.
Ensuite, « Dans les années 2010, après l’échec de paris 2012 en 2005, Jean François Lamour
a compris qu’on était en retard. Il a mis en place de nouvelles règles de financement qui sont
liées à de l’Entertainment. C’est le PPP »
La définition du contrat de partenariat public privé est un contrat administratif par lequel
« l'Etat ou un établissement public de l'Etat confie à un tiers, pour une période déterminée en
fonction de la durée d'amortissement des investissements ou des modalités de financement
retenues, une mission globale ayant pour objet la construction ou la transformation,
l'entretien, la maintenance, l'exploitation ou la gestion d'ouvrages, d'équipements ou de biens
immatériels nécessaires au service public, ainsi que tout ou partie de leur financement à
l'exception de toute participation au capital. »20
Par la création de ce nouveau modèle, le gouvernement pense pouvoir reprendre et
éviter les erreurs du passé tout en profitant de cela pour recadrer le marché. C’est un modèle
d’entertainment et les énarques pensent ainsi par la même occasion, grâce à l’apport des
parties privés résoudre le problème numéro un des collectivités qui était le coût beaucoup trop
onéreux de la création de ces nouvelles structures.
A ce moment-là, un intérêt croissant d’investisseur est apparu. « Les trois plus gros
constructeurs et seize financiers français ont commencé à se poser des questions sur ce qui
pouvait être fait ou pas. Disney et Universal Studio notamment. »21
Mais très rapidement, Disney, Universal, les sept banques intéressées, et ainsi de suite, se sont
rapidement retirés. En effet ces investisseurs se sont rendu compte que ce projet n’offrait
comme retour sur investissement que l’exploitation une fois le stade construit. Et ce n’était
pas rentable. Seuls les trois constructeurs ont décidé de continuer l’aventure car ils avaient
déjà un retour sur investissement sur la construction des bâtiments.
Ce modèle n’a pas eu l’effet escompté et le scepticisme des investisseurs se concrétise
aujourd’hui avec des exemples comme l’Insep ou le stade du Mans.
« Aujourd’hui, l’Insep, premier modèle sportif en PPP en France : c’est une faillite.
Les seuls qui gagnent de l’argent c’est Vinci, le groupe Accor qui loue le M² et le
groupe Casino qui vend de la nourriture. Le ministère des sport de gagne pas 1
centime, il y a de moins en moins de sportifs qui font des séjours à l’Insep, parce qu’il
y a de plus en plus de fédération qui se rebellent car c’est bien beau l’Entertainment,
le luxe, mais cela a un prix. »22
20
Ordonnance n°2004-559 : Contrats de partenariats, 17 Juin 2004
Annexe 2 Interview de Roland Louvet.
22
Annexe 2 Interview de Roland Louvet.
21
41
Le coût journalier à l’Insep a en effet été multiplié par trois dans certains cas.
Le Mans FC et sa MMArena sont aujourd’hui dans une situation toute aussi compliquée.
Alors pourquoi mettre des choses en place si elles sont automatiquement vouées à
l’échec ?
La création des PPP part d’une bonne intention, mais encore une fois la régulation par le
gouvernement entraine des actions illogiques et qui vont à l’encontre du bon développement
de ces projets.
Il faut qu’il y ait une concordance entre tous les éléments qui peuvent en faire une réussite et
ce n’est pas le cas. Certaines règles et contraintes empêchent ce bon développement et
l’intransigeance de l’Etat rend inconcevable la maturité des idées mises en avant.
Les stratégies CRM sont un très bon exemple de cela. Pour faire de l’Entertainment il
faut connaitre les habitudes d’achats de ses clients. Roland Louvet donne ici un exemple
intéressant.
« J’étais directeur marketing chez Mattel. Ma fonction était de multiplier par 100 mon
chiffre d’affaire. Comme je suis mathématicien, j’ai fait le calcul et j’ai acheté les
bases de données d’American Express pour un million de dollars. Cela peut vous
paraitre cher, mais grâce à cela j’ai fait 37$ millions de chiffre d’affaire.
En France, si je fais la même opération, je vais en prison…Car en France il est
interdit de faire le transfert de la base de données client ».
Pour donner un exemple plus centré sur le sport on peut présenter l’initiative d’Index
Corporation et du club de Grenoble. En 2004, le groupe japonais avait investi massivement
dans le club. Les dirigeants avaient pour objectif de croiser les donner avec des entreprises
comme la société générale ou Décathlon qui n’ont pas pu être mises en place. La commission
nationale de l’informatique et de la liberté (CNIL) « chargée de veiller à ce que
l’informatique soit au service du citoyen et qu’il ne porte atteinte ni à l’identité humaine, ni
aux droits de l’homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques », a
empêché tout développement de stratégies CRM. « On a amené une Rolls Roys à Grenoble »
nous dit encore Mr. Louvet, sans jamais pouvoir utiliser son plein potentiel.
La multiplication d’organismes étatiques et la non flexibilité à l’égard du sport rend
impossible la crédibilité d’un modèle Entertainment aujourd’hui.
Roland Louvet nous explique :
« Chez Mattel, pourquoi j’ai multiplié par 37 le chiffre d’affaire ? Parce que grâce à
American Express je savais quel était le pourcentage des clients qui achetaient des
produits pédagogiques.
Grâce à cela j’ai pu faire des offres sur des produits nichés, spécifiques à des tranches
d’âges que je connaissais de ma propre base de données Mattel. Je savais qu’un
ménage avait acheté une poupée Barbie en 1992 et donc je savais que la petite fille
42
avait 6 ans. Je pouvais imaginer que 2 ans plus tard elle avait 8 ans et comme ses
parents, sur American Express démontraient qu’ils dépensaient plus de 2% de leur
budget familiale dans l’edutainement, eh bien je leur proposais des logiciels pour
apprendre les mathématiques, car à 8 ans, on apprend les mathématiques ! J’avais
plus de 75% de taux de réponse positive parce que j’avais croisé deux données ! »
Pour qu’un modèle d’Entertainment fonctionne il faut des méga bases de données.
Les politiques imposent des règles sans en comprendre le sens. Imposer du PPP et
interdire par la même occasion de croiser les bases de données par la CNIL rend impossible le
développement de l’Entertainment qui est pourtant soit disant le modèle prôné.
Il existe beaucoup d’autres exemples ralentissant le développement du modèle français
parfait.
 La Taxe à 75%
Dernier point négatif en date pour le football en France : l’instauration de la taxation à
75% sur les entreprises pour les salaires dépassant 1 million d’euros annuels, annoncée par le
nouveau gouvernement l’année dernière. Cette loi ne peut que faire peur aux clubs et surtout
aux bons joueurs : ceux-ci sont la première source de beau jeu et donc de spectacle, mais aussi
souvent compris dans ces hauts revenus (sur)taxés.
Il semble difficile selon la Ligue Professionnelle de Football (LFP) de pouvoir faire face à
cette taxe, estimée à plus de 80 millions d’euros par an par la ligue, soit une augmentation de
30% des charges des clubs.
Pour Frédéric Thiriez, président de la LFP, il s’agit d’une « opération perdant-perdant »23
explique-t-il encore dans un article publié fin Juillet 2013 dans le Figaro. Il est facile de
comprendre le désarroi des dirigeants français quand leurs voisins sont taxés par exemple à
14% en Angleterre ou même 2% en Allemagne. En France la taxation était déjà à 31% sur le
salaire moyen de ligue 1. Il semble que dans ce contexte, alors que beaucoup de clubs étaient
déjà dans une situation récessionniste, la seule solution soit de vendre leurs meilleurs joueurs.
23
Article du Figaro « Taxe à 75 % : les clubs de L1 craignent un exode massif », 22 Juillet 2013
43
De plus, un joueur bien payé a tout intérêt à aller voir ailleurs s’il ne veut pas voir son
salaire divisé par 3 !
Certains clubs comme le PSG ou maintenant Monaco peuvent se permettre d’augmenter de
manière impressionnante leur masse salariale pour compenser le manque à gagner des joueurs
grâce à l’apport de leurs actionnaires. Le PSG paye par exemple plus de 90 millions d’euros
par an pour pouvoir payer les 14 ME de salaire de sa star Ibrahimovic.
Ils sont les seuls aujourd’hui à pouvoir contenir ou amener en France les meilleurs joueurs du
monde, capables de produire du beau football pour le plaisir des supporters français. Ainsi, les
clubs sont défavorisés par rapport à leurs voisins qui offrent des législations plus souples. Les
clubs sont impuissants face à ce phénomène alors que déjà, la tentation d’aller voir ailleurs
quand une opportunité se présente est grande chez les joueurs de Ligue 1 et pas toujours pour
de plus beaux projets sportifs.
 Budget alloué au Sport
Alors que le sport en France représente 2% du PIB, seulement 0,02% du budget de l’Etat
est réservé à ce dernier. De plus, cette tendance non valorisante de la place du sport en France
tend à évoluer dans la mauvaise direction. En effet, le budget du programme sport 2013 a été
revu à la baisse par rapport à l’année dernière. Ce dernier est passé de 265 milliards d’euros à
251,7. Enfin, pour absorber le déficit, un report du budget a été opéré et les dotations pour les
grands évènements sportifs internationaux réduite de 30% d’ici 2015.
 La Loi Buffet
La loi Buffet, mise en place en l’an 2000 ne favorise pas non plus le développement du
sport spectacle. En effet, elle limite les subventions des collectivités publiques et interdit toute
aide venant des collectivités territoriales tant que ces dernières n’ont pas légitimement prouvé
qu’elles avaient un but d’intérêt général.
De plus, cette loi entraine une taxation des clubs qui s’illustre par un prélèvement effectué sur
les droits TV et qui s’évalue à plusieurs dizaines de millions d’euros24.
 Le modèle juridique des clubs
Un dernier constat important sur la situation actuelle du football français est à faire sur la
structure financière des clubs. Il existe quatre modèles juridiques mis en place quant à
l’utilisation et l’exploitation des stades : Le contrat de délégation du service public (DSP), Le
bail emphytéotique administratif (bEa), Le contrat de partenariat (PPP), La concession
domaniale.
Le fait que ces systèmes juridiques soient nombreux et parfois complexes tend à
encore plus compliquer les choses. En effet, les acteurs (collectivités locales, clubs et parfois
24
Rapport « Accroitre la compétitivité des clubs de football professionnels français » Eric Besson, 2008.
44
un opérateur extérieur), vont devoir interagir différemment en fonction de chaque modèle.
L’utilisation et l’exploitation de l’enceinte varie d’un modèle à l’autre et on s’aperçoit que
cela mène parfois à une confusion entre les acteurs.
« C’est assez dire que les formules retenues, quelles qu’elles soient, reflètent une situation
hybride, où public et privé cohabitent, sans toujours avoir une claire conscience des
responsabilités respectives des uns et des autres, sans forcément savoir où commence le rôle
du gestionnaire privé et où finissent les fonctions de la collectivité locale. » nous explique un
responsable du rapport « Grand stades » pour l’euro 2016.
Les clubs français ne sont pas propriétaires de leurs stades. En effet, seulement 5% des
clubs professionnels français sont propriétaires uniques de leur enceinte contre 22% en
Europe. Cela peut poser problème car les conflits d’intérêts peuvent exister et qu’un des
acteurs aillent à l’encontre du développement de nouveaux projets, car les retours sur
investissement ne seraient pas forcement en sa faveur.
Il faut que chacun y trouve son compte et cela pose encore plus de problèmes alors qu’il est
déjà difficile de voir clairement les actions mises en place.
Nous avons dressé ici une liste d’exemples, bien entendue non-exhaustive, montrant
que les freins politiques ou intérêts divergeant sont nombreux. L’Etat joue donc un rôle
prépondérant dans la compétitivité et l’attractivité de notre championnat.
Il semble évidant à cet égard que dans le contexte actuel, si les politiciens s’en mêlent,
il sera difficile de mettre en place un modèle d’entertainment viable et cohérent.
De cela on peut comprendre qu’il existe aussi une certaine réticence du point de vue des
mentalités qui peut empêcher le développement d’un système basé sur l’entertainement
comme on l’entend.
2.
Une mentalité, des mœurs et des valeurs empêchant
le développement du sport business
Il y a un avenir si et seulement si le consommateur est prêt. Il n’y a pas d’avenir si le
politique s’en mêle.
Aujourd’hui en France on ne sait pas faire le marketing des atouts classiques de
l’entertainment. Il existe bien des éléments dans certains clubs qui vont vers une vision
entertainment, mais en général cet élément est posé sans intégration, sans adaptation et sans
communication.
A cet égard, Roland Louvet nous demande « Combien de personnes sont au courant qu’à
Levallois il y avait des pompons girls ? Vous êtes au courant vous ? Vous y êtes allé ?
CQFD »
Comme pour les PPP, poser de l’entertainment tel quel ne suffit pas, il faut l’appliquer et le
mettre en place doucement, l’intégrer de manière totale au modèle français.
45
« Il faut essayer de trouver la cascade des comportements qui vont permettre de faire
qu’une opération sportive fonctionne ou pas » nous explique encore Roland Louvet. Cette
théorie, il la tient de Lionel Maltèse, expert en management stratégique des organisations
productrices de spectacles sportifs et de marketing événementiel sportif.
Selon ces théories, et s’appuyant notamment sur des écrits de Dierickx et Cool (1989) sur
L’interconnexion entre les ressources, de Dyer et Singh (1998) sur la perspective relationnelle
des ressources et sur des travaux de Black et Boal (1994) sur l’approche par les ressources, ce
théoricien crédibilise la nécessité de créer un modèle synergique et complet afin de le
solidifier et le rendre plus performant.
Il explique simplement que le modèle anglo-saxon peut fonctionner, si et seulement si
dans les cascades d’évènements, on met en place des ressources de survie qui vont permettre
au marché d’évoluer vers l’Entertainment. Si vous ne mettez pas un certain nombre de verrous
techniques cela ne va pas pouvoir marcher.
Si on ne met pas des niveaux de survie pour éviter les fuites, pour qu’une opération
fonctionne, on ne peut pas initier un nouvel ADN. On ne peut pas forcer les gens à changer de
comportement si on ne leur donne pas toutes les données explicatives pour ce faire.
Car oui, il y a bien un problème d’ADN en France. Si on prend l’exemple de pays comme le
Canada ou les USA, le développement s’est fait de manière naturelle et l’évolution de leur
ADN s’est fait génération après génération. En France, il semble qu’on essaye d’apprendre
aux gens une façon de consommer du jour au lendemain qui ne fait pas encore partie
intégrante à leur culture.
Même si nous avons avancé auparavant qu’il existe une demande croissante pour des
éléments qui tendent vers une expérience entertainment, il est vrai qu’on peut se rendre
compte que tous ne sont pas prêts à accepter les éléments qui régissent un tel modèle.
Il suffit d’observer la réaction de la société actuelle quant au développement de
modèle ayant une ADN portée sport business intégrale. Toutes actions dans ce sens soulèvent
souvent un vent de négativité et de rejet chez les différents acteurs concernés.
En guise d’exemple de l’état d’esprit qui règne en France, il suffit de se rappeler des réactions
des dirigeants français, mais aussi de supporters, quant à l’arrivé des investisseurs qataris au
Paris Saint Germain.
Alors qu’objectivement cette arrivée représente une manne financière providentielle qui, à
long terme, a le potentiel de sauver la Ligue 1 de sa morosité et de son manque de
compétitivité au plan international, les critiques et le scepticisme étaient de mise de manière
récurrente quand on parlait de ce nouveau projet.
En France, il est difficile de voir changer les choses rapidement. La peur de l’inconnue peutêtre…
Néanmoins, si on regarde les clubs aux Royaume-Unis, beaucoup ces 20 dernières années ont
été rachetés à coup de millions par des investisseurs venus du monde entier. Des clubs
pourvus de joueurs du profil de l’attaquant parisien Ibrahimovich, avec des actionnaires du
type des qataris, ils y en a beaucoup et cela ne crée pas autant de remous.
46
Le sport spectacle, étroitement lié au développement sport business, ne doit pas être vu
comme un travestisme ; nous l’avons vu avec le développement d’autres sports et leurs
modifications afin d’être mieux adaptés à la diffusion télévisuelle.
Les évolutions sont perçues comme drastiques et trop rapides. Mais finalement, c’est pour le
bien de tous et il s’avère que les supporters même les plus réticents, finissent souvent par
admettre que les évolutions furent bénéfiques pour eux et pour leur club.
Il faut apprendre à traiter le club comme une entreprise, et au lieu d’essayer de faire
plaisir aux fans à court terme, il faut créer un consensus intelligent et surtout stable qui va
permettre de répondre aux attentes à la fois des dirigeant de clubs, des joueurs, des supporters
et des sponsors sans brusquer le développement.
Alors que toutes les entreprises classiques apprennent ou connaissent déjà leurs clients sur le
bout des doigts, rien n’est fait dans ce sens dans le football français. Il est donc difficile de
savoir s’adapter quand il n’existe aucune visibilité sur les attentes de ses consommateurs.
Croire que les spectateurs ne se rendent au stade que pour l’amour du football et de leur
équipe semble être aujourd’hui une vision dépassée du marché.
Les clubs doivent se motiver afin de ne pas voir s’éparpiller leurs efforts en
développant des stratégies cohérentes. Ainsi, on peut penser au développement de stratégies
de type CRM, qui permettent de créer des bases de données clients intelligentes afin de capter
au mieux les consommateurs et leur potentiel. Cette technique voit le jour tout doucement en
France avec le développement depuis 2009 de technologie CRM dans l’enceinte du Mans FC.
Mais cela reste encore trop maigre face au potentiel et aux bénéfices que cela peut apporter
aux clubs de Ligue 1.
Néanmoins comme nous le répète Monsieur Louvet,
« Il faut comprendre que l’histoire prend une grande place dans le développement
d’un modèle basé sur l’entertainment. On ne peut pas le placarder et espérer que ça
marche.
Donnons-nous, comme pour de grands évènements, une période de 10 ans. Et
d’ailleurs je pense que les deux domaines sont assez proches et assez liés. C’est-à-dire
qu’aujourd’hui il y a trop d’ambush sociétale en France pour développer
l’entertainment […] Tant que l’évènement n’est pas un objet festif consensuel, et n’est
qu’un objet de commerce et de négociation, on n’arrivera pas en France à faire de
l’edutainement »
Nous nous rendons compte ici que le rapport Team Stadia sur lequel nous nous
sommes largement appuyés donne des pistes positives sur le développement d’un modèle
d’entertainement. Néanmoins, il va falloir être soucieux de bien intégrer tous les éléments
d’un modèle d’entertainment total, tout en comprenant les facteurs externes pour ne pas
rencontrer un échec.
Cela ne veut pas dire que des actions ne doivent pas être mises en place à court terme afin
d’intégrer petit à petite cette valeur d’entertainment dans les mœurs et valeurs de la société
française à plus grande échelle. En effet, en opérant de manière intelligente, en marketant de
47
manière performante et en communiquant de manière raisonnable, il est possible de mettre
des choses en place, en faire des succès à échelle locale voir nationale et faire que
l’assimilation des valeurs sport business se fasse de manière naturelle et pas coercitive.
Il existe une demande viable sur laquelle il est possible de s’appuyer. Néanmoins il va
falloir la travailler pour en augmenter la dimension et la rendre structurellement attachée aux
valeurs de l’Entertainment. De plus, il existe aussi d’ores et déjà des leviers de développement
présents en France, ainsi que des idées que nous pouvons prendre d’autres pays afin de
construire une base solide pour le développement de l’entertainment.
B. Des actions isolées laissant entrevoir des leviers de
développement.
Il existe beaucoup d’exemples qui convergent vers une évolution de l’Entertainment. On
peut observer des efforts faits dans certains clubs, dans certains autres sports aussi, sur
lesquels les clubs de football élites français peuvent clairement s’appuyer. Nous allons ici
donner des exemples de ces actions cohérentes, facilement applicables et venues de l’étranger
(1), pour ensuite nous concentrer sur la France et démontrer que l’entertainment, à travers des
actions isolées dans plusieurs sports différents, est déjà présent et ne demande qu’à être
développé (2).
1.
Des stratégies étrangères sources d’inspiration.
Dans le football d’abord, puisque c’est le thème abordé dans ce travail de recherche, les
clubs s’activent de plus en plus pour se développer. Ils agissent dans l’ombre et ce ne sont en
général pas de grands changements à base de strass et paillettes, mais bien la mise en place de
stratégies cohérentes pouvant potentiellement améliorer l’expérience du consommateur. Nous
avons sélectionné quelques exemples qui nous semblent aujourd’hui nécessaires dans une
stratégie de développement de l’entertainment.
 La technologie. Le Real Madrid : Un stade connecté
Le stade de Bernabeu, enceinte sportive de l’équipe du Real Madrid, est aujourd’hui une
enceinte au top de la technologie.
Aujourd’hui des entreprises comme Cisco exposent les faits : En 2016, 71% du trafic sera
consacré à la vidéo, et plus de 10 milliards d’équipements internet sur mobiles seront en
service, comme nous l’explique le dernier rapport de la compagnie25.
25
Cisco VNI Forecast Results, 2011
48
On peut ici observer l’évolution prévue pour les quatre années à venir. Le chiffre pour
l’Europe de l’Ouest n’est pas aussi significatif que pour d’autres zones comme l’Asie
pacifique ou l’Amérique du Nord, mais il s’agit quand même d’une nette évolution non
négligeable et qui va forcément devoir entrainer des modifications en termes de
consommation et d’utilisation des nouvelles technologies.
A partir de ces prévisions, la compagnie américaine s’est consacrée au développement
et à la mise en place de procédés pour que les gens puissent accéder aux services internet
voulus. Cela, les clubs ne peuvent l’ignorer et Cisco propose d’ailleurs depuis peu une
solution de couverture internet en wifi de haute qualité et densité afin de pouvoir couvrir les
connexions de tout utilisateur étant à l’intérieur d’une enceinte sportive, grâce à la technologie
« Stadium Vision Mobile ». L’arène des Brooklyn Nets aux Etats Unis en est déjà équipée, ce
qui ne surprend pas, mais ce qui est intéressant c’est que certaines enceintes européennes
comme celle du Real Madrid le soient aussi.
Depuis 2011, le club mythique espagnol a su faire de son stade une des arènes les plus
avancées technologiquement au monde.
La technologie développée par Cisco permet en effet aux spectateurs internautes de recevoir
des vidéos, consulter des données dans un temps record. Cette connexion haut débit peut
supporter le trafic de dizaines de milliers de personnes en même temps sans que le temps de
téléchargement en soit affecté.
Ce qui est vraiment intéressant en plus de la connexion haut débit, c’est l’application et les
supports développés pour les supporters. « Chacun peut décider de suivre l’évolution d’un
joueur en particulier, de sélectionner un angle de vue favori, de suivre un autre évènement
dans un autre lieu en direct, d’accéder à du contenu privilégié à la demande où bien même de
revoir des séquences de jeu » explique-t-on chez Cisco.
Cela permet de créer une véritable interactivité avec les fans et répondre à ce manque de
contenu ressenti par ceux qui viennent aux stades et qui ont l’impression qu’ils sont ceux qui
sont finalement le moins au courant, comme expliqué auparavant. Enrique Uriel, DSI du club
49
madrilène, renchéri à ce sujet et estime qu’il est important de répondre à une demande de plus
en plus forte à ce niveau pour les supporters :
« Nous cherchons continuellement à développer une technologie et une sécurité de
pointe pour offrir aux fans une expérience unique. Une fois que les solutions Wi-Fi
Connected Stadium et Stadium Vison seront opérationnelles au sein du stade Santiago
Bernabéu, le club du Real Madrid élèvera l’expérience des fans […] Nous sommes
ravis de pouvoir proposer un environnement de jeu plus personnalisé, et d’offrir aux
fans de nouvelles possibilités d’interagir et de partager leurs expériences via leurs
téléphones portables ».26
Cet exemple est une belle opportunité à la fois de répondre à une demande concrète et
de se donner les outils pour renforcer, voir créer ce sentiment de communauté qui permettra
de captiver et fidéliser les fans.
Aujourd’hui, Cisco est en discussion avec certains clubs de l’hexagone pour voir s’il est
possible d’y installer son système. Même si cette technologie peut couter cher à installer en
vue de son prix intrinsèque estimé entre 1 et 2 millions de dollars, la capacité de retour sur
investissement et de produire des revenus additionnels devrait rapidement pousser les clubs
français à faire le pas.
En effet dans un premier temps et comme l’explique justement David Holland, Directeur et
vice-président de Cisco Sport & Entertainment « Une mise à niveau Stadium Vision Mobile
pourrait coûter aux exploitants d’installations sportives entre 1 million et 2 millions de
dollars [mais] ce n’est pas un investissement prohibitif au regard des sources de revenus
qu’elle peut générer »27, ni au regard des sommes dépensées dans d’autres secteurs comme le
recrutement par exemple.
De plus, Stadium Mobile donne la possibilité aux responsables d’infrastructures de diffuser
des messages publicitaires et donc la possibilité de créer des offres ciblées pour chaque
spectateur connecté.
Cisco offre un nouveau mode de communication et de lien avec ces supporters, personnalisé
et interactif permettant de réellement bonifier l’expérience globale du supporter durant la
rencontre.
Bien que nous ayons parlé ici de Cisco, il existe d’autres compagnies capables de
proposer des solutions similaires à l’intérieur de nos frontières.
Orange a développé sa propre technologie NFC qui a d’ailleurs déjà été mise en place dans le
Stade de France afin d’améliorer l’expérience du consommateur au sein du stade.
Cette technologie n’est pas tout à fait similaire à celle conçue par Cisco ; la technologie NFC
permet d’utiliser leur device comme outil pour se déplacer plus simplement et payer plus
rapidement.
Néanmoins, il semble que l’arrivée de Cisco risque de venir concurrencer très fortement la
compagnie française qui comptait équiper les stades en vue de l’Euro 2016. En effet, dans le
26
27
Sport Statégie n° 282 : « Un stade branché pour les supporters du Real », Decembre 2011
Sport Stratégie n° 332 : « Cisco équipe les stades en haut débit », 2012
50
cas de l’enceinte des Brooklyn Nets, cela va même jusqu’à la possibilité de pouvoir
commander de la nourriture et de la récupérer une fois prête au stand dans une file dédiée. La
technologie est donc prête à offrir un panel d’applications dédiées et aptes à répondre à
chaque besoin des clients.
 Les infrastructures
Nous avons déjà bien fait le tour des lacunes des stades français. Il est maintenant temps
de voir ce qu’il est possible de faire et de mettre en place pour répondre à ce déficit, donner
des exemples intelligemment conçus dans cette optique n’est que plus facile.
La Veltins Arena : stade situé à Gelsenkirchen et rénové pour la coupe du monde 2006
en Allemagne. Ce stade perçu comme la référence parmi le parc allemand avec l’Allianz
Arena dont nous parlions plus tôt, possède : une capacité de 61 000 places, 72 loges VIP, une
aire de jeu amovible et un toit rétractable en seulement 30 minutes.
Cette arène transformable permet d’organiser d’autres évènements pendant l’année que les
simples rencontres de football. Compétitions de sport d’hiver (ski de fond), concerts et salons
sont par exemple d’autres alternatives et sources de revenus additionnelles qui crédibilisent
encore plus l’intérêt d’une telle enceinte.
Ce type d’enceinte permet de créer une atmosphère idéale pour le consommateur/supporter
présent au stade. En effet, cela permet déjà de créer une ambiance intimiste et d’ajouter du
confort, surtout quand les données météorologiques sont cruciales dans le choix d’aller au
stade ou non pour les fans. En effet l’étude de l’UCPF révèle que la météo est une des trois
raisons majeurs qui éloigne les clients du stade (39%).
La France a pris conscience de l’importance d’avoir une enceinte compétitive moderne
et bien pensée et des revenus que celle-ci peut dégager. Les collectivités aussi ont compris
l’intérêt du développement de nouvelles structures. Avec l’arrivée de l’Euro 2016 en France
des projets sont en cours et le parc français va, de manière partielle, rattraper son retard sur
d’autres championnats qui ont su faire leurs devoirs comme la Suisse ou le Portugal.
Encore rien à voir avec les Etats-Unis, où 25 des 32 franchises NFL ont changé d’enceinte en
moins de 15 ans, mais cela reste une nette amélioration.
Il ne faudra néanmoins pas s’arrêter la et s’appuyer seulement sur l’enceinte comme on a déjà
pu le voir et développer des stratégies pour réellement en faire des lieux de vie.
 Arsenal : Service d’échange de billets
Il est toujours plus facile et moins couteux de retenir un client que d’en créer un. Cela, les
franchises américaines l’ont compris et les anglais aussi. Il est donc primordial de créer une
valeur ajoutée pour ces clients « préférés » et leur proposer des services qui vont aider à les
retenir.
Certaines applications de ces valeurs se dessinent dans certains clubs désireux, à juste titre, de
conserver cette base de fans.
51
Arsenal par exemple, dans sa nouvelle enceinte flambant neuve de l’Emirates Stadium, met
toutes les cartes de son côté pour faire plaisir à ses abonnés.
Ainsi, le club a créé un centre de transfert de billets pour améliorer ses services de billetterie
pour la saison 2013/2014. Cela permettra aux abonnés (seulement ceux abonnés toute la
saison) de léguer leur billet à un proche en cas d’indisponibilité. Ticket Transfert permet donc
de maximiser le taux de remplissage lors d’un match et donc de favoriser la chance de
consommation autours du stade pour une place qui, de toute façon a déjà été payée au club.
Dans l’autre sens, cela peut permettre aux abonnés de ne pas se sentir lésés quant à non
utilisation de ce ticket et de faire plaisir à un proche.
2.
Des leviers de développement présents en France
Dire qu’en France nous n’avons aucune notion ni aucun évènement intégrant
l’entertainement serait pousser trop loin. Il existe, pas forcément dans le football, bon nombre
d’évènements connus dans le monde entier, qui mettent un point d’honneur à innover et
proposer toujours plus de nouveautés et de modernité année après année. Nous avons, sur le
même principe que précédemment, sélectionné plusieurs évènements qui doivent vraiment
constituer la base de travail sur laquelle s’appuyer pour le développement d’une réelle
stratégie entertainment en France.
 Roland Garros et les BNP Paribas Masters de Paris-Bercy
Avec Wimbledon, l’US Open et l’Open d’Australie, Roland Garros est l’un des rendezvous phare de la saison tennistique. Seul tournoi du grand chelem sur terre battue, la
compétition parisienne attire chaque année toujours plus de curieux, connaisseurs ou non,
français ou non. Ayant la particularité d’être la propriété de la Fédération Française de Tennis,
le tournoi représente un modèle du genre en France, de par de nombreux aspects.
Tout d’abord, la « marque » Roland Garros ; La fédération a parfaitement su exploiter les
particularités de ce tournoi afin d’en dégager, in fine, une véritable marque. Tour Eiffel,
couleur de la terre battue, esprit prestigieux du tournoi,… autant de composantes d’une ADN
qui rapporte aujourd’hui gros. L’exemple parfait reste le fameux panama que la moitié du
court central arbore lors des chaudes journées de juin. Celui-ci est vendu pour un prix
avoisinant les 100 euros, mais reste un best seller du tournoi car il représente l’esprit Roland
Garros. On ne compte plus le nombre de produits dérivés estampillés Roland Garros, le
nombre de collaborations, notamment avec le constructeur automobile Peugeot, qui
permettent à la marque de développer son chiffre d’affaire tout au long de l’année.
Si l’on se concentre maintenant sur la manifestation même, la fameuse « quinzaine ».
Nous disions qu’une des stratégies principales de l’entertainment était de développer des
animations à coté du match en lui-même afin de faire venir les spectateurs plus tôt, de les faire
consommer et surtout, de leur proposer une véritable expérience. Sur ce point, Roland Garros
a tout compris avec son village. Rafraichissements, animations, stands des partenaires, tout est
52
présent pour transformer un tournoi de tennis en une grande fête parisienne, « the place to
be », que l’on soit sportif ou non. Cette année, le tournoi a une nouvelle fois innové sur ce
point avec une décentralisation du village place de l’Hôtel de Ville à Paris, afin d’amener
l’esprit Roland Garros au centre même de Paris ; Une terrasse aux couleurs de la terre-battue
fut installée pendant la quinzaine avec un écran géant rediffusant les matchs. De plus, un court
de tennis fut installé dans le prolongement de la terrasse afin de pouvoir échanger quelques
balles. La marque horlogère partenaire du tournoi Longines a même organisé un tournoi pour
les jeunes de moins de 13 ans, baptisé « Longines Future tennis Aces ». Une expérience
Roland Garros vécue en dehors de l’enceinte même.
Concernant enfin les innovations technologiques, Roland Garros s’appuie sur des
partenaires comme Orange afin de proposer chaque année plusieurs nouveautés aux
spectateurs. En effet, nous parlions précédemment du système de paiement sans contact NFC
(Near Field Communication). Cette année et pour la deuxième année consécutive, Orange
propose ce service qui donne aussi accès à de nombreux services, notamment de localisation
dans le stade ou d’informations sur le programme de la journée et des animations proposées.
De plus, Orange a proposé une démonstration de sa nouvelle offre haut débit 4G, qui a permis
à de nombreux spectateurs de regarder les matchs depuis leur téléphone mobile en très haute
qualité.
Autant d’animations et de services qui permettent de faire vivre une véritable expérience
Roland Garros et de pouvoir repartir en disant qu’on a vu et vécu bien plus qu’un simple
match de tennis.
Il en est de même, mais dans une moindre mesure, de l’autre tournoi de tennis parisien
qu’est le BNP Paribas Masters de Paris-Bercy. A l’inverse de Roland Garros, ce tournoi
n’avait à la base pas de véritable signe distinctif qui permettrait de l’identifier clairement dans
le paysage tennistique mondial. Les organisateurs ont donc faits le choix de promouvoir une
véritable cassure entre le chic et le prestige de Roland Garros en marketant un tournoi axé
street et plus populaire. Paris-Bercy, c’est le tournoi jeune et fun par excellence. En 2011,
pour chaque entrée de joueur, le tournoi avait décidé de créer une animation à base d’effets
lumineux et de musique électronique ; l’animation jouait avec les lignes du terrain de tennis,
les illuminant, les déformant, les remplissant. Une belle animation qui est finalement plus
restée dans la tête des gens que le résultat du match qu’ils ont vu par la suite. Des matchs de
tennis comme ceux qu’on peut voir à Bercy, nous en voyons des tas tout au long de l’année.
Des animations telles que celles-ci, non.
On regrettera simplement que cela soit une des seules animations à signaler. L’enceinte de
Paris-Bercy peut être bien plus exploitée, et il est dommage de ne sentir l’ambiance du tournoi
qu’une fois présent dans l’enceinte en elle-même. Il n’y a pas cet esprit que l’on peut
retrouver à Roland Garros.
 Le Tour de France
53
On ne peut parler de grande manifestation française en omettant la légendaire grande
boucle. Plus que tout autre Tour (Giro, Vuelta,…) le Tour de France reste la course cycliste
mythique. En plus de proposer chaque année un spectacle sportif à couper le souffle, entre
ascensions impressionnantes et sprints à l’arrivée, le Tour est aussi un modèle du genre en
matière d’Entertainment.
Nous parlons ici bien entendu de la fameuse caravane du Tour. Les chiffres sont
impressionnants : en 2011, la caravane faisait 12 km et était composée de 160 véhicules, 14
millions d’objets furent distribués aux quelques 12 millions de personnes présentes sur le bord
des routes28.
Une caravane attendue chaque année, pour l’ambiance et surtout les souvenirs. Plus
que la course en elle-même, qui en général ne dure pas plus de quelques minutes quand on se
trouve sur le bord des routes, voir passer la caravane en entier dure parfois plusieurs heures.
Chaque année les partenaires rivalisent d’imagination pour construire le véhicule le plus beau,
drôle et impactant de toute la caravane.
Une expérience que les français sont heureux de revivre chaque année, en famille, entre amis,
sur le bord des routes de France.
C’est sur le Tour de France qu’on prend le plus conscience de l’importance des
Goodies, comme nous en parlions au moment de présenter le modèle américain. Les
spectateurs veulent des souvenirs, quelque chose qui prouvent qu’ils étaient là, qu’ils ont vécu
le Tour de France en direct. Une recette gagnante qui fait du Tour de France l’une des
manifestations les plus appréciées aujourd’hui en France.
 La percée des sports collectifs
Bien que cela ne soit encore que des actions isolées, nous pouvons déceler une prise de
conscience de la part de sports comme le basket et le handball sur l’importance de proposer
plus qu’un simple match. Nous en avons eu l’exemple avec la Leaders Cup de basket qui s’est
déroulée à Disney en début d’année, et en aurons à nouveau l’exemple avec le Hand Star
Game dont la première édition aura lieu en décembre prochain à Paris-Bercy.
Si l’on se concentre pour commencer sur la Leaders Cup, nous pouvons d’ores et déjà saluer
l’imagination de l’organisation qui a eu la bonne idée de conclure un partenariat avec les
parcs Disneyland Paris. Quel évènement sportif pourrait être plus en phase avec le
développement d’une stratégie entertainment qu’une compétition organisée dans l’antre de
l’entertainment, tous univers confondus : les parcs Disney.
Cette Leaders Cup prend la suite de la Semaine des As et prend place dans la Disney Events
Arena, située à l’entrée des parcs Disney.
En plus de se situer dans un environnement loisir et familiale, la Leaders Cup a bénéficié de
tout le savoir faire Disney en termes d’entertainment afin d’animer les rencontres.
28
Site du Tour de France
54
On peut également s’intéresser de plus près aux différentes offres concernant les
billets, où les deux partenaires ont encore une fois bien joué le jeu. La base de l’offre
comprenait, comme en général, un ticket à la journée ou un pack trois jours pour les matchs
de basket, sans réel lien avec Disney. Une bonne initiative pour les fans de baskets
indifférents au fait que la manifestation se déroule à Disneyland.
L’offre intéressante fut celle couplant le pass 3 jours pour la Leaders Cup à 2 jours de parc
Disney. De plus, chaque billet acheté pour la Leaders Cup donne accès à 10% de réduction
sur toutes les consommations du parc Resort.
Une belle façon de coupler sport et parc de loisir, pour une journée entertainment en famille.
Si l’on se tourne maintenant vers le handball et son Hand Star Game (jeu de mot tiré
du All Star Game), on peut analyser son organisation sous un angle différent que celui de la
Leaders Cup. Quand la compétition de basketball jouait la carte de l’émerveillement et de la
diversification d’activités, le Hand Star Game, pour son année de lancement, joue la carte des
réseaux sociaux et de la participation du public. Annoncé plus de 6 mois à l’avance, cet
évènement verra s’affronter les meilleurs joueurs français du championnat de France contre
les meilleurs étrangers. Avec le nouvel attrait qu’offre notre championnat et l’arrivée de
joueurs de classe internationale tels que l’arrière danois Hansen ou le pivot croate Vori au
PSG, un tel évènement est plus que bienvenu et prend tout son sens.
Cet évènement est annoncé comme la grande fête du handball, avec bon nombre
d’animations encadrant les 3 mi-temps de 20 minutes qui composeront le match de gala. Mais
pourquoi annoncer l’évènement si tôt ?
Soucieux de faire de cet évènement celui de tous les sportifs de France, les organisateurs ont
décidé de laisser la composition des équipes en partie au choix du public : de la 1ère à la 7ème
journée de Championnat, le public pourra voter selon la formule suivante : la rédaction du
Journal L’Equipe choisira, après chaque journée, 3 joueurs Français et 3 étrangers. Du lundi
au mercredi sur le site de l’Equipe et du Hand Star Game, les internautes pourront voter pour
désigner son joueur Français et étranger préféré. Les joueurs préférés seront dévoilés le
mercredi soir. A l’issue des 7 premières journées, le joueur français et étranger ayants
recueillis le plus de votes seront automatiquement sélectionnés pour l’évènement. Le reste des
joueurs seront choisis par les médias et par les spécialistes du handball.
Un bel évènement en perspective pour le sport français en général.
 Des animations pour écrans géants
Nous parlions précédemment d’un manque de la part des spectateurs d’animations sur les
écrans géants installés dans les stades. Un problème technologique qui montre à quel point la
France est en retard au niveau de l’entertainment : nous n’arrivons même pas à utiliser à leur
potentiel maximum les éléments que nous possédons déjà.
Nous souhaiterions ici parler du partenariat entre le club de Rugby de Grenoble, présent
en Top 14, et la société Belive Technology. Cette entreprise a développé un programme
simple et intuitif afin de faire vivre de façon ludique les écrans géants :
55
Ce programme propose entres autres de charger des vidéos, très utile pour donner de la
visibilité aux partenaires, de présenter les scores et autres informations de façon plus
esthétique ou encore d’expliquer la faute qui vient d’être sifflée, parfois très utile en rugby.
Le petit plus technologique reste la possibilité avec ce programme de diffuser en direct
pendant le match les tweets des supporters voulant laisser des messages à leur équipe.
Une solution simple permettant d’améliorer significativement l’ambiance dans un stade.
Tous ces exemples permettent de garder espoir quant à un développement futur de
l’entertainment en France, peu importe les résistances culturelles et sociales.
C. Le développement de l’entertainment dans le
football français : recommandations.
En vue de tout ce que nous avons pu mettre en avant et de l’étude du développement de
l’Entertainment en France, nous avons pu nous faire une opinion sur ce dernier. Nous nous
sommes rendus compte qu’il existe un avenir pour l’entertainment mais que cela ne va pas
être si facile à mettre en place que ce que l’on espérait de prime abord. Nous avons lu de
nombreux documents, interrogé plusieurs personnes qui ont chacune soufflé le chaud et le
froid quant à l’avenir de l’entertainment en France.
Nous pensons donc que le développement de l’entertainement est à diviser en deux grandes
phases ; une phase de développement à court/moyen terme, comprenant le coté « fun » et tape
à l’œil de l’entertainment (2), avec en toile de fond une phase axée sur le long terme afin de
construire un modèle durable basé sur des bases solides (1).
1.
La nécessité d’entamer un grand chantier sur le long
terme.
Il existe aujourd’hui de multiples barrières au développement de ce modèle
d’Entertainment que nous envisageons. Nous nous sommes longuement étendus sur les
facteurs politiques et les freins que ces derniers représentaient pour l’Entertainment.
Néanmoins rien n’est de marbre et il est envisageable de voir évoluer les multiples régulations
qui enfreignent aujourd’hui ce développement.
 Politique
Nous avons parlé de la CNIL concernant l’impossibilité en France de croiser les données
afin d’avoir une meilleure connaissance des consommateurs de football dans les stades. Il
existe d’autres organismes étatiques comme l’Argel, prohibant le développement de solution
haut débit dans les stades, car la France désire avoir un contrôle total sur les paris sportifs.
Néanmoins, comme l’explique Rolland Louvet « Les paris seront toujours truqués. Il suffit
d’un millième de seconde » pour réussir à hacker le système. Donc la raison donnée par
56
l’Argel est tout de suite décrédibilisée et ne permet en fait que de bloquer le développement
de solutions haut débit dans les arènes françaises.
« Après, c’est savoir si on est prêt à tolérer ou pas des manifestations mafieuses. C’est
encore une fois un problème politique et de cette centaine de personnes qui contrôlent
le marché. Aujourd’hui donner la possibilité à des Russes, à des Taiwanais, à des
Japonais, à des Américains, à des Canadiens de hacker le marché Français ça ne les
intéresse pas. C’est ça le problème. Mais vous savez, le marché américain est déjà
hacké par les français. Mais ça les américains s’en fiche ».
Roland Louvet
Il faut que les organismes étatiques aient une vision plus globale du marché en
comprenant que permettre une certaine malléabilité par rapport aux règles établies peut être
bénéfique pour le développement de l’économie.
Les législateurs ont déjà autorisé les paris sportifs, il est temps de continuer les efforts et
proposer des solutions afin de garder un certain contrôle tout en permettant le développement
d’un modèle à fort potentiel.
Il serait donc intéressant d’envisager un assouplissement des régulations. Faire qu’il existe
une exception sportive, comme ça a déjà pu être le cas aux USA avec le broadcating act par
exemple, où les lois du marché ont complètement été biaisées.
Nous n’estimons pas qu’il faille en aller jusqu’à cet exemple drastique, mais au moins faire
preuve de souplesse et permettre aux clubs d’être compétitifs et motivés à développer des
stratégies commerciales autours des stades.
Ainsi, comme les législateurs ont pu finalement le faire pour les paris sportifs, il serait
intéressant de voir une modification quant à la régulation des bases de données. Nous avons
fait état de l’importance de développer des stratégies CRM. Il faudrait permettre aux clubs de
pouvoir croiser les données des consommateurs et donc par la même occasion de proposer des
offres adaptées pour les satisfaire.
 CRM
Pour rester sur les stratégies CRM, il est d’ailleurs évident que même dans le contexte
actuel, il est d’abord important pour les clubs de créer leurs propres bases de données avant de
pouvoir envisager de les partager avec n’importe quelle entreprise.
De plus, en y réfléchissant de manière intelligente et comme l’expliquait Josh Kramer
précédemment, ces stratégies peuvent ne pas être très onéreuses si les clubs s’y prennent bien.
En effet, des stratégies de marketing opérationnel peuvent être mises en place afin
d’absorber un maximum d’informations sur les supporters qui se déplacent dans les stades de
chaque club.
Le premier exemple et le plus utilisé dans les ligues américaines reste les jeux concours pour
gagner des articles du club ou des places pour une prochaine rencontre.
On peut ainsi penser à la mise en place d’une urne accompagnée d’un mannequin avec un
maillot dédicacé par tous les joueurs de l’équipe. Les participants devront remplir un
57
formulaire renseignant des informations les concernant et par tirage au sort, une personne sera
élue pour gagner ce maillot.
Cette action est extrêmement peu couteuse pour un club et permet d’accéder rapidement à
beaucoup d’informations concernant le public présent au stade.
On peut penser aussi à d’autres activations parfois plus onéreuses mais qui offrent un bon
retour sur investissement comme le développement d’un Kid’s Club.
L’exemple du Kid’s Club de Saint-Etienne est un modèle du genre.
« Avec l’ASSE Kids’ Club, l’AS Saint Etienne a créé un club de jeunes supporters
entièrement gratuit, réservé aux 6-16 ans, proposant de nombreuses activités tout au
long de l’année. Une première en France dans un club de ligue 1, qui a déjà séduit
plus de 11 500 enfants dans toute la France.
Le Kids’ club, premier site français gratuit de jeunes supporters, autour d’un club de
football, a pour vocation d’inculquer aux enfants les valeurs de respect , d’échange et
de Fair Play, à travers une passion commune: le football » nous explique David
Drahy, Manager à Com’over, une agence de conseil en communication, évènementiel
et partenariat.
Derrière cela les enfants pourront profiter notamment d’activités gratuites comme
accompagner les joueurs professionnels, de tournois ludiques, d’un espace dédié aux enfants
de ce club et plein d’autres animations. Mais ce qui est intéressant, c’est qu’en plus d’être un
produit d’animation et de communication autofinancé par les partenariats et source de
nouveaux revenus car se focalisant sur les parents et les futurs grands supporters du club, ce
procédé permet de consolider la base de données pour le club. En effet, à chaque fois qu’un
enfant se voit être intégré à ce Kid’s Club, les parents doivent renseigner des informations les
concernant afin de valider l’intégration de leur enfant. Ainsi, tout en renforçant le sentiment
de communauté autour du club, ce dernier en profite pour gagner une connaissance sur ces
supporters.
Il existe donc plusieurs procédés qui, si mis en place de façon intelligente et si le club y croit,
peuvent permettre à ce dernier de se développer grâce à ses propres moyens.
Mais voilà, l’un des éléments les plus désolants selon nous, c’est la philosophie prônée par
les clubs de nos jours.
 La philosophie
Aujourd’hui peu de clubs décident de s’investir dans ce type de stratégies, même quand il
y a un retour sur investissement, comme dans le cas des stratégies ayant pour but de se créer
une base de données solide. Alors, quand il s’agit de développer des choses pour créer un
sentiment de communauté, ce qui relève pour certain de quelque chose d’extrêmement
superflu, il est difficile d’imaginer que ce soit différent.
C’est pourtant quelque chose qui semble vital, tout spécialement dans le contexte du
championnat de France qui ne bénéficie pas d’une grande fidélité chez ses supporters. En
58
effet, comme nous l’avons expliqué, les affluences et l’attitude des supporters est
extrêmement lié à l’aléa sportif et fluctue de manière importante si l’équipe gagne ou perd.
Sans parler de l’importance du sentiment de communauté que nous développerons par la
suite, il existe un cercle vicieux qui forcement ne peut guère laisser présager de grands
changements.
A la vue de ce qui a été exposé dans ce mémoire, il serait facile de simplement tomber
dans le scepticisme ambiant. Les affirmations de Roland Louvet quant au modèle actuel
pourraient nous pousser à dire « On laisse tomber » et continuer avec « ce qu’on a » puisque
apparemment, de toute manière, les gens ne seront pas réceptifs.
Ce n’est pas notre point de vue.
Il semble qu’il existe des exemples faciles à mettre en place qui permettront de
montrer au public que le club n’est pas là que pour prendre leur argent. Nous pensons qu’avec
abnégation et obstination il est possible d’inverser la tendance et de lancer ce cercle vertueux
qui nous fait défaut. Mais il faut faire le premier pas !
Si les clubs montrent aux fans qu’ils ont de l’importance, alors cela peut très
vraisemblablement être concrétisé par une expérience positive à tous les niveaux.
Nous n’estimons pas ici que cela puisse se créer du jour au lendemain, bien au contraire.
Quand nous parlons d’abnégation et d’obstination, c’est notamment de ne pas laisser tomber
les efforts consentis si ça ne marche pas dans un premier temps. Il faut croire à un projet et s’y
atteler jour après jour pour que le supporter voit ce qui est fait pour lui et pour que le club
montre que quoi qu’il arrive, quel que soit le sentiment négatif que peut avoir le
consommateur vis-à-vis de son expérience au stade, il ne va pas s’arrêter d’essayer de lui faire
passer un bon moment dans le stade.
Ainsi, au lieu d’avoir un cercle vicieux où le club pense que ‘de toute manière les supporters
ne sont pas réceptifs aux choses que l’on met en place’, qui se suit ensuite par un sentiment de
délaissement chez les supporters qui pensent que ‘de toute façon le club est là simplement
pour prendre notre argent, on nous prend pour des vache à lait’, on passera à un cercle
vertueux où l’on espère entendre ‘nous aimons nos supporters, nous faisons partie d’une
même famille et nous voulons faire des choses pour eux’ chez les dirigeants et une
satisfaction chez le supporter qui ne sentira plus négligé.
Ce changement doit se faire dans la durée avec patience et intelligence mais nous
estimons qu’il est possible, comme ont réussi à le faire les autres championnats, à changer les
mentalités et arriver à un modèle d’entertainment à la française, qui serait tellement plus
attractif que ce que l’on peut observer aujourd’hui.
 Evolution du spectacle sportif
Nous pensons que dans le jeu, il existe des pistes d’évolutions qui pourraient créer plus de
spectacle et créer un intérêt plus grand pour le football français chez les consommateurs de
ces type d’évènements. Comme l’ont fait d’autres sports, le football peut aussi évoluer afin de
devenir plus attractif pour les supporters.
59
Bien qu’il paraisse peu probable d’envisager une ligue fermée comme on peut le voir
actuellement aux Etats-Unis, certaines applications de ce modèle pourraient venir ajouter du
piquant à un championnat qui pour beaucoup d’observateurs et de supporters n’est pas
forcement toujours attractif.
Ainsi, nous envisageons l’instauration de play-offs à la fin de la saison régulière entre les 6
équipes les mieux classées. Dans ce contexte, au lieu d’avoir une équipe qui se retrouve avec
10 voire 15 points d’avance à 3 mois de la fin de la saison, tout reste incertain jusqu’au bout.
Ceci parait pour certain démentiel et inenvisageable dans notre championnat, mais il faut
constater que ça marche. Et même dans le football Européen !
Des championnats comme celui des Pays-Bas ou de la Belgique, qui ne font pas partie du
gotha des championnats en Europe, certes, mais qui restent des championnats relevés, l’ont
déjà adopté.
Ce système permet de relever l’intérêt du championnat et créer plus de spectacle et
d’excitation. Et déjà, potentiellement faire venir plus de spectateurs au stade.
Développer des actions extra-sportives parait aussi être quelque chose sur lequel les
enceintes doivent jouer. Des experts sont de plus en plus dédiés à faire venir des stars et
remplir les stades pour un concert de U2 ou autre Madonna. Grâce à cela, les clubs peuvent
bénéficier d’une manne financière supplémentaire et profiter d’une visibilité non négligeable.
De plus, contrairement aux grandes lignes d’un développement sur le long terme que nous
venons d’expliquer, ce genre d’actions seront applicables dans un avenir beaucoup plus
proche.
2.
Des actions possibles à court et moyen termes.
La partie que nous venons de développer est selon nous la plus importante à mettre en
œuvre, surtout si l’on souhaite construire un modèle solide, durable et bénéfique pour le
football français. Mais en attendant, de nombreuses actions peuvent être développées à court
voir moyen terme afin d’augmenter le confort des spectateurs dans les stades et de
commencer à faire rentrer la notion d’entertainment dans les mœurs. Ce sont des actions plus
ou moins couteuses mais qui auront un rendement quasi-immédiat en termes de qualité de
service.
 Développer l’expérience de match : le levier de l’euro 2016
Nos précédents développements sont souvent revenus sur ce point : la France souffre
d’un énorme retard au niveau des services proposés dans les stades. Non seulement ceux-ci
datent d’une autre époque, mais rien n’est fait pour ne serait-ce qu’améliorer tant soit peu
l’accueil que ceux-ci peuvent encore proposer. La France doit obligatoirement saisir
l’opportunité de l’Euro 2016 pour développer un maximum ses infrastructures.
Obligatoirement, car, comme nous en parlions précédemment, la politique sportive de l’Etat
tend à réduire toutes les dépenses n’allant pas vers le sport pour tous. Passé cet Euro, il sera
60
difficile d’espérer la construction de nouveaux stades, à moins d’une candidature miraculeuse
aux Jeux Olympiques.
Plusieurs stades vont donc êtres construits à l’occasion de l’Euro 2016. Mais si l’on ne
développe pas la bonne stratégie d’exploitation, ces stades deviendront une charge pour leurs
financeurs, peut être même plus lourde que s’ils n’avaient pas été construits. Plusieurs leviers
sont donc à prendre en considération dans le développement d’une stratégie entertainment à
court terme.
Commençons par la base de tout évènement qui se respecte : la restauration.
Aujourd’hui, les offres de restauration proposées dans les stades sont tout sauf attrayantes.
Trop cher, de qualité médiocre, mal organisé, trop long, les spectateurs sont en général de
mauvaise humeur après ce périple à la buvette, ou ne tentent tout simplement même pas le
voyage. Si l’on reprend l’exemple de l’Allianz Arena, de nombreux stands sont installés tout
autour du stade, avec une offre permettant de satisfaire toute la famille : bière, bretzels,
saucisses, mais aussi gaufres, crêpes et autres sucreries. Le tout, en général à des prix
raisonnables et confectionnés par des professionnels de la discipline.
Un club de football n’est pas un restaurateur, tout comme le restaurateur n’est pas un
gestionnaire de club. Il serait bon pour les clubs de football français de conclure des
partenariats avec des sociétés spécialisées dans la restauration rapide et de leur laisser la main
sur des espaces dédiés multipliés. Une solution qui permettrait de gagner en qualité de service
et de contenter les spectateurs. Un comptoir McDonald attirerait certainement plus de monde
que le modèle de buvette que l’on retrouve actuellement dans nos stades. Bien sur, les
comptoirs traditionnels ne doivent pas disparaitre, mais être accompagné d’une offre élargie et
d’une organisation professionnelle.
Si l’on se penche maintenant sur le ticketing ; nous pouvons ici louer les efforts d’ores
et déjà menés par quelques clubs français, qui choisissent d’investir afin d’informatiser tout le
chemin qu’un spectateur parcourt avec son billet, de l’achat au passage des grilles. Nous
pouvons citer le cas du PSG qui développe encore plus cet aspect de la gestion d’un club avec
une nouvelle interface web et des bornes installées au Parc des Princes. Mais cette
informatisation ne doit pas s’arrêter là. Avec les stratégies CRM qui seront développées par
les clubs, il sera nécessaire de développer tout un programme de fidélité afin de conserver les
spectateurs. Cela pourra se matérialiser sous la forme d’une carte de fidélité, avec des
avantages au moment de l’achat des billets, mais aussi et surtout dans la boutique du club et
au niveau des points de restauration. Le principe de recharger un badge et de ne payer qu’avec
lui les consommations faites dans le stade peut être un objectif à atteindre à terme.
Mais plus que le ticketing et la restauration, c’est l’expérience de match qu’il faut dès
maintenant commencer à développer. Cela passera par de nombreuses actions, notamment
l’animation des écrans géants ; les écrans sont présents dans le stade et ne demandent qu’à
prendre vie. Le spectateur présent dans le stade se sent souvent mal informé par rapport à
toutes les technologies et les offres disponibles sur mobile ou tablette. Il lui faut le sentiment
d’être connecté, de vivre quelque chose de plus en se déplaçant au stade. Quoi de plus beau
pour un fan de nouvelles technologies que de voir son tweet d’encouragement défiler et être
61
vu par les 20 000 personnes présentes dans le stade ?! Quoi de mieux pour un novice dans la
discipline qu’un écran qui annonce la faute commise à l’instant devant ses yeux. Nous
parlions de la solution Belive technology, mais il est clair que de nombreuses autres
possibilités se développeront dans le futur.
Les écrans géants ne sont qu’une infime partie de ce que l’on pourrait faire vivre au
spectateur lorsqu’il décide de venir au stade. Et cette expérience commence tout d’abord par
« le déguisement » : il est nécessaire de proposer un accès facile et une offre étendue de
produits aux couleurs du club. Chaque club possède une boutique plus ou moins grande de
produits dérivés. Mais les jours de match, c’est la boutique qui doit venir au spectateur. Celuici n’aura en effet pas forcément envie de traverser tout le stade pour s’acheter une écharpe
dans la seule et unique boutique du club. Un dispositif spécial devrait être mis en place afin de
placer des magasins éphémères aux points stratégiques du stade. Cela amènerait un peu de
couleurs et d’animation pour l’avant-match, ainsi que des revenus supplémentaires. L’offre
doit également être large. Tout le monde n’aura pas l’idée d’acheter le maillot à 80 euros,
même s’il est facile d’accès. Un soir de match, les produits à privilégier seront les petits
goodies vendus 10 euros maximum, de qualité moindre mais permettant de se divertir tout au
long du match.
Cela facilitera d’autant plus la tenue d’animations pendant la partie. Un spectateur qui
arrive au stade en ayant pu s’acheter le petit goodies thématique, en ayant pu prendre une
bière sans avoir à attendre plus de 5 min, sera d’autant plus détendu, de bonne humeur et prêt
à encourager son équipe. Il sera alors question d’assurer par la suite au niveau des animations.
Une chose simple pourrait justement être de distribuer un petit accessoire à l’entrée des
spectateurs et de développer une animation régulièrement pendant le match grâce à cela. Nous
pouvons par exemple citer l’exemple du tournoi Paris-Bercy de handball où des masques avec
la tête du gardien de l’équipe de France Thierry Omeyer avaient été distribués. Régulièrement
pendant la partie, l’arène était remplie de sosies de notre Thierry national. Cela a fait un petit
buzz sur la toile avec de nombreuses photos prises par les spectateurs, les masques couvrant
leurs visages. Des petites actions telles que celle-ci peuvent être renouvelées plus souvent et
ajoutent une saveur particulière à la soirée.
Cela ne veut pas dire pour autant qu’il faut abandonner le traditionnel concours de
transversale, mais cela ne suffit plus aujourd’hui. Pourquoi ne pas organiser de mini concert à
la mi-temps d’un match en faisant venir une jeune star de la chanson française ou organiser un
petit temps détente avec la venue d’un humoriste. La mi-temps ne doit pas être silencieuse ni
trop éloignée des spectateurs, comme peut l’être le concours de transversale.
 Incentives et marketing
« Sachez que la base de l’Entertainment c’est le chiffre d’affaire. Pourquoi ?
Exemple : Quand vous allez chez Disney en hiver, c’est gratuit pour les enfants. Or, ce
n’est pas un acte gratuit, c’est un acte stratégique. C’est-à-dire qu’on sait que, grâce
à des bases de données (car elles ont un volume suffisant en croisant les données avec
les fast foods les boutiques etc) même si ont fait un don de 35 euros d’entrée de
Disney, le consommateur va penser que c’est un cadeau et va offrir à ses enfants
62
l’équivalent de la base de l’entrée. C’est du transfert de Chiffre d’affaire qui multiplie
le CA.
De toute façon, si le consommateur Disney n’avait pas eu cette offre, il ne serait pas
allé chez Disney et n’aurait rien consommé. Mon chiffre d’affaire marginal par
rapport à cette non promotion c’est 0$. »Nous explique Roland Louvet.
Bien que certaines promotions existent déjà dans le football français, elles ne sont pas
assez intéressantes pour produire ce genre d’effets. Il faut proposer quelque chose de fort au
consommateur qui va vraiment le pousser à venir au stade alors qu’il ne l’aurait pas fait
autrement.
On peut penser à des soirées spéciales où pour un ticket acheté, la personne reçoit un ticket
gratuit pour sa femme (ou son mari). En plus d’inciter à l’achat, cela pourrait avoir un double
avantage en amenant la gente féminine au stade qui pour l’instant fait plutôt défaut.
Il est donc important de mettre une stratégie marketing en place afin de captiver une part des
consommateurs de sport très durs à fidéliser.
Il ne suffit pas de faire une fois une activation spéciale mais bien d’avoir une stratégie sur le
long terme avec différents types d’incentives pour différents types de supporters et de
proposer quelque chose de nouveau à chaque match.
Si on en revient au coût ; il est possible de les intégrer à une stratégie globale cohérente où des
partenaires pourraient venir soutenir ces actions. Par exemple, pour 2 places achetées une
boisson offerte à la concession. Dans ce contexte, et en assumant que nous avons décidé
d’installer des prestataires externes aux clubs pour les ‘buvettes’, ce partenaire peut en grande
partie financer cette offre, cela permettant en même temps de promouvoir sa marque.
Mais toutes ces animations de marcherons que si l’on développe la stratégie de
communication qui va avec.
 Une stratégie de communication à 360° aboutissant sur la création d’une communauté
Comme le disait justement Monsieur Louvet, l’entertainment ne marchera pas si l’on ne
communique pas. Qui est au courant des pompom girls de Levallois, personne. Pour que
l’entertainment marche, il faut communiquer sur les actions menées.
Pour ce faire, le mieux sera de développer une stratégie de communication à 360°,
touchant toutes les cibles, de façons différentes et originales, mais avec un seul et même
message.
La publicité simple pour un évènement reste la base de tout. Mettre en avant les animations au
même niveau que l’évènement en lui-même peut facilement développer la notoriété de cette
stratégie.
Une bonne gestion des relations presse est également importante. Il est nécessaire de
communiquer dans la presse aussi bien quotidienne que spécialisée, en fonction des cibles
privilégiées qui se dégageront des analyses CRM. Grace à ces analyses, les messages pourront
être personnalisés et ciblés en fonction des lecteurs, afin de toucher un maximum d’entre eux.
Il est également nécessaire de ne pas négliger les relations publiques. Les clubs de football
sont énormément dépendants de leurs partenaires ainsi que des entreprises qui achètent leurs
63
loges. Leur vendre des animations avec leur package multipliera les chances d’achat. En effet,
les entreprises, lors de la réservation des loges, le font en général pour inviter leurs clients.
Proposer une valeur ajoutée au match en lui-même est toujours appréciée par les entreprises,
et il serait dommage de se priver de communiquer sur ces plus values.
Enfin, il est important de communiquer à travers les nouveaux réseaux sociaux, afin de
créer ce que l’on a appelé un sentiment de communauté. Le site du club, tweeter, facebook,
instagram,… Autant de réseaux permettant de faire participer les supporters et de créer un
sentiment d’appartenance au club. Mais cela ne se construit pas à la va vite. Une stratégie de
community management forte et précise doit être mise en place et gérée par un community
manager professionnel. Cette tâche est trop souvent laissée aux jeunes stagiaires, sous
prétexte qu’ils ont tous un compte dans chacun des réseaux sociaux cités. Mais une stratégie
de community management demande bien plus que l’expérience d’un simple utilisateur. C’est
une stratégie de communication comme une autre, qui requiert l’intervention d’une personne
spécialiste.
Bien menée, une stratégie de community management peut se révéler très puissante. Les
informations circulent à une vitesse record, et il est facile de créer un buzz autour d’une
animation qui se déroulera pendant le match. Les jeux concours sont aussi très prisés par les
internautes, et faire gagner un maillot dédicacé ne coutera jamais bien cher à un club.
Toutes ces idées ne sont qu’une infime partie de ce que les clubs peuvent dès
aujourd’hui s’atteler à développer, afin de redonner une nouvelle jeunesse à cette discipline
reine qu’est le football en France.
Conclusion
Après un travail de recherche approfondi, il est temps de tirer des conclusions sur ce
que nous avons eu le temps d’analyser et d’appréhender par rapport à l’application de
l’Entertainment dans l’élite du football français.
Le constat le plus important que nous avons fait est que nous avions surement une vision trop
optimiste de la demande. Les différentes études, et les premières que nous ayons lu d’ailleurs,
nous ont d’abord poussé à envisager que les clubs faisaient preuve d’une lacune
exceptionnelle quant à la réponse à une demande forte et présente pour de l’Entertainment.
Bien que cela ne soit pas totalement faux, ce n’est pas totalement vrai non plus.
La demande existe, et elle existe de plus en plus, mais elle reste pour l’instant moins
importante que chez nos voisins anglo-saxons ou allemands par exemple. A la vue de ce que
nous pouvons voir dans d’autres championnats, il était facile d’imaginer de faire un calque de
ce qui se faisait ailleurs et d’espérer que cela marche. Le problème est que la France a déjà
essayé de le faire en copiant, ou tout du moins en essayant de copier, le modèle anglais. Le
résultat n’a pas été si probant que cela et le club qui a le plus essayé d’intégrer ces valeurs
(l’Olympique Lyonnais) se trouve aujourd’hui dans une crise récessionniste et de dégraissage
exceptionnelle. Il n’est donc pas simple de s’accaparer cette valeur d’Entertainment, qui
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pourtant, in fine, semble être la solution bénéfique pour tous. En effet, les clubs bénéficieront
de nouvelles sources de revenus car l’entertainement entraine forcément plus de recettes
billetteries, plus de ventes de produits dérivés, et un modèle viable où le parcours du
consommateur est réfléchi et permet de ce fait d’accroitre les recettes ‘jour de match’.
De l’autre côté, le spectateur, le supporter se rapproche plus de la définition du fan, lié de
manière plus fidèle à son club qui lui propose une expérience avec une certaine valeur ajoutée
et, encore une fois si les stratégies opérées sont bien mises en place, leur procure un sentiment
de communauté dont il est difficile de se séparer.
Dans ce contexte nous arrivons dans ce cercle vertueux dont nous avons parlé qui ne
peut qu’engendrer un développement positif pour l’élite du football français et son public. Il
est grand temps que l’ambition et l’obstination pour le développement d’un tel modèle prenne
le devant. Car le client et roi et l’on n’a vu qu’il ne fallait pas le brusquer, mais le client est
parfois borné et il n’a pas toujours raison. Il faut le prendre par la main et lui montrer qu’il
existe quelque chose de plus beau au bout de cette longue route vers un spectacle expérientiel
total et tellement plus réjouissant.
Donc oui, il existe un avenir crédible pour l’entertainment dans le Football français. Il faudra
consentir à faire des efforts et des concessions en fonction de notre histoire, notre ADN, et des
facteurs clés qui régisse le sport de nos jours. Mais ce modèle semble viable si on lui donne le
temps et les outils pour réussir.
Il faut noter aussi qu’il existe aujourd’hui très peu de documentation, d’ouvrages ou
travaux de recherche sur ce sujet. Il nous a parfois été difficile de trouver des éléments
crédibles pouvant appuyer ce qu’on pouvait avoir entendu durant notre formation sportive. Il
faut communiquer sur ces sujets pour que le consommateur de sport comprenne toutes les
facettes du sport business, de l’entertainment et voir ce que cela peut lui apporter. A ce
moment-là seulement, en connaissance de cause, pourrons-nous envisager de considérer un
évènement sportif de manière consensuelle comme l’expliquait Rolland Louvet. Enfin,
pourrons-nous regarder nos voisins en face.
Finalement, Il serait intéressant de faire un travail de recherche plus approfondi sur les freins
de type politico-législatifs au développement de ce modèle, d’en comprendre la nature et voir
comment envisager un changement pour le bien du sport français. Il semble que ce soit le
point le plus urgent à traiter aujourd’hui et malheureusement, nous n’avons pu que traiter cela
comme un facteur lié au développement de l’entertainment.
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REFERENCES
Sport Statégie n° 282 : « Un stade branché pour les supporters du Real », Decembre
2011
Sport Stratégie n° 332 : « Cisco équipe les stades en haut débit », 2012
Sport stratégie n°347, « Le CRM, nouvel outil indispensable pour les acteurs
sportifs », 2012
Sport stratégie n°348, « Stades : Ce que veulent les fans », 2013
Géoéconomie : « Football, puissance, Influence », été 2010 (trimestrielle)
Article du Figaro « Taxe à 75 % : les clubs de L1 craignent un exode massif », 22
Juillet 2013
Article paru dans Le Monde « Le modèle sportif français à bout de souffle, par
Bernard Alsalem », 2008.
Le point.fr, « L’Allemagne, modèle (aussi) pour le football », 2012
L’Express, « Le business model du foot anglais est le plus abouti. Interview de
Frédéric Bolotny, economiste au centre de droit et d’économie du sport à limoges »,
2003
Cisco VNI « Forecast Results », 2011
Rapport « Accroitre la compétitivité des clubs de football professionnels français »
Eric Besson, 2008.
Ordonnance n°2004-559 : Contrats de partenariats, 17 Juin 2004
Kantar Media sport, “Global Sports Media consumption”, TV Sports Markets, 2013
Rapport de La Commission Euro 2016 : « Grands Stades », p 22-23, Novembre 2008.
Costantini & Besnier, « Rapport de la Commission Grandes Salles : Arenas 2015 »,
Mars 2010,
Bastien Drut : « Economie du Football », (Collection Repère, La Découverte), 2011
Session Ordinaire du Sénat : « Rapport sur les problèmes liés au développement
économique du football professionnel », 2004
Débat grand public : « quelle influence des médias sur les règles du jeu sportif ? », 22
octobre 08, Réseau sport 64 – Centre départemental Nelson Paillou
Site du Tour de France
Exemple : http://news.fr.msn.com/sport/france-allemagne-on-a-testé-pour-vous-lestade-de-france?page=10 : bien regarder les réactions des internautes en
commentaires.
www.definitions-marketing.com
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